M. le président. L'amendement n° 441, présenté par M. Raoul, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Massion, Pastor, Repentin, Sueur, Yung, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article 1er de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, après le mot :

Sénat

insérer les mots :

, le Président du Conseil économique et social

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Il s’agit de permettre au président du Conseil économique et social de saisir le Conseil supérieur de la statistique, ce qu’il n’est pas autorisé à faire actuellement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est tout à fait défavorable aux amendements nos 477 et 441.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 477 et 441, et un avis favorable sur l'amendement n° 23 rectifié.

Au sein de l’Union européenne, la France est l’un des seuls pays à ne pas avoir encore inscrit l’indépendance de ses services statistiques en droit positif.

L'adoption de l’amendement n° 23 rectifié comblera cette lacune. Le principe d’indépendance concernera tous les services de la statistique, qu’il s’agisse de l’INSEE, dont personne aujourd'hui ne remet en cause la qualité des services, de la DARES ou des services statistiques qui se trouvent dans certains ministères.

Grâce à cette Autorité de la statistique publique, composée de neuf membres dont la désignation a été précisée par le M. le rapporteur, la France se dotera d’un organisme véritablement autonome, qui ne présentera aucun lien de consanguinité avec l’INSEE ou le CNIS : il sera indépendant à la fois dans sa constitution, dans sa composition et dans son fonctionnement. Je reprends devant la Haute Assemblée l’engagement que j’ai pris devant l'Assemblée nationale : cette institution n’aura aucune ligne budgétaire particulière, ne disposera d’aucune prérogative la détournant de sa vocation première, qui est d’émettre des avis et de garantir l’indépendance des services statistiques.

Pour répondre à votre interrogation, monsieur le rapporteur, j’ajoute qu’Eurostat est en train de créer une instance pratiquement similaire à celle que vise à mettre en place l’amendement n° 23 rectifié, afin de garantir l’indépendance des services statistiques européens de manière beaucoup plus rigoureuse encore.

M. Philippe Marini, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 477.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 23 rectifié.

Mme Nicole Bricq. Je ne reviens pas sur le dispositif proposé par la commission spéciale. La discussion qui aura lieu à ce propos entre les sénateurs et les députés en commission mixte paritaire ne manquera pas d’être fort intéressante !

Monsieur le rapporteur, en matière d’intérêts corporatistes, depuis hier soir,…

Mme Odette Terrade. On n’a que ça !

Mme Nicole Bricq. …un grand nombre d’amendements ont été examinés et acceptés par le Gouvernement, donnant satisfaction à de nombreuses catégories professionnelles.

Dispensez-vous de vos leçons sur le corporatisme, s’il vous plaît !

M. Philippe Marini, rapporteur. Vous promettez de faire fi de tout corporatisme d’ici à la fin des débats ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 38 est ainsi rédigé, et l'amendement n° 441 n'a plus d'objet.

Article 38 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'économie
Article 39 (priorité) (début)

Article 38 bis (priorité)

Dans le troisième alinéa de l'article L. 1411-8 et le deuxième alinéa de l'article L. 2132-3 du code de la santé publique, le premier alinéa de l'article 7 et le premier alinéa de l'article 7 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 précitée, les mots : « national de l'information » sont remplacés par les mots : « supérieur de la ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 24 est présenté par M. Marini, au nom de la commission.

L'amendement n° 478 est présenté par Mmes Beaufils, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 24.

M. Philippe Marini, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de suppression technique.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 478.

Mme Odette Terrade. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 478.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 38 bis est supprimé.

TITRE IV (priorité)

MOBILISER LES FINANCEMENTS POUR LA CROISSANCE

CHAPITRE IER (priorité)

Moderniser le livret A

Article 38 bis (priorité)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'économie
Article 39 (priorité) (interruption de la discussion)

Article 39 (priorité)

I. - La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier est ainsi rédigée :

« Section 1

« Le livret A

« Art. L. 221-1. - Le livret A peut être proposé par tout établissement de crédit habilité à recevoir du public des fonds à vue et qui s'engage à cet effet par convention avec l'État.

« Art. L. 221-2. - L'établissement de crédit mentionné à l'article L. 518-25-1 ouvre un livret A à toute personne mentionnée à l'article L. 221-3 qui en fait la demande.

« Art. L. 221-3. - Le livret A est ouvert aux personnes physiques, aux associations mentionnées au 5 de l'article 206 du code général des impôts et aux organismes d'habitations à loyer modéré.

« Les mineurs sont admis à se faire ouvrir des livrets A sans l'intervention de leur représentant légal. Ils peuvent retirer sans cette intervention les sommes figurant sur les livrets ainsi ouverts, mais seulement après l'âge de seize ans révolus et sauf opposition de la part de leur représentant légal.

« Une même personne ne peut être titulaire que d'un seul livret A.

« Art. L. 221-4. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'ouverture et de fonctionnement du livret A.

« Les versements effectués sur un livret A ne peuvent porter le montant inscrit sur le livret au-delà d'un plafond fixé par le décret prévu à l'alinéa précédent.

« Le même décret précise les montants minimaux des opérations individuelles de retrait et de dépôt pour les établissements qui proposent le livret A et pour l'établissement de crédit mentionné à l'article L. 518-25-1.

« Le même décret fixe les modalités de clôture du livret A.

« Art. L. 221-5. - Une quote-part du total des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable régi par l'article L. 221-27 par les établissements distribuant l'un ou l'autre livret est centralisée par la Caisse des dépôts et consignations dans le fonds prévu à l'article L. 221-7.

« Le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du livret A et du livret de développement durable est fixé de manière à ce que les ressources centralisées sur ces livrets dans le fonds prévu à l'article L. 221-7 soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice du logement social et de la politique de la ville par la Caisse des dépôts et consignations au titre de ce même fonds, affecté d'un coefficient multiplicateur égal à 1,25.

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, précise les conditions de mise en œuvre des deux alinéas précédents.

« Les ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable et non centralisées en application des alinéas précédents sont employées par ces établissements au financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, ainsi qu'au financement des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens. Les dépôts dont l'utilisation ne satisfait pas à cette condition sont centralisés à la Caisse des dépôts et consignations.

« Les établissements distribuant le livret A ou le livret de développement durable rendent public annuellement un rapport présentant l'emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées.

« Ces établissements fournissent, une fois par trimestre, au ministre chargé de l'économie, une information écrite sur les concours financiers accordés à l'aide des ressources ainsi collectées.

« La forme et le contenu des informations mentionnées aux deux alinéas précédents sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie.

« Art. L. 221-6. - Les établissements distribuant le livret A et ceux distribuant le livret de développement durable perçoivent une rémunération en contrepartie de la centralisation opérée. Ses modalités de calcul sont fixées par décret en Conseil d'État, après avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

« L'établissement de crédit mentionné à l'article L. 518-25-1 perçoit une rémunération complémentaire au titre des obligations spécifiques qui lui incombent en matière de distribution et de fonctionnement du livret A. Les modalités de cette compensation sont fixées par décret en Conseil d'État.

« La rémunération et la rémunération complémentaire mentionnées aux deux alinéas précédents sont supportées par le fonds prévu à l'article L. 221-7.

« Art. L. 221-7. - I. - Les sommes mentionnées à l'article L. 221-5 sont centralisées par la Caisse des dépôts et consignations dans un fonds géré par elle et dénommé fonds d'épargne.

« II. - La Caisse des dépôts et consignations, après accord de sa commission de surveillance et après autorisation du ministre chargé de l'économie, peut émettre des titres de créances au bénéfice du fonds.

« III. - Les sommes centralisées en application de l'article L. 221-5 ainsi que, le cas échéant, le produit des titres de créances mentionnés au II du présent article, sont employés en priorité au financement du logement social. Une partie des sommes peut être utilisée pour l'acquisition et la gestion d'instruments financiers définis à l'article L. 211-1.

« IV. - Les emplois du fonds d'épargne sont fixés par le ministre chargé de l'économie. La commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations présente au Parlement le tableau des ressources et emplois du fonds d'épargne visé au présent article pour l'année expirée.

« Art. L. 221-8. - Les opérations relatives au livret A sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l'inspection générale des finances.

« Art. L. 221-9. - Il est créé un observatoire de l'épargne réglementée chargé de suivre la mise en œuvre de la généralisation de la distribution du livret A, notamment son impact sur l'épargne des ménages, sur le financement du logement social et sur le développement de l'accessibilité bancaire.

« Les établissements de crédit fournissent à l'observatoire les informations nécessaires à l'exercice de sa mission.

« Un décret en Conseil d'État précise l'organisation et le fonctionnement de l'observatoire, ainsi que la liste et la périodicité des informations que les établissements distribuant le livret A lui adressent.  L'observatoire de l'épargne réglementée remet un rapport annuel au Parlement et au Gouvernement sur la mise en œuvre de la généralisation de la distribution du livret A. »

II. - Après l'article L. 518-25 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 518-25-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 518-25-1. - I. - Un établissement de crédit, dont La Poste détient la majorité du capital, reçoit les dépôts du livret A, dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II.

« II. - L'État et cet établissement de crédit concluent une convention qui précise les conditions applicables à cet établissement pour la distribution et le fonctionnement du livret A.

« III. - La Poste et ce même établissement de crédit concluent une convention, dans les conditions prévues à l'article L. 518-25, qui précise les conditions dans lesquelles tout déposant muni d'un livret A ouvert auprès de cet établissement peut effectuer ses versements et opérer ses retraits dans les bureaux de poste dûment organisés à cet effet. »

III. - Le 7° de l'article 157 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 7° Les intérêts des sommes inscrites sur les livrets A ainsi que ceux des sommes inscrites sur les comptes spéciaux sur livret du Crédit mutuel ouverts avant le 1er janvier 2009 ; ».

IV. - Le 2° de l'article 1681 D du même code est ainsi rédigé :

« 2° Un livret A, sous réserve que l'établissement teneur du livret le prévoie dans ses conditions générales de commercialisation, ou un livret A ou un compte spécial sur livret du Crédit mutuel relevant du 2 du I de l'article 40 de la loi n°           du                      de modernisation de l'économie ».

V. - L'article L. 221-27 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après les mots : « ce livret », la fin de la dernière phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « sont employées conformément à l'article L. 221-5. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Les versements effectués sur un livret de développement durable ne peuvent porter le montant inscrit sur le livret au-delà d'un plafond fixé par voie réglementaire. »

VI. - Le même code est ainsi modifié :

1° Le 2° de l'article L. 112-3 est ainsi rédigé :

« 2° Les livrets A définis à l'article L. 221-1 ; »

2° Le 4° du même article L. 112-3 est ainsi rédigé :

« 4° Les livrets de développement durable définis à l'article L. 221-27 ; »

3°   L'article L. 221-28 est abrogé.

VI bis. - Dans le 9° quater de l'article 157 du code général des impôts, les références : « aux articles L.221-27 et L. 221-28 » sont remplacées par la référence: « à l'article L. 221-27 ».

VII. - La section 8 du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier est complétée par un article L. 221-38 ainsi rédigé :

« Art. L. 221-38. - L'établissement qui est saisi d'une demande d'ouverture d'un produit d'épargne relevant du présent chapitre est tenu de vérifier préalablement à cette ouverture si la personne détient déjà ce produit. Il ne peut être procédé à l'ouverture d'un nouveau produit si la personne en détient déjà un. Un décret en Conseil d'État précise les modalités de cette vérification. »

VIII. - Le VII de la section 2 du chapitre III du titre II du livre des procédures fiscales est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Prévention de la multi-détention de produits d'épargne générale à régime fiscal spécifique

« Art. L. 166 A. - À l'occasion de l'ouverture d'un produit d'épargne relevant du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier, l'administration fiscale transmet, sur demande, à l'établissement mentionné à l'article L. 221-38 du même code, les informations indiquant si le demandeur est déjà détenteur de ce produit. »

IX. - L'article L. 312-1 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du deuxième alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« En cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la Banque de France afin qu'elle lui désigne un établissement de crédit à proximité de son domicile ou d'un autre lieu de son choix, dans un délai d'un jour ouvré à compter de la réception des pièces requises. L'établissement de crédit qui a refusé l'ouverture d'un compte informe le demandeur que celui-ci peut demander à la Banque de France de désigner un établissement de crédit pour lui ouvrir un compte, en prenant en considération les parts de marché de chaque établissement concerné. Il lui propose, s'il s'agit d'une personne physique, d'agir en son nom et pour son compte en transmettant la demande de désignation d'un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations requises pour l'ouverture du compte. » ;

2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« L'association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, mentionnée à l'article L. 511-29, adopte une charte d'accessibilité bancaire afin de renforcer l'effectivité du droit au compte. Cette charte précise les délais et les modalités de transmission par les établissements de crédit à la Banque de France des informations requises pour l'ouverture d'un compte. Elle définit les documents d'information que les établissements de crédit doivent mettre à disposition de la clientèle et les actions de formation qu'ils doivent réaliser.

« La charte d'accessibilité bancaire, homologuée par arrêté du ministre chargé de l'économie, après avis du comité consultatif du secteur financier et du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières, est applicable à tout établissement de crédit. Le contrôle du respect de la charte est assuré par la commission bancaire et relève de la procédure prévue à l'article L. 613-15. »

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous entamons l’examen d’un titre important, qui porte sur un sujet suscitant les passions.

Le 10 mai 2007, au nom des règles de concurrence fixées par les traités, la Commission européenne a donné à la France un délai de neuf mois pour réformer en profondeur le mode de distribution du livret A et du livret bleu, qui est aujourd'hui attribué à la Banque Postale, aux Caisses d’épargne et au Crédit mutuel.

Cette décision, bien au-delà de ses effets sur les équilibres économiques des établissements concernés, est susceptible d’affecter de manière grave et définitive la cohésion sociale dont le Gouvernement est le garant devant les Français.

Depuis sa création en 1818, le livret A, qui compte 45 millions de titulaires, est le symbole de l’épargne populaire. Tous les gouvernements qui se sont succédé se sont attachés à préserver son mode de distribution, ainsi que le mode de centralisation de ses fonds, confiée à la Caisse des dépôts et consignations. Ils l’ont fait au nom de deux impératifs majeurs et incontournables : le financement du logement social cofinancé à 80 % par le livret A et la lutte contre l’exclusion bancaire.

Dans son rapport 2007 sur l’état du mal-logement en France, la Fondation Abbé-Pierre estime à 5 963 145 le nombre total de « personnes en situation de réelle fragilité à court ou moyen terme ». L’Union sociale pour l’habitat, qui rassemble l’ensemble du mouvement HLM, estime, au 31 août 2007, que plus d’un million de demandes de logement HLM sont en attente en France métropolitaine.

Aujourd’hui, environ 10 millions de personnes résident dans le parc HLM et acquittent, en moyenne, des loyers deux fois moins élevés que dans le secteur privé. Il est prévu que le financement du plan Borloo de relance du logement social repose à 80 % sur les fonds collectés par le livret A.

D’une manière générale, les Français continuent de vivre une situation de crise en matière de logements : logements chers à la location comme à l’achat, ségrégation, difficultés d’accès au logement, personnes sans-abri…

Par ailleurs, à défaut de chiffrage officiel, on estime couramment, depuis le débat législatif sur la mise en place de la procédure de rétablissement personnel, en 2004, que l’exclusion bancaire touche environ 5 millions de personnes dans notre pays. Or le livret A représente par excellence le dernier outil de lutte contre l’exclusion bancaire. En l’absence de tout dispositif légal de service universel bancaire gratuit, les populations les plus démunies et souvent âgées – exclus, bénéficiaires de minima sociaux, travailleurs émigrés, etc. –utilisent leur livret A pratiquement quotidiennement pour effectuer leurs opérations financières.

Produit d’épargne populaire sans équivalent à l’échelon international, le livret A a fait la preuve de sa solidité depuis des décennies. En 190 ans d’existence, il n’a jamais spolié aucun épargnant. Il est le moins coûteux, en Europe, pour les finances publiques. Une déstabilisation du système aurait un impact négatif sur les finances publiques nationales et locales ainsi que sur l’offre de logement social.

En cas de banalisation du livret A, la plupart des établissements financiers chercheraient à capter les bons clients et à décourager les autres, aux dépens des réseaux déjà actifs qui conserveraient la seule clientèle sociale. Leur objectif serait de siphonner les fonds du livret A au profit de placements plus profitables. Cette hypothèse inacceptable est pourtant très vraisemblable ! De plus, le secteur bancaire ne manquerait pas de contester le système de centralisation auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

M. Jean Desessard. Absolument !

Mme Odette Terrade. À cet égard, le CODEVI constitue un précédent très éclairant : seuls 6 % des fonds collectés aujourd’hui sont aujourd'hui centralisés par la Caisse des dépôts et consignations !

Dès lors, le système de financement du logement social, tel que nous le connaissons aujourd’hui, aurait vécu : il serait entièrement entre les mains des banques. Des établissements financiers, à la santé déjà très florissante, seraient alors en capacité d’imposer leurs conditions aux organismes d’HLM chargés d’assurer dans de bonnes conditions le logement de la fraction la plus modeste et la plus vulnérable de la population.

La Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, présidée par M. Michel Bouvard, député UMP de Savoie, a rendu publique sa position le 27 septembre 2006 : « S’agissant de la distribution du livret A et de la question de sa banalisation, une telle décision est du ressort des pouvoirs publics. La Commission de surveillance estime pour sa part que les nouveaux réseaux collecteurs pourraient être amenés à proposer aux détenteurs du livret A d’autres produits financiers. Elle juge ce risque comme très sérieux. En définitive, les fonds centralisés à la Caisse des dépôts pourraient progressivement ne plus permettre d’assurer le financement du logement social. »

M. le président. Veuillez conclure, madame Terrade.

Mme Odette Terrade. Outre des parlementaires de la majorité et de l’opposition, la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations est notamment composée de magistrats issus du Conseil d’État et de la Cour des Comptes, du Gouverneur de la Banque de France et du directeur du Trésor au ministère de l’économie, des finances et de l’emploi.

La mission sur le livret A, confiée par le Premier ministre au groupe de travail présidé par Michel Camdessus, n’est de toute évidence pas de nature à écarter le risque d’implosion du système du financement du logement social. Cette mission ayant notamment pour objectif la modernisation de la distribution du livret A et des circuits de financement du logement social, elle peut donc envisager d’accompagner la banalisation.

M. le président. C’est terminé, madame !

La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.

Mme Nicole Bricq. Avant que nous engagions la discussion des amendements déposés sur cet article, je tiens à exposer les quatre principes qui sous-tendent les amendements déposés par le groupe socialiste, afin que ces derniers ne soient pas mal interprétés.

Premièrement, la libéralisation du livret A est conduite dans une précipitation dangereuse.

M. Philippe Marini, rapporteur. Cela fait des années que cela aurait dû être fait ! Que ne l’avez-vous fait plus tôt !

Mme Nicole Bricq. Il s’agit en effet d’une épargne réglementée dont l’importance quantitative, l’attachement que lui portent les Français, la destination – le logement social –, la sécurisation par la Caisse des dépôts et consignations en font un élément consubstantiel à ce que je n’hésite pas à appeler le « vivre ensemble » en France.

Deuxièmement, cette libéralisation procurera des avantages indus aux banques nouvelles entrantes, au travers d’une rémunération forfaitaire élevée et sans contrepartie.

Troisièmement, la décentralisation des fonds collectés outrepasse la demande de la Commission européenne, et l'article 39, tel qu’il nous est proposé, ne garantit pas la couverture des besoins en logements sociaux dans la durée.

Quatrièmement, cette libéralisation se fait dans un contexte de crise financière et de resserrement du crédit – la Banque centrale européenne a augmenté aujourd'hui même les taux directeurs d’un quart de point –, ainsi que de recul du pouvoir d'achat qui pénalisera les plus pauvres : certains pourraient se voir rejetés de l’accessibilité bancaire et ceux qui seraient « bancarisés » pourraient se voir « débancarisés ».

C’est à la lumière de ces quatre principes que doivent être appréhendés tous les amendements déposés par le groupe socialiste.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, sur l'article.

M. Thierry Repentin. Cet article 39 a de fortes conséquences. Ainsi, depuis 150 ans, 80 % des logements sociaux ont été construits grâce au livret A. De plus, ce texte concerne près des deux tiers des Français qui détiennent un livret de ce type. Et aujourd’hui, tel qu’il est rédigé, il aura pour effet tant de fragiliser le système de financement du logement social que de remettre en cause le droit au compte des plus fragiles de nos concitoyens.

Comme je l’avais exposé lors de la discussion générale, la fin de la centralisation totale, que vous prenez l’initiative de proposer, ne constitue ni plus, ni moins, qu’une largesse faite aux banques. Et, contrairement à ce que l’on peut entendre ces temps-ci, ce point est loin d’être une simple question de clivage politique. Nous sommes nombreux, de tendances politiques très différentes, à regretter cette mesure, qui ne peut être comprise que comme telle. Ce point de vue est partagé tant par des parlementaires, que par des responsables associatifs et des élus locaux, de toutes sensibilités politiques. Nous avons d’ailleurs été nombreux à signer l’appel de l’Union sociale pour l’habitat, qui a exprimé ses craintes relatives à la pérennité du financement du logement social, craintes confirmées par certains grands banquiers.

Comment comprendre autrement que comme une aide financière de l’État le fait de laisser aux banques privées la libre disposition d’une épargne défiscalisée, dans une proportion pouvant atteindre jusqu’à 60 milliards d’euros ? Neelie Kroes, commissaire européen chargé de la concurrence, a elle-même reconnu que c’était une véritable question pour la Commission européenne, qui, contrairement à ce qu’affirme Bercy, n’a pas été consultée sur cette proposition de la réforme. Il n’est pas inutile de rappeler que, dans la décision visant à la banalisation de la distribution, la Commission avait bel et bien validé le principe de centralisation à 100 % à la Caisse des dépôts et consignations.

Il nous paraît très risqué de laisser 30 % de la collecte à la disposition des banques, alors que, jusqu’à présent, ces mêmes 30 % servaient à la Caisse des dépôts et consignations pour équilibrer les comptes des 70 % prêtés aux organismes de logement social. Ces 30 % ne bénéficieront plus de la garantie de l’État, ce qui implique que cette part des sommes placées par les détenteurs du livret A sera mise en jeu, à la guise des banques, sur n’importe quelle opération, y compris les plus risquées.

Mettre fin à la centralisation et, ainsi, soumettre le financement du logement social aux aléas du marché, voilà qui nous promet des temps difficiles ! Si le niveau d’encours se trouvait menacé, de deux choses l’une : soit il faudrait recourir à l’endettement des collectivités territoriales ou de l’État, soit il faudrait faire appel de façon accrue aux marchés financiers, ce qui signifie une hausse des taux d’intérêt pour les organismes d’HLM, un raccourcissement de la durée des prêts, et donc une augmentation inévitable des loyers dans le parc HLM.

C’est pour éviter un tel scénario que nous avons déposé plusieurs amendements de repli tendant au moins à inscrire le taux minimum de 70 % de centralisation, que vous annoncez sans pour autant le faire figurer dans le projet de loi, et à relever le coefficient multiplicateur minimum à 1,33.

Ces amendements sont les garanties les plus minimes que nous nous devons d’apporter pour éviter une remise en cause trop importante du financement du logement social.

C’est aussi pour cette raison que nous vous proposerons d’augmenter le plafond du livret A. Cette hausse permettrait aussi d’accroître l’épargne sur livret et de garantir une hausse des encours à disposition des politiques publiques de l’habitat.

Nous souhaitons votre soutien à l’égard de cette série de propositions, ce qui marquerait votre attachement à l’intérêt général en le plaçant au-dessus des intérêts d’établissements bancaires qui vont voir leurs profits s’accroître grâce à l’épargne des détenteurs d’un livret A.

C’est d’ailleurs ce qui expliquerait votre décision de rémunérer les banques sur les fonds destinés au logement social, alors qu’elles auront largement de quoi se rétribuer avec les 30 % que vous voulez leur laisser.

Dans le texte qui nous est proposé, vous justifiez cette rémunération par les transferts de centralisation. Or, la centralisation ne va rien coûter aux banques. Seules les opérations aux guichets sont coûteuses ; cette rémunération devrait donc se faire au prorata des opérations effectuées sur livret. C’est en ce sens que va l’un de nos amendements.

De plus, vous faites ce choix au moment où d’autres investissements seront sûrement nécessaires et bien plus pertinents. Par exemple, nous savons tous que la banalisation risque d’avoir un impact clairement négatif sur le réseau de points de contact de La Poste situés, notamment, en zone rurale ou dans les quartiers les plus difficiles, parce que le produit net bancaire de cet établissement dépend fortement de son duopole de la collecte sur le livret A. Mais sur ce point, nous ne partageons sans doute pas les mêmes priorités.

D’autre part, en obligeant la seule Banque Postale à accepter toute demande d’ouverture de livret, l’article 39 la destine à être la « banque des pauvres », alors que les autres banques pourront sélectionner les clients « dignes » d’ouvrir un compte chez elles. C’est d’autant plus paradoxal que cela signifie que ces mêmes banques, alors qu’elles ont voulu la banalisation du livret A, ne seront pas tenues d’ouvrir un tel livret à tout client potentiel en faisant la demande. Cela se confirme, puisque vous avez déclaré que vous envisagiez, pour ceux qui se servent du livret A comme d’un compte courant, de mettre en place un dispositif « spécial » d’accessibilité bancaire. Mais cette mesure, si elle entrait en application, ne ferait qu’entériner la discrimination entre les détenteurs de livrets confortables et modestes.

Mesdames les ministres, il ne vous reste plus qu’à nous démontrer, en émettant un avis favorable sur certains des amendements que nous allons vous présenter, que, comme nous, vous êtes attachées à la vocation sociale et à la préservation de l’équilibre du livret A. Si vous agissez ainsi, madame le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, vous enverrez un signal fort à Mme le ministre du logement et de la ville, comme aux 1 400 000 demandeurs de logements sociaux, auxquels je pense plus particulièrement, et vous contribuerez à la construction des 900 000 logements qui manquent aujourd’hui pour héberger la totalité de nos concitoyens.