Article 21
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 23

Article 22

L'article 48 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 48. - Sans préjudice de l'application des trois derniers alinéas de l'article 28, l'ordre du jour est fixé par chaque assemblée.

« Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour.

« En outre, l'examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant, des textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d'autorisation visées à l'article 35 est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l'ordre du jour par priorité.

« Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l'ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques.

« Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l'initiative des groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'à celle des groupes minoritaires.

« Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l'article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. »

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les règlements des assemblées garantissent une juste représentation de l'ensemble des groupes parlementaires au sein de la conférence des présidents, dont les travaux sont publics.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 22 du projet de loi constitutionnelle traite d’une question importante, mise en avant par la communication gouvernementale, à savoir la fixation de l’ordre du jour des assemblées parlementaires.

Initialement, l’Assemblée nationale avait retenu que l’ordre du jour serait fixé dans chaque assemblée par la conférence des présidents.

Au Sénat, lors de la première lecture, la commission a fait adopter un amendement précisant que l’ordre du jour serait fixé par chaque assemblée. L’Assemblée nationale s’est finalement rangée à l’avis du Sénat.

Ce faisant, vous voulez faire croire que l’ordre du jour sera à l’avenir fixé par chaque assemblée, ce qui marquerait un renforcement des pouvoirs du Parlement, puisqu’il aurait désormais la maîtrise de son ordre du jour.

En réalité, même si la référence explicite à la conférence des présidents a disparu de cet article 22, on sait bien que celle-ci jouera un rôle dans la fixation de l’ordre du jour.

Le texte constitutionnalise, ce qui est nouveau, la conférence des présidents, laquelle est mentionnée dans la nouvelle rédaction de l’article 45.

Nous considérons, pour notre part, que ce n’est pas une avancée, puisque les règles de composition des conférences des présidents, en particulier celle du Sénat, amplifient considérablement le fait majoritaire et écartent tout droit réel des groupes parlementaires de l’opposition.

Au Sénat, le rapport de force entre l’opposition et la majorité est de 40-60 ; au sein de la conférence des présidents, ce rapport est de 25-75. C’est pourquoi nous proposons de changer radicalement sa composition et son mode de fonctionnement et de l’inscrire dans notre loi fondamentale.

Concernant, en premier lieu, sa composition, il apparaît de plus en plus inconcevable de conserver une telle amplification du fait majoritaire au sein de cette instance.

Pourquoi ne pas mettre en place, ce qui serait la moindre des choses, une représentation proportionnelle de la majorité et de l’opposition ?

Compte tenu du rôle essentiel qu’elle aura, vous ne pouvez pas vous contenter de « constitutionnaliser » la conférence des présidents sans la démocratiser, en tout cas sans la rendre conforme au rapport de force dans chacune des assemblées.

Concernant, en second lieu, le fonctionnement de la conférence des présidents, nous considérons qu’il doit lui aussi changer. Les débats doivent y être organisés et, surtout, la transparence doit y être instaurée. Personne ne sait ce qui se dit au sein de la conférence des présidents. C’est encore plus vrai aujourd’hui.

Demain, aux termes de la présente réforme, cette instance devra prendre un certain nombre de décisions. Il est donc inacceptable que ses travaux ne soient pas publics, à tout le moins qu’ils ne fassent pas l’objet d’un compte rendu public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous entendez constitutionnaliser la conférence des présidents telle qu’elle est !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 71, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer les deuxième et troisième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Gouvernement prétend donner de nouveaux droits au Parlement. Ce qui nous est présenté comme un bouleversement et un risque très important est en réalité très maîtrisé. En effet, en contrepartie d’une distribution de l’ordre du jour entre le Premier ministre et le Parlement, au profit, rappelons-le, de la majorité, le Gouvernement s’assure une maîtrise quasi totale du déroulement des débats législatifs.

Désormais, si ce texte est adopté, seront actés dans la Constitution tous les cas de figure, et ils sont nombreux, où le Gouvernement pourra fixer l’ordre du jour : au moins deux semaines par mois ainsi que lors de l’examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets de loi relatifs aux états de crise, etc.

Bref, une fois que ce texte sera adopté, il sera impossible aux deux chambres de modifier leur propre règlement intérieur.

Il nous paraît paradoxal de prétendre renforcer les droits des deux assemblées et, dans le même temps, d’exercer toujours plus de contraintes sur les parlementaires.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de ces nouvelles mesures.

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :

, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé,

et remplacer le mot :

il

par les mots :

le Gouvernement

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous revenons encore une fois sur la manière savante dont il est prévu de fixer l’ordre du jour.

Évidemment, il serait difficile de reculer par rapport à la situation actuelle, car, en l’occurrence, les droits des parlementaires sont réduits à leur plus simple expression. En effet, l’ordre du jour est exclusivement fixé par le Premier ministre. Seule une séance est réservée à l’initiative parlementaire, séance dont nous avons pu mesurer toutes les limites au Sénat depuis longtemps.

Le groupe CRC bénéficie d’une initiative parlementaire par an. Cependant, il faut le savoir, les propositions parlementaires doivent être courtes et porter sur un sujet très limité.

En théorie, le projet de loi constitutionnelle prévoit de partager l’ordre du jour entre le Premier ministre et les présidents des groupes parlementaires. Toutefois, la rédaction particulièrement floue de cet article 22 modifie considérablement le discours.

Le dispositif dédié à l’organisation de l’ordre du jour inclut aussi les « débats ». Cela nous semble inquiétant compte tenu de l’évolution globale qui se dessine : moins de séances publiques et plus de travail en commission. Combien de jours seront vraiment consacrés au travail législatif en séance publique ? Mystère ! Ne prépare-t-on pas une organisation mensuelle favorisant à l’extrême le travail de la commission pour limiter le débat en séance sur les projets ou propositions de loi ?

Par ailleurs, vous limitez d’emblée le travail législatif des parlementaires à trois semaines par mois, dont une sera laissée facultativement à la disposition des assemblées.

Enfin, sous couvert d’ouverture de nouveaux droits pour les assemblées, le projet de loi constitutionnelle conférera encore plus de pouvoirs au parti du Président.

Si la réforme est votée, l’ordre du jour sera fixé à hauteur de quinze jours par le Premier ministre, de quatorze jours par le chef des députés UMP, et seulement de un jour par celui des députés de l’opposition. Il s’agit non pas d’un pouvoir gagné par le Parlement, mais d’un pouvoir supplémentaire pour le parti du Président !

Pour ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter notre amendement qui vise à rendre la maîtrise de leur ordre du jour aux assemblées, sans ambiguïté ni ambivalence.

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, supprimer les mots :

et aux débats

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les véritables pouvoirs des parlementaires ne représenteront pas grand-chose puisque leur droit d’amendement et de débattre seront réduits.

La preuve en est cet alinéa de l’article 22 du projet de loi constitutionnelle, aux termes duquel deux semaines de séance sur quatre seront réservées, par priorité et dans l’ordre que le Gouvernement aura fixé, à l’examen des textes mais aussi aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour.

Le temps du débat public est réduit et, de surcroît, le Gouvernement nous propose d’inclure, dans les deux petites semaines qui y seront consacrées, les débats – on ne sait d’ailleurs pas très bien de quels débats il s’agira. Nous ne pouvons que nous en inquiéter.

Le risque n’est-il pas que le Parlement devienne une chambre où se multiplieront les débats non législatifs. Il y aura les résolutions, à condition que le Gouvernement estime qu’elles ne le dérangent pas, et des débats non législatifs dont on ne connaît pas exactement l’utilité. Cela viendrait en tout cas conforter les dispositions du projet de loi renforçant le travail en commission et la restriction du droit d’amendement et du débat public.

Deux semaines consacrées aux projets de loi, c’est très court. Mais y inclure les débats dépourvus de portée politique relève de la provocation à l’égard des parlementaires. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de ces débats des deux semaines de séance publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons déjà longuement débattu de toutes ces propositions sur lesquelles je réitère l’avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution :

« Le Parlement consacre au moins le quart du temps de la session ordinaire au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 128, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution :

« Une semaine de séance sur quatre est réservée à l'initiative des groupes parlementaires et répartie conformément à la règle de la proportionnalité.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Nous avons déjà présenté cet amendement en première lecture. M. le président de la commission des lois nous avait alors proposé une construction ingénieuse.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vous remercie.

M. Bernard Frimat. Elle n’a pas survécu !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Hélas !

M. Bernard Frimat. L’Assemblée nationale est peu ou prou revenue à sa position initiale.

Là encore, le progrès est plus apparent que réel. En effet, il sera loisible au Gouvernement de déborder de son ordre du jour, sachant que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale seront inscrits à l’ordre du jour par priorité.

La partie restante de l’ordre du jour sera dans les mains de la majorité de l’assemblée. Les droits de l’opposition, qui, à l’origine, étaient censés animer et magnifier cette révision constitutionnelle, sont aujourd’hui passés par pertes et profits. En effet, nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 24, une malheureuse journée par mois est réservée à un ordre du jour arrêté par tous les groupes, y compris les groupes minoritaires, mais à l’exception du groupe majoritaire de la majorité.

C’est la portion congrue, mais cela colle assez bien avec cette fausse revalorisation des droits du Parlement que vous vous ingéniez à faire passer pour vraie.

Nous voulons véritablement que le Parlement joue son rôle, dans le pluralisme et la diversité si chers à M. Michel Mercier. Aussi, et afin de marquer notre différence, nous proposons qu’une semaine sur quatre soit réservée à l’initiative des groupes parlementaires et répartie à la proportionnelle. Ainsi, chaque groupe, qu’il soit minoritaire ou majoritaire, pourra véritablement s’exprimer dans un temps qui sera raisonnable.

Mes chers collègues, je suis persuadé que mon argumentation vous aura convaincus. Si j’ai raison, cela va nous poser de nombreux problèmes pour l’organisation de la suite de nos travaux.

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 48 de la Constitution, remplacer les mots :

Un jour de séance par mois est réservé

par les mots :

Trois jours de séance par mois sont réservés

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons déjà présenté cet amendement en première lecture, mais je suis persuadée que, compte tenu des propos du Président de la République parus dans la presse, vous allez le considérer différemment. En effet, le Président de la République a déclaré qu’il était favorable à un temps de parole égal entre la majorité et l’opposition. Nous n’en demandions pas tant !

M. Robert Bret. Il est trop généreux !

M. Christian Cointat. C’est un cadeau !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, ce propos n’engage que lui-même, mais mon amendement va désormais vous paraître bien timoré.

Le projet de loi initial prévoyait de réserver une séance par mois à un ordre du jour arrêté par la conférence des présidents à l’initiative des groupes parlementaires qui ne déclarent pas soutenir le Gouvernement.

En première lecture, l’Assemblée nationale a souhaité préciser que cette séance serait réservée aux groupes parlementaires qui ne disposent pas de la majorité au sein de cette dernière. Cela devient compliqué, car ici même, aucun groupe n’a la majorité.

Le Sénat, sur l’initiative de notre rapporteur, a quant à lui décidé d’introduire les notions de groupes d’opposition et de groupes minoritaires – en l’occurrence, on peut penser qu’il s’agit de groupes minoritaires au sein de la majorité – sans pour autant revenir sur le nombre de jours réservés à l’initiative parlementaire de l’opposition. C’est la portion congrue pour l’opposition. Nous en restons quasiment à la situation actuelle, c’est-à-dire un jour par mois.

Notre amendement vise donc à renforcer l’initiative parlementaire des groupes n’appartenant pas à la majorité, c’est-à-dire – c’est clair – de ceux qui sont dans l’opposition, qui expriment un vote d’opposition.

Le projet de loi ne comporte en effet aucune révolution majeure par rapport à la situation actuelle. Pire, avec la rédaction retenue par la majorité, le temps réservé à l’opposition pourrait encore être amputé par les droits accordés aux groupes minoritaires.

Rien ne garantit non plus qu’il s’agisse des groupes minoritaires par rapport à la majorité. Tout cela est très confus.

Ce qui est réel, c’est que nous n’avons aucun droit nouveau par rapport à la situation actuelle. Il me semble donc que, à la lumière des propos du Président de la République, vous pourriez voter en faveur de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certains parlementaires de la majorité considèrent que seuls les parlementaires de l’opposition minoritaire ont vraiment une garantie. Ils peuvent en effet arrêter l’ordre du jour d’une journée sans que le Gouvernement puisse intervenir.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela s’applique aussi aux centristes !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour l’instant, une journée est réservée à l’ensemble des groupes et il convient d’y ajouter les travaux des commissions. L’initiative parlementaire n’est pas seulement celle des groupes, c’est aussi celle des commissions, les propositions de loi qui seront déposées.

C’est un paradoxe. Vous trouvez que ce n’est pas bien alors que nous, nous voulions aller plus loin et réserver au Parlement la maîtrise d’une plus grande part de son ordre du jour.

Il faudra travailler dans le dialogue. Les initiatives parlementaires intéressantes doivent pouvoir prospérer avec l’accord du Gouvernement sur son ordre du jour réservé.

Vos réserves m’étonnent. Nous considérons qu’il s’agit d’un progrès considérable pour l’opposition par rapport à la situation actuelle.

M. Jean-Pierre Sueur. Un jour pour tous les groupes de l’opposition !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Rendez-vous compte : un jour par mois, monsieur Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur. Avec les centristes !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils sont minoritaires et vous aussi !

M. Jean-Pierre Sueur. Il ne faut pas se moquer de nous. Une semaine par mois répartie à la proportionnelle de tous les groupes du Parlement, ce serait raisonnable. Là, vous nous faites l’aumône ; c’est une misère !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je ne reprendrai pas l’argumentation de M. le rapporteur. Observons le fonctionnement actuel du Parlement. À la conférence des présidents, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale, j’ai la maîtrise absolue et totale de l’ordre du jour.

Nous faisons des propositions pour changer cette situation. Vous nous répondez que c’est une misère. Nous verrons à l’usage. Je ne sais pas si cela fonctionnera à merveille, mais ce que je sais, en revanche, c’est qu’il s’agit d’un vrai partage. Outre la semaine de contrôle, il y aura des temps d’initiative qui ne dépendront plus du Gouvernement.

Il s’agit d’une avancée considérable. Que vous la trouviez insuffisante, je le comprends. Si vous le pouviez, vous prendriez la maîtrise de la totalité de l’ordre du jour et le Gouvernement n’aurait plus grand-chose.

M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout ! Personne n’a proposé ça !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Vous n’avez pas imaginé cela, madame Borvo, et je vous en remercie.

Je considère que cet article constitue une avancée considérable. Je m’en tiens donc à la proposition du Gouvernement et, par voie de conséquence, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes contredit par le Président de la République !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 22.

(L'article 22 est adopté.)

Article 22
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Article 23 bis

Article 23

Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase, le mot : « texte » est remplacé par les mots : « projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale » ;

2° Dans la deuxième phrase, le mot : « texte » est remplacé par le mot : « projet » ;

3° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 75, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution est supprimé.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. L’article 23 est l’illustration même de la contradiction du Gouvernement s’agissant de la revalorisation des droits du Parlement : d’un côté, il nous assène depuis le début de l’examen de ce projet de loi constitutionnelle qu’il a pour ambition de donner au Parlement une plus grande maîtrise du travail législatif et, de l’autre, il nous explique qu’il faut maintenir dans notre Constitution le troisième alinéa de l’article 49.

L’article 49-3 est pourtant le symbole de la soumission totale du Parlement au Gouvernement. Lorsqu’il y a recours sur le vote d’un texte, le Gouvernement force la main des députés puisque les débats sont immédiatement interrompus et l’adoption du texte est tacitement acquise.

Il constitue ainsi une arme absolue pour le Gouvernement contre les députés, en particulier ceux de l’opposition. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement n’a pas hésité à l’utiliser chaque fois que l’opposition a déposé un nombre important d’amendements, sur des textes pourtant fondamentaux qui auraient nécessité un débat approfondi.

Le recours à l’article 49-3 est une des anomalies de notre Constitution tant il constitue une atteinte aux droits du Parlement, puisqu’il prive les députés, y compris ceux de la majorité, de tout droit de parole.

À l’origine destinée à être exceptionnelle, cette procédure a eu tendance, au fil des années, à se banaliser en raison de son efficacité, du point de vue du Gouvernement bien sûr.

De nombreuses propositions ont été faites dans le passé pour limiter l’utilisation de l’article 49-3, qui empêche toute expression parlementaire. La Constitution n’avait toutefois jamais été modifiée sur ce point. Or, aujourd’hui, avec ce projet de loi constitutionnelle, le Gouvernement a la possibilité de remettre en cause cette procédure.

Mais la proposition de nouvelle rédaction du troisième alinéa de l’article 49, prétendument destinée à restreindre le possible usage aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale et, pour le surplus, à un texte par session, nous laisse sans voix.

En effet, elle ne modifie quasiment pas la pratique actuelle. Avec l’article 23, le Gouvernement donne l’impression de faire un pas en avant en faveur du Parlement : en réalité, il nous propose le statu quo.

Maintenir le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, quels que soient les aménagements que vous y apportez, constitue une atteinte aux droits du Parlement. L’article 49-3 est une arme sans égal dans la Constitution puisqu’il permet, à la limite, de faire adopter un texte sans débat et sans vote en vingt-quatre heures, si l’opposition ne dépose pas de motion de censure.

Nous souhaitons par conséquent y mettre un terme définitif et supprimer le troisième alinéa de l’article 49. Tel est le sens de notre amendement que nous vous proposons bien sûr de voter.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 129 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 3° de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement no 2.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne également la limitation de l’utilisation de l’article 49-3.

Je souhaite souligner à mon tour l’hypocrisie de l’article 23 du projet de loi constitutionnelle. Sous le prétexte de limiter le recours à la procédure du 49-3, on ne fait en réalité que constitutionnaliser une pratique éprouvée.

Cette limitation de façade n’apporte rien à la pratique actuelle. Cette disposition est en réalité un argument supplémentaire – peut-être un argument spécieux – qui nous est à nouveau servi pour vendre cette réforme comme renforçant les droits du Parlement sans rien changer au fond. Quelle hypocrisie !

Si cette réforme est adoptée, le Gouvernement va presque se sentir obligé de recourir à la procédure du 49-3 une fois par session.

Alors, soit on tire toutes les conséquences du fait majoritaire et la confiance légitime du Gouvernement en sa majorité devrait l’inciter à renoncer à cette procédure, soit la confiance ne règne pas et rien ne justifie la limitation du recours à l’article 49-3.

Avec l’article 23, c’est un faux compromis qui nous est soumis. C’est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, de limiter strictement le recours à l’article 49-3 au vote des projets de loi finances et projets de loi de financement sécurité sociale et, par conséquent, de supprimer le 3°de l’article 23.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 129.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ferai simplement remarquer que l’existence de l’article 49-3 s’explique par le fait qu’il s’agissait à l’origine de constituer des coalitions pour gouverner avec des majorités fluctuantes.

Le 49-3 était fait pour donner de la cohésion là où il n’y en avait pas. Or tout le monde sait bien que ce n’est pas du tout ainsi que les choses se passent. Le 49-3 est donc une survivance, un outil de confort pour le Gouvernement, car il n’en a pas véritablement besoin.

Que l’on conserve des garanties s’agissant de textes aussi importants et aussi complexes que les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, pourquoi pas ? Mais pour tous les autres textes, cela n’a rigoureusement aucun sens.

De plus, la rédaction qui nous est proposée ne rime à rien. Pourquoi « une fois » ? Pourquoi pas deux fois ou deux fois et demie ? Soit le 49-3 est utile parce qu’on n’a pas de majorité solide et il faut le maintenir en l’état, soit on ne le réserve qu’aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Si le Gouvernement voulait vraiment donner le signe que le Parlement se voit attribués des droits supplémentaires, c’est vraiment un des articles sur lesquels il pourrait le faire.