Mme la présidente. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai écouté ce matin avec beaucoup d’attention Mme la ministre de la santé, mais je dois avouer que je suis resté quelque peu sur ma faim. Je m’attendais à ce qu’elle présente le bilan de son action politique en matière hospitalière. Or elle a prononcé un plaidoyer en faveur du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». Certes, l’exercice fut intéressant, mais il m’a semblé un peu…

M. Guy Fischer. Anticipé !

M. François Autain. … prématuré, puisque nous devons ici même examiner ce projet de loi en février prochain, me semble-t-il.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un galop d’essai !

M. François Autain. Je ne comprends donc toujours pas pourquoi l’hôpital public, pourtant en état de réforme permanente depuis les années quatre-vingt, continue à être le mal-aimé du Gouvernement et à faire l’objet de critiques souvent excessives et infondées, comme s’il était, à lui seul, responsable du déficit de l’assurance maladie.

Certes, personne ne nie qu’il existe en son sein des dysfonctionnements auxquels il faut naturellement remédier. Mais sont-ils réellement plus nombreux et plus graves que ceux qui ont été observés dans d’autres secteurs de notre système de santé ? Je pense, par exemple, au scandale des dépassements d’honoraires face auquel le Gouvernement se montre bien timide ou encore à la dérive des dépenses du médicament, qui ont plus que doublé en vingt ans et augmentent à un rythme de croisière de 5 % si l’on excepte l’année 2006. Cela n’a d’ailleurs pas empêché le Gouvernement de baisser de 40 %, l’année prochaine, la taxe sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique.

Quel contraste singulier avec la rigueur et l’exigence dont le Gouvernement fait preuve à l’égard de l’hôpital public, pourtant plébiscité par les Français dans un sondage en mai dernier.

L’hôpital public est la clé de voûte de notre système de santé, car il est le seul, j’y insiste, à pouvoir accueillir à tout moment tous les patients, sans discrimination aucune. Sortant de son rôle, il est même obligé de pallier les carences de la médecine de ville, en laissant se dévoyer les services d’urgence qui, avec le temps, la crise et l’extension de la pauvreté, …

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est le problème de la permanence des soins !

M. François Autain. … sont devenus une annexe de soins primaires gratuits vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils coûtent cher !

M. François Autain. Pourtant, malgré l’accroissement de leurs charges et l’élargissement de leurs fonctions, sur quarante ans, de 1960 à 2001, les dépenses engagées par les hôpitaux ont augmenté en volume moins rapidement que l’ensemble des dépenses liées aux soins reçus par les malades. Contrairement à une idée reçue, la part des dépenses d’assurance maladie consacrée à l’hôpital n’a fait que baisser depuis 1981, passant de 42 % à 34 % en 2003.

D’une manière générale, l’hôpital public est beaucoup plus respectueux de l’ONDAM que la médecine de ville ou les cliniques commerciales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr, il transfère à la médecine de ville un certain nombre de dépenses !

M. François Autain. Celles-ci ont dépassé, en 2006, l’ONDAM de 168 millions d’euros, alors que l’hôpital public restait en deçà de 187 millions d’euros !

En 2007, la médecine de ville dépassait de 3,1 % son objectif, qui avait, je vous le concède, été fixé à un niveau particulièrement bas, alors que l’hôpital se trouvait en deçà du sien de 0,2 %.

Ces résultats sont d’autant plus remarquables, même si M. le président de la commission des affaires sociales semble les contester, …

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous savez très bien ce qu’il en est, car vous êtes un spécialiste en la matière !

M. François Autain. … que le contexte budgétaire imposé par le Gouvernement et dans lequel ils s’inscrivent est très défavorable.

Le taux d’évolution de la sous-enveloppe de l’ONDAM affectée aux hôpitaux oscille, en moyenne, entre 3 % et 3,8 % par an, 3,1 % en 2009, …

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet !

M. François Autain. … alors que les dépenses incompressibles s’accroissent, quant à elles, dans le même temps – tout le monde s’accorde sur le sujet – de 4 %.

Mme Annie David. Il n’est pas possible d’atteindre les objectifs dans ces conditions !

M. François Autain. Aucune entreprise du secteur marchand, même bien gérée, ne pourrait résister longtemps à un tel régime, à plus forte raison un hôpital qui, faut-il le rappeler en ces temps de crise, n’est pas une entreprise comme les autres.

Dès lors, faut-il s’étonner que l’hospitalisation publique, dans son ensemble, accuse à ce jour un déficit cumulé de l’ordre de 800 millions d’euros ? Cette faillite est la conséquence directe de la mise en œuvre du plan Hôpital 2007.

En premier lieu, le remplacement du budget global par ce que l’on appelle « l’état de prévisions de recettes et de dépenses », autrement dit l’EPRD, reposait sur l’hypothèse selon laquelle les moyens dont dispose l’hôpital public sont suffisants et les difficultés budgétaires qu’il rencontre sont uniquement dues à la mauvaise gestion de ses dirigeants.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

M. François Autain. Outre le fait qu’une telle allégation revient à jeter le discrédit de façon irresponsable sur des équipes de direction déjà fragilisées par les difficultés de la tâche à accomplir, il s’avère qu’elle est erronée. En effet, s’il suffisait de remplacer les directions incompétentes par des techniciens chevronnés pour restaurer la situation financière des établissements, cela se saurait ! En outre, cela signifierait qu’il existe aujourd’hui, en France, 235 directeurs d’hôpitaux totalement incompétents, …

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est l’organisation de la gouvernance qui est en cause, pas la compétence des personnes !

M. François Autain. … puisque tel est le nombre des établissements qui connaissent des difficultés financières. C’est naturellement peu vraisemblable. L’hypothèse d’un sous-financement est beaucoup plus probable.

En second lieu, la substitution à marche forcée, depuis quatre ans, de la tarification à l’activité à un système forfaitaire qui ne tenait pas compte de la productivité n’a fait qu’aggraver les choses. Ce nouveau mode de tarification, complété par une dotation forfaitaire des MIGAC mal évaluée et insuffisante pour permettre à l’hôpital d’exercer pleinement ses missions de service public, n’a pas apporté, loin s’en faut, la preuve de son efficience.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le processus commence !

M. François Autain. Il était, lui aussi, fondé sur des hypothèses erronées.

M. François Autain. L’ensemble de l’activité médicale hospitalière ne peut être pris en compte par ce mode de tarification, dont la logique discriminatoire pénalise la prise en charge des patients porteurs de maladies graves ou de polypathologies.

Les établissements dont les coûts sont supérieurs à la moyenne, souvent en raison de spécificités locales difficiles à changer, comme le taux de morbidité de la population, sont condamnés à des réductions de personnel, voire, à terme, à la disparition. En témoignent les plans de licenciements massifs qui sont actuellement en préparation : 800 licenciements sont prévus à l’hôpital du Havre, 200 à Nantes et 20 000 au total. Ils ne manqueront pas d’avoir des effets négatifs sur la qualité des soins offerts.

Ce qui pourrait arriver de pire à l’hôpital public, c’est que cette logique soit poussée jusqu’à son terme, comme le préconisent les idéologues de la convergence intersectorielle.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Intrasectorielle ! Ce serait déjà pas mal !

M. François Autain. Les hôpitaux qui auraient survécu à cette purge seraient, certes, bien gérés, mais au prix d’une dégradation de la prise en charge des patients et d’une incapacité à faire face à leurs obligations de service public. Ce serait alors la « fin de l’hôpital public », pour reprendre le titre d’un livre récent dont la MECSS a auditionné l’auteur dans le cadre de l’élaboration de son rapport annuel. Mais ce serait aussi le début d’une ère nouvelle pour les investisseurs, qui pourraient enfin s’intéresser à des établissements devenus rentables, pour peu que ce secteur soit ouvert à la concurrence.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faudrait une haute autorité de régulation !

M. François Autain. Ce sera chose faite lorsque le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » aura été voté, puisqu’il prévoit une délégation de service public qui permettra de confier au secteur privé à but lucratif la gestion des hôpitaux publics, qui n’auront plus de public que le nom.

Le seul inconvénient, c’est que les Anglais, qui nous ont précédés dans cette voie, viennent de renoncer à un tel système de santé, devant la déliquescence qu’il a entraînée.

On le voit, cette réforme constitue, à n’en pas douter, une machine de guerre contre l’hôpital public et le statut de la fonction publique hospitalière.

La réforme a en outre accentué la division du travail observée entre le public et le privé commercial. Pour assurer sa rentabilité, ce dernier s’est constitué aux dépens du service public des « niches » d’activité très lucratives. Les cliniques privées ont enregistré en 2005 un taux de croissance à deux chiffres de leur rentabilité financière. M. Marini évoquait à ce propos des résultats assez rares.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Effectivement, 13 %, ce n’est pas mal !

M. François Autain. Je m’en remets à cet expert pour considérer qu’il s’agit pour les cliniques d’une aubaine, que les fonds spéculatifs se sont empressés de saisir.

Ajoutons que, depuis 2002, grâce au plan Hôpital 2007, les établissements privés commerciaux ont bénéficié de l’argent public au titre de l’aide à l’investissement à hauteur de 2 milliards d’euros, sans aucune contrepartie.

Le plan Hôpital 2012 prévoit de leur accorder une nouvelle aide de l’ordre de 750 millions d’euros. L’État finance ainsi le regroupement et la spécialisation des secteurs privés pour le plus grand profit des fonds spéculatifs qui détiennent les cliniques commerciales. Ce n’est pas acceptable, même si cette répartition des rôles – déficit pour l’hôpital public, bénéfices pour les cliniques commerciales –...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est un résumé un peu simpliste !

M. François Autain. … vérifie une constante dans l’histoire du capitalisme, à savoir la socialisation des pertes et la privatisation des profits ; les modalités d’intervention du Président de la République Nicolas Sarkozy pour sauver les banques de la faillite en sont la plus récente illustration.

Cette politique a été dénoncée successivement par le Comité consultatif national d’éthique, dans son avis du 28 juin 2007, qui estime que « le concept de rentabilité ne peut s’appliquer à l’hôpital de la même manière qu’une activité commerciale ordinaire », par le président du Conseil national de l’ordre des médecins et par les responsables des quatre principaux syndicats de médecins libéraux, qui soulignent dans un communiqué l’urgence de « protéger le secteur de la santé des appétits des financiers ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je suis d’accord ! Il faut une régulation !

M. François Autain. Enfin, le 4 novembre dernier, l’intersyndicale des biologistes, inquiets pour leur avenir, publiait dans plusieurs journaux un long communiqué dont la tonalité ne manquait pas de surprendre de la part d’une profession qui ne nous avait pas habitués à un discours aussi radical ; il était intitulé La santé aux enchères. Après avoir ruiné les banques, groupes financiers et spéculateurs lorgnent sur la santé.

Au même moment, le président du Conseil national de la chirurgie déclarait dans une revue professionnelle : « les praticiens veulent devenir partie prenante plutôt que d’être les jouets de grands groupes financiers ». Et bientôt, sans doute, les pharmaciens voudront se joindre à ce combat lorsque le capital de leur officine sera ouvert aux capitaux spéculatifs, ce qui ne saurait tarder.

Ces personnalités fort respectables ne sont ni des gauchistes ni des révolutionnaires, et le Gouvernement ferait bien de prêter une oreille attentive à leurs propos.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Autain !

M. François Autain. Que disent-ils tous ? Que la santé n’est pas un bien comme les autres et qu’elle ne doit pas dépendre de mécanismes marchands.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très belle conclusion !

M. François Autain. Je me vois contraint d’abréger mon propos.

Il faut donc préserver l’avenir de l’hôpital public, seul garant de l’égal accès de tous aux soins, en le tenant à l’écart des lois du marché. Il me semble que la voie empruntée actuellement par le Gouvernement ne va pas dans ce sens. Je crains que, dans ces conditions, les difficultés rencontrées aujourd’hui par l’hôpital ne continuent de s’aggraver. C’est la raison pour laquelle nous attendons, sans trop d’illusions, le projet de loi « Hôpital, santé, patients, territoires ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous ne devriez pas être déçus !

M. François Autain. Dans un premier temps, nous voterons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans son discours du 17 avril dernier, le Président de la République a tracé les grandes lignes de la réforme qu’il souhaitait pour l’hôpital du point de vue tant de ses missions que de son organisation.

Cette réforme, attendue par beaucoup, devrait s’appuyer essentiellement sur les mesures proposées dans le rapport du président Gérard Larcher, ainsi que sur des négociations et des concertations organisées jusqu’à la fin de l’été 2008. Le projet de loi sur la modernisation de l’accès aux soins sera donc l’aboutissement de ces travaux qui ont été conduits durant de nombreuses semaines.

Le plan Hôpital 2012 fait suite au plan Hôpital 2007, élaboré dans un contexte de changements rapides du monde hospitalier : amélioration des techniques médicales, augmentation des prises en charge en médecine ambulatoire, exigences de sécurité accrues.

Le plan Hôpital 2012 mobilisera, pour la période 2008-2012, près de 10 milliards d’euros d’investissement et se caractérisera par une volonté clairement affichée de favoriser une meilleure performance économique des établissements de santé. C’est donc une nouvelle culture de l’hôpital qui est mise en place. Elle répond avant tout à de véritables enjeux de modernisation et de recomposition sur tous les territoires de santé, car, pour assurer à nos concitoyens des soins de qualité, il faut prendre la mesure des exigences de chacun d’eux, et si notre système de santé offre une qualité et une sécurité particulièrement remarquables, la demande principale est d’avoir une politique de soins de proximité.

Déjà, lors de la campagne présidentielle, et même si les hôpitaux publics français sont reconnus dans le monde entier pour l’excellence des soins qu’ils prodiguent, parce qu’ils soignent tous les patients, quel que soit leur revenu, leur âge ou leur pathologie et quelle que soit l’heure à laquelle ils se présentent, le Président de la République avait notamment fixé trois grandes orientations en matière de réforme du système de soins : moderniser l’hôpital, créer des agences régionales de santé et faciliter un meilleur accès aux soins, essentiellement dans les régions où le manque de médecins et de personnel soignant commence à poser de sérieux problèmes.

Le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », que vous portez, madame la ministre, et que vous présenterez prochainement au Parlement, vise à assurer à chacun l’accès à des soins de qualité sur tout le territoire. Sans détailler ce texte, dont nous serons amenés à débattre ultérieurement, félicitons-nous de son contenu, qui comprendra quatre titres, selon moi d’une égale importance.

Le titre Ier Modernisation des établissements de santé reprend très largement les conclusions du rapport sur les missions de l’hôpital établi par Gérard Larcher.

Le titre II Accès de tous à des soins de qualité s’inspire en grande partie des travaux des États généraux de l’organisation de la santé qui se sont tenus en début d’année ; il est consacré à la médecine générale de premier recours, à la réforme de la formation continue et au développement de nouvelles modalités.

Le titre III Prévention et santé publique concerne le renforcement des politiques de prévention et prend en compte des problèmes très concrets de santé publique.

Enfin, le titre IV Organisation territoriale du système de santé porte sur la mise en place des agences régionales de santé, qui procède d’un choix stratégique fondamental, celui de renforcer le pilotage territorial, afin qu’il s’effectue au plus près des besoins des populations, et d’assurer une répartition plus juste de l’offre de soins pour lutter contre ce que l’on peut appeler les « déserts médicaux », notamment dans certaines banlieues ou en milieu rural.

Vous l’avez donc compris, si les restructurations annoncées, et attendues, du système de santé visent à répondre aux besoins des territoires, la ligne directrice de ce texte sera de mieux répondre aux préoccupations de nos concitoyens en améliorant l’accès aux soins et en redéfinissant l’hôpital de demain.

L’avancée est importante à souligner : afin de défendre l’excellence des hôpitaux publics et l’égalité d’accès aux soins pour tous, pour la première fois, l’ensemble des sujets sera abordé en même temps, ce qui me paraît indispensable. On ne stigmatise aucun secteur, on dit clairement qu’il y a une société à faire évoluer. L’objectif, à savoir une réorganisation de l’hôpital sur ses missions premières, est clairement énoncé dès le départ.

Si personne ne peut nier la volonté politique d’insuffler une nouvelle dynamique à l’hôpital public et de renforcer les fondements mêmes de notre service public de santé, certains, en parallèle, s’interrogent sur le financement général des hôpitaux et des établissements de santé.

Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis en séance publique pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Il y aurait encore beaucoup à dire sur l’hôpital, mais tentons de limiter nos observations et nos réflexions au cadre précis de l’ordre du jour de nos travaux, car il est avant tout essentiel que toute tentative de changement portée par une volonté justifiée d’améliorer l’organisation du système de santé n’aboutisse pas à une paupérisation progressive de nos hôpitaux et à un découragement de l’ensemble des personnels qui y travaillent.

Veillons également à maintenir l’attractivité de nos établissements de santé, car des différentiels importants de revenus, comme on le voit dans certaines disciplines médicales, augurent des lendemains difficiles pour l’hôpital public.

La vraie question est donc de savoir quelle politique de santé nous voulons. Je pense que nous sommes tous d’accord pour répondre que la priorité est d’obtenir un service de qualité en constante adaptation dans des établissements qui restent avant tout dynamiques et profitables à tous les citoyens.

La dualité du système de financement des établissements de santé publics et privés suscitait de nombreuses critiques : fondée sur des bases historiques, la dotation globale des établissements du secteur public s’adaptait mal à l’évolution réelle de l’activité et, malgré son caractère limitatif, n’évitait pas les déséquilibres financiers ; les éléments de tarification des cliniques, prix de journée et forfaits techniques, étaient trop segmentés et insuffisamment harmonisés.

En outre, la coexistence de deux modes de financement distincts rendait difficile toute comparaison entre les coûts et l’efficience des établissements des deux secteurs, freinait les coopérations et réduisait l’efficacité de la régulation du fait des risques de transferts entre enveloppes. Car le levier principal pour assurer la maîtrise des dépenses hospitalières est la convergence entre les tarifs, ce qui peut sembler incontournable au regard de l’obligation faite à tous les acteurs du système de santé d’utiliser au mieux les ressources qui leur sont allouées.

Personne ne saurait sérieusement prétendre que l’objectif de convergence est facile à atteindre ou qu’il ne nécessite ni progressivité ni accompagnement. La convergence tarifaire doit à la fois être un objectif réalisable et devenir un enjeu vital.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie. Tout à fait !

M. Alain Milon. La tarification à l’activité, très souhaitable comme outil d’alignement de la performance et du financement en milieu hospitalier, semble donc répondre à la volonté des acteurs du système de soins d’harmoniser le mode de détermination des ressources et de prévoir une plus juste allocation de celles-ci, fondée sur une liaison plus étroite entre activité et financement, facteur de transparence.

La T2A est par ailleurs source de comportements vertueux en termes de gestion, en poussant les établissements à s’interroger sur leurs coûts, leur efficience et leur place dans l’offre de soin des territoires de santé. L’utilisation judicieuse des possibilités de régulation financière, couplée à une mise en œuvre des derniers schémas régionaux d’organisation sanitaire, les SROS, doit conduire à une meilleure efficacité du système et à la maîtrise des dépenses d’assurance maladie.

Tout le monde parle de la T2A, mais je ne suis pas sûr que chacun connaisse la signification exacte ou le champ d’application de cette tarification à l’activité. Elle s’applique précisément à l’ensemble des activités de médecine, de chirurgie, d’obstétrique et d’odontologie, y compris aux alternatives à la dialyse en centre et à l’hospitalisation à domicile, quel que soit le statut de l’établissement, public ou privé.

Seuls les hôpitaux locaux, les établissements dispensant des soins aux personnes incarcérées et les établissements de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Mayotte ou de la Guyane sont maintenus en dehors du champ de la tarification à l’activité et reçoivent une dotation annuelle de financement. Le passage des établissements du service de santé des armées à la tarification à l’activité est en cours.

Le système de tarification et de régulation des établissements privés anciennement sous objectif quantifié national ne s’applique qu’aux activités précitées : médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie. Pour les activités de soins de suite ou de réadaptation et de psychiatrie des établissements anciennement sous dotation globale, le financement par dotations annuelles est pour partie maintenu, la dotation devenant toutefois une dotation de recettes, sans lien automatique avec les dépenses.

Si nous voulons procéder à une analyse sur le financement à l’activité des activités de médecine-chirurgie-obstétrique, ou MCO, notons que celles des établissements publics et privés de santé sont rémunérées par des tarifs par séjour, des tarifs par prestations et des paiements supplémentaires. Je n’entrerai pas dans le détail ; j’en viens donc directement à ma conclusion.

La mise en œuvre d’une réforme de la T2A constitue une évolution profonde ; elle implique d’importants aménagements et peut donner lieu à des effets de revenus importants. C’est pourquoi des dispositions transitoires ont été prévues : elles se caractérisent par une phase d’adaptation technique ainsi que par une phase de convergence tarifaire qui doit s’étaler, si possible, jusqu’en 2012.

Mes chers collègues, depuis le 1er janvier 2008, le mécanisme de transition a été modifié par la réforme du « 100 % T2A » : les établissements du secteur public sont désormais financés en totalité à l’activité pour leur activité MCO, c’est-à-dire que 100 % des tarifs s’appliquent.

Pour les établissements privés, il en ira de même. Une seconde phase de convergence, la convergence intersectorielle, a pour objectif de rapprocher les tarifs nationaux des établissements des secteurs publics et privés.

M. François Autain. Un mirage !

M. Alain Milon. Cette convergence doit être achevée au plus tard en 2012, dans la limite des écarts justifiés par des différences entre la nature des charges couvertes et les tarifs.

Madame la ministre, pour réussir la convergence public-privé, il conviendra de prendre en compte les spécificités de l’hôpital public et leur impact sur les coûts : la gestion de la précarité qui génère des coûts induits importants, non pris en compte par les tarifs ; l’organisation de la permanence des soins qui, dans la plupart des villes moyennes, est assurée essentiellement par l’hôpital public ; la gestion par le seul hôpital public des spécialités coûteuses – réanimation, néonatalogie –, régies par des normes réglementaires draconiennes nécessaires au fonctionnement des unités publiques et privées, et dont les suppléments de tarifs s’avèrent insuffisants.

Mes chers collègues, le Gouvernement vient de remettre au Parlement, il y a une quinzaine de jours, un rapport faisant le point sur ces travaux et sur les mesures qui seront prises en 2009 dans le cadre de la prochaine campagne tarifaire. Bien sûr, de nombreuses questions restent encore en suspens.

Quatre ans après le démarrage de cette réforme majeure du financement des établissements de santé qu’est la T2A, où en sommes-nous ? Nous entendons dire que certains établissements sont en difficulté à cause de cette tarification à l’activité. Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer et dresser le bilan de cette réforme ?

De même, et pour conclure, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 est inscrit le principe de convergence des tarifs entre le secteur public et le secteur privé d’ici à 2012. Là encore, la place est-elle aux économies à très court terme et à tout prix ou, plus probablement, aux réorganisations et regroupements médicalement utiles et intelligents ? Certains acteurs se plaignent que ce dossier n’avance pas suffisamment vite. Quelles sont, madame la ministre, les intentions du Gouvernement sur ce dossier ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)