bilan de la fermeture de centres d'examen du permis de conduire

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Ma question s’adressait à M. Jean-Louis Borloo, mais, en son absence, c’est sans doute Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie qui me répondra ; je suis sûr qu’elle le fera parfaitement.

Je souhaitais interroger M. Borloo à plusieurs titres : en tant que ministre de l’écologie et du développement durable, en tant que ministre responsable dans son ministère de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, et en tant que ministre chargé de l’organisation des examens du permis de conduire.

Au nom de la RGPP, chaque ministre se doit de maîtriser la dépense, donc de chercher à réaliser des économies, mais la logique comptable ne doit pas ignorer les conséquences d’une économie éventuellement mal choisie.

À titre d’exemple, je citerai le responsable de la direction départementale de l’équipement de mon département, qui a pensé opportun de supprimer les centres d’examen du permis de conduire dans les villes moyennes au profit d’un regroupement dans le chef-lieu de département, afin d’économiser une heure de déplacement par jour à l’examinateur. Il n’avait évidemment pas pensé que si l’examinateur allait gagner une heure, vingt-cinq personnes perdraient une demi-journée et, comme elles n’ont pas encore leur permis de conduire, vingt-cinq autres personnes devraient les accompagner et perdre aussi une demi-journée.

L’impact budgétaire n’est pas neutre, puisque l’État – cerise sur le gâteau ! – devra construire un centre d’examen départemental, qui de plus est parfaitement inutile, générant des coûts d’investissement, puis des coûts de fonctionnement. Je vous laisse le soin de calculer le nombre d’heures de déplacement qu’il faudra pour amortir le coût de cette opération. Pour ma part, je pense qu’elle ne sera jamais amortie !

La secrétaire d’État chargée de l’écologie que vous êtes ne peut se désintéresser du bilan écologique d’une telle mesure : pour une personne qui économise une heure de route, vingt-cinq autres feront le trajet, le plus souvent en voiture.

En tant que responsable de l’organisation des examens, M. le ministre devrait s’interroger sur ces surcoûts, qui sont en contradiction avec l’abaissement du prix du permis de conduire prônée par ailleurs.

M. le président. Posez votre question, monsieur Adnot !

M. Philippe Adnot. Outre l’examen du permis de conduire, les candidats devront se rendre au centre en vue de passer l’examen du code. On pourrait imaginer, avec les moyens que nous offrent les nouvelles technologies de l’information et de la communication, que l’inspecteur se déplace auprès d’une masse critique de candidats avec un ordinateur portable, un CD ou une clé USB pour procéder à l’examen.

M. le président. Posez votre question, s’il vous plaît !

M. Philippe Adnot. J’y arrive, monsieur le président. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. En voiture, on arrive toujours si on respecte le code. (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Il est en marche arrière !

M. Philippe Adnot. Madame la secrétaire d’État, je propose à M. Borloo de dire : « chiche, nous pouvons faire mieux ! ».

M. David Assouline. On gagne du temps : il fait la question et la réponse !

M. Philippe Adnot. Je suis sûr que vous pourrez relever ce défi. (Applaudissements sur des travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, oui, nous pouvons sans aucun doute faire mieux !

Permettez-moi tout d’abord de vous demander d’excuser l’absence de Dominique Bussereau, qui est retenu à Pau où il finalise aujourd’hui le protocole de la ligne à grande vitesse Sud Europe-Atlantique. Comme vous pouvez le constater, c’est important.

Le Président de la République a demandé au ministre d’État de présenter une réforme du permis de conduire. Il s’agit de remédier aux insatisfactions actuelles des candidats, que nous savons nombreuses, de faciliter l’accès au permis de conduire et, surtout, d’améliorer la qualité de service.

Un audit a été réalisé conjointement avec le ministère de l’intérieur. Ses conclusions ont fait l’objet d’une large concertation avec toutes les parties prenantes. La question des centres d’examen est au cœur de cette réflexion et, en la matière, plusieurs problèmes se posent.

Tout d’abord, il existe 477 centres d’examen pour le code et 671 pour le passage de l’épreuve de conduite. Cette situation atypique par rapport à ce que connaissent les autres pays européens soulève des difficultés très concrètes : certains centres d’examen sont en fait de simples emplacements sans confort ni sécurité pour les personnes qui viennent passer le permis.

Ensuite, on constate une grande disparité entre les centres. De très petits centres ont en effet une activité tout à fait marginale. Par exemple, 200 centres d’examen pour le code ont une activité inférieure à deux séances par mois ; 200 centres de pratique du permis B ont une activité comprise entre deux et trois jours par mois.

Normalement, un inspecteur se déplace pour faire passer douze épreuves dans la journée. Dans les petits centres, il se déplace parfois pour faire passer trois épreuves. S’il est entendu que ces déplacements sont coûteux pour les élèves, s’agissant des inspecteurs, ils nécessitent la mise en place d’un mécanisme de récupération alors que nous manquons d’examinateurs : actuellement, 10 000 jours de travail sont à récupérer, ce qui équivaut à 50 postes d’inspecteurs.

Enfin, les centres d’examen sont très divers. Ainsi, certains ne répondent pas au cahier des charges européen. Il est donc beaucoup plus facile d’obtenir son permis dans certains centres que dans d’autres.

M. le président. Si vous voulez bien conclure, madame la secrétaire d’État !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Bref, il faudra réformer afin de proposer un meilleur service aux candidats. Nous tiendrons naturellement compte des questions environnementales avec le problème des déplacements, mais nous intégrerons aussi de nouvelles dimensions comme, par exemple, l’éco-conduite. Cette réforme sera proposée très prochainement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

7

Financement de la sécurité sociale pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.

débat thématique « l’hôpital en question » (suite)

Motion d'ordre (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2009
Troisième partie

Mme la présidente. Dans le débat thématique sur « l’hôpital en question », nous en sommes parvenus aux interventions des orateurs des groupes.

J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes à chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Le Gouvernement répondra aux orateurs.

Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes réparties de la manière suivante : la question, deux minutes trente ; la réponse, deux minutes trente ; une réplique éventuelle, une minute

La conférence des présidents a décidé d’attribuer trois questions aux groupes UMP et socialiste et une question aux groupes Union centriste, CRC et RDSE.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « l’hôpital public est atteint par la maladie profonde de notre société, qui a remplacé les valeurs publiques par les valeurs individuelles, les biens collectifs par la marchandisation, le service public par la privatisation. » : voilà en peu de mots exactement posée par l’un de ses acteurs, professeur en médecine, la question de l’hôpital.

Cette maladie est d’autant plus pernicieuse qu’elle avance masquée sous couvert de sauvetage : réforme tarifaire – déjà mise en œuvre – restructuration et redéploiement organisent, après l’étouffement du public, sa dilution dans le privé. En effet, comment concevoir autrement la politique de convergence engagée entre deux logiques opposées lorsque l’une dispose de marges financières qui sont refusées à l’autre ?

L’approche gouvernementale de la question hospitalière pose, dès le premier abord, un problème de méthode.

Si nous sommes reconnaissants à M. le président du Sénat d’avoir organisé ce débat thématique, le sujet choisi, qu’il maîtrise amplement, éclaire un calendrier de réformes peu cohérent. L’ordre du jour fixé par le Gouvernement heurte toute logique : nous sommes appelés à débattre des modalités de financement de notre système de santé avant l’examen du projet de loi HPST – Hôpital, patients, santé et territoires – qui en modifie les structures.

Ce PLFSS comporte, en outre, des dispositions qui concernent directement l’organisation hospitalière. Ainsi en est-il de l’article 40 relatif aux procédures de traitement des déséquilibres financiers des établissements publics de santé, qui préjuge de la nouvelle gouvernance annoncée.

Vous refusez – cela a été le cas à l’Assemblée nationale et le sera vraisemblablement ici – les amendements qui s’y rapportent au prétexte de réserver la discussion de fond à l’examen du projet de loi HPST. Comprenne qui pourra, sauf à imaginer que ce désordre relève lui-même d’une méthode !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le désordre est dans la nature !

M. Yves Daudigny. J’ai parlé d’étouffement : tel est bien ce à quoi aboutit ce PLFSS, qui affaiblit encore la situation de nos hôpitaux publics.

L’article 5 prévoit le gel des dotations accordées au Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, au Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins et à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, et ce alors que la quasi-totalité des hôpitaux publics sont dans le rouge : 660 millions d’euros de déficit cumulé en 2007, 880 millions d’euros en 2008.

Des explications ont été légitimement demandées à Mme la ministre ce matin.

Comment ne pas s’étonner, face à un manque criant de financement, de cette rectification des crédits à la baisse pour 2008, mais aussi de leur réduction pour 2009 si l’on en croit l’article 48 ? Ces dotations n’auraient-elles pas été utiles par exemple pour la mise aux normes de nombreux établissements ou pour la mise en œuvre du dossier médical personnalisé ?

Les éléments de réponse apportés par Mme la ministre ne sont pas convaincants. Le principe d’une répartition territorialisée par les futures agences régionales de santé, les ARS, est pertinent. Mais, en attendant, ce sont des hôpitaux publics de proximité qui sont étranglés, qui sont menacés, qui perdent des services ou qui sont transformés en maisons de retraite.

Mme Jacqueline Chevé. Tout à fait !

M. Yves Daudigny. Le financement de l’hôpital n’est pas non plus à la hauteur des missions de service public qu’il assume. Ce financement ne tient pas du hasard : il relève d’un choix politique.

À cet égard, la mise en œuvre de la tarification à l’activité, inadaptée et inadaptable aux spécialités qui cumulent une médecine non programmée, des patients lourds du point de vue médical, paramédical et social, entraîne une double sous-évaluation : la charge financière, donc l’abondement.

Les codes définissant les groupes homogènes de pathologies laissent en réalité à la charge des hôpitaux publics les soins les plus complexes et à la charge des cliniques privées les activités techniques standardisées facilement quantifiables, ainsi que l’établit le rapport de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation. À cela s’ajoute le fait que les cliniques externalisent le coût de nombre d’examens complémentaires, qui ne sont donc pas intégrés à leurs tarifs, non plus que les honoraires de leurs médecins et chirurgiens, toutes dépenses incluses dans les hôpitaux publics.

Les dotations des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, mal évaluées, s’avèrent également insuffisantes.

Ces sous-évaluations contribuent à creuser les déficits de nos établissements publics.

Au-delà, la convergence tarifaire intersectorielle, objet de la tarification à l’activité, la T2A, s’avère structurellement impropre à quantifier la nature spécifique et l’étendue des missions d’intérêt général : prise en charge des patients en situation de précarité, des actes et admissions urgents non programmés, organisation de la permanence des soins, exigences de qualification du personnel hospitalier, accessibilité géographique, toutes contraintes assumées par les seuls hôpitaux publics, auxquelles s’ajoutent encore le financement des urgences non couvert par l’assurance maladie ou les revalorisations salariales des fonctionnaires en cours d’année, non compensées par l’État.

Mme la ministre nous a annoncé ce matin avoir soudainement pris conscience de la sous-estimation de la prise en charge de la précarité et des polypathologies par le service public. Il est regrettable que cette prise de conscience tardive ne lui ait pas permis d’en donner une traduction concrète dans le PLFSS.

Des « redéploiements » de moyens sont envisagés. S’agira-t-il de simples transferts ? Le manque de dotation des années précédentes sera-t-il compensé ? Monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous transmettre ces questions à Mme la ministre de la santé ?

J’en viens maintenant à un point sur lequel je voudrais insister.

À défaut de financement à hauteur des besoins réels – mais de coûts biaisés –, la convergence substitue une concurrence déloyale à la complémentarité. Cette logique de l’activité – « au surplus inflationniste », ce sont les professionnels qui l’indiquent – et l’alignement aveugle des coûts programment, à terme, la disparition d’un service public efficace, où la « non-rentabilité » des maladies est une réalité.

M. François Autain. Très bien !

M. Guy Fischer. Voilà la réalité !

M. Yves Daudigny. Après l’étouffement, l’absorption. En organisant la fongibilité du service public dans le privé, le projet de loi HPST est à même de constituer le deuxième acte de cette disparition.

Les territoires de communautés hospitalières pourraient être une approche constructive, à condition de respecter l’identité et la complémentarité des établissements hospitaliers. Ils ne doivent pas conduire, sous couvert de mutualisation et selon la pratique gouvernementale de la cartographie, qui a malheureusement fait ses preuves sur notre organisation judiciaire et militaire, à une restructuration purement économique qui viderait de leurs services les hôpitaux de proximité.

Vous ne pourriez qu’aggraver la désertification médicale qui frappe d’ores et déjà nombre de départements. Vous ajouteriez à la raréfaction de l’accès aux soins la perte d’activité et l’appauvrissement de nos territoires.

Selon l’INSEE, l’accès aux services publics contribue deux fois plus à la réduction des inégalités entre les ménages que les transferts monétaires. La disparition de ceux-ci aggrave les inégalités. Ne dites pas que vous les combattez !

La mise en place d’agences régionales de santé pose des questions d’articulation entre les différents acteurs. Le champ d’intervention de l’agence couvrira le secteur médicosocial et social dans une perspective globale de santé publique et, pour cela, intégrera pleinement les compétences acquises des départements. Mais les élus locaux ne pourront pas être cantonnés au rôle de simples donneurs d’avis, les départements à celui d’opérateurs.

La nouvelle gouvernance de l’hôpital suscite les plus grandes craintes. Les mots ont un sens ! Le vocabulaire entrepreneurial qui baigne ce projet justifie toutes les appréhensions. Après la soumission de l’hôpital public aux impératifs de rentabilité comptable, l’installation d’un « patron » et la mise en place, selon le Président de la République, d’une « politique d’intéressement modulée en fonction de la productivité » sonnent l’avènement de l’hôpital entreprise commerciale.

Selon une récente étude du Secours populaire, deux Français sur cinq ont retardé le moment de se soigner ou ont même renoncé à le faire en raison de la hausse des coûts. D’un côté, forfait, déremboursements, franchises médicales, taxation des mutuelles aujourd’hui, de l’autre, dépassements d’honoraires, bénéfices des laboratoires pharmaceutiques, stock-options, bouclier fiscal : tel est le résultat de six années de « politique sociale » dans laquelle on chercherait en vain une quelconque visée de santé publique.

Avec la réforme annoncée de l’hôpital, la boucle est bouclée en réduisant le malade à sa seule dimension d’être biologique souffrant, consommateur de prestations techniques.

Eh bien ! non, la santé n’est pas un bien marchand. La carte bleue ne doit pas se substituer à la carte vitale. C’est bien cela préserver le pacte de 1945 évoqué ce matin par Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. François Autain. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’hôpital va mal, mais ce n’est pas nouveau. En revanche, ce qui l’est, c’est la très nette prise de conscience à laquelle on assiste cette année, une prise de conscience qui va s’accompagner d’une vraie volonté politique d’agir avec le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », que nous attendons avec impatience et qui devrait nous être soumis dès le début de l’année 2009.

Pour autant, cette loi pourra-t-elle seule venir à bout du mal hospitalier ? Il est permis de s’interroger.

Oui, l’hôpital va mal Mais tel était déjà le cas il y a quatre ans lorsque nous avons étudié la grande réforme de l’assurance maladie, qui mettait totalement de côté la question de l’hôpital.

Que s’est-il passé dans l’intervalle ? Deux phénomènes regrettables ont pu être observés.

Premier phénomène, le secteur hospitalier est un peu trop apparu comme la variable d’ajustement du budget de la santé. En effet, c’est par la régulation budgétaire que le Gouvernement a répondu aux difficultés financières rencontrées par le secteur.

Nous ne sommes pas opposés à la régulation budgétaire. Elle peut être utile et nécessaire, mais à condition d’être véritablement médicalisée et non purement comptable La médicalisation de la dépense hospitalière, c’est bien cela qui manque encore aujourd’hui.

Le second phénomène, conséquence directe du premier, est la dégradation nette du contexte financier des établissements de santé.

Les hôpitaux publics continuent de faire face à une situation de plus en plus critique. L’analyse de celle-ci met en évidence une dégradation financière de 2005 à 2007. En effet, l’estimation du résultat au niveau national sur le compte du résultat principal s’élève à 745 millions d’euros, soit 1,2 % des recettes totales des établissements publics de santé.

On ne peut pas dire que rien n’a été fait, loin de là !

En premier lieu, le passage à la tarification à l’activité n’est pas une petite mesure. La dotation globale attribuée aux hôpitaux publics figeait les situations et ne prenait pas suffisamment en compte l’activité médicale et le service rendu. Il fallait donc en sortir pour mesurer l’activité réelle de l’hôpital. C’est ce qui a été fait avec célérité avec la tarification à l’activité de 100 % des activités de médecine, chirurgie et obstétrique, les activités MCO, des établissements publics dès le 1er janvier 2008. Mais a-t-on pris suffisamment en compte l’effet inflationniste que cette mesure peut entraîner ?

Par ailleurs, le plan Hôpital 2007, qui a représenté une première ébauche de la réforme de la gouvernance de l’hôpital, a relancé l’investissement hospitalier.

Dans ces conditions, je ne peux que saluer la décision du Gouvernement de poursuivre le volet investissement du plan Hôpital 2007 par un plan Hôpital 2012.

Mais toutes ces mesures restent inachevées et ne semblent pas relever d’un plan d’ensemble pour l’hôpital, d’une réforme coordonnée sous-tendue par une logique globale. Jusqu’à présent, la réforme du secteur s’est faite par touches impressionnistes. C’est certainement ce constat qui a présidé à la prise de conscience, sans doute salutaire, à laquelle nous avons assisté cette année. Il était temps !

Entre autres publications importantes consacrées au sujet, je tiens à saluer le rapport d’information Pour une gestion responsable de l’hôpital, établi au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, qui tente de lever le voile sur les trois aspects fondamentaux de la politique hospitalière que sont ses tarifs, sa situation financière et l’état de ses ressources humaines.

S’y ajoute un document déterminant, le rapport Larcher. Nous ne pouvons que souscrire aux orientations qu’il définit, relatives à l’évolution de la gouvernance hospitalière ou encore au regroupement des hôpitaux publics au sein de communautés hospitalières de territoire. Toutefois, il nous est difficile de dissocier ce rapport du futur projet de loi HPST. En fait, on peut considérer ce rapport comme une étude préalable au projet de loi.

Alors, que dire des perspectives ouvertes par ce que nous savons de ce projet de loi et que vous nous avez révélé, monsieur le secrétaire d'État ? Eh bien ! celles-ci sont encourageantes, mais elles pourraient ne pas porter tous leurs fruits si un sérieux effort n’est pas accompli en matière de connaissance chiffrée du secteur hospitalier.

Comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, une réforme digne de ce nom du secteur hospitalier, c’est-à-dire médicalisée et non uniquement comptable, devrait, à notre sens, s’articuler autour de trois axes.

Le premier axe est relatif à la gestion financière, avec la question de la T2A et la convergence des tarifs entre les secteurs public et privé et intra-secteur.

Le deuxième axe concerne la gouvernance et le pilotage du secteur et son interopérabilité avec l’ambulatoire.

Enfin, le troisième axe est intrinsèquement lié aux deux premiers : il s’agit des gains de productivité et d’emploi.

La loi HPST semble parfaitement répondre à la problématique de la gouvernance, mais beaucoup moins à celle de la gestion financière et des gains de productivité et d’emploi.

Il est vrai que la réforme de la gouvernance hospitalière et du pilotage du secteur, proposée dans le projet de loi, paraît profonde et pertinente, d’autant qu’elle s’appuierait sur les agences régionales de santé, dont nous n’avons eu de cesse de réclamer la création.

Demeurent les questions fondamentales de la gestion financière et des gains de productivité et d’emploi dans le secteur. La loi HPST ne sera pas en mesure d’y répondre, pour la simple raison qu’elle n’en parle pas ! On ne pourra avancer sur ces sujets majeurs qu’en disposant de données pertinentes. Or, à ce jour, tel n’est pas le cas. Le secteur hospitalier restera-t-il celui des tabous ? Il nous faut les briser, faute de quoi il nous sera impossible de réformer structurellement l’hôpital.

Quelles charges pèsent vraiment sur l’hôpital ? Quelle est la situation financière réelle de l’hôpital et comment y faire face ? Quel est l’état de l’emploi hospitalier ? Mystères et tabous, auxquels se heurtent les réformes déjà entreprises.

Ainsi, en matière de tarification à l’activité, les retards dans la mise en œuvre des études comparatives sur les coûts figent, à ce jour, la convergence tarifaire entre public et privé. Est-elle possible ? Les outils actuellement en place laissent cruellement à désirer.

À l’intérieur même du secteur hospitalier, la fiabilité de l’échelle nationale des coûts est contestée par la Cour des comptes et l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS. Des écarts de plus de 30 % apparaissent entre les établissements publics, et l’écart entre ceux-ci et les établissements privés s’établit aussi à 30 % environ. L’origine de cet écart est discutée. Est-ce dû à la programmation des soins, aux urgences, aux soins apportés à des publics démunis ? Il est temps d’en savoir plus.

En outre, la gestion financière des hôpitaux a été malmenée par la transition vers la T2A. Je pose la question du coefficient de conversion appliqué pour opérer une certaine péréquation entre établissements « gagnants » et établissements « perdants » du nouveau mode de financement. Les coefficients appliqués aux hôpitaux en déficit pendant la période transitoire sont-ils justes ? Ne faudrait-il pas laisser intégralement les ressources émanant de la T2A aux hôpitaux en déficit ? Ce serait une mesure de bon sens, de surcroît compréhensible pour les personnels.

Il faut revoir les mécanismes de péréquation en place. C’est ce qu’attendent les personnels, qui déploient en vain des efforts importants. Si l’on considère le volant de jours de RTT non pris et en attente, on constate que ces efforts sont réels.

Quant aux coûts du secteur privé, ils sont toujours très mal connus. Toutefois, un rapport récent de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, révèle que les cliniques parviennent à dégager un bénéfice de 13 % par an. Peut-on laisser subsister un système permettant au secteur privé de dégager de tels taux de rentabilité quand, dans le même temps, le secteur public s’enlise ?

En matière de convergence tarifaire, nous ne pouvons que nous réjouir que le rapport remis au Parlement par le Gouvernement le 15 octobre dernier annonce, d’une part, la création de l’échelle commune de coûts que l’on attendait et, d’autre part, les progrès réalisés en matière de permanence des soins et de pathologies sévères, progrès qui ont été confirmés par Mme la ministre. Ils permettront de revaloriser les missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, dont les contours sont évidemment toujours soumis à caution. Ces missions correspondent-elles à l’action réelle de l’hôpital ? Comment évaluer, par exemple, le coût pour l’hôpital des polypathologies ?

Même si les progrès que j’ai mentionnés vont dans le bon sens, quatre ans après la réforme de la T2A, des études complémentaires indispensables ne sont pas réalisées ou leurs résultats ne sont pas connus. La commission a demandé un calendrier sur ces questions ; nous nous joignons à elle.

Par ailleurs, à combien s’élèvent les déficits hospitaliers ? Selon la Fédération hospitalière de France, ils seraient de l’ordre de 800 millions d’euros, soit 20 % du déficit de l’assurance maladie ! Or ces 800 millions d’euros inscrits aux comptes des établissements ne sont pas retracés par l’ONDAM hospitalier, qui n’est pas dépassé. Tôt ou tard, il faudra payer. Évidemment, on ne mettra pas les établissements en faillite. Dès lors, comment l’État envisage-t-il de faire face à ce problème ? Nous n’avons aucune visibilité sur cette question.

C’est pour briser tous ces tabous que nous demandons, depuis des années, un grand audit sur la situation financière et sur la qualité du secteur hospitalier. Des audits ponctuels existent. Pourquoi ne disposons-nous pas de leurs conclusions ? En 2006, le président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie le réclamait de concert avec la Cour des comptes. Pour l’heure, rien de tel ne semble programmé.

Nous attendons donc des réponses à ces questions, tout en saluant la prise de conscience de Mme la ministre sur la nécessité de réformer l’hôpital, ainsi que le volontarisme politique qui semble l’accompagner. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)