M. Jean-Pierre Godefroy. …et eu égard au fonctionnement démocratique de notre assemblée, il faudra supprimer ou modifier la procédure de vote par scrutin public. Je le dis comme je le pense – et mes collègues s’accordent à penser comme moi ! –, on ne peut pas continuer à accepter que les absents votent contre les présents ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Avant d’expliquer mon vote, je souhaite m’associer aux propos de Jean-Pierre Godefroy. Recourir à la procédure de vote par scrutin public dans ces conditions ne fait pas l’honneur au Parlement, compte tenu du nombre de sénateurs présents. Il ne faut pas continuer ainsi.

J’en viens à l’amendement n° 201. Je ne comprends pas les raisons pour lesquelles M. le rapporteur et M. le ministre m’opposent l’argument selon lequel cet amendement obligerait l’employeur à procéder au reclassement du salarié déclaré inapte. Nous demandons simplement que le salarié puisse bénéficier d’un salaire équivalent le temps de son reclassement, car, comme vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, le reclassement peut parfois être long. Or les salariés concernés ne sont pas toujours justement indemnisés.

Si le salarié est déclaré inapte, des procédures juridiques existent dans le code du travail, qui permettent à un employeur de se séparer du salarié concerné.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Mon propos sera très bref.

Il n’y a que quelques minutes que la séance est reprise. J’admire la ponctualité de nos collègues de l’opposition, mais…

M. Jean-Pierre Godefroy. La ponctualité, c’est une politesse !

M. Bernard Cazeau. Vous n’avez qu’à être à l’heure !

M. Jean-Pierre Cantegrit. …je les invite à laisser le temps à nos collègues de la majorité de venir nous rejoindre avant de prononcer des paroles définitives ! (Mme Brigitte Bout applaudit. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Patricia Schillinger. C’est inadmissible !

Mme Isabelle Debré. Restons calmes !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 201.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 34 :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 324
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l’adoption 139
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 204, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après les mots :

du présent code

supprimer la fin de second alinéa du II de cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Avec la rédaction proposée pour l’article L. 1226-7 du code du travail, vous entendez autoriser la suspension du contrat de travail, durant la période d’arrêt, avec maintien de salaire, dès lors que le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle accomplit des « actions d’évaluation, d’accompagnement, d’information et de conseil auxquelles la caisse primaire est partie prenante ».

Cette insertion supplémentaire, résultant de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, ne nous paraît pas souhaitable, car elle apporte de l’obscurité là où la rédaction était pourtant claire. Aujourd’hui, personne n’est capable de nous préciser la nature de ces actions. Et il nous semble qu’il n’est pas sérieux de demander à la représentation nationale de donner un chèque en blanc en matière d’activité du salarié durant sa période d’arrêt. Celle-ci est par nature incompatible avec une activité professionnelle normale.

En outre, nous nous interrogeons sur la notion d’accompagnement. Est-il question, durant la période d’arrêt de travail, de faire financer par la collectivité, c’est-à-dire par la cotisation de tous les salariés, des mesures visant à faciliter l’insertion professionnelle du salarié en arrêt, dans l’éventualité où celui-ci serait par la suite licencié ? Entendez-vous déresponsabiliser les employeurs en leur permettant de se décharger de leur obligation de reclassement ? De la même manière, de quelle nature pourraient être les conseils promulgués au salarié victime d’un accident du travail ?

Déjà, la notion de formation initialement prévue nous posait problème. Nous considérions en effet qu’il n’était pas nécessairement souhaitable que, durant une période nécessaire à la reconstruction du salarié, celui-ci puisse faire autre chose que ce pourquoi l’arrêt de travail a été décidé. Je vous renvoie sur ce point à la disposition que vous avez adoptée l’an dernier, mes chers collègues, qui prévoit que les médecins-conseils vérifient régulièrement que les salariés en arrêt de travail sont effectivement chez eux. En l’espèce, c’est vous qui allez faire en sorte qu’ils ne restent pas à leur domicile.

Nous estimons, en tout état de cause, que cette formation doit être supportée non pas par la collectivité, mais par l’employeur, qui est responsable de la situation et profitera indirectement de cette formation. Il est donc illégitime de suspendre le contrat de travail.

Par ailleurs, connaissant la propension de votre gouvernement à conditionner toutes les aides qu’il accorde à une contrepartie de la part du bénéficiaire, nous redoutons que ce qui est facultatif aujourd’hui ne soit obligatoire demain ; je pense notamment aux dispositions relatives au RSA, le revenu de solidarité active.

Compte tenu du manque de clarté de cette mesure, nous proposons de la supprimer, quitte à en rediscuter de manière plus approfondie lors de la commission mixte paritaire ou d’un autre débat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. L’Assemblée nationale a souhaité élargir le dispositif prévu à l’article 66 en permettant aux victimes d’accidents du travail de suivre non seulement des actions de formation, mais aussi des actions d’évaluation, d’accompagnement, d’information et de conseil, tout en continuant à percevoir leurs indemnités journalières.

Pendant cette période, leur contrat de travail est suspendu et non pas rompu, ce qui constitue une garantie. Le présent amendement ne nous paraît donc pas avantageux pour les salariés. En outre, il affecterait la cohérence du texte.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 204.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 205, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le refus pour le salarié de participer à l'une des actions mentionnées au I ou II de cet article ne peut être constitutif d'une sanction.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement fait suite à celui que je viens de vous présenter et qui n’a pas été adopté.

Par l’amendement n° 205, nous entendons préciser que le refus pour le salarié de participer à l’une des actions mentionnées à l’article 66 de ce projet de loi ne peut être constitutif d’une sanction à son égard.

En effet, bien que le salarié doive être volontaire, comme pour le travail le dimanche ou les heures supplémentaires, et que l’accord de la caisse primaire soit requis, de telles garanties semblent bien minces face aux nécessités économiques et aux pressions sur l’emploi.

Puisque chacun s’accorde à dire que la disposition prévue par cet amendement va de soi, pourquoi ne pas l’intégrer au projet de loi ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Puisqu’il s’agit d’une démarche volontaire, il est exclu qu’une sanction soit appliquée à quelqu’un qui ne souhaiterait pas s’engager dans une formation.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 205.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 66.

(L'article 66 est adopté.)

Article 66 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2009
Article 67 (priorité)

Article additionnel avant l'article 67 (priorité)

Mme la présidente. L'amendement n° 206, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 67, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 222-19 du code pénal, après les mots : « trois mois », sont insérés les mots : « ou une incapacité permanente, partielle ou totale ».

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L’article 222-19 du code pénal réprime les atteintes involontaires à l’intégrité de la personne, mais les actions de maladresse, d’imprudence, d’inattention, de négligence ou de manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ne sont sanctionnées à hauteur de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende qu’à la condition que la victime soit atteinte d’une incapacité totale de travail de plus de trois mois.

Cette rédaction n’est pas la mieux à même de permettre la sanction pénale des employeurs pour les dommages causés à leurs salariés. En effet, en faisant explicitement référence à une incapacité totale de travail de plus de trois mois, elle a pour conséquence d’exclure un certain nombre de victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.

Nous avons déposé cet amendement afin de permettre la pleine application de cet article. Son adoption permettrait notamment de prendre en compte la situation très spécifique des salariés exposés à l’amiante durant leur activité professionnelle et qui auraient développé des plaques pleurales. Comme vous le savez, l’apparition de telles plaques n’ouvre pas droit à un arrêt de travail. Ces victimes, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ne peuvent pas, par conséquent, profiter des dispositions prévues dans cet article du code pénal.

Vous le voyez, cet amendement est de pur pragmatisme. C’est pourquoi je ne doute pas que vous l’adopterez.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. Les mesures aujourd’hui en vigueur nous paraissent suffisamment dissuasives. Il ne faut pas oublier que, au-delà d’une éventuelle sanction pénale, les employeurs fautifs s’exposent à une augmentation du montant de leur cotisation sociale et peuvent aussi être sanctionnés en cas de faute inexcusable, dont la définition a été élargie depuis 2002. Dans ces conditions, il ne nous paraît pas nécessaire d’alourdir les sanctions déjà prévues par le code pénal.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Ce débat, je le vois bien, n’a pas l’air d’intéresser les foules. J’aimerais tout de même que M. le ministre soit un peu plus attentif. Certes, nous représentons l’opposition, mais celle-ci a droit au respect parlementaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame David, au cours de la discussion générale, nous sommes intervenus en détail sur ce point. J’ai tenu à être présent pour vous répondre précisément et personnellement sur ces questions.

Nous savons pertinemment que vous organisez les débats comme vous le souhaitez et vous avez décidé d’évoquer de nouveau cette question, sur laquelle je me suis d’ores et déjà exprimé. Souvenez-vous-en, madame David ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 206.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 67 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2009
Articles additionnels après l'article 67 (priorité)

Article 67 (priorité)

I. - L'article 47 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 est abrogé.

II. - Le montant de la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante est fixé à 880 millions d'euros au titre de l'année 2009.

III. - Le montant de la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante est fixé à 315 millions d'euros au titre de l'année 2009.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez tout d’abord d’excuser ma collègue Nathalie Goulet, qui devait intervenir sur cet article, mais qui est retenue à Valence, où se réunit actuellement l’assemblée parlementaire de l’OTAN. Elle m’a chargé de vous dire, ce que je fais bien volontiers, qu’elle était très impliquée dans la reconnaissance des sinistrés de la vallée de l’amiante, qui s’étend, dans son département, de Caligny à Condé-sur–Noireau. Tous les sénateurs bas-normands sont concernés par ce drame de la « vallée de la mort », comme on l’appelle.

Vous savez tous ici à quel point je suis particulièrement sensible au problème de l’amiante. Je regrette, une fois de plus, le minimalisme du texte en la matière.

Comme chaque année, le Gouvernement restreint cette question à son aspect purement financier. Et les règles en matière d’irrecevabilité financière nous empêchent, en tant que parlementaires, de proposer par voie d’amendements les évolutions positives attendues par les milliers de salariés confrontés à ce problème.

Une fois de plus, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est vide de toute mesure de nature à rendre plus justes et plus pérennes les modalités de financement des fonds amiante. Pourtant, depuis 2005, les propositions ne manquent pas. Le rapport du Sénat, qui a été salué par tous, et celui de l’Assemblée nationale ont ouvert la voie à l’évolution des dispositifs de prise en charge des maladies liées à l’amiante, non sans considérer le coût financier d’une telle évolution.

D’autres rapports, comme celui de la Cour des comptes ou, plus récemment, de M. Jean Le Garrec, ont adopté une vision plus comptable du problème et laissent craindre une réforme restrictive des fonds amiante.

Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quand aura lieu cette réforme. Combien de temps faudra-t-il attendre pour connaître l’orientation du Gouvernement à la suite de tous ces rapports ?

Puisqu’il ne nous est pas possible d’agir dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous sommes contraints d’attendre que le Gouvernement prenne l’initiative. Pour l’instant, monsieur le ministre, j’espère que vous voudrez bien répondre à deux questions au moins.

La première concerne le FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. L’article 67 prévoit de supprimer la contribution à la charge des entreprises, officiellement pour cause de complexité et de rendement insuffisant, et d’y substituer une contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles.

Or, vous le savez, le nombre de victimes de l’amiante va malheureusement augmenter au cours des vingt prochaines années : on estime à 100 000 les personnes qui vont déclarer la maladie et, éventuellement, en mourir. Alors que vous aviez mis en place une contribution employeur censée réunir 100 millions d’euros, vous ne disposez aujourd’hui que de 30 millions d’euros et vous y substituez un financement par la branche AT-MP, sans augmentation de l’enveloppe. Dès lors, comment allez-vous financer le dispositif de la cessation anticipée d’activité ?

Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous verrez dans cette question une allusion à une autre question fondamentale, celle des conditions d’accès au FCAATA. Si l’enveloppe doit rester constante, cela signifie-t-il que vous comptez restreindre l’accès à l’ACAATA, l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante ?

Ma seconde question a trait au FIVA, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. L’exposé des motifs du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 indique que le financement de ce fonds ne pose pas de problème – c’est peut-être vrai – et que nous n’avons pas besoin d’augmenter son enveloppe pour l’année 2009. Dans le même temps, vous précisez que les moyens supplémentaires, notamment humains, que vous allez allouer au fonds lui permettront de traiter avec une plus grande efficacité un nombre plus important de dossiers.

Si tel est le cas, je vois mal comment vous allez pouvoir indemniser un plus grand nombre de victimes à enveloppe constante, à moins que les moyens que vous prévoyez d’allouer ne soient inefficaces et que l’on continue à traiter le nombre de victimes à flux constant. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quels sont ces moyens supplémentaires et, surtout, comment ils seront financés si le fonds est toujours alimenté au même niveau ?

Mme la présidente. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 207, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. L’article 67 a pour objet de supprimer la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l’amiante, prévue à l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

La contribution que vous entendez supprimer a pour objet le financement du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante qui permet à ces salariés de ne pas attendre l’âge légal de départ à la retraite pour cesser leur activité professionnelle. Il s’agit non pas d’une mesure généreuse, mais d’un droit légitime, les salariés dont il est question ayant une durée de vie inférieure à celle qui aurait dû être la leur s’ils n’avaient pas été exposés. Ce départ anticipé n’est donc rien d’autre qu’une compensation légitime.

Je constate d’ailleurs que personne ne remet en cause ce principe. Toutefois, vous entendez supprimer cette contribution au motif, d’une part, que celle-ci serait trop difficile à percevoir et, d’autre part, qu’elle aurait fait obstacle à la reprise des activités de certaines entreprises. Je voudrais revenir sur ces deux points.

D’après le rapport de notre collègue Alain Vasselle, la contribution visant à financer le FCAATA serait tellement complexe à percevoir qu’elle n’aurait rapporté en 2008 que 30 millions d’euros. Et vous prenez prétexte de cette complexité pour proposer une mutualisation à l’ensemble des employeurs.

M. Gérard Dériot, rapporteur. Ce n’est pas le rapport de M. Vasselle, c’est le mien !

M. Guy Fischer. Effectivement, mais je voulais tester votre vigilance, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

Agir ainsi, c’est oublier les objectifs impartis à cette contribution. Lors de sa création en 2004, les législateurs l’ont imaginée à la fois comme un outil de financement du fonds et comme un outil de responsabilisation des employeurs. Afin de mieux responsabiliser ces derniers, ils ont fait le choix de l’individualiser, c’est-à-dire d’en faire supporter le financement par ceux qui étaient responsables de cette exposition. Il s’agissait, en quelque sorte, d’une application du principe pollueur-payeur.

Ce que vous proposez aujourd’hui revient à considérer qu’il n’y a pas de responsabilité particulière, puisque vous diluez cette contribution sur l’ensemble des employeurs. Je m’étonne donc que ceux qui, dans cet hémicycle, se font les chantres de la moindre taxation des entreprises ne soient pas contre cette taxe imposée à des entreprises qui n’ont pas de responsabilité particulière en la matière.

En fait, cet article 67 ne vise pas tant à généraliser cette contribution qu’à la supprimer. Car cette contribution, qui ne vous suffisait pas et qui vous a conduits à proposer cet article, vous y renoncez en partie !

Il s’agira donc d’une réorientation d’une partie des cotisations patronales de la branche AT-MP au FCAATA. Vous me direz que le montant de la contribution de la branche AT-MP progresse de 30 millions d’euros – soit exactement le produit de cette contribution –, puisqu’elle passe de 850 millions d’euros en 2008 à 880 millions d’euros pour 2009.

Toutefois, nous nous interrogeons : si votre objectif était réellement de trouver les moyens suffisants pour financer le FCAATA, pourquoi vous limiter alors aux seuls résultats de cette contribution – que vous estimez, à juste titre, insuffisante – et ne pas avoir profité de ce dispositif pour récupérer l’ensemble des sommes initialement prévues, c’est-à-dire aux alentours de 100 millions d’euros ?

En réalité, cette mesure contribue à réduire le coût du travail. C’est un signal fort de déresponsabilisation des entreprises coupables de milliers de maladies professionnelles, alors que, dans le même temps, les associations d’insertion et de formation vont subir de plein fouet cette disposition mettant en péril bon nombre de leurs missions.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. La suppression de l’article 67 est vitale pour les 100 000 personnes victimes de l’amiante, dont l’indemnisation serait moindre si cet article était adopté. On voit bien que ce sont toujours les mêmes qui paient moins.

M. Gérard Dériot, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

Mme la présidente. L'amendement n° 79, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. Supprimer le I de cet article.

II. Dans le II de cet article, remplacer le montant :

880 millions

par le montant :

850 millions

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne le problème particulièrement douloureux de l’amiante dont M. Godefroy a fort bien parlé.

Le I de l'article 67 tend à supprimer la contribution à la charge des entreprises, introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 et versée au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

Son faible rendement – 30 millions d'euros – et les difficultés de recouvrement sont avancés pour justifier sa suppression.

Le II de cet article prévoit, en conséquence, d’augmenter la dotation de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles au FCAATA de 30 millions d’euros. Cette augmentation sera supportée par une majoration des cotisations AT-MP de l’ensemble des employeurs.

Je tiens à souligner le caractère particulièrement déresponsabilisant de cette mesure. En effet, les entreprises, même si elles ont changé de main, n’ont pas disparu. On a parlé tout à l’heure de la vallée de l’amiante : les affections ont été contractées au sein d’entreprises réputées qui fabriquaient des produits particuliers ou dans lesquelles les salariés étaient directement en contact avec ce produit qu’il y a quelques dizaines d’années encore on utilisait les uns et les autres couramment, y compris dans les travaux ménagers.

Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes particulièrement sensible à ce problème. Je voudrais néanmoins rappeler que le coût de la prise en charge des victimes de l’amiante serait actuellement compris entre 1,3 et 1,9 milliard d’euros par an, et qu’il est évalué dans une fourchette comprise entre 26 et 37 milliards d’euros pour les vingt prochaines années. L’amiante causera donc assurément plus de décès que le sida, une maladie dont on sait combien elle a remué notre société.

Je pense qu’il faudrait prévoir autre chose que la déresponsabilisation d’entreprises dont on connaît la grande responsabilité et qui, au demeurant, ont été rachetées par un certain nombre de groupes industriels. Tel est le sens de cet amendement.

Je sais que l’emploi dans cette affaire n’est pas neutre ; je sais que les entreprises n’hésitent pas à recourir au chantage à la fermeture. Mais, eu égard à la gravité du problème, ces arguments ne me paraissent pas suffisants pour justifier la suppression de la contribution à la charge des entreprises.

Mme la présidente. Les amendements nos88 et 340 sont identiques.

L'amendement n° 88 est présenté par MM. Godefroy, Cazeau, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger, Demontès, Campion, Printz, Chevé, San Vicente-Baudrin, Alquier, Ghali et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 340 est présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Dini, MM. Mercier, J. Boyer et les membres du groupe Union centriste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le I de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour défendre l’amendement n° 88.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l'amendement n° 340.

Mme Muguette Dini. L’objet de cet amendement est de revenir sur la suppression de la contribution au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante des entreprises dont les salariés ont été exposés à l'amiante.

Nous comprenons bien les raisons techniques qui ont conduit le Gouvernement à opter pour une mutualisation totale du financement du fonds par les entreprises, en particulier la difficulté de retrouver les entreprises responsables et le faible rendement de leur contribution. Cependant, il n’est pas exact de dire qu’il est toujours impossible de remonter jusqu’aux entreprises concernées et, sur le plan des principes, il peut paraître choquant de ne pas les faire contribuer au FCAATA.

Mme la présidente. L'amendement n° 208, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

A - Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - Les deux derniers alinéas du II de l'article 47 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 sont supprimés.

B - La perte de recettes résultant pour la sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par la majoration des taux de cotisations visés à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Avec cet amendement, nous prenons, et nous en sommes conscients, le contre-pied total de cet article 67.

En effet, là où vous proposez de supprimer la contribution finançant le FCAATA, nous envisageons au contraire, suivant en cela les conclusions du rapport de l’IGAS rendu en 2005, de supprimer les dispositions prévues à l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, donc d’accroître les ressources et de développer le financement.

Il s’agit, comme le préconisait ce rapport, de supprimer le plafonnement prévu, qui vise à limiter le montant de la contribution à 4 millions d’euros par année civile. Nous considérons en effet que cette mesure de plafonnement ne se justifie en rien.

Nous entendons également supprimer l’exonération dont bénéficient les entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire.

Notre amendement se justifie pleinement, particulièrement au regard de ce que vous avez dit sur la faible efficacité de cette contribution. Elle devait rapporter 120 millions d’euros et n’a finalement rapporté que 30 millions ! Cette situation résulte en grande partie d’exonérations légales que notre amendement entend supprimer.

Cet amendement a le mérite de poser clairement la question de notre conception de la solidarité à l’égard des victimes de l’amiante, et d’opposer nos positions aux vôtres en termes de responsabilité des entreprises.

En outre, je voudrais revenir sur ce qui a été dit à propos de la difficulté que ferait naître la contribution pour les entreprises qui cherchent un repreneur. Il me semble, mais je peux me tromper, que cette difficulté ne s’est présentée qu’une seule fois.

D’une manière plus générale, c’est bien une question de responsabilité qui est posée. L’individualisation de la contribution permet à l’entreprise sanctionnée d’attester de sa propre responsabilité à l’égard des salariés qu’elle a embauchés et qu’elle a exposés à l’amiante.

Le Gouvernement voudrait nous faire croire que le repreneur de cette société ne devrait pas subir cette contribution au motif qu’il n’a pas lui-même exposé le salarié à l’amiante. Mais cette contribution pèse sur l’entreprise et non sur l’employeur : elle est donc, comme l’ensemble des dettes et des passifs, transmissible au repreneur.

Par ailleurs, votre proposition tend à réduire à néant la valeur travail, que le candidat de l’UMP disait pourtant vouloir reconnaître. Car l’entreprise reprise a un certain capital, une valeur, que les salariés exposés à l’amiante ont contribué à constituer. Il est donc incompréhensible que le repreneur profite du fruit des travailleurs exposés à l’amiante et ne participe nullement à cette logique de compensation.