compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures cinquante.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d'un ancien sénateur

Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jacques Genton, qui fut sénateur du Cher de 1971 à 1998. Chacun se souvient qu’il présida la délégation pour l’Union européenne de 1979, date de sa création, jusqu’en 1998.

3

Fin de mission d’un sénateur

Mme la présidente. Par lettre en date du 27 novembre 2008, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 30 novembre 2008, de la mission temporaire sur la place du vétérinaire libéral et son rôle dans le système français de surveillance et de gestion des risques tout au long de la filière animale, confiée à M. Charles Guéné, sénateur de la Haute-Marne, auprès de M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche, dans le cadre des dispositions de l’article L. O. 297 du code électoral.

Acte est donné de cette communication.

4

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour un rappel au règlement.

M. Serge Lagauche. À l’heure où nous allons débattre des crédits destinés à la recherche, je voudrais revenir sur la curieuse journée d’hier pour ce secteur.

Hier matin, était réuni le conseil d’administration du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, avec, à l’ordre du jour, deux points d’importance capitale pour l’avenir de l’organisme : le vote du budget pour 2009 entérinant les suppressions de postes, sur lesquelles nous reviendrons lors du débat, et une étape majeure de la réorganisation du CNRS en instituts.

N’assumant vraisemblablement pas cet ordre du jour, la tutelle et la direction ont réussi à échafauder un scénario ubuesque pour éviter des débats difficiles avec les élus représentant le personnel.

Ainsi, jusqu’au dernier moment, le secret a été gardé sur le lieu effectif de la réunion du conseil d’administration, la direction laissant entendre qu’il aurait lieu au ministère et non siège du CNRS.

Peu dupes de la mascarade qui se préparait, les élus, accompagnés des personnels désireux de manifester leur mécontentement face aux décisions à entériner, compromettant l’avenir de leur organisme, finissent par gagner le siège du CNRS quelques minutes avant l’heure du début de la réunion du conseil d’administration. La salle du conseil d’administration est préparée avec soin, même les croissants sont au rendez-vous… Belle mise en scène !

Cinq minutes avant l’ouverture de la séance du conseil, les cinq élus sont prévenus par SMS que celle-ci se tiendra dans des bureaux situés à quelques centaines de mètres de là. Des cars de CRS les attendent, empêchant tout le monde de pénétrer dans les lieux de la réunion, même les cinq élus au conseil d’administration.

À l’issue de cette mascarade, point de gêneurs donc pour perturber les votes hypothéquant l’avenir du fleuron de la recherche française, et tout cela dans la plus grande légalité – convocations envoyées, ordre du jour transmis – et avec la plus belle hypocrisie.

Madame la présidente, je demande que le Sénat prenne acte tout à la fois du mépris avec lequel la direction du CNRS et sa tutelle traitent les chercheurs qui, pour protester, ont passé la nuit devant le siège de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, et de la manière dont elles bradent leur avenir et celui de la recherche française.

Mme la présidente. Monsieur Lagauche, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

5

Article 84 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Deuxième partie

Loi de finances pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Recherche et enseignement supérieur

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 98 et 99).

Recherche et enseignement supérieur

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (et articles 66, 66 bis et 66 ter).

La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à bien des égards, la mission « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, paraît privilégiée dans un contexte budgétaire très contraint

Ses crédits, qui s’élèvent à 24,1 milliards d’euros en crédits de paiement, affichent une progression 3,2 % par rapport à 2008.

Ses emplois échappent à la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, les taux réels étant d’un pour huit dans l’enseignement supérieur et d’un pour douze pour la recherche.

La programmation des finances publiques montre une continuité de cet effort budgétaire jusqu’en 2011.

On peut y voir la valeur d’investissement dans l’avenir des dépenses engagées dans cette mission, vision que Christian Gaudin et moi-même partageons. Cela étant, il restera à vérifier que ces moyens seront bien utilisés.

Le programme « Formations supérieures et recherche universitaire » sera doté de 11,7 milliards d’euros de crédits de paiement, soit presque la moitié de ceux de la mission. Plusieurs innovations de ce projet de budget le concernent.

Ainsi, le 1er janvier 2009, vingt établissements universitaires accéderont à l’autonomie, en application de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, la loi LRU : 34 491 emplois équivalent temps plein travaillé, ETPT, représentant une masse financière de près de 1,9 milliard d’euros, doivent leur être transférés.

Par ailleurs, on met en place le nouveau système d’allocation des moyens aux universités, destiné à remplacer l’ancien outil San Remo, dans une logique donnant la priorité aux besoins réels et à la performance sur les calculs théoriques. Il prend en compte les observations qui ont été présentées par l’Assemblée nationale et par le groupe de travail sénatorial commun à notre commission et à la commission des affaires culturelles.

Madame la ministre, je reviendrai sur ce point à la fin de mon propos. Je souhaite savoir si cette nouvelle méthode est définitive. La valorisation de la recherche aurait mérité d’être davantage prise en compte. Cette nouvelle méthode le permettra-t-elle ? Le tableau qui m’a été transmis n’est pas satisfaisant sur ce point.

Les moyens financiers nécessaires à la réussite de cette délicate transition sont aussi au rendez-vous : 91 millions d’euros sont prévus en 2009, l’effort total devant s’élever à 511 millions d’euros sur la période 2009 à 2011.

Sur ce programme, il convient aussi d’évoquer deux axes.

Le premier est la revalorisation des carrières de certaines catégories de personnel, parmi lesquelles les jeunes maîtres de conférences, dont la rémunération sera majorée de 240 à 510 euros bruts par mois, soit de 12 à 25 % d’augmentation. Madame la ministre, nous vous remercions de cette initiative qui nous satisfait pleinement, car elle répond à notre attente.

Le second axe est la poursuite du plan « Réussite en licence » qui sera doté de 68 millions d’euros en 2009.

Enfin, d’un point de vue extra-budgétaire, il faut évoquer l’opération campus, qui doit doter la France d’une dizaine de campus accueillants et performants, compétitifs sur la scène internationale. Dix campus ont ainsi été sélectionnés par le ministère pour « leur ambition scientifique et leur rayonnement international, l’urgence immobilière et les projets présentés en termes de vie de campus ».

Le financement de l’opération provient des produits financiers dégagés par le placement, sur un compte spécifique, du produit de la vente par l’État d’une partie des actions qu’il détient dans EDF. Cinq milliards d’euros devaient y être consacrés. Le produit de la vente déjà effectuée s’élève à 3,7 milliards d’euros. Ce n’est sans doute pas le moment de réaliser les autres actions, au risque de ne pas dégager l’intégralité des moyens nécessaires. L’essentiel est de pouvoir engager cette action.

En 2009, 157 millions d’euros doivent être ainsi mobilisés. Madame la ministre, nous serions heureux que vous puissiez détailler ces engagements et préciser le calendrier de lancement des premiers chantiers.

Pour ce qui concerne le programme « Vie étudiante », les moyens sont également au rendez-vous, avec un peu plus de 2 milliards d’euros de crédits, en augmentation de 3,2 % par rapport à 2008 à périmètre constant.

Cette augmentation reflète l’effort supplémentaire consacré aux systèmes d’aides sociales.

Pour 2009, il convient de souligner quatre aspects.

Premièrement, les aides au mérite montent en puissance – 1 800 euros par étudiant – et elles peuvent éventuellement se cumuler avec les bourses attribuées sur des critères sociaux. Le nombre d’étudiants aidés doit doubler entre septembre 2008 et septembre 2010, pour atteindre alors 18 000 étudiants.

Deuxièmement, le contingent des bourses de mobilité, dont les crédits demeurent inscrits sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », augmente. Il doit passer de 12 000 à 30 000 bourses.

Troisièmement, on peut relever l’augmentation des moyens du Fonds national d’aide d’urgence, dont le financement est complété à hauteur de 4,5 millions d’euros pour atteindre 45 millions d’euros.

Quatrièmement, une garantie publique, portée par OSEO, contribuera à encourager l’octroi de prêts aux étudiants. En 2009, elle doit permettre à 60 000 étudiants de bénéficier de prêts bancaires d’un montant moyen de 7 500 euros.

S’agissant des autres programmes, je note que le programme « Recherche dans le domaine des risques et des pollutions » bénéficie des effets du Grenelle de l’environnement puisque ses crédits, qui s’élèvent à 298 millions d’euros, augmenteront de 6,6 % en 2009.

Mais le principal outil dont il profitera est extra-budgétaire. Il s’agit d’un fonds « démonstrateurs technologiques » logé au sein de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME.

En soi, ce choix paraît pertinent. Toutefois, madame la ministre, j’aurai aussi l’occasion de vous interroger sur ce sujet. Si l’étape de la démonstration de la validité du fonds nous semble essentielle, nous avons encore besoin de précisions sur sa mise en place, son financement, sa gouvernance et les structures industrielles qui en bénéficieront.

Au sujet du programme « Recherche culturelle et culture scientifique », je me dois d’évoquer la fusion programmée, au premier semestre 2009, des deux opérateurs du programme : la Cité des sciences et de l’industrie et le Palais de la découverte. Ce rapprochement a été décidé par le comité de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007. À son terme, les deux entités n’en formeront plus qu’une.

Vous vous souvenez peut-être de mon rapport d’information qui dénonçait, au sujet du Palais de la découverte, un condensé de « dysfonctionnements administratifs et politiques ». À l’époque, il n’était pas question du rapprochement annoncé, le Gouvernement n’étant pas favorable à cette opération. Aujourd’hui, j’espère simplement que les différents investissements prévus seront mis en œuvre et que ces lieux pourront recouvrer l’ambition qui n’aurait jamais dû les quitter.

Enfin, le programme « Enseignement supérieur et recherche agricoles » voit ses crédits augmenter de façon substantielle en 2009. Une progression de 4,5 % à périmètre constant est constatée, permettant d’atteindre près de 280 millions d’euros de crédits de paiement.

Ces crédits permettront de combler en grande partie le retard dans les subventions auxquelles les établissements d’enseignement supérieur agricole peuvent prétendre. À ce sujet, madame la ministre, la faible présence de la recherche agricole dans le Grenelle de l’environnement m’étonne quelque peu, quand de nombreux organismes prennent une part active dans cette démarche.

Il s’agira également de stabiliser le report de charge constaté, à la fin de 2009, au titre des aides sociales aux étudiants, alors même que les effectifs progressent et que les effets des mesures de revalorisation des bourses prennent leur pleine mesure.

Avant de vous remettre l’avis de la commission sur ces crédits, madame la ministre, je voudrais résumer les différentes questions que nous vous soumettons.

Pouvons-nous disposer d’informations sur la mise en place du nouveau système de financement des universités ? Tous les critères de performance ont-ils été déterminés dans ce cadre ?

Est-il possible d’améliorer la place de la valorisation de la recherche dans la grille qui sera mise en place ? Comment pourrait-on mieux prendre celle-ci en compte ?

Qu’en est-il de la controverse dont j’ai eu connaissance s’agissant d’un décret que vous devriez prendre sur les dépôts de brevet ? Qui effectue ces dépôts ? Comment s’organiseraient la responsabilité et le partage ? Personnellement, je suis très favorable à votre réflexion : nous ne pouvons continuer à fonctionner avec plusieurs intervenants, même au sein d’une unité mixte. Cela empêche toute bonne négociation. Je souhaite donc que vous nous éclairiez sur cette petite controverse.

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la faible représentation de la recherche agricole dans le Grenelle de l’environnement. Comment le fonds de soutien aux démonstrateurs en nouvelles technologies de l’ADEME sera-t-il financé ? Quelle sera sa gouvernance ?

À l’avance, madame la ministre, je vous remercie des réponses que vous voudrez bien m’apporter.

Sous le bénéfice de ces remarques et questions, la commission des finances vous recommande d’adopter les crédits de ces programmes, qui lui ont paru de très grande qualité. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Gaudin, rapporteur spécial.

M. Christian Gaudin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de l’indiquer Philippe Adnot, la mission « Recherche et enseignement supérieur » a été généreusement dotée en 2009, ce qui confirme l’engagement tenu par le Gouvernement.

J’ajouterai que ce qui est vrai pour les crédits budgétaires l’est aussi pour les dépenses fiscales. Ainsi, le crédit d’impôt recherche, le CIR, doit augmenter de 620 millions d’euros, d’après les prévisions. Il dépassera légèrement 2 milliards d’euros, sous l’effet de l’importante réforme de la loi de finances pour 2008.

Il ne s’agit bien sûr que de prévisions et j’espère qu’elles ne seront pas démenties dans le contexte actuel de crise économique. Pour ma part, j’estime que le transfert de la connaissance dans l’appareil économique reste l’arme la plus sûre pour gagner la bataille de la compétitivité et assurer le retour de la croissance.

Cette évolution illustre néanmoins une véritable ambition. Le crédit d’impôt recherche semble être une dépense fiscale structurante. Il résulte d’un vrai choix politique et très visible, notamment à l’étranger. Bien entendu, au vu du niveau de la dépense, l’efficacité du crédit d’impôt recherche doit être examinée avec soin, tant pour les PME que pour les grandes entreprises.

Aussi, même si porter un regard global sur les apports du crédit d’impôt recherche et ses éventuels effets pervers est difficile, je compte orienter en ce sens mes prochains travaux de contrôle budgétaire. Tel a également été le souci de l’Assemblée nationale quand elle a introduit dans ce projet de loi un article 46 bis. Selon les termes de cet article, un rapport d’évaluation du Gouvernement sur le crédit d’impôt pour dépenses de recherche doit être transmis au Parlement avant le 30 novembre 2009.

J’en reviens à présent aux crédits.

Concernant le « grand programme généraliste » de la recherche, c’est-à-dire le programme 172 «Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », l’augmentation de crédits s’élève à 3,9 % en 2009. Les crédits de paiement atteignent ainsi un peu plus de 5 milliards d’euros. Le programme finance les principaux organismes publics de recherche : CNRS, INSERM, CEA, INRIA, etc.

Dans un tel contexte et face à une matière aussi complexe, la question de l’évaluation est évidemment une question-clé. Pour y répondre, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES, a été créée et installée le 21 mars 2007. Les commissions des finances et des affaires culturelles du Sénat ont auditionné conjointement son président, M. Jean-François Dhainaut, en juillet dernier. Elles ont pu apprécier son volontarisme et son dynamisme.

Mais, pour que M. Dhainaut puisse exercer pleinement ses missions, il convient de clarifier la situation résultant de la coexistence de l’AERES et de certaines structures d’évaluation propres aux organismes publics de recherche. À mes yeux, ces dernières ne doivent pas brouiller l’action de 1’AERES et je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez nous exposer votre vision sur ce sujet.

Toujours sur ce programme, l’évolution de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, est très intéressante. L’année dernière, j’avais souhaité dénoncer sa dispersion sur des missions éloignées de son « cœur de métier», le financement de la recherche sur projets, ainsi que son manque d’ambition sur les sujets innovants ou liés au développement durable. À cette époque, le Grenelle de l’environnement venait de se conclure.

Aussi je me félicite de constater que, cette année, les crédits de l’ANR diminuent, certes, mais uniquement en raison de la sortie de son périmètre, pour un montant de 79,5 millions d’euros, de tâches périphériques susceptibles de l’éloigner de sa raison d’être, la recherche sur projets.

Par ailleurs, la programmation de l’agence a été réorientée afin de privilégier les programmes blancs, par définition innovants, et les programmes liés aux thématiques du Grenelle de l’environnement.

Cette même remarque s’applique au programme « Recherche dans le domaine de l’énergie », où l’on observe une très nette réorientation des crédits vers l’action n°2 « Nouvelles technologies de l’énergie », qui est portée par le CEA, l’IFP et l’ADEME, conformément aux souhaits que j’avais exprimés dans le cadre du précédent budget. Comme l’a déjà annoncé Philippe Adnot, ce projet de budget porte donc la trace du volet « recherche » du Grenelle de l’environnement qui doit se traduire par un effort financier de l’État de un milliard d’euros en quatre ans.

Madame la ministre, vous revenez de La Haye où s’est tenue cette semaine la conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne, l’ESA.

Je souhaite que vous nous rendiez compte des conclusions de cette conférence, qui devait adopter la programmation de l’ESA jusqu’en 2012.

Plus précisément, pourriez-vous nous indiquer le niveau de la programmation et ses principaux programmes lancés par la conférence de La Haye ? Pourriez-vous également expliciter l’évolution de la quote-part financière de la France au sein de l’ESA et sa compatibilité avec la position de tête de l’industrie spatiale française en Europe ?

Enfin, dans ce contexte, pourriez-vous préciser l’évolution prévisible de la dette du Centre national d’études spatiales, le CNES, à l’égard de l’ESA ? Cette question, vous le savez, fera l’objet d’une audition spécifique de notre commission en début d’année 2009, sur la base d’une enquête que nous avons commandée à la Cour des comptes.

L’ancien programme « Recherche industrielle » est devenu le programme « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ». Son périmètre s’est élargi en intégrant les établissements d’enseignement supérieur dépendant du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Il s’agit, entre autres, du groupe des écoles nationales d’économie et de statistiques, des écoles des Mines et des Télécoms ou SUPELEC. Ce nouveau format lui donne davantage de poids et de cohérence. Dans le projet de loi de finances pour 2009, il regroupe ainsi plus d’un milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 874,6 millions d’euros de crédits de paiement.

Cependant, à périmètre constant, ses crédits régressent.

Je suis bien conscient que l’encouragement à la recherche privée n’a pas été maltraité par ce projet de loi de finances. J’ai déjà parlé du crédit impôt recherche, CIR. Je sais également que l’article 66, rattaché à la mission, prévoit de proroger de trois nouvelles années, soit jusqu’au 31 décembre 2011, la période pendant laquelle les projets de pôles de compétitivité peuvent être présentés.

Mais je tiens à souligner que le raisonnement selon lequel «plus de crédits impôt recherche » doit entraîner « moins de crédits budgétaires » est un peu réducteur. D’une part, le crédit impôt recherche est une dépense fiscale dont le niveau est, par définition, incertain. D’autre part, les entreprises bénéficiant du crédit impôt recherche ne sont pas forcément celles qui sont soutenues par les opérateurs du programme, en particulier OSEO. Enfin, le crédit impôt recherche et les subventions n’appuient pas forcément le même type d’opérations.

Je serai donc particulièrement attentif aux conséquences de la baisse des interventions d’OSEO, et veillerai à ce qu’aucune PME ne soit lésée par cette opération. Dans l’immédiat, j’écouterai avec intérêt les précisions que pourra apporter le Gouvernement sur cette question.

Sur le programme « Recherche dans le domaine des transports, de l’équipement et de l’habitat », je limiterai mes remarques à la baisse notable, de plus de 22 %, des crédits destinés aux avances remboursables dans le domaine de l’aviation.

Ce mouvement, qui s’explique avant tout par l’évolution des programmes en cours, a été accentué par un amendement adopté par l’Assemblée nationale tendant à gager sur ces crédits une augmentation de 2 millions d’euros de la dotation à l’Institut Pasteur de Paris. J’approuve d’ailleurs complètement cette mesure.

Sans revenir sur ce transfert de crédits, il importe de veiller à ce qu’il n’affecte pas les sous-traitants de la filière aéronautique française qui ont déjà été durement touchés par les restructurations dues au plan Power 8 d’EADS et à l’égard desquels des engagements financiers ont été pris par l’État. Là encore, je serai heureux d’avoir la vision du Gouvernement sur cette question, qui est cruciale pour la pérennité d’un secteur clef de notre industrie.

Enfin, il convient d’évoquer le programme « Recherche duale » qui doit financer les technologies duales, c’est-à-dire susceptibles d’avoir des applications civiles et militaires. Ce programme nous semble « manquer de souffle » et d’ambition, mais nous approfondirons cette question plus tard, la commission des finances ayant choisi de déposer un amendement sur ce thème afin de provoquer le débat.

Sous réserve de l’ensemble de ces remarques, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » modifiés par l’amendement que je vous proposerai. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme la commission des finances, la commission des affaires culturelles rapportera à deux voix : mon collègue Jean-Léonce Dupont se concentrera sur l’enseignement supérieur tandis que j’interviendrai plus spécialement sur les crédits de la recherche. J’essaierai néanmoins de ne pas répéter ce qu’ont déjà indiqué mes prédécesseurs puisque, globalement, nous avons les mêmes questionnements et approuvons les mêmes points.

En 2009, les crédits de la mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement supérieur, augmenteront de 4,5 % en autorisations d’engagement, à structure constante, et de 3,2 % en crédits de paiement.

Nous sommes bien sûr conscients du retard pris par notre système d’enseignement supérieur et de recherche en termes d’efficacité et d’attractivité, mais nous pensons également que notre pays s’emploie à combler ce retard. Nous mesurons les progrès accomplis grâce, notamment, à la mise en œuvre du pacte pour la recherche et de la loi de programme pour la recherche de 2006. Nous les mesurons également à travers l’engagement de la réforme des universités, en application de la loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, et le lancement par le ministère de divers « chantiers ».

Une réforme en profondeur était nécessaire pour que les moyens financiers que la nation consacre aux établissements soient renforcés de façon significative et équitable.

Si le bilan d’un certain nombre des réformes poursuivies semble concluant, il montre aussi la nécessité d’une évolution des mentalités de l’ensemble des acteurs ; en particulier, la culture du changement, la culture de l’évaluation, doivent se développer.

Je relève également que les deux tiers de la hausse des crédits destinés aux organismes de recherche viennent financer des coûts liés aux dépenses de personnels et aux pensions.

En outre, nous sommes préoccupés par le non-remplacement de 225 emplois statutaires dans les organismes de recherche. Pouvez-vous, madame la ministre, nous rassurer sur l’effet qu’aura cette décision sur le développement de notre recherche publique ?

En revanche, si les moyens de l’Agence nationale de la recherche restent stables, nous saluons à la fois l’augmentation de 25 % des programmes dits « blancs », qui concernent surtout la recherche fondamentale, et l’inflexion en faveur des laboratoires publics, dont les projets bénéficieront de 45 millions d’euros supplémentaires.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des précisions sur l’évolution des partenariats entre le CNRS et les universités, compte tenu notamment de la réforme de ce grand organisme de recherche ?

S’agissant du Grenelle de l’environnement, notre commission s’est interrogée sur la traduction budgétaire des engagements pris à ce titre par le Gouvernement. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions à ce sujet et nous indiquer le niveau et l’emploi des moyens nouveaux qui seront consacrés à ce qui doit constituer l’une des priorités de la recherche française ?

Nous soutenons bien sûr le triplement du crédit d’impôt recherche, destiné à combler la faiblesse structurelle de la recherche privée dans notre pays, mais nous insistons particulièrement sur la nécessité d’en évaluer les effets. En outre, il nous semble important que cette réforme encourage les partenariats public-privé ainsi que le recrutement de docteurs : ces derniers pourront ainsi participer au développement d’une culture plus tournée vers la recherche dans nombre d’entreprises privées où elle nous paraît vraiment insuffisante.

Je salue par ailleurs la mise en œuvre du chantier « jeunes chercheurs », dont l’objet principal est de renforcer l’attractivité des filières scientifiques : c’est primordial pour notre pays. Il apparaît cependant nécessaire de veiller à ce qu’une concertation constructive entre organismes de recherche et établissements d’enseignement supérieur permette une mise en place efficace des chaires « jeunes chercheurs ».

Le renforcement des coopérations et partenariats doit se poursuivre, et j’attache un intérêt tout particulier au développement des pôles de recherche et d’enseignement supérieur ainsi que, bien sûr, aux pôles de compétitivité.

Nous soutenons le projet du Gouvernement de doter le pays d’une stratégie nationale de la recherche et de l’innovation. Il nous faut, en effet, disposer d’une vision d’ensemble des défis à relever et des priorités à définir, pouvoir mettre en cohérence les projets des acteurs et optimiser les financements publics. Il est prévu de solliciter sur cette stratégie l’avis du Haut Conseil de la science et de la technologie, qui a été créé en 2006. Pourquoi ne pas consulter aussi le Parlement, notamment via l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ?

S’agissant de l’évaluation, nous saluons le travail déjà très important qu’a réalisé l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES. La mutation liée à son intervention ne semble pas toujours aisée à mettre en œuvre dans les organismes de recherche, si bien que certains doublons continuent d’exister. Cette importante réforme se poursuit néanmoins, et les mentalités semblent commencer d’évoluer.

Étant donné l’importance que notre commission attache au développement de la culture scientifique et technique, sur lequel elle a beaucoup travaillé, nous souhaitons que l’évaluation des chercheurs tienne compte de cette mission de partage de la culture scientifique avec la société. Pouvez-vous, madame la ministre, vous engager sur ce point ?

En conclusion, j’indiquerai que la commission des affaires culturelles a estimé que ce projet de budget s’inscrivait dans une stratégie globale et cohérente, stratégie que nous avions précédemment appelée de nos vœux. Elle a donc émis un avis favorable sur l’adoption des crédits destinés à la recherche dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2009, ainsi que de l’article rattaché. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)