M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Nous avons de grandes divergences de vues avec les pays du nord de l’Europe, dont les intentions en la matière sont très libérales ; ils sont majoritaires au sein de la Commission européenne.

Mais d’autres priorités pourraient également intervenir après 2013, et il ne s’agirait pas obligatoirement de l’utilisation de l’enveloppe européenne pour l’agriculture, loin de là !

Pour ce qui est, ensuite, du financement, le bilan de santé répond à cette question. Des accords, très difficiles, ont été conclus les 19 et 20 novembre : ils ont permis de réajuster la PAC, avec le risque de supprimer les instruments d’encadrement du marché.

Une majorité d’États, dont la France, ont cependant souhaité le maintien d’un modèle agricole équilibré et régulé.

M. Adrien Gouteyron. Entraînés par la France !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Tout à fait !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Vous me devancez, mes chers collègues, mais je ne me laisserai pas ôter de la bouche cette partie de mon discours ! (Sourires.) Je m’apprêtais en effet à vous le dire, monsieur le ministre : nous avons remarqué que vous avez tout fait afin que la France soit bien positionnée pour défendre la notion de régulation d’un marché équilibré, et je tenais à vous en féliciter. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

La commission des affaires économiques a organisé un groupe de travail, présidé par Jean Bizet, qui a présenté une proposition de résolution, adoptée à l’unanimité, dont on retrouve cinq points dans les accords.

Ces points sont les suivants : l’instauration d’outils de couverture de risques en mobilisant les fonds du premier pilier ; l’accompagnement de la sortie des quotas, avec tout de même une interrogation quant à l’avenir économique de certains territoires si les quotas laitiers n’y sont pas préservés ; la préservation des outils de stabilisation des marchés, dans le respect de certains équilibres, qu’il s’agisse, bien sûr, du rapport lait-céréales ou encore des aides spécifiques et des aides aux productions animales ; la réorientation des aides, dans la mesure où chaque État pourra réallouer les aides au sein du premier pilier ; enfin, le renforcement du volet « développement rural », avec un possible basculement des financements du premier pilier au deuxième pilier.

Monsieur le ministre, quels vont être vos choix par rapport à ces perspectives ? Quels vont être les choix de la France ? Les États membres ont jusqu’au 1er août 2010 pour se décider.

Ce constat suscite tout de même quelques interrogations.

D’abord, pour trouver un accord entre tous les pays, a-t-il fallu « lâcher » sur une renationalisation de la PAC ?

Comment pouvez-vous accompagner la sortie des quotas laitiers ?

Vers quelles filières et à quel niveau comptez-vous réorienter les aides du premier pilier, puisque la France aura la possibilité de réaménager ces aides ?

Quels seront les usages, pour le développement rural, des montants issus de la modulation supplémentaire obligatoire ?

Enfin, quel soutien l’Europe compte-t-elle apporter à la forêt et aux biocarburants, qui justement ne figurent pas du tout dans le bilan de santé de la PAC ? Il y a pourtant bien un lien à trouver avec le Grenelle de l’environnement et les conférences de Kyoto, Bali, Poznań…

Cela m’amène à poser la question de l’adaptation française à ce nouveau régime : quelles en seront les conséquences sur les choix budgétaires que nous devons faire dès aujourd'hui ?

Les prévisions pour 2009 donnent, certes, quelques indications, mais celles-ci sont encore trop floues. J’espère donc, monsieur le ministre, que vous serez en mesure de répondre aux questions que je soulève.

Dans le secteur de l’élevage, rien n’apparaît pour soutenir les pans d’activités en crise.

Pour le secteur assuranciel, on serait dans la même logique puisque l’on parle de redéploiement de l’article 69 révisé.

Dans le domaine de l’équarrissage, ce serait un transfert progressif des missions de service public au monde des éleveurs et je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez cette subtilité…

J’évoquerai encore les mesures sur l’indépendance énergétique des exploitations liées au Grenelle de l’environnement. Le tout devait être financé par une augmentation de la redevance pour pollution diffuse, mais l’Assemblée nationale a supprimé l’article 54 du projet de loi de finances au motif qu’une hausse de 130 % pèserait trop lourdement sur les agriculteurs et les éleveurs. Que compte faire le Gouvernement ?

Enfin, s’agissant du deuxième pilier et du développement rural, que prévoit le Gouvernement pour faire en sorte que la France soit plus performante dans l’utilisation des financements et pour que le monde rural s’y retrouve ?

Puisque le bon alterne avec le mauvais, je propose que l’on s’en remette à la sagesse de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de lUMP.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, rapporteur pour avis.

M. François Fortassin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », mon intervention portera plus spécifiquement sur les crédits consacrés aux mesures environnementales, et tout particulièrement sur les crédits destinés à soutenir l’élevage, de préférence extensif.

D’une façon générale, le budget du ministère de l’agriculture et de la pêche a, cette année plus que jamais, une connotation environnementale très marquée, nombre des actions financées étant en réalité la traduction budgétaire de mesures prises dans le cadre du Grenelle de l’environnement, où l’agriculture a pris une large part.

Les mesures agro-environnementales, je dois le reconnaître, font l’objet, dans ce cadre, d’évolutions plutôt stables ou favorables, qu’il s’agisse de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, ou de la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante, la PNSVA, mais je ne m’arrêterai pas à ces mesures, Joël Bourdin, notre éminent rapporteur spécial, les ayant déjà exposées.

En revanche, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur la possibilité de soutenir plus activement encore l’élevage extensif en faisant en sorte que les aides soient accordées en particulier aux ruminants pâturant de l’herbe. C’est une demande qui n’a rien d’illégitime, car, si l’on veut des ruminants de qualité, autant les laisser pâturer de l’herbe !

MM. René Garrec et Charles Revet. Tout à fait !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. On évitera ainsi un certain nombre de désagréments…

M. Paul Raoult. Très juste !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. Une telle demande se justifie d’autant plus que notre pays possède en abondance des pâturages lui permettant de produire une viande de qualité.

Ajoutons que ces pâturages sont souvent situés dans des régions de montagne, qui sont des territoires fragiles. Si l’élevage extensif disparaît de ces zones, celles-ci deviendront non pas des déserts au sens strict du terme, mais des zones désertifiées sur le plan humain. En définitive, le pâturage sera remplacé par la friche, ce qui sera extrêmement dommageable à l’image de nos campagnes et même au tourisme.

L’utilisation de ces zones pour l’élevage extensif permettrait de les redynamiser et d’y assurer une préservation des paysages. On fait donc coup double, voire triple : on maintient les éleveurs, ce qui est important sur le plan social, on a une production de qualité et on préserve l’environnement !

M. Charles Revet. Nous partageons votre point de vue !

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, je vous crois assez sensible à ces arguments pour estimer qu’une telle orientation est envisageable dans le cadre de la réallocation des aides du premier pilier que le bilan de santé de la PAC va nous permettre d’opérer.

Je veux également évoquer le plan de modernisation des bâtiments d’élevage, dont l’enveloppe globale est revalorisée.

À cet égard, monsieur le ministre, je suggère que l’on encourage la pose sur les toitures des bâtiments d’élevage, qui, généralement, sont assez vastes et architecturalement peu remarquables, de panneaux photovoltaïques.

Puisque EDF va payer, pendant quelques années encore, le kilowattheure plus cher qu’elle ne le vend, cela fournirait aux éleveurs quelques revenus supplémentaires. Surtout, nous nous mettrions ainsi très clairement dans les pas du Grenelle de l’environnement.

En accord avec EDF et les syndicats départementaux d’électricité, cela pourrait constituer une initiative extrêmement intéressante, valable aussi pour les bâtiments industriels, mais, aujourd'hui, nous nous occupons des bâtiments agricoles. Si vous le permettez, monsieur le ministre, je prendrai contact avec vos services en tant que président du syndicat d’électricité de mon département. Comme département pilote, les Hautes-Pyrénées…

M. Jacques Blanc. Ou la Lozère !

Mme Nathalie Goulet. Et l’Orne !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. …n’auraient plus seulement le Pic du Midi et les ours ! (Sourires.)

Une telle initiative serait extrêmement intéressante dans la perspective du développement des énergies renouvelables, dont la part devrait atteindre environ 23 % dans les années à venir, ce qui est tout à fait possible.

Je souhaiterais aussi, monsieur le ministre, vous parler de la filière ovine, à laquelle nous avions, avec Gérard Bailly, consacré un rapport. Cette filière est en crise structurelle. Depuis vingt-cinq ans, les éleveurs ovins sont toujours en queue de peloton en ce qui concerne les revenus. Ils perdent régulièrement de l’argent et c’est inacceptable.

La situation est telle qu’un troupeau d’environ 500 brebis disparaît tous les jours ! Or, lorsque l’élevage ovin s’arrête dans une région, il n’y a rien qui puisse le remplacer, si ce n’est la friche.

La production ovine, qui est de qualité, joue un rôle social et un rôle environnemental. Une fois l’épidémie de fièvre catarrhale ovine enrayée, il faudra donc que des mesures soient prises.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir fait en sorte que le plan de soutien à la filière de 15 millions d’euros mis en place en 2007 soit reconduit cette année et d’avoir destiné dans un plan de soutien transversal 50 millions d’euros au secteur ovin. Le compte n’y est peut-être pas pour les éleveurs, mais cela mérite d’être souligné.

Pressentant que Mme la présidente va manier la règle et quoique la discipline ne soit pas nécessairement ma vertu cardinale (Sourires), je conclurai, monsieur le ministre, en disant…

M. Charles Revet. Que nous allons voter les crédits !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. …qu’il y a un seul sujet à propos duquel je ne vous « gronderai » pas pour avoir diminué les crédits ;…

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Ça y est ! (Rires.)

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. … je veux parler des prédateurs.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Les loups !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. Nous sommes, bien entendu, très favorables à la présence de ces prédateurs…

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Mais ailleurs !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. …à condition qu’ils ne soient pas à proximité des troupeaux.

À ce propos, car je sais qu’ils ont ici des défenseurs, nous ne verrions après tout aucun inconvénient à ce qu’on les lâche dans la forêt de Fontainebleau ! (Nouveaux rires.)

La commission a émis un avis favorable sur les crédits de la mission, mais, à titre personnel, quoique ce ne soit pas non plus l’une de mes vertus cardinales, j’incline à un avis de sagesse… (Applaudissements sur diverses travées.)

Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. Si je vous parais un peu sévère, c’est dans un souci d’équité.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de soixante minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la crise, d’origine financière, gagne l’ensemble de l’économie. Plusieurs filières de l’agriculture, déjà fragilisées par des difficultés structurelles, risquent de souffrir des conséquences de la récession.

D’après les prévisions du ministère, les revenus agricoles subiront une baisse comprise entre 8 et 15 %. Une fois encore, les producteurs de fruits et légumes ainsi que les éleveurs seront les plus touchés, puisque leurs revenus, qui n’ont jamais cessé de se dégrader, connaîtront une chute supérieure à 20 %.

C’est pourquoi il est important que l’État soutienne le monde agricole. Si l’on peut se féliciter du plan d’urgence mobilisant 250 millions d’euros, que dire du projet de loi de finances qui applique la rigueur budgétaire à la mission agriculture ! En effet, comme l’a souligné le rapporteur spécial, la hausse des crédits de 2,4 % est à relativiser, au regard du taux d’inflation et de la baisse de 6,7 % des crédits d’engagement.

Dans ces conditions, un certain nombre d’actions vont être fortement contraintes. Même si l’essentiel des concours publics à l’agriculture provient des fonds communautaires, et même si l’OMC et la PAC orientent fortement les interventions, l’État doit répondre aux déséquilibres qui affectent le secteur par des mesures de soutien ciblées et pertinentes. Surtout, dans le contexte économique actuel, il doit jouer le rôle d’un amortisseur social en soutenant les plus menacés.

Parmi les mesures positives qui figurent dans ce budget – car il y en a quelques-unes –, je citerai l’installation des jeunes agriculteurs, qui est visiblement pour vous un poste prioritaire, puisque les crédits augmentent de 13,3 %. Il est essentiel de contribuer au maintien des exploitations et de limiter la décrue de leur nombre sur notre territoire parce que le défi alimentaire est un enjeu à ne pas sous-estimer.

En revanche, il n’est pas très cohérent de considérer l’installation des jeunes comme fondamentale et de diminuer, dans le même temps, les crédits du programme « Enseignement technique agricole ». Heureusement, un amendement, discuté cet après-midi dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire », a rectifié la baisse initiale de 2,5 % des crédits.

Aux côtés de la politique d’installation, ce sont les mesures en faveur de la modernisation des exploitations qui donnent les clés de la performance et de la vitalité du secteur. Sur ce volet, on peut apprécier le soutien, continu depuis 2005, au plan de modernisation des bâtiments d’élevage. En revanche, le plan végétal pour l’environnement est peut-être suffisamment doté pour répondre aux besoins, mais la baisse des crédits s’accommode mal des objectifs poursuivis par le Grenelle de l’environnement, notamment en matière d’indépendance énergétique.

La diminution des crédits consacrés au programme relatif à la conduite et au pilotage des politiques de l’agriculture conduit à négliger des outils pourtant essentiels au développement des exploitations ; je pense, notamment, aux CUMA, qui sont un levier important de la modernisation et dont les moyens inscrits en loi de finances pour 2009 ne permettront pas de couvrir les attentes de prêts bonifiés. D’autant que le redéploiement de 700 000 euros opéré par les députés au bénéfice des CUMA pourrait être remis en cause par la commission des finances, ce que je n’approuve pas.

S’agissant du soutien à la gestion des crises, je regrette, en particulier, la faiblesse des crédits consacrés à l’assurance récolte. Vous comptez beaucoup trop sur la manne communautaire, attendue seulement en 2010, pour couvrir la montée en charge du dispositif issu de la loi d’orientation du 5 janvier 2006.

Les rapporteurs pour avis l’ont très justement indiqué : l’assurance récolte ne reçoit pas les financements à la hauteur des besoins. La dotation, fixée en 2008 à 32 millions d’euros, est reconduite en 2009. À l’occasion de l’examen par notre assemblée de la proposition de loi tendant à généraliser l’assurance récolte obligatoire, que j’avais déposée en début d’année, nous avons pu discuter de l’intérêt d’une meilleure protection des exploitants contre les conséquences des aléas climatiques. Je ne reviendrai pas sur le bien-fondé du principe qui, je crois, est assez partagé ; vous aviez considéré ce texte comme une excellente loi d’appel.

En ce qui concerne le programme « Sécurité et qualités sanitaires de l’alimentation », désormais rattaché à la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », le renforcement des crédits consacrés à la lutte contre la fièvre catarrhale ovine explique en grande partie la hausse de ses moyens. À cet égard, compte tenu de l’ampleur de la crise sanitaire qui touche les élevages, la dotation de 13,7 millions d’euros sera probablement trop juste.

Je profite de ce programme pour évoquer la réglementation européenne destinée à sécuriser les denrées alimentaires. Si l’on peut naturellement adhérer à l’objectif de réduction des pesticides dans l’agriculture, le durcissement brutal des règles menacerait et déstabiliserait un grand nombre de productions, en particulier l’arboriculture fruitière.

Dans mon département, la filière de production des pommes est très inquiète. Le retrait des produits phytosanitaires doit être progressif et accompagné d’un plan de soutien à la recherche de solutions alternatives. D’ailleurs, notre collègue Daniel Soulage en a excellemment parlé tout à l’heure.

Enfin, je conclurai sur une question qui ne relève pas de votre ministère, en termes budgétaires, mais à laquelle vous êtes sans doute sensible, monsieur le ministre : je veux parler des retraités agricoles.

Le problème du financement structurel du régime social agricole a été évoqué dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Une solution pérenne doit être trouvée pour garantir l’équilibre du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, et permettre ainsi la mise en place d’une politique plus volontariste à l’égard des retraités agricoles.

Je ne sous-estime pas les mesures récentes visant à revaloriser les petites retraites des non-salariés agricoles et à augmenter le taux des pensions de réversion. Mais, vous le savez, monsieur le ministre, elles ne sont pas suffisantes. En effet, la revalorisation ne portera la retraite qu’à 633 euros, ce qui équivaut aujourd’hui à un revenu de survie. Nous rencontrons d’ailleurs tous quotidiennement d’anciens agriculteurs en situation de précarité, alors qu’ils ont fortement contribué à hisser l’agriculture française parmi les plus performantes !

C’est pourquoi l’effort de solidarité nationale doit être poursuivi en faveur des retraités agricoles.

Mes chers collègues, certes, la prépondérance économique de l’agriculture diffère d’un département à un autre, mais ce secteur mérite toute l’attention des parlementaires, même des plus urbains d’entre nous.

Avec encore près de 800 000 actifs, notre pays conserve une forte tradition rurale. Les agriculteurs, plus que les autres, ont affronté des crises de toutes sortes dans un contexte de forte concurrence. Ils ont toujours démontré leur capacité à s’adapter. En retour, il nous revient de renforcer les outils nécessaires à leur maintien. Le projet de loi de finances pour 2009 n’étant pas en mesure de le faire efficacement, les radicaux de gauche n’approuveront pas la mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Permettez-moi, monsieur le ministre, de commencer mon intervention en citant les propos que vous avez tenus lors de l’examen de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » devant l’Assemblée nationale, le 5 novembre dernier : « notre secteur productif est, au fond, le seul atout qui peut permettre à la France et à l’Europe de résister. »

Je partage totalement votre analyse, monsieur le ministre, mais je peux vous dire, avec beaucoup de gravité et même une certaine angoisse, que la réalité ressentie sur le terrain est loin de cette certitude : les agriculteurs, les pêcheurs, les ostréiculteurs, comme beaucoup d’autres malheureusement, souffrent.

Ils souffrent financièrement, d’abord : aucune production n’est épargnée aujourd’hui : lait, porcs, volailles, ovins, légumes, tous les signaux sont au rouge !

Ils souffrent aussi moralement. En effet, ils ne voient aucune perspective d’avenir face à la dérégulation totale des marchés voulue par la Commission européenne, avec l’abandon des outils de gestion de crises et de régularisation des marchés les plus efficaces. Ils ressentent déjà certaines conséquences désastreuses des lois d’orientation agricole et de modernisation de l’économie, contre lesquelles nous nous étions élevés.

Je vous donnerai un exemple, monsieur le ministre : le revenu moyen agricole de ma région était de 13 440 euros en 2006 ; il est descendu à 9 360 en 2007. Qu’en sera-t-il en 2008, alors que le prix du lait a encore baissé et qu’il baissera davantage en 2009 ?

Devant l’urgence et les risques de dérive des exactions – inacceptables, certes, mais compréhensibles –, souvent dues au désespoir, une table ronde a été organisée en préfecture de région samedi matin. Les producteurs, les industries agro-alimentaires et même les représentants des consommateurs ont insisté sur trois points. D’abord, ils réclament une information réelle sur le fait que les prix payés aux producteurs ne sont pas à l’origine de la hausse du coût des produits alimentaires. Ils réclament également un arrêt immédiat du « combat du prix bas » pour l’alimentaire et la mise en place d’un juste prix rémunérateur. Enfin, et surtout, ils demandent une transparence totale sur qui gagne quoi et sur les négociations commerciales.

Il est grand temps, monsieur le ministre, de faire fonctionner votre observatoire des prix et des marges, et de mettre en application votre plan d’urgence.

Nous sommes donc tous d’accord sur l’importance de l’agriculture et de la pêche dans notre économie : il est nécessaire de soutenir et de développer d’ambitieuses politiques de régulation, seules capables de préserver des activités qui répondent aux besoins les plus élémentaires de notre humanité.

Malheureusement, les moyens déployés dans vos missions pour atteindre ces objectifs – à savoir réconcilier compétitivité, durabilité et solidarité –, ne sont pas toujours en adéquation avec les attentes des agriculteurs et des pêcheurs.

Votre budget, qui s’élève à 4,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement, est certes en augmentation de 2,4 % en crédits de paiement par rapport à 2008, mais les autorisations d’engagement chutent de 6,7 %.

Selon une logique purement financière, on pourrait se féliciter de cette hausse à court terme des crédits de paiement. Mais de grandes inquiétudes demeurent à échéance de trois ans, car on assistera, dans les deux prochains budgets, à une baisse drastique des autorisations d’engagement de près de 20 % !

Mes collègues interviendront plus en détail sur cette mission. Je voudrais, pour ma part, recentrer mon propos sur la pêche. Son avenir n’est pas davantage assuré dans le contexte actuel extrêmement tendu. La pêche française, elle aussi, souffre. En dix ans, elle a perdu 1 300 navires et doit faire face à de multiples crises, dans un pays qui compte pourtant le linéaire côtier le plus important de l’Union européenne.

De nombreux problèmes se posent, là encore, en lien direct avec les politiques européennes, au moment même où l’on assiste à une forte baisse de leurs financements : 4 millions d’euros pour l’investissement et la modernisation, ou encore 8 millions d’euros pour les sorties de flotte, qui sont pourtant des objectifs forts de votre plan pour la pêche. La prudence est donc de rigueur dans l’analyse précise du budget consacré à la pêche et de son augmentation par rapport à 2008.

Vous savez, monsieur le ministre, que les attentes du secteur sont fortes et que, pour certains, le capital confiance est largement entamé. Les réunions de suivi de votre plan ne sont plus, d’après le président de la coopérative Ar Mor Glaz, « que des rafales d’annonces négatives ».

Évoquons tout d’abord les 87 millions d’euros d’aides versées entre 2004 et 2006 par le fonds de prévention des aléas de la pêche, le FPAP, et dont la Commission européenne, après les avoir jugées illégales, demande le remboursement par les entreprises bénéficiaires.

Comment comptez-vous régler ce problème des aides, qui constitue pour la Commission un préalable à la délivrance du certificat d’eurocompatibilité concernant le plan pour une pêche durable et responsable lancé il y a quelques mois ?

Votre ministère a indiqué que « serait engagé un processus de recouvrement des aides illégales et que celui-ci sera mené avec pragmatisme, au cas par cas et en tenant compte de la situation individuelle de chaque entreprise ». Mais, précisément – les comités régionaux des pêches vous l’ont déjà demandé avec insistance –, que ferez-vous alors que la quasi-totalité des entreprises de pêche est au bord de la rupture ? Certaines ont même disparu, ou bien leurs fonds ont été partagés entre des équipages.

En ce qui concerne le plan pour une pêche durable et responsable, doté de 310 millions d’euros et devant s’appliquer sur trois ans, face à l’urgence, vous avez choisi, le 30 octobre dernier, de le mettre en œuvre en deux ans, ce dont nous nous félicitons. Financé par l’écotaxe, qui avait fait largement débat à la fin de l’année dernière, ce plan répond à plusieurs finalités ; il prévoit, notamment, des aides à la cessation d’activité, à la modernisation et à la recherche halieutique. Bien sûr, je préfère, quant à moi, les deux dernières finalités.

Face aux interrogations sur son financement, il est important de rappeler que l’intervention des collectivités, si elle a été imaginée pour permettre la mise en œuvre juridico-administrative, n’a pas pour objet de combler un éventuel déficit de financement.

J’exprime aussi des réserves sur les plans de casse et sortie de flotte : ils comportent des effets pervers sur le prix de l’occasion et des effets néfastes sur l’installation, y compris par le renchérissement du prix des bateaux.

Quitte à devoir sortir de flotte des navires, il semblerait plus pertinent de favoriser la sortie de vieux navires peu économes en énergie et peu sûrs, en permettant d’accorder une prime pour la construction de navires neufs, plus économes en énergie, sous des conditions d’engagement du patron à pratiquer une pêche responsable.

Pour atteindre cet objectif de pêche responsable, les contrats bleus représentent un outil intéressant, mais, là encore, de nombreuses questions demeurent. Progressivement, ceux-ci se mettent en place grâce à un cofinancement État-Fonds européen pour la pêche. Différentes structures porteuses ont été créées, parfois régionales, ou nationales.

Dans le respect du principe de financement du plan pour une pêche durable et responsable, qui repose sur une taxe ad hoc, les contrats bleus relèvent de l’intervention financière de l’État et doivent être calibrés par celui-ci au regard des possibilités financières, ce qui ne peut relever que d’une concertation entre l’État et les représentants des pêcheurs. Un tel montage permettrait surtout d’épargner le Fonds européen pour la pêche, dont l’enveloppe limitée doit sans doute être réservée à des actions structurelles si l’on veut que ce secteur survive.

De plus, il semble que certaines clauses des contrats bleus ne soient pas eurocompatibles. La coopérative que j’ai déjà citée, qui a mis en place les contrats bleus pour les pêcheurs bretons et qui représente 75 % de la pêche chalutière bretonne, a d’ailleurs décidé avec son homologue du Fonds pour le développement durable de la pêche de suspendre temporairement ses paiements, ce qui ne va pas sans aggraver les problèmes des entreprises de ce secteur.

En outre, ces contrats bleus, dont le financement national est porté à 30 millions d’euros, mériteraient un renforcement, car, s’ils sont bien perçus, il semble difficile de les aménager pour l’ensemble des demandeurs. Enfin, des interrogations subsistent sur le rythme de leur financement prévisionnel, qui est pris en charge à 20 % par le Fonds européen pour la pêche, compte tenu de l’augmentation du nombre de contrats.

Par ailleurs, le retard pris par la mise en place du Fonds européen pour la pêche n’a fait qu’aggraver les choses. Je me permets donc, monsieur le ministre, de relayer ici la demande exprimée par l’Association des régions de France : il faudrait réaliser un bilan afin de préparer la révision à mi-parcours du Fonds européen pour la pêche à la fin de l’année 2009. Ce bilan serait à mettre en relation avec la mise en œuvre du plan d’adaptation de 310 millions d'euros.

Le tableau de l’état d’avancement budgétaire du programme opérationnel du Fonds européen pour la pêche au 3 octobre 2008 pose lui aussi un certain nombre de questions. Qu’en est-il des lignes financières relatives à l’ajustement des efforts de pêche et aux arrêts temporaires d’activité qui sont engagées à plus de 100 %, ou de celles qui sont déjà consommées à près de 50 %, notamment les actions collectives ? Quelles sont les modalités de calcul qui seront appliquées pour les mesures qui seront à l’avenir régionalisées ?

Je ne peux terminer mon propos sans évoquer la grave crise que traverse l’ostréiculture depuis plusieurs mois. Les 2 500 entreprises du secteur ostréicole rencontraient déjà des problèmes, mais l’été 2008 a connu une forte mortalité d’huîtres juvéniles et de naissains. Ce phénomène concerne aussi bien les huîtres de captages naturels que celles qui sont issues d’écloseries. On estime que le stock français d’huîtres creuses sera réduit de moitié à la fin de l’année 2009.

Monsieur le ministre, vous avez pris des mesures en faveur de ce secteur, mais je réitère les interrogations que je vous ai déjà adressées dans une question écrite. Quels sont les conditions et les moyens qui sont mobilisés pour mettre en œuvre ces mesures ? Quels sont vos projets concernant le problème récurrent de la couverture des risques dans le secteur ostréicole ?

En conclusion, monsieur le ministre, si certains aspects de votre budget nous semblent aller dans le bon sens, son inadaptation programmée face à la gravité des crises que traversent toutes les activités relevant de votre ministère et que mes collègues aborderont de façon plus détaillée ne nous permettra pas de le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)