Sommaire

Présidence de M. Guy Fischer

Secrétaires :

Mmes Michelle Demessine, Sylvie Desmarescaux.

1. Procès-verbal

2. Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

3. Loi de finances rectificative pour 2009. – Accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés. – Discussion de deux projets de loi, le second étant déclaré d'urgence

Discussion générale commune : MM. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance ; Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission des affaires économiques ; M. Laurent Béteille, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Albéric de Montgolfier, François Fortassin, Edmond Hervé, Mme Nathalie Goulet, MM. Serge Dassault, Yvon Collin, François Rebsamen, Jean-Pierre Fourcade, Jacques Muller, Louis Nègre, Pierre-Yves Collombat.

Suspension et reprise de la séance

4. Conférence des présidents

5. Loi de finances rectificative pour 2009. – Accélération des programmes de construction et d'investissement. – Suite de la discussion de deux projets de loi, le second étant déclaré d’urgence

Discussion générale commune (suite) : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Yannick Botrel, Charles Revet, Daniel Raoul.

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

Clôture de la discussion générale commune.

Loi de finances rectificative pour 2009

Question préalable

Motion no 82 de M. Thierry Foucaud. – MM. Bernard Vera, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. – Rejet par scrutin public.

Première partie

Division additionnelle avant le titre Ier

Amendement n° 60 de M. Bernard Vera. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, Éric Woerth, ministre. – Rejet.

Articles additionnels avant le titre Ier

Amendement n° 61 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard Vera, le rapporteur général, Éric Woerth, ministre. – Rejet.

Amendement n° 67 de M. Bernard Vera. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, Éric Woerth, ministre. – Rejet.

Amendement n° 69 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard Vera, le rapporteur général, Patrick Devedjian, ministre. – Rejet.

Amendement n° 70 de M. Bernard Vera. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, Patrick Devedjian, ministre. – Rejet.

Amendement n° 62 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard Vera, le rapporteur général, Patrick Devedjian, ministre ; Mme Nicole Bricq. – Rejet.

Amendement n° 63 de M. Bernard Vera. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, Éric Woerth, ministre. – Rejet.

Amendement n° 76 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard Vera, le rapporteur général, Patrick Devedjian, ministre. – Rejet.

Articles additionnels avant l’article 1er

Amendements identiques nos 13 rectifié de Mme Catherine Procaccia et 26 rectifié de M. Jean-Jacques Jégou. – Mme Catherine Procaccia, MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, Éric Woerth, ministre ; Thierry Foucaud. – Retrait de l’amendement no 26 rectifié ; rejet de l’amendement no 13 rectifié.

Amendement n° 15 de Mme Nicole Bricq. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur général, Éric Woerth, ministre ; Thierry Foucaud. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Dépôt d'un projet de loi

7. Dépôt d'une proposition de loi

8. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Guy Fischer

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

Mme Sylvie Desmarescaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision que nous avons adopté le 16 janvier 2009.

La liste des candidats établie par la commission des affaires culturelles a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jacques Legendre, Michel Thiollière, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bruno Retailleau, Mme Catherine Dumas, MM. David Assouline et Serge Lagauche.

Suppléants : Mme Marie-Christine Blandin, MM. Pierre Bordier, Jean-François Humbert, Mlle Sophie Joissains, MM. Joseph Kergueris, Jean-Pierre Plancade et Jack Ralite.

3

Loi de finances rectificative pour 2009

Accélération des programmes de construction et d'investissement

Discussion de deux projets de loi, le second étant déclaré d'urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2009 (nos 154 et 162) et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés (nos 157, 167, 163 et 164).

La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Patrick Devedjian, ministre.

 
 
 

M. Daniel Raoul. On est mal barré !

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, les textes que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, avec Mme Christine Lagarde et M. Éric Woerth, sont la traduction législative du plan de relance annoncé en décembre dernier par le Président de la République.

Le collectif budgétaire et le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés sont deux textes complémentaires et indissociables. Ils reflètent les deux caractéristiques majeures de ce plan, massif dans son volume d’intervention, rapide dans son exécution.

Le premier texte, le projet de loi de finances rectificative pour 2009, ouvre ainsi 10,5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires. Notre objectif est de les affecter en totalité cette année et il est également prévu que les trois quarts de cette somme sortent effectivement des caisses de l’État en 2009. Ainsi, 9,8 milliards d’euros sont inscrits en crédits de paiement dans le collectif à cet effet.

Le second texte, en parfaite cohérence avec le premier, présente un ensemble de propositions destinées à alléger certaines procédures administratives. C’est sa seule ambition.

Cela étant, il illustre la démarche pragmatique que nous nous attacherons à promouvoir, pour mener aussi vite que possible l’ensemble des actions prévues par le plan de relance.

J’ai bien conscience que, avec ce collectif de début d’année, nous suivons un calendrier parlementaire inédit. Mais l’urgence de la situation nécessitait des mesures exceptionnelles et immédiates.

Tel est bien l’état d’esprit du Gouvernement, qui est intervenu à plusieurs reprises pour soutenir notre économie.

En effet, le plan de relance, qui mobilise 26 milliards d’euros, fait partie d’un tout.

Près de 11 milliards d’euros seront consacrés à des interventions directes du budget de l’État. En outre, 11 milliards d’euros seront injectés pour renflouer la trésorerie des entreprises, via notamment le remboursement des créances fiscales décidé dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008. Enfin, des investissements supplémentaires seront réalisés, à hauteur de 4 milliards d’euros, par les grandes entreprises publiques, pour moderniser et développer nos infrastructures ferroviaires et énergétiques, ainsi que nos services postaux.

Ces actions complètent une série de mesures prises par le Président de la République et le Gouvernement pour stimuler notre économie et soutenir la croissance.

Ainsi, je citerai, entre autres, 10 milliards d’euros de baisses d’impôts, en 2008 et 2009, afin de soutenir l’activité et le pouvoir d’achat des ménages ; une somme de 10 milliards d’euros consacrée à la revalorisation des prestations sociales et à la création du RSA, le revenu de solidarité active, pour que la solidarité nationale joue à plein ; enfin, 6 milliards d’euros au Fonds stratégique d’investissement, pour soutenir et protéger nos entreprises.

Il faut enfin mentionner les interventions du Gouvernement pour assurer la stabilité du système bancaire et financier. Je pense, bien sûr, à la garantie apportée par l’État pour le refinancement des banques, à hauteur de 320 milliards d’euros, au renforcement des fonds propres des grands établissements de crédit français, de plus de 11 milliards d’euros, ou encore au soutien du financement des PME, premier employeur des Français, pour un montant de 22 milliards d’euros.

C’est en cohérence avec l’ensemble des mesures de soutien à l’économie, et dans leur prolongement, que le Gouvernement a défini ce plan, qui repose résolument sur l’investissement.

Ce choix répond à une conviction profonde.

Investir est le meilleur moyen de stimuler les commandes et, par conséquent, l’emploi, le revenu et, finalement, la demande. Ce n’est pas de la dépense à perte. Bien au contraire, ces investissements contribuent à préparer l’avenir, à renforcer notre compétitivité et, donc, à protéger nos emplois et à en créer de nouveaux.

Ce choix n’est d’ailleurs pas isolé, puisqu’il a été concerté avec nos voisins européens. Les différents plans des États membres se ressemblent et se complètent. La réponse étant commune, les bénéfices attendus s’amplifieront grâce aux liens commerciaux. J’exclus bien sûr la position adoptée par le Royaume-Uni, dont la consommation nationale s’était effondrée et qui a misé sur une relance par la consommation via une baisse de la TVA. Pour notre part, nous profitons d’un système social qui amortit les chocs et d’une consommation qui se maintient.

L’Allemagne a fait des choix qui se rapprochent des nôtres. Son plan de relance donne une place prépondérante à l’investissement. Les autres mesures telles que les baisses de cotisations sociales ou les hausses de prestations n’entreront en vigueur qu’au 1er juillet 2009 ou graduellement, sur les années 2009 et 2010.

Il y a donc cohérence dans nos décisions.

Je le redis, le choix de la France, c’est l’investissement. Il s’agit d’un effort massif, l’investissement public jouant le rôle d’accélérateur.

C’est pourquoi l’État investira directement 4 milliards d’euros dans des domaines stratégiques. Il s’agit des infrastructures, du développement durable, du patrimoine, de l’enseignement supérieur et la recherche, ainsi que des industries de défense.

À l’évidence, les collectivités territoriales seront très présentes, au travers, notamment, des plans de développement et de modernisation des itinéraires ou de l’accélération dont bénéficieront les contrats de projets État-régions.

Mais surtout, les collectivités, qui réalisent près des trois quarts des investissements civils publics, seront les principaux vecteurs des efforts locaux d’équipement.

C’est tout le sens de la mesure de remboursement anticipé de la TVA aux collectivités locales, dont le montant est estimé à 2,5 milliards d’euros. Je dis bien « estimé », et Éric Woerth abondera certainement en ce sens. En effet, il ne peut s’agir là que de crédits évaluatifs, qui varieront en fonction de l’adhésion des collectivités locales au dispositif, adhésion que nous souhaitons la plus importante possible.

La mesure sera pérenne pour les collectivités qui en bénéficieront. En d’autres termes, le FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, ainsi versé par anticipation sera une recette définitivement acquise de la section d’investissement.

À cet égard, le Gouvernement a fait preuve de pragmatisme pour que les collectivités participent à l’effort de relance : la hausse des investissements des collectivités qui donnera droit au bénéfice de la mesure sera considérée comme effective dès le premier euro investi au-delà du niveau de la période de référence 2005-2007.

Dans ce contexte, je crois que notre objectif est clair : il s’agit d’assurer la relance par l’investissement.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !

M. Patrick Devedjian, ministre. L’investissement est un facteur durable de la vie économique. Il donne du travail, partout où il se réalise.

Cela étant, plusieurs mesures du plan sont destinées au soutien à l’emploi et à la solidarité.

Les ménages les plus vulnérables feront l’objet d’une attention particulière, ce qui constitue le complément indispensable à l’effort d’investissement.

Ainsi, le programme « Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi » bénéficie de près de 5 milliards d’euros.

Il prévoit notamment des mesures en faveur du financement des PME via OSEO, l’établissement public chargé de soutenir l’innovation et la croissance des PME, et la SIAGI, la société de caution mutuelle de l’artisanat et des activités de proximité, une aide à l’embauche dans les très petites entreprises, à hauteur de 700 millions d’euros, une dotation budgétaire supplémentaire de 500 millions d’euros pour accompagner les salariés victimes de licenciement et une prime à la casse de 1 000 euros, dont j’ai pu vérifier l’efficacité auprès des concessionnaires.

Ce volet est complété par un effort exceptionnel, notamment en faveur du logement social et de la solidarité, qui mobilisera 1,9 milliard d’euros.

Grâce à ces crédits, nous avons l’ambition de proposer 100 000 logements supplémentaires.

La rénovation de l’habitat ainsi que la lutte contre l’habitat indigne et les dépenses d’énergie seront renforcées par la mise en place d’un fonds exceptionnel de 200 millions d’euros.

Les structures d’accueil et d’hébergement bénéficieront de 160 millions d’euros en vue de conduire un indispensable programme d’amélioration et de développement de leurs capacités.

Les ménages les plus fragiles recevront une prime exceptionnelle de 200 euros, en anticipation du revenu de solidarité active. Cela représente un effort de solidarité de 760 millions d’euros qui bénéficiera à près de 3,8 millions de foyers.

L’important, maintenant, c’est d’aller vite.

Dans cette perspective, le meilleur gage de succès résidera dans notre aptitude à aplanir les obstacles issus de procédures longues et incertaines ainsi que de pratiques héritées de notre culture administrative qui constituent, souvent, autant de contraintes injustifiées.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Patrick Devedjian, ministre. C’est le sens des décrets examinés par le conseil des ministres du 19 décembre 2008. C’est aussi le sens du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés qui vous est soumis.

Évidemment, ce dernier texte ne constitue pas le support d’une réforme majeure. Mais telle n’est pas sa vocation. Son ambition se résume en un seul mot : l’efficacité, celle-ci devant permettre de conduire à leur terme, dans les meilleurs délais, des projets de construction ou des investissements industriels.

Je pense notamment à la création d’un régime de modification simplifié des plans locaux d’urbanisme et à l’élaboration d’un rapport sur les procédures de révision desdits plans.

Je pense aussi à l’amélioration des possibilités de recours au partenariat public-privé ou aux simplifications des procédures de marchés publics, qui permettront d’accélérer les projets d’équipement.

Quant à l’assouplissement du régime de remise de dettes par les créanciers publics, il évitera qu’une faillite ne génère d’autres faillites en cascade.

De manière analogue, le Gouvernement sollicite votre habilitation pour définir par voie d’ordonnance un nouveau régime d’installations classées au titre de la protection de l’environnement. Le but est de diviser par quatre les délais d’instruction des dossiers pour environ cinq cents entreprises par an, sans évidemment dégrader de quelque façon que ce soit les règles de sécurité.

Cette dernière mesure illustre parfaitement le souci de pragmatisme qui nous anime.

Car, vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi vise à lever des règles couramment dénoncées, sans altérer l’économie des procédures ni leurs objectifs.

Nous pourrons donc mesurer la concrétisation de cette ambition au travers d’indicateurs de performance, associés aux trois programmes de la nouvelle mission définie dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009.

C’est, pour moi, la condition essentielle de notre réussite. Le plan doit fédérer de nombreux d’acteurs : l’État, les collectivités locales, mais aussi les entreprises, notamment les entreprises publiques. Il nous invite à coordonner et à anticiper.

Aussi veillerai-je personnellement, en liaison avec les ministères ou les opérateurs concernés, au suivi de chacune des mesures.

Des procédures d’évaluation seront mises en place afin de mesurer l’état d’avancement des opérations et leur impact en termes d’effet de levier sur notre économie.

C’est là tout le sens de la création d’un ministère et d’une mission budgétaire dédiés à la mise en œuvre du plan de relance.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation est inédite. C’est pour cela qu’il y a urgence.

Nous faisons face à une crise grave. Elle est mondiale ; elle est brutale ; elle est injuste pour notre pays.

Parce que nous ne la surmonterons qu’ensemble, tous les acteurs publics et économiques ont leur rôle à tenir.

Les deux projets de loi que nous vous soumettons avec Christine Lagarde et Éric Woerth mobilisent, dès 2009, des moyens exceptionnels.

Ils nous invitent au rassemblement, pour une action collective et efficace. C’est, à l’évidence, notre devoir vis-à-vis de nos concitoyens.

Soyez donc assurés de ma totale disponibilité pour conduire cette action avec tous les acteurs concernés, au premier rang desquels figurent les élus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP, sur certaines travées de lUnion centriste ainsi que sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, Patrick Devedjian et moi-même avons été, dès la rentrée des vacances de Noël, auditionnés par trois de vos commissions et, pour la sixième fois en quatre mois, nous nous retrouvons en discussion générale.

C’est une première dans notre histoire budgétaire que de soumettre au Parlement un collectif dès le mois de janvier. L’intensité de nos discussions financières est donc forte, mais elle doit être mesurée à l’aune de la crise que nous traversons.

Ainsi que l’a très justement souligné Patrick Devedjian, la rapidité d’exécution apparaît comme une donnée cruciale pour la réussite du plan de relance. De fait, tout est mis en œuvre pour ne pas perdre de temps : le Président de la République a présenté ce plan à Douai le 4 décembre dernier ; les mesures fiscales ont été intégrées dès le collectif adopté à la fin de l’année 2008 et celles qui devaient relever du projet de loi de finances rectificative pour 2009 ont été adoptées par le conseil des ministres le 19 décembre ; la discussion s’est engagée le plus tôt possible à l’Assemblée nationale ; finalement, ce texte arrive en discussion au Sénat dès la mi-janvier, en tirant au passage la totalité des conséquences de l’exécution budgétaire 2008 dont nous venons tout juste d’avoir les résultats.

En complément de l’intervention de Patrick Devedjian et avant celle de Christine Lagarde, je voudrais pour ma part revenir sur deux points. Je rappellerai tout d’abord la cohérence d’ensemble du plan de relance ; je détaillerai ensuite son impact sur nos finances publiques et vous fournirai des informations sur l’exécution budgétaire.

Le plan de relance s’inscrit dans une politique budgétaire cohérente dans le temps. On ne construit pas un plan ex nihilo, sans tenir compte ni des spécificités économiques d’un pays ni des politiques précédemment mises en œuvre.

Si le plan de relance est concentré sur l’investissement, c’est d’abord parce qu’il n’entend pas léguer à nos enfants un « actif net » dégradé : certes, nous nous endettons davantage mais c’est pour investir ou, plus précisément, pour anticiper des investissements. Ce faisant, nous faisons d’une pierre deux coups : nous soutenons l’activité d’aujourd’hui ; nous préparons la France de demain.

Cet investissement, c’est celui de l’État, des entreprises publiques mais aussi des collectivités locales, qui réalisent les trois quarts de l’investissement public dans notre pays. Lors de nos débats, nous ne manquerons pas de revenir sur la mesure d’accélération du remboursement anticipé du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA.

Mais si le plan est centré sur l’investissement, c’est aussi et surtout parce que d’autres mesures, qui concourent au soutien de l’activité, notamment au soutien des revenus et de la consommation, ont déjà été prises en compte par le Gouvernement. Quelles sont-elles ?

Dès avant le début de la crise, des baisses de prélèvements obligatoires importantes ont été décidées pour 2008 et 2009. Elles permettent de soutenir l’activité et représentent environ 10 milliards d’euros.

De plus, la revalorisation des prestations sociales est particulièrement forte en 2009 : elle s’élève à quelque 9 milliards d’euros. Les allocations familiales seront ainsi revalorisées de 3 % le 5 février. Quant au minimum vieillesse et aux pensions de retraite, ils progresseront respectivement de 6,9 % et de 2,1 % à compter du 1er avril, si toutefois les prévisions d’inflation pour 2009 sont confirmées. Pour l’ensemble des transferts sociaux, compte tenu de la dynamique du nombre de bénéficiaires, cela correspond à une progression supérieure d’au moins 3 % à l’inflation, à laquelle il faut, naturellement, ajouter la création du RSA.

Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces mesures soutiennent incontestablement le pouvoir d’achat des Français.

Enfin, la France est l’un des pays qui disposent de la couverture sociale et du niveau de prélèvements obligatoires les plus élevés au monde. Lorsque des difficultés interviennent, la décision de ne pas compenser les moins-values de recettes par des hausses d’impôts ou des coupes claires dans les dépenses soutient l’activité. Cet effet est d’autant plus fort que la sphère publique est importante. C’est le cas dans notre pays.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !

Mme Nicole Bricq. Ce qui était mal hier ne l’est plus aujourd’hui !

M. Éric Woerth, ministre. Cet effet est donc bien plus puissant en France que dans d’autres pays, notamment les pays anglo-saxons, comme l’a souligné encore très récemment le FMI. Il jouera au moins pour 15 milliards d’euros en 2009.

Ce choix de laisser jouer ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques » se traduit également par l’accroissement du déficit, en raison des pertes de recettes publiques et de l’augmentation de certaines dépenses sociales.

Ces différents éléments n’excluent par ailleurs nullement les mesures de garantie et de prêts nécessaires au financement de l’économie, que Patrick Devedjian vient de rappeler. Je souligne une dernière fois leur nature très différente des mesures que j’ai rappelées précédemment. Ces garanties et ces prêts ne sont pas attribués sans contrepartie ; ils sont rémunérés par l’État, lequel a déjà reçu 200 millions d’euros à ce titre en fin d’année 2008, comme Mme Lagarde l’a confirmé il y a peu.

C’est donc dans ce contexte préexistant, et pas dans un autre, mesdames, messieurs les sénateurs, que vient s’inscrire le plan de relance que nous vous proposons aujourd’hui.

J’ai entendu dire que l’on faisait des comptabilités parallèles. Mais la seule comptabilité du plan de relance, c’est 26 milliards d’euros ! Il s’agit, passez-moi l’expression, de « vrai argent ». Ce n’est pas de l’affichage ou du recyclage de vieilles mesures, ainsi qu’en témoigne d’ailleurs son impact sur le déficit budgétaire – 19 milliards d’euros en 2009. Quand je lis ici ou là les comparaisons que l’on peut faire entre notre plan de relance et les plans conduits par d’autres pays, je constate que cette distinction cruciale est souvent omise.

Certains nous opposeront encore, j’en suis sûr, que notre plan reste insuffisant pour la consommation et qu’il ne suit pas l’exemple des plans anglais, américain ou allemand.

M. Éric Woerth, ministre. Soyons clairs : si la crise est mondiale, les situations économiques et sociales sont intrinsèquement différentes d’un pays à l’autre.

Quand un pays dispose d’un système de retraite par répartition, il n’a pas les mêmes besoins qu’un pays qui recourt à un système par capitalisation.

Mme Marie-France Beaufils. Vous admettez donc que la répartition est un bon système…C’est nouveau !

M. Éric Woerth, ministre. Le retraité américain qui compte uniquement sur son plan d’entreprise a vu ses perspectives de retraite s’effondrer avec la bourse depuis six mois. Rien de tel, en revanche, pour le retraité français, et heureusement ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Quand un pays dispose d’une indexation automatique de ses prestations sociales sur l’évolution des prix, il n’a pas les mêmes besoins qu’un pays qui ne pratique pas cette indexation. Il n’a pas besoin de prévoir une compensation spécifique de la perte de pouvoir d’achat des prestations sociales, celle-ci existant d’ores et déjà.

Quand un pays dispose d’une assurance chômage couvrant pendant deux ans les personnes qui, malheureusement, perdent leur emploi, il n’a pas les mêmes besoins qu’un pays où cette couverture n’est que de quelques semaines.

M. Éric Woerth, ministre. Quand un pays met en place le RSA et dispose d’une couverture efficace et renforcée du chômage partiel, il n’a pas les mêmes besoins pour lutter contre la précarité, accrue par la crise, des travailleurs pauvres.

La France possède ce système avancé de retraites, de protection contre le chômage, de prestations sociales.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas grâce à vous !

M. Daniel Raoul. C’est précisément ce que vous vouliez détruire ! C’est incroyable !

M. Éric Woerth, ministre. Or, c’est ce système développé qui nous donne la chance de pouvoir concentrer notre plan de relance sur l’investissement et sur des facilités de trésorerie accordées aux entreprises pour les aider à passer ce cap difficile. Il va de soi que la situation anglaise ou américaine est bien différente.

De même, la situation allemande n’est pas comparable. Pour comprendre les différences existant entre nos plans, il faut savoir que la croissance du revenu des ménages allemands a été inférieure de près de 2 % en moyenne à celle du revenu des ménages français sur les cinq dernières années.

M. Éric Woerth, ministre. Le deuxième plan annoncé par Mme Merkel contient des baisses d’impôt et de cotisations sociales, des mesures tendant à encourager l’investissement ainsi que des mesures sectorielles portant, notamment, sur l’automobile.

Je ne reviendrai pas sur ces deux derniers axes, qui ressemblent beaucoup à ce que nous vous proposons aujourd’hui. S’agissant en revanche des baisses d’impôt, il convient de préciser que, contrairement à nous, les Allemands n’indexent pas chaque année sur l’inflation les taux du barème de l’impôt sur le revenu. Leur plan tend donc à compenser en une seule fois les effets de l’inflation sur les deux dernières années, alors que notre système fiscal réalise régulièrement cette compensation.

Et il ne faut pas oublier, non plus, la baisse des taux de l’impôt sur le revenu que la majorité a réalisée en 2006 et en 2007.

Quant à la baisse des cotisations maladie, il s’agit simplement pour l’Allemagne d’annuler la hausse qui avait été prévue au 1er janvier 2009. Le gouvernement allemand ne cherche donc plus à compenser la baisse des recettes par des hausses de taux : c’est bien la stratégie que nous suivons depuis le début de cette crise.

Je voudrais maintenant évoquer les prévisions relatives aux finances publiques, en commençant par faire un point sur l’année 2008. Nous disposons désormais des résultats de l’exécution budgétaire pour l’année qui vient de s’écouler et je souhaiterais brièvement, monsieur le président de la commission des finances, les détailler.

L’année 2008 s’est achevée sur un déficit budgétaire de 56,2 milliards d’euros, en augmentation de 14,5 milliards par rapport à la loi de finances initiale et de 4,7 milliards par rapport au collectif voté en décembre dernier.

Cette dégradation de 4,7 milliards d’euros est – je tiens à y insister – intégralement imputable à la conjoncture, qui pèse fortement sur les recettes fiscales. L’analyse détaillée des moins-values de recettes montre que celles-ci sont concentrées sur l’impôt sur les sociétés, sur la TVA portant sur l’investissement et les consommations intermédiaires, ainsi que sur la taxe professionnelle.

Cela témoigne d’une dégradation de la situation des entreprises plutôt que de celle de la consommation finale des ménages, ce que chacun d’entre vous a sans doute d’ailleurs pu constater dans son propre département. Voilà qui conforte la stratégie retenue dans le cadre du plan de relance. Celui-ci privilégie en effet le soutien à l’activité des entreprises et à l’investissement par rapport à la consommation.

Les dépenses s’établissent quant à elles, au sens de la norme élargie – c’est-à-dire en incluant les prélèvements sur recettes – à 344,9 milliards d’euros, ce qui représente un dépassement de 4 milliards par rapport à la loi de finances initiale, lié principalement à la charge de la dette, du fait de l’inflation.

La progression des dépenses de l’État en 2008 est ainsi restée conforme à l’objectif « zéro volume », fixé d’un commun accord par le Gouvernement et par le Parlement, qui consiste, je le rappelle, à ce que ces dépenses n’augmentent pas plus vite que l’inflation. Leur progression est en effet, à périmètre constant, de 2,8 % en valeur par rapport 2007, ce qui correspond à l’estimation actualisée de l’inflation pour l’année 2008.

Il faut ajouter à la détérioration du solde budgétaire l’impact de moins-values de recettes sociales, puisque la masse salariale a été malheureusement moins dynamique que prévu. L’ajustement des recettes de l’État et de la sécurité sociale conduit ainsi à réviser de 0,3 point de produit intérieur brut la prévision de déficit de l’ensemble des administrations publiques pour 2008. Cette prévision de déficit sera donc portée, à la fin de cette même année, à 3,2 points de PIB.

Cela reste bien sûr une prévision, car nous ne disposons pas encore, à ce stade, de toutes les données, en particulier celles qui concernent la situation des collectivités locales. La prévision intègre un déficit de 0,3 point de PIB pour les collectivités, ce qui est, à l’heure actuelle, la meilleure estimation possible.

Ces résultats de 2008 nous conduisent à réviser aujourd’hui la prévision de déficit de 2009. La base de référence n’étant plus la même, nous révisons les prévisions de recettes pour 2009 contenues dans le collectif. Nous serons aussi amenés, monsieur le rapporteur général, à réviser notre prévision sur l’évolution du solde de la loi de programmation.

En ce qui concerne l’État, la moins-value pour 2009 serait, par rapport à la loi de finances initiale, de 7 milliards d’euros, ce qui porterait le déficit budgétaire à environ 86,5 milliards d’euros. Nous reportons la moins-value constatée sur la TVA en 2008, et nous accentuons celle qui a été enregistrée sur l’impôt sur les sociétés.

La diminution des acomptes d’impôt sur les sociétés versés en décembre 2008 laisse en effet craindre une moins-value supplémentaire à l’occasion du versement du solde de l’impôt dû au titre de l’année 2008. Nous en revenons d’ailleurs, pour les recettes de cet impôt, à des montants comparables à ceux enregistrés pour les années 2002 ou 2003. Autant dire que, pour nos finances publiques, l’écart est évidemment tout à fait considérable.

Si l’on reporte également les moins-values de la sphère sociale, le déficit public pour 2009 serait aggravé au total, là encore à périmètre constant, de près de 9 milliards, ce qui représente de 0,4 à 0,5 point de PIB supplémentaire, pour un total de 4,4 points de PIB.

Christine Lagarde reviendra probablement sur les prévisions de la Commission européenne, qui sont plus pessimistes que celles que je viens d’exposer et auxquelles nous ne souscrivons pas.

Mais une chose est claire : si la croissance est plus faible que dans l’hypothèse que nous retenons, nous laisserons jouer les stabilisateurs automatiques. Nous ne compenserons pas les manques à gagner de recettes fiscales ou de cotisations sociales.

On peut estimer que la perte d’un point de croissance se traduirait par un accroissement du déficit public d’environ un demi-point de PIB. Ainsi, l’écart entre la prévision de la Commission et la nôtre correspond intégralement à des hypothèses de croissance différentes, et non à des façons différentes d’apprécier la politique budgétaire menée, ce qui est évidemment très important pour la suite.

Pour les années 2010 à 2012, l’impact des révisions de recettes sur le déficit serait le même qu’en 2009, soit environ 9 milliards d’euros. Il s’inscrirait donc à 3,1 points de PIB en 2010, 2,3 points en 2011 et 1, 5 point en 2012.

Si cette prévision nous fait revenir assez rapidement en deçà des 3 points de PIB et nous permet d’espérer un déficit limité en 2012, ce n’est pas par angélisme de notre part.

D’une part, nous croyons évidemment qu’une reprise est toujours possible en 2010.

D’autre part – il s’agit là aussi d’un point important – ce plan de relance est strictement limité dans le temps, parce qu’il ne remet en cause ni les efforts accomplis en matière de maîtrise de la dépense publique, ni l’objectif de retour à l’équilibre de nos comptes publics. Nous ne devons pas perdre de vue ce dernier objectif, même s’il est bien sûr plus difficile à atteindre compte tenu de la crise.

L’incidence budgétaire du plan de relance est en effet concentrée sur l’année 2009. Quand on regarde l’état des finances publiques françaises, on comprend que nous avons trop souvent souffert de la stratification de mesures qui pouvaient être adaptées à un moment donné, mais n’étaient jamais modifiées par la suite.

Aux États-Unis, si l’État fédéral a su par le passé recourir massivement à l’arme budgétaire, il a su tout aussi radicalement revenir sur des mesures prises à un certain moment.

Aujourd’hui, toute l’idée du plan que nous vous présentons est d’injecter de l’argent en grande quantité là où cela est nécessaire et sur une période courte, c'est-à-dire sans obérer l’avenir. Il ne s’agit absolument pas d’ajouter une charge supplémentaire au poids que représentent les finances publiques dans le produit intérieur brut.

Ce plan, parce qu’il est ciblé sur des dépenses d’investissement, est donc largement réversible. Il est en effet composé soit de dépenses temporaires qui n’ont plus d’effet à partir de 2011, soit d’une anticipation de dépenses qui étaient programmées – je pense par exemple au crédit d’impôt recherche, ou à certaines dépenses d’investissement – et qui n’auront donc pas à être effectuées en 2011 et en 2012.

En tout état de cause, les dépenses de fonctionnement et de personnel prévues dans le budget triennal ne sont pas impactées ; les réformes qui les sous-tendent ne sont pas remises en cause.

En 2009, l’impact du plan de relance sur le déficit budgétaire de l’État sera de 19 milliards d’euros hors dotation au Fonds stratégique d’investissement et de 22 milliards si l’on intègre le Fonds. L’impact sur le déficit public, tel que celui-ci est défini par les critères de Maastricht, devrait être de l’ordre de 15,5 milliards en 2009, soit 0,8 % de PIB, ce qui s’explique par des différences entre les règles de comptabilisation des recettes utilisées par notre comptabilité budgétaire et celles utilisées par la comptabilité maastrichtienne.

L’effet du plan devrait être limité à environ 1 milliard en 2010. Enfin, son impact global sur la dette publique sera de l’ordre de 20 milliards d’euros. Les charges d’intérêt liées ne devraient pas progresser. Nous n’avons pas modifié le chiffrage, puisque la baisse des taux absorbe l’augmentation du volume d’emprunts.

Contrairement à ce que dit l’opposition, …

Mme Nicole Bricq. Nous n’avons encore rien dit !

M. Éric Woerth, ministre. … le plan de relance est équilibré et adapté à la situation de la France. Mais l’opposition croit-elle vraiment à ce qu’elle dit ? Finalement, c’est là la vraie question !

Si le déficit prévu est aussi élevé, c’est précisément parce que, dans le même temps, nous soutenons l’investissement et nous laissons jouer à plein notre système de transferts sociaux, sans compenser les baisses de recettes.

Nous ne voulons pas de plan de relance « à l’ancienne », consistant à créer des dépenses pesant durablement sur les générations futures. Il faut, plus que jamais, maîtriser la dépense courante.

C’est ce que nous avons fait en 2008 : la dépense, corrigée des effets du pic d’inflation observé en cours d’année, est, dans l’ensemble, parfaitement tenue. Il en ira de même en 2009. En effet, si le plan de relance doit être mis en œuvre de façon résolue et rapide – ce sera le cas, c’est le rôle de Patrick Devedjian –, je serai non moins résolu, à côté de mon collègue, à faire en sorte que les dépenses courantes des ministères, hors plan de relance, restent maîtrisées. (M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance approuve.)

Nous devons dépenser rapidement l’argent qui sert à la relance et maîtriser parfaitement les dépenses courantes liées à la mise en œuvre de nos politiques publiques. Le plan que nous vous présentons aujourd’hui est donc indispensable. Il est adapté aussi bien à la situation économique de notre pays qu’aux besoins de nos concitoyens.

Il est possible, naturellement, de faire des choix différents. Nous sommes d’ailleurs ici pour en discuter, ce qui se fera, comme d’habitude, dans un esprit d’ouverture et de responsabilité. C’est du moins de cette façon que j’aborde un débat qui sera, à n’en pas douter, riche, car fertile en propositions pour notre économie, et utile, car protecteur pour les Français. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez entendu de la bouche de mes collègues Patrick Devedjian et Éric Woerth l’essentiel de ce qu’il convient de savoir du plan de relance. « Tout est dit, et l’on vient trop tard », pourrais-je donc regretter avec La Bruyère. (Sourires.)

Pour laisser au dialogue le temps nécessaire, je limiterai mon propos à deux remarques principales, visant, d’une part, à montrer comment ce plan de relance s’inscrit dans un dispositif anticrise complet, et, d’autre part, à essayer de mesurer les effets que l’on peut attendre de ce dispositif.

Se doter d’un dispositif « brise-crise », c’est d’abord faire un choix économique ciblé pour relancer l’économie. Jean-Paul Fitoussi, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’ OFCE, a déclaré, dans un article du 7 janvier dernier, que le plan mis en œuvre en France « est globalement satisfaisant » relevant que les mesures « sont principalement axées sur l’investissement et l’aide à la trésorerie des entreprises qui en ont besoin. »

Ce plan de relance, qui vient d’être commenté, s’inscrit très clairement dans le cadre d’une séquence précise, qui a commencé par le plan de recapitalisation des établissements bancaires, adopté par la Haute Assemblée, qui s’est poursuivie avec un plan de financement des entreprises, destiné en particulier aux petites et moyennes entreprises, et qui se conclut donc avec le plan de relance qui vient de vous être brillamment présenté.

Je montrerai simplement dans quelle mesure l’inscription de ce plan de relance dans le dispositif anticrise global fait réellement sens.

Pour cela, je dois d’abord vous rappeler, en ce qui concerne le plan de financement et de recapitalisation des établissements bancaires, que, si vous ne l’aviez pas adopté, notre économie aurait connu sans aucun doute une véritable thrombose.

À cet égard – je reviens un instant sur ce dispositif qui est de nouveau d’actualité à l’occasion de l’émission de la deuxième tranche de recapitalisation –, nous avons demandé aux banques de prendre trois types d’engagement.

Mme Nicole Bricq. C’est ce que nous réclamions dès le mois d’octobre !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il s'agit d’abord d’engagements de nature économique, les banques devant faciliter le financement et le développement de l’économie, ensuite, d’engagements de nature éthique, qui consistaient en particulier à adopter le code mis en œuvre au sein des entreprises du CAC 40, et qui avait été préparé par le MEDEF et par l’AFEP, l’Association française des entreprises privées. Enfin, l’aide était évidemment liée à un certain nombre de mesures de gouvernance interne, sur lesquelles je reviendrai dans un instant.

En ce qui concerne le financement de l’économie, le dernier chiffre qui a été publié par l’Observatoire du crédit indique qu’entre octobre et novembre 2008 les encours de crédits à l’économie ont augmenté de 0,34 %.

Mme Nicole Bricq. C’est parfait, tout va bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Si vous demandez aux entreprises, dans vos départements, sur vos territoires, à quelle période elles ont été le plus affectées par l’insuffisance de financement et de disponibilité des crédits, il y a fort à parier qu’elles vous répondront que le mois de novembre a été le plus difficile.

Or, on constate, au vu des encours de crédits recensés par l’Observatoire du crédit, que le financement par les banques a augmenté à cette période de 0,34 %. C’est donc, très clairement, que les banques ont eu à cœur, même dans les périodes difficiles, de tenir leurs engagements. Sachez que nous continuerons à être extrêmement vigilants sur ce point.

Nous avons mis en œuvre – vous le savez, cela a été annoncé hier – une deuxième tranche de recapitalisation des six grands groupes bancaires français.

J’ajoute que, pour la mise à disposition de cette deuxième tranche, nous avons demandé aux banques de prendre un certain nombre d’engagements supplémentaires. Nous leur avons proposé d’opter soit pour un mécanisme de titres super subordonnés, soit pour des actions de préférence non assorties de droit de vote.

Nous avons en outre demandé aux banques d’agir sur deux aspects. D’une part, elles devront s’engager dans une politique de modération des dividendes, consistant à financer leur activité en renforçant leurs fonds propres, c'est-à-dire en affectant une partie de leurs résultats, lorsqu’elles en dégagent, à la reconstitution de leurs fonds propres. D’autre part, elles devront renoncer à la part variable de la rémunération de leurs dirigeants, c'est-à-dire plus exactement demander à ces derniers de renoncer à leurs bonus.

C’est ce qu’ils ont tous fait au titre de l’année 2008. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) De la même façon, ils ne recevront donc ni bonus ni part variable au titre de l’exercice 2009. Leurs conseils d’administration se sont pour l’essentiel déjà prononcés à cet effet, et les assemblées générales reprendront, d’ici le 31 mai 2009, l’ensemble des engagements de nature éthique contenus dans le code de bonne conduite adopté par le MEDEF.

Certains d’entre vous me demanderont peut-être pourquoi l’État n’entre pas au capital des banques, comme cela se fait au Royaume-Uni.

Mme Nicole Bricq. C’est une bonne idée !

Mme Christine Lagarde, ministre. Après tout, quand on siège au conseil d’administration, cela permet d’avoir son mot à dire sur la stratégie.

La réponse est simple : c’est tout simplement parce que les banques françaises ne sont pas les banques britanniques. Nos banques, si l’on évalue leur situation financière en rapportant les fonds propres dont ils disposent à leurs encours, vont bien mieux que les banques anglaises.

Si les Britanniques, qui ne sont pas véritablement des chantres de la nationalisation, sont entrés dans de telles proportions au capital de leurs banques, c’est parce que celles-ci sont dans une situation bien plus défavorable que nos établissements financiers.

Vous pourriez aussi me demander pour quelle raison nous n’avons pas purement et simplement interdit le paiement des dividendes. Tout simplement, nous considérons que, dans notre pays, l’État n’a pas vocation à participer durablement au capital des établissements bancaires. Pour attirer de nouveaux actionnaires et pour faire en sorte que ceux-ci se substituent à l’État, il faut que ces établissements distribuent des dividendes, puisque c’est l’une des raisons pour lesquelles un investisseur choisit ou non d’investir dans telle ou telle société, que celle-ci appartienne ou non, d’ailleurs, au secteur bancaire.

Cette rapide intervention sur le financement de notre économie n’est pas simplement un aparté : le sujet est d’actualité. Pour que le plan de relance, qui vous a été présenté par Patrick Devedjian et par Éric Woerth, produise les effets escomptés, il faut que les mécanismes de crédit fonctionnent, il faut que l’argent circule, il faut que les entreprises, les collectivités locales et les ménages puissent emprunter.

Ce plan de relance prend place dans le cadre d’une séquence, celle des circuits de financement. L’autre séquence, bien évidemment, c’est celle du financement des petites et moyennes entreprises et, au delà, des entreprises de taille intermédiaire, catégorie créée par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

Ainsi, nous allons mettre 22 milliards d’euros à disposition des PME et des ETI, par l’intermédiaire, en particulier, d’OSEO, soit sous la forme de cofinancements, soit sous la forme de garanties, soit en renforçant la trésorerie des entreprises.

Dans le cadre du plan de relance, 5 milliards d’euros supplémentaires seront mis à la disposition d’OSEO, qui se décomposent comme suit : 1 milliard d’euros pour les restructurations financières ; 2 milliards d’euros pour garantir les financements de court terme ; enfin, 2 milliards d’euros pour les cofinancements. En outre, afin d’inciter les banques à participer au financement des entreprises, le Gouvernement a déposé un amendement ayant pour objet d’autoriser OSEO à garantir à hauteur de 90 % les concours bancaires accordés aux PME ou aux ETI, ainsi que le Président de la République s’y est engagé dans son récent discours prononcé à Vesoul.

Voilà donc le deuxième élément de cette séquence.

Avant d’en venir aux instruments auxquels nous avons choisi de recourir, je vous voudrais mentionner les deux autres éléments de ce plan, à savoir, d’une part, le Fonds stratégique d’investissement, qui fait partie du dispositif anticrise et dont la fonction est de prendre des participations chaque fois que cela sera nécessaire, et, d’autre part, l’exonération de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, à chaque étage de ce dispositif, on retrouve une même logique, celle de l’investissement.

Peut-être me rétorquerez-vous que nous aurions probablement pu recourir à d’autres méthodes et utiliser d’autres outils.

Mme Nicole Bricq. Nous n’avons pas encore parlé !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je précise que la plupart des économistes sérieux s’accordent à dire que, si nous disposions de la boîte à outils parfaite correspondant à la situation actuelle, il serait finalement assez simple de résoudre les difficultés auxquelles sont confrontées les économies de par le monde.

Par exemple, nous aurions pu réduire notre taux de TVA, comme l’ont fait nos voisins britanniques, qui ont abaissé le leur de deux points. Cette mesure aurait dû entraîner une augmentation mécanique de la consommation. Or tel n’a pas été le cas : la consommation britannique, nullement stimulée par cette réduction, a, au contraire, enregistré un déclin manifeste.

En outre, la réduction du taux de TVA s’applique uniformément à la fois aux productions nationales – dans le cas de la Grande-Bretagne, certains objecteront que ce n’est pas si grave puisque ce pays produit sur son sol peu de biens manufacturés – et aux produits importés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Évidemment !

Mme Nicole Bricq. Mais de quoi parlons-nous ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Or le plan de relance a pour objectif non pas d’accroître les importations, mais, au contraire, de doper la compétitivité de nos entreprises afin de stimuler nos exportations.

Pour toutes ces raisons, je ne suis pas convaincue que la réduction du taux de TVA soit une mesure réellement efficace. En outre, à supposer qu’elle constitue un encouragement à la consommation, elle profiterait indifféremment aux ménages à hauts revenus et aux ménages à bas revenus. Or stimuler sans distinction la consommation de ces deux catégories de population ne nous semble pas être de très bonne méthode. (Très bien ! sur certaines travées de lUMP.)

Nous aurions pu aussi opter pour une baisse uniforme de tel ou tel impôt. Cependant, il faut savoir que les réductions d’impôt produisent des effets de deux natures.

D’une part, elles ont un caractère différé. Or nous souhaitons mettre en place des mesures qui produisent des effets le plus rapidement possible.

D’autre part, dans une période qui, reconnaissons-le, est marquée par la défiance de l’ensemble des consommateurs et des acteurs économiques à l’égard des circuits économiques – nous avons besoin de restaurer la confiance –, une baisse des impôts risque d’être captée par l’épargne sans profiter à la consommation. Or, en ce moment, nous avons besoin de favoriser non pas l’épargne, mais la consommation ou l’investissement.

L’effet multiplicateur de la baisse d’impôt est inférieur à l’effet multiplicateur de l’investissement. Une baisse d’un point du taux de TVA coûte 7 milliards d’euros et accroît le produit intérieur brut de 0,1 %. Le même montant consacré à des investissements publics ou à des investissements mixtes publics et privés accroît le PIB de 0,3 %.

Ainsi, selon qu’on choisit de réduire le taux de TVA ou de favoriser les investissements publics, l’effet multiplicateur varie de 1 à 3. Le choix qu’a fait le Gouvernement est clair, c’est celui de l’investissement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Choix tout à fait justifié !

Mme Christine Lagarde, ministre. J’en viens maintenant aux effets escomptés de ce plan.

S’agissant des grands agrégats, comme l’a rappelé Patrick Devedjian, le plan de relance se chiffre à 65 milliards d’euros, dont 50 milliards d’euros au titre de la relance de l’investissement et de l’amélioration de la compétitivité et 15 milliards d’euros au titre des stabilisateurs automatiques.

Les mesures de relance stricto sensu de ce plan devraient avoir pour effet d’accroître le PIB respectivement de 0,6 %, l’exonération de taxe professionnelle et les prêts à taux zéro de 0,2 % et les stabilisateurs automatiques, pareillement, de 0,2 %. Ainsi, l’ensemble du plan devrait engendrer un point de croissance.

Comme l’a souligné Éric Woerth, si l’on y ajoute les mécanismes d’amortissement qu’offre à d’autres égards notre système de prestations sociales, notre pays se trouve dans une situation nettement plus favorable qu’un certain nombre d’autres pays. C’est d’ailleurs ce dont a pris acte, malgré des prévisions pessimistes, la Commission européenne, puisque celle-ci prévoit, en 2009, une croissance de moins 1,8 % pour la France, contre une moyenne de moins 1,9 % pour la zone euro.

Nous ne souscrivons pas à ces prévisions. Pour autant, je ne vous indiquerai pas aujourd’hui quelles sont les nôtres puisque celles-ci dépendent d’un certain nombre d’éléments d’appréciation dont nous ne disposerons que dans le courant du mois de février, quand nous connaîtrons le chiffre de la croissance réelle pour le quatrième trimestre de l’année 2008.

Néanmoins, comme l’ensemble des autres pays de l’Union européenne, nous serons amenés de toute façon à réviser à la baisse notre prévision de croissance pour l’année 2009, qui devrait être un peu supérieure à celle de la zone euro et bien supérieure à celle de notre voisin allemand.

Certains feront des gorges chaudes et prétendront peut-être que, décidément, rien ne marche dans notre pays. Toujours est-il que, grâce aux 10 milliards d’euros de réductions d’impôt sur 2009, grâce à la revalorisation des prestations sociales pour un même montant avec le RSA, les prévisions pour notre pays sont moins mauvaises qu’elles ne le sont pour l’ensemble de nos voisins. Ainsi, l’Allemagne vient de réviser à moins 2,5 % son taux de croissance pour l’année 2009. Même si l’on s’en tient aux prévisions pessimistes de la Commission européenne, qui estime que la France devrait connaître une croissance de moins 1,8 %, notre situation est néanmoins plus favorable, dans un contexte économique dont chacun s’accorde à considérer qu’il est difficile et particulièrement incertain.

Notre stratégie consiste à engager nos efforts au service de deux objectifs : d’une part, le travail, d’autre part, la compétitivité des entreprises, afin de créer de la valeur et de lutter contre le chômage.

En conclusion, après avoir cité Jean-Paul Fitoussi, je citerai deux autres économistes.

Ainsi, Olivier Blanchard, économiste en chef au Fonds monétaire international, déclarait dans les colonnes du journal Le Monde daté du 24 décembre 2008 : « Les constructions de ponts ou les rénovations d’écoles risquent d’avoir plus d’effets sur la demande que des réductions d’impôts, que les ménages sont tentés de transformer en épargne de précaution […]. La prime à l’automobile décidée en France donne de fortes incitations et me paraît une bonne idée. »

Ces mesures s’inscrivent dans une démarche déterminée et inchangée qui consiste à valoriser le travail, à améliorer la compétitivité, à créer de la valeur et à soutenir, autant que nous le pouvons, l’emploi.

En outre, je citerai ce que John Maynard Keynes écrivait, en 1931, dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie : « Rien à l’évidence ne peut restaurer l’emploi sans d’abord restaurer le niveau des profits [...] et rien ne peut restaurer le niveau des profits sans restaurer d’abord le volume de l’investissement, c’est-à-dire, en d’autres mots, le volume des commandes de nouveaux biens en production. » C’est exactement le sens de la démarche que nous avons adoptée.

La démonstration que l’investissement public et privé est le seul moyen de faire repartir les rouages de la machine a donc été faite en son temps.

Keynes poursuit, et ce sera mon ultime citation : « La seule alternative théorique serait une vaste augmentation de la consommation des ménages aux dépens de leur épargne, extravagance collective qui, au moment où chacun est nerveux et hésitant, a peu de chance de se produire ».

C’est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, nous privilégions l’investissement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la situation dans laquelle nous nous trouvons en ce début de l’année 2009 est celle d’un pays qui a vu passer l’onde de choc financière, qui y a dans l’ensemble bien réagi jusqu’ici et qui en est au stade de la transmission de la crise de la sphère financière à la sphère réelle de l’économie.

Oui, cette crise dont on parlait, que l’on croyait sentir, que l’on anticipait, nous nous y trouvons, ou, plus exactement, nous commençons à nous y trouver.

Ce phénomène, à l’évidence, est mondial, mais chaque État y apporte des réponses particulières.

Si la réalité de la crise est une évidence, si personne n’est vraiment capable de prédire son horizon, il est au moins une certitude,…

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, quitte à m’interrompre, que ce soit au moins pour exprimer une pensée ! Peut-être la discussion générale vous en offrira-t-elle l’occasion tout à l’heure.

M. Jean-Luc Mélenchon. Si vous me permettez de vous interrompre, je veux bien exprimer une pensée !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous le faites de manière tellement brève que cela nuit plutôt à la lisibilité de nos échanges.

Nul n’est plus attaché que moi à la pluralité de l’expression, mais pour que celle-ci soit réelle, encore faut-il disposer du temps nécessaire pour développer sa pensée.

Mme Nicole Bricq. Nous allons le faire !

M. Jean-Luc Mélenchon. Alors, développez ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans ce contexte, sachant que chaque réponse nationale est originale, il est une certitude, disais-je : de la manière dont nous traiterons la crise dépend notre avenir « postcrise ».

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est le modèle économique de demain, c’est notre compétitivité de demain qui dépendent de notre capacité à nous attaquer aujourd’hui à la crise, à ses racines, à ses symptômes.

Nous sommes saisis de deux projets de loi : un collectif budgétaire et un texte qui comporte différentes mesures législatives de nature à permettre l’accélération de la dépense publique.

La commission des finances souscrit au second texte, le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, sur lequel elle est saisie pour avis.

Nous constatons, et nous ne sommes pas les seuls, que l’organisation des administrations et leur culture ont souvent constitué des blocages au cheminement et à la réalisation de projets. Cette vérité s’observe aussi en temps de crise. Nos procédures sont si raffinées, nos garanties si diverses, que lorsque nous considérons le nombre et le montant des projets d’investissements qui peuvent être lancés, la moisson n’est pas forcément à la hauteur des espérances.

Pour combattre la crise et remédier aux imperfections qu’elle nous révèle, il convenait de changer nos comportements. Ce texte en est le témoignage.

La commission des finances réaffirme ses positions en ce qui concerne, d'une part, les contrats de partenariat, utile solution pour assouplir certains dispositifs et accélérer les investissements, d'autre part, l’archéologie préventive, sujet sensible pour les élus locaux, qui est nécessaire à la réalisation de certains chantiers.

J’en viens à l’objet principal de notre discussion, à savoir ce collectif budgétaire de début d’année. Comme l’a souligné M. Éric Woerth, son simple positionnement dans le calendrier révèle la gravité des circonstances.

Ce texte est, à mon sens, bien calibré dans son ordre de grandeur et bien ciblé dans la nature des interventions.

Madame le ministre de l’économie, je souscris naturellement à vos observations en qui concerne l’investissement. M. le ministre du budget a, de son côté, fort opportunément souligné la grande différence qui existe entre notre système de protection sociale et celui qui prévaut dans les pays anglo-saxons. Ainsi la Grande-Bretagne a-t-elle été contrainte de faire dans la crise ce qu’elle n’avait pas fait précédemment, alors que notre priorité, aujourd'hui comme hier, est, à l’évidence, d’accroître le volume des investissements.

On retrouve ainsi l’analyse économique des grands auteurs, Lord Keynes en particulier, et la problématique du multiplicateur d’investissements. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Daniel Raoul. C’est incroyable !

Mme Nicole Bricq. Que ne faut-il pas entendre !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourquoi contestez-vous cette analyse, mes chers collègues ? En quoi la référence aux grands auteurs et, en période de crise, à Lord Keynes, vous paraît-elle surprenante ? (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.) Nous savons nous adapter aux circonstances.

M. Daniel Raoul. C’est un euphémisme !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous ne citez pas souvent les bons auteurs !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons, comme d’autres, fait des études d’économie. Nous connaissons les grands auteurs, dont certains ont d’ailleurs été cités par Mme le ministre.

Le Gouvernement nous soumet donc un plan bien calibré et bien ciblé. La commission des finances considère que trois critères en conditionnent la réussite : dépenser vite, dépenser bien - financer bien -, savoir rendre compte.

Tout d’abord, il faut dépenser vite. Il est bien évident que l’impact de ce plan dépendra de notre capacité à déployer ce dispositif sur le terrain.

Comme l’a indiqué M. Patrick Devedjian, sur les quelque 26 milliards d’euros inscrits dans ce plan, une dizaine de milliards d’euros iront au financement des mesures de soutien immédiat à la trésorerie des entreprises.

Nombre de dispositions votées dans de précédents textes, notamment dans le projet de loi de finances rectificative de la fin de l’année 2008 - je pense à l’anticipation du crédit d’impôt recherche -, constituent un soutien de trésorerie immédiat aux entreprises à l’heure où nombre d’entre elles risquent de rencontrer des difficultés pour trouver sur le marché les financements et les liquidités dont elles ont besoin. C’est assurément un choix opportun et qui représente une grande proportion du plan.

Viennent ensuite les dépenses financées par l’État et par les collectivités territoriales.

L’État consacrera quelque 5 milliards d’euros aux investissements physiques, aux infrastructures. Si un plus grand nombre de dossiers avaient été prêts – toutes les enquêtes faites, toutes les procédures purgées – ces crédits auraient probablement été plus élevés. Toutefois, au vu des informations auxquels nous avons pu accéder, l’effort de dépenses proposé, de préférence pour 2009 mais aussi pour 2010, correspond à ce qu’il était possible de faire compte tenu de l’état d’instruction et de préparation des dossiers.

Quid des collectivités territoriales, dont il sera sans aucun doute beaucoup question dans cet hémicycle ?

Le Gouvernement a défini des modalités d’intervention à la vérité claires et simples. Les mesures prises s’inscrivant dans le plan de relance, elles sont par définition temporaires. En 2009, une collectivité dont l’effort d’investissement sera suffisamment soutenu pourra inscrire à son budget d’investissement non pas une annuité, mais deux annuités de récupération de la TVA, soit l’équivalent d’environ 30 % de son budget d’investissement annuel.

Cette prime, significative, devra être consacrée à la réalisation d’ouvrages nouveaux. Il est bien compréhensible, mes chers collègues, que l’État demande aux collectivités qui se trouveront dans cette situation de bien vouloir jouer le jeu. L’effort d’investissement sera donc individualisé.

En outre, dans des conditions que nous espérons souples et simples – nous y reviendrons lors de la discussion des articles – les collectivités devront a posteriori rendre compte de l’utilisation de l’argent dépensé. Il faut en effet éviter tout effet d’aubaine permettant à une collectivité d’améliorer sa structure financière ou de rembourser des emprunts, ce qui serait sans effet sur la dépense locale, singulièrement sur l’activité du bâtiment et des travaux publics. Si tel devait être le cas, nous n’atteindrions pas l’objectif qui est le nôtre.

Je me permets cependant de souligner que les collectivités locales ne supportent pas les complexités et les blocages qui affectent l’État. Si elles en ont la possibilité, elles investiront davantage dans la voirie, la réhabilitation de bâtiments, la réalisation d’équipements publics. De telles actions sont finalement très simples à préparer.

Certains de nos collègues se sont à partir de là notamment interrogés sur la dotation globale d’équipement et sur la manière de la dépenser. Leurs interrogations me paraissent opportunes dans le cadre de notre débat. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles et de vous entendre, madame, messieurs les ministres.

Il faudra donc dépenser vite. L’efficacité du plan de relance en dépend. Comme l’a indiqué Mme le ministre, nombre d’économistes – plus proches de nous que Lord Keynes – se sont intéressés aux investissements. Quel sera l’ordre de grandeur de l’impact des mesures du plan de relance sur le produit intérieur brut ? Dans un tel domaine, il n’est pas de vérité arithmétique, ex ante, toutes les appréciations sont relatives et reflètent des modes de raisonnement. Nous pouvons néanmoins avoir la certitude que l’impact de ces mesures sera significatif. Les seules dispositions qui nous sont soumises aujourd’hui devraient se traduire par une augmentation de l’ordre d’un demi-point de produit intérieur brut.

Ce chiffre est la médiane d’une fourchette d’estimations plus large, car, encore une fois, les analyses peuvent refléter différents cheminements intellectuels, mais la vérité vraie, mes chers collègues, nous la constaterons dans plusieurs mois, probablement l’an prochain. Pour l’heure, nous ne pouvons que souhaiter que l’économie réagisse de manière positive.

Il faut donc dépenser vite, mais aussi, deuxième critère de réussite du plan de relance, dépenser bien et financer bien. Je vous livrerai des considérations qui relèvent davantage de la sphère financière.

Je tiens à souligner que la soutenabilité des finances publiques demeure une évidente et ardente nécessité et à insister sur la question des emprunts et des charges financières.

La situation de notre pays ne peut être appréciée que par comparaison avec celle de nos voisins. Nous sommes dans la zone euro et c’est grâce à l’euro que la crise économique que nous traversons n’a pas été, comme dans le passé, précédée ou accompagnée d’une crise monétaire. C’est une première dans l’histoire !

M. Jean-Jacques Jégou. Merci l’euro !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Souhaitons ne pas avoir à subir cette crise monétaire plus tard, le cas échéant par la faute de quelques autres…

Un examen des conditions d’emprunt des pays de la zone euro montre que les écarts se creusent. Or ces écarts traduisent l’appréciation des marchés non seulement sur les finances publiques, mais aussi et surtout sur la soutenabilité des modèles économiques nationaux.

De ce point de vue, l’Allemagne est bien entendu la mieux placée.

Selon l’indice synthétique établi par l’Agence France Trésor, à la date du 19 janvier 2009, la France paie ses emprunts d’État 25 à 26 points de base plus cher que l’Allemagne, et l’Espagne paie 115 points de base plus cher, toujours par rapport à l’Allemagne.

Arrêtons-nous quelques instants sur ces données. La situation instantanée des finances publiques de l’Espagne est encore bien meilleure que celle de la France. Le taux d’emprunt sur le produit intérieur brut est de l’ordre de 45 %, soit une différence de 20 points en notre défaveur. Par ailleurs, ses finances publiques ont été équilibrées, voire en excédent pendant plusieurs années.

Pourtant, les marchés considèrent, sans doute à juste titre, que le modèle économique espagnol est beaucoup plus menacé et beaucoup moins soutenable que le modèle économique français, malgré toutes nos faiblesses et en dépit de nos difficultés à réduire, autant qu’il le faudrait, la dépense publique et les déficits.

En fait, et j’insiste sur ce point, il s’agit d’une appréciation globale. Toutes les structures économiques, financières et industrielles de l’Espagne dépendent de l’immobilier, du bâtiment, des travaux publics, ce qui constitue un facteur de fragilité dont les marchés tiennent compte.

M. Jean-Luc Mélenchon. C’est un modèle économique.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il en résulte, pour l’Espagne, un surcoût de 115 points de base de ses emprunts. Et je pourrais faire d’autres comparaisons.

Cela démontre la nécessité d’adopter une approche équilibrée. Il faut faire en sorte que l’investissement public soit le relais et l’adjuvant de l’investissement privé, que la situation du système financier soit suivie de près, améliorée en tant que de besoin, mais pas trop.

C’est d’ailleurs, madame le ministre de l’économie, une responsabilité importante qui nous est confiée : le comité de suivi va siéger pour la première fois, sous votre présidence, le 27 janvier prochain et va permettre de faire le point sur la situation de financement et de refinancement des établissements de crédit.

À la vérité, tout ce qui est dit aujourd’hui sur les établissements de crédit et le système financier devrait l’être avec une très grande prudence. En effet, qui connaît aujourd’hui les comptes au 31 décembre ? Les commissaires aux comptes qui les étudient et les révisent les connaissent certainement, mais rien n’est encore publié ni certain.

Faites donc preuve, de grâce, mes chers collègues, de réserve en ces matières ! Les écarts peuvent être considérables, tout comme les risques de se tromper ou de créer des enchaînements psychologiques pervers. Évitons, dans ce débat, d’incriminer telle ou telle profession. Certes, la tentation de trouver des boucs émissaires nous guette toujours en période de crise, mais l’Histoire nous montre non seulement qu’il s’agit d’une erreur morale, mais aussi que cela ne sert à rien lorsque l’on recherche de véritables solutions.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour conclure mon intervention, je voudrais insister sur la nécessité de rendre compte. S’agissant de la relance, nous avons effectivement tout intérêt à pouvoir nous adresser à un interlocuteur identifié. Bien souvent, les ministres sectoriels et techniciens affirment leur existence en exprimant leur avis, en soutenant leurs administrations et, parfois, en bloquant les initiatives de leurs collègues.

Le ministre de la relance, pour sa part, a le pied sur l’accélérateur. (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. Il est formidable !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ayant pour rôle de faire sortir des projets, il assume une responsabilité particulièrement éminente et nécessairement fort sympathique aux yeux des gestionnaires de collectivités locales que nous sommes. C’est effectivement un ministre qui pourra sans doute concrétiser nombre de nos espoirs, d’autant que les programmes et la mission sont identifiés, ce qui nous permettra de suivre régulièrement l’évolution de la situation et de mesurer l’efficacité du dispositif que nous aurons voté.

De mon point de vue, mes chers collègues, les textes qui nous sont soumis sont les meilleurs possibles dans la situation actuelle. Cela étant, ils ne sont pas la session de rattrapage des débats passés.

J’entends par là que la loi de finances rectificative de janvier 2009 n’est pas la suite de la loi de finances rectificative de décembre 2008. Il est tout à fait inutile de rouvrir les débats passés. C’est d’ailleurs pourquoi la commission des finances a fait preuve d’une sévérité particulière à l’égard d’amendements dont la seule vocation ou le seul effet seraient de nous ramener aux discussions budgétaires de l’automne : l’automne est mort et 2010 est encore loin !

Certains parlent, en effet, de « visibilité pour 2010 ». Je leur donne rendez-vous à l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Sachons vivre jusque-là, résister à la crise, faire face, tracer un chemin, de préférence meilleur que celui qui est emprunté par bon nombre d’États voisins et partenaires, et nous verrons bien ! Nous sommes obligés de raisonner ainsi.

Je souscris à la fort limpide analyse des résultats de l’exercice 2008 et des incertitudes de l’année 2009 faite par le ministre Éric Woerth. Nous devons accepter et assumer ces incertitudes.

Il n’en serait pas moins coupable, pour autant, de laisser filer la dépense de fonctionnement, de compromettre les restructurations nécessaires qui nous permettront, lorsque la crise sera terminée et que nous atteindrons le point de retournement du cycle économique, de jouir de la meilleure compétitivité possible. Là réside toute la difficulté de l’exercice : il faut accélérer la bonne dépense, mais aussi savoir contrôler celle qui nuirait finalement à notre compétitivité.

C’est ce rôle de pilotage que, forts d’une vision d’ensemble et dans le respect des objectifs et orientations fixés par le Président de la République, vous allez, madame, messieurs les ministres, exercer ensemble, en jouant de l’accélérateur et du frein, tous leviers inséparables de l’action gouvernementale.

Avec ce premier exercice financier de l’année 2009 qu’est le projet de loi de finances rectificative, nous voilà donc appelés, mes chers collègues, au sens des responsabilités, que ce soit dans l’exercice de nos fonctions de gestionnaires locaux, pour jouer le jeu de la relance, ou en tant que législateurs nationaux. Quelles que soient nos opinions sur les causes de la crise, les circonstances et l’avenir, nous visons, solidairement et conjointement, un objectif commun : la réussite de ce plan de relance, la résistance de notre pays à la crise et la préparation de l’avenir ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen du plan de relance par le Sénat intervient dans un contexte préoccupant. La France doit faire face à une crise financière mondiale, sans doute la plus grave depuis 1929, qui a dégénéré en crise économique internationale soumettant notre pays à rude épreuve.

Le projet de loi d’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, que je rapporte au nom de la commission des affaires économiques, est l’un des éléments de la réponse apportée par le Gouvernement à cette situation d’urgence. Il s’inscrit dans la continuité des mesures mises en œuvre depuis dix-huit mois, tout d’abord pour consolider le système bancaire français, puis pour soutenir les entreprises menacées par la raréfaction du crédit et, enfin, pour agir en faveur de l’emploi des salariés les plus vulnérables aux conséquences néfastes du ralentissement économique.

Ce texte constitue donc l’un des volets du plan de relance d’ensemble de l’économie française tel qu’annoncé par le Président de la République dans son discours de Douai du 4 décembre 2008, et pour lequel un total de 26 milliards d’euros est mobilisé. Ses dispositions juridiques s’articulent avec les mesures financières, fiscales et budgétaires du projet de loi de finances rectificative pour 2009, que nous examinons conjointement.

Le Gouvernement a fait le choix, que la commission des affaires économiques approuve sans réserve, d’axer son plan de relance de 26 milliards d’euros sur les investissements. En effet, ces derniers, qu’ils soient publics ou privés, préparent l’avenir et ont un effet d’entraînement sur l’économie. L’impact immédiat du plan de relance est estimé par le Gouvernement à 0,6 point de PIB. Si les effets d’entraînement de la hausse des investissements sur la demande jouent à plein, son effet macroéconomique global pourrait atteindre 0,8 à 1 point de PIB.

Pour autant, il serait faux de prétendre que le Gouvernement se désintéresse de la relance de la consommation et du soutien du pouvoir d’achat des moins favorisés.

Le 6 janvier dernier, lors de son audition commune par les commissions des affaires économiques, des finances et des lois du Sénat, Éric Woerth a justement souligné, comme il le rappelait tout à l’heure, qu’il convenait de tenir également compte des mesures parallèlement votées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui conduiront à une augmentation des transferts sociaux de 17 milliards d’euros par rapport à 2008. Cela correspondra à une progression supérieure d’au moins trois points à l’inflation prévue. La seule revalorisation des prestations sociales, telles les retraites, les minima sociaux et les prestations familiales, représentera un effort additionnel de 9 milliards d’euros.

Le Gouvernement veille donc à ce que la relance de l’économie française soit engagée de manière équilibrée : s’il fait prioritairement porter les efforts sur l’investissement, il agit également sur la consommation.

En ce qui concerne l’investissement, il faut impérativement que l’impulsion donnée fasse sentir ses effets rapidement, dès les premiers trimestres de l’année 2009, avant même que la France s’enfonce davantage dans la récession. Or rien ne servirait de mobiliser des fonds supplémentaires pour les investissements, si ces fonds ne pouvaient être engagés immédiatement. Il est donc essentiel d’aménager les conditions dans lesquelles peuvent être réalisés les investissements publics et privés en levant, avec toutes les précautions nécessaires, un certain nombre d’obstacles procéduraux.

Telles sont les conditions et les considérations qui ont inspiré le présent projet de loi dont les auteurs recherchent avant tout, comme l’intitulé l’indique, un effet accélérateur des programmes de construction et des investissements publics et privés.

Tel qu’il avait été adopté en conseil des ministres, le texte initial comportait en tout sept articles, visant principalement à faciliter la réalisation de projets de construction de logements, d’opérations immobilières dans les hôpitaux et d’installations classées, ainsi que le recours aux contrats de partenariat.

L’Assemblée nationale a considérablement élargi le champ du projet de loi en ajoutant à ses sept articles initiaux un total de dix-sept articles nouveaux, d’importance très variable, certains d’entre eux résultant d’amendements présentés par le Gouvernement.

L’Assemblée nationale a notamment autorisé les organismes d’HLM à acquérir directement sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement plus de 50 % des logements d’une même opération immobilière.

Elle a enserré dans des délais stricts la réalisation des opérations d’archéologie préventive et augmenté en contrepartie le taux de la redevance d’archéologie préventive.

Elle a donné à l’État une latitude supplémentaire lorsqu’il envisage de réduire ses créances sur une entreprise en difficulté. Elle a autorisé la ratification de l’ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, ordonnance prévue par l’article 97 de la loi de modernisation de l’économie, et habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance à l’adoption de la partie législative du code de la commande publique.

Elle a permis que l’offre finale faite par le candidat à un contrat de partenariat puisse être présentée sans bouclage financier définitif et autorisé l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale à déléguer à l’exécutif la passation des marchés publics sans limite de montant.

Elle a également modifié la définition du délit de favoritisme, pour confirmer son caractère intentionnel et, enfin, en matière de zones de protection du patrimoine architectural, elle a transformé l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France en avis simple.

Si la commission des affaires économiques du Sénat constate que certains des ajouts apportés au texte initial n’ont pas d’effet accélérateur évident sur l’investissement, elle vous propose néanmoins de prendre acte de l’extension du champ du présent projet de loi et d’intituler « Dispositions diverses » sa dernière division. C’est dans ce cadre élargi qu’elle a réfléchi aux moyens de perfectionner et de compléter l’ensemble des mesures soumises à l’appréciation du Sénat.

S’agissant des contrats de partenariat, la commission des affaires économiques vous proposera deux amendements.

Le premier tend à améliorer le mécanisme de la cession de créances prévu à l’article 3, en portant le taux d’acceptation des créances de 80 % à 90 %.

Le second porte sur l’article 3 bis, relatif aux conditions du bouclage financier des offres de contrats de partenariat afin, d’une part, d’autoriser les personnes publiques à supporter jusqu’aux deux tiers du coût d’un projet et, d’autre part, de préciser les modalités d’ajustement final des conditions financières. Toutefois, je tiens à préciser que le sort de cet amendement dépendra essentiellement du vote de notre assemblée sur l’amendement présenté sur le même sujet par M. Marini, qui modifie de manière générale les conditions de financement pour les contrats de partenariat.

S’agissant de l’article 5 quater relatif à la transformation de l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France en avis simple, dans le champ des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, la commission vous proposera de reprendre la rédaction proposée, sur le même sujet, par l’article 14 du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle II ».

Dans le même esprit, l’article 2 ter enserre dans des délais les opérations de diagnostic et de fouilles archéologiques et relève, en contrepartie, le taux de la redevance d’archéologie préventive.

Personnellement, j’aurais été tentée de supprimer cette hausse des charges pesant sur les entreprises, qui me semble un peu paradoxale, à un moment où l’on cherche plutôt à encourager l’activité économique. La commission des affaires économiques vous proposera toutefois d’en rester à l’augmentation décidée par l’Assemblée nationale. En revanche, elle considère avec intérêt certains des amendements qui prévoient de réduire encore les délais proposés par les députés.

S’agissant de l’article 6 quater, qui est relatif à la ratification de l’ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, la commission des affaires économiques a été sensible à la nécessité de ratifier rapidement cette ordonnance, qui risque autrement d’être contestée devant les juridictions.

Néanmoins, comme toute ratification, celle-ci appelle un examen attentif du texte soumis. La commission vous proposera donc un amendement visant à assortir la ratification de deux réserves.

Il convient en effet, d’une part, de rétablir pleinement le pouvoir donné au président de l’Autorité de la concurrence d’adopter seul les actes de pure procédure, d’autre part, de confirmer la volonté du législateur que le conseiller-auditeur placé auprès de ladite Autorité de la concurrence possède la qualité de magistrat.

Enfin, la commission des affaires économiques proposera deux amendements portant articles additionnels et tendant, le premier à alléger les procédures d’attribution des aides en faveur de l’habitat privé, le second à favoriser le développement des réseaux de fibre optique. Ces deux dispositions visent à accélérer les procédures de construction et d’investissement et à les faciliter : elles s’inscrivent donc pleinement dans le cadre du plan de relance.

Du reste, la commission a également considéré favorablement d’autres amendements dont l’objet est d’introduire dans le texte de nouveaux dispositifs tendant à accélérer l’investissement. C’est en effet par ce biais que nous pourrons préparer efficacement l’avenir et la reprise économique.

Aussi, sous réserve de ces modifications, la commission des affaires économiques vous proposera, mes chers collègues, d’adopter les dispositions du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Béteille, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la crise économique que traverse notre pays ne doit pas dissuader les responsables politiques d’engager des réformes pour s’attaquer aux blocages de notre économie. Bien au contraire, elle les invite à en accélérer le rythme et à en amplifier la portée.

Cette exigence a conduit le Président de la République à présenter le 4 décembre 2008, à Douai, un plan de relance de 26 milliards d’euros résolument orienté vers l’investissement public et privé, puis à nommer dès le lendemain un ministre chargé de sa mise en œuvre en la personne de M. Patrick Devedjian, dont je souhaite ici saluer l’implication depuis sa prise de fonction.

Ce plan comporte un volet réglementaire, dans lequel s’inscrit la prorogation du délai de validité des permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, qui est porté de deux à trois ans ; un volet financier, au travers du projet de loi de finances rectificative pour 2009, dont la commission des finances est saisie au fond ; et un volet législatif, dont le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, adopté en conseil des ministres le 19 décembre 2008, constitue la traduction.

Ce dernier texte, qui, on l’a dit, comptait initialement sept articles, en comporte vingt-trois depuis son examen par l’Assemblée nationale les 7 et 8 janvier dernier. Toutes ses dispositions ont pour objet commun d’offrir un cadre juridique propice à l’investissement public et privé, principalement par des mesures de simplification et d’allégement, et ce dans des domaines variés : urbanisme, commande publique, sauvegarde des entreprises, environnement…

La commission des affaires économiques étant, naturellement, saisie au fond du projet de loi, la commission des lois a souhaité se saisir pour avis des quatorze articles du texte qui portent sur l’urbanisme, la commande publique, le code de commerce et le déclassement des biens du domaine public, eu égard à sa compétence traditionnelle dans ces quatre secteurs.

À titre liminaire, je saluerai certaines dispositions du projet de loi de finances rectificative pour 2009 qui participent de ce plan de relance.

En particulier, je me réjouis de la mise en place, à l’article 5, d’un système de garantie destiné à sécuriser le financement des projets réalisés sous la forme de contrats de partenariat. Ce mécanisme permettra à l’État, en fonction d’une analyse au cas par cas des projets, d’apporter une garantie à la dette émise par le partenaire privé, dans la limite de 80 % de l’encours de prêt, ce qui devrait faciliter l’octroi de prêts par les banques tout en maintenant le partenaire privé en risque. La garantie est limitée à un montant total de 10 milliards d’euros et aux projets conclus avant le 30 juin 2010. C’est l’article 5 du projet de loi de finances rectificative.

Par ailleurs, je ne peux que me féliciter de la création d’une nouvelle mission budgétaire intitulée « Plan de relance de l’économie ». Dotée de 10,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 9,9 milliards d’euros en crédits de paiement, elle se compose de trois programmes : « Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité », « Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi » et « Programme exceptionnel d’investissement public ».

Votre rapporteur pour avis a examiné les deux actions de ce dernier programme, qui intéressent directement la commission des lois. Il s’agit des actions 03 : « Équipements de défense et de sécurité », et 04 : « Patrimoine », dans le cadre desquelles je note avec satisfaction que seront mobilisés, pour relancer l’investissement public, de nouveaux fonds.

Ainsi, 100 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, seront destinés à l’amélioration de l’équipement de la police et de la gendarmerie nationales en véhicules modernes, plus propres et consommant moins d’énergie. Environ 5 000 véhicules seront acquis à ce titre en 2009, dans le cadre des marchés en cours, ce qui permettra le renouvellement de plus de 10 % du parc correspondant. Ces véhicules pourront être acquis avec leur équipement.

Par ailleurs, 80 millions d’euros en autorisations d’engagement et 56 millions d’euros en crédits de paiement seront consacrés à divers travaux concernant la justice : rénovation dans les établissements pénitentiaires ; restructuration, réhabilitation et mise aux normes des palais de justice ; lancement anticipé des quartiers de courte peine ; anticipation en 2009 d’opérations pénitentiaires et judiciaires.

S’agissant maintenant du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, objet du présent avis, certaines des mesures de simplification qu’il propose interviennent dans des domaines de compétence de la commission des lois : l’urbanisme, le contrat de partenariat et le code général de la propriété des personnes publiques. Toutes ont pour objet d’offrir un cadre plus favorable à l’investissement public et privé.

En matière d’urbanisme, tout d’abord, l’article 1er du projet de loi permet au conseil municipal ou à l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, jusqu’à la fin de 2010, de modifier les règles de mitoyenneté par simple délibération, en s’affranchissant des enquêtes publiques. Cette disposition devrait effectivement permettre d’accélérer la construction de logements tout en luttant contre l’étalement urbain.

De plus, l’article 2 écarte l’exercice des droits de priorité et de préemption des communes dans le cadre des « grandes » opérations d’intérêt national – implantation de villes nouvelles, d’installations portuaires lourdes… –, afin que les procédures de cession soient raccourcies et que la réalisation des opérations envisagées ne soit pas retardée.

Pour ce qui est du contrat de partenariat, ensuite, la procédure sera clarifiée. C’est ainsi que les articles 3 et 4 modifient à la marge la loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat, respectivement pour faciliter les montages financiers de ce type de contrat et pour corriger une erreur matérielle. Ces améliorations, attendues par les professionnels du secteur et les élus locaux, devraient permettre de stimuler le recours au contrat de partenariat, outil essentiel pour favoriser l’investissement public dans notre pays et qu’il sera en outre intéressant d’encourager dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

Quant au code général de la propriété des personnes publiques, enfin, ses règles seront assouplies. C’est l’objet de l’article 5 du projet de loi, qui étend aux établissements publics de santé les dispositions de l’article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques, lequel permet à l’État ou à ses établissements publics, à titre dérogatoire, de déclasser et de vendre un immeuble appartenant à son domaine public dès que sa désaffectation a été décidée, alors même que l’immeuble continue d’être affecté au service public ou à l’usage direct du public pendant une durée pouvant aller jusqu’à trois ans. Cette mesure devrait favoriser la mise en œuvre de la restructuration des bâtiments hospitaliers prévue dans le plan Hôpital 2012.

J’évoquerai à présent les apports de l’Assemblée nationale à ce projet de loi, dont, je le rappelle, elle a fait passer le nombre d’articles de sept à vingt-trois.

Dans le champ de compétence de la commission des lois, les apports des députés sont de trois ordres : certains visent à accentuer l’effort d’allégement des procédures applicables aux collectivités territoriales, d’autres à améliorer certaines règles de la commande publique, d’autres enfin à accorder une aide supplémentaire aux entreprises en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Pour accentuer l’effort d’allégement des procédures applicables aux collectivités territoriales – c’est le premier point –, l’Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des affaires économiques, a complété l’article 1er en prévoyant la présentation au Parlement, par le Gouvernement, d’un rapport sur la simplification des procédures de modification des plans locaux d’urbanisme, les PLU, dans les trois mois suivant la promulgation du présent texte.

Les députés ont également introduit un article 1er bis prévoyant une procédure simplifiée de modification des PLU. Il s’agit en réalité de pérenniser dans certains cas la disposition ponctuelle temporaire proposée par le Gouvernement à l’article 1er.

Enfin, pour assouplir les procédures de passation des marchés publics, l’Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, et tendant, d’une part, à généraliser la délégation de passation des marchés publics à l’exécutif d’une collectivité territoriale, sans limite de seuil, et, d’autre part, à assouplir la procédure en cas d’absence de délégation.

Pour améliorer certaines règles de la commande publique – c’est le deuxième point –, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement tendant à habiliter celui-ci à créer un code de la commande publique, attendu depuis longtemps par les professionnels. Cet amendement est devenu l’article 8.

Soucieuse de faciliter la réalisation de grands équipements sportifs et de leurs installations connexes, l’Assemblée nationale a par ailleurs introduit deux nouveaux mécanismes juridiques : d’une part, la création d’un bail emphytéotique spécifiquement dédié aux infrastructures sportives et, d’autre part, l’amélioration des règles relatives aux contrats de concession.

Les députés ont également adopté deux amendements portant sur la publicité des marchés publics.

Le premier, présenté par la commission des affaires économiques, prévoit que le Gouvernement adressera au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport précisant l’étendue de la publicité requise pour les appels publics à la concurrence relatifs aux procédures adaptées pour lesquelles n’existe, à l’heure actuelle, aucune indication sur les modalités de publicité à prévoir.

Le second, présenté par M. Jean-Luc Warsmann, prévoit que les personnes publiques doivent mettre en permanence à la disposition des citoyens la liste à jour des marchés publics en cours, afin que soit assurée une plus grande transparence que celle que permettent les dispositions actuelles du code des marchés publics, qui, je le rappelle, n’imposent qu’une obligation de publication annuelle.

En outre, sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a offert aux candidats à un contrat de partenariat la possibilité de présenter une offre sans bouclage financier définitif. Cette mesure, limitée dans le temps, est justifiée par l’instabilité actuelle des marchés financiers et la frilosité des banques.

Enfin, toujours sur la proposition de M. Jean-Luc Warsmann, les députés ont modifié l’article 432-14 du code pénal afin de restreindre le champ du délit de favoritisme aux infractions commises « en connaissance de cause » et avec « une intention délibérée », tout en aggravant les sanctions applicables. L’auteur de l’amendement a fait valoir que ce délit, aujourd’hui constitué même en cas de simple erreur de procédure, conduisait les élus à s’abriter derrière un formalisme excessif, ce qui a pour conséquence d’allonger inutilement les procédures.

Troisième point, pour terminer, sur l’initiative de M. Olivier Carré, avec l’avis favorable de leur commission des affaires économiques et du Gouvernement, les députés ont assoupli les conditions de remise de dettes par les créanciers publics aux débiteurs faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Le dispositif supprime l’obligation faite aux créanciers publics de ne consentir de remises de dettes que concomitamment aux créanciers privés, avec pour objectif d’effacer plus facilement les dettes de ces derniers.

Si votre commission des lois approuve l’essentiel des dispositions du projet de loi et des apports de l’Assemblée nationale, elle vous proposera néanmoins, mes chers collègues, huit amendements. Hormis trois amendements tendant à clarifier les modifications des règles d’urbanisme proposées, ils visent un triple objet.

Je commencerai par le code de la commande publique.

Si la commission approuve, dans son principe, la création d’un code de la commande publique, elle considère que la rédaction de l’habilitation est à la fois trop timorée et trop ambiguë : trop timorée parce qu’elle exclut le code des marchés publics, qui représente de très loin la plus grande part de la commande publique et qu’il ne nous semble pas souhaitable d’avoir deux codes : un code de la commande publique et un code des marchés publics dont les dispositions voisines vont inévitablement poser des problèmes d’interprétation.

Si l’on doit établir un code, il en faut un seul et qui soit cohérent. En effet, avec un code des marchés publics, d’une part, et un code de la commande publique, d’autre part, à quoi rattacher les contrats de partenariat, notamment, qui, en droit européen, je le rappelle, sont des marchés publics ? Certains marchés seraient rattachés au code des marchés publics et d’autres au code de la commande publique. Si le Gouvernement peut nous éviter cette complication, tout le monde y gagnera.

Par ailleurs, cette démarche est ambiguë, car elle ne définit pas clairement ce qui relève du domaine de la loi et ce qui relève du domaine du règlement.

Or ces dispositions relèvent pour l’essentiel du domaine du règlement. Dans ces conditions, il faudra, me semble-t-il, faire en sorte que la partie législative soit strictement limitée à l’énoncé des grands principes et ne déborde pas sur des dispositions qui relèvent clairement du règlement. Telle est la raison pour laquelle la commission des lois vous présentera deux amendements visant à supprimer des articles introduits par l’Assemblée nationale qui tendent à préciser certaines règles de publicité des marchés publics, règles qui relèvent manifestement de la compétence du pouvoir réglementaire.

D’autre part, la commission souhaite améliorer le mécanisme de cession de créance propre au contrat de partenariat.

Si le Parlement a refusé, en juillet 2008, que l’intégralité de la rémunération due par la personne publique au partenaire privé puisse faire l’objet d’une cession de créance acceptée par la personne publique et a ainsi retenu un plafond de 80 %, au moment où l’on parle de relance et de la nécessité de recourir plus fréquemment à ces contrats, la commission estime que ce plafond n’est guère satisfaisant et écarte de ce type de contrat les PME notamment. Elle pense qu’il est nécessaire de remonter ce taux tout en sachant que la cession de créance ne concerne pas, bien sûr, la rémunération due pour l’entretien et le fonctionnement des établissements.

La commission des lois vous proposera donc, mes chers collègues, un amendement permettant une acceptation de la cession de créance à 100 %.

Enfin, si la commission des lois comprend le nouvel équilibre proposé par les députés pour le délit de favoritisme, dont la limitation est compensée par une sévérité accrue, elle est très réservée sur l’utilité d’une telle évolution.

Sur la forme, elle juge assez ténu le lien avec l’objet du présent projet de loi, qui est de relancer l’investissement dans notre pays.

Sur le fond, non seulement elle estime complexe la nouvelle rédaction proposée par les députés pour le délit de favoritisme, mais elle juge inopportun de soumettre le délit de favoritisme à des règles spéciales par rapport aux autres manquements au devoir de probité, définis dans le code pénal, car cela risque d’avoir des conséquences contraires à l’objectif.

En conséquence, la commission des lois vous proposera un amendement de suppression de l’article 3 B introduit par l’Assemblée nationale.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu’elle vous soumettra, la commission des lois a émis un avis favorable sur le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, messieurs les ministres, un mois après l’adoption de la loi de finances pour 2009, nous sommes amenés à examiner un collectif précoce pour la saison afin d’y inscrire les mesures du plan de relance présenté par le Président de la République le 4 décembre dernier.

Je tiens à dire d’emblée que nous n’avons pas l’intention de nous livrer ici à une bataille de chiffres à coups de milliards, ni avec le Gouvernement, ni avec sa majorité. Je regrette que Mme la ministre soit partie, mais vous lui répéterez, messieurs les ministres, parce je lui aurais recommandé d’écouter ce que nous avons, nous, sénateurs socialistes, à lui dire ici plutôt que de répondre par anticipation à des dépêches de presse.

Pourquoi ne voulons-nous pas nous engager dans cette bataille de chiffres ? D’abord, parce que comme vous tous, mes chers collègues, nous visitons beaucoup de communes et nous rencontrons, à l’occasion des vœux, beaucoup d’élus et d’administrés, et nous pouvons constater que la multiplication des annonces et des milliards d’euros engagés, loin de les rassurer et de ramener la confiance, a plutôt un effet anxiogène.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors, il ne faut rien faire ?

Mme Nicole Bricq. Ensuite, parce que les Français vivent la crise, mais certains la jugent au regard de leur feuille de paye, d’autres de leurs minima sociaux, tous de leurs revenus disponibles, et quand il s’agit de chefs d’entreprise –  nous en rencontrons nous aussi – de leur carnet de commandes.

En revanche, nous contestons à ce plan le label de « relance ». À bien y regarder, tout compte fait, seuls 4 milliards d’euros de dotations budgétaires sont inscrits dans ce plan.

Pour ce qui est des mesures temporaires, la plupart n’auront d’effet qu’en 2011 et certaines sont des anticipations de dépenses déjà programmées, qui ne seront plus effectuées en 2011-2012. Ce plan n’est donc pas, comme vous l’indiquez dans votre rapport, monsieur le rapporteur général, « d’une ampleur considérable ».

Voilà pour les mesures quantitatives, voyons maintenant les mesures qualitatives.

Sur quels éléments est fondée notre contestation ? D’abord, sur le diagnostic que nous faisons de la crise, qui diffère de celui du Gouvernement.

Nous estimons que la crise est profonde et durable. La question de la récession ne se pose plus, nous y sommes, et c’est désormais la dépression qui nous guette. La remontée massive du chômage, la chute de la production industrielle, les pressions déflationnistes, sont autant de signes alarmants qui, cumulés, sont porteurs de blocages de l’économie.

Aussi pensons-nous que le Président de la République et le Gouvernement commettent l’erreur grave – la deuxième en dix-huit mois, après celle de la loi TEPA – d’avoir misé sur une crise brutale mais courte et, par voie de conséquence, les remèdes apportés ne sont pas adaptés.

Nos voisins allemands, après avoir longuement hésité, ont amplifié et rectifié leur plan en rééquilibrant les mesures en faveur des ménages. J’observe d’ailleurs que le Conseil européen de décembre, sous présidence française, a procédé à un tri drastique parmi les recommandations formulées par la Commission le 26 novembre. J’en citerai deux qui ont été oubliées dans les plans nationaux, notamment dans le plan français présenté par le Président de la République : agir de façon significative par des dépenses publiques ciblées afin de procéder à des transferts en faveur des ménages à faibles revenus et procéder à des incitations financières fortes pour répondre aux défis à long terme comme le changement climatique.

Je rappelle que seuls 760 millions d’euros sont consacrés au premier objectif au travers de la prime de solidarité active, qui sera versée le 1er avril aux futurs bénéficiaires du RSA, dispositif dont le financement n’est pas encore bouclé et dont vous n’avez pas voulu avancer la date de la généralisation.

Quant à la « relance verte », nous avons bien compris que ni le projet de loi « Grenelle I » ni le projet de loi « Grenelle II » ne seront l’occasion d’inscrire des moyens à la hauteur de l’enjeu. Il s’agit pourtant bien de dépenses d’avenir capables de redonner une avance compétitive à notre pays.

Notre contestation est fondée ensuite sur la manière dont on juge l’état de notre économie lorsqu’elle est entrée dans la crise. Nous estimons, quant à nous – vous pouvez difficilement le contester – qu’elle n’était pas au mieux de sa forme.

Lestée par une croissance faible et des déficits plus importants que les autres économies européennes, la France dispose de capacités de rebond plus limitées compte tenu d’un investissement productif insuffisant depuis plusieurs années et d’un retard de compétitivité expliquant l’affaiblissement de nos industries.

Lancée sur la fausse piste que vous avez choisie en juillet 2007, la France est donc mal préparée au choc de la crise. En réalité, nous ne participons pas de l’enchaînement descriptif que vous faites de la crise. Vous nous dites et vous nous rabâchez que la crise financière aurait généré la crise économique, celle-ci débouchant sur des difficultés sociales.

Nous l’avons affirmé dès le mois d’octobre dernier, c’est parce qu’il y a un différentiel trop important entre la rémunération du travail et la rémunération du capital et parce que le mode de production des vingt dernières années a développé à outrance externalisation et précarisation que des déséquilibres profonds sont nés. La crise financière en est l’expression brutale, le révélateur.

C’est donc à partir de notre analyse de la crise que nous défendrons nos amendements.

Oui, il faut soutenir la consommation des ménages les plus modestes, car c’est un facteur décisif dans la bonne marche de l’économie au moment où nous sommes. Plusieurs économistes ont été cités à cette tribune, je ne saurais mieux dire que Joseph Stiglitz : « Les inégalités ne sont pas seulement un problème social mais aussi un problème de flux économiques : ceux qui pourraient dépenser de l’argent n’en ont pas et ceux qui en ont ne le dépensent pas. »

M. Patrick Devedjian, ministre. C’est peut-être pour cela qu’ils en ont, d’ailleurs !

Mme Nicole Bricq. Non, contrairement à ce que répète en boucle le Gouvernement, ni les stabilisateurs automatiques – M. le ministre du budget et des comptes publics nous en a encore fait l’éloge – ni les augmentations programmées des prestations sociales ne suffiront à soutenir la consommation quand l’anticipation de la baisse des prix la retient et quand 7 millions de pauvres en sont privés, et l’on sait que ces derniers n’épargnent pas.

J’ai entendu tout à l’heure M. le ministre du budget et des comptes publics faire l’apologie de notre modèle social qui, selon lui, nous protège. Nous sommes heureux de l’avoir entendu, mais on nous disait en 2007 que ce modèle social était un handicap.

M. Daniel Raoul. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq. Faute avouée est à moitié pardonnée !

Oui, il est nécessaire de rééquilibrer la part des ménages les plus modestes dans les mesures de soutien et nous disposons pour cela d’outils : la prime pour l’emploi, dont vous avez bloqué toute évolution dans la loi de finances pour 2009, et le RSA, nous y reviendrons ultérieurement.

Oui, il est urgent d’allouer de nouveau aux chômeurs les montants des exonérations actuellement consacrées aux heures supplémentaires au titre de la loi TEPA, dispositif absurde quand le chômage atteint cette ampleur. Nous vous l’avons dit et nous vous le répétons : ce n’est pas se déjuger que de reconnaître que ce mécanisme infernal tue l’emploi.

Oui, il est légitime de conditionner toute réduction de charges de l’entreprise à la conclusion d’un accord salarial.

Il est par ailleurs un peu simpliste d’opposer consommation et investissements au motif que la première serait importatrice…

Mme Nicole Bricq. … comme si, compte tenu de notre appareil productif, les seconds ne l’étaient pas. Je prendrai un seul exemple : nous voulons tous investir dans des constructions en haute qualité environnementale, mais nous savons tous aussi que les matériaux de base sont fabriqués à l’étranger. Donc, arrêtons cette idiotie de prétendre que les uns sont importateurs et que les autres ne le sont pas.

Quant à l’épargne – vous savez qu’aujourd’hui nous avons trop d’épargne privée – notre collègue Jean-Pierre Fourcade a formulé en commission des finances, il n’y a guère, une proposition singulière et originale en disant qu’il faudrait la mettre au service de la production et non pas la cantonner en épargne improductive. C’est ce que nous avions dit dès le mois d’octobre. Notre collègue renouvellera certainement cette proposition quand il interviendra dans la discussion générale.

Oui, il faut encourager l’investissement, mais les mesures de trésorerie n’y suffiront pas. Si vous vouliez muscler nos entreprises, il fallait le faire en 2007 ! Or vous avez choisi de multiplier les cadeaux fiscaux, ce qui vous prive aujourd'hui de marges de manœuvre. Si vous vouliez encourager les collectivités locales, il ne fallait pas les accuser, voilà à peine un mois, d’être dispendieuses et, surtout, ne pas inclure le FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, dans l’enveloppe fermée des dotations.

Aujourd'hui, avec, temporairement, le remboursement accéléré de la TVA, vous reconnaissez implicitement votre erreur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez donc satisfaction !

Mme Nicole Bricq. Mais nous doutons que, par une mesure de trésorerie provisoire – vous avez bien insisté sur son caractère provisoire, monsieur le rapporteur général, et M. le ministre a parlé de « mesures réversibles » ! – …

M. Philippe Marini, rapporteur général. Prenons-la !

Mme Nicole Bricq. … vous puissiez lever la contradiction de fond à laquelle les élus sont confrontés : vous sommez les collectivités locales d’augmenter leurs investissements au moment même où leurs recettes diminuent et que nombre d’entre elles rencontrent des problèmes de financement.

À notre avis, les collectivités locales ont besoin de prévisibilité. C’est pourquoi nous proposons non pas de leur rembourser les sommes que l’État leur doit de toute façon, mais de leur donner un « coup de pouce » par le biais d’une dotation spéciale. Une telle solution serait plus lisible et plus efficace. Comme nous l’avons souligné en commission des finances, il n’est peut-être pas utile de monter une usine à gaz.

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme Nicole Bricq. J’aborderai maintenant un sujet qui nous tient à cœur, celui des contreparties, que nous avons évoqué à deux reprises : tout d’abord lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2008 visant à mettre en place un plan d’urgence pour le système bancaire, puis le 4 novembre dernier, lorsque nous avons défendu notre proposition de loi visant à réformer le statut des dirigeants de sociétés et à encadrer leurs rémunérations, notamment la part variable, dont le gonflement excessif et irresponsable n’est pas pour rien dans la crise financière que nous vivons.

Or vous n’avez rien voulu entendre. La promesse de bonne conduite des acteurs bancaires vous suffisait ! J’observe d’ailleurs, trois mois après, qu’elle vous suffit encore !

Au demeurant, je salue la séquence de communication du Président de la République, qui est, je le reconnais, vraiment formidable !

Première séquence : à Vesoul, le Président de la République fustige la distribution des dividendes. Deuxième séquence : pas plus tard qu’hier, il convoque les banquiers en les sommant de renoncer à leur bonus. Troisième séquence : aux 21 milliards d’euros que la Commission européenne nous a autorisés à accorder aux banques pour les soutenir, il ajoute 10 milliards d’euros supplémentaires. Pour la communication, je lui tire mon chapeau !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sont 10 milliards d’euros avec un taux d’intérêt de 10 %, vous le savez bien !

Mme Nicole Bricq. Comme nous l’avions dit dès le mois d’octobre, l’État s’est privé d’être décideur …

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n’est pas de l’argent gratuit !

Mme Nicole Bricq. … et de réformer la gouvernance de ces entreprises. Nous n’avons donc plus maintenant l’ambition d’un État réformateur : voilà l’État sermonneur et impuissant !

Mais cette agitation et ces admonestations tonitruantes n’ont d’autre objectif que de préparer l’opinion publique à la deuxième salve de milliards que vous allez accorder aux banques, …

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le répète, ce n’est pas de l’argent gratuit !

Mme Nicole Bricq. … alors que vous n’avez pas encore eu connaissance, monsieur le rapporteur général, du bilan des trois premiers mois. Vous avez indiqué que vous en disposeriez le 27 janvier prochain. Nous attendons des parlementaires qui nous représentent au comité de suivi organisé par Mme Lagarde qu’ils demandent non plus des promesses et des engagements, mais des résultats, notamment en termes de crédits, et qu’ils nous les communiquent.

Pour conclure, je dirai un mot de nos finances publiques.

Le Gouvernement ne cesse de refaire ses calculs au fil des rentrées fiscales défavorables et des plans successifs. M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique nous avait promis un réajustement lorsqu’il était venu s’exprimer devant la commission des finances voilà une quinzaine de jours. C’est ce qu’il a fait hier à l'Assemblée nationale, en annonçant un déficit budgétaire à hauteur de 86 milliards d’euros. Nous ne sommes pas loin des 100 milliards d’euros que nous avions prévus ; nous allons même bientôt les atteindre !

Or, dans le même temps, le ministre n’a pas révisé l’hypothèse de croissance sur laquelle est bâti le budget de 2009 ; ce sera chose faite au mois de février prochain, selon les déclarations faites tout à l'heure par Mme Lagarde. Toutefois, nous contestons d’ores et déjà la révision de croissance de la Commission européenne, qui estime que la France connaîtra une croissance négative de moins 1,9 % et avance, pour nous consoler, que l’Allemagne aura, pour sa part, une croissance négative de moins 2,5 %.

Toutefois, la grande différence entre la France et l’Allemagne, c’est que nos gouvernants font ces révisions au fil de l’eau, ce qui ne procède pas, à mon sens, d’une bonne méthode, alors que Mme Merkel a joué cartes sur table, en annonçant elle-même cette croissance négative. Voilà qui est bien mieux en termes de crédibilité. Le Gouvernement français devrait imiter son homologue allemand, y compris pour ce qui concerne l’emprunt que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur général, car aucun d’entre nous ne sait plus où nous en sommes.

Quant à l’impact du plan de relance sur la croissance, il sera au mieux – j’ai bien noté votre prudence, monsieur le rapporteur général – de 0,3 point.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n’ai pas dit cela !

Mme Nicole Bricq. Vous avez écrit dans votre rapport qu’il se situerait entre 0,3 point et 0,6 point, retenant une estimation médiane de 0,5 point.

Nous allons encore aggraver notre endettement. Qui plus est, il vaudrait mieux présenter un calendrier des remboursements, élément constitutif de la crédibilité de tout plan de relance digne de ce nom.

À plus long terme, dans un environnement mondial dans lequel tous les États émettent des titres obligataires, un nouveau péril nous guette, que certains qualifient de « nouvelle bulle ». Celle-ci éclatera lorsque les marchés n’absorberont plus la quantité pléthorique de dettes publiques. Il ne faut pas minimiser ce risque, qui est réel, pas plus qu’il ne faut s’en servir de prétexte pour ne rien faire.

La crise actuelle ne ressemble, il est vrai, à aucune autre et certains paramètres nous échappent. Ainsi, la Chine continuera-t-elle à acheter des bons du Trésor américain ? Le nouveau président des États-Unis arrivera-t-il avec son administration à stopper la chute de l’immobilier et à relancer l’économie ? L’Union européenne saura-t-elle engager une relance massive et concertée avec des politiques coopératives qui font jusqu’à maintenant défaut, …

M. Laurent Béteille, rapporteur pour avis. Ce ne sont pas des questions anodines !

Mme Nicole Bricq. … car la présidence française a été impuissante à l’engager dans cette voie ? L’Union européenne saura-t-elle trouver la force nécessaire maintenant que la crise s’aggrave et saura-t-elle s’en donner les moyens ?

Quant au plan de relance proposé par le Président de la République, il n’est pas, dans son principe comme dans son contenu, mobilisateur, pas plus qu’il n’est de nature à restaurer la confiance. Déséquilibré et injuste, il laisse les Français seuls face à la crise, et nous ne pouvons l’accepter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la crise financière qui a éclaté aux États-Unis avant de se répandre dans le reste du monde a plongé l’ensemble des économies dans une situation telle qu’il était urgent et nécessaire pour les États de proposer des mesures de relance.

L’objet de notre débat est facile à formuler : le plan de relance qui nous est proposé est-il suffisant et approprié ?

Avant d’apporter une réponse à cette question, j’évoquerai l’origine de la crise actuelle, qui se trouve dans la conjonction de trois phénomènes.

Tout d’abord, la crise financière née l’été dernier aux États-Unis résulte du développement totalement fou des produits structurés, d’une économie virtuelle. Même si d’aucuns prétendent aujourd'hui que l’on pouvait s’y attendre et que d’autres considéraient que les arbres ne monteraient pas jusqu’au ciel, tout le monde a été surpris, et il a fallu prendre des dispositions urgentes.

Ensuite, la récession a été provoquée juste avant la fin de l’année 2008 par des hausses vertigineuses de prix, dans un premier temps, du pétrole, puis des matières premières et, enfin, presque accessoirement, du blé et du lait.

Enfin, il faut citer la très lente évolution de notre système capitaliste marqué, depuis 1972, par une série de crises et la fin du plein-emploi.

Il apparaît aujourd’hui de plus en plus évident que l’ensemble de nos économies paient la conséquence de ce qu’il faut bien appeler une certaine immoralité dans les pratiques bancaires, immobilières, voire assurantielles.

Les États-Unis ont souhaité renforcer le capitalisme, en incitant chacun, sans limite et sans encadrement, à devenir propriétaire. Les banques ont accordé des prêts équivalents à 100 %, voire 120 % de la valeur des biens acquis, persuadées de la hausse permanente de l’immobilier, et surtout en convaincant les acquéreurs de la pertinence de leurs prévisions. Au final, en 2007, 1,7 million de familles ont été expropriées de leur maison aux États-Unis !

Parallèlement, les autorités de contrôle, singulièrement les agences de notation, qui étaient à la fois juge et partie, puisqu’elles sont souvent financées par ceux-là mêmes qu’elles notent, ont été largement défaillantes. On peut donc s’interroger sur la possibilité d’avoir un capitalisme véritablement éthique.

L’ultralibéralisme, on s’en est aperçu, c’est le refus des règles. Or la crise actuelle et les solutions qui y sont apportées nous le prouvent, il était nécessaire que l’État joue un rôle de régulateur. Moralisation et responsabilisation apparaissent comme les seuls mots d’ordre à défendre pour sortir de la crise et, surtout, pour ne pas y retourner.

Or, monsieur le ministre, sauf à avoir raté un épisode, je n’ai pas le sentiment que nous avons remédié aux dysfonctionnements liés aux produits spécifiques et aux produits « pourris », et les banques n’ont pas fini de nous communiquer la situation réelle de leurs comptes.

Venons-en maintenant plus directement au plan de relance proposé, qui présente à mes yeux deux atouts essentiels : il s’inscrit – c’est important – dans un cadre européen et s’appuie sur une politique d’investissement.

Chiffré à 26 milliards d’euros, le plan de relance représente 1,3 point de PIB, ce qui est légèrement supérieur au 1,2 point demandé par l’Union européenne à ses États membres. Je me réjouis qu’une véritable concertation ait été menée au sein de l’Union européenne, même si elle n’est pas totale et peut être encore perfectible, car elle démontre, s’il en était besoin, la réalité politique et économique de l’Europe. Surtout, elle nous encourage à défendre une intégration toujours plus forte entre les États. D’ailleurs, comme l’a affirmé tout à l'heure Mme Lagarde, si nous ne connaissons pas de crise monétaire, c’est bien grâce à l’euro. Il faut donc rendre à l’euro ce qui lui revient !

En outre, la volonté d’axer le plan de relance sur l’investissement est une très bonne chose. Cette solution à long terme permet à notre pays de se préparer à l’avenir, tout en tentant de sortir de la crise.

Pour ma part, le développement, ou plutôt le « redéveloppement » – vous y serez sensible, monsieur le ministre – du système productif français est primordial si l’on veut assurer un avenir quelconque à l’économie de notre pays. Dans tous les domaines, nous nous en sommes sortis, quelquefois de manière curieuse, avec, par exemple, la machine-outil. Pour ce faire, les investissements dans la recherche et l’innovation, qu’ils soient publics ou privés, sont nécessaires, car notre pays n’est aujourd’hui plus capable de créer des richesses, et là est tout le problème.

Malheureusement, étant donné l’ampleur de la tâche à accomplir, je crains que ce plan ne soit trop modeste.

Comme l’a demandé M. le rapporteur général, pouvait-on être plus ambitieux ? Ce dernier a répondu par la négative. Des dossiers sont pourtant prêts au fond des tiroirs, pour des grands travaux qui ne feront, j’en suis conscient, monsieur le ministre, qu’accroître votre tâche…

Je prendrai un exemple qui ne vous surprendra pas, monsieur le ministre, …

M. Patrick Devedjian, ministre. Je vous vois venir…

M. Jean-Jacques Jégou. … eu égard aux discussions qui se sont tenues ces derniers jours entre le président de la SNCF et celui de la région d’Île-de-France. Vous n’y serez pas insensible, considérant les conditions dans lesquelles nos compatriotes d’Île-de-France voyagent actuellement. (M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance approuve.)

M. Laurent Béteille, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Jégou. Au titre des grands travaux, quelque 18 milliards d’euros seraient nécessaires pour remettre à niveau les infrastructures de transport. Nous aurions dû investir dans ces domaines. Que faisions-nous au temps chaud ?

M. Jean-Jacques Jégou. Tout à l'heure, on a cité La Bruyère ! On peut maintenant citer La Fontaine !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Un excellent économiste ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou. En outre, j’ai cru comprendre que Christian Blanc avait un projet de métro périphérique, dont le coût n’a pas été estimé. Mais ce sont encore des dizaines de milliards d’euros qui seront nécessaires, monsieur le ministre !

On va immanquablement au « collapsus » ! Élu de l’est parisien, je viens travailler, comme beaucoup de mes compatriotes aujourd’hui, à l’ouest de Paris. Les heures passées sur la route ou dans les transports en commun sont un véritable problème !

Je m’arrête là, mais cet exemple est important, surtout au moment où l’ancien Premier ministre M. Édouard Balladur prépare des réformes spécifiques pour l’Île-de-France.

En comparaison à d’autres plans de relance, le nôtre, s’il est dans la moyenne, n’atteint pas le niveau de ceux de l’Allemagne ou de l’Espagne. Dans ces pays, ils atteignent respectivement 2 points et 2,2 points de PIB. Quant aux États-Unis, Barack Obama prévoit un plan à 2,7 points de PIB. Par conséquent, nous pouvons redouter que notre plan ne nous laisse quelque peu à la traîne...

À l’échelon européen, à l’exception du Royaume-Uni, l’ensemble des pays a choisi une politique de relance par l’investissement. C’est au moins pour l’Union une garantie d’avancer « dans le même sens » ! En tout cas, c’est rassurant pour ceux qui sont convaincus de l’efficacité de l’Union européenne.

Notons que la situation de nos finances publiques ne nous permettait guère d’être plus généreux, comparée à l’Allemagne, par exemple. J’ai toujours défendu, avec mes collègues centristes, une certaine vertu concernant nos finances publiques et l’équilibre de nos comptes. Cette volonté, nous l’avons non par dogmatisme, mais par réalisme, afin d’anticiper le type de situation que nous connaissons aujourd’hui.

Une situation plus saine nous garantirait des marges d’intervention plus grandes, et donc plus efficaces. Monsieur le ministre, même s’il paraît quelque peu ringard de parler de rétablissement des comptes, je me demande si nous ne devrions pas nous rapprocher de cette idée malgré la nécessité d’investir.

Monsieur le ministre, votre collègue nous a annoncé tout à l’heure un déficit public corrigé à 4,4% du PIB pour 2009, soit encore 0,5% du plus par rapport à la dernière prévision. La Commission européenne va même au-delà des 5% – le Gouvernement conteste ses conclusions -, avec des recettes fiscales en large baisse, principalement pour la TVA et l’impôt sur les sociétés.

Cela montre combien les entreprises sont touchées dans notre pays et peut-être n’avons-nous pas encore tout vu ce trimestre !

Les prévisions de croissance laissent à penser qu’une inflation va perdurer pendant les mois à venir. Tout cela est accompagné d’une hausse inéluctable du chômage.

Permettez-moi, au nom de la commission des finances et en tant que rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’être inquiet et de m’interroger au passage sur l’avenir des finances sociales face à cette contraction brutale de la masse salariale. Avec l’augmentation inéluctable du déficit de nos dépenses de santé, nous devrons, pour contenir la dette, prendre des mesures qui ne seront sans doute pas faciles.

Mais revenons au plan de relance.

Les mesures proposées ont pour objectif non seulement d’accélérer et de soutenir l’investissement, mais aussi de simplifier certaines procédures.

Sur ce dernier point, les simplifications concernant les marchés publics ainsi que l’assouplissement des procédures d’urbanisme sont des mesures bienvenues pour les collectivités locales. Bien qu’en matière d’urbanisme la marche en avant soit plutôt difficile, j’espère qu’elles seront suffisantes et contribueront à la relance.

Sur les 26 milliards d’euros, l’essentiel réside dans l’amélioration de la trésorerie des entreprises. Les remboursements anticipés de TVA et de crédit impôt recherche, les restitutions plus rapides des excédents d’impôt sur les sociétés et le paiement plus rapide des fournisseurs de l’administration sont également des mesures bienvenues cette fois pour les entreprises, et singulièrement pour les PME. L’État règle ainsi ses dettes vis-à-vis des entreprises.

On pourrait souhaiter qu’il fasse de même à l’égard des collectivités locales. C’est sans doute l’objet de l’article 1er du collectif pour 2009 qui concerne l’anticipation du remboursement du FCTVA et qui nous a bien occupés ce matin en commission des finances !

Cette mesure est juste, mais elle mérite d’être clarifiée. Monsieur le ministre, un certain nombre de mes collègues se demandent tout comme moi si le FCTVA doit réellement être inclus dans l’enveloppe dite « fermée », et nous nous interrogeons sur l’exception faite en 2009. Il ne faudrait pas en effet que les communes qui jouent le jeu se trouvent dans une situation difficile en 2010 et risque même une « année blanche » pour cause de non-éligibilité. (M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance s’étonne.)

M. Jean-Jacques Jégou. Pardonnez-moi de ne pas développer plus avant ce point technique faute de temps ; mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles.

Sachez seulement que, si les communes qui participent à l’effort d’investissement sont éligibles pour les deux années en question, tout va bien. En revanche, si, pour des raisons quelquefois administratives indépendantes de leur volonté, ce n’est pas le cas, elles ne recevront en 2010 aucun versement au titre du FCTVA. C’est un point à étudier.

Je reste ouvert à la discussion, mais on risquerait de faire prendre des risques inutiles à certaines collectivités qui joueraient le jeu. En effet, comment les collectivités peuvent-elles établir un budget sans l’aide des remboursements du fonds de compensation pour la TVA ? Elles se trouveraient dans une situation difficile !

Nous sommes très partisans de caler les remboursements de ce FCTVA d’une année n sur les investissements de la même année. C’est pourquoi nous soutiendrons vigoureusement l’amendement qui sera proposé par le président de la commission des finances et qui permet, d’un côté, de doper l’investissement sur deux ans – 2009 et 2010 –, et, de l’autre, de régulariser la situation du FCTVA, en le synchronisant dès 2011 avec les investissements des communes. Cela permet d’éviter une éventuelle année blanche et d’instaurer une certaine équité entre les collectivités, les EPCI étant déjà remboursés l’année n.

En conclusion, même si l’on doit s’attendre à ce qu’il soit complété par un nouveau plan, on ne peut que soutenir celui qui nous est ici proposé. Certes, on peut regretter sa modestie, mais, tout le monde en conviendra ici, il faut surtout redonner confiance à notre pays si l’on veut éviter que 2009 ne soit l’année d’une crise sociale majeure. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées de lUMP et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux dépêches d’agence de presse publiées lundi fixent parfaitement le cadre du débat qui nous préoccupera pendant les deux ou trois jours prochains.

La première précise, à propos de la situation de la banque britannique Royal Bank of Scotland : « Le cours de la banque britannique Royal Bank of Scotland, RBS, a cédé jusqu’à 71,18 % lundi après-midi à la Bourse de Londres, tombant à 10 pence, après qu’elle eut annoncé qu’elle pourrait perdre jusqu’à 28 milliards de livres, 31 milliards d’euros, en 2008. »

Une seconde dépêche, publiée dans l’après midi de lundi dernier, jour noir pour certains, rapporte que le CAC 40 a continué de dévisser, clôturant sous les 3 000 points.

La Commission européenne elle-même a indiqué que le produit intérieur brut de la zone euro devrait reculer de 1,9 % en 2009.

Au troisième trimestre 2008, la zone euro est déjà entrée en récession, laquelle se définit par deux trimestres consécutifs de baisse du PIB. Mais, en 2009, elle devrait connaître la première contraction de son économie sur l’ensemble d’une année depuis sa création, voilà tout juste dix ans, et elle sera de taille !

Bruxelles, un peu avec la foi du charbonnier, anticipe ensuite un léger redressement de la situation, avec une croissance de 0,4 % en 2010.

Toujours selon Bruxelles, toutes les grandes économies de la zone euro devraient être affectées, avec des reculs du PIB de 2,3 % en Allemagne ou de 1,8 % en France cette année.

On notera que cette prévision est parfaitement contradictoire avec le cadrage macroéconomique défini tant dans la loi de finances initiale pour 2009 que dans les deux collectifs, celui du mois de décembre et celui que nous examinons aujourd’hui.

En outre, la Commission prévient : « De grandes incertitudes pèsent encore sur ces prévisions, l’économie mondiale traversant sa crise la plus grave depuis la Première Guerre mondiale. »

La véritable incertitude, serait-on tenté de dire, portera sur l’amélioration de la situation en 2010, la seule certitude étant la chute à court terme de l’activité et les suppressions d’emploi qui iront avec.

Cette récession généralisée devrait s’accompagner d’une hausse du taux de chômage de près de trois points dans la zone euro entre 2008 et 2010. Il devrait atteindre, selon ces pronostics 10,2 % en 2010, dépassant ainsi les 10 % dans la zone euro pour la première fois depuis 1998. Dans certains pays, l’envolée sera spectaculaire. En Espagne, qui bat tous les records, il devrait passer à 18,7 % contre à peine plus de 8 % en 2007. En France, il devrait monter jusqu’à 10,6 %.

Cela signifie, monsieur le ministre, qu’en dépit de moult manipulations de la statistique publique vous ne pourrez pas masquer la réalité : notre pays comptera plus ou moins 3 millions de chômeurs à la fin de l’année.

Après la liquidation de milliers d’emplois sous contrat à durée déterminée et celle de milliers de contrats d’intérim à cause de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, nous allons avoir plan social sur plan social dans l’ensemble des secteurs d’activité, de l’industrie aux services en passant par la construction !

Dans ce contexte, l’Union économique et monétaire apparaît gravement atteinte, chaque pays appliquant le bon vieux précepte du « Chacun pour soi, Dieu pour tous », qui consiste à surenchérir en permanence dans l’engagement des deniers publics au soutien de marchés et d’un secteur financier en pleine panade.

C’est vrai pour le Royaume-Uni, qui, certes, n’est pas dans la zone euro, mais dont la devise se dévalue aussi rapidement que fond le pouvoir d’achat des retraités britanniques résidant dans notre Sud-Ouest ; mais c’est aussi vrai pour la France.

À ce propos, où en est-on de la mise en œuvre du plan de refinancement voté lors du collectif d’octobre, et quels résultats peut-on tirer des premiers mois d’activité des deux structures dédiées, créées par l’article 6 de ce collectif budgétaire à 360 milliards d’euros?

En tout cas, la détérioration de la situation d’une banque comme Natixis, peu de temps après la révélation de l’affaire Madoff, montre la gravité du mal dont souffre notre économie.

Le titre Natixis a ainsi perdu près de 85 % de sa valeur en un an, et l’action ne vaut plus aujourd’hui qu’entre 1,15 euro et 1,20 euro...

Et, pendant ce temps, les plans sociaux, par absence de trésorerie disponible, commencent à se multiplier, le phénomène touchant tous les secteurs d’activité.

La cohérence du maintien coûte que coûte d’une parité élevée pour l’euro est directement mise en question par une telle dégradation de la situation économique.

M. Joaquín Almunia a beau repousser les craintes d’un possible « éclatement » de la zone euro, illustrée par l’intensité de la crise et la hausse des déficits, ou marquée par l’abaissement de la notation financière de l’Espagne, après celle de la Grèce, la démonstration est pleinement faite que les choix monétaristes contenus dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe et dans le trompeur mini-traité ou traité de Lisbonne ajoutent leurs effets dévastateurs à une situation déjà détériorée.

En ce début d’année 2009, où le débat européen va encore rebondir en fonction de l’attachement des citoyens européens à participer aux élections de juin prochain et du comportement éventuel des électeurs irlandais, que l’on presse d’accepter le texte de Lisbonne, j’invite tous ceux qui soutiennent l’actuelle construction européenne à s’interroger et à procéder à une véritable analyse critique de la situation.

Soyons clairs, et passons de L’Aveuglement à La Lucidité, à l’exemple du grand écrivain portugais José Saramago, pour qui le processus de construction européenne actuelle est en voie d’échec.

Eu égard aux intentions affichées, il ne fait ni la preuve, ni la démonstration de son efficacité sociale et économique, bien au contraire ! Et ce processus de construction que l’on affuble du nom d’Europe n’apparaît de plus en plus que pour ce qu’il est, c’est-à-dire une soumission de l’ensemble de la société à la sacro-sainte économie de marché.

Paradoxe sans doute : c’est à Lisbonne, dans l’un des pays les plus directement vulnérables de l’Europe, que l’on a signé ce traité, présenté comme la version light du TCE et qui n’en est que le copier-coller.

Laissons la parole, pour le coup, à José Saramago, sur le processus mis en œuvre. Selon lui, « Les peuples n’ont pas élu leurs gouvernements pour que ceux-ci les “offrent” au marché. Mais le marché conditionne les gouvernements pour que ceux-ci leur “offrent” leurs peuples. Avec la mondialisation libérale, le marché est l’instrument par excellence de l’unique pouvoir digne de ce nom, le pouvoir économique et financier. Celui-ci n’est pas démocratique puisqu’il n’a pas été élu par le peuple, n’est pas géré par le peuple, et surtout parce qu’il n’a pas pour finalité le bonheur du peuple. »

Cette grande voix de la littérature lusophone et européenne est à mon avis dans le vrai, monsieur le ministre !

Nous en avons d’ailleurs l’illustration patente tous les jours, dans la politique menée par ce gouvernement et concertée, pour certains aspects – nous avons dit à quel point ils étaient limités –, au niveau européen.

Pour ne citer qu’un exemple, M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale, envisage de consacrer, au travers d’un paquet de mesures diverses portant sur le RSA ou la prime pour l’emploi, un milliard d’euros – j’insiste sur ce montant ! – au pouvoir d’achat des ménages, quelques mois après avoir voté, sans sourciller plus que cela, 360 milliards d’euros pour sauver les banques ! Comment ne pas trouver cela indécent ?

Comment ne pas remarquer, dans les deux textes que nous avons à examiner, que la crise économique grave que nous traversons et qui dévalue à vitesse grand V les discours ronflants de la campagne présidentielle, sert de prétexte à mettre en œuvre, encore une fois, des mesures ne concernant que quelques intérêts très déterminés ?

Nous avons fait l’expérience, depuis le printemps 2007, de la vassalisation des politiques publiques au service d’intérêts privés et nous ne cessons de dénoncer ces procédés dans cet hémicycle.

La loi de modernisation de l’économie, que la tornade de la récession économique semble devoir éparpiller au vent, ne contenait-elle pas de nombreuses mesures favorables à quelques grands groupes du bâtiment comme Bouygues, quelques opérateurs de téléphonie comme Free ou Numéricâble, quelques acteurs de l’audiovisuel comme Lagardère ou Bolloré ?

Les créations d’emplois promises par la loi semblent, quant à elles, se faire attendre !

Au contraire, 206 postes vont être supprimés à Radio France Internationale, qui a d’ailleurs été regroupée de force avec France 24 et TV5 au motif de constituer une seule structure pour l’audiovisuel extérieur de la France !

Dans le cadre de la « loi Albanel » sur la réforme de l’audiovisuel public, nous venons de constater à quel point le travail législatif pouvait se trouver soumis à la seule loi du marché et mis au service des intérêts très particuliers de grands groupes privés !

La même remarque vaut d’ailleurs pour l’un des points saillants de la loi de modernisation de l’économie : l’ouverture à la concurrence du livret A, et la distribution de ce produit d’épargne par tous les établissements de crédit, à commencer par ceux qui avaient porté plainte contre le prétendu scandaleux monopole de la Poste et des caisses d’épargne devant la Commission européenne.

À peine votée la loi de modernisation de l’économie, Paribas, ING Direct ou Crédit Agricole ont mené une intense campagne publicitaire pour attirer le chaland, se répandant en offres alléchantes, avec des taux de rémunération garantis supérieurs à 5 %, c’est-à-dire au-delà du taux du livret A !

Cette campagne publicitaire omettait bien entendu de parler du problème posé par la fiscalité pesant sur l’épargne en question et consommant 27 % du taux de rémunération claironné par les messages les plus alléchants.

Je ne sais pas si l’affaire a provoqué l’ouverture d’un grand nombre de livrets A sur les réseaux bancaires banalisés. Dans un entretien accordé lundi à la presse économique, le patron de la Banque Postale évoque la migration de moins de 3 000 livrets A de la Poste vers d’autres opérateurs.

Toujours est-il que, un mois après l’ouverture de la chasse à l’épargnant, voici que l’on procède à la révision à la baisse du taux de rémunération, ramenant brusquement ce dernier de 4 % à 2,5 % !

Pourtant, vous chercherez toujours, monsieur le ministre, à justifier cette mesure, et vous aurez au besoin le soutien de Mme Boutin, dont le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, déclaré d’urgence, n’a pas encore été examiné par l’Assemblée nationale quatre mois ou presque après son passage ici !

Mais la vérité commande de le dire, au-delà de la prétendue divergence entre Matignon et l’Élysée sur le nouveau taux, c’est une pure escroquerie qui est ici mise en œuvre. On a bel et bien, à la demande expresse de quelques établissements financiers, ouvert à la concurrence la distribution du livret A. Cela visait à ce que la clientèle soit attirée autant que possible par les autres réseaux.

Évidemment, comme tout a une raison en ce monde, le but de l’opération est connu : inviter les épargnants soudain refroidis par la baisse du taux à engager leur épargne sur d’autres produits. Et pourquoi pas à la Bourse ? En effet, si le CAC 40 diminue et la valorisation des titres se réduit, les dividendes ne semblent pas devoir s’orienter à la baisse, bien au contraire !

Nous attendons de voir ce qui va être fait, derrière les rodomontades du Président de la République en la matière, pour que bonus, dividendes et autres accessoires de rémunération tendant à devenir le principal de celle-ci cessent d’être distribués dans les plus grandes entreprises, notamment dans celles qui vont procéder cette année à quelques plans sociaux.

Rien dans ce collectif budgétaire comme dans ce plan de relance ne traduit de rupture profonde concernant les choix politiques et économiques à l’œuvre depuis trop longtemps dans notre pays. Ces choix résonnent avec les aspects pris, sur le sol français, par la crise économique dont nous commençons à voir les effets.

La crise semble fournir le prétexte et l’habillage nécessaire pour aller encore plus loin dans la soumission de la loi aux intérêts privés, au mépris de l’intérêt général.

J’ai écouté Mme et MM. les ministres, ainsi que Mme et MM. les rapporteurs. Or, je n’ai rien entendu concernant les ménages, aucune mesure visant à traiter les causes profondes de la crise, aucune remise en cause des critères de gestion et de financement qui sont à la source de la financiarisation et de cette crise !

Considérant que vous allez en rajouter à la crise, que la première urgence est de sécuriser les salaires et les emplois face à des actionnaires qui veulent faire payer la crise au monde du travail, que les profits des dividendes versés aux actionnaires ne sont pas mis à contribution, que les salaires et le pouvoir d’achat populaire qui seraient un efficace soutien à la demande ne sont pas pris en compte dans ce plan, que rien n’est fait s’agissant de la santé comme du logement, qui nécessitent pourtant une intervention, que vous continuez à faire des cadeaux à l’image du paquet fiscal que vous refusez d’annuler, nous nous opposerons sans la moindre équivoque à ces deux lois à la fois inutiles et néfastes pour la grande majorité des habitants de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.

M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici aujourd’hui en train de discuter d’un troisième collectif budgétaire en quatre mois, conséquence d’une crise économique et financière exceptionnelle !

Le nouveau chiffre du déficit prévisionnel en 2009 que vous avez annoncé hier, monsieur le ministre, est désormais de 4,4 % du PIB.

Face à l’ampleur de la crise, le Gouvernement mène une thérapie de choc. Ont ainsi été déjà engagés 320 milliards d’euros pour la garantie d’État des prêts interbancaires, 40 milliards d’euros pour la recapitalisation des banques, 22 milliards d’euros pour le plan de soutien aux PME et 20 milliards d’euros pour la création d’un fond stratégique d’investissement.

À travers le plan de relance économique annoncé par le Président de la République lors de son discours de Douai, dont le volet fiscal a été adopté le mois dernier et dont le volet budgétaire nous est présenté ici, ce sont 26 milliards d’euros supplémentaires.

Cette somme va permettre d’encourager et de soutenir massivement les investissements des forces vives économiques, à savoir les entreprises mais aussi les collectivités territoriales qui, comme nous le savons bien au sein de la Haute Assemblée, réalisent les trois quarts des investissements publics en France.

Aussi, l’idée d’avancer d’un an le remboursement du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, soumise à la condition que les collectivités réalisent un plus grand nombre d’investissements en 2009, me semble être une voie efficace de relance.

La commission des finances du Sénat a proposé l’extension à 2008 de la période de référence 2005-2007. L’Assemblée nationale avait exclu l’année 2008 de la période de référence, le niveau réel des investissements d’une année ne pouvant être constaté qu’au travers des comptes administratifs ; or les comptes de 2008 n’étaient pas alors encore tous disponibles, et l’année 2008 semblait être une année d’augmentation des investissements.

Cela étant, la commission des finances a estimé qu’une majorité de comptes seraient disponibles dans un délai suffisamment rapproché et que l’année 2008 serait sans doute une année de diminution des investissements.

Cela mérite des éclaircissements. En effet, je note ici une différence entre l’avis de la commission et celui du Gouvernement, lequel semble prévoir un pic d’investissements en 2008, équivalent à celui de 2007, bien que l’année 2008 fût une année électorale.

Or, au regard du cycle électoral et des investissements, une année d’élection correspond généralement à une année de moindres investissements, le temps notamment que la nouvelle équipe se mette en place et que se définissent les futures priorités en matière d’investissement.

J’ai par ailleurs déposé un amendement dont l’objet est de ne pas sanctionner des collectivités pour des investissements qui n’auraient pas pu être réalisés du fait d’une carence ou d’un retard de l’État ou d’autres collectivités au titre de ses financements.

Ainsi, par exemple, de nombreuses communes ne peuvent réaliser des travaux d’investissement sur le patrimoine protégé en raison des retards de versements des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC. Il conviendrait de ne pas pénaliser davantage les collectivités qui ont souhaité investir.

Si le plan de relance est concentré sur l’investissement, c’est qu’il s’agit de ne pas léguer à nos enfants un actif net dégradé. Il est plus acceptable de s’endetter dans la mesure où cet endettement est le résultat d’investissements dans des logements ou de grandes infrastructures dont le profit sera légué aux générations futures.

Le groupe UMP partage avec le Gouvernement cette vision de la relance économique, s’opposant ainsi à ceux qui se font le chantre de la relance par la consommation et le pouvoir d’achat.

Certes, derrière des concepts économiques se cachent des réalités humaines, des personnes se retrouvant au chômage, des personnes actives et pourtant en situation précaire, pour des raisons de logement par exemple.

Mais le Gouvernement a déjà pris des mesures de soutien du pouvoir d’achat avant le plan de relance.

Je tiens à le rappeler ici, les prélèvements obligatoires ont diminué de 10 milliards d’euros en 2008 et en 2009, et les prestations sociales ont été revalorisées d’un montant quasi équivalent – 9 milliards d’euros –, et ce sans même prendre en compte le RSA.

Il convient à ce titre de rappeler l’effort budgétaire exceptionnel pour les bénéficiaires du RSA qui permettra de soutenir le pouvoir d’achat des personnes les plus démunies.

L’idée d’une relance par la consommation est donc un faux débat. Le plan de relance qui nous est proposé par le Gouvernement met l’accent sur l’investissement qui stimule la demande, c’est-à-dire l’emploi, partant le pouvoir d’achat et donc la consommation : c’est un cercle vertueux !

Il ne faut pas se focaliser sur la seule consommation, car elle ne permet pas d’investir pour l’avenir. Au-delà des dogmatismes idéologiques, l’approche pragmatique doit primer.

À cet égard, il faut se souvenir des précédents plans de relance fondés sur la consommation, celui de 1975 et celui de 1981, qui n’avaient pas eu les effets escomptés. Celui de 1980 avait d’ailleurs contraint M. Fabius à un plan de rigueur.

De plus, comme cela a été rappelé tout à l’heure, la consommation en France a mieux résisté que chez nos partenaires, notamment britanniques et espagnols. Le secteur de l’automobile en est l’illustration, avec une baisse très contenue sur 2008 alors que nos voisins ibériques, par exemple, enregistraient un recul de près de 25 %.

En outre, le poids de nos dépenses publiques dans notre système social a joué un rôle de stabilisateur dans cette crise, en préservant la capacité des ménages à disposer de leurs revenus pour d’autres dépenses.

De surcroît, notre commerce extérieur étant très déficitaire depuis plusieurs années, une relance de la consommation ne pourrait qu’aggraver son solde et celui de la balance des paiements. Ce n’est à l’évidence pas souhaitable.

Le plan de relance s’inscrit ainsi parfaitement dans le cadre concerté et coordonné défini au plan européen et repose sur des mesures rapides, temporaires et ciblées : il vient à temps grâce à une mise en place extrêmement prompte ; il a une durée limitée, l’année 2009 ; il est parfaitement ciblé sur l’investissement public et les entreprises, mais également sur des secteurs particulièrement sensibles en période de crise, comme le logement et l’automobile.

Sur le plan formel, il est proposé de créer une nouvelle mission dans le budget général, pour une durée limitée de deux ans, avec trois programmes assez vastes, sous votre responsabilité, monsieur le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de la relance : un premier programme exceptionnel d’investissement public concerne les secteurs de la défense, des transports, de l’enseignement supérieur, de la recherche et du patrimoine ; un deuxième programme consiste en un soutien exceptionnel aux entreprises et à l’emploi ; enfin, un troisième programme sera mené en faveur du logement et de la solidarité.

Je me félicite de la souplesse de gestion qui prévaudra, avec la possibilité soit d’une gestion directe, soit d’une délégation de gestion, soit de transferts de crédits sur des programmes ministériels.

Je me réjouis également de la mise en œuvre de la traçabilité des dépenses, que nous pourrons désormais contrôler.

L’intégralité de ces crédits devra être consacrée à la mise en œuvre effective du plan, et non au financement de dépenses récurrentes. Conformément à la LOLF, une batterie d’objectifs et d’indicateurs simples fondés sur la rapidité d’exécution et sur l’impact sur l’emploi permettra d’apprécier les résultats de ce plan de relance.

Pour que l’action du Gouvernement soit efficace, il faut non seulement décider des mesures, mais également – c’est une condition tout aussi importante – assurer leur mise en œuvre rapide : autrement dit, les investissements ainsi encouragés ne doivent pas seulement être décidés dans leur principe, mais doivent effectivement voir le jour.

Pour cela, il est nécessaire de desserrer le carcan réglementaire, qui ralentit souvent à l’excès les procédures : je pense notamment aux seuils de marchés publics, à la loi sur l’eau, à la déclaration d’utilité publique et à l’archéologie préventive. Dans tous ces domaines, le fardeau doit être allégé.

Ainsi, en ce qui concerne l’archéologie préventive, sujet que nous, élus locaux, connaissons bien, le groupe UMP n’est pas favorable à une augmentation de la redevance et se félicite des propositions tendant à accroître les crédits et à raccourcir les délais.

En matière de concessions autoroutières, j’ai déposé un amendement, de même que mon collègue Jacques Gautier, visant à accroître d’un an leur durée en échange de l’engagement pris par les sociétés concessionnaires de réaliser des travaux d’aménagement. Ce type de mesures permet de soutenir l’activité et d’améliorer les infrastructures, sans surcoût pour les finances publiques. Il faudra aller encore plus loin en élargissant les périmètres des concessions pour réaliser des tronçons d’autoroutes ou des liaisons entre autoroutes qui sont tant attendus par certains territoires.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Albéric de Montgolfier. Cela suppose d’engager avec la Commission européenne une négociation, qui sera sans doute serrée, sur l’adossement, comme l’ont fait déjà certains de nos voisins.

C’est dans ces conditions que le projet de loi d’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés complète très judicieusement le projet de loi de finances rectificative pour 2009. Dans ce collectif, je le rappelle, la totalité des autorisations d’engagement interviendront en 2009.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP aborde la discussion de ces deux textes dans un esprit constructif et positif, et vous proposera, sur certains points, d’aller encore plus loin dans cette volonté de relance. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, madame, monsieur les rapporteurs, c’est dans un environnement particulièrement difficile que nous sommes amenés à nous prononcer cette semaine sur deux textes en discussion commune susceptibles d’orienter la croissance tout au long de l’année 2009.

Il convient tout d’abord, à mon avis, de relativiser le terme « croissance ». L’environnement est incontestablement difficile sur le plan international, puisque cette crise peut, par certains côtés – ses conséquences extrêmement redoutables sur l’emploi et sur les faillites d’entreprises notamment –, être comparée à celle de 1929.

Même si certains ne s’expriment guère sur ce sujet, cette crise offre l’occasion de remettre en cause une forme de capitalisme spéculatif dans laquelle l’économie virtuelle, parée voilà encore quelques mois de toutes les vertus et considérée comme la forme suprême de l’intelligence économique, prime sur l’économie réelle.

L’examen des deux textes aurait donc pu permettre de débattre de mesures visant à remédier au déséquilibre induit par la primauté du système financier, en proposant une aide soutenue aux populations fragilisées, notamment les chômeurs et les travailleurs précaires.

Monsieur le ministre, vous auriez pu également saisir l’occasion de cette crise pour relancer le pouvoir d’achat. Mais vous avez balayé cette idée d’un revers de main, estimant qu’une telle relance présentait certains dangers. Vous avez soulevé des prétextes fallacieux et transformé vos arguties en arguments. Nous avons même relevé certaines incohérences : ainsi, vous avez annoncé un plan de relance automobile, ce que nous ne saurions vous reprocher ; mais reconnaissez qu’il relève de la consommation et non de l’investissement !

M. Patrick Devedjian, ministre. Bien sûr !

M. François Fortassin. Pourquoi ne pas avoir procédé de la même façon dans le secteur de l’alimentation, puisque de nombreuses familles françaises connaissent, nous le savons tous, des difficultés considérables pour se nourrir correctement ? D’autant que, dans ce domaine, il y a peu de risques d’importation ! Ce n’est pas comme pour les écrans plats !

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Daniel Raoul. Très bien ! Il a raison ! J’ai prévu d’en parler également !

M. François Fortassin. L’environnement est également difficile sur le plan national, comme je viens de l’évoquer. Les signaux de la croissance sont au rouge, avec de nombreuses entreprises en difficulté, et les services publics sont quelquefois défaillants, s’étiolant, notamment dans les zones rurales, au point qu’on a parfois l’impression qu’ils sont laissés à l’abandon par l’État alors que ce dernier devrait au minimum, notamment en cette période délicate, les défendre. Heureusement que les collectivités locales sont là pour compenser parfois ces manques !

Ensuite, on constate un manque de fermeté, voire un certain laxisme, à l’égard des financiers. À l’évidence, la première condition pour rétablir la confiance est de rappeler une règle évidente et très simple que tous les Français pourraient comprendre : le banquier est là avant tout pour prêter de l’argent, pas pour faire de la spéculation.

Monsieur le ministre, vous estimez qu’un simple rappel à l’éthique va subitement faire revenir les banquiers dans un cercle vertueux.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. François Fortassin. Cela m’étonnerait fort ! Il faudrait que vous en rappeliez le mode d’emploi aux financiers et aux banquiers, qui se sont comportés comme des gestionnaires de casinos, pour ne pas dire comme des joueurs de poker, ces derniers ayant cependant plutôt l’habitude de jouer dans des tripots enfumés avec leur argent, ce qui n’est pas du tout le cas des premiers !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mettez-les tous au pilori !

M. François Fortassin. Il s’agit non pas de les mettre au pilori, mais simplement de les rappeler à leur juste métier, à l’action qu’ils doivent mener. Monsieur le rapporteur général, je sais bien que vous avez pour les banquiers, en raison de votre formation, une affection que je n’ai peut-être pas.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Au pilori ! Sur la place publique !

M. François Fortassin. Pour autant, il revient à la représentation nationale de rappeler un certain nombre d’évidences.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez abandonné la politique des emplois aidés, avant de la rétablir partiellement. Or un soutien à l’emploi et au pouvoir d’achat aurait épargné la dégradation connue en 2008.

En réalité, nous sommes convaincus qu’il faut agir sur trois leviers : le pouvoir d’achat individuel, l’emploi et l’investissement public. Votre plan n’est pas suffisamment ambitieux. Il est regrettable que vous n’ayez pas accepté d’augmenter de façon significative la dotation globale d’équipement. Vous auriez pu disposer de possibilités de dépenses immédiates, car les projets sont prêts. Il aurait suffi de donner des instructions aux préfets pour qu’ils attribuent cette dotation, fortement augmentée, aux communes, qui auraient pu ainsi réaliser immédiatement des investissements. Si tel n’avait pas été le cas au bout de trois ou quatre mois, vous auriez pu vous tourner vers d’autres projets. Ce faisant, vous aviez la possibilité de réaliser des investissements rapides, alors que certains travaux publics de l’État, qui sont sans doute nécessaires, ne donneront des résultats que dans deux ou trois ans.

Monsieur le ministre, vous pourriez également décider d’une mesure qui ne coûte rien : donner instruction aux fonctionnaires d’accélérer les procédures.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !

M. François Fortassin. C’est la règle d’or !

M. Yvon Collin. Très bien !

M. François Fortassin. Nous avons en France des fonctionnaires de grande valeur, mais l’exercice de leur autorité consiste à répondre de façon systématique par la négative à toute proposition qui leur est soumise !

M. Michel Charasse. Surtout attendre et enterrer les dossiers !

M. François Fortassin. En réalité, les fonctionnaires ne devraient pouvoir dire « non » qu’après avoir épuisé toutes les possibilités de répondre « oui » ! (Très bien ! sur certaines travées de lUMP et du groupe socialiste, ainsi qu’au banc de la commission.) Je pense que nous sommes d’accord sur ce point !

M. Yvon Collin. Des sous ! Des sous !

M. François Fortassin. J’espère que le Gouvernement sera aux côtés des collectivités locales pour que la relance de l’investissement puisse être rapide.

Monsieur le ministre, la majorité du groupe du RDSE, qui vous accorde le bénéfice du doute, soutiendra malgré tout ce plan, car, lorsque la situation est difficile, tout remède est bon à tenter. Comme j’ai eu l’occasion de vous l’indiquer en commission, vous êtes plus un ministre de la parole qu’un ministre de la relance, mais vous pouvez vous améliorer considérablement ! (Sourires. –Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, j’ai toujours cru que le pouvoir ministériel commandait à l’autorité administrative. Si j’ai bien entendu mon illustre prédécesseur, ce ne serait plus le cas, ce que je regretterais !

Certes, la crise doit être dominée, mais nous ne croyons pas à la crédibilité de votre projet. Notre jugement se fonde essentiellement sur deux raisons principales : d’une part, vous refusez de prendre en considération la véritable origine de la crise et, d’autre part, tout en faisant des collectivités territoriales des « acteurs majeurs de la relance », selon l’expression de M. Marini, vous les maintenez dans des incertitudes qui hypothèquent leur mobilisation. Tels sont les deux points que je développerai.

En ce qui concerne la véritable origine de la crise, une vérité s’impose : depuis quelques années, le partage des revenus dans notre pays est devenu de plus en plus inégalitaire et injuste. Nous assistons – cela n’est ni de la théorie ni du virtuel, mais bien la réalité – à une baisse de la part des revenus liée au travail et à une augmentation de celle qui est tirée du capital.

À titre d’exemple, les dividendes versés aux actionnaires en 2007 représentaient 12,4 % de la masse salariale, contre 4,4 % en 1982. Vous connaissez les conséquences de ce mouvement : l’investissement stagne, le pouvoir d’achat fait de même ou recule, les ménages et les collectivités s’endettent. Un nouveau rapport s’est établi entre les actionnaires et les dirigeants d’entreprise, qu’illustre – Mme Bricq l’a rappelé –l’évolution de la rémunération de certains d’entre eux.

Je voudrais brièvement rappeler l’évolution historique du pouvoir dans l’entreprise.

Jusqu’aux premières décennies du XXe siècle, nous avons affaire à des patrons propriétaires qui vont utiliser intelligemment la société anonyme par actions, n’hésitant d’ailleurs pas à faire appel à l’idéologie démocratique pour opérer la concentration des capitaux.

Dans un second temps, ces patrons propriétaires feront confiance à des managers salariés. Ces derniers mettront en place des logiques d’expansion industrielle et sauront passer avec les organisations syndicales un compromis social fondé sur un partage des gains de productivité. Des réformes fiscales, sociales, statutaires favoriseront cette négociation.

Arrive ensuite le temps – nous y sommes actuellement – d’un nouveau libéralisme : la logique financière l’emporte sur la logique industrielle ; les managers font alliance avec les investisseurs institutionnels ; le compromis social est rompu ; une nouvelle connivence s’instaure. De nouveaux modes de rémunération se mettent en place avec les bonus, les stock-options, les parachutes dorés, les « retraites chapeaux » et les actions gratuites.

Toutes les tentatives « autogérées » de moralisation ont échoué : du rapport Viénot au nouveau code de conduite MEDEF-AFEP en passant par le rapport Bouton et un précédent code de 2003.

Le législateur n’a pas su ou voulu imposer une norme éthique, seule capable de donner une assise solide à l’action économique, qu’il s’agisse des lois de 2001, de 2005, de 2006 ou de notre dernière loi de finances.

Mes chers collègues, nous sommes face à un problème non pas de bonne gouvernance, mais de justice sociale et d’efficacité économique. Toutes les études montrent que, au cours des vingt dernières années, les salaires les plus élevés des entreprises du CAC 40 ont substantiellement augmenté. Le Bureau international du travail s’en est ému dans un rapport récent : « Les faits démontrent que l’évolution de la rémunération des dirigeants a été à la fois un facteur d’accroissement des inégalités et d’inefficacité économique ».

Que vous le vouliez ou non, l’assainissement de notre économie doit emprunter différentes voies de contrôle, de lutte contre les paradis fiscaux – on ne cesse de le rappeler –, de choix en faveur de l’investissement et de la recherche.

Quant à la relève du défi des rémunérations excessives, elle passe par la fiscalité et le renforcement du principe progressif. Si certains parmi vous ont des doutes, je les renvoie à la période du New Deal, qui a montré que des législations fiscales importantes n’empêchaient pas le développement de grandes entreprises et le rayonnement du capitalisme.

J’en viens aux collectivités territoriales, qui sont dans l’incertitude. Je sais que nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet.

Ces collectivités territoriales, que nous connaissons bien, exercent pleinement leurs responsabilités. J’en veux pour preuve tous les partenariats que l’État ne cesse de tisser avec elles dans les secteurs les plus divers, y compris régaliens. Toutefois, pour que ces collectivités assument pleinement leurs responsabilités, monsieur le rapporteur général, il faut que leur futur soit assuré, qu’il soit lisible et qu’elles aient confiance en leur avenir.

Pour entreprendre – c’est vrai pour les collectivités territoriales comme pour les chefs d’entreprise –, il faut savoir ce dont demain sera fait. Or, aujourd’hui, c’est l’incertitude qui domine.

L’incertitude quant à l’existence des collectivités territoriales a été créée par le Président de la République. Ce dernier voit en effet dans le nombre et l’enchevêtrement des compétences de nos collectivités locales une source d’inefficacité et de dépenses supplémentaires. Il a ainsi déclaré : « Je pense que 2009 doit être l’occasion d’une réflexion, d’un débat et d’une concertation approfondie sur la question des communes, des communautés de communes, des départements et des régions ».

M. Patrick Devedjian, ministre. Bien sûr !

M. Edmond Hervé. Mes chers collègues, sans chercher à polémiquer, je me demande si ces propos présidentiels auraient été tenus avec une majorité politique territoriale autre. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Bricq. La réponse est dans la question !

M. Charles Revet. Ce sujet avait été évoqué avant !

M. Edmond Hervé. Edouard Balladur préside un Comité pour la réforme des collectivités locales, le président du Sénat a mis en place une mission, à laquelle je participe. Or propositions, rumeurs, opinions les plus diverses circulent.

M. Patrick Devedjian, ministre. Il y a débat !

M. Edmond Hervé. Un jour, on parle du département, un autre de la région, l’idée étant de supprimer une partie de ce qu’on appelle injustement « le millefeuille », auquel l’État a d’ailleurs contribué. On évoque également des redécoupages …

Souhaitons, surtout en période de relance, que l’on n’oublie pas ce qui fonctionne bien et que l’on mette rapidement fin à une situation démobilisatrice.

Il existe ensuite une incertitude en matière de protection.

Mes chers collègues, c’est au moment où vous plaidez avec une insistance exceptionnelle pour le principe du partenariat public-privé que vous mettez en place la révision générale des politiques publiques.

Avec le partenariat public-privé, nos collectivités territoriales ont plus que jamais besoin de conseil, d’expertise, de protection juridique, technique et financière. Elles ont besoin de prospective.

Les services déconcentrés de l’État doivent avoir leur part dans ces différentes prestations. C’est pourtant le moment que vous choisissez pour procéder à des allégements substantiels et dangereux. Vous réfléchissez même, monsieur le ministre, à la suppression de certaines chambres régionales des comptes, remettant en cause un contrôle équilibré qui a fait ses preuves au cours des vingt-cinq dernières années.

Alors que les procédures sont de plus en plus complexes, qu’il est fait de plus en plus appel à la concurrence et donc aux risques de pression, vous affaiblissez la maîtrise d’ouvrage publique et exposez les agents territoriaux à des contestations inégales.

Il existe enfin une incertitude quant aux moyens.

Voilà qu’un jour la suppression de la taxe professionnelle est annoncée. Le lendemain, on propose de réformer cette dernière. Mais comment ? En tout cas, nous savons que le principe de la suppression tient la corde au sein du Gouvernement.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de décider, rappelons-nous bien ce que cette taxe a apporté en termes de développement, de solidarité, d’aménagement et de partenariat. Elle a été un facteur de croissance et de mutation. Toutes les politiques de l’État en ont profité.

En l’occurrence, je ne résiste pas à la joie de vous citer une expression, que j’ai entendue hier, de M. le directeur général des collectivités locales, lequel a évoqué « un facteur de vulnérabilité pesant sur la taxe professionnelle ». Le Gouvernement est-il prêt à rompre cette dynamique ?

Toujours en ce qui concerne l’incertitude quant aux moyens, la loi de finances de 2009 a intégré le FCTVA dans « l’enveloppe fermée ». Nous avons dit notre opposition à ce montage, qui pénalise les collectivités actives. Cependant, le projet de loi de finances rectificative pour 2009 semble opter pour un autre choix.

De grâce, monsieur le ministre, n’interprétons en aucun cas le remboursement anticipé de la TVA comme une politique volontariste de l’État envers les collectivités territoriales. Il s’agit tout simplement d’un changement de modalité de gestion administrative. Que je sache, la TVA de 2008 permettant le financement de cette mesure est déjà dans les caisses de l’État !

Comme d’autres, je voudrais regretter la complexité du dispositif proposé, qui n’exprime pas un grand esprit de confiance à l’égard des responsables territoriaux. Dans un souci de simplification et surtout d’égalité, je considère que le régime de remboursement trimestriel de la TVA dont bénéficient les communautés d’agglomération l’année même de la dépense devrait être généralisé.

Si l’anticipation du remboursement de la TVA ne constitue qu’un rattrapage, le présent plan de relance en contient bien d’autres. Avec beaucoup de sincérité, monsieur Marini, vous écrivez ainsi dans votre rapport : « Il est toutefois délicat de discerner, dans la masse des crédits ouverts, […] » ce qui relève d’un rattrapage de dépenses retardées.

Je ne verserai pas dans la litanie. Qu’il me suffise – vous l’avez d’ailleurs dit, monsieur le ministre – de rappeler que les contrats de plan État-région ont en moyenne dix-huit mois de retard.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le plan de relance est une bonne nouvelle !

M. Edmond Hervé. J’ai lu tout comme vous avec beaucoup d’attention le dernier rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, qui fait lui aussi état d’« un retard notable ». Chacun connaît l’état du financement du logement et des opérations culturelles …

Monsieur le ministre, vous nous avez rappelé que le Parlement avait examiné quatre projets de loi de finances en à peine plus d’un trimestre : faut-il y voir un hommage à l’institution parlementaire ou la difficulté pour le Gouvernement d’anticiper et de décider ?

En tout état de cause, je vous prie de croire en notre disponibilité pour un dialogue loyal, constructif et responsable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Après vous avoir écouté avec beaucoup attention, monsieur le ministre, j’évoquerai trois points : la méthode de travail utilisée, ce que M. le rapporteur général appelle « la tyrannie de l’urgence », qui est souvent mauvaise conseillère, le fonds stratégique d’investissement et, pour conclure, j’évoquerai quelques dossiers locaux qui me tiennent à cœur.

Je commencerai par la méthode. Quel rôle allez-vous laisser aux élus dans la mise en musique de votre plan de relance ? Quels sont les critères de distribution des fonds destinés aux actions de soutien de l’économie ? Comment éviterez-vous l’arbitraire et le favoritisme ? Allez-vous appliquer le principe du « premier arrivé, premier servi » ou la politique « du projet contre projet » ?

Telles sont les questions que se posent nos élus, dont certains ont déjà rendu dans l’urgence leur copie aux préfets : il s’agit des plus initiés d’entre eux, à savoir les communautés d’agglomération et les communautés urbaines, et tant pis pour les autres !

Vous qui avez chapeauté, dans une autre vie, des assises des libertés locales, aussi glorieuses que le Grenelle qui n’avait pas encore fait son grand retour vintage, comment allez-vous expliquer ce plan aux collectivités territoriales ? De quelle somme disposeront-elles ? D’ailleurs, que reste-t-il à l’heure où nous débattons ?

Puisque nous en sommes aux questions de méthode et de gouvernance dans le cadre à la fois d’un projet de loi de finances rectificative et d’un texte de relance de l’économie, ne pourrait-on à cette occasion revoir plus attentivement la mission « Engagements financiers de l’État » ?

Cette mission, dont le budget est astronomique avec plus de 150 milliards d’euros, a été examinée en dix minutes à deux heures du matin voilà quelques semaines. Pourquoi ne pas présenter ce budget dans le cadre d’un compte consolidé des engagements de l’État, ce qui nous donnerait une idée plus précise des dépenses faites, de leurs conditions d’attribution et des résultats obtenus ? Malheureusement, je n’ai pas l’occasion de pouvoir reparler de l’industrie navale, qui est un bel exemple de pilotage économique sans GPS !

Venons-en maintenant à des points plus précis tels que le fonds stratégique d’investissement.

Je suis partisane depuis longtemps de la création d’un fonds stratégique en France. En mars 2008, j’ai rencontré les membres du cabinet du Président de la République et ceux du ministre de l’économie. Les premiers étaient intéressés ; les seconds ont été polis et totalement hermétiques, m’expliquant qu’un tel fonds était totalement inenvisageable. Finalement, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !

Le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, Joaquín Almunia, et le ministre des finances du Luxembourg devant qui j’ai tenu ce discours lors d’une conférence sont les témoins honorables de ces propositions, qui ont d’ailleurs été largement publiées depuis janvier 2008.

Le fonds stratégique d’investissement a donc, vous le comprendrez, toute ma sympathie.

En revanche, je ne partage pas du tout la vision de M. le rapporteur général et encore moins les principes fondateurs de ce fonds. Pourquoi ne pas avoir associé le Parlement à sa constitution ? Pourquoi faire toujours les choses dans l’urgence et en catimini sans un plan d’ensemble lisible et transparent ?

J’aurais préféré un outil neuf doté d’une gouvernance transparente plutôt que la Caisse des dépôts et consignations. Ce fonds aurait pu fonctionner un peu comme celui de nos amis norvégiens, ce que j’appelle un fonds « Neutrogena », transparent et sans odeur, comme c’est d’ailleurs le propre de l’argent !

Quel mal y aurait-il à faire approuver des investissements importants par le Parlement ?

Votre plan de relance doit réussir, monsieur le ministre : il y va de l’avenir de la France et de nos territoires, en particulier des territoires fragiles, tel celui dont je suis l’élue. Mais ne sommes-nous d’ailleurs pas tous dans ce cas ? Nos territoires ont froid et vont avoir besoin de couvertures… Ainsi, le département de l’Orne, que j’ai l’honneur de représenter, est frappé de plein fouet non seulement par le sinistre Moulinex mais aussi par la crise de la sous-traitance automobile dans le bassin de Flers, qui est le troisième bassin d’emploi de Basse-Normandie.

Sans désenclavement et sans sécurité des transports, on ne peut pas espérer une quelconque relance économique. J’ai tenté de déposer un amendement, mais ce dernier a été retoqué au titre de l’article 40 de la Constitution. N’étant pas une femme de renoncement, je vais m’efforcer, confortée par la présence de mon collègue représentant de l’Eure et de M. René Garrec, de vous démontrer la nécessité de la modernisation de la ligne Paris-Grandville.

Cette ligne, essentielle au désenclavement de la région, est totalement archaïque. Je pourrais vous citer les retards systématiques, les passages non électrifiés, les voies uniques, les locomotives qui patinent sur les feuilles mortes, les trains qui oublient des arrêts (Rires.) – vous riez, mes chers collègues, mais cela se passe bien ainsi ! –,…

M. Jean-Pierre Sueur. Nous vous croyons ! Nous compatissons !

Mme Nathalie Goulet. …les usagers exaspérés et les élus impuissants. (Oh ! sur plusieurs travées.)

M. Yvon Collin. C’est ce qui est le plus terrible !

Mme Nathalie Goulet. Le président de la SNCF, Guillaume Pepy, fait des promesses mais rien ne se passe, à tel point que le président de la région, Laurent Beauvais, vient de décider de suspendre ses subventions à la SNCF jusqu’à ce que les retards systématiques et les dysfonctionnements diminuent. Cette mesure a reçu l’accord et le soutien du syndicat des cheminots CGT.

Monsieur le ministre, je vous demande d’inscrire la modernisation de cette ligne en tête des priorités du plan de relance et des travaux d’infrastructure.

Cette modernisation mettra Verneuil, dans l’Eure, et L’Aigle, dans l’Orne, à une heure trente de Paris, assurant ainsi leur développement économique, ce qui constitue une garantie pour leurs populations. Elle rendra les efforts des élus du Bassin d’Argentan et ceux du Bassin de Flers plus pérennes. Elle est indispensable pour cette région fragile !

Il convient donc, monsieur le ministre, d’organiser d’urgence une réunion et de voir dans quelle mesure votre plan de restructuration peut aider à la modernisation de cette ligne Paris-Grandville.

L’autre point qui me préoccupe – j’aurais aimé être soutenue par mes collègues élus de la Mayenne –,…

M. Jean-Pierre Sueur. Ils sont dans le train ! (Rires.)

M. Yvon Collin. Ils sont sur une voie de garage !

Mme Nathalie Goulet. …c’est le désenclavement du bocage normand, c’est-à-dire la RN 12, promis depuis 1992 par les préfets Masseron, Tomasini, Debacq, ainsi que par les ministres Bosson, Perben et Bussereau.

En effet, M. Bussereau m’a promis, le 16 mai dernier, en répondant à une question d’actualité au Gouvernement, de verser 55 millions d’euros pour ce bout de route nationale 12 ! Il se trouve que, dans l’intervalle, il y a renoncé.

M. René Garrec. Il a changé de ministère !

Mme Nathalie Goulet. Mais, 55 millions d’euros pour un plan de restructuration d’une route, …

M. Jean-Pierre Sueur. …ce n’est pas cher !

Mme Nathalie Goulet. Absolument ! À cet égard, je vous renvoie, monsieur le ministre, à un débat très intéressant que nous avons eu ici, au cours d’une nuit torride avec le ministre Éric Woerth et Mme Gourault ! (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)

C’est le prix de l’uniformisation du taux de TVA sur le déneigement des routes communales et départementales ! Autrement dit, cela représente « une paille » pour le budget de l’État et le déficit budgétaire, en contrepartie d’une garantie de désenclavement à la fois vers la Mayenne et vers le Mont-Saint-Michel, où nous pourrons dès lors tous nous rendre pour prier au succès de votre plan de relance, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Pour que le plan de relance fonctionne, monsieur le ministre, il faut réaliser une sorte d’union nationale autour de vous, qui ne sera possible que si votre action est transparente et non partisane.

Associez vraiment les élus, et pas seulement dans des colloques « vaseux » qui ne flattent que ceux qui s’expriment à la tribune. Oubliez les réformettes politico-médiatiques qui cassent les outils opérationnels et démobilisent les acteurs. Sollicitez les élus, et pas seulement les administrations et les services publics, pour peu qu’ils existent encore.

Les élus ont souvent le tort, monsieur le ministre, d’avoir raison trop tôt ! Le Président de la République veut donner plus de pouvoirs au Parlement, c’est du moins ce qu’il dit : il est vraiment temps de joindre le geste à la parole ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce plan de relance de l’économie, avec 26 milliards d’euros de dépenses nouvelles, aggrave le déficit de 1,4 % du PIB. Avant d’entrer dans le détail de ce plan, il convient de s’interroger sur son impact sur le budget de 2009 que le Gouvernement va nous présenter dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009.

Or, les prévisions sont inquiétantes, avec un déficit budgétaire initialement fixé à 79 milliards d’euros, mais qui sera certainement plus important.

Il serait indispensable de nous indiquer dès maintenant quelle sera la charge de la dette en 2009 et surtout en 2010, compte tenu des déficits prévus. Elle devrait se rapprocher en 2010 de la totalité des recettes fiscales de l’impôt sur le revenu, soit près de 60 milliards d’euros.

Ainsi, avec cette politique, les recettes fiscales diminuent chaque année à cause de la charge de la dette, et les dépenses augmentent. Que peut-on faire, sinon continuer à emprunter, mais jusqu’où ? Faute de disposer dans le budget d’une capacité de remboursement et donc de diminution de la dette, la charge de cette dernière continue à augmenter.

La dette continuera à augmenter tant que l’on ne sera pas revenu à l’équilibre budgétaire, qui devrait être l’objectif premier. Celui-ci risque pourtant d’être reporté, car je ne vois dans les budgets aucune possibilité d’économie.

Revenons à l’emploi des 26 milliards d’euros du plan de relance. Bien que celui-ci soit destiné à relancer les investissements,…

M. Charles Revet. C’est une très bonne chose !

M. Serge Dassault. …je trouve que les entreprises privées – les PME et les TPE – sont singulièrement oubliées, au profit des entreprises publiques. Pourquoi ne contribue-t-on pas aussi au financement des entreprises privées, qui sont celles qui créent le plus d’emplois et facilitent le plus la relance ?

Malgré les promesses maintes fois réaffirmées de donner dans ce plan de relance la priorité aux investissements, on note encore des soutiens à l’emploi et aux revenus des ménages, dépenses de fonctionnement qui vont nécessiter des emprunts non pas d’investissements mais de fonctionnement, aggravant encore un peu plus le déficit.

Or, ce sont les investissements dans les entreprises publiques et privées qui créent les emplois et la croissance, et non les aides à l’emploi ou les dépenses des ménages, qui ne servent qu’à acheter des produits chinois !

Le Premier ministre a déclaré hier encore, à l’occasion des États généraux de l’automobile, que les emprunts devaient concerner des investissements et non des aides diverses destinées aux ménages, qui aggravent notre déficit budgétaire sans offrir de possibilités de remboursement.

Ces aides à l’emploi, que je combats sans succès depuis longtemps, sont très graves, car elles sont récurrentes. Elles devraient être limitées dans le temps : six mois, un an, deux ans… Or, jusqu’à présent, ces aides, quelles qu’elles soient, ont été attribuées sans limites, qu’il s’agisse des 35 heures, des allégements fiscaux, de la sécurité sociale, et cela continue !

C’est grave parce que, chaque année, on repart avec un budget qui est déjà en déficit. Les aides aggravent la dette et les charges de la dette chaque année sans que l’on veuille les réduire. Alors, essayons au moins de ne pas les augmenter, car ce n’est pas une bonne façon de gérer nos finances publiques !

Concernant les 11,6 milliards d’euros débloqués pour le soutien à la trésorerie des entreprises, il s’agit pour les entreprises de remboursements au titre de créances détenues sur l’État et non de nouvelles capacités d’investissements. Ce ne sont donc pas des crédits d’investissements.

Ces établissements auraient de toute façon reçu ces sommes dans le cadre de l’exécution du budget 2009, voire un peu plus tard. Améliorer la gestion de trésorerie des entreprises est une bonne chose, mais ce n’est pas de l’argent supplémentaire, sans oublier que l’élément fondamental pour elles serait de pouvoir disposer de crédits que les banques leur refusent.

Au moment où les banques accordent de moins en moins de crédits aux entreprises pour investir, l’État peut le faire. Utilisons au moins ces crédits pour des investissements, qui sont les seules sources capables de remettre nos entreprises sur la voie de la croissance et de l’emploi, et non pour le fonctionnement. Ce plan de relance, destiné à la croissance, doit permettre aux entreprises d’investir et d’embaucher.

À propos des 10,5 milliards d’euros d’investissements publics prévus dans le plan de relance, 4 milliards d’euros sont destinés aux entreprises publiques. Pourquoi ne pas en affecter une partie aux entreprises privées qui cherchent à améliorer leurs installations, à moderniser leur outillage, à réaliser des produits nouveaux qui leur permettront d’embaucher et donc de participer à la croissance ?

Si le Gouvernement pouvait ne pas se limiter aux entreprises publiques et inclure les entreprises privées dans les investissements, ce serait une excellente chose.

Quant aux 700 millions d’euros prévus pour le soutien à l’emploi et aux revenus des ménages, on continue malheureusement la politique peu efficace d’aide à l’emploi à laquelle je m’oppose depuis longtemps sans succès.

Il serait d'ailleurs instructif de connaître le nombre d’emplois effectivement créés par ces aides à l’emploi, car celles-ci aggravent la dette par des emprunts de fonctionnement, dont je viens de souligner les méfaits.

Comme le Gouvernement continue à penser que l’aide à l’emploi pour les TPE est efficace, je propose d’affecter la totalité des 700 millions d’euros aux investissements des entreprises privées, et non plus aux aides à l’emploi.

Aujourd'hui, les entreprises doivent avoir la possibilité d’investir pour améliorer leurs moyens d’action, mais elles n’ont pas du tout envie d’embaucher, je peux vous le garantir ! Actuellement, personne n’embauche. Ce n’est donc pas parce qu’on proposera aux entreprises 100 euros ou 200 euros mensuels d’aides qu’elles vont se précipiter pour embaucher. Elles n’ont pas suffisamment de travail, elles ne peuvent pas développer leurs activités, et elles ont plutôt tendance, hélas ! à licencier. Comme elles ne peuvent pas investir, elles ne peuvent pas non plus se développer. Elles ont ainsi moins de capacités de production, donc moins de travail à offrir.

Par conséquent – et cela a été évoqué tant par M. le Premier ministre que par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, ou par vous-même, monsieur le ministre –, la clé du problème réside dans l’investissement. Il faut que le plan de relance soit fondé sur l’investissement, et non sur les dépenses de fonctionnement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Serge Dassault. Dans ces conditions, nous pourrons avancer.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur le plan de relance, au demeurant très utile, même s’il faudrait sans doute quelque peu l’infléchir pour qu’il soit plus adapté à la situation et plus efficace en termes de créations d’emplois.

Quoi qu’il en soit, je vous garantis que les entreprises n’embauchent pas et que le chômage va malheureusement encore augmenter. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2008 restera celle où notre pays est entré dans une crise mondiale et financière de très grande ampleur, probablement sans précédent.

Dans ces conditions, l’année 2009 qui commence s’annonce particulièrement redoutable pour notre économie, pour les Français bien sûr, mais également pour les collectivités territoriales, qui sont en première ligne face à la crise et à ses conséquences.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 2009 sera une année perdue pour notre économie, puisque qu’elle sera l’année de la pire récession depuis 1945, renvoyant 1993 au rayon des accidents de parcours ! En effet, les prévisions actuelles, dont on peut craindre qu’elles ne soient optimistes, tablent sur une récession de 1,8 % en 2009 pour notre pays, soit le double de celle de 1993.

Parce que la crise n’attend pas, parce que ses effets se font ressentir sur le niveau de notre activité, parce que sa violence sociale agit chaque jour sur les ménages les plus modestes, il y a urgence à agir ! Aucune solution ne doit être rejetée a priori. Tout ce qui peut être envisagé doit être mis en place. Il faut aller vite, et faire beaucoup !

Dans ces conditions, le plan de relance a surtout le mérite d’exister et d’être là. C’est sans doute son principal atout. Et c’est probablement aussi la principale raison pour ne pas s’y opposer. En effet, il est très difficile pour des parlementaires responsables et parfaitement conscients de la situation et de son urgence de s’y opposer.

Toutefois, comme il n’est pas dans les habitudes des membres de mon groupe de céder au biais d’une lecture partisane et doctrinale, il convient de relever les mérites de ce plan, mais également d’en souligner les insuffisances et les lacunes bien réelles. On ne peut que regretter son caractère inachevé et en demi-teinte. Il est certain que vous pouviez, et que vous deviez, faire mieux ! La plupart des amendements déposés par les sénateurs vous y inviteront, monsieur le ministre.

Le plan de relance qui nous est proposé s’élève à 26 milliards d’euros, ce qui correspond à quelque 1,3 % de notre PIB, quand l’Union européenne a demandé un effort de 1,2 % à chacun de ses États-membres. Comme souvent quand il s’agit d’Europe, notre zèle est très limité. Par conséquent, notre effort budgétaire pour ce plan de relance l’est tout autant. Seuls les tenants d’une certaine orthodoxie budgétaire s’en féliciteront, mais à quel prix, ou plutôt à quel coût pour notre économie et nos emplois, mes chers collègues !

Aussi, on ne peut bien évidemment que regretter un réel manque d’ambition, surtout quand on voit nos voisins allemands débloquer 50 milliards d’euros. Et je ne parle même pas du plan annoncé outre-Atlantique par le président Barack Obama, qui s’élèvera, lui, à plus de 800 milliards de dollars !

De plus, le plan de relance qui nous est proposé est exclusivement un plan de relance par l’investissement. Et il est d’ailleurs assumé comme tel par le Président de la République. Là encore, je crains que vous ne fassiez les choses à moitié, monsieur le ministre. Il manque à ce plan un second volet, celui d’une relance par la demande et par la consommation.

Bien entendu, l’investissement apportera une réponse indispensable et attendue à de réelles difficultés rencontrées par les entreprises, notamment par les plus petites d’entre elles. Et je ne doute pas que la plupart des mesures contenues dans ce plan renforceront notre compétitivité, qui en a bien besoin.

Mais pourquoi privilégier le seul investissement au détriment de la consommation ? Pourquoi les opposer ? Pourquoi ne pas les associer et les utiliser de manière complémentaire comme deux leviers majeurs sur le chemin du retour vers la croissance ? Je ne partage pas la vision contenue dans ce plan de relance selon laquelle un euro d’investissement public aurait un plus grand effet d’entraînement sur la croissance qu’un euro d’aide à la consommation.

Selon un rapport rédigé par notre excellent collègue Bernard Angels au nom de la délégation du Sénat pour la planification – je fais partie de cette instance, qui est présidée avec brio par notre collègue Joël Bourdin –, dans le contexte actuel, celui d’un véritable choc de demande, l’effet d’une relance directe par la consommation est plus efficace.

Nous savons combien la demande commande l’investissement privé, selon le principe de l’accélérateur. Selon ce même principe, on peut craindre un effondrement de l’investissement à cause de perspectives de demandes dégradées.

Certains objectent qu’une relance de la consommation profiterait d’abord à nos partenaires commerciaux. La réalité est beaucoup plus complexe. Il convient de relativiser la déperdition de la relance nationale au profit des pays fabriquant des produits importés en France. Comme vous le savez, monsieur le ministre, ce phénomène est largement compensé par nos exportations, à plus forte raison dans un contexte mondial de relance, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous profiterons donc des plans de relance massifs de certains de nos voisins européens, dont plusieurs prévoient justement le fameux volet « consommation » qui nous fait défaut.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Yvon Collin. Au-delà des raisonnements macro-économiques, qui peut aujourd'hui réellement penser qu’une politique d’aide à la consommation pour les ménages les plus modestes profiterait d’abord à l’épargne ? Ou encore que ces mêmes ménages s’empresseraient, dans le contexte actuel, d’acheter des écrans plats de fabrication chinoise ?

Non ! Une aide à la consommation pour les plus modestes, et même pour les classes moyennes, servirait, me semble-t-il, directement à l’achat de biens de première nécessité, soutenant ainsi un pouvoir d’achat fortement dégradé depuis maintenant deux ans !

Mme Nicole Bricq. Bien sûr !

M. Yvon Collin. L’autre lacune de ce plan de relance est sa limitation dans le temps pour l’essentiel de ses mesures, qui sont – il faut le reconnaître – des mesures de bon sens.

Je pense, par exemple, à la simplification et à l’assouplissement de certaines procédures pour les entreprises. Je pense également aux contrats de partenariat pour les sites classés et pour l’urbanisme. Mais, monsieur le ministre, certaines de ces mesures ne suffiront pas à soutenir en profondeur une relance digne de ce nom. Par conséquent, je pense que d’autres plans de relance devront être envisagés d’ici à 2010.

Pourquoi se priver d’un grand plan de relance par l’investissement public, aux effets immédiats et aux conséquences sur le long terme ? Encore une fois, pourquoi se priver d’une plus grande marge de manœuvre ?

De la même manière, il faudrait accélérer les quelques mesures soutenant les investissements publics, qui, elles, ne créeront pas d’effets avant deux ou trois ans, au mieux.

Monsieur le ministre, à la lecture de votre plan, il ne semble pas que vous ayez pris la mesure de l’ampleur et de la durée de la crise qui nous frappe !

À crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Or votre plan de relance est trop timide. Il est évidemment nécessaire, mais il n’est pas suffisant. Il lui manque donc la dimension exceptionnelle que nécessitent l’appréciation et la dimension de la crise.

C’est pourquoi les sénateurs membres de mon groupe attendent beaucoup de la discussion des articles et de l’examen des amendements. Il est encore possible d’améliorer et de renforcer le plan de relance et d’y introduire peut-être des mesures en faveur d’une relance par la consommation.

En résumé, nous ne doutons pas que la Haute Assemblée aura à cœur de donner à ce plan plus de souffle et d’ambition, d’y apporter sa plus-value, comme ce fut le cas sur de nombreux textes. Nous avons ainsi pu nous en rendre compte la semaine dernière à propos du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Compte tenu de la situation dans laquelle se trouve notre économie, et alors que nous mesurons davantage chaque jour les effets dévastateurs d’une crise qu’il sera difficile d’enrayer à court terme, voire à moyen terme, les sénateurs du groupe du RDSE, en responsabilité et dans leur grande majorité, ne souhaitent pas s’opposer à l’adoption de ce plan de relance, qui, malgré ses nombreuses insuffisances, constitue malgré tout un premier pas et va, de notre point de vue, dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cet instant de la discussion générale, beaucoup d’éléments ont déjà été soulignés. Vous me pardonnerez donc un certain nombre de répétitions.

Mais, et cela permettra au moins de le montrer, l’ensemble des sénateurs font bien souvent le même constat : notre pays est plongé dans l’une des plus graves crises économiques et sociales de son histoire, en tout état de cause la plus grave depuis la dernière guerre mondiale.

J’ai relu avec attention les différents commentaires ou analyses sur le sujet datant de l’été dernier. J’ai constaté, à ma grande surprise, que M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique annonçait à l’époque un déficit budgétaire de l’ordre de 2,5 % du PIB pour 2009, et qu’il déclarait même espérer le ramener à 2 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La crise mondiale est passée par là depuis !

M. François Rebsamen. J’entends bien, mon cher collègue. Mais cela prouve au moins qu’il n’avait pris la mesure des événements en préparation.

Pourtant, nous étions déjà confrontés à une crise économique. Certes, la crise financière a emporté tout cela. Mais, d’un point de vue budgétaire, notre pays a du mal à faire face à la terrible récession qui frappe nos entreprises et nos concitoyens et qui va occasionner une cohorte de plans sociaux et de chômeurs supplémentaires.

Vous me permettrez de rappeler que, qu’il s’agisse du budget de l’État, des comptes sociaux ou du commerce extérieur, les déficits explosaient déjà avant l’éclatement de cette crise financière. De tels résultats – je le dis très sereinement – traduisaient l’échec des choix économiques effectués par le Président de la République et le Gouvernement. Je pense notamment au fameux paquet fiscal de 15 milliards d’euros, qui était tourné essentiellement vers les plus aisés de nos concitoyens

Depuis, le chômage bondit et les plans sociaux se succèdent. Ainsi, dans ma propre ville – je suppose que vous êtes tous au courant, et j’ai tenté de sensibiliser ceux qui ne l’étaient pas à travers une carte de vœux –, le groupe Unilever, qui a réalisé plus de 4 milliards d’euros de bénéfices pendant les trois premiers trimestres de l’année 2008, a annoncé un plan de près de 300 licenciements chez Amora-Maille, alors même que les bénéfices sont au rendez-vous !

Par conséquent, et nous le voyons bien, il y a à la fois une véritable crise, profonde, et des effets d’aubaine dont profitent certaines grandes entreprises, voire multinationales.

À la lecture de l’article 2 du projet de loi de finances rectificative pour 2009, que nous examinons actuellement, le déficit budgétaire prévisionnel s’élèverait à près de 79 milliards d’euros. Hier, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a réajusté cette prévision à 86 milliards d’euros, sur une hypothèse de croissance positive comprise entre 0,2 % et 0,5 %. Nous aimerions que cette estimation soit juste, mais tous les économistes savent qu’un tel objectif de croissance n’est pas tenable. Il est donc à craindre que, à la fin de 2009, le déficit n’atteigne 100 milliards d’euros et la dette 70 % du PIB.

Compte tenu de ces éléments, j’ai examiné avec nos collègues ce plan destiné à soutenir notre économie, que vous avez chiffré à hauteur de 26 milliards d’euros. Le rapporteur général l’estime d’ailleurs plutôt à environ 23 milliards d’euros, mais là n’est pas l’essentiel.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne change pas les ordres de grandeur !

M. François Rebsamen. C’est bien ce que je disais ; merci de ce complément que j’apportais moi-même ! Ce n’est pas là un sujet de débat. Il ne s’agit pas non plus, comme Mme Bricq l’a rappelé tout à l'heure, d’une course aux annonces chiffrées !

Nous souhaitons vous soumettre des éléments de réflexion portant sur trois points.

Tout d’abord, ce plan contient des mesures insuffisantes en matière de soutien à l’investissement.

Ensuite, plus curieux, je note une erreur de méthode.

Enfin, on peut le dire sans se faire immédiatement taxer de vouloir grever le déficit du commerce extérieur, il convient de souligner l’oubli de mesures de soutien en faveur des Françaises et des Français les plus défavorisés, sachant que 7 millions de personnes qui vivent aujourd'hui à la limite voire au-dessous du seuil de pauvreté dans notre pays, seront les plus touchés par la crise.

Tout d’abord, s’agissant de l’insuffisance des mesures de soutien à l’investissement, l’effort de l’ordre de 4 milliards d’euros que vous nous proposez, monsieur le ministre, ne prend pas assez en compte la dimension du développement durable, alors même qu’interviendra prochainement au Sénat l’examen du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Il aurait été utile de lier la volonté d’accélérer la construction de logements à l’efficacité énergétique et à la lutte contre les effets de serre. Une approche plus intégrée permettrait de lancer une nouvelle économie de la production dont notre pays a bien besoin.

D’une manière plus générale, nous pourrions convenir que la priorité doit être donnée aux efforts d’investissements ayant un effet social fort et un impact économique immédiat ou, en tout cas, dans l’année qui suit, en particulier lorsqu’il s’agit d’investissements pour le logement social ou de ceux des collectivités locales.

Je prendrai quelques exemples dans le domaine du logement.

Le projet de loi de finances initiale pour 2009, tout en affirmant la priorité du Gouvernement en faveur du logement, réduisait en réalité les crédits affectés à ce secteur de plus de 6 %.

Avec l’évolution de la crise qui frappe l’ensemble de notre économie, le Gouvernement redécouvre, et c’est tant mieux, les vertus du logement, facteur de développement de l’activité et de l’emploi, car ceux-ci ne sont pas délocalisables.

Le renforcement de la construction doit avoir pour objectif non pas seulement de répondre aux risques d’asphyxie de la branche économique du bâtiment, mais de mettre à la disposition de nombre de nos concitoyens les nouveaux logements qui leur font cruellement défaut. Tel doit être le double objet de ce plan.

Ce plan aurait pu développer une nouvelle méthode, disais-je, en s’appuyant directement sur les attentes et les besoins des collectivités locales, mais aussi des bailleurs sociaux en ce qui concerne le logement social.

Au lieu de construire un plan descendant, qui part du national, il me paraît nécessaire d’adopter une démarche ascendante qui se fonde sur des projets existants ayant une application concrète, faute de quoi le plan se heurtera à la réalité du terrain.

Par exemple, le présent projet de loi de finances rectificative prévoit le financement de 15 000 prêts locatifs à usage social, PLUS, et prêt locatifs aidés d'intégration, PLAI, supplémentaires. Or la loi de finances pour 2009 avait ramené le nombre des PLUS-PLAI à 78 000, contre 100 000 initialement. Si le financement de ces dispositifs par le biais du présent collectif se révèle plus favorable, l’effet de levier ne se fera sentir que lorsque le volume de production initiale de 78 000 logements sera atteint.

Par conséquent, la priorité à la production, telle qu’elle est affichée, est remise en cause.

En outre, ni la loi de finances pour 2009 ni le projet de loi de finances rectificative pour 2009 n’abordent l’objectif de rénovation énergétique du parc locatif social, qui constitue cependant un enjeu essentiel au regard des préoccupations tant environnementales que sociales de ce secteur.

Dans ce domaine, la loi de finances prévoit que le parc privé pourra bénéficier d’un éco-prêt à taux zéro à hauteur de 30 000 euros. C’est une mesure très favorable, mais qu’en est-il du parc locatif social qui accueille principalement les ménages les plus modestes ? Je vous soumets ce sujet de réflexion.

Ensuite, j’en viens à l’erreur sur la méthode. Vous avez appelé les élus à jouer un rôle capital dans la mise en œuvre de ces projets, et c’est normal. Notre collègue Edmond Hervé est longuement intervenu à ce sujet.

Il est déjà oublié le temps pas si lointain où le Gouvernement pointait du doigt les collectivités locales, les accusant d’être trop dépensières et responsables en partie de l’endettement public.

Pourtant, chacun sait que l’endettement des collectivités locales est tourné uniquement vers l’investissement : ces dernières assurent aujourd’hui près de 75 % de l’investissement public dans notre pays !

Si vous voulez qu’elles prennent toute leur place, monsieur le ministre, il faut, d’une part, les associer à ces projets en amont et non a posteriori et, d’autre part, cesser de les déstabiliser en permanence, car elles ont besoin, tout comme les entreprises, de visibilité, de lisibilité pour investir.

Mais elles n’ont pas été associées par les services que vous avez mis en place, vous appuyant sur ceux du préfet, à l’élaboration de ce plan, dont elles sont pourtant les premiers acteurs puisqu’elles savent avec précision quels projets d’investissement peuvent être réellement accompagnés, soutenus et lancés rapidement.

C’est pourquoi je vous propose de réunir dès ce début d’année 2009 des conférences territoriales avec l’ensemble des grandes collectivités qui investissent dans chaque région.

Une grande incertitude pèse sur les collectivités locales quant à leur avenir, leur architecture, leurs finances, et ce manque de lisibilité les empêche d’avancer, malgré toute leur bonne volonté.

Pourtant, il vous faudra bien leur faire confiance si vous voulez que les mesures que vous présentez en matière d’investissement aient un impact.

Évitez de créer des mécanismes trop complexes, qualifiés d’ « usines à gaz » par Nicole Bricq.

Il aurait été plus simple, plus efficace et plus rapide de miser sur la confiance en augmentant les dotations de l’État aux collectivités locales pour permettre à ces dernières de réaliser des investissements gelés ou de nouveaux investissements, et de contrôler a posteriori l’utilisation du surcroît de dotations.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. François Rebsamen. Mais, visiblement, la confiance n’est pas là, monsieur le ministre. Pourtant, si vous proposez aux collectivités locales un vrai pacte de relance avec l’État, elles répondront présent.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. François Rebsamen. Enfin, dire que le soutien à la consommation est le troisième pilier indispensable d’un plan de relance ne doit pas prêter à moquerie.

Nos concitoyens, en particulier les ménages à revenus modestes, vivent difficilement la crise actuelle. Cessons de prétendre qu’en leur distribuant du pouvoir d’achat, on creuse le déficit du commerce extérieur en favorisant l’achat d’écrans plats !

Mme Nicole Bricq. C’est scandaleux !

M. François Rebsamen. Ne pointons pas systématiquement du doigt des mesures permettant en réalité l’accession à des produits de première nécessité.

D’ailleurs, les primes à la casse versées pour l’achat d’une voiture neuve étrangère creusent-elles moins le déficit du commerce extérieur ? J’ai cru comprendre à un moment que vous-même, avant d’occuper vos fonctions actuelles, aviez quelques doutes sur l’efficacité d’une telle mesure !

Je prendrai un dernier exemple, monsieur le ministre, qui montre qu’il n’est parfois pas inutile de savoir faire machine arrière. Ainsi, n’est-il pas absurde de dépenser 4 à 5 milliards d’euros pour défiscaliser des heures supplémentaires alors qu’elles suppriment des emplois ?

Mme Nicole Bricq. C’est une absurdité !

M. Daniel Raoul. C’est absurde !

M. François Rebsamen. Selon une étude de l’INSEE, cette mesure a conduit à la suppression ou à la non-création de 16 000 à 60 000 emplois. Il est temps de la revoir.

On devrait plutôt prendre les mesures réclamées, par exemple, par les constructeurs automobiles et leurs sous-traitants, touchés par la crise, qui regrettent de ne pas avoir en France le mécanisme de la Casa integrazione guadani, ou CIG, permettant d’apporter un soutien aux mesures de chômage partiel ou technique qu’ils sont obligés de prendre, avec le maintien du salaire et la dispense de formations en période économique particulièrement difficile.

M. François Rebsamen. Ce projet me semble quelque peu déconnecté de la vie réelle de nos concitoyens, parce qu’il passe à côté de la relance par la consommation, le pouvoir d’achat et la création d’emplois.

Trop modeste, je le crains, pour stimuler la demande et trop peu ambitieux pour relancer l’investissement, il fait le pari risqué d’une récession courte. Sans doute nous reverrons-nous très prochainement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise financière, devenue une crise économique, oblige le Gouvernement et le Parlement à s’affranchir quelque peu des règles valables en période de croissance pour éviter de tomber dans une récession durable et pour limiter l’aggravation du chômage.

Les deux présents projets de loi, en discussion commune, vont dans ce sens et je les approuve, en souhaitant que, compte tenu de la difficulté dans laquelle nous sommes, une très large majorité les vote, sous la réserve de quelques amendements.

À ce point du débat, je ne reviendrai pas sur les différentes mesures qui nous sont proposées.

Il s’agit, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009, de consacrer une somme importante – 26 milliards d’euros – pour faciliter le redémarrage de l’activité et, dans le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, de faire sauter quelques-uns – je dis bien « quelques-uns » – des verrous qui gênent les investisseurs publics et privés, …

M. Charles Revet. Il y a beaucoup de verrous !

M. Jean-Pierre Fourcade. …afin de développer nos investissements.

Je n’entrerai pas dans le débat sur le pouvoir d’achat, la stimulation de la consommation et le développement des investissements.

Ceux qui regardent et jugent l’économie française de l’extérieur, depuis la Commission européenne, les États-Unis ou d’autres pays, et observent notre déficit budgétaire dépassant 85 milliards d’euros et nos comptes sociaux en déséquilibre, donc une prévision de déficit global à hauteur de 100 milliards d’euros à la fin de 2009, ne se posent pas la question de la relance par la consommation dans notre pays, car cela participerait de la gageure !

M. Charles Revet. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, plutôt que de ressasser tout ce qui a été dit, je souhaite vous faire part de deux inquiétudes et, partant, de deux propositions.

En premier lieu, et je rejoins les propos tenus par mon ami Serge Dassault, l’investissement des entreprises privées ne me paraît pas suffisamment encouragé dans les deux textes.

Même si l’on essaie d’améliorer le partenariat public-privé, que l’on prévoit la suspension de la taxe professionnelle – sa mort est d’ailleurs annoncée –, le remboursement anticipé des dettes de l’État, ainsi que des garanties d’emprunt, il n’en demeure pas moins que l’action menée en faveur du logement, de la construction automobile et des PME ne s’attaque pas suffisamment aux deux défis auxquels sont confrontées toutes nos entreprises.

Premier défi, depuis quelques années, notre part de marché sur le plan mondial en matière d’exportations a reculé : le déficit du commerce extérieur apparaît donc comme l’un des problèmes de notre pays, le déficit budgétaire en étant un autre.

Second défi, tout le monde l’a bien compris, nous sommes obligés de prendre un chemin différent vers le développement durable, en essayant de mieux réfléchir à nos problèmes énergétiques, de biodiversité et à l’ensemble de notre vie sociale.

Je suis frappé par le fait que, aujourd'hui, la France ne dispose pas d’une capacité de production suffisante pour répondre aux objectifs du développement durable adoptés par l’Assemblée nationale dans le cadre du Grenelle de l’environnement – le Sénat examinera ce texte dans quelques semaines –, à savoir la lutte contre les changements climatiques et le surcoût de l’énergie.

Si nous voulons appliquer un certain nombre de prescriptions du Grenelle de l’environnement, nous sommes obligés d’importer, car nous n’avons pas de capacité de fabrication sur place. (M. François Rebsamen s’exclame.)

C’est pourquoi je souhaite que l’on ajoute à la gamme des mesures déjà prises une réduction drastique des rythmes d’amortissement pour les investissements qui sont directement liés aux dispositifs du Grenelle de l’environnement.

J’irai jusqu’à prévoir un amortissement en deux ans, sur 2009 et 2010, de manière à permettre la création, en France, de capacités de production, le tout associé aux garanties d’emprunt considérables que nous avons votées. Ce serait intéressant pour l’avenir, et cela nous permettrait de faire face en 2011 et en 2012 à une compétition internationale. Nous pourrions peut-être également associer à cette mesure des actions spécifiques du fonds d’investissement stratégique. Cela nous donnerait, en sortie de crise, des capacités de production en cellules photovoltaïques, en panneaux thermiques, en systèmes de chauffage air-air ou solaire, en système d’échangeurs de chaleur, en géothermie, etc. De la sorte, nous disposerions du matériel nécessaire pour faire face, à partir des années 2012-2013, aux problèmes auxquels nous serons confrontés en matière d’environnement.

Cette mesure fiscale pourrait être prise soit dans le cadre de l’examen de ce texte, soit lors de la discussion d’un texte ultérieur.

En publiant une liste des investissements pouvant donner lieu à une réduction des rythmes d’amortissement, nous donnerions un signal aux entreprises privées et nous nous orienterons vers un secteur et des spécifications utiles à la sortie de crise.

Ma deuxième préoccupation tient évidemment au financement de notre dette.

M. Woerth nous a annoncé tout à l’heure que le déficit s’élevait à plus de 85 milliards d’euros, ce qui signifie que la somme que nous allons être obligés d’emprunter sur le marché national ou international en 2009 sera proche de 200 milliards d’euros : 145 milliards d’euros pour amortir la dette à moyen et à long terme et 55 milliards d’euros pour faire face au financement du déficit. Mes chiffres sont un peu approximatifs, mais l’ordre de grandeur est exact.

Les derniers résultats que nous avons constatés en ce qui concerne le placement des obligations du Trésor sur le marché international sont un peu inquiétants.

D’abord, l’offre de capitaux a beaucoup décru. Ainsi, pour une émission de 2 à 3 milliards d’euros, nous avons actuellement quelque 4 milliards d’euros de demande, contre de 6 à 7 milliards d’euros de demande au début de l’année dernière.

Le niveau des taux ne bouge pas encore. Nous empruntons sur le marché intérieur des bons du Trésor sur un an pour un taux de l’ordre de 2 %. Nous empruntons à moyen et à long terme sur le marché international à des taux qui dépassent 4 % en moyenne : 4,10 %, 4,11 %, voire 3,60 % lorsque les maturités sont plus courtes.

Si nos taux sont inférieurs à ceux de l’Espagne ou de l’Italie, ils sont supérieurs à ceux de l’Allemagne. Comme tous les pays vont se précipiter sur le marché mondial pour financer leur déficit et leur relance, je crains que nous n’ayons un problème de contraction en cours d’année.

C'est la raison pour laquelle – et j’en viens ainsi à ma seconde proposition –, il faudrait inciter la direction générale du Trésor et de la politique économique et l’Agence France Trésor à sortir un peu des systèmes habituels.

Nous pourrions inventer un système d’emprunt à cinq ans, sous forme de bons émis à des taux d’intérêt faibles – je pense notamment au taux d’intérêt de 2,5 % des caisses d’épargne –, à condition de leur donner un sort fiscal favorable, c'est-à-dire de les exonérer de toute fiscalité.

Ces bons à cinq ans constitueraient un élément intermédiaire entre, d’une part, l’emprunt sur le marché mondial et, d’autre part, les bons du Trésor à un an, qui fonctionnent à l’heure actuelle très bien, les gens se précipitant sur ce produit. Nous avons ainsi eu près de 50 milliards d’euros de bons du Trésor à un an en 2008, avec une très forte augmentation en fin d’année.

M. Patrick Devedjian, ministre. Et sans avantages fiscaux !

M. Jean-Pierre Fourcade. Tout à fait, mais c’est pour un an ! Ici, il est question de bons à cinq ans avec un avantage fiscal et un taux d’intérêt de 2,5 %.

Il y aurait à mon avis trois avantages à une telle création.

Premièrement, cela dégonflerait un peu l’épargne en surnombre qui est actuellement placée dans les bas de laine, et aiderait à la reprise de l’investissement dans ce pays.

Deuxièmement, cela nous sortirait quelque peu de la dépendance du marché mondial, notamment des fonds souverains étrangers et des fonds de pension étrangers, qui représentent actuellement 62 % de nos emprunts sur le plan international.

Troisièmement, cela permettrait de moraliser un peu l’activité des banques.

Monsieur le ministre, vous savez parfaitement que, à partir du moment où le placement en épargne liquide a été généralisé à toutes les banques, celles-ci, en offrant des conditions de garantie pour les placements supérieurs à 15 300 euros, ont drainé une partie de l’épargne alors qu’il aurait mieux valu voir cette dernière se diriger vers l’investissement.

Je plaide pour cette modification de l’alimentation, car nous rencontrerons forcément un problème de blocage sur le marché international en cours ou en fin d’année 2009.

Quand on a la responsabilité, aussi bien pour la sécurité sociale que pour l’État, d’emprunter plus de 200 milliards d’euros – 200 milliards d’euros pour l’État et 30 milliards d’euros pour la CADES –, il faut prévoir une série d’instruments qui nous permettront de mieux adapter notre financement à ce qui est nécessaire.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux propositions que je formule.

Je crois profondément que le Gouvernement a su prendre la mesure des problèmes que rencontrent les entreprises, les consommateurs et les ménages. Dans le cadre actuel du budget, la difficulté pour nous sera de revenir en arrière.

C’est pourquoi je partage entièrement la position de M. le rapporteur général, qui préconise des mesures réversibles, de courte durée, de manière à éviter d’aggraver, dans le futur, notre déficit budgétaire et notre recours à l’endettement.

Les deux projets de loi qui nous sont proposés vont dans le bon sens. C'est la raison pour laquelle je les voterai. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous voici invités à voter un certain nombre de dépenses, financées par l’emprunt, destinées à relancer une économie aujourd’hui en panne.

Les subprimes ont bon dos : la crise qui éclate aujourd’hui dans l’ensemble des pays industrialisés est tout sauf conjoncturelle. Elle était en quelque sorte « génétiquement programmée ».

En effet, cela fait bientôt trente ans que le compromis social fordiste, sur lequel reposait la dynamique des trente glorieuses, a été progressivement abandonné, au nom d’une idéologie datant du xixe siècle.

Depuis cette époque, la part des salaires dans le PIB n’a cessé de fondre au profit des revenus du capital, qui ont creusé les inégalités et alimenté la spéculation.

Les États ont pris la détestable habitude de freiner la demande interne des ménages, en misant sur les exportations ou le crédit à la consommation pour faire tourner l’économie.

Les politiques de l’offre et de déréglementation sont devenues la norme, avec leur cortège de souffrances pour les travailleurs paupérisés et endettés, ainsi que les chômeurs.

Monsieur le ministre, le Gouvernement n’est, hélas ! pas en reste !

Après avoir été l’un des serviteurs les plus zélés du néolibéralisme, comme en témoignent, entre autres, les lois socialement désastreuses de « modernisation du marché du travail » et de « modernisation du dialogue social », en attendant le futur projet de loi portant sur le travail le dimanche, le Gouvernement semble aujourd'hui redécouvrir Keynes, cet économiste iconoclaste et avant-gardiste qui avait bien compris que l’économie fonctionne en circuit, et avait démontré qu’une politique de grands travaux d’intérêt public financés par l’emprunt est un moyen parfaitement adapté pour faire tourner le système économique, de sorte que le plein-emploi devienne enfin la norme.

C’est bien ainsi que le monde capitaliste avait surmonté la crise de 1929 : investissements publics financés par l’emprunt et hausse des salaires.

Chacun aura pu mesurer le peu d’enthousiasme que vous manifestez à cette conversion forcée au réalisme économique : votre plan de relance est en effet plombé par deux vices rédhibitoires, qui lui ôtent sa pertinence.

Tout d’abord, sur le plan quantitatif, la relance proposée aujourd'hui, prisonnière de votre orthodoxie néolibérale, est parfaitement insuffisante au regard du blocage de l’économie.

Il s’agit non pas de surmonter un ralentissement passager de l’activité, mais de débloquer une machine économique durablement grippée !

Vous vous contentez d’une impulsion budgétaire particulièrement faible. En effet, une fois que l’on a déduit les 11 milliards d’euros de remboursement accéléré des dettes de l’État à l’égard des entreprises, les 15 milliards d’euros restants ne vont stimuler l’économie qu’à hauteur d’environ 0,7 % du PIB.

À titre de comparaison, le FMI préconisait un effort de relance budgétaire de 2 % du PIB et M. Obama aux États-Unis en prévoit le double.

Mais il y a plus préoccupant encore, sur le plan qualitatif. En bons néolibéraux qui semblent découvrir Keynes, vous avez oublié un élément de sa pensée : au cœur de la relance, il y a un projet !

Keynes, en effet, ne préconisait pas seulement de rehausser l’équilibre macroéconomique afin de faire disparaître le chômage ; il soulignait également qu’une relance doit se construire sur une vision prospective de la société. Roosevelt avait ainsi mobilisé ses concitoyens sur un projet de société nouvelle, le New Deal !

Monsieur le ministre, votre budget de relance timoré masque difficilement une espèce de pessimisme partagé. Il en devient peu lisible, car il repose sur une vision étriquée, voire « hydraulique », de Keynes.

Et pourtant, auriez-vous oublié le Grenelle de l’environnement ? Cette formidable mobilisation sociétale, parfaitement réussie, qui a permis de mettre les questions vitales de l’environnement et de la soutenabilité du développement au cœur des débats, est en train d’accoucher d’une souris.

Nous cherchons désespérément la trace des grands investissements publics nécessaires chiffrés dans le Grenelle de l’environnement à 440 milliards d’euros sur dix ans pour engager sans tarder la mutation de notre société dont l’empreinte écologique devient insoutenable !

Les efforts environnementaux de votre plan s’élèvent à quelque 700 millions d’euros, soit 2,7 % du plan de relance. Quel aveu ! Le Grenelle de l’environnement n’aurait-il été qu’un leurre ?

Certaines dispositions traduisent même un recul par rapport au Grenelle de l’environnement. Je citerai le seuil d’émission de 160 grammes de CO2 par kilomètre retenu pour bénéficier de la prime de mise à la casse des automobiles, ce qui permet aux trois quarts des véhicules d’en profiter.

D’autres dispositions relèvent d’une trahison des engagements pris. Je veux parler des projets autoroutiers qui ont été bloqués par le Grenelle de l’environnement et qui sont aujourd’hui relancés.

L’essentiel des injections fiscales que vous nous proposez, monsieur le ministre, ignore le grand débat sociétal qui avait si bien mobilisé nos concitoyens.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de relancer une machine économique qui s’est enfoncée dans l’impasse productiviste ! Nous avons besoin non pas d’un plan de relance, mais d’un plan de conversion écologique de notre appareil productif, pour engager, sans perdre un seul instant et un seul euro d’argent public, la mutation sociétale à laquelle nous sommes désormais invités.

Limité par les contraintes imposées par l’article 40 de la Constitution, je ferai tout de même un certain nombre de propositions en ce sens.

Selon moi, il aurait été préférable de prévoir 1 milliard d’euros supplémentaires pour la rénovation thermique du parc de logement social, plutôt qu’une rallonge de 1,4 milliard d’euros au profit des industries d’armement.

Je pense également que nous aurions dû consacrer tous nos efforts au développement du rail plutôt qu’à celui de la route.

Le Fonds stratégique d’investissement aurait dû être mobilisé pour convertir les industries du passé, et non pas pour relancer l’existant. Je pense notamment à la voiture hybride et au photovoltaïque. Nous devons orienter nos efforts.

Les conclusions du Grenelle de l’environnement traçaient les contours d’un projet de conversion de l’économie, posaient les bases d’un New Green Deal, dont nous attendons toujours l’annonce. En vain !

M. Jean-Luc Mélenchon. Parlez français !

M. Jacques Muller. Est-ce parce que vos fondamentaux néolibéraux vous rendent définitivement hermétique à la pensée keynésienne, monsieur le ministre ? Est-ce parce que vous ne croyez pas au Grenelle de l’environnement, qui n’aurait été qu’une vaste illusion ? Quoi qu’il en soit, je vous le dis comme je le ressens, ce plan me laisse l’impression d’un immense gâchis, d’une occasion manquée pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Pendant ce temps, le chômage s’accroît et nos concitoyens les plus modestes souffrent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun l’a rappelé, la crise financière née l’an dernier aux États-Unis s’est propagée dans le monde entier et a débouché sur une crise économique de très grande ampleur. Cette dernière soumet nos économies à rude épreuve et fait tanguer le navire, mais elle constitue aussi une opportunité qu’il nous faut saisir pour accélérer le rythme des réformes engagées depuis dix-huit mois et pour rattraper le retard pris par la France.

M. Bernard Frimat. C’est mal barré !

M. Louis Nègre. Face au ralentissement brutal de l’activité, le plan de relance de l’économie française en 2009, qui représente 26 milliards d’euros, est heureusement résolument orienté vers l’investissement public et privé.

L’incidence budgétaire du plan de relance est concentrée, pour les trois quarts, sur l’année 2009. Ce plan ne remet donc nullement en cause l’objectif de retour, à terme, à l’équilibre de nos comptes publics, ce dont l’on ne peut que se réjouir, monsieur Fourcade, même si ce retour à l’équilibre ne peut vraisemblablement être espéré que pour 2012.

M. Louis Nègre. Par ailleurs, si la relance de notre économie est prioritaire, il ne faut pas perdre de vue que l’augmentation des déficits publics fragilise l’euro. Comme l’a indiqué Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe, nous devons d’ores et déjà anticiper et imaginer une « stratégie de sortie de crise ».

Premièrement, sur les 26 milliards d’euros de ce plan de relance, près de 11 milliards d’euros financeront des interventions directes de l’État, qui trouvent une traduction budgétaire sous la forme d’ouvertures de crédits. Ces dépenses nouvelles figurent en grande partie dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui met l’accent, je le rappelle, sur l’investissement public, tout en répondant aux besoins sociaux des plus vulnérables.

Deuxièmement, plus de 11 milliards d’euros sont également destinés à soutenir la trésorerie des entreprises. Il s’agit, en particulier, des mesures de remboursement des créances fiscales – crédit d’impôt recherche et TVA – que nous avons examinées dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008.

Troisièmement, 4 milliards d’euros seront consacrés, dans les grandes entreprises publiques, à un effort supplémentaire d’investissement, ce qui représente une hausse de 35 % par rapport à 2008.

Ces actions ciblées permettront aux entreprises d’améliorer dès 2009 leur situation de trésorerie et leur fourniront des moyens supplémentaires pour investir.

Le plan de relance, qui est massif par son ampleur, ne sera efficace que s’il est mis en œuvre rapidement. À cet égard, notre pays ne peut que se féliciter de la réactivité, une fois encore, du Président de la République, surtout si on la compare avec la valse-hésitation de certains de nos voisins.

Ainsi, si les crédits d’engagement, dans leur totalité, sont inscrits sur l’année 2009, l’objectif est de consommer les trois quarts des montants dès la première année, ce qui se traduira par une injection de crédits de paiement de 9,8 milliards d’euros dans l’économie réelle.

Par ailleurs, des procédures d’évaluation seront mises en place.

Enfin, pour que la cohérence soit totale, il faut faire en sorte que la mise en œuvre de cet ensemble de mesures ne soit pas freinée par des obstacles procéduraux parfois hérités de notre pointilleuse culture administrative. C’est le sens du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés dont nous sommes également saisis aujourd’hui.

L’investissement est donc le moteur de ce plan de relance ; c’est un choix délibéré qui va dans le bon sens.

L’emploi et la solidarité en seront pleinement bénéficiaires, ce qui est parfaitement logique, pour conforter tant le pouvoir d’achat que le lien social en cette période difficile.

L’investissement stimule la demande et donc l’emploi. Il ne gage pas l’avenir, mais permet au contraire d’améliorer notre compétitivité, qui est l’un des points faibles de notre économie. Nous avons l’ardente obligation d’améliorer la compétitivité de la maison France si nous voulons gagner le pari de l’avenir.

Pour ce faire, le plan de relance n’hésite pas à investir directement 4 milliards d’euros dans des domaines prioritaires.

Les collectivités territoriales seront aussi très présentes sur le front de la relance, notamment grâce aux avances sur les versements du FCTVA et au travers des plans de développement et de modernisation des itinéraires, ainsi que des contrats de projet État-région.

Les outils anticrise, comme le doublement du prêt à taux zéro, l’exonération de taxe professionnelle, le Fonds stratégique d’investissement, la prime à la casse automobile, constituent, selon moi, des exemples concrets et efficaces de ce plan de relance.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la prime à la casse automobile me permet d’assurer une transition avec le plan de relance spécifique pour le secteur automobile, secteur qui joue un rôle essentiel sur le plan économique tant pour l’ensemble de notre pays que pour le département des Alpes-Maritimes, dont je suis originaire.

Le soutien de ce secteur d’activité apparaît comme une nécessité économique, sociale et structurellement stratégique.

Vendredi dernier, en préparant les États généraux de l’automobile, à la suite d’une réunion que j’avais organisée dans mon département avec l’ensemble des acteurs locaux de cette filière, j’ai eu l’occasion de vérifier concrètement, avec les acteurs de terrain, la profondeur de la crise qui affecte l’automobile.

Cette filière emploie sur le plan national 2,5 millions de personnes, soit un Français sur dix. Son avenir est crucial pour l’économie française, et personne ne saurait s’en désintéresser.

Au regard de la tourmente actuelle sur fond de récession économique, les ventes de véhicules neufs ont plongé de 11 % au Royaume-Uni, de 13 % en Italie et de 28 % en Espagne. Et même si la France a constaté un repli limité de 0,7 %, cette situation est essentiellement due à la mesure incitative et ponctuelle du bonus-malus écologique mis en place par le Gouvernement au début de l’année 2008.

Cette relative bonne nouvelle…

Mme Nicole Bricq. Très relative !

M. Louis Nègre. …ne doit pas faire illusion. Hier encore, à la bourse, le titre Renault a chuté de 8,78 % et celui de PSA de 6,48 %. II y a donc péril en la demeure. La nécessité d’un plan de relance et de sauvetage de cette filière s’avère absolument indispensable. Ce secteur est en effet crucial pour la France, d’autant qu’il est également grand pourvoyeur d’emplois.

C’est donc à juste titre, compte tenu de son importance économique, sociale et technologique, que le Président de la République Nicolas Sarkozy a annoncé que l’État allait « mobiliser beaucoup d’argent » pour ce secteur.

Nos concitoyens, pour assurer leur mobilité, ont recours non pas à une solution, mais à plusieurs. Le Grenelle I de l’environnement, avec un rééquilibrage du partage de la voirie en faveur des transports collectifs en site propre, les TCSP, et des modes doux, nous fait entrer directement, pour ce qui concerne les déplacements, dans le xxie siècle.

C’est une évolution attendue qu’il faut poursuivre sans relâche, notamment par le biais d’une mise en valeur des centres-villes et d’un aménagement harmonieux du territoire.

Dans notre esprit, les modes de déplacement ne s’opposent pas, ils sont complémentaires les uns des autres, d’autant plus que la voiture, y compris dans nos pays où un très haut niveau de pénétration du marché a été atteint, continue souvent d’être le seul moyen de déplacement. Et je ne parle pas du fait que, dans l’ensemble des pays émergents, la population souhaite posséder le plus vite possible un véhicule automobile.

Si la voiture n’est plus l’alpha et l’oméga de la mobilité de nos concitoyens dans les pays développés, elle constitue néanmoins une filière économique exceptionnelle qui représente 1 % du PIB et 15 % des investissements dans la recherche et le développement en France.

Par ailleurs, les constructeurs français – ils sont de rang mondial, ce qui n’est pas si fréquent – doivent voir leur place confortée aux niveaux européen et international.

La filière automobile est un creuset d’innovation pour toute l’économie. Elle a atteint un niveau technologique remarquable. Il faut donc l’aider. Ainsi, le plan de relance prévu par le Gouvernement, qui est le bienvenu, précède un plan spécifique consacré à l’automobile.

En effet, le contexte est alarmant. Le solde commercial du secteur automobile français est devenu pour la première fois déficitaire en 2008, à hauteur d’environ un milliard d’euros. (M. le ministre acquiesce.) De plus, l’association des constructeurs européens prévoit, pour 2009, une baisse supplémentaire de la production automobile en Europe de 15 % à 20 % par rapport à 2008 et une réduction de 15 % à 20 % des effectifs, soit 150 000 à 200 000 emplois de moins !

Dans un tel contexte, 720 millions d’euros étaient initialement prévus afin d’accroître la demande de véhicules et de restructurer la filière dans le sens d’une plus grande compétitivité et d’un meilleur respect de l’environnement.

Ces premiers engagements sont vite apparus insuffisants et, hier, lors des États généraux de l’automobile, le Premier ministre François Fillon s’est engagé, après avoir rappelé le financement des filiales bancaires de Renault et de PSA à hauteur de 500 millions d’euros chacune, à assouplir les conditions d’accès de ces filiales bancaires au dispositif de refinancement public.

Il a également confirmé que le fonds d’investissement sectoriel automobile de 300 millions d’euros commencerait à intervenir concrètement dès la fin du mois.

Enfin, le Premier ministre a prévu, pour restructurer le secteur à plus long terme, de nouvelles mesures qui feront l’objet d’un plan détaillé au début du mois de février prochain. L’ensemble des aides de l’État devrait ainsi atteindre un montant de 5 à 6 milliards d’euros.

Non seulement cette aide considérable en termes de deniers publics est compréhensible, mais elle s’inscrit aussi dans le droit-fil de la politique de sauvetage par le Gouvernement d’un pan fondamental de notre économie.

Dès à présent, le Gouvernement a mobilisé la plupart des leviers d’action à sa disposition. Mais il va falloir aller plus loin. Notre défi est de donner un avenir véritable et solide à la filière automobile, en conservant le savoir-faire français, en dopant le secteur de la recherche et du développement et en anticipant les évolutions de cette filière.

La charte automobile signée l’été dernier entre les représentants du secteur, les entreprises et l’État demeure un bon outil. Il faut désormais la décliner au plus proche du terrain.

Si ce soutien est pleinement justifié, il ne saurait cependant se concevoir sans un effort tout aussi considérable de la filière elle-même. Trois objectifs me semblent devoir être atteints par ce secteur industriel, en contrepartie des aides publiques fournies.

Premièrement, il est absolument indispensable que la filière revienne pour l’essentiel sur sa politique de délocalisation et investisse au maximum sur le territoire national pour, d’une part, conserver un outil industriel performant dans notre pays et, d’autre part, offrir le plus grand nombre d’emplois à nos compatriotes.

Deuxièmement, à l’instar de ce que l’on a pu constater dans certains pays du nord de l’Europe, la recherche et le développement doivent, malgré la crise, bénéficier de crédits suffisants pour préserver tant notre haut niveau technologique actuel que notre place éminente au niveau mondial, en dépit d’une concurrence exacerbée.

Troisièmement, il faut vivre avec son temps. Il n’est pas sûr que la filière ait totalement appréhendé les modifications substantielles de la demande et des attentes des clients. Il faut recréer un nouvel imaginaire en phase avec une société qui s’engage dans une révolution verte. La « voiture de papa », c’est fini !

La sensibilité environnementale de notre population et son besoin de sécurité, tout comme la nécessité pour les véhicules de s’adapter au handicap et à l’âge, ont modifié la donne. La place de la voiture dans la société a changé. Il faut donc résolument s’engager dans la voiture de demain avant qu’il ne soit trop tard. Depuis plusieurs décennies, les consommateurs entendent parler de piles à combustible, de véhicules électriques et à hydrogène, ou encore de voitures non polluantes. Toutefois, bien que des progrès considérables aient été réalisés dans ce domaine, la rupture ne s’est toujours pas produite à ce jour.

Un plan de soutien au développement du véhicule « décarboné », doté de 400 millions d’euros pour la recherche sur quatre ans, a été élaboré par le Gouvernement. La réforme du crédit d’impôt recherche a multiplié par trois l’effort public destiné à la recherche et au développement menés par les entreprises privées. De même, les pôles de compétitivité ont permis de faire évoluer les comportements en favorisant la mutualisation des efforts de recherche. Les premières briques du plan sont donc d’ores et déjà posées.

Les pouvoirs publics ont pris leurs responsabilités. Les industriels doivent maintenant saisir les opportunités qui s’ouvrent à eux, et nous devons leur faire confiance. L’intérêt national est en jeu !

Je conclurai cette intervention en rappelant que, si la crise est là, le Gouvernement a mis en place les outils susceptibles de relancer notre économie.

Résolument combatif, je rappellerai qu’après la crise vient toujours une reprise… (Sourires.)

M. Louis Nègre. Dès lors, et même si l’on nous abreuve continuellement de chiffres négatifs, nous ne devons pas oublier que le pire n’est pas toujours sûr, surtout lorsque l’on garde à l’esprit un certain nombre d’éléments positifs.

Premièrement, le prix du baril de pétrole est désormais inférieur à 50 dollars alors qu’il avait dépassé les 150 dollars, ce qui redonne directement du pouvoir d’achat aux Français. Deuxièmement, le cours de l’euro est passé de 1,60 dollar à environ 1,35 dollar, ce qui dope nos exportations. Troisièmement, l’inflation est en baisse très sensible. Après avoir atteint un pic à 3,6 % l’été dernier, elle est descendue à 1 %, ce qui redonne là encore mécaniquement du pouvoir d’achat aux ménages.

Enfin, mes chers collègues, je vous livrerai une information « rose » : les créations d’entreprise ont été plus nombreuses en 2008 qu’en 2007 !

Cette crise, nous la surmonterons ensemble. Tous, acteurs publics et économiques, nous devrons jouer notre rôle. L’effort collectif que traduit le projet de relance du Gouvernement est important. Notre responsabilité envers nos concitoyens nous impose de faire en sorte que ces moyens exceptionnels soient, dès 2009, aussi efficaces que possible.

Messieurs les ministres, c’est donc sur une note résolument et volontairement optimiste que je conclurai, en appelant à une mobilisation générale en faveur de ce plan de relance. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me permettrai, tout d’abord, de faire un petit retour en arrière. Au printemps 2007, M. Sarkozy déclarait : « Une économie qui ne s’endette pas suffisamment, c’est une économie qui ne croit pas en l’avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. » Il poursuivait : « Il faut réformer le crédit hypothécaire. Si le recours à l’hypothèque était plus facile, les banques se focaliseraient moins sur la capacité personnelle de remboursement de l’emprunteur et plus sur la valeur du bien hypothéqué. » C’est ce principe qui, appliqué jusqu’à plus soif, nous vaut d’être réunis ce soir.

Pour sa part, Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi proclamait, début juillet 2007, en installant le Comité chargé de « moderniser » la Place de Paris, sur le modèle de celle de Londres : « L’avenir est devant nous. Il y a eu une Belle Époque ? Préparons-en de sublimes ! » C’était un an avant que la City n’implose, mais après le début de la crise des subprimes, avec les premières difficultés de Bear Stearns.

Comme l’a dit M. le rapporteur général qui a lu les grands auteurs, le Gouvernement a visiblement anticipé la crise.

Mais comment voudriez-vous que nous fassions confiance à ce président et à ce gouvernement pour nous sortir d’une crise qu’ils n’ont pas vu venir ?

Pour cela, il faudrait qu’ils nous donnent l’impression de prendre enfin la mesure des dégâts et d’anticiper, au lieu de se contenter de réagir. Rappelez-vous, mes chers collègues : la crise ne devait toucher que les États-Unis et épargner l’Europe ; elle ne devait concerner que la sphère financière et épargner l’économie réelle… Voilà moins de quatre mois, vous la pensiez encore de courte durée, monsieur Woerth, lorsque vous pronostiquiez : « La crise est venue d’une manière extrêmement violente mais la reprise peut être extraordinairement forte. »

Les propositions du plan de relance portent la marque de cet aveuglement et des illusions qui sont à l’origine de la crise : illusion que le capital et le marché engendrent à eux seuls de la richesse et qu’il convient donc de laisser circuler le premier sans entrave et de déréguler le second ; illusion que l’on dynamise l’économie en comprimant les revenus du travail et en augmentant ceux du capital ; illusion que la dette publique est par essence un mal mais l’endettement privé un bien ; illusion, pour reprendre l’immortelle maxime de Mandeville, que « les vices privés font les vertus publiques ». D’où l’exercice surréaliste auquel nous assistons : un plan d’intervention économique conçu selon la logique néolibérale de désengagement de l’État, un plan de relance anti-inflationniste, autrement dit un plan de relance sur place !

« Il ne s’agit pas de dépenser plus dans la durée, nous a prévenu Nicolas Sarkozy, mais de dépenser plus vite ce qui aurait dû être étalé sur de nombreuses années. Ce qui signifie que les dépenses ne pèseront pas sur le déficit après 2010 et que nous n’abandonnons pas l’objectif d’assainir le plus vite possible nos finances publiques. »

« Je suis oiseau : voyez mes ailes ; Je suis souris : vivent les rats ! », se flattait la chauve-souris de la fable. « Je suis keynésien : voyez mes investissements ; Je suis maastrichtien : voyez qu’ils ne coûtent rien ! », pourriez-vous dire, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Ces logiques contradictoires expliquent l’impression de bric-à-brac d’un plan de relance constitué pour l’essentiel d’avances, de mesures de trésorerie et de crédit relatifs à des engagements de l’État anciens, toujours en attente de concrétisation, d’un plan concocté par des cerveaux si fertiles qu’on ne sait comment l’évaluer… Chiffré à 26 milliards d’euros quand il s’agit de montrer ses muscles, il est censé augmenter la dette publique de 20 milliards d’euros seulement et le déficit budgétaire de 15,5 milliards d’euros quand il faut rassurer le clergé bruxellois. (Nouveaux sourires.)

En matière de confiance et de mobilisation des énergies, trop d’habileté ne vaut.

On le voit des mesures destinées aux collectivités territoriales, si illisibles qu’elles risquent de ne pas être très efficaces.

Pouvoir disposer d’une année supplémentaire de Fonds de compensation pour la TVA laissera de marbre non seulement les collectivités dont la situation financière est fragile mais aussi celles qui, dans cette conjoncture difficile, ne voudront pas prendre le risque de ne plus percevoir de FCTVA en 2010 en cas de non-respect de leurs engagements.

Cette disposition, en revanche, pourrait tenter les petits futés dont le volume d’investissement, éventuellement faible, varie peu d’une année sur l’autre. En investissant un euro de plus que d’ordinaire, ils disposeront d’une subvention équivalant à 15,48 % de leurs investissements éligibles. Voilà une belle aubaine qui, toutefois, ne relancera pas l’économie !

En la matière, une augmentation de 2,5 milliards d’euros de la dotation globale d’équipement stagnante des communes aurait une tout autre portée. Attribuées par les préfets, à même de juger de la qualité des demandes, voire de les stimuler, par exemple, au taux attractif de 40 %, ces subventions auraient entraîné au moins 6,5 milliards d’euros de travaux, soit deux à trois fois plus que ce que ne permettront jamais les avances de TVA.

S’il existe un puissant levier de la relance, ce sont bien les collectivités territoriales. D’ailleurs, Keynes, dont nous avons fait un éloge cet après-midi, l’avait déjà noté. Alors pensez-y, messieurs les ministres, lorsque vous préparerez votre prochain plan de relance, si possible avant que le chômage n’explose en France… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

 
 
 

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Conférence des présidents

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Jeudi 22 janvier 2009

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire :

1°) Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 154, 2008-2009) et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés (n° 157, 2008-2009) ;

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin.

Éventuellement, vendredi 23 janvier 2009

Ordre du jour prioritaire :

À 9 heures 30, à 16 heures 30 et le soir :

- Suite de l’ordre du jour de la veille.

Mardi 27 janvier 2009

À 10 heures :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 286 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Charge des véhicules routiers) ;

- n° 303 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

(Conditions de gestion des aides directes à l’agriculture) ;

- n° 314 de Mme Fabienne Keller à M. le ministre de la défense ;

(Devenir de l’établissement public d’insertion de la défense) ;

- n° 336 de M. Alain Dufaut à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Réalisation de la liaison est-ouest d’Avignon) ;

- n° 350 de M. Michel Houel à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

(Maladie rare et reconnaissance de handicap) ;

- n° 357 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Vote électronique) ;

- n° 358 de Mme Esther Sittler à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Application de l’article 57 de la loi n° 2006-1772 sur l’eau et les milieux aquatiques) ;

- n° 361 de M. Alain Gournac à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

(Bruit à l’hôpital) ;

- n° 365 de M. François Patriat transmise à M. le secrétaire d’État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative ;

(Avenir du grand prix de France de formule 1) ;

- n° 366 de M. François Rebsamen à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Projet de création d’un « Pôle national de la statistique publique ») ;

- n° 368 de M. Martial Bourquin à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Réouverture de la ligne ferroviaire Belfort-Delle) ;

- n° 369 de M. Roland Courteau à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Réglementation applicable au petit éolien) ;

- n° 370 de M. Yves Détraigne à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

(Modification de l’instruction comptable relative aux services publics industriels et commerciaux) ;

- n° 372 de M. Alain Fauconnier à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;

(Fermetures de tribunaux dans le département de l’Aveyron) ;

- n 374 de Mme Alima Boumediene-Thiery transmise à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Accès aux soins, au logement et aux prestations sociales des « vieux migrants ») ;

- n° 375 de M. Jean-Pierre Michel transmise à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Difficultés d’application de la loi handicap par les communes) ;

- n° 376 de Mme Claudine Lepage à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;

(Avenir des comités consulaires pour l’emploi et la formation professionnelle) ;

- n° 377 de M. Éric Doligé à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Redevance domaniale acquittée par les sociétés concessionnaires d’autoroutes) ;

Ordre du jour prioritaire :

À 16 heures et le soir :

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (n° 42, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 26 janvier 2009) ;

- au jeudi 22 janvier 2009, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements).

Mercredi 28 janvier 2009

Ordre du jour prioritaire :

À 15 heures :

1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ;

Le soir :

2°) Débat et votes sur les demandes du Gouvernement d’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées : en République de Côte-d’Ivoire, au Kosovo, au Liban, et en République du Tchad et en République centrafricaine pour, d’une part, l’opération EUFOR et, d’autre part, les opérations Boali et Épervier, en application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution ;

(La conférence des présidents :

- a accordé un temps de parole de 15 minutes au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

- a attribué aux groupes UMP et socialiste 25 minutes et 15 minutes aux autres groupes, la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de 5 minutes ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 16 heures, le mardi 27 janvier 2009.

Le vote sur chaque demande d’autorisation donnera lieu à un scrutin public ordinaire).

Jeudi 29 janvier 2009

Ordre du jour prioritaire :

À 9 heures 30 et à 15 heures :

1°) Suite du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ;

Le soir :

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009 ;

3°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ;

4°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.

Vendredi 30 janvier 2009

Ordre du jour prioritaire :

À 9 heures 30 et à 15 heures :

- Suite du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Mardi 3 février 2009

À 10 heures :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 332 de M. Michel Teston à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Fret ferroviaire sur la ligne de la rive droite du Rhône) ;

- n° 373 de M. Richard Yung à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Contrats d’assurance vie et contrats de prévoyance souscrits par des Français établis à l’étranger) ;

- n° 378 de Mme Nicole Bricq à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;

(Développement et soutien des établissements et services d’aide par le travail) ;

- n° 380 de Mme Anne-Marie Payet à M. le ministre de la défense ;

(Conditions de séjour outre-mer des gendarmes originaires des DOM) ;

- n° 381 de M. Claude Jeannerot à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;

(Participation de l’État au financement de la politique du handicap) ;

- n° 382 de M. Gérard César à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Financement des installations de traitement des eaux usées) ;

- n° 385 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

(Situation des haras nationaux) ;

- n° 386 de Mme Marie-Thérèse Hermange à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

(Fin du recyclage des médicaments) ;

- n° 390 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

(Accès aux droits à paiement unique pour les viticulteurs) ;

- n° 391 de M. Jean-Pierre Michel à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;

(Situation de l’OMPI en France) ;

- n° 392 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l’éducation nationale ;

(Prise en charge des enfants handicapés au sein des écoles primaires) ;

- n° 393 de M. Alain Fouché à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ;

(Possibilité de versement de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé aux conseils généraux) ;

- n° 395 de Mme Catherine Procaccia à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

(Pérennité du service de néo-natalité de l’hôpital Sainte Camille de Bry-sur-Marne) ;

- n° 396 de Mme Patricia Schillinger à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

(Projet d’avenant à la convention fiscale franco-suisse de 1966 contre les non-doubles impositions) ;

- n° 397 de M. Jacques Mézard à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Distribution des jeux par la Française des Jeux) ;

- n° 399 de Mme Mireille Schurch à M. le secrétaire d’État chargé des sports ;

(Maintien des centres régionaux d’éducation populaire et de sports) ;

- n° 401 de M. Michel Doublet à M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance ;

(Programme d’investissements publics et financement de l’eau potable et de l’assainissement) ;

- n° 402 de M. Jean-Pierre Bel à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Prise en charge par les collectivités des coûts de renforcement du réseau de distribution publique d’électricité) ;

Ordre du jour prioritaire :

À 16 heures et le soir :

2°) Suite éventuelle du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ;

3°) Projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (urgence déclarée) (n° 501, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 2 février 2009) ;

- au lundi 2 février 2009, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements).

Mercredi 4 février 2009

Ordre du jour prioritaire :

À 15 heures et le soir :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ;

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification des protocoles au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la République d’Albanie et de la République de Croatie (A.N., n° 1272) ;

3°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces (n° 422, 2007-2008) ;

4°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (n° 142, 2008-2009) ;

5°) Suite de l’ordre du jour de la veille.

À 18 heures, dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes.

Jeudi 5 février 2009

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire :

1°) Suite de l’ordre du jour de la veille ;

À 15 heures :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin ;

Le soir :

4°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’attribution de fréquences de réseaux mobiles, conformément à l’article 22 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs ;

(La conférence des présidents :

- a décidé d’attribuer un temps de parole de 15 minutes au représentant de la commission des affaires économiques ;

- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 4 février 2009).

Éventuellement, vendredi 6 février 2009

Ordre du jour prioritaire :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.

Mardi 10 février 2009

Ordre du jour prioritaire :

À 10 heures :

1°) Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ;

À 16 heures et le soir :

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (A.N., n° 1314) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 9 février 2009) ;

- au lundi 9 février 2009, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements).

Mercredi 11 février 2009

Ordre du jour réservé :

À 15 heures et le soir :

1°) Suite de la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées, présentée par M. Laurent Béteille (n° 31, 2008-2009) ;

2°) Proposition de loi visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées, présentée par Mme Bariza Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 176, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 10 février 2009) ;

- au mardi 10 février 2009, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements) ;

3°) Proposition de loi visant à responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et à lutter contre le surendettement, présentée par M. Philippe Marini (n° 94, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 10 février 2009) ;

- au lundi 9 février 2009, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements) ;

3°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant création d’une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants (n° 146, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 10 février 2009) ;

- au mardi 10 février 2009, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements).

Jeudi 12 février 2009

Ordre du jour prioritaire :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

5

Loi de finances rectificative pour 2009

Accélération des programmes de construction et d'investissement

Suite de la discussion de deux projets de loi, le second étant déclaré d’urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

 
 
 

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les partenariats public-privé font actuellement l’objet d’un engouement certain. C’est une technique de nature contractuelle qui intègre, sur le long terme, financements privés, conception, réalisation et maintenance d’une infrastructure publique, avec la fourniture du service public lui-même.

C’est un élément important dans un plan de relance axé essentiellement sur l’investissement.

Les partenariats public-privé, dont les modalités de mise en œuvre ont été modifiées par la loi du 28 juillet 2008, s’inscrivent pleinement dans la démarche de modernisation de l’État et de l’action publique.

Ce texte, bien que récent, permet d’envisager la commande publique en quittant le principe de l’annualité budgétaire pour aller vers un contrat global et durable. Penser un projet dans sa globalité est en effet le gage d’une meilleure gestion publique.

La conjoncture nationale et internationale provoque un surenchérissement du coût du crédit et un raccourcissement des durées d’emprunt. Cela fait plus que jamais des partenariats public-privé un levier de croissance et un instrument utile de la politique publique.

Messieurs les ministres, ces éléments étant rappelés, je salue l’initiative d’inscrire les partenariats public-privé et les garanties de l’État dans ce plan de relance.

Il est évident que les partenariats public-privé peuvent participer pleinement à la relance des investissements publics indispensables pour soutenir la croissance et l’économie de notre pays.

Ils répondent à la situation actuelle, car, en tant qu’instruments d’investissement des collectivités publiques, ils permettent de réaliser des projets d’envergure tout en faisant peser le coût de l’investissement sur de longues périodes qui correspondent à la durée de vie économique des équipements. Partant, l’impact sur les contribuables tant nationaux que locaux s’en trouve réduit.

Néanmoins, plusieurs difficultés font obstacle à l’utilisation par les acteurs locaux de cet instrument.

Je pense tout particulièrement à l’évaluation préalable, en raison de sa complexité, de son coût élevé de mise en œuvre et de la distorsion qui existe entre celle-ci et les régimes d’aide aux collectivités.

En effet, l’une des originalités du contrat de partenariat est l’obligation de mener une évaluation préalable, dont je souhaite qu’elle soit un jour généralisée à toute la commande publique, au-delà d’un certain seuil. Il n’en demeure pas moins qu’elle est aujourd’hui trop souvent perçue comme une contrainte par les collectivités locales.

C’est la raison pour laquelle j’avais déposé sur ce texte un amendement visant à ce que l’État procède à une avance de trésorerie remboursable pour les collectivités locales, sur la base des analyses préalables qu’elles lanceraient. Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.

Toutefois, je voudrais attirer votre attention, messieurs les ministres, sur cette proposition, qui permettrait de multiplier les projets locaux. Ce type de mesure donnerait du sens au plan de relance. En effet, ce préfinancement lié aux conditions de signature du contrat serait un formidable coup de pouce pour les collectivités locales, mais, plus encore, un signe fort de l’État pour rappeler qu’il compte aussi sur la dynamique des projets territoriaux pour participer à la relance de la croissance et à la préservation des emplois.

À coup sûr, un tel mécanisme aurait pour effet de multiplier les occasions, d’améliorer la présentation des besoins de la personne publique, d’accélérer la phase de passation, d’améliorer la qualité du dialogue compétitif et d’accroître les bénéfices attendus d’une relation centrée sur l’optimisation du montage.

Oui, il conviendrait d’envisager la création d’un fonds national de soutien à l’évaluation préalable et à la passation des partenariats public-privé.

Bien évidemment, s’agissant d’un dispositif qui s’insère dans un plan de relance, il n’a pas vocation à être pérenne, mais peut être dimensionné de manière à permettre d’aider la passation de x contrats sur x mois.

Forte de ces réflexions, messieurs les ministres, et faute de pouvoir le faire à travers des amendements au présent texte, je tiens à attirer toute votre attention sur un point important, à savoir l’impérieuse nécessité de mettre en place des circuits de formation en direction des personnels tant de l’État que des collectivités territoriales. C’est pour le moment le chaînon manquant, me semble-t-il, même si des initiatives ont été prises ici ou là, initiatives qu’il faudra encourager.

Je me réjouis d’ailleurs que l’Institut de la gestion déléguée, l’IGD, et la Mission d’appui aux partenariats public-privé, la MAPPP, aient lancé l’école des partenariats public-privé. Je salue aussi la convention signée avec le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, et l’implication de l’Institut national des études territoriales, l’INET.

J’ai la conviction qu’il faut donner à nos agents territoriaux une plus grande possibilité d’accès à la formation aux partenariats public-privé tout au long de leur carrière.

Permettez-moi un instant de m’attarder sur la MAPPP, dont je tiens à saluer l’excellence du travail, la motivation et le sérieux des équipes. En effet, au regard des enjeux immenses qu’elle va devoir affronter dans les mois qui viennent et des besoins qu’elle devra satisfaire, je ne saurais trop vous inviter, messieurs les ministres, à renforcer ses effectifs.

Pour conclure sur cette question des partenariats public-privé, je rappelle que, pour favoriser les investissements dans les collectivités territoriales, il faut aussi favoriser l’accession des PME et des PMI aux contrats de partenariat.

De nouvelles formes de consortium initiées par des entreprises d’ingénierie et qui rassemblent des PME et des PMI ont vu récemment le jour et ont répondu à des appels à candidature de certains services de l’État. Or leurs offres ont été écartées dès les préqualifications, ce qui est regrettable. En effet, il ne faut pas que les services de l’État restent frileux devant la nouveauté des offres. Ils doivent au contraire laisser jouer la concurrence.

C’est animée de la volonté d’apporter un soutien constant aux PME et aux PMI que je souscris à la possibilité de renforcer le mécanisme des cessions de créances, en relevant le plafond de 80 % à 100 % d’acceptations. Cela permettrait de soutenir les projets en réduisant le coût de financement.

À l’inverse, le maintien du texte en l’état pénaliserait les projets de taille moyenne des collectivités en raison des coûts élevés de structuration technique, juridique et financière des montages et compromettrait l’accès des PME, car la surface financière et l’expertise financière de ces entreprises sont insuffisantes au regard de l’ampleur du risque financier transféré au secteur privé, l’apport en capital des PME étant généralement inférieur à 10 %.

Enfin, monsieur le ministre, au-delà des quatre volets du plan de relance qui tendent à renforcer la trésorerie des entreprises, à développer les programmes d’investissements publics, à mettre en œuvre des dispositifs de soutien aux secteurs en grande difficulté, à simplifier et assouplir nos procédures, il me semble particulièrement bienvenu que l'État n’oublie pas les soixante et onze pôles de compétitivité qui mobilisent les facteurs clés de la compétitivité, au premier rang desquels la capacité d’innovation.

Un pôle de compétitivité, c’est l’association d’entreprises, de centres de recherche et d’organismes de formation engagés dans une démarche partenariale pour dégager des synergies autour de projets innovants.

Ces projets existent mais, pour certains d’entre eux, il y a des retards de financement ou un manque de décisions qui freinent leur développement normal.

Les soixante et onze pôles de compétitivité détiennent tous les ingrédients pour favoriser la croissance et l’emploi. Aussi l’État doit-il renforcer cette politique et soutenir les initiatives émanant des acteurs engagés dans ces pôles. Présenter des mesures ciblées, ponctuelles et à l’impact rapide répondrait à la nécessité de présenter un plan qui, en outre, ne serait pas seulement défensif.

En tout état de cause, je salue ce plan de relance exceptionnel sans précédent compte tenu des difficultés de la situation actuelle. Adapté à la réalité des faits, il devrait avoir un effet rapide sans entraîner de dérapage des finances publiques à long terme. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les deux projets de loi soumis à notre assemblée procèdent d’un constat : nous sommes entrés dans la crise économique et rien à ce jour ne permet d’en indiquer le terme.

Dans nos communes, les élus locaux en mesurent déjà les conséquences chez nos concitoyens les plus défavorisés. Les travailleurs sociaux des conseils généraux font état d’une fragilisation accélérée du tissu social. La crise était financière, elle est devenue économique ; n’oublions jamais qu’elle est aussi, et pour beaucoup de Français, une crise sociale.

Comme le montrent les indicateurs économiques, les défaillances des entreprises sont en augmentation sensible, le chômage repart à la hausse, passant la barre des 8 %. Pour faire face à cette situation, le Président de la République et son gouvernement proposent la mise en œuvre d’un plan de relance de l’économie.

Nous devrions tous souscrire à une telle initiative, d’ailleurs commune à tous les pays industrialisés, destinée à soutenir l’activité économique. Encore faudrait-il qu’elle soit dépourvue de toute arrière-pensée et à la hauteur d’une situation sans précédent depuis de nombreuses décennies.

Je ferai deux observations.

Première observation : le plan de relance, qui représente 1,3 % du PIB sur deux années, se révèle en l’état insuffisant. Il est très en deçà des préconisations du FMI, qui situe l’effort nécessaire à 2 % du PIB, en deçà également des indications, pourtant moins ambitieuses, de la Commission européenne qui place la barre à 1,5 % du PIB.

Si l’on compare le plan de la France à ceux des autres pays industrialisés, on constate que les efforts engagés le classent dans la catégorie des plus modestes. À cela s’ajoute qu’il se compose, pour une large part, de financements déjà engagés, les crédits nouveaux ne représentant que 4 milliards à 5 milliards d’euros.

Sans doute faut-il voir là la conséquence de décisions passées qui continuent à affecter notre capacité d’agir sur la conjoncture actuelle. Il suffit pour s’en convaincre de rapprocher les 26 milliards d’euros annoncés des 16 milliards d’euros du paquet fiscal, dont les effets perdurent, pour juger a posteriori de ce qu’il aurait fallu ne pas faire en 2007.

Seconde observation : on peut douter de l’ambition affichée de voir ce plan de relance injecter réellement 20 milliards d’euros dans notre économie dès 2009. Pour des raisons techniques et de conjoncture, nous serons probablement loin de cet objectif.

J’en viens au projet de loi sur l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés proprement dit, puisque le plan de relance y est pour partie adossé.

À la lecture de ce texte, on est partagé entre perplexité et incompréhension, tant il tient du mariage de la carpe et du lapin ou de l’auberge espagnole. C’est d’ailleurs ce que paraît constater Mme la rapporteure elle-même lorsqu’elle écrit : « De nombreux articles additionnels n’ont pas forcément d’effet accélérateur et n’ont parfois même pas de lien évident avec le texte. »

Ce qui nous est soumis est un assemblage composite de dispositions qui se perdent parfois dans le détail, « un ensemble de mesures qui peuvent apparaître ponctuelles », de l’aveu même de M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

Ce texte est aussi fortement empreint d’idéologie puisque, toujours selon M. Devedjian, il s’agit de saisir « une opportunité pour accélérer le rythme des réformes engagées depuis dix-huit mois ».

Si l’on suit le raisonnement qui a présidé à l’élaboration du projet de loi, la réglementation en vigueur est un frein à l’initiative publique et privée. C’est sans doute dans cette optique qu’il faut comprendre les nouvelles dispositions qui sont proposées à plusieurs articles, s’agissant en particulier de l’urbanisme.

Si les règles sont à ce point paralysantes, il est plus que temps de s’en apercevoir. En outre, pourquoi limiter à deux années la portée de certaines dispositions ?

Outre que certaines des mesures proposées sont potentiellement porteuses de contentieux, du fait du délai requis pour leur mise en œuvre, elles ne produiront pas leurs effets avant une période assez longue, ce qui les rendra inopérantes sur la conjoncture, du moins en 2009.

De la même manière, les préconisations en matière d’archéologie préventive ou d’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France démontrent que, à la faveur des circonstances, on cherche davantage un assouplissement qui ne dit pas son nom qu’une mesure de portée économique.

Si la finalité de ces dispositions nouvelles réside bien dans un allègement de la réglementation, il faut le dire et organiser un débat de fond. D’autant que, parallèlement à cet objectif de simplification, l’article relatif à la notion de paysage apporte, quant à lui, une restriction. Il serait pour le moins opportun de préciser clairement ce qu’il recouvre réellement. S’il s’agit de réguler davantage l’implantation des éoliennes, à un moment où de nombreux dossiers se constituent et alors que des collectivités ont pris des délibérations et élaboré des schémas de développement de l’éolien, il faut le dire.

Quant aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales, elles sont remises en cause sans que l’on voie nettement le rapport entre les propositions qui sont présentées et la relance économique. La possibilité de donner au président de l’exécutif délégation pour passer des marchés publics sans limitation de seuil est une initiative inopportune. Quel sera le gain d’efficacité de cette mesure ? Dans les faits, le déroulement des procédures sera raccourci d’un mois et, à la clé, les commissions permanentes des conseils municipaux seront transformées en chambre d’enregistrement ; voilà qui promet de beaux débats après coup !

Les collectivités territoriales, cela a été rappelé à maintes reprises, sont porteuses des trois quarts des dépenses publiques civiles d’investissement de notre pays. Quelle place leur accorde-t-on ? Quel rôle veut-on leur faire jouer ?

Comment passer sous silence les transferts de compétences aux départements et aux régions qui n’ont pas été compensés à due concurrence par l’État ? Ainsi, les dépenses liées à l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, qui étaient compensées à hauteur de 49 % en 2002, ne le sont plus aujourd’hui que pour un peu moins de 40 % ? A-t-on évalué l’impact négatif que cela représente sur la capacité d’investissement des collectivités ?

Le reformatage de l’enveloppe normée des dotations de l’État par inclusion dans son périmètre du Fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, porte directement atteinte à leur capacité d’investissement, ce que beaucoup d’élus et leurs associations ont dénoncé avec vigueur.

L’État, qui désire qu’elles conservent leur fonction d’acteur économique dynamique, leur propose une anticipation du reversement du FCTVA qu’il leur doit pour les années à venir. En toute hypothèse, cette mesure tient du fusil à un coup.

Comprenne qui pourra cette politique erratique !

D’autres sujets auraient mérité un débat de fond plutôt qu’une discussion précipitée qui n’a pour seule ligne conductrice que la volonté d’apporter des réponses conjoncturelles et d’opportunité.

L’article 5 de ce texte est relatif aux établissements publics de santé. Ces questions seront examinées dans quelques jours lors de la discussion, à l’Assemblée nationale, du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires. D’autres articles concerneront le Grenelle 2. Rien ne contraint donc à la précipitation.

La modification de la procédure relative aux installations classées pour l’environnement suscite d’ores et déjà l’inquiétude sur un sujet particulièrement sensible, qui ne peut être sans conséquence pour la sécurité des populations. Se réserver plus de temps pour en débattre paraît donc tout à fait indiqué.

Plus spécieuse est la proposition de l’Assemblée nationale portant sur la notion de délit intentionnel de favoritisme, à laquelle Mme la rapporteure n’était pas hostile dans un premier temps. Mais comment en juger ? Même si un justiciable soupçonne une telle pratique, il sera incapable de déterminer par lui-même la réalité de la volonté du maître d’ouvrage de favoriser une entreprise donnée. Cela ne diminuera donc en rien le risque de recours. J’ai toutefois cru comprendre que l’unanimité se faisait au sein des groupes de notre assemblée pour s’opposer à cette disposition, voire pour la supprimer.

Que dire enfin de la tentation à laquelle le Gouvernement a cédé de repêcher des propositions qui n’avaient pas été retenues dans la loi de modernisation de l’économie ou d’anticiper sur l’adoption du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ?

Le Gouvernement a fait des choix clairs et somme toute sans surprise. Sous le couvert d’un plan de relance, il s’apprête à faire avancer de manière significative sa conception libérale de l’action publique, sans incidences déterminantes sur les conséquences de la crise économique.

Là où il faudrait la solidarité envers les plus modestes et le soutien à la consommation de biens essentiels, j’insiste sur le mot « essentiels », les réponses sont insuffisantes.

Là où les capacités d’investissement des collectivités territoriales dans leur ensemble devraient être efficacement mobilisées, on relève surtout des insuffisances.

Là où, fort de l’expérience récente, l’État devrait affirmer sa présence régulatrice, le Gouvernement ne répond que par la dérégulation.

À terme, le constat est sans équivoque : après un plan de relance sans ambition, voici un projet de loi d’accélération des dépenses hors sujet, disparate, bref, voué à l’inefficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Monsieur le président, messieurs les ministres, dans les quelques minutes dont je dispose, je n’évoquerai qu’un seul point, qui me tient à cœur et qui, me semble-t-il, devrait tout naturellement trouver sa place dans le cadre du plan de relance que le Président de la République et le Gouvernement nous proposent et auquel je souscris pleinement.

Au préalable, et s’agissant du titre Ier du projet de loi, qui propose des mesures visant à faciliter la construction de logements, je me bornerai à indiquer, pour être honnête, que je ne suis pas tout à fait convaincu que les dispositions proposées soient suffisantes pour permettre un vrai développement.

M. Thierry Repentin. Nous non plus !

M. Charles Revet. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements que j’ai déposés et que plusieurs de nos collègues ont cosignés.

J’évoquerai plus longuement le titre II, « Faciliter les programmes d’investissement », dans lequel le développement de nos grands ports maritimes devrait pouvoir s’inscrire.

En adoptant, à la fin du printemps 2008, le projet de loi de réforme portuaire dont j’étais le rapporteur et qui a été publié au Journal officiel le 5 juillet 2008, le Parlement a manifesté sa volonté de redonner à la France sa vraie place dans le domaine de l’activité maritime.

Le Gouvernement a pris dans les semaines suivantes les décrets prévus par cette loi, montrant ainsi sa volonté de faire en sorte que nos grands ports maritimes puissent être en mesure de connaître un nouveau développement

Faut-il rappeler que la France dispose, autour de l’hexagone et des départements et territoires d’outre-mer, de la troisième zone économique du monde ?

Notre pays, qui occupait encore dans les années quatre-vingt le troisième ou quatrième rang dans le domaine maritime, se situe aujourd’hui en vingt-neuvième position.

Avec la mondialisation de l’économie, 85 % du commerce mondial se fait par mer et la première destination au monde est l’Europe. Or, si de grands ports du nord et du sud de l’Europe ont su s’adapter rapidement, notamment en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Espagne et en Italie, la France a pris un retard considérable. Elle dispose pourtant des meilleurs atouts.

Tandis qu’Anvers affiche 8 millions à 9 millions de containers par an et doit porter sa capacité à 14 millions ou 15 millions de boîtes d’ici à cinq ans, que la capacité d’Hambourg est actuellement de 9 millions à 10 millions de containers et doit être portée à 18 millions ou 20 millions de boîtes dans les mêmes délais, pour ne pas parler d’autres ports dans la même situation, tels Rotterdam et Zeebrugge, Le Havre n’affiche que 2,5 millions de containers et envisage de doubler ce trafic dans les années à venir. La situation est encore plus critique à Marseille, qui n’affiche qu’un million de containers, alors que Gênes et Barcelone connaissent un développement rapide et important.

Cette situation est d’autant plus regrettable et inacceptable que nos ports jouissent d’une situation géographique et stratégique privilégiée. Parmi les activités susceptibles de redonner un élan à notre économie, le commerce maritime peut être un moteur exceptionnel et durable.

Si, dans le domaine industriel, nous sommes confrontés, comme les autres pays occidentaux, à une concurrence exacerbée, en particulier des pays du Sud asiatique, ce qui entraîne des délocalisations et, par conséquent, des fermetures d’entreprises et des pertes d’emplois, a contrario, les ports de ces mêmes pays ne sont pas des concurrents mais, au contraire, de vrais partenaires potentiels.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Charles Revet. Sans doute l’activité maritime connaît-elle actuellement un net recul du fait d’un contexte mondial marqué par la crise financière, mais cette situation est conjoncturelle. Tôt ou tard, et le plus rapidement possible, l’activité maritime retrouvera sa place et ne pourra que s’amplifier. Compte tenu de l’enjeu que cela représente pour notre économie, la France se doit d’être présente à ce rendez-vous. Ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui peuvent en découler. M. le Président de la République l’avait d’ailleurs souligné lorsqu’il s’était rendu au Havre à l’automne dernier.

À un moment où l’accent est mis sur le développement durable, il me paraît important de souligner que l’activité maritime en est probablement le meilleur exemple. Outre le volume d’activité que peuvent engendrer tous les travaux d’aménagements nécessaires au développement portuaire, l’activité du port, celle des zones logistiques et le transport – ferroviaire, routier ou fluvial – en amont ou en aval du port sont effectivement sources d’emplois pérennes.

L’enjeu que cela représente pour chacune des régions concernées justifie une mobilisation de tous les acteurs, collectivités et organismes, en liaison avec l’État. En effet, par-delà les travaux d’aménagements, de la responsabilité du grand port maritime lui-même – quais, terre-pleins, zones logistiques, etc. –, il faut bien sûr prévoir en parallèle la réalisation d’aménagements routiers, ferroviaires et fluviaux et, en amont, la maîtrise des emprises foncières.

Il s’agit là d’être cohérents pour ne pas nous retrouver dans la situation constatée à l’issue de la première tranche de Port 2000 : si le port était en mesure de travailler en tant que structure portuaire, il ne pouvait être pleinement opérationnel, les travaux de raccordement aux réseaux ferroviaire et fluvial n’étant pas engagés. La mise en place d’une structure de coordination de type syndicat mixte regroupant l’ensemble des acteurs permettrait d’éviter de telles aberrations.

Compte tenu de l’important retard cumulé que nos grands ports maritimes ont pris par rapport aux autres ports européens et, si nous considérons que la France a vocation à retrouver toute sa place dans le domaine de l’activité maritime – j’en suis pour ma part convaincu –, ce développement ne peut être couronné de succès que si nos ports ont réussi à mener à bien les travaux d’aménagement et d’équipement dans les délais les plus rapides possibles.

Cela justifie que ce type de travaux s’inscrive dans le cadre du plan de relance qui est l’objet du présent projet de loi, au titre, d’une part, du financement et, d’autre part, des systèmes dérogatoires qu’il prévoit. C’est dans cet esprit que j’ai déposé des amendements à ce texte. Je souhaite que nous profitions, dans le cadre de ce plan de relance, de l’atout formidable que peut constituer le commerce maritime pour notre pays et que nous en fassions un élément clef de notre développement économique et de la création d’emplois.

Le Gouvernement a prévu d’allouer un montant de 26 milliards d’euros à ce plan de relance. C’est important mais, pour que le plan se révèle efficace, monsieur le ministre, il faut impérativement simplifier les procédures qui, de plus en plus lourdes, font perdre un temps précieux, notamment aux collectivités, lorsqu’il s’agit de réaliser des travaux. (M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance opine.)

Je reprendrai en partie ce que disait tout à l’heure François Fortassin. Des contrôles sont bien sûr nécessaires. Cela dit, pourquoi ne pas faire passer ce message à notre administration, partout, pour qu’elle soit avant tout, lorsqu’elle doit intervenir, une administration de conseil, qu’elle cherche à faciliter plutôt qu’à bloquer, quand bien même – je m’empresse de le dire car j’en suis convaincu – les blocages ne sont pas volontaires ? Ils résultent même quelquefois des textes que nous avons votés ou des réglementations en vigueur.

M. Patrick Devedjian, ministre. … voire de vos amendements !

M. Charles Revet. Je suis convaincu, monsieur le ministre, que nous aurons fait un grand pas lorsque nous serons parvenus à alléger ainsi les procédures. Le plan de relance que vous nous proposez et que je vais bien entendu voter aura alors les meilleures chances de réussir. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en matière de soutien à l’activité économique, les annonces se sont multipliées depuis quelques semaines, sinon quelques mois. On ne peut pas dire qu’elles aient permis de dégager une cohérence d’ensemble, malgré un plan de communication tout à fait au point, comme l’a déjà souligné tout à l’heure notre collègue Nicole Bricq. Même mises bout à bout, ces annonces ne font pas, selon nous, une politique de relance efficace.

Elles ne sont pas à la hauteur des enjeux du point de vue de l’ampleur des moyens « engagés » – j’insiste sur ce mot car ils ne seront sans doute pas tous utilisés –, limités à 1,3 % du PIB, de l’orientation générale donnée à cette politique ou des instruments de correction et de régulation économique que chacun, sur toutes les travées de notre hémicycle, appelle de ses vœux – je salue à cet égard l’évolution de certains, notre chapelle accueillant tout à fait les repentants. (Sourires.)

S’agissant tout d’abord des mesures du projet de loi de finances rectificative, rappelons que nous avions dénoncé l’insincérité du projet de budget pour 2009 lors de son examen, l’automne dernier. Nous le savions tous, ce projet de budget était déjà caduc. Malheureusement, messieurs les ministres, votre plan de relance, lui aussi, est déjà caduc. Il n’est pas à la hauteur des besoins.

Vous le savez bien, compte tenu de son montant, ce plan de soutien à l’activité en appellera forcément d’autres. Le cas du secteur automobile a été évoqué, mais nous pourrions aborder également ceux de l’agriculture ou des industries agro-alimentaires. Par comparaison avec nos partenaires européens ou américains, nous sommes bien loin du compte.

Cela dit, c’est surtout l’orientation générale que vous avez voulu donner à votre plan qui ne nous convient pas et que de nombreux économistes, préconisant actuellement un soutien de la demande, de la consommation et du pouvoir d’achat, critiquent. Le chèque de 200 euros pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA, est ainsi bien trop faible comparé aux milliards injectés pour soutenir les organismes bancaires.

Nous pensons qu’il faudrait au contraire, en cette période, mener une véritable politique contra-cyclique de soutien au pouvoir d’achat et à la consommation.

Or quelles sont, dans les textes que vous présentez aujourd’hui, les mesures en faveur des salaires, des petites retraites, des chômeurs ? Comment espérer faire redémarrer la machine économique en n’utilisant que le levier de la politique de l’offre ?

Dans un tel contexte, vous savez bien que la politique économique doit marcher sur deux pieds : le soutien aux entreprises, mais aussi le soutien à la consommation. À quoi servirait donc une offre en l’absence de toute demande ?

Si, comme nous le pensons, cette crise est systémique, elle impose de revoir l’ensemble des mécanismes de régulation et de gouvernance des organismes qui ont largement failli au cours des dernières années. Comment assurer effectivement la mise en œuvre et le contrôle du soutien de l’État aux banques sans participer à leurs instances de direction ?

Au lendemain de l’intronisation du président Obama, je vous conseille de relire très attentivement les déclarations du président Jefferson à propos du comportement des banques.

Mme Nicole Bricq. Bonne référence !

M. Daniel Raoul. Je vous assure qu’il est entièrement d’actualité. Il n’y a pas un seul mot à y retrancher.

En vous concentrant sur certains secteurs –  l’automobile, le bâtiment –, vous en négligez d’autres qui méritaient également un soutien de la puissance publique. Je pense particulièrement au secteur agricole et aux industries agroalimentaires. Considérez simplement l’augmentation du nombre d’usagers des institutions caritatives. Cela vous donnera une idée de la réalité des simples besoins primaires de nourriture qui ne sont pas satisfaits.

Mme Nicole Bricq. C’est clair !

M. Daniel Raoul. Le soutien aux collectivités locales est un autre sujet de préoccupation. Ce n’est pas le remboursement anticipé du fonds de compensation de la TVA qui y changera grand-chose – il ne procure qu’une facilité de trésorerie –, surtout s’il est inclus dans l’enveloppe fermée de l’aide de l’État aux collectivités, ce qui aurait d’ailleurs pour conséquence de diminuer d’autant les autres dotations.

Soutenir non seulement l’investissement des collectivités locales mais aussi leur fonctionnement aurait été nécessaire. De nombreuses collectivités ont elles-mêmes choisi, en cette période économique difficile, de soutenir le pouvoir d’achat des familles, soit en bloquant les tarifs des services municipaux en euros constants, soit par leur politique fiscale. Permettez-moi de citer l’exemple de ma ville d’Angers : nous y avons bloqué les tarifs municipaux. Cela représente un manque à gagner de 200 000 euros, mais je crois qu’il faut agir ainsi pour que les plus démunis de nos concitoyens accèdent aux services municipaux.

Et pourquoi, monsieur le ministre, ne pas baisser le taux de la TVA sur les produits de première nécessité et, plus particulièrement, tous les produits alimentaires ?

Vous avez choisi de rattacher au projet de loi de finances rectificative le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés. Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a loin de l’intitulé de ce projet de loi à son contenu. Il nous renvoie à la fable du corbeau et du renard ou, autrement dit, à la différence entre le ramage et le plumage.

Voilà quelques années les textes de ce type étaient encore appelés « diverses dispositions d’ordre économique et financier ». Malgré les titres ronflants qu’on leur donne aujourd’hui, la réalité demeure la même. Ce projet de loi est donc un ensemble de mesures fort disparates, comme l’a souligné M. le rapporteur. Il concerne différents secteurs n’entretenant guère de rapports entre eux et comporte des dispositions qui sont de purs « cavaliers », parmi lesquels figure même un amendement du Gouvernement.

Les mesures que vous proposez dans ce texte, je le reconnais, ont tout de même une cohérence : elles s’inscrivent presque exclusivement dans votre volonté constante, malgré la crise, de « libérer les contraintes » et de favoriser certains grands groupes.

On se souvient des ritournelles que nous avons entendues au printemps 2007. Il s’agissait de « travailler plus pour gagner plus » : on assiste aujourd’hui au retour du chômage et à la panne du pouvoir d’achat. Il était question de « créer une France de propriétaires » : on constate aujourd’hui que de nombreux programmes immobiliers défiscalisés ne trouvent pas preneur, si bien que l’on tente de débloquer certaines situations en recourant aux ventes en état futur d’achèvement, les VEFA. Vous vouliez « aller chercher la croissance avec les dents » : la France doit souffrir d’une pénurie de dentistes, car, malheureusement, elle a peu de chances d’échapper à la déflation puisque la récession est déjà installée ! (Sourires.)

Certes, les responsabilités de la crise sont à chercher à plusieurs niveaux. S’il est inexact et injuste d’affirmer que la politique que vous menez depuis plusieurs mois en a créé à elle seule les conditions, il est tout aussi inexact de prétendre qu’elle a permis d’en atténuer les effets.

Surtout, cette loi à laquelle vous tenez tant, la fameuse loi TEPA, a limité les capacités budgétaires dont l’État aurait eu besoin au moment du retournement de conjoncture. Elle met en œuvre des mesures qui sont antiproductives, en particulier en matière de lutte contre le chômage puisqu’elles favorisent les heures supplémentaires.

Ce qui nous est proposé, malheureusement, c’est de continuer d’appliquer une politique économique décidée avant la crise, une politique dogmatique et inspirée d’une pensée libérale aujourd’hui mise à l’amende par tout le monde, une politique à contretemps et, surtout, inadaptée pour venir en aide à nos concitoyens confrontés au chômage technique, aux plans sociaux et aux difficultés de pouvoir d’achat.

Aussi, messieurs les ministres, vous ne serez pas surpris, pour les deux projets de loi qui nous sont aujourd’hui soumis, d’avoir beaucoup de difficulté à recueillir notre adhésion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord adresser mes remerciements aux présidents des commissions et aux commissaires pour la diligence avec laquelle ils se sont saisis de ces textes, et exprimer aux rapporteurs ma gratitude pour la qualité de leur analyse, de leur travail, de nos discussions. Les débats ont bien mis en lumière la philosophie du plan de relance.

Sans entrer dans le détail des mesures, puisque nous reviendrons sur chacune d’elles au cours de l’examen des articles, je répondrai aux arguments d’ordre général qu’ont avancés les divers intervenants.

Je me tournerai d’abord vers l’opposition, que je veux remercier de la courtoisie avec laquelle elle a exprimé ses critiques. Son rôle est assurément de s’opposer, mais elle l’a fait sur un ton et avec une courtoisie fort agréables.

M. Thierry Repentin. C’est normal, nous sommes républicains !

M. Patrick Devedjian, ministre. Selon l’argument le plus souvent repris, en particulier par Mme Bricq, M. Rebsamen, M. Botrel et, à l’instant, M. Raoul, la loi TEPA, la « fameuse loi TEPA » nous aurait en fin de compte handicapés. La plupart d’entre vous ont cependant été assez honnêtes pour reconnaître que le Gouvernement n’était pas responsable de la crise,…

Mme Nicole Bricq. Pas tout seul !

M. Patrick Devedjian, ministre. … tout en considérant que, du fait de la loi TEPA, nous étions moins bien placés pour y faire face.

Mme Nicole Bricq. Pas seulement !

M. Patrick Devedjian, ministre. Vous estimez, madame Bricq, que nous l’avons aggravée ?

Mme Nicole Bricq. Des dégâts avaient été constatés avant !

M. Patrick Devedjian, ministre. J’essaierai de répondre aussi sur ce point, madame.

J’observe d’abord que, parmi les mesures de la loi TEPA, les orateurs se sont focalisés sur le bouclier fiscal. Or celui-ci porte, en année pleine, sur 400 millions d’euros, à rapporter aux 13 milliards d’euros qui sont aujourd’hui en jeu. Ce n’est évidemment pas le même niveau !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ne cessons de le dire, mais ils ne nous écoutent pas ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Devedjian, ministre. Nous le répétons donc !

Je note ensuite que vous protestez contre les mesures concernant les heures supplémentaires. Or elles ont au moins eu le mérite de distribuer du pouvoir d’achat à des salariés ! Dans la logique de vos réclamations récurrentes, cela devrait être pour vous un motif de satisfaction ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Bricq. Elles n’ont pas créé d’emplois !

M. Michel Sergent. Combien d’intérimaires ?

M. Patrick Devedjian, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous ai écoutés avec beaucoup de patience, beaucoup d’intérêt,…

Plusieurs sénateurs socialistes. C’est vrai !

M. Patrick Devedjian, ministre. … et je vous écouterai certainement encore me répliquer tout à l’heure, comme il est normal que vous le fassiez. Pour l’heure, soyez gentils de me laisser répondre à ce que j’ai cru comprendre de vos propos !

Vous vous êtes également élevés contre le coût de la déduction des intérêts dans l’immobilier. On sait pourtant que la crise tire son origine de la crise de l’immobilier américain !

M. Pierre-Yves Collombat. Comment cela a-t-il pu s’étendre pareillement ?

M. Patrick Devedjian, ministre. C’est évidemment l’excès de crédits dispensés sans contrôle, sans régulation, sans ratio entre capitaux propres et capitaux prêtés, qui a entraîné le renversement du marché immobilier américain et a conduit à la catastrophe que l’on sait.

Or, grâce à la vision, que l’on peut qualifier d’avant-garde, du Président de la République, notre pays a anticipé les difficultés en soutenant son secteur immobilier par les mesures que vous dénoncez. Elles ont été réellement bienvenues et ont permis, autant que faire se pouvait, d’amortir la crise.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Fort juste !

M. Patrick Devedjian, ministre. De la même façon, les mesures autorisant les donations anticipées aux enfants ou aux petits-enfants ont favorisé la consommation. Cela aussi devrait vous satisfaire !

En fin de compte, si vous rendez cette loi TEPA responsable de tous les drames, c’est, je crois, que vous n’en avez pas compris l’essence. Au contraire, si nous avons obtenu en 2007 et en 2008 de bien meilleurs résultats que ceux qu’avaient prédits tous les prévisionnistes, tous les conjoncturistes, c’est bien grâce à elle.

Enfin, vous avez développé la théorie keynésienne. J’apprécie, d’ailleurs, que la gauche se réfère à Lord John Maynard Keynes, c’est vraiment très chic ! Il faut néanmoins le lire jusqu’au bout ! Christine Lagarde a cité tout à l’heure une phrase de cet auteur, que vous semblez n’avoir pas entendue alors qu’elle mérite toute votre réflexion. Je la rappellerai donc : « La seule alternative théorique serait une vaste augmentation de la consommation des ménages » – vous voilà exaucés ! – « aux dépens de leur épargne, extravagance collective qui, au moment où chacun est nerveux et hésitant, a peu de chance de se produire. » Voilà l’opinion de Keynes sur la relance par la consommation ! Quand on le cite, il faut le faire à juste propos !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les socialistes sont extravagants, nous le savons !

M. Patrick Devedjian, ministre. Le parti socialiste vient de rendre public son contre-plan.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !

M. Patrick Devedjian, ministre. M. Rebsamen a estimé, avec raison, que ce document ne présente « aucune grande idée novatrice » et que l’« on peut s’interroger sur l’opportunité d’élaborer » un tel « contre-plan ».

M. François Rebsamen. Il faut citer tout mon propos !

M. Patrick Devedjian, ministre. Je ne voudrais en aucun cas dénaturer votre pensée ! Je constate seulement que votre conclusion me convient : « Seul un pacte d’union et de confiance pour la relance entre l’État et les collectivités locales serait à la hauteur de l’enjeu. » Je suis d’accord avec vous !

C’est bien ce à quoi nous voulons nous efforcer, à travers, bien sûr, la discussion sur le FCTVA – nous aurons l’occasion d’y revenir assez longuement tout à l’heure –, mais aussi à travers le débat sur les projets.

Sur ce dernier point, je veux répondre, en même temps qu’à l’appel de M. Rebsamen, à l’interrogation tout à fait judicieuse de Mme Goulet sur les critères selon lesquels les projets seront retenus.

Premier critère : le projet envisagé devra évidemment, au-delà de son effet conjoncturel, présenter un caractère d’utilité durable et pérenne.

Deuxième critère : au moins 75 % de la dépense devra impérativement pouvoir être engagée en 2009, dès cette année.

Troisième critère, non négligeable : le projet devra avoir un effet multiplicateur. C’est la raison pour laquelle nous recherchons les partenariats, les tours de table générateurs de projets.

Quatrième critère, qui va presque de soi : le projet devra créer des emplois. Le plan de relance vise un effet anticrise ; là où la crise engendre du chômage, il a vocation, à travers l’engagement de ses financements, à être générateur d’emploi.

Cinquième critère : l’équité territoriale. L’inventaire que nous font remonter les élus – tous les élus, de tous les territoires – ne recense déjà pas moins de mille projets. Et ce n’est pas une galéjade : cela ne représente jamais que dix projets pour chacun des cent départements !

Enfin, parce que la relance a aussi une dimension psychologique, nous voulons créer une dynamique, encourager nos entrepreneurs à ne pas subir la crise, à être actifs. L’effort que consent le pays en développant ces projets doit donc être visible.

Nous voulons associer de très près les élus – ils ne seront pas seuls ! – au choix, mais aussi au suivi et au contrôle des projets retenus. Au demeurant, nous posons une règle de « dégagement d’office ». En d’autres termes, les projets qu’il est prévu de lancer en 2009 et auxquels, pour des raisons même indépendantes de leurs auteurs, il ne pourra être donné suite seront, après écoulement d’un délai raisonnable, dégagés d’office et les crédits qui leur avaient été affectés reportés sur les projets suivants.

Vous constatez donc, monsieur Rebsamen, que nous sommes tout à fait d’accord pour sceller ce pacte d’union et de confiance. Le Premier ministre a d’ailleurs réuni le Conseil national des exécutifs ; comme nous avons perdu beaucoup d’élections locales, ses membres étaient plutôt de vos amis ! (Sourires.) Cela a été pour nous l’occasion de prendre des obligations et de souscrire des accords.

Tous les projets du plan de relance, plus d’un millier, je l’ai dit, seront bien conduits en coopération avec les élus locaux et sous leur contrôle. Vous devriez donc être satisfaits sur ce point.

Il me reste bien évidemment à remercier les orateurs de la majorité. Ils nous ont tous apporté leur soutien, parfois en l’accompagnant de nuances, de critiques, d’observations, de suggestions, parfois aussi en montrant une claire volonté.

À l’instant, Charles Revet nous a fait partager son idée, que dis-je, sa passion pour l’avenir des ports maritimes. Je peux d’ailleurs l’assurer qu’il dispose au sein de mon cabinet d’un relais certain pour les intérêts de la Haute-Normandie…

Pour être retenus, monsieur le sénateur, les projets doivent obéir aux critères que j’ai énumérés. Or, si l’utilité de celui que vous nous avez présenté est évidente, son engagement en 2009 n’est pas garanti. Encore une fois, le premier objet du plan de relance est de contrer la crise !

La question de M. Serge Dassault s’adressait plus directement à Éric Woerth, qui aura l’occasion d’y revenir pendant la discussion des articles. Je peux d’ores et déjà vous indiquer, monsieur le sénateur, que la charge de la dette sera de 43 milliards d’euros en 2009 et de 44,7 milliards d’euros en 2010.

Par ailleurs, j’ai bien entendu la proposition de Jean-Pierre Fourcade sur les bons du Trésor à cinq ans. Cette solution est peut-être aujourd’hui plus coûteuse que le marché, cela peut ne pas durer, c’est une suggestion que nous devons garder à l’esprit, j’en conviens volontiers.

L’enthousiasme de Marie-Hélène des Esgaulx pour les partenariats public-privé est partagé par le Gouvernement, parce que, dans la recherche de l’effet multiplicateur, le partenariat avec les entreprises privées est tout à fait indispensable et, par conséquent, toutes les mesures qui iront dans ce sens seront bienvenues.

Monsieur de Montgolfier, nous aurons ultérieurement un débat sur la TVA.

Monsieur Jégou, je vous remercie de votre soutien et je considère comme vous que la priorité sera de rétablir les comptes. Elle l’est déjà car, Eric Woerth le répète souvent, l’objectif du plan de relance, dont l’investissement est l’une des priorités, ne se réduit pas à celui-ci. Parallèlement, le Gouvernement doit poursuivre sa politique de rigueur à l’égard des dépenses ordinaires et essayer de réduire le train de vie de l’État pour préparer ce nécessaire rétablissement des comptes qui préoccupe tout le monde.

C’est la leçon de la crise de 1929, qui n’a pas été gérée convenablement par les gouvernements. En effet, l’erreur économique, que Keynes a d’ailleurs parfaitement analysée, a été de réduire la dépense, ce qui a aggravé la crise. Aujourd’hui, on sait traiter ce type de problème et il faut bien avoir cet exemple à l’esprit quand on élabore un plan de relance.

Monsieur Raoul, nous avons eu raison, me semble-t-il, de ne pas abaisser le taux de la TVA. La Grande-Bretagne a procédé à cette mesure et la consommation continue de s’effondrer, alors qu’elle était déjà tombée bien bas. L’abaissement du taux de la TVA n’a donc absolument eu aucun effet.

Par ailleurs, la situation de la Grande-Bretagne est très différente de celle de la France car ce pays a depuis longtemps fait le choix des services plutôt que de l’industrie. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous avons choisi l’investissement : nous voulons préserver l’outil de travail de la France que constitue son industrie, qui doit demeurer pérenne et qui est productrice de croissance dans la durée. La France n’est donc pas dans la situation de la Grande-Bretagne, qui est essentiellement un pays de services.

Je remercie M. Collin de son soutien « responsable ». J’ai bien entendu les quelques critiques qu’il était libre de formuler, mais l’essentiel de son message consistait à dire que, quelle que fût l’appréciation que l’on pouvait porter sur le plan de relance, il était nécessaire d’en avoir un, que lui-même ne pratiquait pas la politique du pire, qu’il prenait ce qui venait, même s’il avait certaines observations à formuler. Je les ai entendues, monsieur le sénateur, j’estime qu’elles sont parfaitement légitimes et je salue votre sens des responsabilités.

Nous allons maintenant aborder l’examen des articles et des amendements. Ce sera l’occasion pour chacun, non seulement de s’exprimer, mais aussi d’enrichir le texte. Le Gouvernement est très ouvert au débat, je sais que de nombreux points ont déjà été examinés en commission, la discussion va se poursuivre et je m’en réjouis. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009.

loi de finances rectificative pour 2009

Question préalable

 
 
 
 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Division additionnelle avant le titre Ier

M. le président. Je suis saisi, par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°82.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009 (n° 154, 2008-2009) adopté par l'Assemblée nationale.

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis le début de l’automne dernier, la conjoncture mondiale s’est brutalement assombrie et la crise que traversent les marchés n’a pas eu de précédent depuis 1929.

La crise des subprimes s’est déclenchée en août 2007 dans une période d’expansion de l’activité à l’échelle du monde et particulièrement dans les pays « émergents ».

Elle s’est d’emblée révélée plus violente et plus universelle que les crises comparables du capitalisme financiarisé, comme le krach boursier de 1987 ou la crise « asiatique » de 1997-1998. Les pertes ont immédiatement affecté les banques des États-Unis et d’Europe, provoquant une menace de paralysie des marchés monétaires du dollar, de l’euro et de la livre sterling, que les banques centrales ont aussitôt combattue en augmentant fortement le montant de leurs interventions sur le marché interbancaire.

À ce stade de la crise, le G8 avait instamment demandé aux banques internationales de publier l’état réel de leurs risques.

L’aggravation de la crise qui s’est produite à partir de septembre 2008 et la gravité de la situation ont conduit l’ensemble des gouvernements à adopter des dispositifs de soutien global aux banques, avec deux objectifs affichés : prévenir un effondrement complet du système financier et inciter les banques à continuer à financer les entreprises.

En France, trois institutions ont été créées dans la seconde quinzaine d’octobre, par le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie.

Il s’agit, tout d’abord, de la Société de prises de participation de l’État, qui souscrit à des titres subordonnés émis par les six principaux groupes bancaires, pour un montant de 10,5 milliards d’euros. Il est prévu que ce type d’intervention puisse atteindre un montant total de 40 milliards d’euros.

Il s’agit, ensuite, de la Société de financement de l’économie française destinée à refinancer des crédits bancaires pour un montant pouvant aller jusqu’à 320 milliards d’euros, à partir de ressources empruntées sur le marché financier.

Il s’agit, enfin, d’un dispositif de médiation associant dans chaque département les services de l’État et ceux de la Banque centrale pour aplanir les difficultés de financement que les entreprises rencontreraient avec leurs banques.

Le premier bilan de l’activité de ce dispositif montre que l’accès au crédit s’avère bel et bien le problème numéro un des entreprises dans notre pays, sans toutefois que la seule médiation résolve les problèmes posés.

Parallèlement, le Gouvernement annonçait que 22 milliards d’euros supplémentaires seraient mis à la disposition d’OSEO, au titre du financement des PME, et que la Banque européenne d’investissement distribuerait 30 milliards d’euros supplémentaires pour le financement des PME, tandis qu’on allégeait la taxe professionnelle.

De plus, le Gouvernement a établi un nouveau fonds stratégique d’investissement, présenté comme un fonds souverain à la française et doté de 20 milliards d’euros par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, visant à prendre des participations dans des entreprises « stratégiques » qui seraient menacées d’une prise de contrôle par l’étranger.

Enfin, voici le présent collectif et le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, qui comporte un ensemble de mesures d’un coût relativement élevé, mais finalement modeste quand on entre dans le détail réel des dispositions.

Disons-le tout net, le présent collectif n’a guère de sens, parce que son impact macroéconomique est très faible, se résumant pour l’essentiel à présenter de manière différente des mesures déjà prises ou à revenir sur l’annulation de crédits précédemment supprimés au titre de la régulation budgétaire.

Dans certains cas, on dégèle même purement et simplement des crédits antérieurement mis en réserve, en attendant sans doute de les imputer sur le moyen terme sur des autorisations d’engagement qui ne progressent pas réellement.

Ainsi, même en relevant le niveau de l’investissement public dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, vous ne parviendrez pas, messieurs les ministres, à faire en sorte que la dépense d’équipement public de l’État soit plus forte en 2009 qu’en 2003, premier exercice de la précédente législature !

Les mesures budgétaires de ce texte ne sont qu’une forme de session de rattrapage des coupes claires que vous avez opérées dans les budgets publics, au nom de la loi organique relative aux lois de finances, comme de la révision générale des politiques publiques !

La crise du transport public ferroviaire, marqué par l’aggravation des retards, celle de l’école, la manière dont évolue la situation dans les prisons, le sinistre des urgences hospitalières et la ruine de la psychiatrie que vous avez organisée et planifiée, l’aiguisement de la crise du logement sont autant de signes patents prouvant ce que les sénateurs de notre groupe ont toujours dénoncé.

L’obsession de la réduction de la dépense publique et, par voie de conséquence des déficits, conduit la France aux portes d’une crise sociale majeure, nourrie des insatisfactions, du profond sentiment d’abandon, de délitement de la solidarité nationale qui frappent la grande majorité des habitants de notre pays.

Le collectif budgétaire n’échappe pas à cette logique malthusienne : on laisse flotter les choses au fil de l’eau, les déficits s’accroissent sans que nous soyons certains que les choix opérés soient à la hauteur des attentes.

Quant au projet de loi de relance, il semble pour le moment n’avoir lancé qu’une course à l’ajout de dispositions disparates et dérogatoires au droit commun, laissant croire que seuls des obstacles juridiques s’opposeraient au désir d’investir dans notre pays.

Que contient donc le projet de loi de finances rectificative qui, au-delà des intentions affichées, pourrait pleinement justifier cette question préalable ?

Nous devrions sans doute nous estimer satisfaits car, pour la première fois depuis longtemps, les dépenses publiques augmentent, et l’État semble décidé à accomplir un effort particulier en matière d’équipement et d’investissement.

À la vérité, les choses sont moins séduisantes.

Dans ce projet de loi, la dépense publique nouvelle est de manière quasi exclusive conçue comme la source de nouveaux profits et de nouveaux rendements pour quelques groupes financiers et économiques bien déterminés.

Il est d’ailleurs particulièrement symptomatique que le collectif soit accompagné de ce catalogue de mesures de dépénalisation du droit aux affaires et de facilitation du « laisse- faire » que constitue le texte portant sur l’accélération des investissements.

On engage les crédits publics et on offre de véritables rentes de situation à quelques entreprises spécialisées dans la réalisation de grands équipements, entreprises que l’on va d’ailleurs protéger en facilitant la passation de marchés de gré à gré et en réduisant les procédures d’enquête publique à leur plus simple expression.

Au demeurant, il est fort probable que, crise ou pas, de telles mesures auraient sans doute été prises. Elles correspondent clairement au mandat que le Président de la République s’est assigné auprès de ses plus sûrs soutiens, dès son accession au pouvoir.

Comment aussi ne pas pointer qu’une loi de finances rectificative digne de ce nom et soucieuse de ne pas gager l’avenir en développant inconsidérément les déficits publics aurait dû commencer par se poser la question de l’efficacité des mesures fiscales prises, au nom de la compétitivité, depuis plusieurs années ?

Pendant la crise, le bouclier fiscal, ça continue !

Pendant la crise, l’allégement de l’ISF, ça continue !

Pendant la crise, les exonérations de cotisations sociales et les cadeaux fiscaux aux plus grandes entreprises et aux ménages les plus aisés, ça continue !

Pendant la crise, la loi TEPA et ses mesures inégalitaires, ça continue !

Comment ne pas rappeler le fait que la mise en place des heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées est une vaste tromperie ?

Une tromperie qui a permis aux entreprises de se libérer du risque de procéder au relèvement des rémunérations ; une tromperie qui fait que le Gouvernement s’est opposé à toute revalorisation réelle du SMIC ; une tromperie qui vient de se traduire en chômage pour les intérimaires et les titulaires de CDD qui ont été licenciés !

Quand, début janvier, on faisait des heures supplémentaires dans l’industrie automobile, on appréhende d’une autre manière de subir les jours et les semaines de chômage technique, l’automne venu !

Quant à la croissance, chacun sait qu’elle n’a pas été au rendez-vous, à moins que la productivité des heures supplémentaires soit si faible qu’elle n’ait aucune incidence sur la production.

Enfin, j’évoquerai l’appel lancé aux collectivités locales pour investir plus et permettre de relancer la machine. Voilà une bien étrange sollicitation, alors que le budget a été discuté voilà moins de deux mois et que les dotations budgétaires de l’État ont été profondément amputées.

Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, qu’il a été décidé, dans le projet de loi de finances initiale pour 2009, de procéder à une nouvelle réduction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, d’amputer de 500 millions d’euros la dotation globale de fonctionnement en refusant aux collectivités la régularisation normalement due et d’encadrer le montant des dotations globales d’équipement en les intégrant à l’enveloppe normée ?

Aucune des mesures prises ces derniers temps par le Gouvernement en faveur des collectivités locales n’a contribué à améliorer la situation de leurs comptes, bien au contraire ! Entre les transferts de charges et la réduction des dotations, on encourage ces dernières à solliciter en permanence le contribuable local à travers une fiscalité obsolète, qui n’a toujours pas été réformée.

En ce début d’année 2009, quel élu local n’est pas confronté à la situation suivante : augmenter les impôts locaux ou accroître les recettes d’exploitation, c'est-à-dire le coût des services proposés à la population ? Sans oublier que ce sont les investissements qui sont remis en cause par la faiblesse des marges disponibles.

Messieurs les ministres, la mesure que vous proposez pour favoriser les collectivités qui vont investir plus s’adresse aux seules communes qui ont les moyens de le faire. Les autres, vous les incitez à s’endetter, alors que vous fustigiez leur gestion il y a quelques semaines encore.

En matière d’investissement, le collectif budgétaire vise à consacrer la création du Fonds stratégique d’investissement. Mais voilà que nous apprenons que la Caisse des dépôts et consignations s’apprête à apporter 3 milliards d’euros cash dans le capital de ce fonds souverain à la française, et ce en cédant des actifs immobiliers, en l’espèce 35 000 logements sociaux appartenant à ses filiales immobilières situées notamment dans de nombreuses communes de la proche banlieue parisienne.

La vente de ce patrimoine, dont la Caisse des dépôts et consignations espère obtenir une plus-value de 3 milliards d’euros, risque fort de conduire à la mise sur le marché de ces logements, en dehors de la législation HLM !

De fait, pour financer des prises de participation prétendument publiques dans des entreprises considérées comme stratégiques, on va commencer par dilapider le logement social !

Par conséquent, ce collectif budgétaire est tout, sauf l’esquisse d’un changement de politique. Il n’apporte à la crise que connaît notre pays que des réponses plus libérales les unes que les autres et qui ne permettront aucunement, bien au contraire, de sortir le pays de l’ornière dans laquelle des années de politiques libérales l’ont fait tomber.

Il ne peut donc qu’être rejeté sans la moindre ambiguïté, et tel est le sens de la motion tendant à opposer la question préalable que je vous invite à adopter, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes collègues du groupe CRC-SPG se doutent certainement de l’avis de la commission…

La discussion générale a été intéressante et longue, certains orateurs dépassant, me semble-t-il, le temps de parole qui leur avait été imparti. Chacun a donc pu défendre tous les arguments possibles et imaginables. Avec la motion tendant à opposer la question préalable, M. Vera a pu se livrer, pendant un quart d’heure, à une autre intervention.

Le vœu de la commission est de passer le plus vite possible à l’examen des articles, car le dispositif qui nous est proposé n’a d’intérêt que dans son application concrète. Et il nous appartiendra à nous majorité, comme il appartiendra au Gouvernement, de montrer que ces dispositions auront un réel effet d’entraînement sur l’économie.

Si nous votions, par extraordinaire, la motion tendant à opposer la question préalable, nous nous priverions de l’intérêt que présente l’examen des articles, nous nous priverions de tous les arguments qui vont être avancés sur les différentes mesures proposées et nous priverions nos collègues de l’important travail préparatoire que nous avons réalisé.

Mes chers collègues du groupe CRC-SPG, ne m’en veuillez pas, mais je suis amené à émettre un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Eric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, le préalable au plan de relance est la crise elle-même. Il est donc urgent de passer à l’examen des articles pour que le Sénat exprime son point de vue et son vote et que l’action succède rapidement au débat.

Au début de votre propos, vous avez présenté l’ensemble des initiatives prises par le Gouvernement, évoquant la création du Fonds stratégique d’investissement, le sauvetage du secteur financier par différents moyens ou garanties bancaires, le plan de relance lui-même que nous allons examiner ou certains éléments constitutifs que nous avons déjà examinés lors de l’examen du collectif de fin d’année. Oui, la réponse du Gouvernement est adaptée et complète : il faut faire feu de tout bois pour être sur tous les fronts ! Et c’est ce que nous faisons !

Votre manière de présenter les choses est, par principe, l’expression d’une opinion qui n’est pas la nôtre. Le fil conducteur de votre raisonnement est de dire à la fois qu’il n’y a jamais assez de moyens et qu’il y a toujours trop de déficits. Il est donc assez difficile de comprendre la cohérence de ces deux idées qui ne cessent de s’entrechoquer. Vous reprochez au Gouvernement à la fois de ne pas consacrer assez de moyens et d’accepter des déficits inacceptables. À un moment donné, il faudra que vous mettiez de l’ordre dans vos idées pour que nous vous comprenions mieux.

Je le répète, l’effort du Gouvernement à l’égard des collectivités locales est important. Comme nous en avons déjà débattu, les règles que nous avons adoptées sont bonnes en temps normal. En période exceptionnelle, nous proposons des règles exceptionnelles, tel le doublement du Fonds de compensation pour la TVA, qui sera, cette fois-ci, un préalable au financement d’un surplus d’investissement dans les collectivités locales. Ne vous y trompez pas, monsieur le sénateur, il s’agit là d’un outil puissant.

En cet instant, je ne prolongerai pas mon propos, car l’urgence est à la discussion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UMP.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 82, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 91 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 230
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 28
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Articles additionnels avant le titre Ier

Division additionnelle avant le titre Ier

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Titre ...

MESURES FISCALES

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Il est inconcevable que nous réfléchissions au contenu d’un collectif budgétaire sans prendre un certain nombre de mesures de caractère fiscal, notamment pour remettre en question et en perspective certaines des dispositions qui ont été précédemment votées, d’autant que se pose ouvertement, depuis plusieurs années, la question de l’efficacité sociale et économique des dispositions fiscales dont nous débattons.

Pour ne prendre que l’exemple relativement récent de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, de nombreuses mesures de défiscalisation gageant les lois de finances ultérieures et constituant une sorte de pari macroéconomique à l’évidence hasardeux ont été prises.

Ainsi, on a allégé l’ISF et les droits de mutation, on a défiscalisé les heures supplémentaires et attendu que ces mesures produisent leurs effets positifs sur la croissance, l’emploi et les comptes publics.

À la vérité, nombre des mesures prises non seulement n’ont pas eu un effet très positif sur la situation, mais ont contribué à détériorer celle-ci au-delà des conséquences de la crise économique qui frappe désormais l’ensemble des économies occidentales.

Par conséquent, avec cet amendement « chapeau », nous ne pouvons que vous inviter à insérer dans ce collectif budgétaire une division additionnelle sous un nouveau titre permettant une meilleure lisibilité de ce projet de loi de finances rectificative et comprenant nombre de dispositions essentielles pour le court terme et le moyen terme.

M. le président. Êtes-vous pour une meilleure lisibilité, monsieur le rapporteur général ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Naturellement, monsieur le président, mais il ne s’ensuit pas que je sois favorable à l’amendement ! (Sourires.) Permettez-moi de faire un bref commentaire en facteur commun sur un certain nombre d’initiatives.

Ce texte est spécifique et les mesures qu’il comporte ont vocation à être ciblées, temporaires et donc réversibles. En vertu de cette analyse, la commission des finances émettra un avis systématiquement défavorable sur toutes les dispositions fiscales de caractère permanent ou conduisant à « recycler » des débats qui ont déjà eu lieu lors de la préparation de la loi de finances pour 2009 ou de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

Nous estimons que le plan de relance doit être pris comme un tout. Certes, il est possible d’apporter quelques améliorations techniques, à condition toutefois de ne pas nuire à la cohérence de l’ensemble. Il n’est donc pas question d’ouvrir un nouveau titre intitulé « Mesures fiscales » qui, comme le montreront les amendements suivants, ne serait qu’un prétexte pour détricoter un certain nombre de mesures fiscales qui ont été prises ces dernières années et dont la majorité assume à la fois la diversité et les différentes conséquences.

Peut-être faut-il rappeler une fois supplémentaire que, dans la situation du marché immobilier, une mesure sur laquelle j’étais personnellement réservé au milieu de l’année 2007 et qui portait sur la déductibilité des intérêts d’emprunts s’avère aujourd’hui être un soutien précieux pour le marché et pour les opérateurs.

Par conséquent, mes chers collègues, ne revenons pas sur les débats antérieurs et ne créons pas ce nouveau titre proposé.

Je serai beaucoup plus bref sur les autres amendements, car je crois vous avoir expliqué par avance les raisons pour lesquelles la commission y sera opposée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Eric Woerth, ministre. Ce que vient de dire M. le rapporteur général me semble être frappé au coin du bon sens, et je partage totalement son avis.

À l’occasion de l’examen de ce texte, nous n’avons pas l’intention de revoir ce dont nous avons déjà longuement débattu voilà quelques semaines. Ce texte a un objectif très spécifique qu’il faut évidemment garder, sinon on en vient à parler de toutes sortes de mesures qui n’ont plus grand-chose à voir avec le projet !

Vous souhaitez apporter plus de lisibilité à l’articulation et à l’organisation de ce texte. Peut-être en faut-il, mais je ne vois pas ce qu’apporterait votre proposition en termes structurels. Par conséquent, je propose de ne pas la retenir et, au cas où vous ne retireriez pas cet amendement, je souhaiterais qu’il ne soit pas adopté.

Les autres amendements portent sur des dispositions dont nous avons déjà discuté de très nombreuses fois et n’ont pas, selon moi, leur place dans ce texte.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Franchement, monsieur le rapporteur général, votre position est figée ! Vous refusez donc de discuter de questions de fiscalité dans la période de crise dans laquelle nous sommes et alors que les politiques menées jusqu’à présent ont fait la preuve de leur inefficacité ! Peut-être pourrions-nous au moins avoir un débat, par exemple sur l’opportunité ou non de baisser le taux de TVA de deux points, sur la façon de redonner un peu de pouvoir d’achat, de relancer la consommation. Bien que tel ne soit pas votre point de vue, je pense qu’il aurait été bon d’avoir ce débat que, d’entrée de jeu, vous refusez.

Vous parlez de recyclage, monsieur le rapporteur général, mais dans ce prétendu plan de relance figurent des mesures qui auraient dû être directement inscrites en loi de finances ou qui n’auraient pas dû être repoussées quand elles ont été présentées. Aussi plutôt que de recyclage, ce sont des mesures de rattrapage que nous proposons.

L’économie du pays ne fonctionnant pas, il aurait été intéressant d’avoir un débat permettant de remettre en cause les mesures prises et d’en prendre d’autres pour faire avancer les choses dans la bonne direction. Nous prenons acte du fait que vous n’en voulez pas !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Division additionnelle avant le titre Ier
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Articles additionnels avant l’article 1er (début)

Articles additionnels avant le titre Ier

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Mis en place par la loi de finances pour 2007, le bouclier fiscal a fait la démonstration, tant dans sa première que dans sa seconde année d’application, du peu d’intérêt qu’il soulevait auprès des contribuables.

Le succès de la formule est en effet pour le moment particulièrement limité. De surcroît, on sait que l’essentiel de la dépense fiscale occasionnée par le dispositif est concentré sur une infime poignée de contribuables.

Les attentes exprimées à l’époque ne se sont pas concrétisées. En effet, alors que l’on nous annonçait près de 100 000 bénéficiaires et plusieurs centaines de millions d’euros de remises d’impôt, nous sommes en présence d’un petit nombre de contribuables demandeurs et d’un montant de dépense fiscale limité à environ 250 millions d’euros.

Toutefois, il importe de le souligner, moins de 500 contribuables très fortunés ont bénéficié de 117 millions d’euros de restitution, ce qui représente la moitié de la dépense fiscale. Tout ce qui avait été dénoncé lors de l’instauration du dispositif a été confirmé par les faits.

Il est parfaitement évident que c’est dans le champ de l’impôt de solidarité sur la fortune que le bouclier fiscal joue pleinement son rôle.

Or la situation désastreuse des comptes publics et l’absence du choc de confiance que l’on attendait de la loi TEPA imposent une autre politique que celle que vous avez choisie, d’autant qu’il y a quelque mystification à laisser croire que le travail serait trop taxé alors que vous réduisez le montant de l’ISF d’une poignée de contribuables avec le bouclier fiscal !

Par conséquent, nous n’avons pas à laisser dans notre législation une disposition qui est parfaitement injuste et qui ne profite qu’à quelques-uns.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Outre les motifs d’ordre général que j’ai donnés et qui conduisent la commission à s’opposer à cet amendement, je voudrais rappeler la position de la majorité de la commission des finances.

Elle est en faveur, premièrement, de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, deuxièmement, de la suppression du bouclier fiscal et, troisièmement, de la création d’une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu permettant de se procurer la même ressource que celle de l’impôt de solidarité sur la fortune. Il s’agit, je le répète, d’un triptyque ou d’une trilogie que nous assumons. Telle est notre position de fond. Voilà, selon nous, ce qu’il convient de faire !

Cela dit, le moment n’est sans doute pas arrivé ce soir. Voulant rester cohérent avec mes principes, à savoir demeurer dans la ligne que j’ai définie, j’ai renoncé par avance à présenter l’amendement de la trilogie ce soir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Eric Woerth, ministre. Je connais, bien sûr, ce dont vient de parler Philippe Marini, car nous en avons bien évidemment longuement discuté à l’occasion du débat relatif au bouclier fiscal lui-même. C’est une mesure de justice fiscale et sociale que nous considérons utile et efficace.

Cela dit, monsieur le sénateur, peut-être accepteriez-vous de retirer votre amendement ? Je suis sûr que vous allez le faire ! (Sourires.) Dans le cas contraire, le Gouvernement souhaitera bien évidemment qu’il ne soit pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 67, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les deux derniers alinéas du 2 de l'article 197 du code général des impôts sont supprimés.

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. La loi de finances initiale pour 2009 comporte, à nos yeux, une erreur fondamentale : celle qui consiste à exiger de certains contribuables composant des foyers fiscaux de taille réduite de payer plus d’impôt sur le revenu qu’auparavant.

Introduit dans le texte de la loi de finances pour 2009, un amendement du député centriste M. Charles de Courson a permis de revenir sur le quotient familial en supprimant la demi-part fiscale des contribuables célibataires, veufs et divorcés. Cette mesure, qui ignore la réalité de la capacité contributive de ces ménages, se révèle être une atteinte à la justice fiscale.

Cette dépense fiscale déjà ancienne concerne un nombre important de ménages, plus de 4,3 millions, pour un montant qui peut paraître élevé, 1,7 milliard d’euros, mais qu’il convient de relativiser.

En effet, l’avantage en impôt qui découle de cette conception du quotient familial est limité à moins de 400 euros par an et par contribuable. On est donc fort loin des montants unitaires bien plus élevés atteints avec le dispositif Malraux, les investissements outre-mer ou le régime particulier d’imposition des plus-values.

On est fort loin aussi d’ailleurs des 200 000 euros de remboursement moyen au titre du bouclier fiscal dont ont bénéficié les 500 ménages les mieux servis en la matière !

Enfin, soyons clairs, cet article de la loi de finances pour 2009, ne cherche qu’à gager quelques éléments du déficit public sur le dos du plus grand nombre.

Mes chers collègues, parmi les 4,3 millions de contribuables isolés concernés par ce dispositif, nombreux sont ceux qui n’ont plus d’activité professionnelle et, parmi ces derniers, nombreux sont ceux pour qui l’attribution de la demi-part découlant de la législation actuelle est suffisante pour qu’ils soient non imposables au titre de l’impôt sur le revenu.

Dans le cas qui nous préoccupe, la sagesse impose de tenir compte de cette réalité et de ne pas modifier le dispositif existant. Ne l’oublions jamais, les charges fixes sont d’autant plus difficiles à supporter que l’on est seul !

Enfin, comme je le soulignais lors de la présentation des conclusions de la commission mixte paritaire sur la loi de finances, cet ajustement aux forceps de la situation des contribuables isolés les contraindra à payer une taxe d’habitation plus élevée, du fait du relèvement de leur revenu de référence.

Il s’agit là d’une forme de double peine qui pèsera encore un peu plus sur leur pouvoir d’achat ! Et, par les temps qui courent, le pouvoir d’achat, vous le savez, est un élément fondamental.

C’est pour rendre du pouvoir d’achat à des contribuables modestes que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Suivre cette suggestion nous conduirait à revenir sur un débat qui vient à peine d’être clos.

En outre, concernant cette affaire de la demi-part supplémentaire, je rappelle que la solution dégagée après la commission mixte paritaire n’est sans doute pas parfaite mais qu’elle ne se traduira par aucune application concrète en 2009 ; elle n’est susceptible d’application qu’en 2010. C’est un argument supplémentaire pour nous inciter à ne pas intégrer cet élément dans un texte dont le but est d’entrer en application au plus vite.

Pour le reste, je fais pleinement confiance au Gouvernement pour que, le cas échéant, nous puissions trouver ensemble les bonnes modalités permettant l’application de la mesure votée dans le sens de l’équité.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Afin d’éviter toute ambigüité sur ce sujet sensible, je rappelle que notre objectif n’est pas de supprimer la demi-part pour les personnes qui élèvent seules un enfant. Celles-ci bénéficient de cette demi-part et continueront à en bénéficier.

Notre objectif est en revanche de lutter contre un certain nombre d’injustices. Beaucoup d’entre vous, à droite comme à gauche, étaient d’accord avec cette analyse qui faisait apparaître l’injustice de certains cas.

En effet, des personnes se retrouvant seules, en cas de séparation tardive ou du décès de leur conjoint, bénéficiaient de cette demi-part bien qu’elles aient élevé leurs enfants en couple et alors même que ces enfants étaient partis du foyer pour vivre leur vie ! Ainsi, de nombreux contribuables n’ayant jamais élevé seul un enfant pouvaient bénéficier de cette aide, aucune charge ne permettant pourtant de le justifier. Inversement, d’autres couples pour qui cela aurait été justifié n’avaient pas accès à la demi-part. D’où une grande injustice entre deux types de contribuables.

Le législateur a voulu essayer de régulariser cette situation. Ainsi, une personne seule peut continuer à bénéficier de la demi-part si elle prouve qu’elle a élevé seule un enfant pendant au moins cinq ans.

Au demeurant, l’amendement, tel que vous le présentez, monsieur le sénateur, ne conduit pas à revenir à l’état préalable du droit, avant le vote du Parlement, mais à augmenter les avantages.

En effet, vous portez le plafond à 2 292 euros, c’est-à-dire très au-dessus du plafond actuel des 880 euros, et vous supprimez la réduction d’impôts de 648 euros. Cela revient à diminuer l’avantage fiscal consenti aux invalides, aux anciens combattants et aux veuves de guerre. Je ne pense pas que ce soit votre objectif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

M. Thierry Foucaud. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Le vote est déjà commencé !

M. Thierry Foucaud. Eh bien alors, votons !

M. le président. Mme Procaccia est très pointilleuse sur le règlement. Je pensais mener ce débat au mieux....

M. Thierry Foucaud. Je ne peux pas être choqué du comportement de Mme Procaccia, dans la mesure où je le connais parfaitement… Nous sommes dans un laboratoire d’idées ultra-réactionnaires ! Il n’y a pas de raison que cela change !

Allons-y  votons !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Excusez-moi, monsieur Foucaud, je regarderai plus à gauche à l’avenir. (Sourires.)

L'amendement n° 69, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 200 A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° À la fin du 2, le taux : « 18 % » est remplacé par le taux : « 20 % » ;

2° Dans le 5, le taux : « 22,5 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;

3° Dans la première phrase du premier alinéa du 6, le montant : « 152 500 euros » est remplacé par le montant : « 50 000 euros » ;

4° Les trois derniers alinéas du 6 sont supprimés ;

5° A la fin du premier alinéa du 6 bis, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 40 % » ;

6° Le 7 est abrogé.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement tend à réviser les règles d’imposition des revenus de capitaux mobiliers.

D’une manière générale, nous souhaitons procéder au relèvement du taux des prélèvements libératoires actuellement mis en œuvre sur option, qui constituent l’une des sources d’alimentation des recettes de l’impôt sur le revenu.

Notre amendement tend notamment à harmoniser le traitement fiscal des revenus catégoriels, à améliorer le rendement de l’impôt, à mettre à la disposition du budget général des ressources nouvelles, et ce en vue d’une réduction du déficit et du financement de nouvelles dépenses.

Il prévoit trois mesures.

Tout d’abord, il vise à augmenter le taux d’imposition des plus-values, avec une hausse de deux points, ce qui, sur la base de 14 milliards d’euros de revenus déclarés, conduira à accroître d’environ 300 millions d’euros le produit de l’impôt.

Ensuite, il tend à porter à 30 % le taux de taxation des produits tirés de cessions anticipées de titres centralisés sur un plan d’épargne en actions.

Enfin, il a pour objet de modifier le traitement fiscal des stock-options, forme de rémunération dont le coût fiscal demeure pour le moment assez réduit.

En effet, le dispositif qui leur est applicable est relativement peu utilisé. En 2006, seuls un peu plus de 2 300 contribuables ont demandé à en bénéficier, pour un montant – tout de même ! – de 100 millions d’euros.

Nous sommes parfaitement fondés à demander un relèvement sensible de la taxation de ces plus-values, qui est pratiquement nulle compte tenu de l’actuel plafond.

Cela passe singulièrement par un abaissement du plafond d’imposition, que nous proposons de ramener à 50 000 euros de plus-value annuelle, afin de taxer un nombre de contribuables plus important qu’aujourd’hui.

Je le souligne, un taux de taxation de 30 % sur une somme de 50 000 euros, quand le taux marginal est de 40 %, signifie que les détenteurs de stock-options économisent 5 000 euros par rapport au montant qu’ils devraient acquitter si cette forme de rémunération était intégrée dans l’assiette du revenu imposable.

L’adoption de cet amendement pourrait inciter les contribuables concernés à ne pas recourir au dispositif spécifique et à opter pour une taxation normale de leurs revenus selon les barèmes de l’impôt. Cela constituerait un premier pas dans le sens d’une plus grande égalité de traitement entre revenus catégoriels.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette mesure permanente n’est pas dans l’esprit du plan de relance.

De plus, s’attacher à durcir la taxation des plus-values sur des cessions d’entreprises au moment où les valeurs baissent de manière parfois dramatique n’est sans doute pas une mesure appropriée.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 200 B du code général des impôts, le taux : « 16 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement s’inscrit dans la même perspective que notre amendement précédent.

Au moment où tant d’efforts sont demandés au monde du travail, il n’est pas anormal que ceux qui ont tiré parti de l’évolution du marché immobilier ces dernières années soient mis à contribution.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Si le groupe CRC demeure dans la même perspective, la commission reste également dans la perspective qui est la sienne et ne peut que rejeter l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre. Défavorable également. 

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, pour les dirigeants d'entreprises qui ont une rémunération annuelle excédant 250 000 euros après prélèvement des cotisations sociales, le montant des indemnités de départ qui excède ce montant est imposé à un taux de 100 %.

II. - Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, la société qui octroie une rémunération de départ supérieure, calculée conformément au premier alinéa, en vertu d'un contrat de travail, d'un contrat d'entreprise ou d'un mandat est soumise à une taxe supplémentaire de 15 % sur son bénéfice imposable.

III. - Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, toute rémunération ou partie de rémunération qui est liée à l'évolution de cours boursiers, octroyée ou calculée sous quelle que forme que ce soit, est soumis à une taxe de 10 %.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Avec cet amendement, il s’agit de poser clairement la question de la prise en compte, au plan fiscal, d’une catégorie de revenus très particulière, et somme toute limitée, au regard de l’ensemble du revenu des ménages, en l’occurrence les indemnités de départ accordées à certains grands patrons au terme de l’exercice de leurs fonctions.

Le nombre de contribuables visés est faible et les mesures que nous proposons n’auront peut-être que peu d’occasions d’être mises en œuvre. Mais ces mesures ont un fort caractère de justice et d’équité fiscale.

Il s’agit de rendre quasiment impossible de pratiquer à l’intention de ces dirigeants d’entreprise toute politique de rémunération de départ de niveau exceptionnel, en mettant en œuvre une forte taxation des émoluments ainsi versés.

Nous ne mettons évidemment pas en cause les qualités individuelles de tel ou tel dirigeant mais, vous le comprendrez aisément à l’aune de quelques situations bien connues de tous, on ne peut tolérer encore bien longtemps ces pratiques si spécifiques de rémunération.

Quoi qu’on puisse en dire, la loi TEPA, dans son article 17, n’a pas résolu la question de la rémunération des dirigeants d’entreprise et, comme l’examen récent de la proposition de loi de nos collègues socialistes sur le sujet nous l’a démontré, il y a encore beaucoup à faire pour replacer dans le droit commun la situation de ces salariés d’un genre un peu particulier. Et, quoi qu’ait pu en dire madame la ministre de l’économie de l’industrie et de l’emploi, le code éthique du MEDEF ne suffit aucunement à résoudre le problème.

Même dans les rangs de la majorité sénatoriale, l’idée qu’en matière de rémunération des chefs d’entreprise, et notamment des banquiers, les limites ont largement été atteintes a fait son chemin ! Et ce d’autant plus au moment où la mise en œuvre de la seconde tranche du plan de redressement du secteur financier conduit le Gouvernement, à l’appel insistant de la Présidence de la République, à refuser d’aider les établissements de crédit où les chefs d’entreprise prendraient quelques libertés avec l’affectation des fonds publics.

En effet, dans un pays où l’on en arrive à compter par dizaines de milliers les chômeurs supplémentaires, les choses et les faits commencent à peser dans les esprits.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement, dont le caractère symbolique, au sens de la justice fiscale et sociale, est, nous en convenons, plus important que le rendement pour les comptes publics.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sujet a été traité par l’article 21 de la loi de finances pour 2009. Il n’y a donc pas lieu d’y revenir.

De plus, un taux d’imposition de 100 % est à nos yeux inacceptable car totalement confiscatoire.

Notre avis ne peut qu’être très défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Notre collègue M. Vera, en défendant l’amendement du groupe CRC, a bien voulu faire référence à la proposition de loi que nous avons défendue le 4 novembre dernier. Je rappelle que la majorité sénatoriale nous a renvoyés à un futur bilan du code de bonne conduite et n’a pas voulu délibérer de cette proposition de loi. Nous nous sommes ainsi arrêtés après la discussion générale.

Le président Hyest, qui rapportait au nom de la commission des lois, avait alors annoncé un bilan après trois mois et il proposait, dans le cas où les engagements n’auraient pas été tenus, la mise en œuvre d’une évaluation et d’une législation. Tout récemment, le Président de la République s’est ému très fortement de ces pratiques, qui continuent.

Cela dit, il ne me semble pas de bon aloi de se servir des dirigeants d’entreprises et, dans une stratégie de communication, de leur proposer un marché : 10 milliards d’euros supplémentaires pour soutenir les banques, contre une limitation des bonus ! Ce n’est pas sérieux !

Le Président de la République est pressé, on le sait, c’est un homme toujours en mouvement, on ne sait pas toujours dans quel sens il bouge mais il bouge ! Eh bien, en l’occurrence, nous allons lui faire gagner du temps : il n’aura pas à faire un bilan des pratiques à la fin du premier trimestre, il aura satisfaction dès ce soir !

Pour cela, il faut voter l’amendement du groupe CRC.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 278 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 278. - À compter du 1er janvier 2009, le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 17,60 %. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement du taux de l'impôt sur les sociétés.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Je ne vais pas reprendre l’argumentation sur la TVA que j’avais développée ici même, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009. Vous connaissez tous la position du groupe CRC-SRG sur cette question : la TVA, dont on souhaite accélérer le remboursement aux entreprises dans le cadre du plan de relance, doit être modifiée et son taux normal doit être abaissé.

Monsieur le rapporteur général, ne me dites pas de regarder ce qu’a donné l’exemple de la Grande-Bretagne, qui a abaissé de deux points le taux de TVA, car, lorsqu’on vous renvoie, vous ou le Gouvernement d’ailleurs, aux résultats d’un dispositif que vous avez adopté, vous répondez toujours que la situation aurait été bien pire sans cette mesure !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a quelques années, le Gouvernement – M. Strauss-Kahn, ou son successeur M. Sautter, étant ministre de l’économie et des finances – avait abaissé d’un point le taux général de la TVA. Cette mesure avait coûté très cher, sans avoir d’effet discernable sur l’économie.

M. Patrick Devedjian, ministre. Comme en Grande-Bretagne !

M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, c’est la même leçon que nous devons tirer aujourd'hui de l’exemple anglais.

Pour qu’une telle mesure produise des effets, il faudrait que le différentiel de taux soit beaucoup plus important, mais nous n’en avons pas les moyens. Même si l’on voulait, dans la logique de votre position, « taxer les riches » beaucoup plus fortement, il serait manifestement impossible de compenser plusieurs points de TVA. Cette proposition est vouée à l’échec, et votre raisonnement est très loin de sa cohérence. Nous ne pouvons donc que rejeter la mesure qui vient d’être proposée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Eric Woerth, ministre. Monsieur Foucaud, cette mesure coûte excessivement cher : une baisse de deux points de TVA représente un coût considérable, entre 13 milliards et 14 milliards d’euros, pour un résultat qui n’est certainement pas celui que vous escomptez. Vous voyez bien les résultats d’une telle mesure en Grande-Bretagne. Cet argent peut être bien mieux utilisé, notamment dans le cadre du plan d’investissement, qui est le volet principal du plan de relance. Ne nous précipitons donc pas sur ce type de mesures, qui sont à la fois coûteuses et inefficaces.

M. Jean-Jacques Jégou. Qu’en est-il pour la restauration ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 885 I bis, 885 I ter, 885 I quater et 885-0 V bis du code général des impôts sont abrogés.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Depuis plusieurs années, l’impôt de solidarité sur la fortune souffre non seulement de sérieuses imperfections, mais aussi d’avoir été, pour des raisons purement idéologiques, progressivement dénaturé.

Le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune n’est certes pas négligeable – plus ou moins 3,9 milliards d’euros –, mais il est largement obéré par l’ensemble des dispositifs dérogatoires concernant tel ou tel élément de patrimoine, imposable ou non. Ainsi en est-il des mesures que nous visons avec cet amendement, qui tend à assurer une égalité de traitement entre les contribuables de l’ISF, et le retour à une juste imposition.

Parmi les mesures corrigeant les effets du tarif de l’impôt – notamment par la grâce des dispositions de la loi TEPA, dont on ne redira jamais assez à quel point elle a consisté à dépenser, à perte, l’argent public –, figurent, par exemple, l’exonération des actions détenues par la voie d’un pacte d’actionnaires ou l’imputation de l’investissement dans les PME sur le montant de l’ISF à payer.

Pourtant, il serait logique d’inclure, dans tous les cas, ces éléments d’assiette dans l’ISF parce que la valeur d’une entreprise a le plus souvent peu à voir avec la détention du capital et beaucoup avec l’utilisation du travail humain : elle est avant tout le produit du travail de tous et appartient à tous.

Aujourd’hui, le produit de l’impôt est réduit de plus d’un milliard d’euros, nonobstant l’exonération des biens professionnels, qui constitue, à n’en pas douter, la principale perte de rendement de cet utile et indispensable impôt de solidarité sur la fortune.

L’article 885 I quater, que nous visons dans cet amendement, ne représente pas une dépense fiscale négligeable, puisque son coût est évalué à 126 millions d’euros, partagé entre 9 669 ménages, ce qui correspond à une remise de droits de plus de 13 000 euros en moyenne.

La lecture du tarif de l’ISF nous indique que cette moyenne de droits à payer n’est atteinte qu’à compter d’un patrimoine de près de 2,6 millions d’euros. Or le patrimoine moyen des contribuables de l’ISF se situe autour de 1,3 million à 1,5 million d’euros. Ainsi, seuls les contribuables très aisés de l’ISF sont directement concernés par l’application de cette disposition.

Notre amendement vise à mettre un terme à cette situation, en supprimant purement et simplement cette disposition dérogatoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre collègue Bernard Vera le sait très bien, cette proposition est totalement contraire aux orientations de la majorité de la commission. Par ailleurs, elle est très éloignée de l’objectif du plan de relance. Pour ces raisons, nous ne pouvons qu’y être défavorables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Articles additionnels avant le titre Ier
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Articles additionnels avant l’article 1er (interruption de la discussion)

Articles additionnels avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 13 rectifié est présenté par Mmes Procaccia, Papon, B. Dupont, Lamure, Desmarescaux, Bout, Mélot et Sittler et MM. Cambon, Revet, Demuynck, Etienne et Dallier.

L'amendement n° 26 rectifié est présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le dernier alinéa du I de l'article 125-0 A du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces produits sont exonérés lorsque la durée du bon ou contrat est supérieure ou égale à douze ans ».

II. - Les dispositions du I s'appliquent aux dénouements intervenant à compter du 1er janvier 2009.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, vous le savez, l’assurance vie est le placement préféré des Français, particulièrement en ces temps difficiles. Plus de 12 millions d’entre eux sont titulaires d’un tel contrat, qui leur sert notamment à préparer leur retraite.

Pourtant, la fiscalité de l’assurance vie n’est pas aussi favorable qu’elle ne l’a été à l’origine, lorsque j’ai moi-même commencé à travailler et à souscrire un tel contrat.

En effet, le prélèvement libératoire varie entre 15 % et 35 % les huit premières années et est de 7,5 % passé ce délai, auquel s’ajoutent les 12,1 % de prélèvements sociaux si les intérêts dépassent 4 600 euros pour une personne seule.

L’amendement vise à exonérer d'impôt sur le revenu les produits des contrats d'assurance vie d'une durée supérieure ou égale à douze ans.

Cette mesure peut inciter les Français à ne pas débloquer leurs fonds au bout de huit ans et surtout à déposer plus d’argent sur leur assurance vie. Il ne s’agit pas simplement de faire plaisir aux assureurs ou aux assurés. L’assurance vie est une épargne à long terme, stable, qui peut être placée en obligations, en actions ou en souscription d’emprunts. Si les encours baissaient, les assureurs souscriraient moins d’emprunts, ce qui fragiliserait notre économie alors que nous essayons de la relancer.

Une évaluation fournie par la FFSA, la Fédération française des sociétés d’assurances, évalue le montant des actifs supplémentaires à plus de 11 milliards d’euros. Ces actifs se répartiraient en 6 milliards d’euros d’investissements directs supplémentaires, et 4 milliards d’euros pouvant être investis dans des opérations émises ou garanties par l’État.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour présenter l'amendement n° 26 rectifié.

M. Jean-Jacques Jégou. Mes chers collègues, je ne vais pas vous infliger une longue présentation puisque Catherine Procaccia et moi-même avons déposé des amendements identiques, inspirés par la même volonté de stabiliser l’épargne placée en assurance vie.

Je rappellerai que plus de 1 500 milliards d’euros sont actuellement placés en assurance vie et que nous constatons depuis 2008 une stabilisation, voire une légère régression, de ce marché, qui connaissait jusqu’à présent une progression de 10 %. En ces temps de crise grave, les sommes investies par les assurances dans les entreprises ou même dans les dettes de l’État ne sont pas à négliger.

Je souhaite que le Gouvernement nous donne son sentiment sur ce changement d’attitude des Français : n’est-il pas inquiet de voir se raréfier ces ressources de l’assurance vie ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il nous semble très opportun de traiter de ce sujet : nos collègues ont donc très utilement pris l’initiative de braquer notre attention sur l’épargne. Dans la discussion générale, nous avons surtout entendu parler de l’investissement, de la consommation…

M. Philippe Marini, rapporteur général. … mais, à ma connaissance, seul Jean-Pierre Fourcade a évoqué l’épargne.

Mme Nicole Bricq. J’en ai parlé aussi !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, madame Bricq, mais il m’a semblé que vous vous renvoyiez la balle.

Nous avons la chance dans ce pays d’avoir un réservoir d’épargne très important. À un moment où l’on craint une déflation et, dans certaines hypothèses défavorables, un assèchement des marchés financiers internationaux, mieux mobiliser le réservoir d’épargne domestique n’est pas nécessairement une si mauvaise idée, à défaut d’être une idée nouvelle. Bien des gouvernements l’ont d’ailleurs mise en œuvre dans des phases de crise.

Messieurs les ministres, il serait utile que vous réfléchissiez, avec Mme Lagarde, à la proposition de Jean-Pierre Fourcade, car une telle mesure permettrait à l’opinion de mieux visualiser l’effort à fournir pour résister à la crise. Des bons à cinq ans dotés d’un taux de rémunération de marché pourraient constituer un produit intéressant, qui dégagerait quelques dizaines de milliards d’euros.

J’en reviens à la proposition plus précise de Jean-Jacques Jégou et Catherine Procaccia.

Un amendement similaire aux leurs a été présenté, le 8 janvier dernier, à l’Assemblée nationale par notre collègue député de l’Aveyron Yves Censi. Il a suscité un large débat avant d’être retiré.

D’un point de vue micro-économique, cette initiative est favorable aux assurés. En outre, celui qui ne souhaite pas maintenir son placement ne verra pas son régime actuel modifié : il sortira du contrat d’assurance dans les mêmes conditions que celles qu’il a souscrites.

En revanche, d’un point de vue macro-économique, l’effet bénéfique est moins certain. Une telle disposition mérite que soit conduite une réflexion approfondie et concertée.

Nous disposons d’une estimation par la FFSA du coût global, qui prévoit, à juste titre, des pertes de recettes pour l’État estimées à 77 millions d’euros et des gains de prélèvements sociaux à hauteur de 45 millions d’euros, soit un coût net de 32 millions d’euros. Il faudrait pouvoir vérifier ces chiffres. Or nous n’avons pas été en mesure de le faire.

De plus, ne peut-on craindre un effet d’aubaine pour les contrats arrivés à maturité ? Le souscripteur d’un contrat à onze ans bénéficierait-il d’une exonération de ses produits au lieu d’une imposition à 7,5 % ? Dès lors, ne serait-il pas préférable de circonscrire le périmètre du dispositif aux contrats nouvellement souscrits ou à un encours d’une durée de moins de quatre années par exemple, et non à l’ensemble des contrats ?

En outre, l’effet de levier invoqué par les professionnels et utilement cité par Catherine Procaccia atteindrait 11,5 milliards d’euros. On nous dit, d’une part, que 9,5 milliards d’euros d’actifs seraient conservés dans les portefeuilles d’investissement en raison du report de la sortie des contrats de plus de huit ans arrivés à maturité en raison de la nouvelle exonération et que, d’autre part, 2 milliards d’euros supplémentaires seraient versés sur ces contrats.

Si le raisonnement semble attractif, nous n’avons aucune certitude quant au montant des versements supplémentaires après report de la sortie du contrat. Il ne s’agit donc que d’une espérance, et je ne sais pas sur quelle étude de marché elle se fonde. Il n’existe également aucune garantie quant à l’emploi des primes.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est pourquoi mon collègue rapporteur général Gilles Carrez a souhaité que les contreparties de la mesure soient au préalable étudiées. Il a évoqué le type d’investissements attendus, qui, parce que détenus sur un terme plus long, bénéficieraient d’une fiscalité plus avantageuse. Il a lié son raisonnement à la mise en place du fonds stratégique d’investissement.

De son côté, le ministre du budget a émis le souhait d’un examen plus approfondi des conséquences de cette proposition.

Mes chers collègues, dans le bref laps de temps qui a précédé l’examen de ce texte, je vous le confesse, nous n’avons pas pu mener cet examen plus approfondi. Or il conviendrait d’obtenir une expertise préalable avant de prendre réellement position. C’est pourquoi je crois utile d’entendre le Gouvernement, d’autant que Jean-Jacques Jégou a expliqué que sa démarche visait surtout à soulever la question.

Mes chers collègues, veuillez me pardonner d’avoir quelque peu développé cette question, qui est fort intéressante. Mais je crois que les problèmes de l’épargne devront à un moment ou à un autre revenir au cœur de la problématique du temps de crise.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Je vais ajouter peu de choses au développement très approfondi de M. le rapporteur général, sinon qu’il faut effectivement regarder tout cela de plus près. Nous devons réfléchir à ces sujets importants. Or, en quelques semaines, nous n’avons pas eu le temps de le faire.

De toute façon, je ne pense pas que cette mesure puisse être intégrée dans un plan de relance en raison de son caractère définitif.

Je ferai tout de même quelques remarques.

Le régime fiscal de l’assurance vie est déjà très avantageux. C’est le moins que l’on puisse dire. C’est d’ailleurs pour cela que ce placement est si apprécié de nos compatriotes. Je ne vais pas entrer dans les détails, tout le monde les connaît, mais sachez que ce régime fiscal bénéficie d’un abattement jusqu’à 9 200 euros pour un couple, ce qui n’est pas une petite somme. Pour beaucoup de personnes, il y a donc bien une exonération de l’impôt sur le revenu à partir du moment où les huit ans sont dépassés.

En augmentant les avantages fiscaux liés à cette épargne, ne risque-t-on pas de déstabiliser le paysage de l’épargne auquel est sensible M. le rapporteur général. Je pense en particulier aux PEA, qui concourent au financement de l’économie, d’autant que tous ces produits sont en compétition.

En outre, il faut être prudent sur les chiffrages. Je n’entre pas dans le détail aujourd’hui, car je pense que nous aurons à nouveau ce débat.

L’effet d’aubaine ne serait pas négligeable. Il faudrait donc le gommer dans une mesure de ce type, qui est plutôt destinée à nos concitoyens les plus aisés.

Cela étant, je répète ce que j’ai dit à l’Assemblée nationale : le Gouvernement ne ferme pas la porte, mais il ne peut accepter aujourd’hui ce texte dans ces conditions.

M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. J’ai bien écouté ce qu’ont dit M. le rapporteur général, qui défend si souvent l’épargne et les épargnants, et M. le ministre.

Je suis d’accord sur le fait que nous devons être prudents sur les chiffrages, mais n’est-ce pas au ministère du budget de nous les communiquer ? En lisant le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale, j’ai noté que notre collègue Yves Censi et le rapporteur général avaient demandé qu’un tel chiffrage soit établi avant l’examen du texte au Sénat. Or nous sommes en plein examen du texte au Sénat, mais la réflexion n’a pas vraiment avancé.

Cela dit, monsieur le ministre, je ne suis pas du tout d’accord avec vous quand vous dites que nous visons les personnes aisées.

M. Éric Woerth, ministre. J’ai dit « les plus aisées » !

Mme Catherine Procaccia. Un contribuable peut facilement disposer d’une somme de 7 000 euros sur son assurance vie au bout de douze ans. Un tel montant ne représente pas des sommes importantes à verser chaque mois. Depuis 1997, début du dispositif, les taux d’intérêt n’ont pas atteint des taux extraordinaires, quelquefois 5 %, 4 %, voire 3,7 %. J’incite donc mes collègues à déposer des sommes, mêmes faibles, sur l’assurance vie, car, à long terme, ils s’apercevront que cela ne rapporte pas qu’à l’État. C’est un bon placement pour préparer sa retraite ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mon amendement ne sert donc pas les ménages les plus aisés.

En revanche, je suis tout à fait d’accord sur l’effet d’aubaine. Après avoir entendu M. le rapporteur général, je pense que mon amendement pourrait être rectifié afin que le dispositif ne s’applique qu’aux nouveaux contrats, comme il le propose, ou à ceux dont l’échéance n’est que dans quatre ou cinq ans. Il est donc tout à fait possible de limiter les défauts qui ont été cités.

Pour toutes ces raisons, je préfère maintenir mon amendement et laisser juge le Sénat.

M. le président. Monsieur Jégou, l’amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Jégou. Au préalable, je voudrais remercier M. le rapporteur général, qui, malgré des conditions de travail difficiles liées à l’examen en urgence de ce texte, a su décortiquer mon amendement et aborder tous les aspects de la question. Je remercie également M. le ministre de sa réponse.

Tout le monde sait que mon objectif n’était pas de traiter de la fiscalité ou de l’amélioration des revenus de l’assurance vie. Mon propos, qui collait parfaitement à l’ambition affichée par le plan de relance, visait à s’interroger sur l’éventuelle désaffection des Français vis-à-vis de ce type d’épargne, ce qui poserait des problèmes à la fois aux entreprises et à l’État. Le plan de relance a en effet bien besoin de l’investissement des compagnies d’assurance.

Je ne pense pas que les choses en resteront là puisque Éric Woerth a laissé entendre que nous étions amenés à nous revoir. Pour ma part, compte tenu du sort qui sera réservé à cet amendement, je préfère le retirer.

M. le président. L’amendement n° 26 rectifié est retiré.

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 13 rectifié.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à offrir l’opportunité aux compagnies d’assurance de lever des ressources nouvelles en aménageant les conditions d’exonération des contrats d’assurance vie et de capitalisation.

Le dispositif actuel est une incitation à l’épargne longue des ménages et, singulièrement, à celle des cadres d’entreprise âgés d’une cinquantaine d’années.

M. Daniel Raoul. Autrement dit, les petits jeunes ! (Sourires.)

M. Thierry Foucaud. Ce qui est sous-jacent à cet amendement est d’ailleurs connu : intégrer comme inexorable l’allongement de la durée de cotisation, et donc d’activité, que l’on cherche à toute force à imposer aux salariés de ce pays alors même que la situation démographique de la France n’est pas aussi catastrophique que cela.

C’est donc en jouant de l’inquiétude de certains, notamment des cadres, quant au devenir de la retraite par répartition que l’on en vient aussi à proposer de telles mesures.

Entrons dans les détails chiffrés : l’imposition réduite des contrats d’assurance vie présente un coût de 2,8 milliards d’euros pour le budget de l’État et concerne un nombre indéterminé de ménages pour l’administration fiscale, même si l’on nous annonce 12 millions de souscriptions. En retenant ce chiffre, cela implique que, par contribuable, le dispositif actuel de défiscalisation coûte en moyenne 230 euros environ, nonobstant les intérêts perçus, bien entendu.

Les reliquats de capitalisation, non dénoués au bout de huit ans, sont d’un coût fiscal de 60 millions d’euros. Ce sont d’ailleurs ces reliquats qui vous intéressent, madame Procaccia, je suppose.

Comme lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2009, nous sommes, avec cet amendement, en présence d’une mesure destinée, de manière exclusive, aux ménages dits moyens, mais plutôt de la tranche supérieure. Cela intervient, et pour nous ce n’est pas un hasard, au moment même où le Gouvernement annonce à la fois une réduction du taux de rémunération du livret A et une progression spectaculaire de la dette publique.

Ce que nous propose donc notre collègue du Val-de-Marne n’est rien d’autre qu’une transformation de la situation de crise économique que nous vivons en nouvelle source de cadeau fiscal.

Comme il faudra bien un jour que nous posions la question du financement de l’action publique, plutôt que le dispositif ici préconisé, envisageons que l’État, comme il sut le faire dans le passé, émette dans les délais les plus brefs un nouvel emprunt national, assorti par exemple d’un taux d’intérêt raisonnable – pourquoi pas de 3 % ? – et défiscalisé qui serait levé sur le marché domestique et destiné à financer la relance de l’activité et des investissements publics sous contrôle public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter de 2010, le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée est exclu de l'ensemble des prélèvements sur recettes de l'État établis au profit des collectivités territoriales, pris en compte pour le plafonnement de l'augmentation des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Messieurs les ministres, nous nous opposons au moins sur deux points essentiels. Le premier, c’est que nous tenons la crise pour profonde et durable, alors que vous l’estimez superficielle et de courte durée. Comme la discussion générale et les propos de notre rapporteur général l’attestent, vous êtes ainsi opposés à toute disposition qui ne serait pas temporaire.

Le second point de désaccord découle du premier : vous pensez qu’il est possible de poursuivre deux lièvres à la fois, c'est-à-dire de réaliser un plan de relance – et donc, qu’on le veuille ou non, injecter de la monnaie – mais en bloquant le plus possible les dépenses. Si j’étais psychanalyste, je dirais que c’est un acte manqué, la conciliation bizarre de pulsions de nature opposée. On le voit bien, d’ailleurs, à travers le dispositif concernant le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, sur lequel nous reviendrons longuement.

Nous pourrions nous accorder sur un point. Pour relancer véritablement l’économie, il faut donner aux collectivités locales, qui réalisent 75 % de l’investissement public pour un endettement modéré, un rôle moteur dans cette relance. Or vos propositions sont largement insuffisantes en la matière.

L’objet de cet amendement est plus particulièrement d’exclure, à partir de 2010, le FCTVA de l’enveloppe fermée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Nous proposons de supprimer la disposition qui a été adoptée cette année, afin de rendre aux collectivités territoriales toutes leurs capacités financières et d’investissement.

Je suis frappé que la baisse considérable des droits de mutation et ses conséquences sur la situation des collectivités territoriales n’ait pas été abordée. Certains départements voient ainsi disparaître 10 % de leurs ressources.

M. Éric Woerth, ministre. Eh oui !

M. Pierre-Yves Collombat. Les communes, pour lesquelles cette ressource était devenue importante, notamment depuis cinq ou six ans, vont avoir du mal à équilibrer leur budget.

La dotation globale de fonctionnement, la DGF, n’augmentant en réalité que de 1 %, même si l’année 2009 se passe relativement bien, nous rencontrerons d’extrêmes difficultés en 2010. Je suis prêt à en prendre le pari !

En demandant de revenir sur la décision d’inclure le FCTVA dans l’enveloppe fermée pour l’exercice prochain, nous anticipons sur la suite en organisant un accompagnement salutaire du plan de relance.

Tel est l’objet de cet amendement, qui me paraît mériter que l’on s’y attarde un peu. Ne vous contentez pas de nous objecter que notre proposition concerne 2010 et que nous en sommes aux mesures temporaires pour 2009, car il ne suffit pas de pédaler en regardant ses pieds pour sortir notre pays de l’ornière !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, il s’agit du plan de relance et non de la loi de finances pour 2010.

Messieurs les ministres, ne vous faites aucune illusion : cette question vous sera de nouveau posée…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. …et le Sénat sera très attentif à la prise en compte du FCTVA pour les exercices à venir.

Cependant, mes chers collègues, il ne serait pas conforme à la nature de ce texte de voter la disposition que vous préconisez. Nous ne pouvons en aucun cas anticiper les arbitrages qui vont devoir être faits en matière de finances publiques et, notamment, de concours de l’État aux collectivités territoriales pour 2010, car cela signifierait que nous sommes en mesure de connaître par avance le contexte économique et celui des finances publiques qui prévaudra au cours de l’été prochain, au moment de la préparation de la loi de finances pour 2010.

C’est donc pour cette seule raison de méthode que la commission est amenée à émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinerons cette disposition, le cas échéant, en débattant de la loi de finances pour 2010.

J’estime que nous avons établi ensemble une règle juste, qui a fait l’objet de discussions approfondies, avec une progression très forte des dotations aux collectivités territoriales. Nous avons même donné plusieurs « coups de pouce » cette année. Franchement, les collectivités locales ne peuvent reprocher à l’État quoi que ce soit dans le domaine de leurs relations financières. Bien sûr, on peut toujours faire de la politique politicienne et rejeter la faute sur les autres, mais la réalité est tout autre !

Il est vrai que les droits de mutation sont en train de diminuer. Mais il n’y a pas, d’un côté, un État qui subirait des diminutions de recettes, des déficits accrus et, de l’autre, des collectivités locales, qui vivent elles aussi d’argent public, qui seraient complètement à l’abri ! Il serait tout de même assez incroyable que le système économique et l’État soient atteints de plein fouet par la crise et que les collectivités locales ne la subissent pas.

Les gestionnaires de collectivités doivent adapter, lorsque cela est possible, leur mode de gestion à la crise. Tout ne relève pas de la responsabilité de l’État ! Celui-ci ne peut pas compenser systématiquement le coût de cette crise aux collectivités locales. On est autonome ou on ne l’est pas !

En ce qui concerne le FCTVA, nous en débattrons, mais il me semble qu’il faut en rester à une enveloppe normée, respectueuse des collectivités qui savent mieux à quoi s’en tenir pour l’avenir.

En tout état de cause, les dotations aux collectivités locales ont progressé bien plus vite que les crédits de l’État.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je croyais que nous étions entre keynésiens et que nous avions tous compris le rôle essentiel que pouvaient jouer les collectivités locales dans la relance. Je ne sais pas, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, ce que je dois le plus admirer : votre capacité à tout comprendre ou votre aptitude à ne rien entendre ! (Rires.)

Vous n’avez pas vraiment l’air de réaliser où nous en sommes ! Pour vous, cela va passer : la France est un pays un peu particulier, qui résiste mieux que d’autres à la crise. Vous oubliez de dire que c’est précisément parce que nous sommes moins « modernes » que vous ne le souhaitiez, parce que nous sommes encore un peu « archaïques » que tout n’est pas parti à vau-l’eau !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous faites un procès d’intention ! Restez-en au keynésianisme !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est nullement un procès d’intention ! Nous ne rencontrons pas autant de problèmes que les Anglais en matière de recettes. Mais rappelez-vous les éloges sur les fonds de pension et les charges contre l’archaïsme du régime par répartition…

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une interprétation libre et tendancieuse !

M. Pierre-Yves Collombat. Si les fonds de pension jouaient le même rôle en France qu’en Islande, nous ne serions pas là à ergoter pour savoir ce que nous allons faire en 2010 !

Je ne vous fais pas de procès d’intention, mais vous devez réaliser la situation. Chaque jour apporte des nouvelles qui ne sont guère rassurantes.

M. Éric Woerth, ministre. C’est pourquoi nous sommes là !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Sinon, nous serions en train d’examiner un autre texte !

M. Pierre-Yves Collombat. Autant que ce soit utile et que nous accordions assez de crédits suffisamment longtemps et au bon endroit pour sortir durablement notre pays de la crise !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement pose une véritable question, celle du devenir de la fameuse enveloppe normée des concours budgétaires de l’État aux collectivités locales.

Cela fait quelques années, en fait depuis 1995, que ces concours sont encadrés. Dès cette époque, c'est-à-dire celle du pacte de stabilité financière entre l’État et les collectivités locales, nous avions déjà pointé les limites de l’exercice.

Au-delà des discours magnanimes sur la qualité des relations entre l’État et ses partenaires locaux, sur l’importance de la décentralisation ou sur je ne sais quel autre engagement, les résultats que nous avons observés à partir de 1995 étaient connus dès l’origine. L’enveloppe normée avait pour finalité de mettre les collectivités locales à contribution pour réduire autant que possible le déficit du budget général de l’État. Comme cela était prévisible, le dispositif s’est grippé au fil du temps.

Hormis pendant la période de croissance économique que nous avons connue de 1997 à 2002, lors de chaque discussion budgétaire, toutes les lois de finances se sont traduites par une réduction sans cesse plus accentuée de l’enveloppe normée pour l’ensemble des dotations et des concours.

Le résultat est connu. La dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui avait été créée pour effacer les effets de l’allégement transitoire des bases de 16 % – il s’agit d’un transitoire qui dure ! –, a perdu les deux tiers de sa valeur en treize ans. Cette année, nous avons atteint les limites maximales du dispositif.

Ainsi, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, nos collègues de la majorité ont voté sans sourciller la suppression du dispositif « Auberger », ce qui s’est immédiatement traduit par une perte de 500 millions d’euros pour la dotation globale de fonctionnement.

En outre, et je ne peux manquer de le souligner à cet instant, la réévaluation dont la DGF, qui est justement l’élément le plus dynamique des concours budgétaires de l’État, a été notoirement insuffisante, et ce en dépit de la poursuite du développement de l’intercommunalité et des conséquences de la publication du décret sur les nouvelles populations légales des communes françaises.

À titre d’exemple, citons le cas de la ville de Saint-Denis, où le recensement général a mis en évidence une augmentation de 12 000 personnes de la population résidente. Les besoins nouveaux en équipements publics et en services aux habitants qui découlent de cet accroissement sont estimés à 5,4 millions d’euros. Or, compte tenu des règles de progression de l’enveloppe normée, cette ville ne dispose que de 1,8 million d’euros de ressources nouvelles pour faire face ! Où doit-on trouver les sommes manquantes ? Dans les poches de l’usager ? Dans celles du contribuable ? D’ailleurs, ce sont bien souvent les mêmes !

En tout état de cause, cela signifie que l’enveloppe normée n’a aujourd'hui plus de sens. Cela vaut notamment pour le FCTVA, que le présent collectif entend favoriser.

Mes chers collègues, compte tenu de la reconnaissance implicite du rôle des collectivités locales qui marque ce collectif, si nous étions cohérents, nous déciderions, en pleine conscience, que l’enveloppe normée n’a plus de sens.

Anticiper aujourd'hui les versements au titre du FCTVA, n’est-ce pas prendre le risque que les autres éléments de l’enveloppe normée soient revus à la baisse ?

Nous comprenons fort bien les motivations de nos collègues socialistes et nous partageons évidemment leurs préoccupations relatives aux dépenses d’équipement des collectivités locales. Mais nous pensons qu’il faut aller plus loin et nous donner le temps nécessaire, par un abandon pur et simple de l’encadrement des dotations budgétaires de l’État, pour que la relance ait lieu. Or cela passe également par l’engagement des collectivités territoriales, sans qu’il leur soit imposé d’augmenter in fine les impositions locales !

Pour toutes ces raisons, nous voterons l’amendement n° 15.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Articles additionnels avant l’article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Discussion générale

6

Dépôt d'un projet de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l’approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public à la prise de décision et l’accès à la justice dans le domaine de l’environnement.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 175, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

Dépôt d'une proposition de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de Mme Bariza Khiari, MM. Jean-Pierre Bel, Roger Madec, François Patriat, Yves Daudigny, Jean-Marc Todeschini, Yannick Bodin, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Roland Courteau, René Teulade, Mmes Nicole Bricq, Catherine Tasca, MM. Richard Yung, Jacky Le Menn, Didier Guillaume, Serge Larcher, Claude Domeizel, David Assouline, Mmes Christiane Demontès, Michèle André, Claire-Lise Campion, M. Daniel Reiner, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Sueur, Bernard Piras, Jean Pierre Michel, Claude Jeannerot, Mme Marie-Christine Blandin, MM. André Vantomme, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Mme Josette Durrieu, MM. Yves Krattinger, Daniel Raoul, Robert Badinter, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Alima Boumediene-Thiery, Raymonde Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de loi visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 176, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Projet de décision du Conseil modifiant la décision du Conseil du 27 mars 2000 autorisant le directeur d’Europol à engager des négociations concernant des accords avec des États tiers et des instances non liées à l’Union européenne.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4223 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Projet de position commune du Conseil renouvelant les mesures restrictives à l’encontre du Zimbabwe.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4224 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Projet de position commune du Conseil modifiant la position commune 2008/369/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4225 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Projet de position commune du Conseil portant mise à jour de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme et abrogeant la position commune 2008/586/PESC.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4226 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Projet de décision du Conseil mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2008/583/CE.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4227 et distribué.

9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, Jeudi 22 janvier 2009,

À neuf heures trente :

1. Projet de loi (n° 154, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2009.

Rapport (n° 162, 2008-2009) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

2. Projet de loi (n° 157, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.

Rapport (n° 167, 2008-2009) de Mme Élisabeth Lamure, fait au nom de la commission des affaires économiques.

Avis (n° 163, 2008-2009) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Avis (n° 164, 2008-2009) de M. Laurent Béteille, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

À quinze heures et le soir :

3. Questions d’actualité au Gouvernement.

Délai limite d’inscription des auteurs de questions : jeudi 22 janvier 2009, à onze heures

4. Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 22 janvier 2009, à zéro heure trente.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD