M. le président. Il n’y a pas d’opposition ? …

Il en est ainsi décidé.

Organisation des débats
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports
Article 1er (début)

Articles additionnels avant le titre 1er

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par Mme Schurch, M. Billout, Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La France, par l'intermédiaire du Secrétaire d'État chargé des Transports, demande aux instances européennes la réalisation d'un bilan contradictoire sur l'impact en termes d'emplois, d'aménagement du territoire et de la qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire.

Le Secrétaire d'État demande également la réalisation d'un bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire. Dans l'attente, le Gouvernement s'engage par un moratoire à ne pas transposer de nouvelles directives.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires s’inscrit, comme on vient de le voir, dans le droit-fil des politiques communautaires de fragilisation et de destruction des services publics nationaux.

La majorité parlementaire soutenant sans ciller toutes les opérations de libéralisation et de privatisation des services publics, nous ne sommes guère étonnés que vous commenciez votre rapport, monsieur le rapporteur, en saluant l’ouverture progressive à la concurrence du transport ferroviaire. Cette ouverture, selon vous, « peut être synonyme d’opportunité pour nos entreprises qui bénéficient déjà d’un savoir-faire, d’une excellence technique reconnue et d’une position enviable dans de nombreuses activités. Elle peut aussi constituer une chance pour le développement du chemin de fer sur le réseau national, conformément aux objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement ».

Nous ne sommes pas aussi optimistes que vous.

D’ailleurs, à ce jour, aucune étude – et c’est bien le problème puisque nous avons des points de vue différents – n’apporte la preuve que la libéralisation a contribué, comme vous semblez l’affirmer, à une amélioration du service de transport ferroviaire pour les usagers ou pour les personnels.

Au contraire, nos concitoyens constatent trop souvent, hélas, que la libéralisation des secteurs publics produit des effets néfastes en termes d’emplois, de péréquation tarifaire, d’accessibilité et de capacité d’investissements.

En ce qui concerne les transports, les exemples qu’offrent les pays européens les plus avancés dans le processus de libéralisation conduisent, à notre avis, à un bilan social et environnemental plutôt négatif.

Sur le plan national, aucun bilan des conséquences du plan fret ferroviaire et de la qualité du service public ferroviaire n’a été établi. Pourtant, selon les chiffres donnés tant par la SNCF que par les syndicats, la mise en œuvre de ce plan s’est traduite par une perte de capacité du réseau et une régression du trafic des marchandises.

De plus, les personnels sont très inquiets du fait des réductions d’effectifs qui mettent en danger la qualité du service et la sécurité des voyageurs.

Les derniers mouvements des conducteurs de trains, que vous avez stigmatisés comme des personnels privilégiés en les opposant aux usagers, visaient à obtenir la création de nouveaux postes et donc, en réalité, à améliorer le service rendu à ces mêmes usagers.

M. Fillon, dans son discours du 18 juin, faisait de l’Europe sociale la priorité de la présidence française. À l’heure du bilan, force est de constater que cette Europe a été complètement ignorée. Le Président de la République n’a rien entrepris en faveur de la défense des services publics et de l’intérêt général.

Sur le plan environnemental, l’encre du Grenelle I n’est pas encore sèche que vous proposez déjà un projet de loi dont on sait qu’il met en œuvre un modèle incompatible avec les objectifs ambitieux affichés en termes de réduction des gaz à effet de serre.

Le texte que nous examinons aujourd’hui et les précédents ont et auront des conséquences importantes en développant la concurrence sur les axes rentables et en provoquant l’abandon des lignes dites déficitaires, mais qui sont nécessaires à l’aménagement du territoire. Combien de camions supplémentaires sillonneront les routes pour faire le lien entre les grands axes ferroviaires et les zones où les lignes seront laissées à l’abandon ?

La politique que vous mettez en œuvre en matière de transport réduit considérablement le maillage du territoire. Nos concitoyens n’ont dès lors pas d’autre choix que d’utiliser leurs voitures.

Par notre amendement, nous souhaitons que le secrétaire d’État chargé des transports propose aux instances européennes de réaliser un bilan contradictoire sur l’impact en termes d’emplois, d’aménagement du territoire et de qualité du service rendu de la libéralisation du secteur des transports. Nous voulons également que soit établi le coût environnemental de telles politiques, notamment à travers un bilan carbone. Dans l’attente de leur réalisation, devant l’urgence sociale et environnementale, nous demandons au Gouvernement de s’engager à ne plus transposer de nouvelles directives sans avoir fait le bilan des précédentes.

La France, qui est au cœur de l’Europe de par sa position géographique, doit tout mettre en œuvre pour que l’Union européenne porte une attention particulière à la question du transport ferroviaire. Cette activité doit être traitée au niveau communautaire, comme doivent l’être également les questions d’infrastructures transeuropéennes ou l’interopérabilité. Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment des usagers, des personnels et de l’environnement. Nous devons promouvoir un modèle alternatif à celui de la libéralisation à tout crin, qui est fondamentalement incompatible avec des politiques sociales et environnementales ambitieuses.

Mes chers collègues, la première étape pour vous en convaincre serait d’établir les bilans que j’ai évoqués il y a un instant. Nous comprendrions difficilement que notre assemblée ne vote pas notre amendement, qui vise à lui donner les outils nécessaires à la formation de son jugement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Grignon, rapporteur. Madame Schurch, il est bien évident que nous ne serons jamais d’accord sur le thème de la concurrence. Habitant une région frontalière – l’Alsace –, je peux constater la réussite de Veolia dans les trains express régionaux en Allemagne et celle de la SNCF, au travers de ses filiales, dans l’Europe tout entière, notamment pour le fret. Je sais aussi que la SNCF a pris des parts dans le TGV italien. Est-ce à dire que la concurrence est possible hors de nos frontières, mais pas chez nous ? Les règles du jeu ne sont malheureusement pas celles-là ! La concurrence est vraiment une source d’enrichissement pour tous, et d’abord pour la SNCF.

Sur votre amendement proprement dit, vous comprendrez, après avoir entendu l’argumentation que j’ai développée sur nos obligations européennes, que la commission n’a pu qu’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mme Schurch, M. Billout, Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement soumet à ses partenaires européens le projet d'insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les directives européennes existantes et futures.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. La réglementation communautaire issue des deux premiers « paquets ferroviaires » a préparé l’ouverture à la concurrence et a déjà montré ses effets négatifs en ce qui concerne le fret.

Aujourd’hui, la mise en œuvre du troisième paquet ferroviaire remet dangereusement en question le monopole des opérateurs historiques, tels que la SNCF, s’agissant du marché français, et ce sur une part toujours plus grande de l’activité, puisque l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de transport international de personnes est évoquée pour le 1er janvier 2010.

Le rejet par nos concitoyens, le 29 mai 2005, du traité établissant une constitution pour l’Europe ainsi que la manifestation du 29 janvier dernier ont été l’occasion, pour le peuple français, d’exprimer son refus des politiques ultralibérales, de la déréglementation à tout-va et du démantèlement des services publics.

Cependant, aucune remise en question de ces politiques n’est aujourd’hui amorcée, ni au niveau national, ni au niveau européen. Les institutions européennes poursuivent la mise en œuvre de la marchandisation de l’ensemble des activités, celle des services publics en particulier.

Par notre amendement, nous proposons que le Gouvernement soumette à ses partenaires européens le projet d’insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les directives existantes et futures, afin de tenir compte des impératifs, notamment en termes de maintien des services au public.

Nous avons toujours défendu, au nom de l’intérêt général, le rôle de la puissance publique dans un noyau dur d’activités, au nombre desquelles se trouvent les transports.

Le contexte économique actuel très préoccupant signe l’échec du modèle ultralibéral et de la régulation par le marché. Il est important de tenir compte de ce fait irréfutable. C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Grignon, rapporteur. Madame Schurch, toujours sur le thème de la concurrence,…

Mme Mireille Schurch. Je ne vous ai pas convaincu ! (Sourires.)

M. Francis Grignon, rapporteur. …je me permets de vous rappeler que, dans le cas présent, elle est régulée et progressive. Nous sommes non pas au Far West, mais en France, et en 2009 !

Cela étant dit, l’amendement que vous proposez relève, à mon avis, beaucoup plus d’un projet de résolution que d’un article dans notre législation nationale. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE IER

De l'organisation des transports ferroviaires et guidés

Articles additionnels avant le titre 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs est ainsi modifiée :

1° Le huitième alinéa de l'article 5 est complété par les dispositions suivantes :

« Pour l'exercice de ces missions, l'État et les autres personnes publiques précédemment mentionnées ont accès aux informations relatives au trafic ferroviaire et aux données économiques nécessaires à la conduite d'études et de recherches de nature à faciliter la réalisation des objectifs assignés au système de transports. L'utilisation de ces informations est faite dans le respect du secret des affaires sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal. » ;

2° L'article 13-1 est modifié comme suit :

a) Le premier alinéa est complété par la phrase suivante : « Les dispositions du présent alinéa ne concernent pas la construction ou la modification substantielle des véhicules de transport public guidé ou ferroviaire. » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « Leur mise en exploitation commerciale » sont remplacés par les mots : « La mise en exploitation commerciale de ces systèmes » ;

c) Après le deuxième alinéa, il est inséré l'alinéa suivant :

« L'autorisation de mise en exploitation commerciale d'un véhicule de transport ferroviaire ou guidé délivrée par l'autorité compétente d'un autre État membre de l'Union européenne, ou celle d'un État appliquant, en vertu d'accords auxquels la France ou l'Union européenne sont parties, des règles techniques et de sécurité équivalentes à celles de l'Union européenne, emporte autorisation de son exploitation commerciale dès lors qu'elle a été délivrée en application de règles communautaires, ou de règles reconnues par l'autorité compétente comme étant de nature à garantir la sécurité. » ;

d) À la fin du cinquième alinéa sont ajoutés les mots suivants : « ainsi que les modalités de reconnaissance des règles mentionnées au troisième alinéa. » ;

3° Les articles 13-1 et 13-2 sont ainsi modifiés :

a) Aux articles 13-1 et 13-2, les mots : « un expert ou un organisme » sont remplacés par les mots : « un organisme » ;

b) À l'article 13-1, les mots : « ouvrages » et « de l'ouvrage » sont respectivement remplacés par les mots : « systèmes » et « du système » ;

c) Au premier alinéa de l'article 13-2, les mots : « ces ouvrages » sont remplacés par les mots : « ces systèmes » ;

4° L'intitulé de la section I du chapitre I du titre II est remplacé par l'intitulé suivant : « De l'organisation du transport ferroviaire » ;

5° À la section I du chapitre Ier du titre II, il est inséré deux articles 17-1 et 17-2 ainsi rédigés :

« Art. 17-1. - I. - Au sens du présent article, le réseau ferroviaire est composé du réseau ferré national et des lignes ferroviaires ouvertes à la circulation publique qui lui sont reliées, y compris les lignes d'accès aux ports et aux terminaux desservant ou pouvant desservir plus d'un utilisateur final.

« Au sens du présent article, on entend par « capacités de l'infrastructure », la possibilité de programmer des sillons sollicités pour un segment de l'infrastructure pendant une certaine période, et on entend par « sillon », la capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train donné d'un point à un autre à un moment donné.

« II. - La gestion de l'infrastructure ferroviaire est comptablement séparée de l'exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires. Aucune aide publique versée à une de ces activités ne peut être affectée à l'autre.

« III. - En ce qui concerne les entreprises ferroviaires, des comptes de profits et pertes et soit des bilans, soit des bilans financiers annuels décrivant l'actif et le passif sont tenus et publiés pour les activités relatives à la fourniture des services de transport ferroviaire de fret.

« Les concours publics reçus par les entreprises ferroviaires au titre des missions de service public de voyageurs qui leur sont confiées ne peuvent être affectés à d'autres activités et doivent figurer dans les comptes correspondants.

« IV. - Les entreprises ferroviaires autorisées à exploiter des services de transport ont un droit d'accès à l'ensemble du réseau ferroviaire, dans des conditions équitables et sans discrimination, comprenant l'accès aux infrastructures y compris aux infrastructures de services lorsqu'il n'existe pas d'autre possibilité économiquement viable, ainsi qu'à la fourniture de prestations complémentaires ou connexes.

« L'utilisation de l'infrastructure donne lieu à la passation d'un contrat entre le bénéficiaire d'un sillon et le gestionnaire d'infrastructure, et à la perception d'une redevance par ce dernier. Les capacités de l'infrastructure disponible ne peuvent, une fois affectées à un candidat, être transférées par le bénéficiaire à une autre entreprise ou un autre service. Tout transfert de capacités d'infrastructure à titre onéreux ou gratuit est interdit et entraîne l'exclusion de l'attribution ultérieure de capacités.

« Toutefois, d'autres personnes que les entreprises ferroviaires peuvent être autorisées à demander l'attribution de sillons, en vue de les mettre à la disposition d'une entreprise ferroviaire. Une telle mise à disposition des sillons qui leur sont attribués à une entreprise ferroviaire ne constitue pas un transfert prohibé au sens de l'alinéa précédent.

« Les redevances perçues pour l'accès aux infrastructures de services sont égales au coût directement imputable à l'exploitation du service ferroviaire. Les redevances pour les prestations complémentaires ou connexes offertes par un seul fournisseur sont liées au coût de la prestation calculé d'après le degré d'utilisation réelle.

« V. - Le gestionnaire d'infrastructure publie un document de référence du réseau qui décrit les caractéristiques de l'infrastructure mise à disposition des entreprises ferroviaires et contient les informations nécessaires à l'exercice des droits d'accès au réseau.

« Le gestionnaire d'infrastructure d'un réseau sur lequel une seule entreprise circule et n'effectue que des services de marchandises est dispensé d'établir le document de référence du réseau jusqu'à ce qu'un autre candidat demande à utiliser la capacité dudit réseau.

« VI. - Tout candidat demandeur de sillons peut conclure avec le gestionnaire d'infrastructure un accord-cadre précisant les caractéristiques des capacités d'infrastructure ferroviaire qui lui sont offertes pour une durée déterminée tenant compte, le cas échéant, de l'existence de contrats commerciaux, d'investissements particuliers ou de risques.

« VII. - Les entreprises ferroviaires qui exploitent des services avant le 1er janvier 2010 peuvent conclure avec le gestionnaire d'infrastructure des accords-cadres pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois, sur la base des caractéristiques des capacités utilisées à condition que ces entreprises justifient d'investissements spéciaux ou de contrats commerciaux avant cette date.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.

« Art. 17-2. - À compter du 13 décembre 2009, les entreprises ferroviaires exploitant des services de transport international de voyageurs peuvent, à cette occasion, assurer des dessertes intérieures à condition que l'objet principal du service exploité par l'entreprise ferroviaire soit le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États membres différents.

« L'autorité administrative compétente peut s'opposer à la création de ces dessertes ou les limiter, sous réserve que la Commission de régulation des activités ferroviaires ait par un avis motivé, estimé que la condition précitée n'était pas remplie. 

« Toute autorité organisatrice de transport ferroviaire compétente peut également s'opposer à la création de ces dessertes ou les limiter, sous réserve que la Commission de régulation des activités ferroviaires ait, par un avis motivé, estimé que ces services compromettent l'équilibre économique d'un contrat de service public.

 « Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. » ;

6° Au troisième alinéa de l'article 18 sont ajoutés les mots : «, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l'article 17-2 ; ».

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.

Mme Mireille Schurch. Le réseau ferré est victime d’un sous-investissement chronique. C’est une évidence et un constat partagé par tous : étude de Lausanne, rapport d’information n° 196 paru en 2008, rapport de 2008 de la Cour des comptes, rapport Haenel, pour ne citer que les plus récents.

Les articles 9 et 10 du Grenelle I préconisent, d’une part, une limitation des investissements routiers au « traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou des besoins d’intérêt local en limitant les impacts sur l’environnement » et, d’autre part, un report modal de la route vers les transports alternatifs.

J’ai eu la surprise de constater, comme vous, que le plan de relance présenté à Lyon, le 3 février, par le Premier ministre, consacre 400 millions d’euros au réseau routier et autoroutier, contre seulement 300 millions d’euros pour le rail. À notre avis, ce n’est pas une façon de traduire la place qui sera réservée à la régénération et à la modernisation du réseau ferré.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons déjà dénoncé la privatisation, avec l’accord de votre majorité parlementaire, des autoroutes. Cette privatisation profite aujourd’hui largement aux entreprises privées, qui enregistrent d’importants résultats positifs. Mais cette décision a vidé les caisses de l’AFITF. Quelle erreur stratégique de la part de votre majorité !

Les auteurs du rapport Infrastructures de transports : remettre la France sur la bonne voie ont proposé la sanctuarisation des crédits d’infrastructures. Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez reconnu que le constat du sous-investissement de l’AFITF exigeait de trouver de nouveaux modes de financement.

L’éco-redevance sur les poids lourds est, certes, une réponse, mais très limitée puisqu’elle ne prendra effet qu’à partir de 2011.

Lors du colloque du 19 juin 2008 au thème évocateur, « Agir pour des transports écologiquement, socialement et économiquement durables », vous avez clairement dit : « j’ai demandé que l’intégralité des futurs dividendes de la SNCF soit versée à l’AFITF ».

Nous avions proposé un amendement qui répondait à cette affirmation. Il a été rejeté au motif qu’il aggravait les charges publiques. Cependant, nous le savons, pour la régénération et la modernisation du secteur ferroviaire, il y a urgence. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, nous abondons dans votre sens.

Nous souhaitons que les dividendes sur les résultats de la SNCF soient directement versés à l’AFITF. Cela répond à l’objectif d’intérêt général de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020, tel qu’il est défini dans le projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Cela constituera une recette supplémentaire, qui contribuera à financer les infrastructures alternatives à la route et les transports publics collectifs.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l’article.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’Union européenne a entamé la constitution d’un marché intérieur du transport ferroviaire au travers de l’ouverture progressive à la concurrence du marché du fret et, par la suite, du transport des voyageurs, l’harmonisation des règles en matière de sécurité et l’interopérabilité des normes techniques. Ces trois axes ont été déclinés de manière progressive dans différents paquets législatifs, dont le dernier en 2007 qui est aujourd’hui partiellement transposé dans ce projet de loi.

Procéder par paquet législatif permettait à la Commission européenne de diluer la polémique sur l’ouverture à la concurrence en avançant des propositions plus consensuelles en matière de sécurité et de règles techniques.

Nous, socialistes, n’avons pas été dupes de cette démarche sans garanties sérieuses en termes de péréquation et de préservation du service public ferroviaire ; nous nous sommes exprimés contre cette démarche de libéralisation sans fin, dont le seul objectif semble être la concurrence pour la concurrence.

Le débat sur la libéralisation du transport ferroviaire ne peut s’envisager au travers du seul débat tronqué et trompeur qui se réduit à une bataille de dates et d’échéances.

Or c’est ce que ce projet de loi semble nous faire croire. Curieusement, un certain nombre de dispositions, pourtant essentielles à la constitution d’un réseau ferré européen, ne sont pas transposées. C’est le cas, par exemple, de la directive sur le permis de conducteur de train européen, seul texte à portée sociale du secteur et élément essentiel du troisième paquet ferroviaire. De même, le cabotage n’est pas aussi encadré que la directive le permettait, avec la définition de critères stricts permettant de vérifier que l’objet principal est bien le transport international de voyageurs. Enfin, je regrette que les dispositions relatives à la péréquation énoncées dans la directive ne soient pas reprises dans le projet de loi.

Notre gouvernement aurait-il une lecture néolibérale des textes européens, pourtant déjà très marqués idéologiquement par l’ultralibéralisme ?

En outre, il paraît curieux et troublant que M. Haenel rende un rapport sur la libéralisation des transports ferroviaires dans l’Union européenne concomitamment à l’examen du projet de loi. Un certain nombre de problèmes nationaux liés à la transposition des directives, décrits par M. Haenel, ne sont nullement traités dans le projet de loi qui nous est soumis : la séparation juridique entre Réseau ferré de France et la SNCF –  mais l’imbrication fonctionnelle et sociale –, ou bien encore le problème lourd et récurrent de la dette de Réseau ferré de France. L’amendement que vous nous proposez et qui vise à créer un service spécialisé au sein de la SNCF n’est manifestement pas à la hauteur des enjeux.

Malgré son diagnostic, notre collègue Haenel ne propose pas d’adopter des dispositions de simplification et de remboursement de la dette de RFF. Ces mesures seraient pourtant urgentes et essentielles dans le cadre de cette nouvelle étape de libéralisation du transport ferroviaire ; elles ne figurent pas non plus dans ce projet de loi.

En revanche, M. Haenel propose très clairement la libéralisation du transport régional au travers de « l’expérimentation ». Comme j’ai eu l’occasion de le lui dire en commission des affaires européennes, il me paraîtrait utile, avant toute expérimentation, de faire une évaluation de ce qui a été fait depuis les expérimentations qu’il avait mises en place à la fin des années quatre-vingt-dix. Nous pourrions ainsi mesurer l’effort qui a été fait par les régions en matière de renouvellement des matériels roulants ? Cela permettrait également de mesurer ce qui se passe actuellement dans les régions où RFF négocie des contrats d’amélioration des réseaux ferrés, car il ne sert à rien d’avoir des matériels roulants performants si le réseau ne permet pas de les faire rouler rapidement !

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que ce projet de loi s’inscrit dans un contexte politique particulier. Il serait largement préférable de s’assurer d’une transposition équilibrée des directives, utilisant toutes les possibilités du droit communautaire sur la péréquation et la préservation du service public, et de corriger les dysfonctionnements présents, au lieu de s’attaquer, sans l’admettre, à la prochaine étape de la libéralisation, a fortiori par le biais d’un rapport d’information qui fausse un tant soit peu cette discussion.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l’article.

M. Michel Teston. En ouverture de la discussion, je souhaite évoquer un problème important que cet article soulève et sur lequel le Gouvernement nous paraît avoir agi un peu rapidement, je dirais presque de manière cavalière.

Ce texte aborde de manière peu précise le cadre de perception des redevances pour l’accès et les autres prestations, autrement appelés « péages », alors que le décret a été modifié en partie le 20 novembre dernier.

Cela signifie que la réforme des péages de Réseau ferré de France a été adoptée en catimini, sans débat public, alors que ce sujet fait l’objet de nombreux débats depuis plusieurs années ! Si plusieurs options faisaient consensus, les modalités techniques de la réforme pourraient avoir des incidences considérables, notamment pour les régions.

Certes, le constat est partagé. En 2007, les recettes des péages s’élevaient à 2,7 milliards d’euros alors que le coût complet de l’infrastructure s’établissait à environ 6,2 milliards d’euros par an. Le décret entérine donc une réforme des péages devenue inéluctable. Les redevances sont désormais de trois sortes : la redevance d’accès, la redevance de réservation et la redevance de circulation. Le problème est que rien dans le décret ne permet de s’assurer que la réforme préserve les collectivités et la situation des lignes les plus fragiles.

Je me fais donc l’écho des inquiétudes exprimées par l’Association des régions de France, en avril 2008, en rappelant que « les régions ne sauraient supporter le coût de l’entretien et de la modernisation du réseau ferré au-delà des sommes qu’elles y consacrent actuellement. [...] Les régions demandent que les modalités de financement prévoient un mécanisme de compensation pour les régions finançant des opérations d’investissement qui permettent de réduire les coûts d’entretien et un mécanisme de péréquation qui permette de maintenir les lignes à vocation d’aménagement du territoire ».

Le moins que l’on puisse dire est que l’adoption d’un décret d’une portée aussi forte, à la veille de la discussion de ce projet de loi, laisse perplexe. Pour les régions, la nouvelle architecture des péages apparaît certes « moins mauvaise que la précédente », mais l’augmentation des tarifs, couplée à une compensation réduite à l’existant via la dotation générale de décentralisation, leur fait craindre le pire. Si encore le Gouvernement avait traduit concrètement le principe de péréquation contenu dans la directive 2007/58/CE… Mais tel n’est pas le cas !

Monsieur le secrétaire d’État, la réforme des péages vise-t-elle à rétablir la réalité des prix de l’usage de l’infrastructure, à contribuer à réduire la dette de Réseau ferré de France ou à introduire de la péréquation entre les lignes très rentables et les autres ? C’est une question à laquelle je souhaiterais obtenir une réponse.