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Retrait d'un texte d'une commission

M. le président. La commission des affaires économiques a fait connaître ce jour qu’elle retirait le texte qu’elle avait déposé le 28 avril 2009 sur la proposition de résolution européenne sur la communication de la Commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009 (n° 370, 2008-2009).

Acte est donné de ce retrait.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de résolution européenne sur la communication de la Commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009
Discussion générale (suite)

Communication de la Commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009

Adoption d’une proposition de résolution européenne modifiée

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution européenne sur la communication de la Commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009
Texte de la proposition de résolution européenne (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne sur la communication de la Commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009, présentée par Mme Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 57 rectifié).

La discussion de cette proposition de résolution, qui a été demandée par le groupe socialiste dans le cadre de la journée mensuelle réservée, a été avancée à aujourd'hui pour des raisons d’agenda.

Je vous rappelle que, conformément à un accord conclu entre les présidents de groupe et de commission, les propositions de loi ou de résolution inscrites à l’ordre du jour réservé sont discutées sur la base du texte initial, sauf souhait contraire du groupe politique intéressé.

Je donne d’abord la parole à M. le président de la commission des affaires européennes, afin qu’il nous présente la philosophie des deux débats européens qui vont se dérouler cet après-midi.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, mes chers collègues, nous appliquons en effet aujourd'hui pour la première fois aux questions européennes les nouvelles possibilités de contrôle issues de la révision constitutionnelle.

Le contrôle du Parlement en matière européenne a deux facettes, que nous allons toutes deux utiliser cet après-midi.

La première facette, c’est l’adoption de résolutions dans lesquelles le Sénat fait connaître au Gouvernement ses positions sur des sujets d’actualité européens.

Aujourd’hui, l’initiative revient à une sénatrice, la présidente Catherine Tasca, qui a déposé une proposition de résolution sur un sujet particulièrement important : les services d’intérêt général. Mme Tasca – je tiens à l’en remercier ici – avait fait un rapport sur ce sujet devant la commission des affaires européennes. Il était donc tout naturel qu’elle poursuive sa démarche, ce qui permettra au Sénat dans son ensemble, grâce également aux travaux de la commission des affaires économiques, de se prononcer sur cette question qui préoccupe nos concitoyens.

La deuxième facette du contrôle parlementaire, c’est le suivi des résolutions.

Jusqu’ici, on ne savait pas très bien ce que devenaient les prises de position du Sénat. On avait l’impression de travailler pour le roi de Prusse… (MM. Jean-Pierre Fourcade et Robert del Picchia s’exclament.)

Désormais, grâce aux débats de contrôle, le Gouvernement sera tenu de nous dire en quoi il a donné suite à nos prises de position ou, le cas échéant, pourquoi il n’a pas pu ou pas souhaité les suivre.

Aujourd’hui, nous allons débattre des suites données à des prises de position du Sénat sur quatre sujets : l’évolution du système d’information Schengen, l’association des parlements nationaux au contrôle d’Europol, la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement et les droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.

Ce sont des questions sur lesquelles nous avons pris position à plusieurs reprises, mes chers collègues. Or, pour la première fois, le Gouvernement va devoir répondre publiquement à nos questions sur ces points. Cette nouvelle formule ne peut qu’inciter le Sénat à intervenir de plus en plus en amont sur les questions européennes qui concernent la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements.)

M. le président. Mes chers collègues, il se trouve que M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, bloqué dans un embarras de la circulation, n’a pas encore rejoint le palais du Luxembourg. Ne pouvant évidemment donner la parole à Mme Tasca, auteur de la proposition de résolution, en son absence, je vais suspendre la séance en attendant son arrivée.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Monsieur le secrétaire d'État, je vous souhaite la bienvenue dans l’hémicycle, heureux que les difficultés de la circulation parisienne ne vous aient pas retenu plus longtemps.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca, auteur de la proposition de résolution européenne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de résolution que j’ai l’honneur de présenter au nom de notre groupe répond à la volonté, toujours réaffirmée par les parlementaires socialistes français et européens, de promouvoir et de garantir les services d’intérêt général en Europe.

La discussion de cette proposition de résolution survient quatre mois après la clôture de la présidence française du Conseil de l’Union européenne et à cinq semaines du renouvellement du Parlement européen. Il offre au groupe socialiste l’occasion de présenter l’orientation nouvelle qu’il souhaite pour l’Europe et ses citoyens.

Au cours de la présidence française, à l’automne 2008, nous avions déposé une proposition de résolution par laquelle nous demandions à la Commission européenne de prendre toutes les initiatives permettant de conforter le statut des services d’intérêt général, notamment d’inscrire dans sa stratégie politique annuelle pour 2009 l’élaboration d’une législation cadre.

Parallèlement, nous demandions au chef de l’État, dans l’exercice de sa présidence du Conseil de l’Union, d’impulser l’adoption d’un agenda européen pour l’élaboration d’un outil juridique. Cette présidence offrait à la France une occasion politique d’agir en ce sens.

Une telle démarche bénéficiait également d’une légitimité juridique puisque le traité de Lisbonne, par son nouvel article 14 et le protocole additionnel sur les services d’intérêt général, conforte la base juridique qui permet l’élaboration d’un cadre législatif général.

Le Président de la République s’est souvent déclaré favorable à une application par anticipation du nouveau traité. L’élaboration d’une législation cadre sur les services d’intérêt général pouvait permettre de concrétiser cet aspect du traité de Lisbonne et de donner un contenu au souhait de la France de faire de 2008 l’année du « redémarrage social de l’Europe ».

Notre proposition de résolution constituait un rappel de ces objectifs et une invitation à agir.

Au sein de la Haute Assemblée, la commission des affaires économiques, qui est compétente pour l’examen de cette proposition de résolution, avait alors préféré ne pas s’en saisir. Au niveau européen, la présidence française s’est achevée sans qu’aucune initiative ait été prise en faveur des services d’intérêt général. C’est pourquoi nous présentons aujourd’hui une proposition de résolution rectifiée.

Les raisons de notre engagement sont claires. Les services d’intérêt général constituent un des piliers du modèle social européen. Ils sont un élément essentiel dans la qualité de vie des Européens et sont un gage d’égalité entre les citoyens.

Ils ont aussi un rôle clé à jouer dans la bataille que veut livrer l’Union pour créer l’économie la plus dynamique et durable du monde. De bons services publics peuvent aider à surmonter la crise économique, à renforcer la cohésion sociale et territoriale et à améliorer le fonctionnement du marché intérieur de l’Europe et sa compétitivité extérieure. Les forces du marché ne peuvent pas, à elles seules, garantir les services publics dont nous avons besoin pour bâtir une Europe qui soit non pas exclusivement un marché, mais une société conforme à ce que nous souhaitons.

Aujourd’hui, les services d’intérêt général et les services d’intérêt économique général n’ont pas leur juste place dans l’ordre juridique communautaire. La législation européenne actuelle est confuse et source d’incertitudes. Le traité de Lisbonne pose les principes généraux régissant les services publics et constitue une avancée importante en leur faveur. Mais, pour être effectif, cet apport doit bénéficier d’une traduction législative. À défaut, reste la législation actuelle, sectorielle. Mon collègue Michel Teston traitera du cas particulier du service postal.

Cette législation sectorielle ne permet pas de dire clairement si les services d’intérêt général relèvent du droit de la concurrence, de la législation du marché intérieur ou des règles conçues pour réglementer les subventions ou les marchés publics. Cette confusion fait le lit d’un double déséquilibre.

Le premier est d’ordre juridique. En l’absence d’un cadre législatif propre aux services publics, ce sont, dans bien des cas, les règles de la concurrence et du marché intérieur qui régissent les services d’intérêt général, lesquels se trouvent alors détournés de leurs missions. En outre, les enjeux sociaux, environnementaux et d’aménagement du territoire que portent les services d’intérêt général sont oubliés.

Le second déséquilibre est institutionnel. En l’absence d’un cadre juridique pour les services d’intérêt général, leur définition, leur financement et leur gestion sont aujourd’hui tributaires de la jurisprudence. Plusieurs arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes ont mis en cause les modes d’organisation et de financement choisis par des collectivités ; ce fut notamment le cas pour une desserte de bus dans un canton allemand, des services d’énergie ou encore de chauffage municipal dans des communes italiennes. De son côté, la Commission a lancé des procédures à l’encontre de plusieurs États membres pour contester la gestion par leur administration ou leurs collectivités de services locaux aussi différents que des musées en Allemagne, des services d’ambulance en Toscane ou de traitement des eaux à Hambourg.

Au fil de sa jurisprudence, dans le vide laissé par le législateur européen, la Cour de justice fixe ainsi les règles de financement et de délégation des services publics, de partenariat public-privé, d’organisation des sociétés d’économie mixte, et ce au détriment des choix effectués par des autorités locales élues.

Ce phénomène de dépossession des autorités nationales ou locales est la négation du projet d’Europe politique que nous portons, et pour lequel le Gouvernement dit plaider. Il a pour effet de contredire le principe de subsidiarité et l’autonomie des autorités locales. Celles-ci considèrent que l’exercice de leur mission est menacé et que c’est le devenir des services publics locaux qui est désormais en jeu. Ces autorités sont, à tous les niveaux, profondément impliquées dans l’organisation et le financement des services d’intérêt général.

Dans la pratique, elles sont de plus en plus confrontées à l’intervention de la Commission européenne ou de la Cour de justice, qui évaluent leurs activités à la seule lumière des règles du marché intérieur.

Les élus locaux le savent, pour que leur autonomie soit préservée de manière effective, il faut que l’application du principe de subsidiarité s’inscrive dans un cadre légal de niveau européen garantissant une réelle sécurité juridique.

S’en tenir au simple rappel d’un principe de subsidiarité déjà mis à mal, comme semble vouloir le faire l’UMP dans sa campagne pour les élections européennes, témoigne d’une volonté de freiner toute consolidation juridique qui permettrait de mettre un terme au recul des services publics en Europe. On cherche la cohérence avec les discours du chef de l’État sur la régulation et la nécessité d’édifier une Europe politique.

La construction européenne s’est accélérée sous l’impulsion de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, en s’appuyant sur trois piliers : le marché intérieur, la solidarité et la coopération.

La droite européenne a fait le choix de bâtir l’Europe sur le seul pilier du marché intérieur, abandonnant ainsi les objectifs de solidarité et de coopération. Face à la crise, cela n’est plus défendable.

À nos yeux, la sécurisation des services publics est un impératif majeur pour l’avenir de l’Union. L’objectif est clair : permettre une prise en compte des services d’intérêt général qui équivaille à celle des autres politiques de l’Union et mettre un terme à la primauté du droit de la concurrence, qui est, au niveau communautaire, en passe de déterminer tous les autres.

C’est pourquoi le nouveau cadre juridique devra définir les relations entre les règles du marché unique et la poursuite des objectifs d’intérêt général. Il devra introduire des critères distinguant les services à caractère économique des services non économiques, les uns et les autres étant régis par des dispositions légales distinctes.

C’est à un réel exercice de rééquilibrage entre les politiques de l’Union que nous vous appelons.

Cette base juridique protectrice des services d’intérêt général devra permettre de préserver le principe de subsidiarité et clairement délimiter les responsabilités des États membres, d’une part, et de l’Union européenne, d’autre part.

Enfin, nous souhaitons compléter cette évolution juridique par une garantie institutionnelle. Dans la perspective du renouvellement de la Commission européenne à l’automne prochain, nous proposons l’institution d’un Commissaire européen en charge des services publics. Il aurait pour mission d’assurer la prise en compte des services publics dans toutes les politiques communautaires, leur niveau de qualité et leur bon fonctionnement.

Alors que la Commission européenne confirme que les services régaliens de police et de justice restent exclus des règles du marché intérieur, elle n’accorde pas la même garantie aux services sociaux et de santé, qui sont considérés pour 80 % d’entre eux comme des services économiques et peuvent donc être régis par les règles de la concurrence et du contrôle des aides d’État. Une protection s’impose. Mon collègue Roland Ries reviendra sur ce sujet.

La Commission européenne n’a pas rempli son rôle. Elle s’est toujours évertuée à bloquer toutes les demandes qui lui ont été faites d’évolutions législatives sur les services d’intérêt général, jusqu’à sa communication du 22 novembre 2007 sur le marché intérieur, dans laquelle elle indique explicitement qu’elle renonce à l’élaboration d’une législation qu’elle ne juge pas « utile ».

Dans cette logique, sa stratégie politique annuelle pour 2009 ne prévoit aucun projet permettant d’endiguer la remise en cause dont les services publics européens sont victimes.

L’agenda social 2010-2015 est tout aussi discret sur les services d’intérêt général.

La Commission affirmait par le passé que le sujet était trop compliqué et qu’un cadre juridique général ne pouvait pas aborder les nombreux problèmes qui se posent aux services publics. En même temps, elle soulignait l’urgence de les faire bénéficier d’une garantie légale.

Une réponse à la remise en cause des services d’intérêt général est non seulement utile, mais possible, pour peu que l’on veuille bien sortir du carcan idéologique libéral imposé par la Commission.

Nous en avons dressé les lignes de force : clarification de la définition et du statut des services d’intérêt général, consolidation du principe de subsidiarité et de l’autonomie des autorités locales dans l’exercice de leur mission, volonté de mettre un terme à la primauté du droit de la concurrence et reconquête du politique.

Les parlementaires socialistes européens, décidés à démontrer qu’il est possible d’élaborer un instrument juridique cohérent ont rédigé le projet de législation-cadre que la Commission refuse aux États et aux citoyens.

Le travail de formulation juridique est réalisé. Il importe désormais de le mettre en œuvre. Cela demande une volonté politique. C’est l’un des enjeux des élections européennes.

Au moment de donner de bonnes raisons aux citoyens de voter et de se déterminer sur un choix européen, la mise en route de l’élaboration d’un instrument juridique propre aux services d’intérêt général serait un gage supplémentaire vers l’Europe sociale.

Enfin, cette proposition de résolution vise à donner une perspective pour l’Europe politique de demain. Un examen attentif du bilan de la Présidence française de l’Union européenne et des votes des eurodéputés de l’UMP et du Parti populaire européen, le PPE, permet de dire que la droite française et européenne s’est toujours opposée à offrir aux services publics le cadre juridique protecteur qui leur fait défaut.

La Présidence française s’est réduite, sur le terrain des services d’intérêt général, à la tenue d’un forum auquel il ne fut d’ailleurs jamais donné aucune suite.

Au Parlement européen, au cours de ces cinq années de mandat, les eurodéputés de droite ont voté contre l’exclusion des services sociaux et des services d’intérêt économique général de la directive sur les services. Ils se sont opposés, chaque fois qu’ils l’ont pu, à l’élaboration d’une législation-cadre.

Soutenir aujourd’hui la reconduction de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne, c’est, de fait, soutenir la reconduction d’une Commission européenne qui, par son opposition systématique à toute action favorable aux services publics, use de son droit d’initiative comme d’une force de blocage quant à l’édification d’une Europe politique et sociale.

Si les Européens font le choix d’une majorité nouvelle de gauche pour le Parlement européen au soir du 7 juin, ce Parlement renouvelé sera en capacité de pousser la Commission européenne renouvelée, non seulement à inscrire le dossier des services d’intérêt général au rang de ses priorités, mais à le faire avancer concrètement.

La crise économique et financière actuelle, qui submerge le monde, rend la protection des services d’intérêt général encore plus nécessaire.

Face à cette crise, les pays européens, y compris les plus marqués par l’idéologie libérale, ont reconnu le rôle stabilisateur des services publics à la fois par le maintien de l’emploi et par l’offre égalitaire de services aux citoyens.

Comment les peuples européens pourraient-ils comprendre que, pour contrer les effets désastreux de la crise, l’Europe ne se donne pas les moyens de conforter leurs services publics ?

Sur le fond, cette analyse fait largement consensus et les travaux de la commission des affaires économiques s’inscrivent dans cette approche. Mais il reste à franchir un pas supplémentaire pour la traduire dans une législation-cadre contraignante si l’on veut vraiment protéger les services d’intérêt général.

En adoptant cette résolution, notre assemblée apporterait une réelle contribution en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de résolution sur la communication de la Commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009, déposée par Mme Catherine Tasca et plusieurs de ses collègues, a été examinée par la commission des affaires économiques en application de l’article 73 bis du règlement.

La commission, réunie ce matin, n’a pas présenté de texte, ce qui permet au Sénat de discuter de celui qui a été élaboré par les auteurs de la proposition. Elle a toutefois approuvé certains amendements qui visent à y apporter quelques améliorations, tout en s’associant à l’objectif de soutien des services publics.

Il faut voir dans l’examen de ce texte en séance publique une occasion opportune pour le Sénat d’exprimer une position sur le sujet des services d’intérêt général, dont nul ne saurait nier l’importance particulière en temps de crise économique.

Tout d’abord, je dirai un mot sur cette « stratégie politique de la Commission pour 2009 » qui fait l’objet de la proposition de résolution que nous examinons.

Il s’agit d’une simple communication de la Commission européenne, sans valeur législative. Elle indique les priorités de la Commission présidée par M. Barroso pour sa dernière année de mandat, l’entrée en fonction de la nouvelle Commission étant prévue pour le 1er novembre prochain.

Ce document est surtout un point d’appui commode pour souligner l’insuffisance de l’action de la Commission sur un sujet qui a pourtant fait l’objet de demandes répétées depuis des années : les services d’intérêt général.

La notion de service d’intérêt général n’est pas toujours bien comprise dans notre pays, où nous sommes plus habitués à celle de service public. L’objectif est pourtant le même : certaines missions présentent un caractère d’intérêt général qui légitime une intervention des autorités publiques.

Ces dernières peuvent fournir le service elles-mêmes ou le faire fournir par un tiers. Dans ce dernier cas, elles peuvent apporter une subvention correspondant aux charges particulières qui résultent pour l’opérateur de l’exécution de la mission assignée : c’est la compensation pour obligation de service public.

Au-delà des différences de vocabulaire, le soutien aux services d’intérêt général est donc une manière de préserver et de conforter les services publics – ou faut-il dire les services « au » public ? – auxquels nous sommes tous très attachés.

Et cet attachement est légitime, car cette proposition de résolution tombe à point nommé. L’effondrement du système financier, la récession qui touche de nombreux pays, notamment les États membres de l’Union européenne, ont mis fin à un certain nombre de dogmes économiques professés tant par les instituts économiques que par les institutions européennes.

M. Roland Ries. Très juste !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. À la volonté de laisser les marchés décider seuls de l’allocation des biens et des ressources entre les acteurs économiques s’est substitué le constat qu’une intervention des acteurs publics par la régulation, mais aussi par les aides directes, est nécessaire pour assurer la continuité du tissu économique et la cohésion sociale et territoriale.

Les services publics réduisent les inégalités de fait en apportant à chacun la possibilité d’obtenir des soins, d’éduquer ses enfants, de se déplacer pour un coût raisonnable. Une société pourvue de services publics efficaces bénéficie d’un point d’accroche lors des crises économiques.

J’ajouterai – j’y suis particulièrement sensible en tant que président de l’Observatoire national de la présence postale – que seule l’intervention des pouvoirs publics, notamment la péréquation, peut assurer à chacun un accès aux services de poste et de télécommunications, même pour celui qui est situé dans un territoire isolé ou socialement défavorisé, sans jamais dissocier les deux.

La présente proposition de résolution demande donc à la Commission européenne de prendre des initiatives en vue de conforter le statut des services d’intérêt général.

Rappelons que les services d’intérêt général sont couverts par des règles comme celles du « paquet Monti-Kroes » de 2005. Toutefois, les bilans effectués, notamment un rapport remis récemment par le Gouvernement à la Commission, montrent que ces règles sont insuffisantes et demeurent mal appréhendées par les acteurs locaux, qui craignent pour la sécurité juridique des services qu’ils fournissent ou subventionnent.

Les grands services de réseau – poste et télécommunications, énergie, transports – ont déjà fait l’objet, pour leur part, de directives sectorielles. Le problème se pose d’une manière plus aiguë pour les services sociaux d’intérêt général, c’est-à-dire pour tous les services qui répondent aux objectifs de santé, d’éducation, d’aide aux personnes vulnérables, d’insertion économique, de logement social, entre autres.

Dans ces secteurs, qui couvrent un public plus important en période de crise, les opérateurs sont souvent de petite taille et s’interrogent sur la possibilité de bénéficier d’un soutien public : quelle activité peut-elle être qualifiée de marchande ou de non marchande ? Comment calculer et mettre en œuvre la compensation pour service public ? Or on est ici au cœur de la notion d’intérêt général, dans un domaine où le marché ne peut, à lui seul, satisfaire les besoins de la collectivité.

À ce sujet, je souhaite souligner que la Présidence française de l’Union européenne, au deuxième semestre de 2008, a été marquée par de nombreuses initiatives, telles que le deuxième forum sur les services sociaux d’intérêt général, ou encore la constitution du groupe de travail, conduit par M. Michel Thierry, sur la sécurisation juridique des services d’intérêt économique général.

Pour cette raison, la commission des affaires économiques a adopté des amendements qui visent à retirer, dans la présente proposition de résolution, les alinéas qui remettent en cause le bilan de la Présidence française dans un texte qui concerne, d’abord et avant tout, – rappelons-le, mes chers collègues – la stratégie politique de la Commission européenne !

L’outil juridique proposé est celui de la directive-cadre. Pourquoi se limiter à ce seul outil ? D’autres instruments juridiques sont possibles, par exemple, le règlement prévu par le traité de Lisbonne, traité qui, soulignons-le, marque une avancée importante en faveur des services d’intérêt général, comme l’a remarqué l’an dernier Mme Tasca dans un rapport réalisé au nom de la délégation à l’Union européenne.

Une directive sur les services sociaux serait également la bienvenue, s’agissant du secteur qui suscite aujourd’hui le plus d’interrogations, pour ne pas dire d’inquiétudes.

C’est pourquoi la commission des affaires économiques a adopté un amendement qui reprend la formulation plus large d’« instrument juridique communautaire », déjà présente dans une résolution adoptée par le Sénat le 23 mars 2005.

Je crois surtout que, au-delà de la forme juridique, le contenu sera primordial. Les positions des États membres varient fortement – faut-il le rappeler ? – sur la question des services publics.

Certains craignent un État Léviathan, qui prendrait le contrôle de l’économie et briderait les initiatives individuelles. Seuls un effort de réflexion à l’échelon national et un effort de concertation à l’échelon européen permettront de dégager un modèle de service d’intérêt général pour l’Europe d’aujourd’hui et de demain.

L’heure actuelle se prête à un tel débat en raison de la crise, mais aussi en prévision des élections européennes de juin et du renouvellement de la Commission européenne qui aura lieu à l’automne.

Cela m’amène au dernier point de la proposition de résolution. Il s’agit de demander qu’un commissaire européen soit explicitement chargé de garantir la prise en compte des services publics dans la politique communautaire.

L’intérêt de cette proposition est de donner une force symbolique importante aux services publics et d’améliorer leur mise en œuvre en les intégrant dans les missions confiées explicitement aux commissaires au même titre que, par exemple, la construction du marché intérieur et l’application des règles de concurrence.

On peut discuter des modalités précises, mais il m’est apparu plus efficace de donner cette compétence à un commissaire déjà existant, par exemple à celui qui est chargé du marché intérieur, d’autant que les règles du traité de Nice, qui s’appliqueront si le traité de Lisbonne n’entre pas en vigueur, impliquent une réduction du nombre des commissaires.

La commission des affaires économiques s’est également accordée sur ce point.

Au final, je serais heureux que le Sénat trouve un accord le plus large possible pour affirmer l’importance des services d’intérêt général et la nécessité de les conforter à l’échelon européen où une action efficace pourra être menée sur l’ensemble des secteurs concernés.

Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter en faveur de cette proposition de résolution assortie des amendements adoptés par la commission des affaires économiques.

En conclusion, qu’il me soit permis de remercier le président de la commission des affaires économiques de l’action qu’il a conduite dans cette affaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)