Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous voterons ces amendements dans la mesure où cette politique d’allégement des cotisations sociales n’a pas fait ses preuves en matière d’emploi, c’est le moins que l’on puisse dire.

Monsieur le ministre, vous nous affirmiez que, si l’on obligeait les entreprises à payer plus, le chômage augmenterait, mais, depuis que ces allégements de cotisations patronales existent, les licenciements et les délocalisations continuent ! Je vous rappelle d'ailleurs que le chômage ne cesse d’augmenter depuis deux ans. Cette politique d’exonérations se révèle donc pour le moins inefficace.

Dans l’immédiat, si ces amendements étaient adoptés, nous offririons quelques recettes nouvelles à notre système de protection sociale, qui en a bien besoin.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements nos 7 rectifié et 53 rectifié sont identiques.

L'amendement n° 7 rectifié est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 53 rectifié est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la deuxième phrase du premier alinéa du III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, les mots : « de la rémunération mensuelle » sont remplacés par les mots : « d'un douzième de la rémunération annuelle ».

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, au cours de votre dernière intervention, mon collègue Jean-Jacques Jégou s’est exclamé – mais ce n’était pas la première fois que j’entendais cette remarque – que ces allégements de charge mis en place avec les 35 heures étaient devenus une trappe à bas salaires !

En effet, ce dispositif a incité un certain nombre d’entreprises à maintenir les salaires en deçà de 1,6 SMIC ou à recruter sous ce seuil de rémunération afin de bénéficier d’exonérations de charges.

M. François Autain. De cotisations, pas de charges !

Mme Annie David. Notamment dans la grande distribution.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame David, nous pouvons donc légitimement nous demander si ce sont les allégements de charges qui n’ont pas produit les effets attendus en termes de création d’emplois ou les 35 heures qui, malgré les exonérations de charges, ont constitué un handicap majeur pour les entreprises, encourageant certaines délocalisations, entraînant des pertes d’emplois ou des fermetures pures et simples.

Je crois que le sujet doit être abordé sous ces deux aspects. Chers collègues de l’opposition, vous le considérez sous l’angle qui vous semble le mieux à même de répondre aux attentes de votre électorat. Quant à nous, nous l’envisageons selon une autre perspective, celle de l’intérêt général (Manifestations d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG.) et de la compétitivité de nos entreprises.

C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement. En effet, nous considérons que certaines entreprises ont peut-être joué avec ce dispositif pour éviter que les salariés, que vous défendez, ne tombent dans cette fameuse trappe à bas salaires. Comment ? Tout simplement en versant un treizième, un quatorzième ou un quinzième mois, ce qui permet de maintenir la rémunération sous le seuil de 1,6 SMIC tout en sortant leurs personnels de cette trappe à bas salaires grâce à un revenu complémentaire, mais sans que celui-ci entre en compte dans le calcul des allégements de charges. Ainsi, l’entreprise garde le bénéfice de ces exonérations tandis que le salarié voit son pouvoir d’achat s’améliorer. Or un tel contournement du dispositif n’est pas souhaitable.

Par ailleurs, au cours de la discussion générale, M. le ministre a reconnu que l’État avait encore une dette d’un peu plus de 3 milliards d'euros à l’égard de la sécurité sociale et qu’il était prêt à l’honorer, dans le cadre d’une loi de finances rectificative, à la hauteur de 2 milliards d’euros, voire plus.

Comme nous ne voulons pas grever le budget de l’État, déjà si difficile à boucler cette année, et comme nous entendons rendre service au ministre chargé des comptes publics, nous proposons une solution qui permettrait de payer la dette due à la sécurité sociale sans pour autant creuser un déficit déjà si considérable.

En effet, si l’État verse ces 2 milliards d'euros à la sécurité sociale, il augmentera d’autant le déficit de son budget, car aucune recette n’est prévue pour financer cette contribution. En revanche, la solution que nous proposons serait pour lui neutre financièrement et lui permettrait de régler cette dette, donc de moraliser le système des allégements de charges, en attendant une réforme plus ambitieuse qu’annonce le ministre.

Monsieur le ministre, j’ignore si vous allez nous proposer la création d’une nouvelle commission, comme tout à l'heure s'agissant du problème de la dette (Sourires.), mais nous attendons avec intérêt votre avis sur cet amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales mène les mêmes combats que la commission des finances. Je ne crois pas qu’il y ait d’opposition entre l’une et l’autre…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pas du tout !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. En tout cas, dans mon esprit, il n’y en a pas.

Je ne réitérerai pas les excellents arguments qu’a énoncés M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour qualifier cette situation, on peut évoquer une niche sociale, certes, mais les allégements de charges s’apparentent aussi à un dispositif d’optimisation, voire à une fraude, parce que ces entreprises ne se contentent pas d’améliorer leur situation fiscale : elles privent la sécurité sociale de certaines ressources et elles font finalement payer par l’État des sommes qu’elles devraient acquitter elles-mêmes !

Monsieur le ministre, j’y insiste, le Conseil des prélèvements obligatoires a préconisé une telle mesure dans son dernier rapport remis à la commission des finances.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. De même que la Cour des comptes !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cette réforme permettrait de réduire substantiellement ce déficit contre lequel nous luttons tous ici.

C'est pourquoi les deux commissions du Sénat défendent cette mesure.

Mme la présidente. L'amendement n° 89, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la deuxième phrase du premier alinéa du III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, le mot : « mensuelle » est remplacé par les mots : « annuelle divisée par douze ».

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Alors que nos régimes de sécurité sociale manquent de recettes, il nous paraît inacceptable de réduire les cotisations sociales sur les treizième et quatorzième mois.

On voit la solution de facilité qui s’offre à certaines entreprises, tentées d’octroyer à leurs personnels des augmentations et de les convertir en mois de salaire supplémentaires. Monsieur le ministre, le système que vous défendez porte en lui de nombreuses dérives !

Le présent amendement a pour objet de limiter l’application des réductions de cotisations sociales sur la rémunération mensuelle de chaque salarié correspondant, sur une année, à douze mois de salaire. Il vise à supprimer les exonérations de cotisations sur les rémunérations équivalant à des mois de salaire supplémentaires.

Cette mesure permettrait de récupérer près de 3 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable vu l’ampleur du déficit. En effet, pour bénéficier de l’exonération maximum appliquée sur une rémunération au niveau du SMIC, certaines entreprises évitent d’augmenter le salaire mensuel de base de leurs salariés et préfèrent verser un treizième ou un quatorzième mois.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 89 ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement étant très proche de ceux qui sont défendus par la commission des affaires sociales et par la commission des finances, nous ne pouvons qu’y être favorables.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

M. Éric Woerth, ministre. Le dossier des allégements de charges est très difficile.

D'abord, ce dispositif constitue-t-il une trappe à bas salaires ? Sans doute des entreprises privilégient-elles parfois les faibles rémunérations, au terme d’un calcul d’optimisation. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faudrait pas que, la trappe étant retirée, tout le monde se retrouve au fond de la cave ! Que ce soit une trappe à bas salaires, je le veux bien, mais, si on la supprime, quel sera le sort des salariés concernés ? La question mérite tout de même d’être posée !

Il est vrai que le Conseil des prélèvements obligatoires s’est prononcé sur ce point. Cependant, les dernières études économiques ont montré que des centaines de milliers d’emplois étaient protégés par ce dispositif d’allégements de charges, qui profite donc d'abord aux salariés.

Le mode de calcul peut poser problème. Le principe en est simple : à un niveau de salaire correspond un taux de réduction. Compte tenu du mode de calcul actuel, à rémunération annuelle égale, le montant des allégements peut varier d’une entreprise à l’autre. Un employeur qui verse des salaires d’un montant régulier sur douze mois bénéficie d’une moindre réduction de cotisations que celui qui verse des primes importantes sur un mois donné, ce qui le fait sortir du dispositif, avant d’y rentrer un peu plus tard.

Monsieur Jégou, cette politique salariale ne résulte pas systématiquement de comportements d’optimisation de la part des employeurs, même si ce que vous avez qualifié de « fraude », et qui est au fond de l’abus de droit, peut se produire. Elle n’est pas nécessairement déterminée par le mode de calcul des allégements de charges, car les employeurs peuvent tout de même verser un treizième mois à leurs salariés pour les motiver ou récompenser les plus performants d’entre eux ! Dans ce cas de figure, ils bénéficient certes du système, mais celui-ci n’est pas constitutif d’un abus de droit.

Nous devons vérifier que le mode de calcul des allégements de charges n’aboutit pas à des différences de taux d’exonération qui ne seraient pas justifiées. Ce sujet a été pointé, je le répète, par le Conseil des prélèvements obligatoires, auquel vous avez fait référence, monsieur Vasselle, mais aussi dans un rapport de la mission commune d’information des commissions des finances et des affaires sociales de l’Assemblée nationale, en juin 2008.

À la suite du point d’étape effectué par le Président de la République avec les organisations syndicales en juillet dernier, le Gouvernement a décidé de réexaminer de façon globale ce dossier, pour que le dispositif soit à la fois plus efficace et plus juste.

Nous avons missionné M. Jean-Luc Tavernier, inspecteur général des finances, pour travailler sur ce dossier. La solution de l’annualisation, que vous avez évoquée, messieurs les rapporteurs, et qui constitue l’objet de vos amendements identiques, fait partie des pistes qui seront explorées.

Toutefois, nous ne devons pas prendre de risques inconsidérés sur cette question. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis désolé de répéter, même si c’est un peu différemment, les arguments que j’ai employés au sujet de la CRDS, mais il s'agit de sujets très importants.

Supprimer les allégements de charges serait véritablement jouer avec le feu, car des milliers d’emplois sont en jeu. Nous ne pouvons donc prendre une telle décision sans étude préalable, et je sais que le Sénat est particulièrement attentif à la question de l’évaluation des politiques publiques.

Il est vrai que, si le chiffrage qui a été réalisé est exact, une telle mesure représenterait une économie de 2 à 3 milliards d'euros pour les finances de l’État, et ce n’est pas le ministre des comptes publics qui s’en plaindrait. Il n’en demeure pas moins qu’une charge équivalente serait facturée aux entreprises, au risque de susciter des licenciements qui, eux, coûteront cher.

Le ministère de l’économie estime à 85 000 le nombre des emplois qui seraient mis en cause par une telle réforme du dispositif. Il s'agit là d’un élément que je livre à votre réflexion, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le contexte économique nous invite à la plus grande prudence sur ce point. Si la question du maintien des allégements de cotisations sociales est légitime, nous savons que leur suppression ne permettra pas de récupérer des dizaines de milliards d’euros, comme je l’entends ici ou là. Certes, c’est possible, mais à quel prix social !

Il nous faut être d’autant plus vigilants que les différences de charges sociales sont très importantes selon les pays : en Allemagne, elles n’atteignent que 16 %, alors qu’elles s’élèvent à 29 % en France. Revenir sur les dispositions en vigueur compliquerait encore davantage la situation.

Je ne ferme pas la porte, mais, compte tenu de ces explications et des effets qu’entraînerait l’adoption des dispositions proposées, le Gouvernement demande le retrait des amendements identiques nos 7 rectifié, 53 rectifié, ainsi que de l'amendement n° 89.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Nous sommes dans le même cas de figure que tout à l’heure : M  le ministre ayant sollicité le retrait d’un amendement adopté par la commission des affaires sociales, il me faut la réunir pour la consulter sur le sort qu’elle entend lui réserver.

Pour cette raison, madame la présidente, je demande une suspension de séance de dix minutes.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Compte tenu des arguments avancés par M. le ministre, la commission des affaires sociales a décidé de s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements identiques des deux commissions ainsi que sur l’amendement n° 89 du groupe socialiste.

Autrement dit, nous ne retirons pas notre amendement, contrairement à ce que souhaitait le Gouvernement, mais nous avons bien mesuré les effets de cette disposition, notamment le risque qu’elle peut entraîner en termes de suppression d’emplois. Nous souhaitons par conséquent que, d’ici à la commission mixte paritaire, monsieur le ministre, vous puissiez nous communiquer le plus grand nombre possible d’éléments d’information à ce sujet, afin que la commission mixte paritaire puisse se prononcer en toute connaissance de cause.

Pour le moment, il appartient à nos collègues de se prononcer en conscience, en tenant compte à la fois de l’argumentation développée par la commission des affaires sociales et des réserves émises par le Gouvernement.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 53 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je me félicite de la position de la commission des affaires sociales. Je maintiens également l’amendement n° 53 rectifié, qui repose sur des arguments forts, arguments que M. le ministre n’a d’ailleurs pas contestés, même s’il a insisté sur les risques qu’entraînerait son adoption.

Nous sommes dans une situation telle qu’il nous faut tout faire pour réduire le déficit abyssal de la sécurité sociale.

Mme la présidente. Madame Printz, l'amendement n° 89 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Printz. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 7 rectifié et 53 rectifié.

Mme Annie David. Ces amendements inspirent à mon groupe des sentiments mêlés, car nous nous posons quelques questions.

Nous pensons avoir trouvé une solution en déposant un sous-amendement à l'amendement n° 53 rectifié, de manière à préciser que la disposition en cause « ne peut avoir pour conséquence la suppression du treizième mois ou le gel des salaires ».

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 520, présenté par Mme David et ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par l'amendement n° 53 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :

Cette disposition ne peut avoir pour conséquence la suppression du treizième mois ou le gel des salaires.

Veuillez poursuivre, madame David.

Mme Annie David. Comme beaucoup de membres de notre assemblée, nous éprouvons les craintes qui viennent d’être exprimées par M. le rapporteur pour avis de voir notre système de protection sociale affaibli par les exonérations de cotisations patronales.

La mesure proposée par les auteurs des amendements aura deux conséquences : elle préservera notre système de protection sociale auquel nous sommes tous attachés, mais elle risque de se révéler contraire à l’intérêt des salariés.

Si nous ne partageons pas complètement les arguments développés par M. le ministre quant aux risques en termes d’emploi, nous redoutons, au sein du groupe CRC-SPG, que l’inclusion des mois supplémentaires dans le calcul du salaire mensuel, ce qui reviendrait à les faire optiquement augmenter, ne conduise les entreprises à geler les salaires pendant quelques années ou à demander la renégociation de l’accord qu’elles ont passé avec les organisations syndicales en vue de supprimer purement et simplement ces mois supplémentaires, tout cela de manière à retrouver le niveau de rémunération leur ouvrant droit aux exonérations de cotisations patronales.

Autrement dit, l’adoption de ces amendements en l’état nuirait directement aux intérêts des salariés, qui demeureraient ainsi cantonnés dans des bas niveaux de salaires, perdant la petite compensation dont ils bénéficient à l’heure actuelle dans les entreprises qui ont mis en place la politique de versement d’un treizième mois, voire, pour un nombre très réduit d’entre elles aujourd'hui, d’un quatorzième mois. La mesure proposée comporte des risques trop importants pour les salariés par rapport à l’avantage qu’elle présente pour notre système de protection sociale.

Elle pourrait être soumise à la réflexion de la commission annoncée par M. le ministre et chargée de définir les orientations futures d’une politique globale d’exonération de cotisations patronales.

Quoi qu'il en soit, si notre sous-amendement n° 520 n’est pas adopté, nous nous abstiendrons sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. M. le rapporteur s’en remettant à la sagesse du Sénat, chacun d’entre nous peut s’exprimer à titre personnel.

J’estime que nous ne disposons pas d’études suffisamment précises sur l’impact de la mesure visée par ces amendements, dont M. le ministre nous dit qu’elle toucherait de nombreux salariés. Une fois n’est pas coutume, je partage les inquiétudes du groupe CRC-SPG.

Pour ma part, je ne m’abstiendrai pas, je voterai contre ces amendements. Je n’ai pas envie de prendre une décision risquant d’avoir des incidences sur des salaires qui sont généralement déjà peu élevés. Si, de surcroît, 85 000 emplois sont susceptibles de s’en trouver menacés, cela me suffit pour me décider à voter contre.

En revanche, la création d’une commission chargée d’étudier ces questions serait très opportune, car elle nous permettrait de travailler ensemble pour trouver la meilleure des solutions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 520 ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce sous-amendement incite à approfondir la réflexion sur le sujet.

S’agissant des amendements nos 7 rectifié, 53 rectifié et 89, M. le ministre a plaidé en faveur d’un sursis à statuer en attendant de rassembler les éléments permettant de prendre une décision en toute connaissance de cause, de manière à éviter les effets dévastateurs en termes d’emploi et de pénalisation des entreprises.

Je comprends parfaitement l’argumentation qui vient d’être développée par Isabelle Debré, de même que le souci de nos collègues du groupe communiste de préserver les salaires dans les entreprises qui seraient amenées à payer des contributions sociales dont elles s’exonéraient jusqu’à présent grâce au versement d’un treizième ou d’un quatorzième mois à leurs salariés rémunérés jusqu’à hauteur de 1,6 SMIC.

L’avis de sagesse émis par la commission des affaires sociales, qui regroupe toutes les sensibilités politiques, résulte de la position majoritaire qui s’est dégagée en son sein. Cet avis ne nous prive pas de la possibilité, si cette mesure était votée, de revoir notre position en commission mixte paritaire, au vu des éléments communiqués par le Gouvernement qui viendraient conforter l’argumentation développée par M. le ministre.

En attendant, la commission demande le retrait du sous-amendement n° 520. Il est dommage que vous ne l’ayez pas présenté à la commission pendant la suspension, madame David !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Eric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sous-amendement montre que, au fond, vous n’êtes pas à l’aise avec la mesure qui est proposée par les amendements nos 7 rectifié, 53 rectifié et 89, c’est le moins qu’on puisse dire. Vous êtes d’accord pour voter l’amendement, mais à condition qu’il n’ait surtout aucune conséquence !

Mme Isabelle Debré et M. Gérard Longuet. Oui !

M. Eric Woerth, ministre. Or, comme l’a souligné Isabelle Debré, il importe de procéder à une évaluation précise. Ces amendements représentent 2 ou 3 milliards d’euros, soit 10 % des allégements de charges.

Mme Isabelle Debré et M. Gérard Longuet. Oui !

M. Eric Woerth, ministre. Si vous les votez, vous réduisez d’autant la compétitivité des entreprises. Car c’est ainsi qu’il faut raisonner !

Quand d’autres pays mettent l’accent sur la compétitivité des entreprises, vous, vous êtes en train de taper directement sur les bas salaires. Telle est la réalité !

Ce n’est pas un problème de fraude. À l’évidence, je l’ai dit à M. le rapporteur pour avis, il convient de combattre les abus d’optimisation qui existent dans ce domaine, comme dans tous les dispositifs. Mais, en l’occurrence, on prend un énorme marteau pour frapper quelques fraudeurs !

Quand certaines entreprises constituent des cagnottes au fur et à mesure de l’année grâce à leurs bons résultats et les redistribuent aux salariés en fin d’exercice, ce n’est pas une optimisation : c’est pour elles une façon de prendre en compte la réalité des choses, tout en les faisant sortir, pour un temps, du régime d’allégement de charges. Et c’est bien ainsi que les choses se passent, dans chacun de vos départements ! Il ne faut pas confondre les abus et les dispositifs d’allégement de charges.

Nous avons fait une première estimation qui fait apparaître un chiffre de 85 000 emplois. J’ignore si, d’ici à la commission mixte paritaire, au cas où ces amendements seraient adoptés, nous aurons le temps d’affiner cette estimation, car elle nécessite un travail d’analyse plus lourd. Les études de la direction générale du Trésor montrent que ces emplois ont besoin de compétitivité. Or, par ces amendements, soit vous les faites sortir complètement du dispositif d’allégement de charges, soit vous diminuez le niveau des allégements, le mécanisme pouvant être dégressif ou progressif.

Je vous donne un autre chiffre : 70 % des Français perçoivent un treizième mois de salaire ; ce n’est pas rien ! Je ne sais combien d’entre eux sont rémunérés à moins de 1,6 SMIC. Mais ce sont ceux-là qui sont visés par les amendements. Soyons donc prudents en la matière !

Mme la présidente et M le rapporteur général de la commission des affaires sociales s’en sont remis à la sagesse du Sénat. Je pense que la sagesse doit conduire à repousser ces amendements.

Il ne s’agit pas d’amendements d’appel qui pourront être discutés sur-le-champ en commission mixte paritaire, parmi d’autres points. Nous sommes là au cœur d’un dispositif d’allégement de charges, en réalité d’abaissement du prix du travail lorsqu’il est peu coûteux, et d’amélioration de la compétitivité de nos entreprises. Ne nous livrons pas à cet exercice de manière improvisée, sans évaluation.

Je ne dis pas que le sujet des allégements de charges ne sera pas mis sur la table. À l’évidence, les commissions ont raison, il faut se pencher sur la question. Mais ne tuez pas 10 % d’allégements de charges, comme cela, au détour d’un amendement, sans évaluation.

On ne joue pas avec le feu sur les problèmes d’emploi !

Mme la présidente. Madame David, le sous-amendement n° 520 est-il maintenu ?

Mme Annie David. Oui, madame la présidente.

Monsieur le ministre, dans les explications que vous venez de nous donner, vous y allez un peu fort, car vous faites ni plus ni moins le chantage à l’emploi. Et, en l’occurrence, votre argumentation n’est vraiment pas pertinente.

En revanche, je vous accorde que nous ne sommes pas à l’aise avec ces amendements. Je l’ai d’ailleurs indiqué dans mon intervention.

Vous prétendez que, avec ce sous-amendement, nous montrons que nous voulons que rien ne change. Au contraire, nous souhaitons que les salariés continuent à percevoir le même revenu annuel et que les entreprises, elles, acquittent les cotisations patronales qui leur incombent.

L’article additionnel, tel qu’il est proposé par les deux commissions, risque d’aboutir à la suppression pure et simple du versement du treizième mois par le biais de la dénonciation et de la renégociation par les entreprises de tous les accords existants. Au final, les salariés perdront donc leur treizième mois, tandis que les entreprises continueront à être exonérées de leurs cotisations patronales.

C’est ce que nous voulons éviter avec ce sous-amendement. Vous comprenez donc bien que nous ne pouvons pas le retirer et que, s’il est rejeté, nous nous abstiendrons sur les amendements nos 7 rectifié et 53 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 520.

M. Bernard Cazeau. Nous voterons naturellement le sous-amendement n° 520, qui permet de préciser les choses, et nous le ferons par précaution.

En effet, depuis deux heures, M. le ministre est en train de brandir un épouvantail en nous mettant en garde contre les risques pour l’emploi, les problèmes économiques, etc., comme si ce gouvernement n’était pas en grande partie responsable, indépendamment de la crise, d’un certain nombre de pertes d’emplois dans ce pays.

Par ailleurs, nous ne pourrons pas ne pas voter les amendements identiques nos 7 rectifié et 53 rectifié, dans la mesure où nous avons nous-mêmes déposé un amendement quasi identique. Certes, chaque disposition nouvelle comporte toujours un risque, en particulier lorsqu’il s’agit des entreprises. Toutefois, nous considérons que c’est encourager les chefs d’entreprise à rechercher des passe-droits que de maintenir le système consistant à payer aux salariés un treizième mois, et plus rarement un quatorzième mois, afin de ne pas régler des cotisations sociales, qui seraient de toute façon, la plupart du temps, répercutées dans les prix de vente.

Madame la présidente, notre amendement n° 89 étant très proche des amendements nos 7 rectifié et 53 rectifié, nous le rectifions pour le rendre identique à ces derniers.