M. Guy Fischer. Je ne comprends plus : 600 ou 60 millions d’euros ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les 63 millions d’euros représentent la mesure non compensée. L’excédent du panier de recettes pour les allégements généraux s’élève cette année à 600 millions d’euros.

Les 63 millions d’euros seront donc absorbés sans difficulté par l’excédent.

Mais je reconnais qu’il aurait été plus clair, dans le cadre des inscriptions budgétaires, de prévoir la mesure de compensation et de faire ce jeu d’écritures.

En conséquence, la commission est défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je rejoins le rapporteur.

Nous avons fait d’énormes progrès : l’an dernier, il y avait huit dispositifs dans l’article de non-compensation ; cette année, dans le PLFSS pour 2010, nous n’en avons qu’un seul.

Je souscris évidemment à la préoccupation exprimée par beaucoup : la compensation de tous les dispositifs d’exonération. Mais il s’agit ici d’un bonus exceptionnel prévu par la loi de développement économique des outre mer. Ce dispositif exceptionnel est limité à trois ans, il ne peut se substituer à des éléments de rémunération et n’ouvre aucun droit social.

C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces deux amendements identiques. Mais nous suivrons cette question avec beaucoup de soin.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 96 et 285.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Article 19
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Article 20

Article additionnel après l'article 19

M. le président. L'amendement n° 227, présenté par MM. Lardeux et Etienne, est ainsi libellé :

Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - L'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

A. - Le I est ainsi modifié :

1° Au 1°, le pourcentage : « 7,5 % » est remplacé par le pourcentage : « 7,8 % » ;

2° Au 2°, le pourcentage : « 8,2 % » est remplacé par le pourcentage : « 8,8 % » ;

3° Au 3°, le pourcentage : « 9,5 % » est remplacé par le pourcentage : « 9,8 % ».

B. - Le II est ainsi modifié :

1° Au 1°, le pourcentage : « 6,2 % » est remplacé par le pourcentage : « 6,5 % » ;

2° Au 2°, le pourcentage : « 6,6 % » est remplacé par le pourcentage : « 6,9 % » ;

3° Au 1° du IV, le pourcentage : « 1,1 % » est remplacé par le pourcentage : « 1,4 % » et le pourcentage : « 1,08 % » est remplacé par le pourcentage : « 1,38 % ».

II - En conséquence, au III de l'article L. 136-7-1 du même code, le pourcentage : « 9,5 % » est remplacé par le pourcentage : « 9,8 % » et le pourcentage : « 12 % » est remplacé par le pourcentage : « 12,3 % »

La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Cet amendement vise à attirer l’attention sur la situation de la branche famille.

Celle-ci, pour la première fois, se trouve en situation de déficit : plus de 3 milliards d’euros cette année, plus de 4 milliards d’euros en 2010 et 2011, soit près de 19 milliards d’euros cumulés en 2013.

On a beaucoup parlé de déficit pour causes conjoncturelles ou pour causes structurelles. Il apparaît que la branche famille est en déficit pour des raisons structurelles.

En effet, si l’on n’avait pas transféré à sa charge les majorations de pension pour enfants, elle serait à peu près à l’équilibre. C’est une décision qui a conduit structurellement à ce déficit.

C’est pourquoi j’ai proposé des recettes supplémentaires. Il s’agit d’apporter une compensation à la branche famille pour ce qu’on lui a prélevé au profit du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ces dernières années et qu’on lui prélèvera les années à venir.

Mais si cet amendement n’est pas adopté par la Haute assemblée, j’en prendrai acte. En effet, c’est l’une des mesures que nous serons obligés de prendre, quelle que soit la majorité en charge des affaires sociales à ce moment-là.

J’en prends le pari devant vous tous : nous serons obligés d’augmenter les prélèvements sociaux, notamment la CSG.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je partage totalement les préoccupations de notre collègue André Lardeux pour la branche famille.

Une disposition assez ancienne, qui date également du début des années quatre-vingt-dix, prévoyait de préserver l’indépendance et l’« étanchéité » des branches les unes par rapport aux autres en évitant le phénomène des vases communicants. Si cette règle avait été totalement respectée, la branche famille ne serait certainement pas dans la situation qui est la sienne, mais l’ACOSS connaîtrait plus de difficultés de trésorerie.

Compte tenu du contexte et du refus opposé par le Gouvernement à toute proposition d’augmentation des prélèvements obligatoires, la commission des affaires sociales ne peut accéder à la demande, pourtant légitime, de notre collègue André Lardeux et lui demande de bien vouloir retirer son amendement.

Je ferai simplement remarquer que la décision de transférer progressivement la totalité du financement des majorations de pensions pour enfants à la branche famille a été prise dans un but précis : compenser l’affectation, au détriment du Fonds de solidarité vieillesse, de 0,2 point de CSG à la CADES pour financer le remboursement de la dette de la sécurité sociale ; cette décision pèse encore sur l'équilibre du FSV.

Le Gouvernement semble avoir oublié cette réalité, puisqu’il a décidé, cette année, de faire supporter une nouvelle charge par le FSV. Il est regrettable que Bercy ne privilégie pas une vision pluriannuelle des comptes. Mais peut-être la manœuvre est-elle volontaire…

En tout état de cause, la branche famille se retrouve en déficit, au même titre que les branches maladie, vieillesse et AT-MP. Rien ne permet de penser que la situation puisse s’arranger d’ici à 2013. Et je ne parle même pas du FFIPSA, le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, dont on a réglé le volet « maladie », mais pas encore le volet « retraite ».

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À mon grand regret, la commission n’a donc pas d’autre choix que de solliciter le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vois dans cet amendement la traduction de l’engagement bien connu de M. Lardeux en faveur d’une politique familiale dynamique et d’une gestion budgétaire rigoureuse.

Éric Woerth et moi-même nous sommes longuement expliqués à ce sujet, nous avons fait le choix de nous engager, dans le cadre de ce PLFSS pour 2010, à laisser jouer aux dispositifs de protection sociale leur rôle d’amortisseur social, et ce dans une double perspective : ne pas grever le pouvoir d'achat des Français et tirer pleinement parti des signes de reprise économique.

Par conséquent, j’émettrai le même avis que M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales sur l’amendement n° 227.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à préciser que le Premier ministre a chargé, en avril dernier, votre collègue député Yves Bur d’une mission de réflexion sur l’évolution du mode de financement de la CNAF, étant donné le caractère universel des prestations versées. Les propositions qu’il sera amené à faire – il doit rendre son rapport avant la fin de l’année – pourront sans doute nous servir de base de discussion.

M. le président. Monsieur Lardeux, l’amendement n° 227 est-il maintenu ?

M. André Lardeux. Monsieur le président, je m’attendais bien sûr à cette double demande de retrait, de la commission et du Gouvernement !

M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a rappelé l’importance d’assurer l’étanchéité des différentes branches du régime général. Comme je ne doute pas qu’il soit membre de la future commission annoncée hier par M. Woerth, j’espère qu’il introduira cet élément dans la réflexion et qu’il défendra ce souci de rigueur dans la gestion des branches.

En effet, si l'ensemble des branches relèvent de la solidarité nationale, toutes ne sont pas de même nature : la branche famille assure la solidarité de demain et les autres, la solidarité du présent.

Si je n’accuse personne en particulier, force est pour moi de constater combien il est paradoxal de prévoir un déficit cumulé de la branche famille de plus de 18 milliards d'euros à l’horizon 2013 : cela revient finalement à demander aux enfants à qui les prestations sont destinées de les rembourser plus tard ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n’est pas faux !

M. André Lardeux. En outre, sans préjuger des intentions de M. Bur, celui-ci pourrait être conduit à soutenir une idée qui est en train de faire son chemin : la budgétisation de la branche famille, c'est-à-dire son intégration de fait dans le budget de l’État. Si tel devait être le cas, je peux d'ores et déjà annoncer que je m’y opposerais résolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. André Lardeux. Cela étant dit, monsieur le président, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 227 est retiré.

Article additionnel après l'article 19
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Mise au point au sujet d'un vote

Article 20

Est approuvé le montant de 3,5 milliards d’euros correspondant à la compensation des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale, mentionné à l’annexe 5 jointe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 14 a pour objet d’approuver le montant de 3,5 milliards d’euros correspondant aux crédits budgétaires ouverts pour couvrir la compensation des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale. L’année dernière, ces crédits s’élevaient à 3,4 milliards d'euros.

Force est de constater que, depuis maintenant plusieurs années, le Parlement s’est doté de nouveaux outils pour appréhender le financement de la sécurité sociale. Il est toutefois paradoxal de prétendre renforcer le contrôle des deux chambres sur les comptes publics, alors que, aujourd’hui encore, le Gouvernement s’applique à masquer la situation financière dans laquelle notre protection sociale s’enfonce.

Soyons lucides, le compte n’y est pas sur les compensations intégrales des exonérations à destination de la sécurité sociale. Il suffit de rappeler le décalage des sommes ici proposées avec l’objet de la proposition de loi organique, cosignée par Alain Vasselle et votée par le Sénat en janvier 2008, tendant à prévoir l’approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d’exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d’exercice.

Notre collègue évaluait le montant des assiettes exemptées à 41 milliards d’euros, répartis ainsi : « 16,5 milliards pour la participation financière et l’actionnariat salarié, 5,1 milliards pour les aides directes consenties aux salariés, 13,6 milliards pour la prévoyance complémentaire et la retraite supplémentaire, 5,8 milliards pour la rupture du contrat de travail. »

Dans un autre rapport sur la sécurité sociale en date de septembre 2007, les magistrats de la Cour des comptes avaient consacré un long développement à cette question de l’assiette des prélèvements sociaux. Ils y ont vu une source potentielle de financement supplémentaire pour la sécurité sociale et ont chiffré le montant du manque à gagner en l’évaluant à 30 milliards d’euros pour le régime général.

À cet égard, l’existence des dispositifs d’exonération mise en avant dans cet article pose deux questions : une question de fond tenant à leur utilité et à leur justification ; une question de procédure relative à leurs modalités d’adoption et à leur évaluation par le législateur.

Sur ce dernier aspect, les travaux sénatoriaux menés par la MECSS au cours des années 2006 et 2007 ont mis en évidence l’insuffisance du contrôle exercé tant par les ministères sociaux que par les commissions des affaires sociales des deux assemblées. En effet, dans la mesure où ces exonérations peuvent être insérées dans tout texte législatif, elles ont fréquemment été adoptées sans expertise préalable et sans l’avis du gestionnaire, en l’occurrence l’ACOSS et les URSSAF.

D’après une étude menée par la Direction de la sécurité sociale, sur la cinquantaine de mesures d’exonération ou de réduction d’assiette de cotisations sociales votées entre le début de 2005 et le début de 2007, 40 % ne résultaient pas d’un arbitrage interministériel impliquant le ministère des affaires sociales. Or l’impact de ces mesures sur les comptes sociaux s’est révélé de plus en plus lourd.

Afin de corriger cette anomalie, notre collègue Alain Vasselle avait donc fait adopter par le Sénat une proposition de loi en janvier 2008 pour « donner aux lois de financement un rôle central en matière de contrôle des niches sociales, en en faisant le "passage obligé" de l’ensemble des mesures d’exonération ou d’allégement de charges ».

Ce texte reprenait en partie l’une de nos propositions, formulée en 2005 à l’occasion de l’examen du projet de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Une solution identique avait également été défendue dans le rapport de la mission conjointe des inspections générales des finances et des affaires sociales sur l’articulation entre les finances de l’État et de la sécurité sociale.

Toutefois, il nous faut le constater, la disposition proposée par M. Vasselle n’avait pas remis fondamentalement en cause la possibilité, pour les lois ordinaires, de limiter des mesures de création ou de modification des dispositifs d’exonération de charges sociales. Ainsi avons-nous assisté, depuis 2008, à une véritable explosion des exonérations non compensées à la sécurité sociale.

Certes, nous disposons via les annexes du PLFSS d’études d’impacts plus lisibles en matière de compensation d’exonérations. Néanmoins, cela n’a pas interdit le contournement constaté dans cet article du principe, à valeur organique, selon lequel toute exonération de cotisations sociales devrait être intégralement compensée par une dotation équivalente, à l’euro près, de l’État.

M. le président. L'amendement n° 288, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Encore une fois, peut être une de trop, le Gouvernement entend, avec cet article 20 et l’annexe 5 du PLFSS qui lui est rattachée, procéder à des mesures d’exonérations de cotisations sociales.

Nous tenons vivement à nous opposer à cette pratique puisque, comme le faisait remarquer à très juste titre M. Woerth à l’Assemblée nationale, les comptes de l’État et ceux de la protection sociale ne sont pas la même chose ! Nous en sommes convaincus et en tirons la conclusion que le Gouvernement doit cesser de financer ce qui reste de sa politique industrielle et de l’emploi avec les cotisations sociales. Ne l’oublions pas, ces dernières sont la propriété indirecte des salariés puisqu’ils consentent – c’est le sens de notre pacte social – à ce que des prélèvements soient opérés sur leurs salaires pour être, par la suite, socialisés.

Or, dans la réalité, ils le sont de moins en moins, et l’instauration des franchises médicales et de la contribution de un euro, la diminution du remboursement de certains médicaments, voire leur déremboursement pur et simple, sont autant de prélèvements à la charge des assurés sociaux, alors que, dans le même temps, vous diminuez les cotisations que doivent logiquement supporter les employeurs.

Nous le savons tous, car cela a été suffisamment critiqué, notamment par la Cour des comptes, ces exonérations de cotisations sociales ont un effet plus que limité sur l’emploi. Elles ne peuvent, je le répète, tenir lieu de politique industrielle ou de l’emploi. C’est bien simple : sur les 42 milliards d’euros autorisés l’année dernière, seuls 32 milliards d’euros – c’est déjà trop ! – ont été effectivement utilisés.

Ces exonérations se concentrent sur des mesures contre-productives pour l’emploi, parmi lesquelles je peux citer, d'une part, les heures supplémentaires et complémentaires, les contrats de professionnalisation, les contrats vendanges, l’embauche de travailleurs occasionnels de moins de vingt-six ans dans le secteur agricole, autant de contrats précaires, pénibles et à durée déterminée ; d'autre part, les stock options et les retraites « chapeau », moralement discutables.

Au final, ce sont 68 dispositifs qui bénéficient d’exonérations. Dans son rapport de 2008, la Cour des comptes estime que 20 milliards d'euros d’exonération sont exclusivement consacrés aux contrats à faible rémunération, provoquant au passage un effet d’aubaine et des trappes à bas salaires dont l’ensemble des salariés sont, par la suite, les victimes.

Cette analyse est d’ailleurs confirmée dans l’annexe 5 de ce PLFSS pour 2010 : on y apprend que les « allégements généraux de cotisations sociales patronales sur les bas salaires représentent un peu plus de 75 % du montant de l’ensemble des mesures d’exonérations compensées à la sécurité sociale en 2008 ».

Cette politique est socialement injuste : la non-compensation des exonérations représente un coût de 3,5 milliards d’euros. Nul ne peut l’ignorer, le montant des exonérations de cotisations sociales concédées par l’État cette année aux entreprises et, en premier lieu, aux plus grandes d’entre elles, équivaut au montant annuel du déficit de la sécurité sociale pour 2010 !

M. François Autain. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Cazeau, puisque vous êtes intervenu sur cet article 14, je vous ferai remarquer qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre, d'une part, les assiettes faisant l’objet d’une exonération, et, d'autre part, l’objet de cet article, qui ne vise que les allégements de charges ciblés.

M. Guy Fischer. Pour 3,5 milliards d'euros !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Fischer, de par la loi organique, cet article revêt un caractère obligatoire. Sa suppression ne peut même pas être envisagée. Mme la présidente de la commission des affaires sociales aurait d’ailleurs été en droit d’invoquer l’irrecevabilité de l’amendement. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Elle a sans doute voulu être particulièrement agréable à votre endroit, et j’espère que vous n’abuserez pas de sa bonté. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Or, je crois pouvoir le dire sans trop me tromper, les arguments que vous venez d’avancer ont déjà servi au moins une demi-douzaine de fois depuis le début du débat ! (M. Guy Fischer s’exclame)

Vous avez, une fois de plus, parlé des stock-options, des retraites chapeau, du forfait social. Votre discours, on le connaît !

M. Guy Fischer. Vous aussi, il vous arrive de vous répéter !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En nous économisant cette répétition, vous pourriez peut-être nous faire gagner un peu de temps dans la discussion de ce PLFSS ! Il nous suffirait de nous reporter aux propos que vous avez tenus depuis le début.

Nous connaissons vos demandes, nous savons les objectifs qui sont les vôtres, mais nous ne les partageons malheureusement pas pour le moment.

M. Guy Fischer. Cela va changer !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Peut-être !

La commission ne peut pas être favorable à cet amendement de suppression, contraire aux dispositions de la loi organique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, mais je souhaite répondre sur le fond à ses auteurs. J’ai bien pris note des motivations qui sous-tendent leur démarche.

Il faut d’abord rappeler que, comme les études le démontrent, les allégements de charges sur les bas salaires et les exonérations ciblées ont un effet déterminant sur l’emploi des personnes peu qualifiées et sur les publics fragiles. Je m’étonne que vous prôniez des mesures qui toucheraient directement ces catégories de population, monsieur Fischer.

Évidemment, au-delà du constat, il est important que ces exonérations gardent la meilleure efficacité. Le Gouvernement a pris plusieurs mesures courageuses.

En 2008, puis en 2009, nous avons réformé les exonérations applicables dans les zones de revitalisation rurale, les zones de redynamisation urbaine, les zones franches urbaines, les départements d’outre-mer : nous avons prévu de soumettre ces exonérations à un plafonnement et de mettre en place la dégressivité en fonction du salaire.

C’est un principe important, cohérent avec ce qui est pratiqué pour les allégements généraux. Auparavant, ces exonérations s’appliquaient sans limite de salaires, ce qui était sans doute injuste.

Le Gouvernement a également réorienté l’exonération dont bénéficiaient les organismes d’intérêt général implantés dans une ZRR afin de les rapprocher des conditions de droit commun.

Ces différentes mesures contribuent, pour une part importante, à la baisse du coût des exonérations compensées par dotation budgétaire.

Pour compléter ce rapide panorama, il convient d’ajouter un aspect tout à fait essentiel, je veux parler de l’action menée par le Gouvernement en vue d’assainir les relations financières entre l’État et les régimes obligatoires de sécurité sociale dont les exonérations constituent un volet important.

Cette action s’est notamment traduite, en octobre 2007, par l’apurement des dettes du régime général à hauteur de 5,1 milliards d’euros, ce dont le rapporteur général a bien voulu nous donner acte. Elle s’est prolongée par l’apurement de la dette du régime social des indépendants, le RSI, et par celle des autres régimes dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008, à hauteur de 750 millions d’euros.

Nous agissons de même en vue d’une budgétisation plus sincère. Pour l’année 2009, par exemple, le montant global des crédits affectés pour la compensation des exonérations couvrira l’intégralité des dépenses telles qu’elles sont prévues par les régimes.

Je veux, à cette occasion, rendre hommage à mon collègue Éric Woerth, qui s’emploie à promouvoir une vraie politique de sincérité des comptes. Les craintes que vous exprimez en la matière me paraissent donc véritablement infondées.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 288.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 288.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 291, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au début de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un paragraphe 1 ainsi rédigé :

« Paragraphe 1

« Assurance maladie, maternité, invalidité et décès :

« Art. L. 242-4-4. - Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale. Le ratio ainsi obtenu est affecté de coefficients fixés chaque année par décret. Ces coefficients sont fixés de telle manière que les comptes prévisionnels des organismes de sécurité sociale et de l'Unedic soient en équilibre.

« Un autre décret détermine les modalités selon lesquelles le rapport entre le salaire et la valeur ajoutée est pris en compte. Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sont associés au contrôle de ce ratio. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement vise à introduire une modulation du taux des cotisations patronales en fonction de la politique salariale de l’entreprise et à en permettre le contrôle par les représentants du personnel.

Permettre la modulation des exonérations en fonction de la politique salariale des entreprises, c’est rendre leur vraie raison d’être à ces aides de l’État. C’est tout simplement restituer à l’entreprise le rôle qui devrait être le sien : créer du travail avant de penser à dégager des profits.

L’entrepreneur qui agirait dans le sens de la sauvegarde de l’emploi, de la lutte contre l’emploi précaire et mal rémunéré serait financièrement encouragé. Au contraire, l’entreprise dont la gestion serait totalement fondée sur la spéculation financière, qui recruterait uniquement en fonction des exonérations accordées et encouragerait la précarité et les bas salaires verrait ses cotisations patronales augmenter.

Cette logique rejoint celle que vous proposez en matière d’accident du travail, qui consiste à encourager celui qui prend les bonnes mesures et à sanctionner celui qui met ses salariés en danger. C’est le bonus-malus des accidents du travail.

Cette modulation applicable dans l’entreprise devrait être portée à la connaissance des salariés. En effet, une entreprise vertueuse accroîtrait ainsi son attractivité pour les salariés actuels et futurs. C’est pourquoi nous proposons que les représentants des salariés en soient régulièrement informés.

En outre, des études ont montré que ce type d’exonérations a pour conséquence de retirer toute responsabilité sociale aux entreprises, qui ne sont pas encouragées à adopter un comportement vertueux en matière de création et de sauvegarde de l’emploi.

Ainsi, avec la logique d’exonération actuelle, le prix du travail baisse pour les entreprises, mais les salariés, notamment ceux dont le recrutement ouvre droit à des allégements pour les employeurs, ne voient toujours pas leurs salaires augmenter.

Voila pourquoi nous proposons cet amendement visant à modifier le mécanisme des exonérations de cotisations.

Enfin, pour conclure, je reviendrai sur le débat que nous avions ouvert l’année dernière sur cette même question. Le rapporteur nous avait rassurés en nous annonçant la mise en place d’un groupe de travail entre la commission des finances et la commission des affaires sociales. Or, un an après, je n’ai encore rien vu venir !

Je vous propose donc de nouveau cet amendement.