Article 16
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 20

Article 19 bis

Après le troisième alinéa de l’article L. 5-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est informée par le titulaire de l’autorisation de toute modification susceptible d’affecter la pérennité de son exploitation. Le titulaire de l’autorisation communique à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes les modalités du dispositif prévu pour assurer la continuité du traitement des envois de correspondance en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. »

Article 19 bis
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Article 25

Article 20

L’article L. 5-2 du même code est ainsi modifié :

1° Les 3° et 4° sont ainsi rédigés :

« 3° Décide, après examen de la proposition de La Poste ou, à défaut de proposition, d’office après l’en avoir informée, des caractéristiques d’encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel pouvant, le cas échéant, distinguer les envois en nombre des envois égrenés, et veille à leur respect. Elle est informée par La Poste, avant leur entrée en vigueur, des tarifs des prestations du service universel. Dans un délai d’un mois à compter de la transmission de ces tarifs, elle émet un avis public. Elle tient compte, dans ses décisions ou avis, de la situation concurrentielle des marchés, en particulier pour l’examen des tarifs des envois en nombre, et veille dans ce cadre à assurer la pérennité du service universel tout en veillant à l’exercice d’une concurrence loyale. Elle modifie ou suspend les projets de tarifs de toute prestation relevant du service universel si les principes tarifaires s’appliquant au service universel ne sont manifestement pas respectés ;

« 4° Veille au respect des objectifs de qualité du service universel, fixés par arrêté du ministre chargé des postes selon des modalités établies par le décret prévu à l’article L. 2, ainsi qu’à la publication et à la fiabilité des mesures de qualité des prestations correspondantes ; elle fait réaliser annuellement par un organisme indépendant une étude de qualité du service qu’elle publie ; »

2° Le 6° est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « coûts », sont insérés les mots : « permettant la séparation des coûts communs qui relèvent du service universel de ceux qui n’en relèvent pas » ;

b) La dernière phrase est ainsi rédigée :

« Elle publie une déclaration de conformité relative au service universel. »

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 20
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Article 1er

Article 25

Le titre Ier entre en vigueur le 1er mars 2010.

article 1er

Article 25
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.

M. Michel Teston. Ce projet de loi répond à une double logique, qui conduit à mettre en danger le service universel postal : d’une part, il avalise pleinement l’ouverture totale à la concurrence prévue par la troisième directive postale et, d’autre part, il procède à la transposition de celle-ci en en retenant les dispositions les plus libérales.

Procédant directement de cette double logique, ce projet de loi met fin à l’existence du secteur réservé qui faisait la force du service universel postal à la française et transforme La Poste, actuellement établissement public industriel et commercial, en société anonyme. Ce texte vise donc bien à une libéralisation du secteur postal.

À titre d’exemples, le financement du service universel sera assuré par un fonds de compensation dont on connaît les limites ; peu de contraintes pèseront sur les concurrents de La Poste, alors que celle-ci aura seule à assumer les missions de service public sur l’ensemble du territoire ; les autres opérateurs auront les mains libres pour se positionner sur les niches les plus rentables et pourront même effectuer seulement la collecte et le tri, laissant au facteur de La Poste le soin d’aller distribuer le courrier, y compris dans les zones les moins denses du territoire.

Enfin, l’ARCEP, qui a toujours fait prévaloir les lois de la concurrence au détriment du service public et des opérateurs historiques, voit ses prérogatives encore étendues.

Tous ces éléments ne créent pas un environnement très favorable à l’opérateur historique, pourtant chargé des missions de service public.

Quant à la première partie du texte, c’est-à-dire le titre Ier, elle ne consiste qu’en une déclinaison et traduction des conséquences de l’article 1er transformant La Poste en société anonyme. Autant dire que le rejet de l’article 1er, phare du projet de loi, emporterait suppression de cette première partie et de la douzaine d’articles qui la composent. C’est ce que nous proposions.

Mais chacun devra prendre ses responsabilités, sur cet article comme sur l’ensemble du projet de loi !

On nous explique que la transformation en société anonyme serait incontournable, qu’il n’y aurait pas d’autres solutions, que l’actuel statut d’EPIC serait un obstacle au développement de La Poste – c’est ce que M. le ministre vient de nous dire –, que celle-ci aurait besoin de capitaux sans lesquels elle ne pourrait faire face à ses concurrents européens.

La Poste aurait donc besoin de capitaux – personne ne sait exactement à combien ils s’élèvent, plusieurs chiffres ayant été évoqués – pour moderniser son outil industriel et son réseau, pour développer ses activités de distribution de colis, voire de logistique, dans un environnement plus concurrentiel et marqué par la baisse de l’activité de courrier.

Enfin, ce changement de statut n’aurait aucune conséquence sur les missions de service public et sur l’entreprise elle-même, dont le capital demeurera, nous dit-on, intégralement public.

Or, que constate-t-on ?

La Poste a déjà consacré 3,5 milliards d’euros à la modernisation de son réseau, avec, en toile de fond, d’un côté, la suppression de milliers de bureaux de poste au profit d’agences postales communales ou de relais poste chez les commerçants, et, de l’autre, la mise en place d’équipements automatisés. Elle a également modernisé ses centres de tri, devenus de véritables plates-formes industrielles dotées de grandes capacités de traitement.

Nous en déduisons que les capitaux dont La Poste aurait besoin seraient essentiellement destinés à lui permettre de mettre en œuvre sa stratégie à l’international. Comme le soulignait un communiqué du groupe, il s’agirait d’acquérir ou de développer des opérateurs alternatifs de courrier en Europe, de compléter le dispositif Express européen, notamment en Allemagne, en Espagne et en Italie, et de procéder à quelques acquisitions ciblées hors d’Europe.

Au final, 2,7 milliards d’euros de fonds publics seraient essentiellement mis au service de la stratégie d’internationalisation et de croissance externe de La Poste.

Mes chers collègues, s’il n’est pas question de s’opposer à un développement des activités de La Poste, il ne faut pas que cette orientation, qui n’a fait l’objet d’aucun débat public et citoyen, se traduise au plan national par un appauvrissement de nos services publics avec, à la clé, des milliers de suppressions d’emplois.

Nous considérons que la meilleure garantie contre ce risque réside dans le maintien du statut actuel. C’est pourquoi nous sommes formellement opposés à l’adoption de l’article 1er, comme d’ailleurs à celle de l’ensemble de ce projet de loi.

M. le président. Sur l’article 1er, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

articles 2 à 25

M. le président. Sur les articles 2 à 25, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Y a-t-il une demande de parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

Article 1er
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, je voudrais tout d’abord rassurer notre collègue Jean Desessard : le groupe UMP est mobilisé sur ce texte depuis le début de son examen, étant rappelé que nos débats de première lecture ont duré huit jours et huit nuits, y compris samedi et dimanche.

Par conséquent, monsieur Desessard, je ne peux pas accepter les interprétations que vous faites de notre présence numérique. Aujourd’hui, nous sommes peut-être huit, mais vous êtes trois ! Pour des sénateurs qui prétendent représenter les 2,5 millions de personnes ayant pris part au fameux débat public dont ils ne cessent de parler... Chapeau ! (M. Rémy Pointereau applaudit.)

Le temps est venu de nous prononcer sur une réforme indispensable, qui va enfin donner à La Poste les moyens de sa modernisation.

Comme M. le ministre l’a rappelé, le 1er janvier 2011, La Poste sera confrontée à une échéance majeure, celle de l’ouverture totale à la concurrence du secteur postal.

Face à ce défi, conjugué à une forte diminution des volumes de courrier, La Poste à l’obligation de réagir vigoureusement en se dotant d’un projet de développement ambitieux. Celui-ci ne peut être mis en œuvre que si le groupe a la possibilité d’investir à hauteur des montants nécessaires.

C’est la raison pour laquelle La Poste doit passer du statut d’EPIC à celui de société anonyme à capitaux publics. Elle pourra faire entrer la Caisse des dépôts et consignations dans son capital et rester ainsi une entreprise à capitaux 100 % publics, ce que souhaitent les Français.

Le nouveau contexte, dicté par les obligations européennes, est en fait une occasion formidable – c’est sur ce point, chers collègues de l’opposition, que nous divergeons totalement – de redonner un élan et un dynamisme inespérés à l’un des plus anciens services publics de notre pays.

Le projet de loi a été sensiblement complété et enrichi par le Sénat et sa commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, sous l’impulsion de son président, Jean-Paul Emorine, et grâce au travail de qualité de son excellent rapporteur, Pierre Hérisson.

Je dois reconnaître que le texte a encore été amélioré par nos collègues de l’Assemblée nationale. (M. Jean Desessard proteste.)

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Bravo !

M. Jacques Gautier. Le projet de loi consacre, de manière limpide et précise, les quatre missions de service public de La Poste auxquelles les Français sont attachés : le service universel postal six jours sur sept, le transport et la distribution de la presse sur tout le territoire, l’accessibilité bancaire par La Banque postale, filiale de La Poste, et la présence postale territoriale, à travers le maintien confirmé des 17 000 points de contact existants.

Le service public français de La Poste est une richesse. Il possède deux atouts principaux sur lesquels il doit s’appuyer pour renforcer et élargir son potentiel : ses réseaux et son personnel. Nous avons donc voulu en assurer l’avenir, en garantissant le financement de ses missions dans la durée.

Le changement de forme juridique de La Poste ne changera en rien la situation des agents de La Poste, qui conservent leur statut de fonctionnaires de l’État, ainsi que les garanties d’emploi et de retraite qui y sont associées. En outre, le texte garantit le régime de retraite des agents de droit privé actuellement employés par La Poste.

Il n’est pas pensable, et encore moins responsable, de refuser d’accompagner un grand service public dans sa modernisation et son développement. C’est pourtant le choix que vous semblez faire, chers collègues de l’opposition, et c’est tout à fait regrettable !

Condamner La Poste à l’immobilisme, comme semble le souhaiter la gauche, c’est condamner par là même son fabuleux réseau de proximité, unique en Europe, et condamner l’entreprise à être placée sous perfusion d’aides publiques, sans pouvoir ni se moderniser ni se développer.

Sans réforme, La Poste ne serait plus en mesure d’assurer ses quatre missions de service public ni d’offrir à ses clients les services qu’ils attendent, et ce sur tout le territoire national.

Sans réforme, La Poste ne serait plus en mesure d’offrir un avenir aux postiers, que l’opposition prétend défendre. Elle ne pourrait pas plus garantir le maintien de leurs droits et statuts.

L’engagement du Gouvernement devant la Haute Assemblée a été clair : rien de ce qui fait la force et l’identité de La Poste ne sera modifié.

Avec mes collègues du groupe UMP, nous sommes convaincus du bien-fondé de cette réforme. C’est pourquoi, monsieur le ministre, en vous remerciant de votre engagement, nous adopterons les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur le projet de loi relatif à La Poste et aux activités postales a montré l’empressement de la majorité à mettre en œuvre les politiques communautaires de libéralisation totale du secteur postal.

Le projet de loi va même plus loin que les exigences bruxelloises, puisque son article 1er impose le changement de statut de l’exploitant public, alors que les traités européens ne le demandent pas.

Vous avez affirmé le contraire, monsieur le ministre. Pourtant la lecture des textes ne laisse guère de place au doute. Ainsi, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que « les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres ». Je vous ferai grâce de la lecture de la jurisprudence Höfner, que vous connaissez fort bien et qui va dans le même sens.

Non seulement le changement de statut n’est juridiquement pas nécessaire, mais il ne règle pas la question de la violation des règles de la concurrence.

En effet, au regard du droit applicable aux aides d’État, nous pouvons nous demander s’il existe vraiment une différence entre l’apport de l’État en capital de la société anonyme et l’apport en dotations budgétaires à l’exploitant public. Il aurait été utile de saisir la Commission européenne de ces questions, surtout si le projet de loi a pour but d’éviter toute condamnation de la France.

Le débat nous a également donné l’occasion de découvrir de nouveaux concepts qui ne recouvrent aucune réalité, ni politique ni juridique. Ainsi, M. le ministre nous a expliqué, la main sur le cœur, que La Poste serait « imprivatisable ».

Nous savons bien qu’un service public national se caractérise, mais ne se décrète pas ! Or, monsieur le ministre, vous dépossédez l’entreprise de ses missions de service public, supprimant, avec ce projet de loi, les caractéristiques qui en font un service public national.

Sur ce point également, il suffit de lire la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à GDF pour comprendre que les garanties que vous prétendez apporter ne sont que des chimères.

Pour faire face à la concurrence, qui mettrait en danger La Poste – concurrence que vous avez encouragée dans des secteurs fondamentaux de l’économie –, il faudrait, selon vous, sacrifier le service public postal et les salariés. D’ailleurs, le mouvement a déjà été largement amorcé par la direction de l’entreprise.

Il est vrai que les solutions de substitution au bureau de poste de plein exercice offrent, du point de vue de la direction de La Poste, un avantage majeur, avantage incomparable dans l’univers concurrentiel que vous voulez nous vendre, à savoir la diminution du coût que représentent ces bureaux de poste, tout en limitant les services offerts.

Depuis 2002, La Poste a multiplié les solutions pour remplacer les bureaux de poste de plein exercice. Le nombre des relais poste a été multiplié par quatre depuis 2005 et le nombre des agences postales communales a augmenté de manière significative, puisque l’on compte aujourd’hui 4 446 agences postales communales dans notre pays.

Pour ce faire, les élus locaux ont subi, et subissent toujours, un chantage honteux à la présence postale. L’État, quant à lui, se décharge de ses missions en termes d’aménagement du territoire.

Dans ce contexte, le Gouvernement se réjouit quand la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale propose que « les horaires d’ouverture des points de contact s’adaptent aux modes de vie de la population desservie ». C’est tout dire de votre conception du service public, monsieur le ministre : un service qui s’adapte à l’offre et la demande, un service public qui n’est autre qu’un service commercial !

Pour Léon Duguit, que vous connaissez sans aucun doute, monsieur le ministre, pour son analyse du service public, l’existence du pouvoir d’État ne se justifie que ponctuellement en vue de garantir la possibilité de rendre des services à la collectivité. Vos politiques, en niant l’intérêt général au profit des intérêts particuliers, en visant les bénéfices financiers au détriment des bénéfices sociaux, remettent chaque jour un peu plus en cause ce rôle fondamental de l’État.

Le projet de loi relatif à La Poste constitue une nouvelle atteinte aux intérêts de la collectivité. Voilà pourquoi nous avons mené la lutte dans cet hémicycle, voilà pourquoi nous continuons de la mener dans nos territoires.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du parti de gauche voteront évidemment contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de ces débats, je tiens à vous faire part de ma grande inquiétude et de celle des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, au sujet de l’avenir du service public à la française.

Avec le changement de statut de La Poste, qui n’est d’ailleurs imposé par aucun texte européen, le plus ancien des services publics, mais le plus emblématique, aussi, sera exercé à l’avenir par une société anonyme soumise, pour l’essentiel, aux règles du droit commun.

Jamais, jusqu’à présent, un gouvernement n’était allé aussi loin dans la remise en cause du service public !

Ce n’est pas la formulation de l’article 1er, aux termes de laquelle « le capital de la société est détenu par l’État, actionnaire majoritaire, et par d’autres personnes morales de droit public », qui apporte une vraie garantie. Rien ne nous assure, en outre, que le capital des actionnaires publics autres que l’État sera public à 100 %.

M. Estrosi a voulu faire croire à l’opinion publique que La Poste serait « imprivatisable ».

En réalité, en application du parallélisme des formes selon lequel ce qu’une loi fait, une autre loi peut le défaire, rien n’empêchera l’État de présenter ultérieurement un autre projet de loi pour faire descendre la part des personnes morales de droit public, dont celle de l’État, au-dessous de 50 % du capital.

M. Jean Desessard. Après l’élection présidentielle !

M. André Trillard. Vous avez raison, nous la gagnerons !

M. Michel Teston. Des constitutionnalistes l’affirment, ainsi d’ailleurs qu’Henri Guaino, proche conseiller de M. Sarkozy, qui doit savoir mieux que personne ce que le Président de la République envisage pour l’avenir.

Nous sommes donc clairement dans une logique visant à faire sauter le verrou du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial mis en place par la loi de 1990. La décision de présenter, à terme, un autre projet de loi sera évidemment politique, mais elle pourrait, notamment, s’appuyer sur le constat de la nécessité de renforcer de nouveau, à l’avenir, les fonds propres de La Poste.

Cette hypothèse est crédible, car le mode de financement retenu pour le fonds de compensation du service universel postal est insuffisant ; l’expérience que nous avons dans le domaine de la téléphonie fixe nous laisse dubitatifs quant à son efficacité. L’opérateur historique supporte en effet l’essentiel du financement, les autres opérateurs contestant bien souvent, y compris par voie judiciaire, la quote-part mise à leur charge par l’ARCEP. Même Pierre Hérisson, rapporteur de ce projet de loi, a qualifié dans le passé d’usine à gaz le dispositif de financement en place pour la téléphonie fixe.

Par ailleurs, l’ouverture totale à la concurrence risque de laminer les résultats de La Poste, car les opérateurs alternatifs se positionneront sur les niches rentables. Si une augmentation de capital se révélait nécessaire à l’avenir, qui peut penser que l’État et la Caisse des dépôts et consignations pourraient, ou voudraient, y consentir ?

D’ailleurs, la Caisse des dépôts a-t-elle vocation à demeurer très longtemps dans le capital d’une entreprise ? Il nous sera alors expliqué qu’une « ouverture limitée » du capital est nécessaire.

Je m’arrête là, car tout le monde connaît la suite : rappelez-vous ce qui s’est passé pour France Télécom et pour GDF !

M. Michel Teston. Je résumerai ainsi ce qu’il convient de retenir : l’EPIC « La Poste » n’était pas privatisable ; la SA « La Poste » le devient !

Si ce texte est adopté, il aura des conséquences en matière de présence postale, de levée et de distribution du courrier, et en ce qui concerne le prix unique du timbre.

Le changement de statut comporte également des risques pour l’emploi, pour la retraite complémentaire des contractuels de La Poste et pour l’équilibre, non pas à court terme mais bien à moyen terme et à long terme, du régime de retraite complémentaire de l’IRCANTEC, l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, des risques pour les usagers, mais aussi pour le maintien du cadre contractuel qui régit les rapports de La Poste avec les communes, s’agissant des agences postales communales.

Tout au long des débats, nous avons présenté une autre solution en vue du maintien de l’EPIC, solution qui suppose un financement intégral et pérenne des deux missions de service public pour lesquelles l’Union européenne laisse aux États membres toute latitude d’apporter un accompagnement financier : la présence postale ainsi que le transport et la distribution de la presse.

Le Gouvernement n’a présenté aucun argument convaincant, ni au Sénat ni à l’Assemblée nationale, pour s’opposer à notre proposition. Cela confirme donc bien que cette réforme est purement dogmatique.

Aussi voterons-nous contre ce projet de loi, qui constitue la première étape d’une démarche progressive de privatisation, comportant, à terme, des risques sérieux pour le maintien du service universel postal, l’emploi, la présence postale, le prix unique du timbre, élément essentiel de péréquation, mais aussi pour l’aménagement du territoire et le lien social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, je serai bref, ne voulant pas abuser de votre intelligente présidence. (Sourires.) Je regrette tout de même que le temps qui m’est imparti ne me permette pas de répondre sur le fond à M. Jacques Gautier, qui a parlé de « perfusion d’aides publiques » à propos du service public de La Poste.

Pour moi, qui dit service public dit besoin de fonds publics. Le fait même que vous parliez de « perfusion », cher collègue, montre bien que l’idée d’alimenter le service public vous pose problème, et que, pour vous, le service public doit avant tout être rentable. Or le principe même qui fonde le service public, ce n’est pas la rentabilité, c’est le service rendu au peuple, aux citoyens.

Le temps dont je dispose ne me permet pas d’en dire davantage, ce qui est bien dommage. Je consacrerai donc cette explication de vote à ce qui nous a été dit par le ministre en guise de réponse.

Monsieur le ministre, vous m’avez reproché de juger inutile la modernisation des bureaux de poste, notamment pour ce qui est des connexions internet. Je rappelle au passage que c’est vous qui avez fait « sauter » à l’Assemblée nationale la disposition concernant l’accès à internet !

Oui, il y a de l’inutile dans cette réforme, mais ce n’est certainement pas cela !

Ce qui est inutile, c’est le changement de statut ; c’est la multiplication par trois de la rémunération des dirigeants de La Poste ; c’est la diminution du salaire moyen des postiers !

Vous engagez La Poste sur la voie de la rentabilité en lui appliquant les critères du privé. Voilà ce qui est inutile !

Vous qui aimez jouer les professeurs, c’est cette fois en donneur de leçons que vous m’accusez, quand je dis que l’on n’aurait pas dû baisser la TVA sur la restauration, d’avoir ainsi porté atteinte à l’honneur des restaurateurs. Moi qui n’avais pas prévu d’intervenir sur l’ensemble, je ne peux m’empêcher de réagir !

Sur la forme, ce n’est pas aux ministres de décider de la manière dont nous devons nous exprimer dans cette assemblée. Mais, après tout, ayant passé huit jours et huit nuits ensemble à débattre, nous commençons à nous connaître, monsieur le ministre…

Sur le fond, ce serait, dites-vous, insulter les restaurateurs que de considérer que l’on n’aurait pas dû baisser le taux de la TVA qu’ils acquittent. Voilà qui est formidable ! En somme, lever des impôts, c’est insulter les gens... Mais comment comptez-vous gérer le pays, monsieur le ministre, s’il n’est plus possible de dire que l’on va augmenter les impôts de telle ou telle catégorie de contribuables ?

Vous auriez pu développer plus avant d’autres arguments à l’appui de la baisse de la TVA, le développement de l’économie, par exemple. Sauf que, en l’espèce, les entreprises concernées ne peuvent pas être délocalisées. Nous ne comprenons donc pas l’argument, et d’autres que moi dans cet hémicycle l’ont dit. D’ailleurs, la commission des finances a émis des hypothèses contraires.

Mais considérer que j’insulte les restaurateurs quand je soutiens que l’on aurait pu faire l’économie d’une diminution de la TVA, monsieur le ministre, quel aveu !

Il est clair que vous voulez, en fait, un État de plus en plus faible, qui prélève de moins en moins d’impôts, qui laisse faire le privé, c’est-à-dire la concurrence la plus effrénée ! À terme, ce qui vous intéresse, c’est que, effectivement, il y ait moins d’impôts et donc moins de services publics.

Monsieur le ministre, vous vous êtes visiblement offusqué de la façon dont je me suis exprimé. Mais ce n’est pas vous qui m’avez élu. Chacun d’entre nous est élu par le peuple, par des personnes qui se reconnaissent dans les idées que nous portons.

La réponse, monsieur le ministre, vous l’aurez, en mars prochain.

En tout cas, avec ce projet de loi, et cette tendance à démanteler les services publics qu’il consacre, vous n’êtes pas au bout de vos peines et vous pouvez encore perdre des régions. Mais nous en reparlerons en avril ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Chers collègues, j’ai été surpris d’entendre Jacques Gautier se réjouir que huit sénateurs UMP - contre maintenant six pour l’opposition -, soient présents pour adopter ce texte. Peut-on vraiment se féliciter d’une telle situation ? Réunir le 23 décembre quatorze sénateurs pour voter, est-ce cela, la démocratie ? Et ensuite on brocarde le vote de plus de 2 millions de personnes ... Il y a là comme un paradoxe !

Le Gouvernement a de plus en plus tendance à considérer le Parlement comme une chambre d’enregistrement. Il veut faire passer en force ses projets de loi...