M. Roger Romani. Il représente une chance pour la région parisienne de s’adapter aux impératifs de la concurrence internationale – cela a déjà été indiqué –, pour Paris de rester l’une des quatre ou cinq villes-monde et pour les Franciliens de bénéficier d’une meilleure offre, particulièrement en matière de transports et d’emploi.

Mais au-delà de Paris, ce texte est également une grande chance pour la France entière.

Il est évident que l’amélioration de l’attractivité de la région-capitale aura un effet d’entraînement, d’abord, sur le grand Bassin parisien, avec lequel Paris se trouve en interaction permanente. Je le rappelle, cette zone couvre vingt départements, six régions et regroupe plus de 30 % de la population française.

Cet effet d’entraînement se fera également sentir, quoique de façon plus indirecte, sur l’ensemble du territoire national.

Nous devons surtout comprendre, mes chers collègues, que le présent projet de loi n’est pas celui d’une région, qui s’opposerait à toutes les autres. En permettant de dynamiser la région-capitale, il bénéficiera à tout le pays. Il répond donc à l’ambition formulée par le Président de la République quand il a voulu et lancé ce dossier stratégique.

Ce texte a fait l’objet d’un très important travail d’analyse et d’amélioration par la commission spéciale présidée avec grande compétence par notre collègue Jean-Paul Emorine. Le remarquable document établi par le rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, avec la rigueur et le talent que nous lui connaissons (Applaudissements sur les travées de lUMP.), permet de bien saisir les enjeux du projet de loi, ainsi que les attentes et les interrogations qu’il a suscitées.

Je dois dire, monsieur le secrétaire d'État, que, pour l’essentiel, vous avez répondu à ces interrogations, car votre texte marque à la fois une réelle ambition, mais aussi un solide pragmatisme, nécessaire pour mener une telle entreprise.

Ainsi, pour la première fois depuis cinquante ans et les travaux menés par Paul Delouvrier, une vision globale du développement de la région-capitale, alliant ambition économique, planification raisonnée des transports et création d’instruments juridiques de coordination de l’action publique, est proposée.

Quatre innovations figurant dans le projet de loi doivent être retenues. Il s’agit de la Société du Grand Paris, aux compétences importantes tant dans le domaine foncier que dans celui des transports, de l’établissement public de Paris Saclay, destiné à impulser le développement du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay, de la création d’un réseau de métro automatique de cent trente kilomètres en double boucle et, enfin, de la création de contrats de développement territorial, gage de respect mutuel et de concertation loyale entre l’État et les collectivités locales, afin, notamment, de participer à l’objectif de la construction de 70 000 nouveaux logements.

Ce texte, en raison de la création d’une quarantaine de gares qu’il sous-tend, constituera un support inestimable pour le développement de nos pôles de compétitivité.

S’agissant du pragmatisme, je constate, monsieur le secrétaire d'État, que vous n’avez cédé ni à la tentation du meccano législatif ni au vertige de la table rase. Allant dans votre sens, la commission spéciale a proposé des améliorations. Je n’en citerai que deux : les amendements présentés par M. le rapporteur visant à améliorer la gouvernance de la Société du Grand Paris ou ceux qu’a déposés notre collègue Christian Cambon, tendant à améliorer le réseau de transports publics.

Je souhaite également évoquer la nécessaire interconnexion qui doit être mise en place avec l’ensemble du réseau ferroviaire et routier national. Le défi de l’insertion du réseau en double boucle dans le réseau des lignes à grande vitesse est évidemment particulièrement sensible : Paris se doit d’avoir des échanges constants et de qualité avec les autres métropoles européennes.

Je veux maintenant souligner l’importance que revêtent pour les Parisiens et pour les Franciliens certains projets d’amélioration de lignes de métro, ainsi que l’urgence des investissements relatifs au RER, particulièrement pour la ligne A, au bord de la saturation et dont les usagers doivent supporter des conditions de transport très dégradées.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Roger Romani. Mais au-delà de ces investissements nécessaires dans le centre de l’agglomération, un chiffre m’a impressionné : 70 % des déplacements franciliens quotidiens se font de banlieue à banlieue. En ma qualité d’élu du Paris historique, du Paris central, je pense que l’effort porté sur ce type de déplacements est une priorité que nul ne devrait contester, s’il a le sens de l’intérêt général.

Pour conclure mon propos, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de formuler deux suggestions.

Tout d’abord, il ne faut pas sous-estimer l’enjeu vital que représente le bassin de la Seine pour le développement économique de la région-capitale.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Roger Romani. Le rapport au Parlement, demandé par la commission spéciale sur l’initiative de notre collègue Charles Revet et relatif à la mise en place d’un réseau affecté au fret ferroviaire à partir des ports du Havre et de Rouen, devra intégrer une analyse sur les possibilités de construire de nouvelles installations portuaires le long de la Seine pour assurer une meilleure desserte du Grand Paris.

Monsieur le secrétaire d'État, nous vivons sous l’empire, si j’ose dire, du port autonome de Paris. J’étais tenté de déposer un amendement tendant à supprimer l’adjectif « autonome »… En effet, personne, à Paris ou ailleurs, n’a jamais pu conseiller, demander, encore moins imposer, un quelconque projet à ce port. Charles Revet m’a indiqué, en fin de matinée, qu’il en était de même pour les autres ports autonomes.

M. le président. Comme à Marseille !

M. Roger Romani. Je ne m’étonne donc plus qu’Anvers soit le premier port de France !

Certes, il faut construire de nouvelles installations portuaires sur la Seine, mais il en existe déjà un certain nombre et je ne suis pas sûr qu’elles soient utilisées.

Par ailleurs, la préservation des particularités et de la force de l’agriculture dans notre région sont indispensables. La protection de ces espaces, nullement contradictoire avec les objectifs du projet de loi, me paraît essentielle aussi bien sur le plan économique que dans une perspective de développement durable, notion adossée à la Constitution depuis la réforme de 2005.

Je me félicite que, sur l’initiative de notre collègue Laurent Béteille, la protection de 2 300 hectares de terres agricoles situés sur le plateau de Saclay ait été introduite dans le texte.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Roger Romani. Monsieur le secrétaire d'État, pour terminer ce bref aperçu, je citerai une réflexion émise, voilà un siècle, par Léon Duguit, prestigieux juriste et grande figure de l’école de Bordeaux, ce qui n’étonnera personne : « Il faut adapter les catégories juridiques aux faits et non les faits aux catégories juridiques ».

M. Roger Romani. Tel est bien tout l’atout de votre démarche, monsieur le secrétaire d'État, et c’est pourquoi j’apporte mon soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’ambition de faire de Paris une ville-monde implique une motivation de tous. Le développement de la capitale est un enjeu qui dépasse de loin toutes les querelles intestines, apparues tant entre la province et Paris qu’entre les Franciliens.

Mes collègues du RDSE et moi-même ne sommes pas des élus d’Île-de-France et, pourtant, nous souhaitions participer à ce débat essentiel à nos yeux.

Je rappellerai en cet instant une citation de Blaise Pascal : « Il y a des lieux où il faut appeler Paris, Paris, et d’autres où il faut l’appeler capitale du royaume. »

Au-delà du Grand Paris, c’est bien de la région-capitale, par conséquent de la France, que nous allons débattre durant cette semaine. L’enjeu est national, et c’est en ma qualité de parlementaire de la nation que j’interviens en cet instant.

Au-delà du consensus dégagé au sein de Paris métropole, qui, je vous le rappelle, rassemble des élus de toutes tendances, le concours international confrontant des architectes de renom avait permis de porter cette ambition.

Voilà bientôt un an, le Président de la République a fait part de sa vision de Paris, lors du discours qu’il a prononcé au palais de Chaillot. Je déplore que le Gouvernement n’ait pas mis à profit ce laps de temps pour engager plus avant la consultation et qu’il ait laissé à peine un mois cet automne aux élus concernés pour se prononcer sur un édifice aussi important.

Le présent projet de loi s’articule autour de trois grands axes, le premier d’entre eux concernant le réseau des transports publics du Grand Paris, envisagé comme un facteur de modernisation du réseau de transport francilien. Monsieur le secrétaire d'État, si vous pouvez nous garantir que les moyens financiers suivront effectivement les engagements pris, nous pourrons difficilement nous opposer à ce texte.

Cependant, dans la forme, il présente plusieurs incohérences, qui mettent en péril sa pertinence et sa faisabilité. Pis, elles jettent le doute sur sa sincérité.

Tout d’abord, l’articulation entre le futur réseau de transports porté par le projet de loi, le fameux Grand huit, et les réseaux déjà existants est absente. Dans ces conditions, comment comptez-vous assurer une gestion coordonnée d’un même réseau avec des opérateurs différents, le nouvel établissement public de gestion des transports, d’un côté, et le STIF, donc la RATP, de l’autre ? Quelle peut être la cohérence d’un tel dispositif ?

Le nouveau métro ne peut être une solution alternative à tous les modes de transport en commun actuels. Surtout, il ne doit pas faire passer la modernisation et la réhabilitation du réseau existant au second plan. Pendant la récente campagne des élections régionales, tous les candidats n’ont cessé de répéter que certaines lignes sont vétustes et laissées en déshérence.

Il est indispensable que la zone des cent trente kilomètres en rocade constitue un lien, véritable ciment entre tous les Franciliens, et ne soit pas seulement une passerelle de plus destinée à une élite.

Il est certes indispensable de réduire le temps de trajet. Mais il ne faut pas pour autant oublier que les orientations qui seront données aux investissements détermineront si le nouveau mode de transport, à savoir la navette automatique, prendra ou non le relais d’un ascenseur social en panne.

Par ailleurs, au titre V du projet de loi est créé un établissement public national à caractère industriel et commercial pour le plateau de Saclay, dénommé « Établissement public de Paris Saclay ». Cette structure se voit assigner des missions très larges : au-delà du rôle qu’elle doit jouer dans le domaine de l’aménagement du territoire, elle doit aussi encourager l’innovation économique et valoriser le tissu industriel.

L’inscription du plateau de Saclay au titre d’opération d’intérêt national en 2009 confirmait déjà sa position parmi les neufs clusters franciliens. Le Bassin parisien, enregistrant plus de 50 % des dépôts de brevets, est en effet un catalyseur de l’innovation et de la recherche.

Nos collègues de l'Assemblée nationale ont enrichi la compétence environnementale de l’établissement public de Paris-Saclay. Je les en remercie, au moment où le Grenelle et ses défenseurs ne semblent pas, ou plus, en odeur de sainteté.

Je tiens également à saluer le travail réalisé en commission spéciale, qui a permis d'intégrer certaines revendications.

Mais le satisfecit s'arrête là. Plusieurs volets du projet de loi ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées et, surtout, des besoins réels.

Il en est ainsi de la problématique du logement, qui reste au cœur des préoccupations de tous les Franciliens, en particulier des plus modestes. Dans ce domaine, l'Île-de-France souffre plus que tout autre territoire. Des milliers de logements font défaut et la mise en œuvre du droit au logement opposable constitue, reconnaissons-le, un véritable échec.

Nous avions milité pour la construction d’un plus grand nombre de logements. L'inscription, dès l'article 1er, de l'objectif de bâtir 70 000 logements par an est un premier pas vers un « Paris à vivre », mais il est trop petit.

J’en viens au volet relatif au financement des réseaux existants. Un seuil minimum devait être garanti, compte tenu de la disparition des financements programmés au profit du Grand huit. C'est chose faite, mais cela va à l'encontre de l'esprit de la décentralisation et de la volonté des élus du territoire. Ce texte crée un nouvel échelon administratif, doté d’outils d'urbanisation recentralisateurs et d'une superstructure n'offrant aucune garantie d’efficacité supplémentaire. Dès lors, la Société du Grand Paris semble être un outil privatisé au service de l'État, et de lui seul, afin de palier l'insuffisance des moyens financiers consacrés au développement de la capitale.

Au-delà, l'articulation des processus de décision entre l'État, la région d’Île-de-France, le STIF, la RATP et la Ville de Paris n’est pas suffisamment clarifiée. Pourquoi ne pas avoir repris le schéma directeur de la région, validé en 2008 par le conseil régional à une large majorité ? Il était pourtant, je tiens à le rappeler en cet instant, le résultat d'une large consultation publique, associant les conseils généraux de la région.

Le texte balaie ainsi d'un revers de main tous les efforts mis en œuvre pour faire vivre la démocratie de proximité et la décentralisation.

M. Jean-Pierre Caffet. Très juste !

Mme Françoise Laborde. De plus, le projet de loi instaure des dispositifs entièrement dérogatoires au droit commun, alors que des outils juridiques existent, en matière d'urbanisme, en cas d'expropriation, de création de zones d'aménagement, de construction de réseaux de transports ou de développement urbain.

Le projet de loi attribue à l'État, par l'intermédiaire de la Société du Grand Paris, un droit absolu de préemption et d'expropriation, prélevant par la même occasion les plus-values financières.

Enfin, je terminerai mon propos en évoquant l'aspect financier du projet. L’application de la taxe forfaitaire me paraît un maigre palliatif aux investissements nécessaires à l'essor mondial de notre capitale.

Les financements de l'État restent en suspens sur l'ensemble des grands projets d'infrastructures franciliens. C'est le cas, par exemple, au sujet de la rénovation des lignes du RER, tant attendue par les usagers, ou du désengorgement de la ligne 13 et du prolongement de la ligne Éole entre la gare Saint-Lazare et La Défense.

Mes collègues vous l'ont rappelé, la région d’Île-de-France et les départements la composant, de droite comme de gauche, ont élaboré en 2008 un plan d'urgence pour les transports, destiné à rattraper dix ans d'inertie d'un État pourtant enclin à financer les métros d’autres agglomérations.

La contribution de l'État n'est toujours pas connue, alors que la mise en œuvre a déjà été engagée par le STIF compte tenu de l'urgence à agir. Si le projet de loi reprend la maîtrise d'ouvrage au STIF, plusieurs interrogations demeurent sans réponse.

La question des engagements financiers reste encore floue.

Celle du respect de la démocratie locale et des instances représentatives des collectivités territoriales est volontairement réduite à sa plus simple expression, pour ne pas dire bafouée. En particulier, le processus décisionnel proposé est en contradiction avec les compétences d'aménagement et de transport de la région et des autres collectivités. La région n'est pas explicitement représentée dans les organes décisionnaires de la Société du Grand Paris ou de l’établissement public de Paris-Saclay.

Pour toutes ces raisons, et sans même évoquer des considérations strictement partisanes, l'État semble surtout, à nos yeux, vouloir prendre le pouvoir sans y mettre les moyens.

C'est pourquoi, comme l’a déjà dit le président de notre groupe, Yvon Collin, la majorité des membres du RDSE et les sénateurs radicaux de gauche ne pourront pas voter ce texte en l'état. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant qu’élue de Paris, je salue bien évidemment les efforts entrepris pour faire de notre agglomération francilienne une région au rayonnement international sur tous les plans.

Certes, nous n’avons nul besoin de publicité sur le patrimoine prestigieux de notre ville et de notre région. Mais la mise en valeur de notre territoire par la création d’un véritable réseau de transports et d’une politique de recherche renforçant la dynamique économique de l’Île-de-France était une nécessité et une chance pour notre territoire, sa région, notre pays, et nous en sommes persuadés depuis des années.

Aussi, nous sommes heureux de contribuer à ce que ce projet voit enfin le jour, sous votre autorité, monsieur le secrétaire d’État, et sous celle de l’État, puisque les responsables locaux n’ont pas su le faire.

Ce texte, très pragmatique, a pour objet de susciter un développement économique et urbain structuré autour de territoires et de projets stratégiques identifiés, définis et réalisés par l’État et les collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Caffet. Où sont-elles ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je ferai trois observations.

En premier lieu, la création d’un réseau de transports publics de voyageurs, reliant quarante gares et unissant les zones les plus attractives de la capitale et de la région d’Île-de-France, en sera un pilier fondamental.

Pour autant, la phase I de ce projet et tous ses dispositifs techniques et architecturaux, aussi nobles et beaux soient-ils, ne doivent pas nous faire oublier les enjeux humains que nous aurons toujours à relever pour permettre un véritable développement de l’Île-de-France, en matière d’emploi, de logement ou de santé.

Dans l’exposé des axes qu’il a retenus pour améliorer le projet de loi, notre rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, nous rappelait à juste titre l’importance d’assurer la cohérence globale entre logement, transports et emploi, et ce dans le respect des objectifs de développement durable.

En effet, la croissance de l’emploi est plus modérée dans notre région que partout ailleurs en France. De plus, comme vous le savez, la part de l’Île-de-France dans la construction nationale des logements a baissé de 7 % en quinze ans. Elle ne représente plus que 10%. Or le nombre de personnes mal logées augmente.

Le Grand Paris représente un défi humain. Prendre en compte cette dimension est donc une condition essentielle si nous ne voulons pas voir se développer une région à deux vitesses, l’une pour les gagnants du Grand Paris, l’autre pour les oubliés de la boucle et du Grand huit.

En deuxième lieu, j’aborderai la politique de recherche mise en œuvre sur le plateau de Saclay. Tout en protégeant un territoire agricole important, il s’agira de mettre à l’honneur, grâce à un campus prestigieux, les 78 000 chercheurs vivant actuellement sur les territoires franciliens. Cela représente 43 % des dépenses nationales en recherche et en développement déployées dans la région. Nous disposons là d’une grande richesse intellectuelle. Nous devons la mettre en valeur et l’encourager par la mise en place de pôles de compétitivité.

Ce sera, je l’espère monsieur le secrétaire d’État, une occasion d’envoyer un signal fort à la recherche biomédicale à visée thérapeutique en France, tant nous avons pris de retard dans ces domaines.

Je veillerai tout particulièrement à ce que les fonds alloués à l’établissement public de Paris-Saclay, pour son pôle de développement scientifique et technologique, réservent une part importante à la recherche à visée thérapeutique.

Il s’agira, par ailleurs, d’assurer la liaison avec le maillage sanitaire et hospitalier, qu’organise Claude Évin et devant être mis en place prochainement sur l’ensemble de notre territoire.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Il importe en effet d’éviter, comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d’État, qu’il ne se produise, demain, un décalage entre la réorganisation dans ce secteur et les pôles de développement scientifique.

Mme Odette Terrade. Qui a fait la loi ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. En troisième lieu, je poserai une question. Des études démographiques prospectives ont-elles été menées par vos services ou par l’INSEE afin d’adapter le projet de Grand Paris à la population qui sera présente sur notre territoire dans une vingtaine d’années ?

Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez dit à l’instant, le Grand Paris est un ensemble systémique, où le tout est plus important que l’ensemble des parties. Je partage cette analyse, tant l’incapacité à penser ensemble les problèmes locaux et globaux constitue, à mes yeux, l’obstacle principal à une politique du développement durable.

Ainsi, j’ai osé espérer que l’écologie de l’homme, c'est-à-dire l’accueil de l’humain sur le territoire dans toute sa dimension, puisse être prise en considération plus fondamentalement que dans le passé, afin de ne pas se limiter à concevoir un Grand Paris qui ne perçoive qu’un fragment d’humanité.

Vous avez choisi de ne pas maximiser cette dimension. Je le regrette quelque peu, même si je comprends votre objectif d’efficacité, car, selon moi, on ne peut faire l’économie de cette intégration de l’homme dans sa totalité sur notre territoire. Cette idée recoupe la façon dont il est connecté aux différentes logiques, notamment urbaine et architecturale. En la négligeant, le rêve urbanistique s’anéantira.

Monsieur le secrétaire d’État, nous savons que votre ambition est de faire du Grand Paris un corps vivant.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est mal parti !

Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est la phase II de votre projet. N’attendez pas trop pour nous la présenter afin que le Grand Paris soit une vraie chance pour tous les Franciliens.

Je vous remercie de votre investissement sur un tel sujet et, comme tous mes collègues du groupe UMP, je soutiendrai ce projet. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention se limitera à la partie du texte consacrée au plateau de Saclay et à la création de l’établissement public de Paris-Saclay.

En premier lieu, le maintien du statu quo sur ce territoire ne me semble ni possible ni souhaitable. Une évolution est en effet indispensable, fondée sur un véritable « projet partagé » et sur les atouts accumulés par ce pôle scientifique tout au long de cinquante années d'histoire.

En second lieu, l'intervention de l'État est bien entendu bienvenue dans un contexte général marqué plutôt par son désengagement constant, particulièrement dans les domaines des transports, du logement, de la recherche et de l'emploi.

Mais cette implication doit s'opérer dans une démarche de co-élaboration avec les collectivités locales et les différents acteurs du territoire.

Il ne s’agit certainement pas d’ignorer les besoins des populations vivant sur le plateau et dans les vallées, en mettant en cause l'indépendance de la recherche, en menaçant la pérennité de l'activité agricole et en s'opposant à l'action et aux projets des élus locaux.

Monsieur le secrétaire d’État, je veux d'emblée vous faire part d'une opinion largement partagée par tous les acteurs locaux : l'intervention autoritaire de l'État ne peut que conduire à une impasse.

En effet, ce territoire n'a pas attendu la création d'un établissement public pour devenir un pôle scientifique et technologique de renommée mondiale. Il regroupe déjà la plus puissante concentration de personnels et de moyens de la recherche publique française.

La palette d’établissements prestigieux y est exceptionnelle. Je pense notamment à l’université Paris-Sud XI, à de grands organismes de recherche tels le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, le Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, ou l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, à de grandes écoles comme Polytechnique, HEC ou Supélec, à des équipements majeurs comme le Synchrotron et, enfin, à de grandes entreprises comme Thalès, Renault, Alcatel-Lucent ou encore EADS.

Dès lors, on peut légitimement s’interroger sur les raisons qui poussent le Gouvernement à définir par la loi des dispositions relatives à la création d’un cluster scientifique et technologique, alors que celui-ci existe manifestement déjà.

La réponse à une telle interrogation se trouve sans doute dans l’une de vos déclarations, monsieur le secrétaire d’État : « L’excellence des équipes devra être utilisée pour nourrir des thématiques plus orientées vers le marché ».

Ainsi, le véritable objectif visé par le Gouvernement consiste en réalité à s’assurer la maîtrise et l’orientation de l’ensemble des activités d’un tel pôle scientifique, notamment les activités de recherche, avec la nécessité d’avoir la haute main sur l’aménagement du cluster.

Il s’agit pour vous de réorienter l’activité du dispositif de recherche fondamentale vers les secteurs susceptibles de rentabilité de court terme, tout en connectant plus directement l’élite de la recherche avec les grands groupes privés.

Avec ses atouts d’exception, le plateau de Saclay est, à vos yeux, le cadre idéal pour réaliser le prototype d’une conception libérale des relations entre la science, l’enseignement supérieur et les intérêts des secteurs privés. Cette réalisation aurait valeur de référence pour l’ensemble du territoire national et valeur démonstrative pour les pays étrangers.

Non seulement une telle soumission de la recherche fondamentale à des intérêts privés de court terme n’est pas admissible, mais, en plus, la valorisation de quelques formations d’élite, qui conduit en réalité à un véritable écrémage, reléguera au second plan les missions de formation de la grande masse des étudiants.

Alors que le Gouvernement désagrège la recherche publique et l’enseignement supérieur, les risques d’un pilotage des activités de recherche centré sur la valorisation économique sont grands. Les outils de recherche publique se trouveront ainsi à la disposition d’entreprises privées, qui, de leur côté, réduisent leurs propres coûts en n’hésitant pas à multiplier les restructurations et les plans de suppressions d’emploi, notamment dans les domaines de la recherche et du développement.

De plus, la pertinence du choix consistant à délocaliser de nouveaux centres de recherche public ou privés, de nouvelles grandes écoles, et de les concentrer sur un périmètre aussi restreint que celui du plateau de Saclay est loin d’être démontrée.

De telles délocalisations pénaliseront lourdement les territoires sur lesquels les structures concernées sont actuellement implantées, participant ainsi à une mise en concurrence des territoires, que nous condamnons, et à un accroissement des inégalités territoriales, que nous combattons. Et qu’allons-nous y gagner ?

Monsieur le secrétaire d’État, en réalité, votre conception d’un cluster fondé seulement sur la proximité géographique relève d’un modèle ancien, totalement inadapté au développement actuel des activités de recherche et des modes de communication modernes. (M. le secrétaire d’État s’exclame.)

En revanche, ce qui est essentiel pour favoriser des mises en synergie, c’est que les différents établissements disposent d’un référentiel commun, d’un langage et d’un vocabulaire partagés et de pratiques de recherche similaires, capables de nourrir des projets communs. Or votre texte reste muet sur tout cela.

Mme Nicole Bricq. Absolument !

M. Bernard Vera. En outre, le projet de regroupement en campus thématiques risque de « casser » des lieux pluridisciplinaires, qui sont pourtant les plus générateurs de créativité et qui sont pourvus d’une communauté scientifique ayant mis des décennies à se constituer et à élaborer des codes.

C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques de ce projet, qui consiste à ne pas tenir compte des réalités et des volontés locales.

En termes économiques, je pense notamment au Parc d’activités de Courtabœuf, où des entreprises à vocation scientifique sont déjà implantées, zone qu’il est impératif de désenclaver.

Je pense également à la vocation agricole du plateau, que vous reconnaissez du bout des lèvres, n’hésitant pas à remettre en cause au cours du débat à l’Assemblée nationale la nécessité de préserver au moins 2 300 hectares de terres agricoles – ce qui fait pourtant l’objet d’un consensus entre tous les acteurs locaux –, afin d’assurer la pérennité de cette activité.

Sur ce point, je me réjouis que la commission spéciale ait réintroduit à l’unanimité cette exigence accompagnée d’une localisation précise du périmètre sanctuarisé.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Merci !

M. Bernard Vera. Par ailleurs, votre projet ignore les dynamiques impulsées par les élus locaux. Par exemple, en termes d’urbanisation, les disponibilités foncières qui existent dans l’ensemble des plans locaux d’urbanisme, les PLU, des communes concernées sont suffisantes pour répondre aux besoins diversifiés de logements, notamment de logements sociaux, tout en réalisant l’équilibre habitat-emploi et en économisant les espaces agricoles du plateau.

Pour les transports, toutes les parties auditionnées sont unanimes : l’urgence est à la rénovation des réseaux existants, prioritairement les lignes du RER, et au déploiement d’infrastructures de proximité – il s’agit du tram-train, du tramway ou des lignes de bus en site propre – permettant des déplacements rapides, pour les populations qui y travaillent ou qui y habitent, et évitant d’aggraver l’engorgement du réseau routier.

De tels projets sont inscrits dans le plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France adopté par la région et les départements franciliens, et leur réalisation est prioritaire.

Le respect des volontés locales exprimées par les communes et leurs groupements, par les conseils généraux de l’Essonne et des Yvelines ainsi que par la région d’Île-de-France est une condition impérative pour permettre au pôle d’innovation qui s’étend de Paris à Évry en passant par le plateau de Saclay et au pôle d’Orly de se développer sans accroître les inégalités territoriales et en favorisant la coopération avec les territoires voisins.

La création d’un établissement public, où l’État aura une place prépondérante et dont les prérogatives s’exerceront au détriment des compétences des collectivités territoriales, est contraire à une telle exigence. De même, la création d’un syndicat mixte des transports se substituant au STIF ne peut que nuire à la cohérence des infrastructures de transports dont ce territoire a besoin.