M. le président. La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, mes chers collègues, je me félicite de l’occasion qui nous est donnée de pouvoir tirer un premier bilan de la loi portant réforme portuaire du 4 juillet 2008, et j’en remercie notre collègue M. Charles Revet qui, en homme de projets, tient à vérifier la pertinence de ce texte si important pour notre économie.

Je rappelle que l’urgence avait été déclarée à l’époque pour l’examen de ce texte, ce qui prouve à quel point il devait nous aider à relever les défis stratégiques qui se posaient à nos ports dans le contexte de mondialisation que nous connaissons.

Aujourd’hui, chacun l’a rappelé, 80 % de nos échanges passent par le transport maritime, qui augmente en outre de 5 % à 10 % par an depuis dix ans, principalement grâce au développement de l’Asie.

Cette nécessaire modernisation des ports français, portée par la loi du 4 juillet 2008, a été renforcée par les dispositions du Grenelle de l’environnement et celles du Grenelle de la mer, par le projet de loi sur le Grand Paris et par le plan de relance. Ces textes ou projets de textes ont tous abouti à la conclusion qu’il fallait apporter un soutien massif au développement de notre politique maritime.

La loi rapportée au Sénat par notre excellent collègue M. Charles Revet avait pour vocation de recentrer l’activité des ports autonomes, rebaptisés « grands ports maritimes », sur leurs missions principales : assurer l’accès maritime, la sécurité et la sûreté ; aménager le domaine portuaire et gérer les dessertes fluviales et terrestres ; élaborer la politique tarifaire ; simplifier l’organisation de la manutention portuaire, grâce à la mise en place d’opérateurs intégrés de terminaux, responsables de l’ensemble des opérations, auxquels les ports transfèrent l’outillage ; redéfinir la gouvernance des ports en les dotant d’un conseil de surveillance, aux pouvoirs renforcés par rapport à l’actuel conseil d’administration, et dans lequel l’État et les collectivités territoriales pourront peser davantage.

Enfin, ce projet prévoyait qu’un décret ministériel puisse engager la coordination entre ports d’une même façade maritime ou situés sur un même axe fluvial.

Aujourd’hui, deux ans après l’adoption de cette loi, indispensable pour permettre à nos ports de faire face à la concurrence européenne et internationale, l’heure est venue d’en tirer un premier bilan.

Qu’est-ce qui a changé depuis la loi du 4 juillet 2008 ?

D’abord, la gouvernance de l’ensemble des ports de commerce français a été modifiée, et cela leur a permis de s’adapter, progressivement, au développement de la concurrence entre les ports européens, en particulier sur la façade atlantique, la Manche et la mer du Nord.

Désormais, en effet, les « grands ports maritimes », n’interviennent plus, sauf cas exceptionnels, dans les activités de manutention. Leurs missions régaliennes d’autorité publique ont été réaffirmées. Leurs fonctions de gestionnaire et d’aménageur de leur domaine se sont développées. Les établissements portuaires peuvent ainsi concentrer leurs moyens sur le développement du port et de ses activités.

M. Charles Revet. Très bien !

M. André Trillard. Par ailleurs, la loi a rationalisé l’organisation des opérations de manutention en instaurant une unité de commandement. Cela répond à un triple objectif : améliorer la productivité des opérations de manutention – il reste encore quelques progrès à faire ! –, développer l’investissement privé dans les ports français et rétablir la confiance des principaux clients des ports, armateurs comme chargeurs.

Dans la loi du 4 juillet 2008, il était également prévu que les ports devraient transférer à des opérateurs, dans les deux ans, les outillages qu’ils possèdent. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, où ces transferts en sont aujourd’hui ?

Par ailleurs, l’organisation actuelle des grands ports est remplacée par un conseil de surveillance et un directoire. Cette nouvelle organisation est prévue pour permettre aux ports de prendre des décisions avec une efficacité accrue. Ce conseil de surveillance réunit des représentants de l’État, des collectivités locales, des salariés du port et des personnalités qualifiées choisies en fonction de leur compétence.

En outre, un conseil de développement a été créé pour associer les acteurs économiques, les collectivités territoriales, les représentants des salariés des entreprises de la place portuaire et des personnalités qualifiées, dont les associations de protection de l’environnement. Il doit rendre des avis sur le projet stratégique du port et sur sa politique tarifaire.

Je rappelle que ce projet stratégique est un document définissant les objectifs du port, notamment en termes de croissance de trafic, et les moyens à mettre en œuvre. Ce dispositif connaît un succès certain puisque Nantes–Saint-Nazaire et La Rochelle l’ont adopté.

Parmi les principaux axes de développement du Grand Port maritime de Nantes–Saint-Nazaire figure la construction d’une offre logistique intermodale, avec l’aménagement d’un terminal à conteneurs de dimension européenne. Étendu de 1 500 mètres, le terminal de Montoir-de-Bretagne doit pouvoir traiter 500 000 équivalents vingt pieds à l’horizon 2020, contre 150 000 en 2008.

Les projets stratégiques propres à chaque port doivent, en outre, être compatibles avec un document-cadre de coordination, défini par un conseil de coordination interportuaire. Celui-ci a été institué par décret le 21 mai 2009.

En ce qui concerne les personnels des ports, la loi du 4 juillet 2008 prévoit le transfert de la totalité de la manutention portuaire des établissements publics vers des opérateurs privés. Un accord-cadre signé entre les représentants de l’État et les représentants syndicaux garantit le maintien des rémunérations et de certains acquis sociaux. Comme vous vous en souvenez sûrement, ce ne fut pas chose simple à Nantes–Saint-Nazaire, où ce processus a connu des étapes totalement imprévisibles !

La loi prévoit également que les personnels détachés bénéficient d’un droit de retour d’une durée de trois ans au sein des établissements. Alors que l’inquiétude reste vive parmi les personnels, après la grève intervenue en février dernier à Saint-Nazaire sur la question des modalités de détachement des personnels vers les opérateurs privés, pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, où en est ce dossier, notamment en ce qui concerne la négociation avec les partenaires sociaux de la nouvelle convention collective de manutention des ports ?

La loi du 4 juillet 2008 visait également à renforcer l’investissement dans les infrastructures portuaires proprement dites, ainsi que dans les infrastructures routières et, surtout, ferroviaires, qui relient les plateformes portuaires à l’hinterland. Nous en revenons ici à des questions que d’autres ont évoquées avant moi.

Ainsi, pour la seule année 2009, plus de 130 millions d’euros ont été financés par l’État pour les investissements portuaires, afin de maintenir le niveau des investissements à 400 millions d’euros, et ce en dépit de la crise. Au total, mes chers collègues, ce sont plus de 440 millions d’euros qui seront investis par l’État pour la période 2007-2013.

Lors d’une récente réunion avec les directeurs des grands ports maritimes français, la fédération nationale des ports et docks CGT, ainsi que les représentants des entreprises de manutention, vous avez réaffirmé, monsieur le secrétaire d’État, le volontarisme du Gouvernement sur cette question.

Ces dispositions vont toutes dans le bon sens et elles doivent permettre, peu à peu, de rendre nos ports plus compétitifs. En effet, je vous rappelle, mes chers collègues, que le trafic global des huit plus grands ports de commerce français a baissé de 11,8 % l’an dernier par rapport à 2008.

Les grands ports maritimes, ainsi que le port de Calais, ont été touchés par les conséquences de la crise économique et, peut-être, de quelques dysfonctionnements. Les autres ports ont, au mieux, vu leur trafic rester stable ou ont, plus généralement, enregistré d’importantes baisses. Le port de Marseille a enregistré une diminution de 13,3 % et celui du Havre de 8,5 %. Monsieur le secrétaire d’État, les derniers chiffres en votre possession sont-ils optimistes, laissant entrevoir une reprise de l’activité ?

Comme je le soulignais à l’instant, le port de Nantes–Saint-Nazaire n’a pas été épargné par la crise. En 2008, il avait réussi, malgré la crise et un climat social que je qualifierai de difficile, à maintenir un niveau de trafic total à près de 38 millions de tonnes, tout en augmentant son programme d’investissements de 25 % par rapport à 2007. En 2009, le trafic y est en recul de 11,5 %.

La réforme portuaire va permettre aux ports, je l’espère, de sortir moins affaiblis et plus réactifs. Mais l’État se doit de poursuivre une politique juste et doit prendre garde à l’émergence d’une politique portuaire différenciée selon les ports.

Il ne faudrait pas que Nantes–Saint-Nazaire, quatrième port de France, dont la situation géographique est stratégique dans l’Europe des Vingt-Sept et, plus largement, dans une économie mondialisée, soit négligé. Il doit être soutenu et encouragé, au même titre que les autres !

Plus de 3 000 navires marchands font escale chaque année sur les deux sites portuaires de Nantes–Saint-Nazaire. Cette activité logistique engendre de nombreux emplois sur le territoire ligérien, et crée au total 2,7 milliards d’euros de valeur ajoutée. Vous comprendrez aisément, monsieur le secrétaire d’État, que l’État et les collectivités doivent s’entendre et travailler main dans la main pour sauvegarder et renforcer cet outil décisif pour le développement du Grand Ouest, son rôle et son attractivité en Europe.

Rien dans la politique conduite par les pouvoirs publics ne doit accréditer l’idée, trop largement répandue, selon laquelle le port de Saint-Nazaire ne serait pas une priorité de l’État, plus intéressé par les deux plus grands ports français…

À cet égard, il faut rappeler que Nantes–Saint-Nazaire souffre d’un handicap, puisque 5 % de son trafic à peine part sur le rail, contre de 10 % à 15 % pour les autres ports. Le problème tient, pour les marchandises arrivant à Nantes ou en partant, à la question du lieu d’interconnexion avec les lignes ferroviaires.

Des conventions sont certes passées avec RFF, et la SNCF se dit intéressée par le trafic des grands ports. L’État doit s’impliquer plus fortement dans ce dossier capital, en raison notamment du démarrage des autoroutes de la mer.

Autre point : comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, la Commission européenne a décidé d’ouvrir en avril 2009 une enquête sur la compatibilité de cette réforme portuaire, et plus précisément du régime fiscal des outillages, avec les règles communautaires. Pouvez-vous nous préciser l’évolution de cette procédure ainsi que ses conséquences probables ou possibles ?

Je conclurai, mes chers collègues, en réaffirmant ma satisfaction quant à l’adoption de la loi portant réforme portuaire qui, en s’attaquant aux problèmes bien identifiés de gouvernance, de coordination et d’investissement de nos ports, a permis de leur donner un nouvel élan.

Je souhaite que cette dynamique soit menée à son terme afin que nos ports, qui sont un atout indéniable de la puissance commerciale française, retrouvent leur rang et leur place dans le monde. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. René Vestri.

M. René Vestri. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme nous l’avons tous constaté, depuis de trop nombreuses années, les ports français ne profitent pas de la croissance du trafic international et perdent des parts de marché au profit de leurs concurrents européens – Anvers, Rotterdam, Barcelone, Gênes –, car les deux tiers des marchandises importées en France par la mer sont débarquées dans un port étranger.

La France, qui possède trois façades maritimes, devrait pourtant figurer au premier rang des pays portuaires européens, compte tenu de sa situation de carrefour de l’Europe. C’est dans un contexte international de plus en plus compétitif que le Gouvernement a proposé une réorganisation portuaire au travers de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, organisant la décentralisation des ports d’intérêt national, et de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, instaurant les grands ports maritimes.

La réforme portuaire voulue par le Président de la République s’articule autour de quatre objectifs qu’il est utile de rappeler dès à présent : la redéfinition du rôle du grand port maritime, le GPM, centré, d’une part, sur les missions d’autorité publique que sont notamment la police et la sûreté portuaire et, d’autre part, sur la mission d’aménageur de l’espace public portuaire ; la coordination, par façade maritime, des politiques commerciales portuaires en insistant sur la complémentarité des offres de services par bassin de navigation ; la simplification de l’organisation de la manutention portuaire grâce à la « verticalisation » des services de manutention portuaire ; enfin, la modernisation de la gouvernance permettant aux acteurs du territoire d’être associés au processus de décision à l’intérieur du grand port maritime.

La loi du 4 juillet 2008 est la traduction de l’ambition maritime de la France. Elle s’intègre pleinement dans la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi et préfigure un espace maritime européen commun.

Elle vient parachever le dispositif législatif des grands ports français, en constante évolution depuis la loi de 1965 sur l’autonomie des ports, complétée en 1992 par la loi sur la manutention portuaire, en 1994 par la loi sur la gestion domaniale et, en 2004, par la décentralisation des ports maritimes non autonomes relevant de l’État.

La loi de 2008 doit permettre aux sept grands ports maritimes français que sont Bordeaux, Dunkerque, Le Havre, La Rochelle, Rouen, Nantes–Saint-Nazaire et Marseille de retrouver une place prépondérante dans le commerce mondial.

Les principaux effets attendus de son application sont la création de 30 000 emplois au cours des cinq prochaines années, ainsi que le développement de nouveaux axes d’échanges commerciaux dans un cadre de gouvernance mieux coordonné.

Ces objectifs devraient être atteints principalement grâce à la mise en place de partenariats public-privé novateurs, s’appuyant sur le transfert des outillages et des personnels concernés vers des opérateurs privés, dans la droite ligne de l’accord-cadre national signé le 30 octobre 2008, et qui trouve des déclinaisons précises, port par port.

Sur le plan des investissements, et malgré la crise économique qui touche le commerce mondial, tous les directoires des grands ports maritimes ont adopté, depuis avril 2009, les projets stratégiques quinquennaux d’investissement pour une enveloppe globale de 2,5 milliards d’euros.

Ces sommes seront complétées par 231 millions d’euros, mobilisés soit au titre des contrats de projet État-région, soit au titre du plan de relance de l’économie.

À la condition de tirer les enseignements du passé – je pense notamment à l’enlisement du dossier de la forme 10, au port de Marseille –, force est de constater que le visage des grands ports maritimes devrait changer en profondeur dans les cinq prochaines années.

Des investissements plus « verts », plus en accord avec les préconisations du Grenelle de la mer, devraient être par ailleurs soutenus. Il devrait en être ainsi des ports automatisés, qui sont des solutions d’avenir, et qui auraient bien besoin d’une vitrine d’exposition sur le domaine portuaire.

Sur le plan des transferts de personnels de manutention des ports vers les opérateurs privés, la situation est, bien évidemment, très sensible. Cette mesure concerne environ 2 000 personnes – essentiellement les grutiers et les portiqueurs – soumises aux mêmes règles que les dockers depuis la réforme instituée par la loi de 1992, dite réforme Le Drian.

D’ailleurs, au Havre, le détachement des 600 agents de la « direction outillage » n’est toujours pas effectif au moment où je vous livre cette communication, alors qu’il aurait dû intervenir au 1er janvier 2009, c’est-à-dire voilà exactement dix-sept mois.

Mais il n’y a pas, en la matière, de quoi s’inquiéter, car la mise en œuvre de ces dispositions implique par nature des processus de négociation assez longs. Ainsi, dans le port de Marseille, l’application pleine et entière de la loi du 9 juin 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes, a été finalisée avec les partenaires sociaux le 17 juillet 1998, dans le cadre du développement du centre logistique de Fos-Distriport, soit six ans après.

Le rôle du grand port maritime français, dans sa nouvelle configuration, est bien, tout d’abord, de faciliter ces transferts de personnels en jouant un rôle de conciliateur dans les négociations sur ce processus de mutation, avant d’y adosser une politique cohérente d’investissement et de renouvellement des matériels.

Tel est bien l’esprit de la réforme portuaire traduite dans la loi du 4 juillet 2008 pour les grands ports maritimes. Mais ces derniers ne sont pas les seuls concernés par la réforme.

De fait, la loi de 2008 a également prévu, à la demande de mon collègue Jean-François Legrand, de nouvelles dispositions transversales applicables aux ports transférés aux collectivités locales.

Ces dispositions, qui ont modifié en profondeur l’esprit du code des ports maritimes, devaient permettre aux collectivités locales de financer les nécessaires travaux de maintien en état des infrastructures, y compris dans les cas où il existe un concessionnaire, en leur affectant des ressources issues directement des droits de port.

Alors que les retombées financières pour les budgets des collectivités locales sont très importantes et, surtout, récurrentes, il semblerait que cette partie de la réforme soit encore méconnue de la plupart des collectivités concernées.

Dans le même esprit, il me semble important que la notion de compétitivité et de complémentarité soit au cœur d’une future réflexion sur les ports maritimes qui sont devenus, en quelques années, le centre de gravité des territoires où ils sont implantés.

En effet, la logique de proximité des centres de décision, qui est au cœur de la réforme portuaire, n’est pas appliquée de manière homogène sur le territoire puisque les communes littorales se sont vu retirer la gestion de leurs ports au profit de communautés urbaines sans « passé maritime ».

C’est pourquoi il me semble nécessaire de développer une réflexion autour de deux axes : dans un premier temps, une réforme de la gouvernance, par une modernisation des conseils portuaires devenus obsolètes et, dans un second temps, une simplification des politiques d’investissement, notamment en généralisant à l’ensemble de ces ports, de manière explicite, les dispositions du décret no 2005-1796 du 28 décembre 2005 relatif à l’approbation des conventions de terminal dans les ports maritimes et modifiant l’article R. 115-14 du code des ports maritimes.

Ces réflexions m’encouragent à vous faire part d’une préconisation de bon sens.

Je souhaite que, dans le cadre du suivi de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, deux principes soient posés ici.

Le premier concerne la mise en œuvre de la loi dans grands ports maritimes : il me semble important que des représentants du Parlement soient associés au suivi de l’application de la réforme de manière à produire ou à vérifier un bilan annuel de son application et de son impact sur l’économie maritime.

Le second principe concerne la mise en œuvre de la loi dans les ports maritimes ne relevant pas de l’État : il me semble également important de vérifier, dès à présent, que des collectivités locales nouvellement confrontées à la technicité du domaine portuaire ne se privent pas involontairement de ressources financières faute de savoir comment les mettre en œuvre.

Telles sont les quelques observations que je souhaitais vous présenter sur cette réforme qui me tient particulièrement à cœur. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je souhaite saluer l’initiative de la commission de l’économie, qui est à l’origine de ce débat. Nous avons ainsi l’occasion de revenir sur un sujet majeur en termes stratégiques, tout à la fois sur le plan économique et sur le plan de l’aménagement durable du territoire, sujet qui méritait sans doute mieux qu’une procédure accélérée lorsqu’il fut soumis à notre discussion.

Si notre assemblée eut la primeur de l’examen du texte de 2008, et qu’une véritable discussion y a eu lieu, nos collègues députés ont connu un débat escamoté : le rapporteur n’avait déposé qu’un seul amendement, retiré peu de temps avant la séance publique, et les amendements défendus par l’opposition ont été invariablement rejetés. Sans navette parlementaire, nous fûmes en outre privés de commission mixte paritaire.

L’un des amendements de l’opposition visait à demander au Gouvernement de présenter devant le Parlement un rapport d’étape annuel de l’application de la réforme portuaire. Tout en refusant l’amendement, vous vous étiez engagé, monsieur le secrétaire d’État, à revenir vers le Parlement pour présenter l’état d’avancement de la loi. Je salue donc ici le respect de cet engagement.

Préconisé par la Cour des comptes, dans un rapport public de juillet 2006, pour faire face aux pertes de marchés des ports français au profit de leurs concurrents européens, notamment du Benelux, le plan de relance des ports contenu dans la loi du 4 juillet 2008 portait sur quatre axes principaux : la réforme de la gouvernance ; l’augmentation du trafic par la modernisation de l’exploitation – essentiellement celle des terminaux à conteneurs – qui doit s’accompagner de la création de 30 000 emplois ; l’amélioration des dessertes portuaires ; enfin, le transfert des outillages et des personnels.

Aujourd’hui, deux ans après sa promulgation, il convient de faire un point sur l’application réelle de la loi.

Si nous considérons d’abord la question de la gouvernance, nous pouvons constater qu’elle a par deux fois connu des entorses, à Bordeaux et à Nantes–Saint-Nazaire.

Dans le premier cas, de façon unilatérale, le Gouvernement passa outre à l’avis des conseils de surveillance et de développement pour refuser l’implantation d’un terminal méthanier.

Dans le second cas, le directeur du port fut « démissionné » sans que l’on eût pris l’avis du conseil de surveillance.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Et c’était très bien !

M. Charles Gautier. Cette situation a été dénoncée par les représentants des collectivités. Selon vous, cet accord était dérogatoire à la loi sur la réforme portuaire. Ainsi, le Grand Port maritime de Nantes–Saint-Nazaire, premier port qui allait signer son projet, a in fine été le dernier des sept grands ports maritimes à définir ses choix stratégiques, le 12 juin 2009.

En ce qui concerne le trafic, force est de constater que l’augmentation n’est au rendez-vous dans aucun des grands ports maritimes, à l’exception de La Rochelle. Celui de Nantes–Saint-Nazaire a connu, en 2009, une baisse de son trafic de 11 %. Les tonnes n’étant pas au rendez-vous, il est évident que l’emploi ne l’est pas non plus. Au contraire, ce sont aujourd’hui des congés de fin de carrière sans remplacement qui se mettent en place.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour évoquer l’un des axes de développement que souhaite mettre en œuvre le grand port maritime de Nantes–Saint-Nazaire, en lien avec l’industrie navale, plus particulièrement avec le chantier STX, dont le devenir suscite de fortes inquiétudes. Je veux parler de l’éolien offshore.

Ce dossier, au cœur du Grenelle de l’environnement, mériterait un coup d’accélérateur. Il nécessite des moyens de manutention, de l’espace de stockage, un savoir-faire et des lieux de construction que le bassin nazairien peut fournir sur toute la filière. La seule contrainte, pour être compétitif à l’échelon européen dans ce secteur d’avenir, est de ne pas prendre de retard.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais connaître les intentions et le calendrier du Gouvernement sur ce point.

Mes chers collègues, la modernisation de l’exploitation est la réponse adéquate pour rendre nos ports attractifs et compétitifs. D’ici à 2015, il était ainsi prévu que le trafic des conteneurs passe de 3,5 millions à 10 millions.

Cependant, malgré les engagements financiers concernant les investissements portuaires, ferroviaires, routiers et fluviaux prévus dans le plan de relance portuaire, dans le plan de relance pour l’économie, comme dans les contrats de projet État-région, des doutes subsistent sur le moyen terme.

La Cour des comptes a fait part en la matière de sa satisfaction « sur le plan des principes », expression qui laisse à penser que l’on jugera a posteriori la constance des engagements. Ces efforts financiers sont également à comparer avec ceux d’autres ports européens : 2,9 milliards d’euros à Rotterdam, plus de 1 milliard d’euros à Hambourg.

L’exemple de Nantes–Saint-Nazaire peut également illustrer ces craintes puisque, bien que présente dans le projet stratégique, l’extension du terminal à conteneurs de Montoir-de-Bretagne semble suspendue par les représentants de l’État au conseil de surveillance à l’obtention d’une garantie que le trafic à venir correspondra bien à 500 000 conteneurs. Qui peut le garantir, surtout si les investissements de certaines dessertes ne sont pas au rendez-vous ?

De plus, de nombreux investissements du port de Nantes–Saint-Nazaire sont dans l’attente de l’obtention des autorisations soumises notamment au plan de prévention des risques technologiques, à la loi sur l’eau, à Natura 2000. Ainsi, les premiers travaux débuteront au mieux dans deux ans.

Par ailleurs, les récentes déclarations du Premier ministre concernant le gel des dépenses de l’État ne favorisent pas la confiance sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, et nous attendons que vous nous donniez des garanties sur les investissements déjà engagés ou prévus dans le cadre du plan de relance portuaire.

Le troisième axe est celui des dessertes portuaires. La principale cause du non-développement des ports hexagonaux réside, à l’évidence, dans la faiblesse des dessertes portuaires. Des besoins existent dans tous les ports. J’en citerai quelques exemples : une écluse à Port 2000 au Havre pour le fluvial, l’amélioration du ferroviaire à La Rochelle, le désenclavement du Verdon pour le port de Bordeaux, l’amélioration des dessertes routières et fluviales à Fos-sur-Mer…

Pour Nantes–Saint-Nazaire, les travaux nécessaires sont la mise à deux fois deux voies des liaisons Montoir-Châteaubriant-Laval ainsi que Montoir-Redon-Rennes, l’électrification de la ligne vers Vierzon et le sud de l’Europe et le contournement du sud de Paris pour le trafic ferroviaire, enfin, la remontée de barges jusqu’à Angers pour le trafic fluvial.

Monsieur le secrétaire d’État, quel est l’état d’avancement des réflexions et des investissements sur cette question essentielle d’aménagement de notre territoire et de stratégie portuaire du pré- et du post-acheminement des marchandises ?

Enfin, quatrième axe, le transfert des outillages progressse puisque, dans tous les ports, à l’exception de quelques dossiers, les actes de cessions sont sur le point d’être validés.

Je citerai les propos de notre ancien collègue Charles Josselin, qui a apporté tout son savoir et son expérience à nos travaux sur la réforme portuaire. Lors de l’explication de vote du groupe socialiste ici même, il insistait « sur la grande vigilance avec laquelle il faudrait gérer le dossier de l’estimation des outillages », outillages, je le rappelle, financés en grande partie par les collectivités.

Je crains qu’il n’ait pas été entendu et que ce ne soit, aujourd’hui, la grande braderie au profit des opérateurs privés.

Par exemple, à Nantes–Saint-Nazaire, la Commission nationale d’évaluation a validé les accords entre le port et les opérateurs. Le terminal à conteneurs, estimé à 14 millions d’euros, est cédé pour 9,4 millions d’euros.

Le terminal agroalimentaire de Montoir est cédé pour 3,6 millions d’euros sur dix ans à un taux de 2,5 %, le port engageant près de 3 millions d’euros pour sa remise en état.

Le terminal céréalier est vendu 500 000 euros, le port engageant la même somme pour la remise en état du portique de chargement.

Enfin, le terminal charbonnier est cédé pour 3 millions d’euros alors que le port entretient régulièrement tous les outillages. Pourtant, les deux roues-pelles et le chargeur de barges ont récemment été réhabilités.

De plus, quelles garanties a-t-on que les opérateurs privés, souvent des grands groupes, maintiendront des activités de fret moins rentables économiquement, mais primordiales pour la survie de nombreuses entreprises des bassins portuaires et de l’hinterland ? Cette question se posera au premier creux de charge et c’est sans doute la grande faille de la réforme, qui laisse aux acteurs privés le soin de contrôler la vie quotidienne des ports.

Sur le plan social enfin, après les forts mouvements qui ont accompagné l’examen du projet de loi au printemps 2008 et les avancées obtenues lors de l’examen dans notre assemblée, les discussions se sont engagées avec parfois des difficultés dans l’ensemble des grands ports. On observe que cette réforme conduit à la disparition de petits manutentionnaires locaux.

Il me semble essentiel là encore, sur la question sociale, qui a fait et fait encore l’objet de nombreuses discussions entre le ministère et les représentants du personnel portuaire, que M. le secrétaire d’État nous informe de l’état d’avancement des négociations concernant les personnels détachés chez les opérateurs ou dans les structures communes. (M. Robert Tropeano applaudit.)