compte rendu intégral

Présidence de M. Guy Fischer

vice-président

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

Mme Michelle Demessine.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt de rapports du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat :

- le rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé, établi en application de l’article L. 862-7 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, établi en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;

- le deuxième rapport annuel sur la mise en œuvre de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ;

- quatre conventions conclues entre l’État et les organismes gestionnaires des fonds consacrés à la mise en œuvre des actions arrêtées au titre du programme des investissements d’avenir.

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Le premier a été transmis à la commission des affaires sociales, les deuxième et troisième à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, et le dernier à la commission des finances ainsi qu’à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

3

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour un rappel au règlement.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les termes de l’article 36 de notre règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.

Jouant pleinement la compétitivité fiscale et la concurrence avec les autres pays d’Europe, l’Irlande a connu une croissance trompeuse, qui n’a pas du tout supporté la surchauffe des marchés financiers de 2008 et a entraîné la plupart des banques du pays dans une situation de quasi-faillite.

On notera aussi que l’essentiel des avoirs douteux des banques irlandaises provient de créances privées, notamment du fait des difficultés croissantes des ménages endettés dans l’acquisition de biens immobiliers.

Pour éviter la banqueroute des établissements irlandais, nous avons entendu parler d’engagements pris pour trouver de 45 à 90 milliards d’euros La solidarité européenne doit jouer, selon quelques-unes des règles que nous avons vues à l’œuvre en Grèce et qui ont mis sous tutelle ce pays pour de nombreuses années.

Mais cette solidarité-là porte d’autant plus mal son nom qu’elle risque fort de contraindre la France à mobiliser plusieurs milliards d’euros de dette publique complémentaire pour alimenter notre contribution. Quelles dispositions la Commission européenne envisage-t-elle de prendre pour résoudre la crise irlandaise, annonciatrice, de notre point de vue, d’autres difficultés dans d’autres pays ?

À quels engagements financiers la France risque-t-elle de se trouver confrontée dans le cadre de tout plan conçu pour faire face à la crise irlandaise ? Et quelle place les établissements financiers français peuvent-ils prendre dans la réduction des difficultés actuelles de l’Irlande ?

Notons, à ce titre, que nos banques et compagnies d’assurance ont largement investi les titres de dette publique irlandaise. Nous sommes en effet, pour l’encours des titres de dette du pays, en deuxième position, derrière les établissements allemands, à quasi-parité avec le Royaume- Uni.

Nous vous saurons gré, monsieur le ministre, de nous indiquer comment la France va participer à ce « plan de sauvetage »  de l’Irlande, qui va se transformer, une fois encore et sans doute une fois de trop, en plan d’austérité dont les premières victimes seront les Irlandais eux-mêmes.

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

4

Article 6 septies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Première partie

Loi de finances pour 2011

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 7

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2011 (projet n° 110, rapport n° 111).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances, des dispositions relatives aux ressources.

TITRE IER (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (suite)

B. – Mesures fiscales (suite)

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 8

Article 7

I. – Les 15° et 16° de l’article 995 du code général des impôts sont abrogés.

II. – L’article 1001 du même code est ainsi modifié :

1° Le 2° bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À 3,5 % pour les contrats d’assurance maladie relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion facultative à la condition que l’organisme ne recueille pas d’informations médicales auprès de l’assuré au titre de ce contrat ou des personnes souhaitant bénéficier de cette couverture, que les cotisations ou les primes ne soient pas fixées en fonction de l’état de santé de l’assuré, et que ces garanties respectent les conditions mentionnées à l’article L. 871-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que pour les contrats d’assurance maladie relatifs à des opérations collectives à adhésion obligatoire à la condition que les cotisations ou les primes ne soient pas fixées en fonction de l’état de santé de l’assuré et que ces garanties respectent les conditions mentionnées au même article L. 871-1 ; »

2° Le dernier alinéa est complété par les mots : «, à l’exception du produit de la taxe afférente aux contrats visés au second alinéa du 2° bis, qui est affecté à la Caisse nationale des allocations familiales ».

III. – Les I et II s’appliquent aux primes ou cotisations échues à compter du 1er janvier 2011.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° I-129 rectifié bis est présenté par Mme Procaccia, MM. J. Gautier et Laménie, Mme Desmarescaux, M. Cambon, Mme Rozier, M. Leroy, Mmes Hermange, Bout et Debré, MM. Dulait, Gournac et Milon, Mmes Sittler, Lamure et Mélot et M. Pintat.

L'amendement n° I-243 est présenté par M. Demerliat, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° I-325 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, apparentés et rattachés.

L'amendement n° I-373 est présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° I-129 rectifié bis n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° I-243.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste a repris à son compte cet amendement de M. Demerliat, qui vise à supprimer l’article 7. Ce dernier tend, en effet, à supprimer l’exonération de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, dont bénéficient les contrats d’assurance maladie complémentaires dits « solidaires et responsables ».

L’origine des contrats solidaires, destinés à développer la couverture complémentaire, remonte à la loi de finances rectificative du 28 décembre 2001. Les contrats responsables ont été, quant à eux, créés par une loi de 2004 relative à l’assurance maladie, qui avait pour objet de couvrir des prestations de prévention.

Pour justifier la suppression de l’exonération, on nous explique qu‘il n’est plus nécessaire d’assortir ces contrats de clauses d’exonération dans la mesure où ils ont atteint leurs objectifs. Et on nous précise que cette mesure d’exonération générait une dépense fiscale importante, ce qui est vrai.

Où irait le produit qui résulterait de la suppression de cette dépense fiscale ? La réponse est un peu hésitante. Le Gouvernement avait prévu de l’attribuer à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. Mais les députés ont adopté un amendement l’affectant à la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF.

J’y vois vraiment une nouvelle illustration du bricolage du Gouvernement, qui s’emploie, comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, à gratter les fonds de tiroir !

En plus, ce genre de prélèvement va typiquement pénaliser l’ensemble des ménages, pas forcément les plus aisés, ces derniers, on le sait, n’ayant pas de problèmes pour couvrir leurs dépenses de maladie : les mutuelles touchées par ce prélèvement l’ont annoncé, elles répercuteront la perte sur les assurés.

Nous proposons donc la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-325.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la chasse aux niches fiscales recouvre, de temps à autre, des aspects assez particuliers. En effet, jusqu’à ce présent article 7 du projet de budget 2011, la taxe spéciale sur les contrats d’assurance ne portait aucunement sur les contrats d’assurance maladie « solidaires et responsables », autrement dit les contrats tendant à permettre aux assurés sociaux de bénéficier d’une couverture maladie complémentaire.

Cet article 7 va donc taxer les mutuelles et provoquer une hausse correspondante du montant des cotisations acquittées par les assurés sociaux pour pouvoir bénéficier d’une couverture complémentaire.

En guise de justification de la mesure prévue par l’article – suppression de l’exonération et fixation d’un taux de prélèvement de 3,5 % –, on met en avant le montant de la dépense fiscale associée à la mesure, une dépense fiscale qui atteindrait 2,2  milliards d’euros mais qu’il convient de diviser par le nombre de bénéficiaires, soit environ 28 millions d’assurés sociaux et plus de 57  millions de personnes prises en charge, ce qui situe la dépense fiscale entre 40 et 80 euros selon que l’on prend l’un ou l’autre des deux chiffres concernés.

Chacun peut ainsi mesurer ici l’importance de la niche fiscale que nous pouvons qualifier de « honteusement dérogatoire » !

Le Gouvernement aura donc réussi à mettre en question une niche qui bénéficie de manière universelle à la quasi-totalité de la population de notre pays ! Dans ces cas-là, c’est non plus une niche, mais une disposition naturelle et normale d’application du droit !

À ce stade du débat, il faut en effet se demander ce qu’est la dépense fiscale et ce qui peut définir, en droit fiscal, une niche. Si l’on prend la définition retenue, à des degrés divers, par la plupart des pays européens, et ainsi que le rappelle le rapport 2010 du Conseil des prélèvements obligatoires, il faut entendre, par dépense fiscale, « les dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

Le problème est que, lorsque la norme est l’absence de fiscalité, puisque la situation d’exonération concerne plus de 80 % de nos compatriotes, nous ne sommes plus dans un système dérogatoire.

Mes chers collègues, pour vous donner un autre exemple, cela reviendrait à considérer que doit être remise en question l’exonération des intérêts perçus et capitalisés par les particuliers au titre du Livret A, alors même que celle-ci est consubstantielle au produit financier concerné !

Dans le cas qui nous intéresse, le coup de rabot sur les niches va toucher directement tous les assurés sociaux de notre pays et se traduire par une hausse du montant de la cotisation mutualiste de 20 à 50 euros par an et par ayant droit.

Mes chers collègues, il y a dans notre droit fiscal des niches autrement plus discutables que celle-ci et dont la suppression ou la réduction produirait sans difficulté le 1,1 milliard d’euros attendu de la disposition de l’article 7 du projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° I-373.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je considère également qu’il serait positif de supprimer cet article 7. En effet, celui-ci prévoit une taxation des contrats d’assurance maladie dits « solidaires et responsables » au titre de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance.

Le Gouvernement attend de cette disposition près d’un milliard d’euros, somme qui, selon toute logique, devrait être affectée à la CADES. Rappelons que la dette sociale atteint des records révélant la situation dramatique dans laquelle se trouve notre régime de sécurité sociale.

L’article 7 du projet de loi de finances pour 2011 est extrêmement injuste et ne résout en rien le problème structurel de la dette sociale. En effet, le Gouvernement taxe de manière aveugle et inefficace, une fois de plus, l’ensemble des Français. Si les contrats solidaires et responsables bénéficiaient jusqu’à présent de l’exonération de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, ce n’était pas pour rien ! Ces contrats constituaient une véritable issue de secours pour les familles les plus modestes.

Dans notre pays, 90 % des salariés souscrivent un contrat d’assurance maladie complémentaire et feront donc les frais de la suppression de cette exonération.

Ne nous y trompons pas : non seulement cette décision poussera les mutuelles à augmenter les cotisations mais elle exclura de fait des milliers de familles du système de santé. En outre, elle aura pour effet d’avantager les organismes qui ne cherchent qu’à augmenter leurs parts de marché, au détriment de ceux qui œuvrent pour la qualité des soins.

Voilà pourquoi nous souhaitons la suppression de l’article 7.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais tout d’abord insister sur le caractère relatif de la notion de niche ou de dépense fiscale. Outre la maxime que je vous proposais en fin de semaine dernière selon laquelle : « la niche, c’est les autres », maxime qui trouve à s’appliquer ici aussi, je dirai au Gouvernement que la façon dont on répertorie et chiffre les dépenses fiscales est parfois surprenante.

Mme Nicole Bricq. L’arbitrage !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas si simple, et il faut essayer de retrouver une logique !

Si je ne me trompe, jusqu’ici, les contrats solidaires et responsables étant exonérés de la TSCA, dont le taux est de 7 %, l’écart, soit 2,2 milliards d’euros, figure bien en dépense fiscale. Dans le cas où l’article 7 serait adopté, comme la commission le préconise, nous serions à mi-chemin, c’est-à-dire que les contrats solidaires et responsables bénéficieraient d’un « demi-tarif » – une taxation de 3,5 % au lieu de 7 % –, ce qui, à mon sens, représente encore une dépense fiscale de 1,1 milliard d’euros. Or cette dernière ne figure pas dans l’annexe « voies et moyens » – c’est comme s’il n’y avait plus de dépense fiscale ! –, et ce simplement parce que la ressource dont il s’agit est affectée à la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, à partir de cet exemple, ne faut-il pas « revisiter » les conditions dans lesquelles les dépenses fiscales sont recensées et chiffrées ?

Mme Nicole Bricq. On le demande !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh bien, nous le demandons ensemble ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Il faut arrêter l’arbitrage !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ainsi, nous pourrons rendre compte exhaustivement des moins-values de recettes pour les administrations publiques, et cela indifféremment qu’il s’agisse du budget de l’État ou des comptes sociaux.

J’en viens au fond du sujet. Rappelons, mes chers collègues, que l’exonération a été créée en 2004 pour amorcer le développement de nouveaux contrats, ces contrats solidaires et responsables. Elle semble bien avoir atteint son objectif puisque plus de 99 % des contrats de couverture complémentaire santé bénéficient aujourd’hui de ce label.

De ce fait, faut-il maintenir l’exonération totale ? Une semi-exonération ou une demi-exonération induisant une perte de recettes pour la sécurité sociale d’1,1 milliard d’euros n’est-elle pas suffisante ? La commission, pour sa part, estime que cette incitation demi-tarif – 3,5 % au lieu de 7 % – est aujourd’hui appropriée au vu de la situation du marché.

Il reste à rappeler que les organismes complémentaires bénéficient d’autres aides chiffrées à 7,5 milliards d’euros par la Cour des comptes.

Enfin, je voudrais indiquer que l’article 7 fait partie du panier de mesures nécessaires au remboursement de la dette sociale et que, compte tenu du cheminement complexe des opérations de financement de la sécurité sociale, cette recette doit être ensuite transférée à la branche famille. Si on la remet en cause, il faudra revenir sur le schéma déjà extrêmement complexe adopté dans le cadre du PLFSS pour 2011 ; nous risquons alors de nous perdre en chemin…

La commission sollicite donc, pour l’ensemble de ces raisons, le retrait des différents amendements. À défaut, elle préconisera leur rejet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Cette question des contrats solidaires est évidemment importante. Nous l’avons d’ailleurs déjà abordée lorsque nous avons traité de la question de la CADES. Il en a été de même à la suite de l’adoption de l’amendement porté par Marie-Anne Montchamp, qui a transféré une partie des niches fiscales au financement du complément du transfert de la CSG sur la branche assurance maladie. M. Jégou s’en émeut encore…

M. Jean-Jacques Jégou. C’était tellement bien qu’elle est maintenant secrétaire d’État !

M. François Baroin, ministre. Ce débat a mis en lumière à la fois la question de la qualification des niches et celle du financement pérenne. Nous avons donné toutes les garanties et avons annoncé notre volonté, notre détermination et notre engagement dans la durée à réduire au fil des années ce potentiel considérable de niches fiscales et sociales.

Je le dis et je le répète : si, comme le soulignait très joliment, avec humour et référence culturelle élevée, le rapporteur général, « la niche, c’est les autres », pour l’État, compte tenu d’un montant de 75 milliards d’euros pour la partie fiscale et de 45 milliards d’euros pour la partie sociale, les niches sont une dépense ! Ne demandez pas au ministre du budget et des comptes publics d’avoir un regard différent sur la question des niches : ce sont avant tout des dépenses !

Monsieur le rapporteur général, je suis totalement d’accord avec vous sur la nécessité qu’il y aura un jour de revoir et de réfléchir à la définition et à la qualification – juridique ou non – de la niche fiscale et des autres dispositifs dérogatoires au droit commun en matières sociale et fiscale.

Ces dispositifs créent des méandres qui, vous avez raison, soit nous mènent à une impasse et à un mur d’incompréhension – il est alors difficile de se sortir d’une telle situation –, soit suscitent des sentiments d’injustice, les attributaires de ces systèmes dérogatoires n’ayant pas le sentiment d’être favorisés ou privilégiés mais pensant bénéficier d’une mesure qui a toujours existé.

Le temps a fait son œuvre et nous avons accumulé les strates les unes sur les autres sans jamais revisiter complètement l’ensemble des dispositifs.

Reconnaissez au moins le mérite au Gouvernement de tenter, pour la première fois, une opération à hauteur de 10 milliards d’euros de clarification, de transparence, d’élimination et de suppression de ces niches !

Faut-il aller plus loin ? La réponse est « oui », pour des raisons de finances publiques, et il faudra le faire sur plusieurs années.

Comment faut-il y aller ? Allons-y ensemble et le plus vite possible !

Faut-il faire le Grand soir ? Je n’y ai jamais cru en général et je n’y crois pas plus sur ce point particulier.

Mme Françoise Laborde. On n’est pas obligé d’y croire !

M. François Baroin, ministre. Cependant, à mon sens, cette question fiscale qui va nous occuper au premier semestre de l’année prochaine autour du problème de l’ISF et du bouclier fiscal va naturellement créer les conditions d’une réflexion dans la société sur ce sujet. Cela amènera incontestablement, au moment de l’élection présidentielle, les candidats à traiter, au cœur du développement économique, la question fiscale et donc celles de la justice fiscale et de la justice sociale.

Cette problématique est devant nous et sera vertueuse, car elle permettra aussi de clarifier un maelström extraordinairement complexe au sein duquel seuls les plus grands spécialistes fiscalistes et les meilleurs avocats peuvent conseiller utilement les citoyens, alors que tout le monde n’a pas les moyens d’y avoir recours !

En ce qui concerne les contrats d’assurance maladie complémentaire, pour nous, il s’agit effectivement d’une niche. C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’il reste encore la moitié d’un avantage fiscal par rapport aux contrats de nature privée.

Naturellement, comme nous nous situons dans la logique de l’économie sociale, ces avantages sont portés en bandoulière. On nous dit : puisque ce n’est pas le contribuable qui va payer, c’est le sociétaire ou l’assuré qui le fera parce que l’assureur va reporter ce coût sur la cotisation.

Nous ne le croyons pas, et cela pour deux raisons. D’une part, le niveau de trésorerie du monde de l’assurance mutualiste est suffisamment élevé pour absorber ce coût. D’autre part, toutes les mesures que nous avons mises en place pour tenir l’ONDAM à 3 % cette année et à 2,9 % l’année prochaine, notamment avec la mise en œuvre très en amont du comité d’alerte – une mise en œuvre extrêmement prématurée par rapport à ce qu’il aurait fallu faire si nous avions voulu laisser filer les dépenses d’assurance maladie –, nous ont permis de prévoir des dispositions qui auront un impact positif sur la question de la problématique des contrats d’assurance maladie complémentaires.

C’est la raison pour laquelle, nous souhaitons évidemment le maintien de ce dispositif, et donc le retrait de ces amendements. Nous ne partageons pas la vision portée notamment par la gauche concernant la construction du projet de loi de finances et du PLFSS, ainsi que la gestion de la CADES.

M. le président. Madame Bricq, l’amendement n° I-243 est-il maintenu ?

Mme Nicole Bricq. Oui, monsieur le président.

Je souhaite faire remarquer à M. le ministre que, compte tenu du nombre de personnes concernées, il s’agit d’un prélèvement général. Vous nous affirmez que vous ne souhaitez surtout pas procéder à une d’augmentation générale d’impôts. Mais, avec 28 millions d’euros, c’en est quand même bien une !

Monsieur le rapporteur général, vous pourrez peut-être m’éclairer sur un point que je ne comprends pas : pourquoi cette mesure relativement complexe adoptée par l’Assemblée nationale, mesure qui prend place dans la première partie du projet de loi de finances, ne sera-t-elle applicable qu’au bout de quelques mois ? Si le Gouvernement a besoin très vite de ce milliard d’euros, pourquoi y a-t-il un délai d’application ? Voilà qui me semble curieux !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela s’applique au 1er janvier 2011 !

M. le président. Monsieur Foucaud, l’amendement n° I-325 est-il maintenu ?

M. Thierry Foucaud. Je souscris aux propos de Nicole Bricq. Cela correspond d’ailleurs à ce que j’ai indiqué en défendant cet amendement. C’est une disposition générale, et on en arrive en quelque sorte à une taxe ou à un impôt supplémentaire.

M. le ministre nous dit qu’il va falloir définir ce que sont les niches. Néanmoins, portant le budget, il en fait déjà une certaine définition ! Nous lui disons : « chiche » !

Mais dépêchons-nous ! On fait toujours supporter les coups de rabot par les mêmes. Nicole Bricq vient de le rappeler, je l’ai dit à mon tour, en l’espèce, est remise en cause une disposition générale, ce qui pénalisera une certaine catégorie de population minoritaire. L’on s’aperçoit également que la mesure proposée aura un coût non négligeable pour le budget de l’État.

Finalement, la définition des niches n’est que le prolongement du débat actuel, en vue de dégager des recettes et de diminuer les déficits. Faisons ce travail dans les plus brefs délais et qu’il nous soit donné un calendrier.

Je maintiens l’amendement n° I-325.

M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° I-373 est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Nous ne retirons pas cet amendement parce que j’ai un peu de mal à croire que les mutuelles ne répercuteront pas ce coût sur les personnes.

Mme Nicole Bricq. Elles l’ont annoncé !

Mme Françoise Laborde. Il va bien falloir trouver les 28 millions d’euros quelque part !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-243, I-325 et I-373.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. Jean Desessard. D’extrême justesse !

M. le président. L’amendement n° I-414, présenté par MM. About, Maurey et Détraigne, Mme Férat, M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Au 2° bis, le pourcentage : « 7 % » est remplacé par le pourcentage : « 12 % ».

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Cet amendement vise à maintenir l’écart de TSCA entre les contrats d’assurance maladie complémentaires solidaires et responsables et les autres.

Depuis la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, les mutuelles et complémentaires santé peuvent proposer des contrats d’assurance santé exonérés de taxes d’assurance, à condition qu’elles respectent le cahier des charges des contrats solidaires et responsables.

Depuis cette réforme, l’assuré est invité à consulter son médecin traitant avant toute consultation d’un médecin spécialiste : c’est l’objectif du parcours de soins. Il garde la liberté de ne pas suivre cette prescription, mais ses remboursements s’en trouvent réduits, tant pour la part versée par la sécurité sociale que pour celle qui est acquittée par son assurance complémentaire.

Cette responsabilisation résulte des contrats solidaires et responsables, puisque ces derniers imposent aux mutuelles de ne pas rembourser la participation forfaitaire, les franchises médicales et les pénalités appliquées en cas de non-respect du parcours de soins.

L’écart fiscal entre les deux types de contrats a incité le marché à proposer des contrats solidaires et responsables à une écrasante majorité. Aujourd’hui, la part de marché des contrats non responsables est inférieure à 5 %.

Or, en fiscalisant les contrats solidaires et responsables, l’article 7 réduit l’écart tarifaire entre les deux types de contrats. Cette disposition risque véritablement d’inciter certains acteurs à s’affranchir des règles des premiers.

De fait, nous savons que les assureurs envisagent de revenir à des contrats non responsables si la différence fiscale n’est plus suffisamment incitative.

À la proposition n° 63 de son rapport du mois d’octobre dernier intitulé Entreprises et « niches » fiscales et sociales, le Conseil des prélèvements obligatoires recommande expressément de « désavantager les contrats non responsables », que, dans sa rédaction actuelle, le présent projet de loi avantage pourtant, en réduisant l’écart avec les contrats solidaires et responsables.

Le groupe de l’Union centriste, dans son ensemble, demande donc au Sénat de ne pas revenir sur les progrès réalisés depuis 2004. Il propose, pour cela, d’augmenter la TSCA sur les contrats non responsables et de la porter de 7 % à 12 %, afin de maintenir un écart d’environ 7 points entre les deux types de contrats.

La part de marché des contrats non responsables étant très réduite, le poids financier de cette mesure sera très limité pour les assureurs. Il s’agit uniquement de maintenir l’incitation pour ne pas déstabiliser le marché des complémentaires santé.

Cette disposition vertueuse vise à ne pas perdre en matière de dépenses de santé ce que l’on gagnera en fiscalité.