Mme Catherine Troendle. Surtout, l’amélioration de l’accueil et de l’hébergement des réfugiés demeure au cœur de vos préoccupations Ainsi, les dotations consacrées à l’allocation temporaire d’attente ont été portées à 54 millions d’euros, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2010. De plus, l’enveloppe consacrée à l’hébergement d’urgence est en hausse de 25 % par rapport à 2010 avec 40 millions d'euros, afin que le nombre total de places soit porté à 7 365.

Sur l’épineux problème du délai de traitement des dossiers, deux avancées notables ont été réalisées, dont les effets pourraient être constatés dès 2011.

D’une part, la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile, sous contrôle unique du préfet de région, est désormais effective dans la grande majorité des départements français.

D’autre part, la durée de traitement des dossiers de demande d’asile pourrait s’améliorer progressivement grâce à deux mesures majeures. En premier lieu, afin que l’OFPRA puisse faire face à la hausse de la demande d’asile, ses moyens humains et financiers sont renforcés grâce à une augmentation des dotations de 1,8 million d’euros. En second lieu, la Cour nationale du droit d’asile est profondément réformée pour répondre à la croissance du contentieux et à l’ambition d’un délai moyen de jugement de dix mois en 2011 et de six mois en 2013.

Enfin, nous nous félicitons qu’une action spécifique ait été créée sur les moyens consacrés par l’État à l’intégration des personnes placées sous protection internationale, qui rencontrent souvent des difficultés d’insertion : 14,7 millions d’euros y seront consacrés en 2011, en plus d’un abondement du Fonds européen pour les réfugiés de près de 2,8 millions d’euros, majoritairement destinés à financer des places en centres provisoires d’hébergement des réfugiés.

Par ailleurs, le Gouvernement poursuit sa politique volontariste de maîtrise des flux migratoires. Les crédits qui y sont consacrés en 2011 figurent ainsi au deuxième rang des crédits de la mission dont nous discutons aujourd’hui, avec 95,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 93 millions d’euros en crédits de paiement.

Et les résultats sont au rendez-vous : si l’immigration professionnelle, en augmentation constante depuis 2007, a été freinée par la crise, la politique d’immigration concertée se concrétise avec la stabilisation de l’immigration familiale et une forte attractivité à l’égard des étudiants étrangers.

La politique ferme de lutte contre l’immigration illégale obtient, elle aussi, des résultats concrets. Il ne faut pas oublier que les premières victimes de l’immigration clandestine sont les immigrés eux-mêmes. Le Gouvernement a donc renforcé ses moyens en matière de lutte contre les filières qui exploitent les étrangers et leur détresse, ces passeurs, ces fraudeurs et autres marchands de sommeil qui organisent de véritables traites d’êtres humains. Depuis 2007, le nombre de filières démantelées a considérablement augmenté : 128 au cours des huit premiers mois de l’année. La méthode employée explique en partie ces bons résultats, l’État agissant tout à la fois sur les réseaux, les débouchés – à travers la lutte contre le travail illégal – et les moyens, en mettant tout en œuvre pour repérer d’éventuels documents falsifiés.

Si le nombre de reconduites à la frontière augmente, en particulier pour ce qui est des retours volontaires, un trop grand nombre de mesures d’éloignement forcé demeurent inexécutées. Cela s’explique notamment par le fait que le taux de délivrance des laissez-passer consulaires, indispensables pour une réadmission des intéressés dans leur pays d’origine, reste faible. En 2009, 33,8 % des cas d’échec de l’éloignement y sont liés.

Monsieur le ministre, nous souhaiterions donc avoir des précisions sur les mesures que vous prévoyez de mettre en œuvre afin de résoudre ce problème.

Cette politique de lutte contre l’immigration clandestine, essentielle pour préserver les fondements de notre État de droit, s’inscrit toujours dans le cadre d’une politique humaine et respectueuse de la dignité des personnes. C’est pour cela que les moyens consacrés à l’accompagnement sanitaire, social et juridique des étrangers en situation irrégulière placés en rétention seront également renforcés.

Ainsi, 15,9 millions d’euros permettront de financer la réhabilitation de centres existants et la création de places nouvelles. Il faut savoir qu’aujourd’hui les centres de rétention ne se trouvent plus en situation de saturation. En moyenne, leur taux d’occupation a atteint 65 % au premier semestre 2010.

Enfin, 13,3 millions d’euros seront consacrés à l’accompagnement sanitaire et juridique des étrangers placés en rétention. Il s’agit du seul poste en augmentation en 2011 parmi les crédits de la lutte contre l’immigration irrégulière.

Le dernier axe de ce budget concerne la qualité de l’intégration des immigrés qui séjournent régulièrement dans notre pays, véritable contrepartie à la fermeté de la lutte contre l’immigration irrégulière. Il est de notre devoir de donner toutes leurs chances aux migrants qui entrent légalement en France et souhaitent s’y intégrer par l’institution d’un véritable parcours individuel d’intégration.

Avec 72,9 millions d’euros, l’intégration et l’accès à la nationalité française représentent ainsi un volet budgétaire significatif de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Le programme accusera, certes, une baisse de ses abondements de 8,2 %. Cependant, cette baisse se justifie par l’optimisation des dépenses et la rationalisation des outils ainsi que par l’effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement demandé à l’OFII. Si le projet de loi de finances prévoit une diminution de la subvention allouée à l’Office, une nouvelle réévaluation des taxes qui lui sont affectées permettra un apport de recettes annuelles de 10,5 millions d’euros.

En 2011, des efforts considérables seront faits en faveur de l’insertion sociale et professionnelle des étrangers en situation régulière, avec 41,9 millions d’euros prévus en 2011. Parmi ces dotations, 17 millions d’euros sont destinés à la nouvelle génération de programmes régionaux d’insertion pour les populations immigrées, qui permettra une meilleure coordination régionale des actions et des financements en faveur de l’accueil et de la promotion sociale, culturelle et professionnelle des nouveaux arrivants, mais aussi le développement de l’expérience – réussie – de l’école des parents.

Je tiens à souligner que nous ne saurions envisager l’immigration comme un problème. C’est au contraire l’absence de politique d’immigration que nous avons connue pendant près de trente ans qui en a constitué un ! Depuis 2002, la France ose enfin relever le défi de l’immigration grâce à une politique cohérente, afin d’en faire un véritable atout pour notre pays.

Ce budget ainsi que le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui sera bientôt discuté au Sénat sont courageux et ambitieux. Ils concrétisent notamment les engagements que vous aviez pris, monsieur le ministre, lors de l’adoption du pacte européen sur l’immigration et l’asile. Ils témoignent de la détermination du Gouvernement à répondre au problème migratoire par des mesures de fond.

En 2008, le Président de la République affirmait que « c’est en pensant à la dignité des personnes que nous affrontons la si délicate question de l’immigration, sujet immense qui demande générosité, respect de la dignité et en même temps prise de responsabilité ». Parce que toutes ces préoccupations sont au cœur du budget qui nous est présenté aujourd’hui, le groupe UMP votera les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Mesdames, messieurs les sénateurs, alors que nous entamons une nouvelle étape administrative, la volonté de maîtriser l’immigration est clairement réaffirmée.

Lorsque Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République, il m’a chargé de concevoir et mettre en œuvre une nouvelle politique migratoire.

La création d’un ministère en charge de l’immigration était une véritable innovation, et ce à double titre.

En effet, d’une part, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un ministère régalien de plein exercice était chargé de gérer l’ensemble du parcours d’un étranger candidat à l’immigration dans notre pays, depuis l’accueil au consulat jusqu’à l’intégration et l’éventuel accès à la nationalité française, ou le retour vers le pays d’origine.

D’autre part, il s’agissait de regrouper des administrations, des services et des prérogatives qui étaient jusque-là éclatés entre plusieurs ministères : l’intérieur, les affaires sociales ou encore les affaires étrangères. Nous avons donc bâti une administration spécialisée, légère, réactive, opérationnelle, qui était en fait une administration d’état-major.

Aujourd’hui, avec le rattachement organique des services de l’immigration au ministère de l’intérieur – j’y reviendrai tout à l’heure, monsieur Yung –, nous abordons une nouvelle étape de la politique d’immigration de ce quinquennat.

Je le dis très clairement, cette organisation ne signifie ni la disparition de la politique d’immigration que nous avons construite, ni même le dépeçage administratif et institutionnel des services. Je souhaite préciser au rapporteur François-Noël Buffet qu’il est hors de question de déconstruire ce que nous avons bâti de toutes pièces !

En réalité, c’est donc à structure et à périmètre constants que je procède à ce rattachement organique. C’est la raison pour laquelle le décret d’attribution qui a été publié vendredi dernier ne fait que fusionner le décret d’attribution du ministre de l’intérieur et celui de l’ancien ministre de l’immigration, à deux ou trois mots près, qui ne vous ont pas échappé…

La seule chose qui change, c’est qu’il y aura désormais un pilotage politique unique. Les trois principes qui guident cette politique, et que j’avais édictés dès 2007, sont donc aujourd’hui confirmés. Ils sont simples, cohérents et justes.

Premièrement, la France a le droit de choisir – comme tout pays, ni plus ni moins – qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire.

Deuxièmement, sauf cas particuliers, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, de manière contrainte s’il le faut, mais autant que possible de manière volontaire. Des situations particulières – qu’elles soient politiques, religieuses, sanitaires ou sociales – peuvent naturellement se présenter, mais le principe est simple : on ne vient pas dans notre pays si l’on n’y est pas autorisé. Dans le cas contraire, on a vocation à être reconduit dans son pays d’origine.

Troisièmement, un étranger qui est accueilli légalement sur le territoire a, pour l’essentiel, les mêmes droits économiques et sociaux que les Français.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Dès 2007, la politique menée par le Gouvernement pour retrouver la maîtrise des flux migratoires et favoriser l’intégration a produit des résultats. Ce que j’avais engagé a été poursuivi par Éric Besson, même s’il est vrai que des préoccupations demeurent.

En effet, chaque année, nous devons combattre l’immigration clandestine et faire reculer ceux qui en vivent ou qui l’exploitent. Cela signifie que nous devons tenir nos objectifs d’éloignement. En 2008 et 2009, nous avons dépassé ces objectifs, qui étaient de 27 000 éloignements, en en réalisant près de 30 000. Pour l’année 2010, l’objectif est de réaliser 28 000 éloignements. Sur les dix premiers mois de l’année, nous en sommes très exactement à 23 498.

Simultanément, nous menons une lutte implacable contre les passeurs, les marchands de sommeil – Catherine Troendle l’a évoquée – et les « patrons voyous » qui sont, même s’il faut faire attention aux mots, des sortes d’esclavagistes modernes, exploitant la misère humaine. C’est un combat politique, mais c’est aussi et surtout une exigence morale !

Ainsi, depuis le début de l’année, comme l’a précisé M. Buffet, ce sont 156 filières d’immigration clandestine qui ont été démantelées, contre 126 sur la même période en 2009.

Parallèlement, nous faisons des efforts pour rééquilibrer l’immigration familiale au profit de l’immigration professionnelle. Ainsi, 20 000 titres de séjour ont été délivrés pour motif professionnel en 2009. À vrai dire, ce résultat n’est pas très satisfaisant et j’aurais souhaité qu’il soit supérieur, mais la crise économique explique en partie cette évolution. Avant celle-ci, nous étions parvenus à stabiliser le nombre de titres pour motif professionnel, alors qu’il avait diminué pendant des années.

Dans le même temps, l’immigration familiale décroît. Le nombre de titres délivrés pour ce motif a été en baisse entre 2006 et 2008. Il a légèrement augmenté en 2009 puisque 82 000 titres ont été délivrés cette année-là contre 81 605 en 2008.

Sur trois ans, une tendance lourde est observée, qu’a mise en exergue par Catherine Troendle : l’augmentation de la part de l’immigration professionnelle dans l’ensemble des arrivées. Nous considérons naturellement cela comme une bonne chose.

La politique que nous mettons en œuvre repose aussi sur la coopération européenne et un partenariat renforcé avec les pays sources.

Sur le plan européen, j’avais décidé, lorsque la France a présidé pendant six mois l’Union européenne, de placer la régulation de l’immigration au cœur de mes priorités. Vous savez à quel point je me suis impliqué – je remercie ceux d’entre vous qui ont bien voulu le rappeler – dans la construction, puis la négociation d’un pacte européen sur l’immigration et l’asile, qui a été adopté à l’unanimité par tous nos partenaires, toutes tendances politiques confondues, en octobre 2008.

J’aimerais que Mme Tasca ne l’oublie pas quand elle nous dit que nous menons une politique effroyable et condamnable. En vérité, madame, la même politique est conduite à peu près partout en Europe ! Si, en vous adressant au Gouvernement, vous expliquez que la politique est abominable, j’imagine que, lorsque vous retrouvez vos amis de l’Internationale socialiste, vous les haranguez avec encore plus de véhémence, vous dénoncez violemment la politique qu’ils mènent là où ils sont au pouvoir !

Croyez-moi, quand nous discutons avec des socialistes espagnols ou des travaillistes britanniques – ils étaient au gouvernement il y a encore peu de temps –, si je peux employer une expression triviale, nous nous trouvons un peu « mous du genou » ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

Alors, avant de nous faire des reproches, commencez par en adresser à ceux qui font partie de votre famille politique, parce que, franchement, les plus rudes et les plus sévères sur ces sujets ne sont pas ceux que vous pensez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des socialistes, il y en a de toute sorte !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je ne savais pas, madame Borvo Cohen-Seat, que vous faisiez partie de l’Internationale socialiste. C’est une très bonne nouvelle parce que, depuis le Congrès de Tours, on pensait que ce n’était plus le cas ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

Je reviens sur les accords avec les pays sources. Là encore, cela vous gêne, mais nous avons entamé un dialogue extrêmement construit, fructueux, efficace, empreint de compréhension mutuelle, avec les pays qui sont effectivement des pays d’émigration vers le nôtre. C’est ainsi que quinze accords – pas un ou deux ! – ont été signés depuis 2007, même si d’autres doivent encore être conclus.

M. Jean-Louis Carrère. Bref, vous réussissez tout !

M. Brice Hortefeux, ministre. Pas du tout ! Vous ne m’avez pas bien écouté : j’ai dit qu’il y avait des choses qui n’allaient pas. Il faut être plus attentif !

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes très forts !

M. Brice Hortefeux, ministre. Plus forts que vous, sans aucun doute !

En l’occurrence, ce que j’évoque, ce sont des réalités ! Le pacte de coopération européenne et les accords avec les pays sources sont difficilement contestables. Si vous n’en étiez pas instruits, je suis heureux de vous apporter maintenant cette information.

Mme Catherine Tasca. Le Mali n’a pas signé !

M. Brice Hortefeux, ministre. Le succès d’une politique d’immigration réussie passe aussi par une intégration réussie.

Depuis 2003, près de 500 000 personnes ont, à ce jour, signé un contrat d’accueil et d’intégration et, en 2009, environ 100 000 nouveaux contrats ont été conclus. La même année, 15 100 personnes ont obtenu le diplôme initial de langue française.

Je rappelle que le contrat d’accueil et d’intégration est le contrat par lequel les immigrés légaux s’engagent à apprendre la langue française et à respecter les principes et les valeurs qui régissent notre République. Ce contrat est la démonstration de la volonté de s’intégrer à la communauté nationale.

J’en viens à la question de l’asile, qui se pose en des termes difficiles, non pas seulement en France, mais dans toute l’Europe.

Sur le plan national, depuis deux ans, nous assistons à une très nette augmentation du nombre des demandeurs d’asile : de 20 % en 2008, de 12 % en 2009. Le total des demandes reçues par l’OFPRA est passé de 35 520 en 2007 à 47 686 en 2009. La France reste le troisième pays destinataire des demandeurs d’asile au monde, après les États-Unis et le Canada, et le premier en Europe, comme l’a souligné Catherine Troendle.

Du fait de l’augmentation des demandes, les délais d’instruction ont été considérablement allongés pour atteindre, à ce jour, dix-neuf mois. C’est trop, j’en conviens, et il y a effectivement là un défi à relever.

Il n’en demeure pas moins que la France continue d’honorer sa tradition d’ouverture et d’accueil. Ainsi avons-nous créé en 2007 une véritable juridiction administrative ; je n’y reviens pas. Depuis le mois de mai 2010, la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile est étendue à l’ensemble des régions de métropole, à l’exception de l’Île-de-France et de l’Alsace.

Même si des préoccupations se sont fait jour, que je ne cherche absolument pas à cacher, beaucoup a été fait depuis 2007. Mais nous devons encore aller plus loin.

Les crédits qui seront consacrés en 2011 aux politiques d’immigration, d’asile, d’intégration et de développement solidaire portent cette ambition, dans un contexte de nécessaire maîtrise de nos dépenses publiques. J’en présenterai les grandes lignes.

Comme l’ont souligné les rapporteurs, Pierre Bernard-Reymond, André Trillard, François-Noël Buffet, ainsi que Catherine Troendle, le budget est globalement stable en 2011. Il atteint 591,5 millions d’euros en crédits de paiement.

Dans cet ensemble, la mission « Immigration, asile et intégration » est dotée de 561 millions d’euros en crédits de paiement. Les effectifs de la mission sont stabilisés à 612 emplois, soit un volume relativement limité. Il est à noter qu’il n’y a pas de réduction d’emplois par rapport à 2010.

Ce projet de budget est au service de cinq priorités.

Première priorité : lutter contre l’immigration clandestine.

Aucune réduction d’emplois n’est prévue dans les services opérationnels de la police aux frontières. Je confirme par ailleurs la création du CRA de Mayotte.

Deuxième priorité : mieux équilibrer les flux d’immigration légale.

Concrètement, 10 millions d’euros sont affectés à la production des titres de séjour pour les étrangers, au sein du budget de l’Agence nationale des titres sécurisés, qui produit déjà les passeports biométriques. Il s’agit de la nouvelle génération de titres de séjour, intégrant des éléments de biométrie : 169 consulats français, soit 86 % du réseau, disposent désormais d’un équipement opérationnel.

Parallèlement, pour favoriser l’immigration professionnelle, nous allons continuer à faire évoluer les taxes qui reposent sur l’immigration de travail dans un sens plus favorable aux employeurs demandant l’introduction de main-d’œuvre étrangère là où les besoins sont avérés. Nous y reviendrons au moment de l’examen des amendements.

Troisième priorité : souligner notre engagement dans les actions de développement solidaire. Les crédits qui y sont dévolus s’établissent à 30 millions d’euros.

Quatrième priorité : souligner, de la même manière, nos efforts pour bâtir une politique d’intégration efficace et durable. L’effort de l’État en la matière est stable. Je précise au rapporteur spécial que, si les crédits budgétaires au titre de la mission « Immigration, asile, et intégration » sont effectivement en baisse, ceux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration augmentent. Le solde est donc, de ce fait, positif.

Sur les crédits du programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, nous amplifierons le dispositif « l’école ouverte aux parents » en l’étendant à dix nouveaux départements.

Enfin, cinquième priorité : faire face à la « crise de l’asile » rencontrée par la France.

Là aussi, monsieur le rapporteur spécial, j’ai bien entendu vos interrogations. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail que vous avez effectué avec Jean-Claude Frécon sur les délais de traitement des procédures examinées par la CNDA.

Je souhaite à présent répondre aux orateurs des groupes.

Madame Tasca, vous confirmez à juste titre que la politique française en matière d’immigration et d’intégration ne change pas : ce que nous avons fait depuis 2007, nous le poursuivons. Encore une fois, je vous rappelle que cette politique est approuvée, validée, encouragée à l’échelon européen.

M. Jean-Louis Carrère. Surtout par les socialistes, allez-vous nous dire !

M. Brice Hortefeux, ministre. Une telle entente va des communistes chypriotes…

M. Jean-Louis Carrère. Cher camarade Hortefeux, je vous décerne le label socialiste !

M. Brice Hortefeux, ministre. … aux responsables italiens. Je doute que cette dernière référence vous convienne, mais elle montre à quel point l’éventail des soutiens est large.

Je vous avoue très honnêtement que je n’ai pas bien compris votre position sur l’accueil par la France des chrétiens irakiens menacés.

Mme Catherine Tasca. C’est une très bonne chose !

M. Brice Hortefeux, ministre. Eh bien, je m’en réjouis, car c’est effectivement l’honneur de la France que d’avoir accueilli 982 chrétiens d’Irak.

Sur le coût de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, tout se fait dans la transparence, et Éric Besson avait transmis à la commission des finances un rapport de l’inspection générale de l’administration établi en 2009. Le coût global de la politique de reconduite à la frontière est de 232 millions d’euros, c’est-à-dire 12 650 euros par personne. À l’époque où j’étais déjà ministre de l’immigration, des chiffres assez fantaisistes avaient circulé, faisant état d’un coût de 2 milliards d’euros ! La réalité se situe donc bien en deçà, d’autant que le coût net de l’éloignement est encore inférieur puisqu’il englobe les économies liées à la réduction de l’immigration clandestine.

Monsieur Mézard, j’ai été attentif au caractère mesuré et équilibré de votre intervention. Que n’avez-vous adopté la même attitude au moment du débat sur la réforme des collectivités territoriales ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Personne n’est parfait !

M. Brice Hortefeux, ministre. Sachez que le budget des ministères ne rend pas compte de l’ensemble des crédits mobilisés par l’État dans ce domaine. Il convient en effet d’inclure les politiques d’éducation, de logement et de la ville, qui participent à cet effort.

Le document de politique transversale en rend compte : au sens large, l’immigration et l’intégration mobilisent 4,2 milliards d’euros.

Madame Assassi, je serai direct, et vous seriez certainement surprise : la France n’a pas de leçons à recevoir en matière de demande d’asile. Comme vous le savez très bien, nombre de demandeurs d’asile sont en réalité des candidats à l’immigration clandestine, qui ne peuvent justifier d’aucun motif politique. Vous faites donc un amalgame…

Mme Éliane Assassi. Non, c’est vous !

M. Brice Hortefeux, ministre. … sur lequel je ne peux vous suivre. Malheureusement, la réalité est bien différente de celle que vous décrivez.

Si nous ne sommes pas prêts à distinguer les situations des uns et des autres, autant renoncer à toute politique d’immigration ! Croyez bien que ce n’est pas notre intention.

Mme Éliane Assassi. Vous faites bien la distinction puisque vous refusez de nombreuses demandes d’asile !

M. Brice Hortefeux, ministre. C’est précisément ce que je vous ai dit : il ne s’agit pas d’accepter aveuglément toutes les demandes !

Monsieur Yung, votre intervention a débuté sous les meilleurs auspices puisque vous avez semblé regretter, de manière vraiment sincère, la disparition du ministère de l’immigration. Quel dommage que vous ne vous soyez pas exprimé en ce sens dès 2007 ; cela m’aurait considérablement aidé !

Vous vous êtes dit préoccupé par le fait que le ministère n’aurait pas son mot à dire sur un certain nombre de crédits de développement. J’ouvre là une parenthèse pour indiquer à M. le rapporteur spécial qu’il a fait un lapsus tout à l’heure. Mais ce n’est pas moi qui le lui reprocherai, car cela m’est aussi arrivé d’en faire.

M. Jean Desessard. Ça, c’est vrai !

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Bernard-Reymond, vous avez parlé de développement « durable » ; or il s’agit bien de développement « solidaire », même si celui-ci peut être également durable.

J’en reviens à vous, monsieur Yung, pour vous dire que le ministère de l’intérieur, avant la reconstitution administrative qui s’est opérée, était déjà administrateur au conseil d’administration de l’Agence française de développement. Il était donc amené à intervenir, à s’exprimer, bref à jouer un rôle dans ce domaine.

Mme Éliane Assassi. Tout baigne, alors !

M. Brice Hortefeux, ministre. Par ailleurs, je vous en prie, faites attention aux mots que vous employez. Je comprends très bien que nous ayons des désaccords, mais je ne peux pas accepter que vous évoquiez une « chasse aux étrangers » ; tout simplement parce que c’est une insulte.

M. Brice Hortefeux, ministre. C’est une insulte aux policiers, aux gendarmes, aux préfets, qui assument et appliquent cette politique.

M. André Trillard, rapporteur pour avis. Mais si !

M. Brice Hortefeux, ministre. Vous pouvez toujours dire « non », c’est malheureusement la vérité !

Soyez donc précis. Vous parlez d’« expulsions » ; je parle de « reconduites ». Vous semblez regretter les retours volontaires ; moi, je les encourage : plus leur part est importante, plus le signal est positif. Je revendique totalement cette position ; aujourd'hui, un tiers des éloignements se font sur la base d’une aide au retour volontaire.

En outre, j’assume totalement notre action dans le domaine des CRA, d’autant que c’est moi qui l’ai engagée. L’objectif était de mettre enfin un terme à un monopole qui avait quelque chose de sclérosant et de particulièrement injuste. Nous avons introduit de la diversité, et c’est une très belle avancée. Les procédures juridictionnelles dilatoires engagées par une certaine association n’ont pas réussi, malgré tous ses efforts, à bloquer la réforme.

Il reste, c’est vrai, quelques conséquences à solder. Les procédures permettant d’indemniser les associations sont en cours de règlement puisque certaines n’ont pu accéder, à temps, à ce marché.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous passons donc à une nouvelle phase, qui nous permettra de pérenniser, de consolider, de renforcer la politique migratoire, dans le triple souci de la clarté, de la cohérence et de l’équilibre, et ce au service d’une triple ambition : une politique humaine, une politique ferme, une politique juste ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Immigration, asile et intégration
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 74

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

563 724 439

561 469 016

Immigration et asile

490 881 080

488 631 080

Dont titre 2

39 923 712

39 923 712

Intégration et accès à la nationalité française

72 843 359

72 837 936

Mme la présidente. L’amendement n° II-4, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Immigration et asileDont Titre 2

12 850 000

12 850 000

Intégration et accès à la nationalité française

12 850 000

12 850 000

TOTAL

12 850 000

12 850 000

12 850 000

12 850 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Cet amendement, auquel j’ai fait allusion tout à l’heure, a pour objet d’abonder à un niveau plus raisonnable le montant des crédits affectés à l’hébergement des demandeurs d’asile et au versement en leur faveur de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA.

Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit des crédits en diminution de 56 % pour l’hébergement d’urgence et de 14 % pour l’ATA par rapport aux crédits ouverts en 2010.

Or, en 2010, des ouvertures de crédits supplémentaires, à hauteur de 60 millions d’euros inscrits par décret d’avance, ont été rendues nécessaires du fait, d’une part, de l’augmentation des flux de demandeurs d’asile et, d’autre part, de la hausse des délais de traitement des demandes d’asile. À cette somme il faut ajouter les 47 millions d’euros annoncés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures font suite à deux autres décrets d’avance en 2008 et en 2009, d’un montant respectif de 36 millions d’euros et de 70 millions d’euros.

Le Gouvernement reconnaît que la demande d’asile continue à augmenter à un rythme élevé : la hausse est de 8,5 % sur les neuf premiers mois de l’année 2010 par rapport à la même période en 2009.

Par ailleurs, le contrôle que nous avons effectué en 2010 sur la Cour nationale du droit d’asile nous interdit de croire à une diminution sensible des délais de traitement des dossiers en 2011, qui serait pourtant nécessaire pour juguler la hausse de la demande d’asile.

Il convient donc de respecter une plus grande vérité des comptes. Par conséquent, le présent amendement vise à opérer un transfert de crédits, sur le programme 303, Immigration et asile, qui prend en charge l’ATA et l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, d’une partie des crédits de l’action 12, Actions d’intégration des étrangers en situation régulière, du programme 104, Intégration et accès à la nationalité française.

Ce transfert porte sur 2,85 millions d’euros destinés à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration – en tant qu’opérateur du ministère de la culture, celle-ci devrait être financée intégralement par lui –, et sur 10 millions d’euros de subventions à des acteurs économiques et sociaux mettant en place des dispositifs d’intégration.

Ces actions ne sont pas inutiles, mais la sincérité budgétaire impose d’abonder à une hauteur raisonnable les crédits liés à la demande d’asile. Le transfert proposé porte donc sur 12,85 millions d’euros, ce qui devrait combler une partie du déficit du programme Immigration et asile, que j’estime à près de 50 millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, je partage bien sûr votre constat. Cela a été souligné, la demande d’asile a augmenté de manière importante : de 20 % en 2008, de 12 % en 2009 et déjà de 8,5 % sur les dix premiers mois de l’année.

S’il était adopté, votre amendement risquerait de déstabiliser le financement de l’action en faveur de l’intégration. En outre, il ne permettrait sans doute pas de trouver une solution durable à la question si difficile de l’asile.

Vous avez évoqué la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Cet établissement a bien évidemment une dimension culturelle. Or, s’il était adopté, votre amendement le condamnerait sans doute à la fermeture.

Je préfère plutôt agir en amont pour renforcer notamment l’OFPRA et la CNDA afin de réduire les délais de traitement des dossiers. C’est là un vrai sujet.

Des moyens leur sont octroyés : ainsi, trente officiers de protection supplémentaires seront embauchés à l’OFPRA au 1er janvier 2011 ; par ailleurs, dix magistrats permanents ont été recrutés par la CNDA en 2010. Ces moyens continueront d’ailleurs d’augmenter.

Dans ces conditions, monsieur le rapporteur spécial, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-4 est-il maintenu ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Je suis très heureux que nous fassions le même constat, monsieur le ministre.

Cet amendement visait à vous alerter en prévision de l’élaboration du budget pour 2012, mais compte tenu des conséquences concrètes qu’il pourrait avoir pour l’année 2011, j’accepte de le retirer.

Mme la présidente. L'amendement n° II-4 est retiré.

La parole est à M. le président de la commission des finances.