PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques
Discussion générale (suite)

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Questions cribles thématiques

Suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités et de la politique universitaire française

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « LRU », et de la politique universitaire française.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, en fin de programme.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Quatre ans après le vote de la loi LRU, le bilan apparaît plus que contrasté, comme en témoigne le dernier rapport du comité de suivi.

Bien qu’ayant très peu pris en compte les réflexions des premiers acteurs de l’université, à savoir les enseignants-chercheurs, les` personnels et les étudiants, il confirme les analyses de ces derniers quant à l’incidence de la loi sur le paysage universitaire national, marquée en particulier par l’émergence de quelques pôles richement dotés parmi nombre d’établissements confrontés à une insuffisance de moyens financiers et humains.

Sans établir explicitement un tel constat, le comité de suivi s’interroge sur l’avenir des universités qui ne bénéficieront pas des crédits provenant des investissements d’avenir et dont le passage aux responsabilités et compétences élargies réduira les marges de manœuvre.

Je note que, lors de l’audition du président du comité de suivi, la plupart des sénateurs présents, toutes sensibilités politiques confondues, ont fait part de leur préoccupation concernant la pérennité des petites universités. Sauf changement majeur, celles-ci seront de plus en plus fragilisées.

Si la mise en exergue de l’excellence scientifique est, certes, recevable, on ne peut faire l’impasse sur la question du maillage territorial de l’enseignement supérieur.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Ivan Renar. Quelles que soient ses origines sociales, chaque jeune doit pouvoir accéder à l’université, et donc prétendre à l’excellence scientifique.

Assurer l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur suppose également de remédier à la précarisation croissante des personnels des universités. Faute de crédits suffisants, les moyens humains et l’emploi sont devenus la principale variable d’ajustement des budgets. La dégradation des conditions de travail n’est évidemment pas sans incidence sur la qualité de la recherche et des enseignements. Sur le terrain, les étudiants constatent l’augmentation des effectifs en séances de travaux dirigés ou le remplacement de ces cours en groupe restreint par des cours magistraux en amphithéâtre.

Les conditions de vie de la majorité des étudiants restent, par ailleurs, un problème crucial.

Madame la ministre, il y a urgence à revoir en profondeur la politique universitaire du pays, en concertation avec les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans l’immédiat, comptez-vous prendre les dispositions nécessaires afin que l’ensemble des universités puissent disposer des moyens humains nécessaires pour mener à bien leurs missions ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Renar, vous avez eu l’honnêteté de dire que le comité de suivi n’établissait pas explicitement le constat d’une inégalité entre les universités autonomes, constat qui n’est d’ailleurs pas conforme à la réalité.

En 2007, il n’y avait pas une université une et indivisible, qui aurait partout bénéficié des moyens nécessaires à son développement ; nous avons au contraire trouvé une université largement sous-dotée, avec des filières délaissées, cette situation étant due au fait qu’elle était jugée irréformable.

Depuis, la mise en œuvre de la loi LRU, instaurant l’autonomie des universités, a été accompagnée de moyens sans précédent. Ainsi, s’agissant de votre région, monsieur Renar, en quatre ans, les moyens de fonctionnement des universités de Lille 2, de Lille 3, de Lille 1, d’Artois et de Valenciennes ont augmenté respectivement de 56 %, de 23 %, de 18 %, de 23 % et de 19 %. En moyenne, les budgets de fonctionnement des universités ont connu une augmentation de 22 %, et ce sans qu’elles soient à aucun moment soumises à la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, puisque tous les emplois universitaires ont été sanctuarisés. On sait d’ailleurs que, grâce aux nouveaux moyens liés à l’autonomie des universités, ce sont plus de 1 500 postes qui ont été pourvus, alors que la masse salariale correspondante avait jusque-là une autre destination.

Le bilan de la loi LRU, monsieur le sénateur, c’est donc moins de précarité, plus de moyens et un taux plus élevé de réussite pour les étudiants, comme le montre le rapport de M. Christian Demuynck, qui vient de m’être remis.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour la réplique.

M. Ivan Renar. Madame la ministre, je vous trouve bien optimiste, y compris s’agissant des universités du Nord-Pas-de-Calais !

Dans l’ensemble, l’université française ne se porte pas bien. Il faudrait écouter davantage les enseignants-chercheurs, les personnels des établissements, les étudiants.

La mise en œuvre de la loi LRU et le passage aux responsabilités et compétences élargies ont obligé les universités à opérer d’importants choix en matière de ressources humaines. Le transfert de la gestion de la masse salariale aux établissements, conjugué à la mise en œuvre d’une politique d’attribution sélective – et opaque – des financements, a entraîné la précarisation d’une frange croissante des personnels, notamment techniques et administratifs, mais également enseignants.

Une enquête nationale, menée conjointement par la quasi-totalité des organisations syndicales et associatives de ce secteur, évalue à 50 000 le nombre de travailleurs précaires exerçant au sein des organismes de recherche et des universités du pays, soit un quart de l’ensemble du personnel.

C’est une réalité, et là réside la faiblesse majeure des dispositifs que vous avez mis en place, madame la ministre. Il faudra bien, un jour, réformer la réforme… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Marie-Christine Blandin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je me réjouis que nous débattions aujourd’hui du suivi de la loi LRU, qui a introduit une réforme que nous sommes nombreux à considérer comme l’une des plus importantes de la législature pour l’avenir de notre pays. Je souligne d’ailleurs que le groupe de l’Union centriste a contribué activement à son élaboration, puisque notre collègue Jean-Léonce Dupont en était le rapporteur. C’est donc aussi en son nom que je vous poserai ma question, madame la ministre, question qui me permettra de relayer une préoccupation qui nous taraude tous, celle de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés de l’université.

La loi LRU a encouragé les universités à s’investir davantage dans ce domaine. Elle leur a clairement confié une mission « d’orientation et d’insertion professionnelle des étudiants » et leur a fait l’obligation de créer des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants.

Aujourd’hui, dresser un premier bilan s’impose. Nous souhaiterions ainsi disposer de données nous permettant de mesurer le chemin parcouru et, parallèlement, d’éclairer l’horizon.

À cet effet, madame la ministre, pouvez-vous préciser comment cette mission est concrètement assurée par les universités et quels en sont les résultats ?

Pouvez-vous en outre évaluer dans quelle mesure elle se traduit dans l’adaptation de l’offre de formations des universités ?

Pouvez-vous mesurer les effets de l’« orientation active » et de la réforme de la licence sur les décisions des jeunes en matière de formation ?

Enfin, d’intéressantes enquêtes sur l’insertion professionnelle des étudiants issus de formations professionnalisantes ont été réalisées, mais, comme mon collègue l’avait déjà relevé à la fin de 2010, elles retiennent pour critère l’insertion trente mois après l’obtention du diplôme, délai qui peut rendre la corrélation quelque peu ténue. De nouvelles enquêtes, portant cette fois sur les autres formations et comportant d’autres critères, ont-elles été réalisées ou sont-elles envisagées ?

Nous insistons, madame la ministre, sur l’importance de ces questions, notre objectif, que je sais partagé, étant que le système universitaire débouche effectivement sur l’emploi et réponde au mieux aux préoccupations exprimées par les jeunes et par leurs familles, ainsi qu’aux besoins de notre pays.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Morin-Desailly, je vous remercie tout d’abord de votre soutien inébranlable à la cause de la réforme.

L’introduction dans la loi LRU de l’insertion professionnelle en tant que troisième mission de l’université, à côté de la formation et de la recherche, a en effet été un tournant. C’est même une véritable petite révolution culturelle qui a eu lieu dans les universités.

Une partie des nouveaux moyens accordés aux universités autonomes a été utilisée pour mettre en place des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle. Parallèlement, dans tous les cursus universitaires, on a vu apparaître de nouveaux modules de professionnalisation.

Je considère que la barrière qui avait été artificiellement dressée entre enseignement général, à vocation purement académique, et enseignement professionnel n’a plus de sens aujourd'hui : le diplôme doit déboucher sur un métier.

La première enquête nationale sur l’insertion professionnelle des jeunes diplômés fait apparaître, pour les titulaires d’un master, un taux d’insertion professionnelle de 91,4 %. Il est vrai qu’il s’agit du taux constaté trente mois après la sortie de l’université, mais, si nous avons retenu ce délai, c’était tout simplement pour gommer l’« effet crise » : cette première enquête ayant été réalisée en plein milieu de la crise de 2008, il fallait éviter tout biais lié au contexte économique, pour que les résultats reflètent la qualité réelle des diplômes.

Nous allons poursuivre ces enquêtes, en les faisant porter sur les étudiants de licence ou sortant des instituts universitaires de technologie, afin de disposer de tous les chiffres qui permettront aux jeunes de s’orienter dans les meilleures conditions d’information.

De ce point de vue, la réforme a porté ses fruits : le nombre d’élèves de terminale demandant en premier vœu une inscription à l’université a augmenté de 16 % en deux ans ! C’est la preuve de l’attractivité retrouvée de l’université française, liée aussi à une nouvelle attitude à l’égard de l’insertion professionnelle.

Mme Brigitte Bout. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions et des chiffres que vous venez de m’apporter.

Bien que les études de médecine relèvent plutôt du ministère de la santé, je veux profiter de cette occasion pour vous faire part de notre consternation devant l’annulation, le 1er juin dernier, de la première épreuve de lecture critique d’article, du fait de plusieurs erreurs dans le sujet, annulation confirmée l’après-midi, après une longue attente et dans la confusion.

Je me fais ainsi le relais du mécontentement des étudiants en médecine de mon département, qui acceptent mal de devoir repasser cette épreuve aujourd’hui même.

Nous espérons, madame la ministre, que le Gouvernement saura tirer les conséquences de cette situation, analyser les causes de ces erreurs et assumer sa part de responsabilité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Madame la ministre, je ne conteste ni l’autonomie accordée aux universités, sous réserve qu’elle reste une autonomie de service public, ni la politique de rapprochement entre les universités.

Toutefois, il existe une contradiction entre l’objectif de resserrement de la gouvernance de la loi LRU et la politique de regroupement au titre des pôles de recherche et d’enseignement supérieur – les PRES –, voire de fusion entre les universités, mise en œuvre par votre ministère.

L’effectif des conseils d’administration est plafonné à trente membres, dont quatorze enseignants-chercheurs au maximum. Dans le même temps, les fusions d’universités, à Strasbourg, à Aix-Marseille ou en Lorraine, créent des ensembles pouvant regrouper 40 000 étudiants, voire 70 000.

Quant aux PRES, leur mise en place alourdit inévitablement les circuits de décision, alors que le rapport de la Cour des comptes du mois de février dernier met l’accent sur la modestie des résultats obtenus jusqu’à présent. Ne faut-il pas revaloriser les autres conseils, qu’il s’agisse des conseils scientifiques ou des CEVU, les conseils des études et de la vie universitaire ?

Une centralisation excessive peut aussi résulter de la politique de regroupement universitaire : il semble qu’elle vise, avant tout, à faire émerger une dizaine de grandes universités d’excellence, capables de rivaliser un jour, dans le classement de Shanghai, avec les universités anglo-saxonnes.

Or j’observe que, dans ce classement, émergent des universités assez petites au regard du nombre de leurs étudiants, mais caractérisées par un nombre élevé de doctorants, s’élevant à plusieurs milliers.

Cela m’amène à m’interroger sur deux points.

En premier lieu, dans le processus de regroupement que vous avez engagé, ou plutôt laissé s’engager, les petites universités, y compris de technologie, comme celles de Belfort-Montbéliard ou de Troyes, ne risquent-elles pas de rester à l’écart ? Y a-t-il une sorte de « laisser-faire » en la matière ou, au contraire, une doctrine d’ensemble ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Chevènement. Par exemple, du fait de sa proximité avec Paris, l’université de technologie de Compiègne a choisi de se rapprocher de l’université Paris VI. Votre ministère aurait pu privilégier la création d’une grande université de technologie française, regroupant les trois établissements existant actuellement. Ce n’est pas le choix qui a été fait.

En second lieu, la France n’a-t-elle pas besoin d’un grand pôle d’ingénierie, particulièrement la France du Nord-Est, de vieille tradition industrielle, des groupes comme Peugeot, Faurecia, Alstom ou General Electric demeurant ancrés dans ma région ? Comme l’a souligné le rapport de la Cour des comptes, il reste à construire une stratégie territoriale. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le sénateur, je vais vous rassurer : le Gouvernement travaille à l’élaboration de la stratégie territoriale, sur le fondement notamment des travaux menés, région par région, par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, dont les conclusions ont été transmises à tous les élus. Ceux-ci pourront ainsi prendre pleinement conscience tant des atouts économiques, scientifiques, technologiques et de formation de leur région que de ses failles ou de ses carences, l’objectif étant d’essayer de définir, avec tous les acteurs locaux, une stratégie régionale et territoriale.

Cela étant, l’autonomie des universités doit être respectée jusqu’au bout. Vous avez regretté que j’aie laissé l’université de technologie de Compiègne s’allier avec une grande université scientifique parisienne, au lieu de choisir de regrouper les universités de technologie de notre pays. Mais, monsieur le sénateur, c’est cela l’autonomie ! Je ne marie personne de force ! J’essaie non pas de créer de grandes universités, mais de recoller les morceaux de ce qui a été cassé après mai 68.

Aujourd'hui, une bonne recherche, une bonne formation est pluridisciplinaire. À titre d’exemple, la recherche sur la maladie d’Alzheimer doit rassembler des chercheurs dans les domaines de l’économie, de la santé, du droit, de l’éthique, des sciences humaines, des sciences sociales : tous ces chercheurs doivent être présents dans l’université moderne.

Les universités françaises offrent des formations de premier cycle, alors que de nombreuses grandes universités de recherche étrangères ne dispensent leurs enseignements qu’à partir du second cycle : c’est la raison pour laquelle elles comptent beaucoup moins d’étudiants. Ces deux modèles sont tout à fait différents.

La qualité de nos premiers cycles doit être améliorée : c’est tout l’objet de la nouvelle licence que nous présenterons d’ici à l’été. Par ailleurs, les bonnes universités, bien placées dans les classements internationaux, possèdent de belles grandes écoles doctorales faisant appel à de nombreuses disciplines.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Des universités de tous les savoirs, voilà ce que le Gouvernement souhaite pour notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Chevènement. Je suis infiniment respectueux de l’autonomie des universités, mais, comme je l’ai précisé, ce doit être une autonomie de service public. Je ne suis pas partisan du laisser-faire : ce n’est pas parce que l’université de Compiègne veut se rapprocher de l’université Paris VI que les synergies et la culture commune rassemblant les trois universités de technologie du pays doivent être passées par pertes et profits.

Madame la ministre, les régions sont très inégales. J’aurais souhaité que vous répondiez à ma question sur la constitution d’une filière d’ingénierie dans le grand Nord-Est industriel, mais le couperet du temps de parole tombe sur votre tête comme sur la mienne… (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. La loi du 10 août 2007 a enfin donné aux universités la liberté et les moyens de construire et de conduire une vraie stratégie de formation et de recherche. Le groupe UMP du Sénat a souhaité vous interroger, madame la ministre, sur cette réforme, dont le succès est désormais salué sur toutes les travées de cet hémicycle.

M. David Assouline. Pas du tout !

M. Jacques Legendre. Quatre ans après le début de la réforme, il nous a semblé nécessaire d’en dresser le bilan et d’en dessiner les prochaines étapes.

Avec l’autonomie, ce sont bien les établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui ont été mis au centre de notre projet politique.

Mobiliser chaque membre de la communauté universitaire autour d’un véritable projet d’établissement, offrir à tous nos étudiants une formation de qualité et de véritables perspectives professionnelles, développer une réelle stratégie de recherche et de partenariats : tels ont été les objectifs de la réforme des universités que la majorité, madame la ministre, a soutenue à vos côtés. J’associe à mes propos M. Jean-Léonce Dupont, qui avait rapporté le texte mais n’a pu être présent aujourd’hui.

Parallèlement, vous avez souhaité accélérer la politique de regroupement instaurée en 2006 par la loi de programme pour la recherche, qui a permis la création des pôles de recherche et d’enseignement supérieur.

Cette coopération entre établissements et organismes de recherche se poursuit et s’amplifie aujourd’hui avec les investissements d’avenir. Madame la ministre, comment ces évolutions fortes du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche s’articulent-elles ? Les politiques de regroupement, les investissements d’avenir viennent-ils soutenir l’autonomie des universités ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’autonomie donne aux universités la compétence pour gérer leur propre budget, pour assumer à la fois la liberté et la responsabilité que cela suppose.

Il fallait le socle de l’autonomie pour pouvoir construire. Sur ce socle, nous avons bâti un certain nombre de dispositifs, tels le plan « Réussir en licence », le plan d’aide aux jeunes chercheurs, le plan de rapprochement entre l’université et le secteur privé, le plan Campus.

Puis est venue la décision visionnaire du Président de la République (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.) de lancer les investissements d’avenir, financés par un grand emprunt national : en pleine crise économique, 22 milliards d'euros vont être investis dans l’enseignement supérieur et la recherche. Si les universités n’avaient pas été autonomes, un tel plan n’aurait jamais pu être mis en œuvre.

L’autonomie, c’est bien sûr l’émulation, mais c’est aussi la coopération entre les universités. Dans votre région, les petites universités de proximité, celles du littoral, de l’Artois ou de Valenciennes, se sont alliées avec les trois grandes universités de la métropole lilloise pour former le PRES Lille-Nord de France, qui, à lui seul, a réussi à construire des projets fortement porteurs d’emplois et d’espérance : citons le projet Railenium, concernant les transports de demain, un laboratoire d’excellence sur le diabète, l’obésité et la nutrition, ou encore le projet d’institut des énergies décarbonées, devant travailler sur les nouveaux plastiques naturels.

Mettre la technologie au service de l’emploi représente de grands espoirs pour toutes les régions.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour la réplique.

M. Jacques Legendre. Force est de le constater, les anciens comportements demeurent ancrés dans de nombreux esprits. On attend encore l’intervention de l’État en matière d’aménagement du territoire.

Nous devons adopter les nouvelles pratiques, comme les concours internationaux, qui doivent contribuer au dynamisme de nos universités et leur donner toutes leurs chances, et non pas aggraver les inégalités.

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Madame la ministre, en 2007, lors de l’élaboration de la loi LRU, je vous avais interpellée sur le manque d’ambition et de lisibilité d’un texte qui se limitait à la question de la gouvernance, alors qu’il aurait fallu commencer par fixer les objectifs d’une loi pluriannuelle, au premier rang desquels la lutte contre l’échec en premier cycle, afin de pouvoir déterminer ensuite la gouvernance la mieux adaptée pour les atteindre.

Vous n’aviez alors rien voulu entendre. Aujourd’hui, allez-vous écouter la Cour des comptes, qui vient de constater un certain nombre de contradictions et d’imprécisions en matière de gouvernance, votre thème de prédilection ?

Par exemple, la Cour des comptes relève que la loi LRU, devant conduire les universités à une plus grande autonomie, a été appliquée en contradiction avec la création des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui pour leur part doivent permettre d’organiser une gestion concertée des filières et des stratégies par l’ensemble des acteurs universitaires.

Cette tension entre deux impératifs qui se sont opposés au lieu de s’harmoniser a provoqué des retards dans la mise en place des PRES dans certaines régions, par exemple en Aquitaine ou à Paris-Sud.

Madame la ministre, cette situation est due au fait que vous avez continué à considérer l’autonomie comme devant mener à une concurrence sauvage entre universités, et non à une gestion concertée d’universités autonomes, dotées de moyens réels, au sein des PRES.

Au-delà de ce constat, il est urgent d’y voir plus clair. Quelle simplification comptez-vous opérer entre tous les dispositifs existants ? Il n’y a, et c’est essentiel, aucune subsidiarité entre les différents ensembles institués : songez-vous à l’établir, et sur quelles bases ?

Vous ne cessez d’affirmer que nos universités doivent être « visibles à l’international » ; pour cela, il faudrait d’abord qu’elles soient lisibles sur le plan national !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Assouline, venez avec moi sur le terrain ! (M. David Assouline rit.)

En 2007, la France comptait 85 universités et 225 écoles ; aujourd'hui, on dénombre 18 pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui ont été habilités, sur l’initiative du Sénat, à délivrer des diplômes de master et de doctorat.

Une logique de solidarité entre universités est en marche. Nous avons réconcilié les universités de Nancy et de Metz, qui vont fusionner au sein de l’université de Lorraine, ainsi que celles d’Aix et de Marseille, qui vont fusionner dans l’université de la Méditerranée. Les universités de Strasbourg se sont également regroupées, de même que les quatre universités de Bordeaux. Aucune ville universitaire n’échappe à ce mouvement extraordinairement bénéfique, pas même la capitale, où les forces universitaires se rassemblent aujourd’hui par le biais d’un certain nombre d’alliances. Ainsi, grâce au PRES Sorbonne Paris Cité, l’université de Paris XIII Villetaneuse fait maintenant partie de la communauté universitaire de Paris intra muros.

Nous avons promu, en même temps que l’autonomie, cette forte logique d’alliance. Je ne vois pas pourquoi l’autonomie éteindrait l’envie de se marier !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

M. David Assouline. Madame la ministre, vous noyez le poisson ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Vous semblez considérer que nous sommes opposés aux PRES, alors que nous avons fortement encouragé les logiques de convergence territoriale dans les nombreuses régions que nous gérons. Vous n’avez pas tout fait !

J’ai pointé un problème, mis en lumière par la Cour des comptes, s’agissant de l’harmonisation de l’autonomie des universités et de la nécessaire collaboration entre tous les acteurs d’un territoire.

Votre politique est un échec dans ce domaine. L’enseignement supérieur et la recherche devront absolument être revalorisés, comme nous le proposerons en 2012. En effet, notre pays ne peut se satisfaire d’un tel taux d’échec en premier cycle ! On ne peut pas prétendre, comme vous le faites, que tout va bien…

M. le président. Il faut conclure, monsieur Assouline !

M. David Assouline. La recherche, tant fondamentale qu’appliquée, doit être notre atout maître dans la compétition mondiale.

M. le président. Monsieur Assouline, concluez !

M. David Assouline. Nous consacrerons à cette ambition tous les moyens nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Madame le ministre, le Président de la République vous a confié l’une des réformes les plus importantes du quinquennat : celle de l’autonomie des universités. Cette réforme ambitieuse, vous l’avez menée avec succès puisque, au 1er janvier 2011, 90 % des universités françaises étaient devenues autonomes.

Pour accompagner cette réforme et permettre aux universités de réussir leur passage à l’autonomie, l’État a mis en œuvre d’importants moyens : les budgets des universités ont augmenté de 22 % en quatre ans, et ce en période de crise. C’est vous qui avez accompli cela, madame le ministre !

L’université française a ainsi retrouvé toute sa place dans la compétition mondiale de l’intelligence. Les universités sont devenues maîtresses de leurs projets pédagogiques et de leurs projets de recherche. Elles sont désormais des acteurs incontournables de nos territoires. L’autonomie est un acquis qui profite à tous.

Pourriez-vous nous indiquer, madame le ministre, quels sont les bénéfices concrets de l’autonomie pour les usagers de l’enseignement supérieur, à savoir les enseignants-chercheurs, les étudiants et les personnels ?