M. le président. L'amendement n° 232, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier du titre III du livre VI est complété par deux articles L. 631-4 et L. 631-5 ainsi rédigés :

« Art. L. 631-4. – Toute personne qui, au cours de l’année civile, a reçu des quantités d’hydrocarbures donnant lieu à contribution aux fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, conformément aux articles 1.3 et 10 de la Convention de 1992 portant création du Fonds et aux articles 1.7 et 10 du protocole de 2003 portant création du Fonds complémentaire, est soumise à contribution aux Fonds.

« Les contributions annuelles sont dues au plus tard au 31 décembre de l’année qui suit celle au cours de laquelle l’Assemblée a décidé de percevoir ces contributions.

« Art. L. 631-5. – Au vu du procès-verbal et des observations mentionnés au II de l’article L. 142-15, l’autorité administrative peut prendre une décision motivée ordonnant une astreinte par jour de retard, d’un montant déterminé par arrêté, proportionnel aux contributions dues, dans la limite maximale de 1 500 €. » ;

2° L’article L. 142-15 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est précédé de la mention : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – En cas de manquement à l’obligation prescrite par l’article L. 631-4, dans le délai prévu au deuxième alinéa, un procès-verbal de manquement est dressé par les agents assermentés désignés par le ministre chargé de l’énergie. Une copie de ce procès-verbal est remise à la personne physique ou morale qui en fait l’objet. Cette personne a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d’un mois, à compter de la communication dudit procès-verbal, sur les manquements relevés. La sanction susceptible d’être infligée est définie à l’article L. 631-5. » ;

3° L’article L. 142-17 est ainsi modifié :

a) Les mots : « l’astreinte » sont remplacés par les mots : « les astreintes » ;

b) Après la référence : « L. 631-3, », est insérée la référence : « L. 631-5, » ;

4° À la fin du premier alinéa de l’article L. 631-3, les mots : « à l’article L. 142-15 » sont remplacés par les mots : « au I de l’article L. 142-15 » ;

5° À l’article L. 611-1, la référence : « L. 631-3 » est remplacée par la référence : « L. 631-5 ».

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement se réfère à une convention internationale de 1992, qui créé les Fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ; il s’agit de pollutions maritimes.

D’après ce texte, les sociétés de stockage qui reçoivent les hydrocarbures doivent verser, État par État, des contributions dont les montants sont variables selon la gravité des catastrophes survenues sur les côtes de l’État concerné.

Il s’agit d’un mécanisme assez complexe. Selon les sources tout à fait sérieuses qui sont à l’origine de cet amendement, il semble que les arriérés de contribution représentent aujourd’hui un volume financier important, ce qui motive, de la part du secrétariat de l’organisation internationale, la demande faite aux États de renforcer, dans leur législation nationale, les mesures de sanction susceptibles de s’appliquer aux redevables de cette contribution qui ne feraient pas leur devoir ou ne le feraient pas dans les délais prévus.

Une telle situation, à la vérité, ne concerne pas directement la France, puisque, selon les mêmes sources, nous n’enregistrerions pas d’arriérés de contribution significatifs.

Toutefois, au vu de la convention internationale de 1992, le régime de sanction doit être homogène d’un État à l’autre et s’appliquer de manière générale parmi les États membres.

Il est donc proposé de modifier le code de l’énergie, en insérant deux articles prévoyant respectivement une obligation de verser les contributions annuelles au plus tard le 31 décembre et une sanction en cas de manquement, qui prend la forme d’une astreinte journalière. Il est également prévu une procédure d’enquête et de contrôle.

Je m’empresse d’ajouter que ces dispositions ne changent absolument rien au calcul des contributions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 7.

Articles additionnels après l'article 7
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2011
Article 7 ter (nouveau)

Article 7 bis (nouveau)

L’article 302 bis KI du code général des impôts est abrogé.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je m’exprimerai ici en ma qualité de présidente du groupe d’études « Médias et nouvelles technologies ».

Je rappelle que j’étais déjà intervenue, lors de la discussion de la loi de finances pour 2011, pour me prononcer contre l’instauration de la taxe sur l’achat des services de publicité proposée par la commission des finances.

Je m’étais également exprimée lors de la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire réunie sur le même texte, au terme de laquelle il a été décidé de reporter la mise en œuvre de cette taxe au 1er juillet 2011.

Et pour cause : sur ces entrefaites, on s’est rendu compte que cette taxe, abusivement appelée « taxe Google », serait en définitive contre-productive. Nos collègues députés en ont d’ailleurs voté la suppression.

En effet, si elle venait à être appliquée, la taxe serait due non par les acheteurs des prestations publicitaires, qui sont, pour les principaux d’entre eux, localisés hors de France –Google, Facebook ou Apple –, mais bien par les annonceurs. Elle n’atteindrait donc pas sa cible et serait aisément contournable par les grands groupes internationaux, qui localiseraient alors leurs bénéfices dans les États à fiscalité réduite.

Les premières entreprises touchées seraient les petites entreprises françaises de l’Internet, en particulier celles du commerce électronique, qui ont besoin de la publicité afin d’émerger comme de nouveaux acteurs dans un secteur très concurrentiel.

Je n’ai pas besoin de vous le rappeler, une étude vient d’être publiée sur le sujet. Ces entreprises représentent un très fort gisement de croissance et d’emplois. En quinze ans, ce sont 700 000 emplois qui ont été créés, et 450 000 autres sont prévus d’ici à 2015.

Le récent e-G8, qui s’est tenu à Paris, a souligné le rôle du secteur d’Internet comme vecteur de croissance, puisque Internet représente 3,2 % du PIB et 21 % de sa croissance.

Certes, le rapporteur général considère que cette taxe « a le mérite d’ouvrir le débat de la fiscalité dans les échanges immatériels en ligne ». Nous sommes favorables à ce débat, tout comme le sont les acteurs représentatifs de cette économie émergente. Le Conseil national du numérique a d’ailleurs évoqué quelques pistes.

Alors, taxer Google, oui ! Taxer la croissance, non ! Ce serait un très mauvais signal adressé aux acteurs économiques de l’Internet. Au moment même où David Cameron, au Royaume-Uni, vient d’annoncer un plan ambitieux pour attirer les entrepreneurs de l’Internet, et ce en dépit du contexte d’austérité budgétaire, ce serait une erreur économique et culturelle.

Mes chers collègues, c’est au niveau européen que doit être posé ce débat de la fiscalité applicable aux géants de l’Internet. Au lendemain de l’e-G8, et la mise en exergue de ses conclusions, il serait paradoxal de faire rater à notre pays le train de l’avenir.

Je suis donc défavorable à l’amendement qui va être présenté par la commission des finances. Mais je souhaite bien entendu que l’on continue de travailler sur ces questions afin de parvenir à appliquer le principe de neutralité technologique à la fiscalité.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je m’apprêtais à retirer mon amendement, et puis j’ai écouté Mme Catherine Morin-Desailly.

Je veux dire à notre collègue que tout le monde peut faire l’éloge d’Internet, mais, plutôt que de critiquer – ce en quoi la commission de la culture excelle –, il conviendrait sans doute de faire des propositions et d’avancer.

Il est très facile de crier haro sur le baudet, de reprocher à la commission des finances, selon un discours convenu, d’entraver le développement à la fois des jeunes entreprises dont dépendent la croissance et la prospérité de ce pays, la culture, la diffusion d’Internet, la liberté du monde… La commission des finances s’efforce simplement d’être constructive.

Mes chers collègues, pourquoi avons-nous pris cette initiative ? Parce que nous avons le sentiment qu’une grave injustice se fait jour dans notre société, dans notre économie.

M. Jean-Marc Todeschini. Une injustice de plus !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Quelle injustice ? Des multinationales, américaines pour la plupart, utilisent tous les moyens d’optimisation et d’arbitrage juridiques et fiscaux pour échapper au paiement de l’impôt dans les territoires où elles exercent leurs activités.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Alors, c’est une chose que de dire, lors de rencontres professionnelles organisées avec eux, toute la compassion que l’on éprouve pour les lobbies du secteur (Mouvements divers sur les travées du groupe socialiste) ; c’est autre chose que d’avancer, et il le faut, en l’occurrence.

Plusieurs contre-propositions ont été formulées ici et là, notamment au sein du Conseil de l’économie numérique. Elles ont le mérite d’être esquissées. En général, elles consistent à réclamer une concertation au niveau européen. Je veux bien, mais combien d’années seront nécessaires pour parvenir à une décision ? Une ? Deux ? Trois ? Cinq ? Dix ? Combien ?

Véritablement, il faut bien en prendre conscience, plus Internet se développera, plus la publicité en ligne gagnera du terrain sur la publicité traditionnelle, et plus les médias classiques, qu’il s’agisse de la presse ou de la télévision, seront évincés du marché publicitaire au bénéfice des réseaux et des sites. Nous le savons tous !

Que souhaite la commission des finances ? Elle souhaite introduire de la neutralité. La commission de la culture,…

Mme Catherine Morin-Desailly. Pas la commission de la culture : je suis intervenue au nom du groupe d’études « Médias et nouvelles technologies » !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … bien entendu, demandera toujours plus d’aides pour la presse et toujours plus de financements pour l’audiovisuel. Seulement, un jour, il faudra bien retrouver une certaine cohérence.

M. Serge Lagauche. Cessez donc de nous faire la leçon !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si la matière fiscale disparaît, s’il y a un effet d’éviction au bénéfice des sites en ligne et de la publicité sur des supports virtuels, alors, comment fera-t-on ? Où trouvera-t-on l’argent ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Chers collègues du groupe socialiste, plus tôt dans mon exposé, j’avais cru comprendre que vous faisiez vôtre la préoccupation que nous avons exprimée. (Rires sur les mêmes travées.)

Riez autant que voulez ! Contestez-vous la réalité du problème et la nécessité de rechercher des solutions ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Est-il possible de rechercher vraiment des solutions ?

M. Serge Lagauche. Que la commission des finances cesse de donner des leçons !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’entends ce qui est dit par les uns et par les autres. Si vous avez des solutions, proposez-les ! Ne politisez pas ce débat, cela n’a aucun sens ! Ne ramenez pas tout à de la politique politicienne ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Nous ne nous sommes pas encore exprimés !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est un sujet que l’on doit être capable d’aborder dans le souci de l’intérêt général !

M. le président. Monsieur le rapporteur général, dois-je considérer que votre propos vaut présentation de l’amendement de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, cet amendement est présenté et va être retiré pour les raisons que l’on sait. (Ah ! sur différentes travées.)

Pour autant, j’aimerais que le Gouvernement s’exprime sur le sujet. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je trouve tout de même très curieux de faire l’objet de quolibets…

M. Jean-Marc Todeschini. Nous n’oserions pas ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … alors que nous soulevons un réel problème qu’il faudra bien résoudre un jour.

M. Claude Bérit-Débat. Nous protestons sur la forme de votre propos, et le ton de l’expression !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La forme ? Justement ! N’est-ce pas le rôle d’une commission que de présenter des amendements ? L’initiative parlementaire vous choque-t-elle, chers collègues socialistes ? (Protestations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

On vous a pourtant assez entendus pleurer, lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, parce que vous craigniez que le monopole des lois de finances ne permette plus l’exercice de l’initiative parlementaire. J’en conclus que la conception que vous vous faites de l’initiative parlementaire est à géométrie variable : elle serait bonne quand elle viendrait d’un côté et ne le serait pas quand elle viendrait de l’autre…

Mais enfin, qu’est-ce que tout cela signifie ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Bricq. Vous vous faites du mal !

M. Jean-Marc Todeschini. Du calme, monsieur le rapporteur général !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais vous savez bien que ma colère est feinte ! (Sourires.)

Essayons de progresser dans le sens de l’intérêt général !

En tout cas, je le répète, je vais retirer cet amendement, dussé-je frustrer les collègues qui auraient souhaité s’exprimer à son sujet. Je compatis à leur peine ! (Sourires.)

Je serais heureux que ce dossier progresse et que le Gouvernement nous dise à quels moyens il compte recourir pour ce faire. Le débat que nous avons ouvert est tout à fait réel et nous ne pouvons accepter que se développent des activités en franchise d’impôt, fussent-elles liées à Internet.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Monsieur le président, j’accuse la gauche, dont le comportement altère la qualité de nos travaux (Rires et protestations amusées sur les travées du groupe socialiste),…

Mme Nicole Bricq. Nous ne nous sommes pas exprimés !

M. François Baroin, ministre. … d’avoir provoqué le rapporteur général sur un terrain qu’il a lui-même choisi lors de l’examen de la dernière loi de finances, à savoir celui d’Internet. (Sourires.)

M. Jean-Marc Todeschini. Le rapporteur général s’énerve tout seul ! (Nouveaux sourires.)

M. François Fortassin. C’est un excellent acteur !

Mme Nicole Bricq. Il ne faut pas qu’il retire son amendement ! Nous ne pourrons pas lui répondre…

M. François Baroin, ministre. Je veux lui rendre hommage, car, sous son impulsion, le Sénat a ouvert un débat utile sur l’assiette la plus pertinente qui permette à l’État de recueillir les fruits légitimes du développement d’une activité prospère.

J’accuse également la gauche de ne pas avoir trouvé l’argument pour prouver au rapporteur général que, si son idée était bonne, l’amendement manquait néanmoins sa cible.

En effet, et c’était toute la difficulté, la mesure qu’a fait adopter la commission des finances ne touchait finalement que les petits, épargnant ceux qui étaient initialement visés, à savoir les acteurs de l’économie globale, internationale, mondialisée, dont les activités ont connu un développement spectaculaire.

De ce fait, les recettes escomptées de cette taxe n’auraient pas été celles qui avaient été espérées.

Le Gouvernement, après avoir écouté un peu les parlementaires de gauche – je le dis avec malice, vous l’aurez compris –, et, dans une bien plus large mesure, les membres du Conseil national du numérique, acteur essentiel, s’est engagé à définir, dans un délai relativement court, les règles d’une taxation qui pourrait être reconnues par tous les pays, selon une assiette fiscale large.

À cet égard, sans attendre les résultats du G20, nous pouvons nous féliciter de la tenue du e-G8, réuni sur l’impulsion et sous l’autorité du Président de la République, et auquel ont pris part des acteurs majeurs du secteur. Celui-ci a fait évoluer les esprits et les mentalités et permis une prise de conscience collective sur cette problématique.

Nous prendrons des initiatives au niveau européen. Ainsi, l’ancien ministre Jacques Toubon a été mandaté pour envisager avec la Commission européenne les actions que pourrait engager l’Europe à l’échelle européenne s’agissant du livre numérique – je crois savoir qu’un consensus s’est dégagé au sein de la Haute Assemblée.

Moi-même, au cours du mois de juillet, je représenterai le gouvernement français à une réunion organisée à Bruxelles et consacrée à la double problématique du livre numérique et de cette taxe abusivement appelée « taxe Google ». Nous devrons définir les modalités d’une taxation reposant sur une assiette large nous permettant de tirer des recettes de cette activité en développement.

De tout cela, monsieur le rapporteur général, je voulais vous remercier, comme je vous remercie également d’avoir accepté de retirer l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, cette question est sans doute l’une des plus graves qui soient sur le plan fiscal. Nous mesurons les conséquences de la globalisation et de l’usage d’Internet.

Vous allez tenter de convaincre vos collègues européens de progresser dans cette voie, dites-vous. Je vous souhaite bien du courage, parce que, sur le plan fiscal, l’Europe, c’est le zéro absolu ! Seule la Cour de justice de l’Union européenne fait évoluer la fiscalité européenne.

Lorsqu’il s’agit de réglementer le calibrage des pommes ou de produire une directive sur le permis de conduire des véhicules transportant des animaux vivants (Sourires), un consensus se dégage ; en revanche, quand il s’agit de régulation financière ou de fiscalité, rien ne se fait !

Peut-être en contrepartie de son accord sur le taux réduit de TVA à 5,5 % dans la restauration, on a concédé au Luxembourg la possibilité de conserver un régime fiscal dérogatoire en ce qui concerne le « e-business » et les activités immatérielles.

Vous avez évoqué le livre numérique, monsieur le ministre. L’Europe considère cette activité comme une prestation de services ; par conséquent, elle doit être assujettie, dans notre pays, à un taux de TVA de 19,6 %. Le Luxembourg, pour sa part, applique un taux normal de 15 %. Par conséquent, tous les diffuseurs s’établiront dans ce pays, lequel, par dérogation, sera autorisé à conserver le produit de la TVA issu de cette activité, alors même que les lecteurs sont en France. C’est réellement problématique.

Je sais gré au rapporteur général d’avoir annoncé le retrait de l’amendement de la commission des finances, amendement de provocation…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … n’ayant d’autre finalité que de mettre l’accent sur la situation périlleuse dans laquelle nous sommes : mes chers collègues, c’est notre matière fiscale qui s’évapore !

Voilà six semaines, une audition publique – nos collègues de la commission de la culture étaient présents – a été organisée, réunissant notamment des représentants de la société Google. À cette occasion, il a été clairement démontré que cette société avait monté une opération qui, tout en étant sans doute légale, n’en est pas moins véritablement scandaleuse : Google ne paie aucun impôt là où il fait du bénéfice !

Cette taxe sur la publicité se trompait de cible, car elle ne touchait pas les acteurs du business to business, comme l’on dit. L’annonceur pouvant facilement domicilier son activité hors du territoire national et échapper ainsi à cette taxe, oui, nous manquions notre cible.

Il faut revoir la copie. C’est l’un des dossiers les plus importants du moment, monsieur le ministre. Nous appelons votre attention, car les rôles se distribuent rapidement.

Pour vous en convaincre, demandez-vous pourquoi l’ensemble des grands opérateurs américains de prestations immatérielles se concentrent au Luxembourg. C’est parce que le Luxembourg peut se payer le luxe d’avoir un taux normal de TVA à 15 %, et il garde le produit perçu !

On l’a dit souvent : président de l’Eurogroupe, M. Juncker nous rappelle, et vous rappelle, monsieur le ministre, à l’obligation d’équilibrer les comptes publics ; mais c’est le même qui vous fait les poches tous les matins ! (Sourires.)

Tâchons donc de nous tirer de cette difficulté particulièrement grave, et de nature à compromettre la trajectoire de retour à l’équilibre de nos finances publiques.

Monsieur le président, l’amendement n° 8 est maintenant retiré.

M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l'article.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’avais pas l’intention de prendre la parole à ce moment de notre discussion, mais le débat qui s’est engagé sur l’article 7 bis me conduit à réagir.

Ce débat passionné, mais aussi passionnant, porte sur un sujet de fond, qui intéresse plusieurs commissions.

Pour ma part, je suis solidaire de la position exprimée par le rapporteur général de la commission des finances,…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Merci, mon cher collègue !

M. Marc Laménie. … car je mesure ici les limites du virtuel.

D’une certaine manière, je suis d’accord avec ce qui a été dit sur l’incidence financière de la mesure envisagée, de même qu’avec l’intervention de M. le ministre.

Je souhaite toutefois que la situation puisse évoluer de manière positive. Je crois en effet, comme l’ont dit un certain nombre de mes collègues, qu’il faut toujours rester attaché aux valeurs humaines ; car Internet a ses limites, et ne saurait remplacer une véritable communication entre des personnes.

Dans certains départements, comme celui des Ardennes que je représente, certains secteurs sont en outre très mal couverts par le haut débit. La couverture de notre territoire est particulièrement imparfaite dans les zones rurales, aussi.

Les opérateurs avaient pourtant pris des engagements. Mais, parce qu’ils ne les ont pas toujours tenus, c’est souvent aux collectivités territoriales qu’il appartient d’intervenir pour le financement. Il s’agit, là encore, d’une limite au rôle d’Internet.

Si donc, par solidarité, je vote l’article, je souhaite que le débat engagé par le rapporteur général provoque certaines évolutions, et permette d’améliorer la situation. Il importe en particulier de faire preuve de réalisme et de garder à l’esprit que le virtuel a ses limites.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je souhaite rappeler très brièvement à M. le rapporteur général que, comme j’avais pris soin de le préciser au début de mon intervention, je me suis exprimée non pas en tant que membre de la commission de la culture, mais en tant que présidente du groupe d’études « Médias et nouvelles technologies. »

Celui-ci rassemble des sénateurs de différents horizons, dont certains appartiennent à la commission de l’économie. Certains de ses membres, qui auraient pu intervenir, ne l’ont pas fait, mais le point de vue que j’ai exprimé est partagé par une grande partie d’entre eux.

Revenons donc au calme. Il s’agit pour nous non de pousser à la dépense, mais de réagir, comme il est normal, sur une question qui intéresse particulièrement notre groupe d’études.

Celui-ci poursuivra sa réflexion ; je prends l’engagement qu’il le fera en concertation avec la commission des finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Merci beaucoup !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Je constate que le Gouvernement n’a pas lui-même pris l’initiative d’abroger l’article 302 bis KI du code général des impôts…

Pour quelle raison ? Parce qu’il reconnaît, comme nous, que le dispositif que nous avons voté n’est pas extraordinaire, et qu’il faut attendre les conclusions du groupe d’études présidé par Mme Morin-Desailly pour identifier une base fiscale solide.

Je ne comprends pas, en revanche, la position prise par nos collègues députés lorsqu’ils ont voté, avec l’article 7 bis, la mort de l’article 302 bis KI du code général des impôts.

Je trouve en effet que c’est déshonorer le Parlement que de proposer l’abrogation d’une disposition seulement six mois après l’avoir votée, et alors que l’on est incapable de trouver une formule différente !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. Jean-Pierre Fourcade. Aussi, pour que les valeurs qui font le Parlement subsistent, je voterai contre l’article 7 bis !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, en quelques mots, vous dire mon étonnement devant la réaction violente du rapporteur général.

Les propos de ma collègue Catherine Morin-Desailly ne comportaient aucune provocation. Il n’y en a pas davantage dans le fait de considérer que cette taxe, comme l’a souligné le président de la commission des finances, était mal ciblée.

Le rapporteur général a rappelé que, dans le domaine d’Internet, certaines entreprises américaines réalisaient aujourd’hui des profits considérables sans payer de taxes. C’est une évidence, et nous nous accordons tous à reconnaître, avec le président de la commission des finances, que cette situation est scandaleuse.

Reste que ce problème n’était en rien résolu par la taxe sur la publicité en ligne : les entreprises ciblées n’étant pas localisées en France, elles ne peuvent être soumises à aucune taxe…

De la sorte, cela conduisait à taxer des acteurs qui ne sont en rien responsables de la situation que nous dénonçons.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Faites donc une autre proposition, si vous le pouvez !

M. Hervé Maurey. Taxer des sociétés comme Google ou Facebook est possible uniquement dans un cadre européen.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Dans combien d’années ?

M. Hervé Maurey. On peut seulement regretter, comme le rapporteur général dans son rapport écrit, que le Gouvernement, contrairement à ce qu’il avait promis lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, n’ait pas fait progresser cette idée au niveau européen. Il est nécessaire de le faire, comme le Gouvernement en avait pris l’engagement.

Taxer les entreprises qui recourent à la publicité sur Internet, c’est prendre le risque de les voir se délocaliser, et leur départ réduire à néant les modestes recettes que la taxe aura produites…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Aucune société ne se délocalise pour si peu !

M. Hervé Maurey. C’est pourquoi je considère que cet amendement était tout à fait malvenu.

Je me félicite donc que le rapporteur général, dans sa sagesse proverbiale, ait accepté de le retirer.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.