Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il ne s’agissait pas de dérogations !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Heureusement, le Conseil constitutionnel a censuré l’article en question !

Aujourd’hui, vous récidivez. Vous étendez même ces mesures de substitution à l’accessibilité dans les résidences saisonnières ou temporaires ! Vous affaiblissez la loi de 2005 ; c’est inacceptable pour les personnes à mobilité réduite. On se demande vraiment si vous avez la volonté de faciliter la vie des personnes handicapées !

M. Éric Doligé. Oh la la !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Pourtant, dans son discours de clôture de la conférence nationale du handicap, Nicolas Sarkozy a demandé avec force au FIPHFP le déblocage de 150 millions d’euros pour rendre accessibles les écoles de la fonction publique et aménager les postes de travailleurs handicapés dans les petites communes.

Ce discours a été accueilli avec des réserves – on a parlé d’« affichage » et d’« effet d’annonce » –, car les 150 millions d’euros étaient déjà budgétés par les actions du FIPHFP. Aucun fonds supplémentaire ne va intervenir !

Notre Président n’a vraiment peur de rien ! Lors de cette journée, il déclarait : « C’est pourquoi l’accessibilité est un domaine primordial, sur lequel nous devons faire porter tous nos efforts. […] Dois-je rappeler que notre horizon est 2015 ? » – vous l’avez d’ailleurs rappelé, madame la ministre – « Je ne céderai pas sur cette échéance. Ce serait une étrange façon de gouverner que de se fixer un objectif ambitieux, puis de reculer l’exigence au fur et à mesure qu’on s’en approche ! » Mais de qui se moque-t-on ?

Le Président de la République a même insisté en affirmant que l’effort ne se relâcherait pas, précisant par ailleurs que 10 000 nouveaux enfants handicapés rejoignent à chaque rentrée scolaire les rangs de l’école, ce qui est au demeurant exact. Il a annoncé le recrutement d’auxiliaires de vie scolaire « plus nombreux, mieux formés, mieux payés et disposant de véritables perspectives de carrière » à la rentrée de septembre !

Or les associations se battent depuis plus de huit ans pour faire reconnaître le métier d’auxiliaire de vie scolaire, afin de garantir aux jeunes handicapés l’accès à une scolarisation de qualité.

M. Paul Blanc, rapporteur. C’est ce que nous faisons !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Sur le plan parlementaire, depuis 2003, 116 questions au Gouvernement ont été posées au Sénat et 540 à l’Assemblée nationale sur la situation des AVS sans obtenir de réponse satisfaisante.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous en obtenez une aujourd'hui !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Rappelons que les AVS étaient recrutés au niveau du bac avec des contrats de deux ans renouvelables au minimum. Ils étaient formés et assuraient, ainsi, un accompagnement scolaire adapté aux jeunes. Aujourd’hui, ces contrats sont remplacés par des contrats de six mois pour les EVS qui sont recrutés sans qualification et ne bénéficient d’aucune formation et d’aucun encadrement. De plus, leurs contrats peuvent s’arrêter en plein milieu de l’année scolaire ! Les enfants handicapés se retrouvent ainsi privés d’auxiliaires de vie scolaire pendant plusieurs semaines.

Le problème récurrent de précarisation et de déqualification des accompagnants à la vie scolaire a entraîné ces dernières années des recours importants devant le tribunal administratif. Dans mon département, douze recours ont été déposés l’année dernière et dix cette année.

Encore une fois, nous constatons que l’État est en train de se désengager sur le plan des AVS comme il le fait pour l’accessibilité, et ce malgré les déclarations tonitruantes du Président de la République.

M. Guy Fischer. C’est très vrai !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. N’exagérez pas !

M. Paul Blanc, rapporteur. Plus c’est gros, plus ça passe…

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. D’ailleurs, vous avez rejeté en première lecture, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, nos amendements sur l’accompagnement scolaire des enfants handicapés.

Le décalage entre les déclarations de M. Sarkozy et les moyens mis en œuvre sur le terrain signe, effectivement, un désintérêt certain du Gouvernement à l’égard de la politique du handicap et constitue une remise en cause permanente de la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Compte tenu de ces éléments et malgré l’intérêt du titre Ier, fidèle aux préconisations que nous avions faites avec Paul Blanc dans notre rapport sur les MDPH, je voterai, comme mon groupe, contre cette proposition de loi.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous êtes incorrigibles !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous ne pouvons absolument pas accepter la remise en cause de l’accessibilité prévue par les articles 14 bis et 14 ter, et la non prise en compte de la situation des AVS.

Monsieur le rapporteur, je suis au regret de ne pouvoir voter ce texte avec vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Paul Blanc, rapporteur. J’ai l’habitude, vous avez déjà voté contre le texte de 2005 !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà un an ou presque que le texte que nous examinons aujourd'hui a été soumis en première lecture à la Haute Assemblée.

Un an, au cas particulier, c’est long, quand on sait que ce texte visait un double objectif : faciliter l’ensemble des démarches auxquelles sont soumises les personnes handicapées ou leur famille et améliorer l’ensemble du dispositif relatif à la politique du handicap. Deux domaines qui, me semble-t-il, méritaient une célérité particulière pour améliorer le confort, au sens large du terme, d’une population qui a droit à toute notre attention et optimiser le fonctionnement du guichet unique que sont les maisons départementales des personnes handicapées, soumises à une politique de coproduction aujourd'hui encore trop complexe.

Au terme des débats des deux assemblées, je veux bien oublier le poids des délais auxquels nous avons été contraints pour me féliciter, avec les membres du groupe du RDSE auquel j’appartiens, des dispositions retenues.

Fort opportunément, le législateur a entendu les difficultés auxquelles sont quotidiennement confrontées les personnes handicapées : accès facilité aux MDPH avec un assouplissement des modalités d’accueil ; prise en compte de la notion de proximité pour rapprocher la personne handicapée des lieux et modalités de décision, au regard de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ; reconnaissance automatique de la qualité de travailleur handicapé aux jeunes disposant d’une convention de stage ; accessibilité généralisée dans les bâtiments neufs, mais selon des règles moins contraignantes et plus réalistes en cas d’impossibilité technique ou pour les logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière.

En ce qui concerne cette dernière mesure, nous aurions pu craindre qu’elle ne vidât les dispositions de la loi de 2005 de leur contenu. En réalité, il s’agit d’une mesure pragmatique et de simple bon sens.

M. Paul Blanc, rapporteur. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. Ont été également prises en compte les difficultés nées du rapprochement de différents acteurs, qui, en fusionnant au sein du GIP-MDPH, ne réglaient pas un certain nombre de problèmes statutaires et organisationnels. Il fallait donner à la nouvelle entité MDPH à la fois plus de souplesse et une meilleure vision stratégique.

La souplesse est venue des aménagements statutaires : durée et renouvellement des détachements, modalités de remboursement des mises à disposition, formation commune au sein du CNFPT pour l’ensemble des personnels, quels que soient leurs statuts.

Une meilleure vision stratégique a été apportée via des contrats d’objectifs et de moyens ainsi que des plans régionaux pour l’insertion des travailleurs handicapés, deux dispositifs qui valent engagement des acteurs cosignataires et devraient assurer aux MDPH, à défaut d’un financement stable, du moins un financement connu d’avance leur permettant d’élaborer une véritable politique locale.

Il n’en reste pas moins qu’il revient à l’État d’être pleinement garant de la bonne application des lois sur le handicap, le fédérateur entre acteurs locaux n’ayant pas toujours des objectifs partagés : sécurité sociale, Pôle emploi, associations d’aide à la personne.

Je ne manquerai pas, néanmoins, de regretter sur ce point que l’on n’ait pas pu maintenir le principe, adopté en première lecture, de l’intégration de la prise en charge de l’aide ménagère dans la prestation de compensation du handicap.

Enfin, la proposition de loi rappelle l’obligation faite aux entreprises et aux administrations d’accueillir un pourcentage encore aujourd'hui non atteint de personnes handicapées sur des postes de travail conséquemment aménagés. La possibilité donnée jusque-là aux entreprises dites « à quota zéro » de s’exonérer d’une sur-contribution a été heureusement révisée.

Au total, et sans vouloir entrer plus avant dans le détail de cette proposition de loi, je relève combien chacun, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, a cherché à trouver un véritable équilibre indispensable pour protéger celles et ceux qui ont les plus lourds besoins

Il n’en reste pas moins vrai – mais ce texte était-il le bon véhicule ? – que deux problèmes majeurs se posent concernant le handicap ou du moins deux catégories de personnes dites « handicapées ». Je veux parler des autistes, d’une part, et des personnes âgées, d’autre part.

S’agissant des autistes, nous manquons singulièrement de dispositifs adaptés pour faciliter leur prise en charge, et les familles d’enfants et d’adolescents autistes se sentent littéralement abandonnées !

M. Guy Fischer. Tout à fait !

Mme Anne-Marie Escoffier. Quelles structures, quels moyens, quels équipements, quels accompagnements sont-ils prévus ?

Autant certaines formes de handicap ont été clairement identifiées et traitées, autant l’autisme reste un monde impénétrable, pas seulement au regard de la personne autiste, mais aussi au regard des personnes, des services publics, de l’État qui devraient les accompagner.

S’agissant des personnes âgées, je ne peux me résoudre à les placer dans la « case » des personnes handicapées. Quel sens peut avoir un schéma global du handicap et des personnes âgées ? Être âgé n’est pas forcément un handicap, ce peut être une richesse et c’est une richesse, tout du moins jusqu’à ce que la maladie ou une fragilité particulière vienne amenuiser les capacités de nos aînés. Un plan particulier mériterait, à l’évidence, d’être élaboré pour prendre en compte dans sa juste mesure la notion de vieillissement.

Le vieillissement des personnes handicapées est un tout autre sujet. Je reste toujours en attente d’un schéma du handicap qui accompagnerait tout au long de sa vie un enfant, un adolescent, un adulte, en lui évitant les ruptures si difficiles à vivre à chaque tranche institutionnelle d’âge, tant pour lui-même que pour ses proches.

M. Guy Fischer. C’est un problème majeur !

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, j’espère que les deux vœux que je formule aujourd'hui seront pris en compte dans de bons délais afin que soit opportunément complété le dispositif présenté ce soir, dispositif en faveur duquel je voterai, comme l’ensemble des membres du RDSE. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée il y a plus d’un an par notre collègue Paul Blanc appelle aujourd’hui de notre part deux réactions très différentes l’une de l’autre, selon que l’on considère la première partie du texte, consacrée à l’organisation des maisons départementales des personnes handicapées, ou sa seconde partie, relative à la politique du handicap.

En effet, nous estimons que les propositions formulées sur les MDPH vont dans le bon sens. Les principales difficultés auxquelles elles sont confrontées sont connues de tous : ce sont d’abord et avant tout des problèmes financiers et de personnels, liés notamment à la durée des contrats de mise à disposition.

L’examen de la proposition de loi aura donc été l’occasion d’établir un diagnostic commun et d’apporter des correctifs. Ceux-ci ne sauraient être efficaces qu’à la condition sine qua non que le Gouvernement respecte dans la durée les engagements auxquels il aura consenti au travers des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.

De la même manière, nous saluons l’effort qui est fait quant à la formation des professionnels intervenant au sein des MDPH. Les personnes en situation de handicap et les associations qui les représentent font régulièrement état d’un accueil insatisfaisant : les projets personnalisés des personnes en situation de handicap sont souvent réduits à une simple dimension médiale ou administrative. Le fait que, demain, tous les acteurs des MDPH puissent bénéficier de formations spécifiques est de nature à permettre l’émergence d’une culture commune rappelant – c’est notre souhait – que les missions des MDPH résident dans une approche globale de nos concitoyens faisant appel à ces structures.

Notre constat est autrement plus critique en ce qui concerne la seconde partie du texte.

Nous regrettons que l’article 13 de la proposition de loi, concernant la compensation du handicap, ait été supprimé. Contrairement aux engagements pris à l’occasion des débats sur la loi du 11 février 2005, la prestation de compensation du handicap ne couvre pas la totalité des frais liés aux dépenses d’aide à l’autonomie. Cela résulte à la fois de critères d’éligibilité trop restrictifs et de l’instauration de tarifs plafonds. Le fonds départemental de compensation, qui devait compléter la prestation de compensation du handicap, ne joue pas pleinement son rôle en raison de l’exclusion de certaines dépenses ou de certains bénéficiaires – je pense à ceux percevant encore l’allocation compensatrice pour tierce personne.

M. Guy Fischer. Il fallait limiter les dépenses !

Mme Isabelle Pasquet. Tout cela a pour effet de faire supporter aux personnes en situation de handicap et à leurs proches d’importants « restes à charge ».

Par ailleurs, le moins que l’on puisse dire c’est que la proposition de loi est déjà dépassée au regard de la deuxième conférence nationale du handicap. Celle-ci a été marquée par l’expression de la volonté d’aboutir à une société plus juste, plus solidaire et qui permettrait à chacune et à chacun de trouver sa place.

À cet égard, nous ne pouvons que dénoncer deux mesures de ce texte qui prévoient d’apporter des dérogations aux principes d’accessibilité pour tous, principes définis dans la loi de 2005.

Vous avez beau dire qu’il ne s’agit pas de dérogations, mais de substitutions, les faits sont têtus. Au final, les personnes en situation de handicap les subiront comme autant de mesures les reléguant au rang de citoyens de seconde zone.

Je ne prendrais qu’un exemple. Interrogeant M. Paul Blanc sur ce que pourrait être une mesure de substitution, il m’a répondu – il me dira si je me trompe – que, dans les logements neufs, toutes les salles de bains ou les cabinets de toilette pourraient ne pas être aux normes d’accessibilité, mais que l’architecture intérieure permettra, en cassant un placard adossé à cet effet, d’agrandir la pièce afin qu’une personne en situation de handicap puisse y accéder.

M. Paul Blanc, rapporteur. C’est l’adaptabilité !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout à fait !

Mme Isabelle Pasquet. Mes chers collègues, cela ne nous satisfait pas, et ce pour deux raisons.

Cette mesure, dite de « substitution »,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n’est pas une mesure de substitution !

Mme Isabelle Pasquet. … présente l’inconvénient majeur de priver les personnes en situation de handicap de la possibilité de se rendre chez des amis et de mener une vie sociale. C’est pourtant ce que nous souhaitons tous pouvoir faire ici !

Le fait que les nouveaux logements ne soient pas conçus dès leur réalisation pour être accessibles à tous conduit à priver celles et ceux qui souffrent de handicaps des plaisirs simples de la vie, comme aller dîner chez des amis, au seul motif que les couloirs ou les toilettes ne seraient pas adaptés.

Lors de son discours concluant la deuxième conférence nationale du handicap, le Président de la République a affirmé que le fait de pouvoir côtoyer des personnes handicapées était une chance. Dommage que sa majorité adopte aujourd’hui des articles qui auront pour conséquence de reléguer chez eux des personnes en situation de handicap, qui ne demandent rien d’autre que d’être considérées comme de simples citoyens.

Les pressions économiques exercées par les entrepreneurs ou les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics ne sauraient être plus importantes que la condition que nous faisons à une partie de nos concitoyens.

Notre droit interdit les discriminations et sanctionne celles et ceux qui s’y livrent. Or les mesures qui nous sont proposées conduiront à légaliser de telles pratiques. Plus grave encore : elles donneront quitus à ceux qui seront tentés, notamment sous prétexte de simplifier les normes, de renoncer à l’idéal émancipateur de l’accessibilité pour tous.

Notre profond mécontentement a une seconde raison. Elle repose sur l’avis de celles et ceux qui, soucieux de faire avancer la société de demain, travaillent aujourd’hui dans la perspective d’une conception universelle de l’architecture : ils considèrent que les mesures de substitution n’ont pas de sens.

Nous débattrons bientôt de la perte d’autonomie. Le vieillissement de la population et l’aspiration légitime des personnes vieillissantes à vivre le plus longtemps possible à leur domicile nous imposent d’être imaginatifs dès à présent : de cette façon, les espaces publics comme privés pourront être adaptés aux situations qui se présenteront demain. Pour cela, il est nécessaire de s’engager dans la voie que les associations préconisent, celle du « design pour tous ».

Comme je l’ai expliqué au cours de la première lecture, le fait d’élargir les couloirs, les toilettes et les salles de bains, comme celui d’installer des barres d’appui ou des rampes, permet non seulement de faciliter la vie des personnes en situation de handicap, mais aussi celles des personnes âgées et des parents qui déplacent une poussette. Faire avancer la politique du handicap, c’est faire avancer la société tout entière !

Sur ce sujet, la France a d’ailleurs ratifié une convention internationale ; les sénateurs du groupe CRC-SPG souhaitent que notre pays honore ses engagements.

Je veux enfin aborder la question de l’emploi. Elle est primordiale. Or si certaines mesures que cette proposition de loi comporte vont dans le bon sens, elles ne sont pas de nature à améliorer de manière significative la condition des personnes en situation de handicap, dont le taux de chômage est largement supérieur à celui du reste de la population.

Alors que l’Assemblée nationale finissait à peine l’examen de la proposition de loi déposée par Paul Blanc, et par conséquent avant même que le Sénat en ait été saisi en deuxième lecture, votre majorité a adopté, dans le cadre de la discussion d’une proposition de loi relative à l’alternance, une disposition qui modifie les conditions d’imputabilité d’un salarié en situation de handicap au regard de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Désormais, les entreprises bénéficiant de la mise à disposition du salarié d’un groupement pourraient, dès lors que celui-ci est en situation de handicap, et alors même qu’elles n’en sont pas l’employeur, être dispensées de leurs obligations légales.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous refusons que notre pays perde de vue les objectifs que nous nous sommes collectivement fixés en 2005, le groupe CRC-SPG votera contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quel dommage ! Oui, vraiment quel dommage que l’excellent travail de nos collègues Paul Blanc et Annie Jarraud-Vergnolle, coauteurs du rapport d’information Les maisons départementales des personnes handicapées sur la bonne voie : premier bilan, quatre ans après la loi du 11 février 2005, que concrétise cette proposition de loi, soit définitivement entaché d’une disposition contredisant totalement le fond et l’esprit de la loi de 2005 ainsi que la démarche pragmatique et constructive dans laquelle le présent texte s’était élaboré.

L’article 14 bis, tout un chacun l’aura identifié, adopté conforme et qui n’est donc même plus en débat, a soulevé la colère des associations représentatives des personnes handicapées. Du coup, cela a amoindri la portée des avancées réelles des autres dispositions que nous avions soutenues lors de la première lecture. Je le regrette d’autant plus sincèrement que les deux problèmes majeurs auxquels les MDPH sont confrontées, l’instabilité des personnels et les incertitudes financières, commençaient à trouver une voie de règlement possible ; sans doute n’était-elle pas la meilleure, mais nous en étions d’accord, sous réserve que soit préalablement résolue la question, que le Gouvernement se refuse toujours à affronter, de l’abondement national de la prestation de compensation du handicap.

En deuxième comme en première lecture, nous approuvons les dispositions relatives au statut des maisons départementales des personnes handicapées, confirmées et stabilisées sous la forme de groupements d’intérêt public.

De la même façon, nous approuvons les dispositions relatives au statut de leurs personnels, en dépit d’une hésitation qui conforte finalement les emplois mis à disposition dans la durée, pour cinq ans au lieu de trois, assortis, à la suite d’une initiative pour une fois bienvenue du Gouvernement, d’un préavis allongé de trois à six mois.

Enfin, pour m’en tenir à l’essentiel, nous continuons d’approuver les dispositions relatives à l’emploi ainsi que celles relatives à la restructuration, sous l’autorité de l’État, des organismes de gestion et de placement.

Pour ce qui concerne le financement, l’article 5 de la proposition de loi recueille globalement notre accord, dans la mesure où il resserre le cadre juridique d’engagement de l’État en adossant à la convention constitutive une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens qui précisera le montant de la subvention de fonctionnement allouée et le nombre d’équivalents temps plein couverts ; en outre, cette CPOM sera elle-même assortie d’un avenant financier annuel.

Depuis l’ouverture de ce débat – il y a un an et quatre jours… –, et même si la pression d’un contentieux s’est malheureusement révélée nécessaire pour amener le Gouvernement à respecter ses engagements, les circulaires et l’instruction ministérielles du 8 avril 2011 ont enfin ouvert les crédits indispensables au fonctionnement des MDPH, soit 4,26 millions d’euros pour 2010, 47,15 millions d’euros pour 2011 en loi de finances et 17,9 millions d’euros en loi de finances rectificative pour le remboursement de la dette contractée sur la période 2006-2009. De plus, pour une meilleure lisibilité, les sommes allouées au financement des MDPH, précédemment réparties au sein de trois programmes distincts, ont été regroupées dans le seul programme « Handicap et dépendance ».

Avec ces mesures financières, cette proposition de loi marquait une progression et manifestait la volonté, forcée pour les uns, spontanée pour les autres, d’améliorer de façon concrète le formidable service de proximité que constitue aujourd’hui le réseau des maisons départementales des personnes handicapées. Il est d’autant plus regrettable que ces avancées soient « gagées » par l’abandon du principe d’accessibilité au surplus maquillé de la manière pour ainsi dire la plus « malhonnête » !

Je parle bien de « gage », car la petite brèche ouverte à cet endroit, que vous vous évertuez non sans hypocrisie à présenter comme une substitution – or si toute dérogation n’est pas forcément une substitution, toute substitution est nécessairement une dérogation –, suffira à emporter la digue.

J’en veux pour seule preuve que l’adoption de l’article 14 bis par la majorité sénatoriale a donné le signal à nos collègues députés qui se sont alors empressés de multiplier les demandes de dérogation, arguant pour chaque secteur de spécificités et de particulières contraintes, qui pour l’hôtellerie indépendante, qui pour les centres de vacances, qui pour les résidences de tourisme… Au point que Mme Bérengère Poletti, estimant les bornes dépassées, a solennellement mis en garde ses collègues : trop, c’est trop ! Il est impensable de revenir en arrière. Vous allez perdre la fierté de ce qui a été fait pour les personnes handicapées.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Yves Daudigny. Cette position était forte, claire, courageuse et conforme à l’intérêt général.

Un dernier mot sur ce point, madame la ministre. Comme vous l’avez fait encore le 8 juin dernier lors de la conférence nationale du handicap, vous affirmez tenir malgré tout pour intangible le principe d’accessibilité inscrit dans la loi du 11 février 2005. Vous le qualifiez de « principe irréfragable ». « Irréfragable » signifie : qui ne souffre aucune preuve contraire. « Intangible » signifie : qui ne peut pas être modifié.

Pour défendre des dispositions qui signent clairement le renoncement à un principe fondamental, assurément très ambitieux mais indispensable à la réalisation effective du droit pour tous à une vie digne, il aurait été moins choquant que vous vous prévaliez, par exemple, des conclusions du rapport Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales.

J’ai souvenir, madame la ministre, de vous avoir déjà demandé à plusieurs reprises, dans cet hémicycle : « Quand direz-vous la vérité aux Françaises et aux Français ? » De toute évidence, ce n’est pas encore aujourd’hui…

Vous-même, monsieur le rapporteur, avez affirmé que cette proposition de loi répondait à des problèmes pratiques qu’il appartient au législateur de résoudre ; telle est la tâche que vous vous étiez assignée.

Mais le renoncement au principe d’accessibilité, que vous défendez en même temps, ouvre la boîte de Pandore au fond de laquelle se trouvent aussi l’article 13 de la loi du 11 février 2005 et l’exclusion annoncée des personnes handicapées de la future réforme de la prise en charge de la dépendance.

Et ce principe de convergence, inscrit dans la loi et que les maisons communes de l’autonomie devaient incarner, pose également la question de la structuration de l’offre d’accueil et d’hébergement ainsi que celle de son financement.

À cet égard, j’aurai l’occasion de vous parler à nouveau des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, ou MAIA, brusquement généralisées – c’est certainement une bonne décision –, et adossées sur les fonds issus de la contribution solidarité autonomie perçue par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – c’est certainement une moins bonne décision –, au détriment du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap.