Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer et sécuriser l'exercice du droit de préemption
 

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Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.

Je rappelle au Sénat que la liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat, Jean-Pierre Vial, Bernard Frimat, Richard Tuheiava, Yves Détraigne et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Suppléants : M. Laurent Béteille, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Dominique de Legge, Jean-Claude Peyronnet, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle et M. François Zocchetto.

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Dossier législatif : proposition de loi relative aux certificats d'obtention végétale
Discussion générale (suite)

Certificats d'obtention végétale

Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux certificats d'obtention végétale
Organisation de la discussion des articles

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale (proposition de loi n° 720 [2009-2010], texte de la commission n° 619, rapport n° 618).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Demuynck, auteur de la proposition de loi.

M. Christian Demuynck, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, en premier lieu, remercier le président du Sénat, Gérard Larcher, ainsi que le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Paul Emorine, d’avoir activement contribué à faire inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre assemblée.

Permettez-moi, en second lieu, de saluer notre collègue rapporteur Rémy Pointereau, qui a considérablement amélioré la rédaction du texte proposé. Je tiens tout particulièrement à souligner son engagement, ainsi que le travail qu’il a réalisé au sein de la commission.

En 2050, notre planète comptera près de 10 milliards d’habitants. Derrière ce chiffre impressionnant se présente une série de défis que l’homme va devoir relever. Parmi ceux-ci, nourrir la population mondiale est, nous en sommes tous conscients, l’enjeu capital, crucial, même, d’autant que les contraintes sont déjà nombreuses avec « seulement », si je puis dire, 6 milliards d’êtres humains.

Les difficultés climatiques – sécheresses ou pluies diluviennes – contribuent à la spéculation sur les produits agricoles. Par ailleurs, le développement de l’urbanisation réduit chaque jour les surfaces agricoles, et des États se meurent de ne pouvoir accéder à certaines matières premières à des prix raisonnables.

Ces contraintes ont entraîné l’absence de sécurités alimentaires, et certains pays ont dû faire face à des « guerres du pain ».

Dans l’état actuel des choses, la pénurie de blé viendra avant celle du pétrole.

Je sais, monsieur le ministre, que le Gouvernement partage ces préoccupations ; il s’est d’ailleurs fortement engagé en faveur du redéveloppement des productions agricoles.

La semaine dernière, à l’occasion du G20 agricole, le Président de la République a déclaré : « Pour produire plus et mieux, nous devons réinvestir dans l’agriculture. [...] Nous devons également encourager la recherche et l’innovation, par des programmes de coopération internationale. »

Vous-même, monsieur le ministre, avez inscrit l’importance du développement des outils de la protection intellectuelle des variétés végétales dans votre déclaration ministérielle de ce même G20 agricole, et je vous cite : « Nous favoriserons l’innovation dans la sélection variétale, y compris en renforçant les mécanismes juridiques agréés au niveau international concernant les variétés végétales. »

Ces ambitions que nous avons au niveau international, nous devons également les avoir pour notre pays. Et il ne faut pas être un « spécialiste », ce qui est loin d’être mon cas, pour savoir que, pour relancer la recherche agricole en France, il faut lui en donner les moyens.

L’amélioration des plantes, qui a débuté il y a des milliers d’années et a permis, par exemple, de transformer le téosinte en maïs, est cruciale. Elle doit donc être non seulement reconnue, mais soutenue, et c’est tout l’objectif de ce texte.

En France, au xixe siècle, la recherche s’est développée et spécialisée, donnant naissance à notre filière semencière, qui fait aujourd’hui référence.

Avec un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros à l’exportation, 75 entreprises de sélection, dont 70 % de PME de type familial ou coopératif, 15 000 emplois directement liés à la filière « semences » et 18 000 agriculteurs multiplicateurs de semences, cette filière nous permet d’occuper une place prépondérante sur l’échiquier mondial, puisque la France est le deuxième exportateur et le troisième producteur mondial, derrière les États-Unis et la Chine. Néanmoins, elle est en danger.

Quand le budget consacré à la recherche par l’ensemble des entreprises françaises semencières atteint chaque année 200 millions d’euros, la seule entreprise américaine Monsanto dispose, elle, d’un budget de 1 milliard d’euros, soit cinq fois plus !

En outre, dans les années soixante, l’importance de la création variétale a été reconnue en accordant aux créateurs de nouvelles variétés le bénéfice de l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans laquelle il est affirmé que : « Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur. ».

De même, désireuse de prendre en compte la particularité de l’amélioration des plantes, la France a créé, en 1961, un droit spécifique de propriété intellectuelle sur les obtentions végétales : le certificat d’obtention végétale, ou COV.

Toutes ces initiatives ont été à l’origine de progrès agricoles spectaculaires. Ainsi, le rendement du blé a été multiplié par trois et plus de cent cinquante variétés de blé sont aujourd’hui cultivées en France.

Néanmoins, les nouveaux enjeux apparus au XXe siècle - changements climatiques, souveraineté alimentaire, développement durable, génomique des plantes, pour ne citer que ceux-là - nous obligent.

La recherche est cruciale. Elle doit donc disposer d’un cadre réglementaire et d’un mode de financement à la hauteur des enjeux de notre époque.

Cette proposition de loi vient combler un retard anormal pris par notre pays dans la transposition de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales de 1991, dite « convention UPOV », dont la France avait pourtant pris l’initiative.

Elle conforte les spécificités du certificat d’obtention végétale, qui reposent sur trois principes fondamentaux.

Le premier principe fondamental est de reconnaître la nouveauté dans les champs et non dans les tribunaux.

Le deuxième principe fondamental est de maintenir l’accès à la variété nouvelle pour la sélection : c’est l’exception de sélection.

Ce concept, indispensable aux chercheurs, permet à ces derniers d’utiliser librement et gratuitement comme ressources génétiques dans leur travail d’amélioration des plantes l’ensemble des variétés protégées par un certificat d’obtention végétale.

Remarquons-le, depuis que la Convention sur la diversité biologique a reconnu la souveraineté des États sur leurs ressources génétiques, les 70 000 variétés protégées dans le monde par un certificat d’obtention végétale sont les seules ressources totalement libres et disponibles pour la sélection.

Cette philosophie que nous défendons par le biais de ce texte est à l’opposé de celle du brevet, qui bloque totalement l’accès à la variété brevetée.

Mis en place aux USA et dans les pays du Pacifique, le brevet est une menace contre notre certificat d’obtention végétale, synonyme de liberté, de gratuité et de partage.

Enfin, le troisième principe fondamental inscrit dans cette proposition de loi vise à empêcher l’appropriation indue de la variété par l’introduction d’un gène breveté.

Sur l’initiative de notre collègue Jean Bizet, le Sénat a déjà pris une première disposition à l’occasion de la transposition en droit français de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.

Cette disposition que nous avons votée, tout comme l’Assemblée nationale, introduit une exception de sélection partielle sur ces inventions, ainsi qu’une exception pour les semences de ferme.

En nous engageant en faveur de cette proposition de loi, nous franchirons une seconde étape avec l’introduction du concept de « variété essentiellement dérivée », qui évitera que les multinationales des biotechnologies ne puissent s’approprier totalement la variété d’origine en demandant un certificat d’obtention végétale sur la forme modifiée de la variété après avoir simplement introduit un gène breveté dans une variété protégée existante, par exemple un gène Bt, le gène de résistance à la larve de la pyrale, qui attaque le maïs.

Ainsi les droits du sélectionneur d’origine seront préservés.

Enfin, cette proposition de loi améliore la pratique du certificat d’obtention végétale en renforçant la rémunération de la recherche, tout en la répartissant mieux entre tous les bénéficiaires.

Vous l’aurez compris, je vais parler des semences de ferme.

Aujourd’hui, force est de constater que l’effort de financement – obtenu grâce au paiement, par les agriculteurs, de droits de propriété intellectuelle, via des royalties sur les semences certifiées – n’est pas porté équitablement et n’est pas suffisant.

Si tous les exploitants du monde agricole souhaitent des semences qui leur assurent une production de qualité, certains ne contribuent pas au financement de l’innovation.

Je prendrai l’exemple du financement de la recherche par un producteur de blé tendre, car il est symbolique.

Cultivé sur près de 4,5 millions d’hectares par plus de 175 000 agriculteurs, le blé tendre compte au nombre des céréales les plus exploitées sur notre territoire.

L’agriculteur qui est payé aujourd’hui 200 euros par tonne de blé, avec un rendement moyen de 7 tonnes à l’hectare, est rétribué à hauteur de 1 400 euros par hectare.

S’il a utilisé des semences de blé tendre certifiées pour assurer sa production, il contribue au financement de la recherche à hauteur de 10 euros, sur 1 400 euros par hectare.

S’il a utilisé des semences de ferme issues de variétés nouvelles protégées pour assurer sa production, grâce à l’accord trouvé entre obtenteurs et producteurs de blé, il contribue au financement de la recherche à hauteur de 3,50 euros, toujours sur 1 400 euros par hectare.

S’il a en revanche utilisé des semences de ferme issues de variétés « anciennes » non protégées pour assurer sa production, logiquement il ne finance plus la recherche.

Les agriculteurs contribuent ainsi, chaque année, à ce financement pour près de 27 millions d’euros à partir des semences certifiées et pour plus de 8,5 millions d’euros à partir des semences de ferme, grâce à l’accord interprofessionnel pour la mise en place d’une cotisation volontaire obligatoire – CVO – sur le blé tendre, signé en 2001.

Tout en faisant des semences de ferme et en participant au financement de la recherche, les agriculteurs souhaitent utiliser l’innovation apportée par ces nouvelles variétés.

Ce texte s’inscrit dans cette volonté et vise à autoriser enfin les semences de ferme et à donner un cadre légal à cet accord sur le blé tendre et l’étendre à d’autres espèces.

Il offre ainsi un cadre réglementaire à cette pratique ancestrale, aujourd’hui très répandue sur des espèces comme les céréales à paille – blé, orge, avoine –, le colza ou les plants de pommes de terre.

La proposition de loi que j’avais déposée se voulait à la fois équilibrée et ambitieuse. Le travail mené depuis son dépôt permet à tous les acteurs du monde agricole de sortir « gagnants ».

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face aux enjeux qui se présentent à nous, je crois en la force et en la réussite de la recherche française.

C’est toute la philosophie du texte que j’avais déposé et qui a été fortement confortée par la commission et le travail du rapporteur que de contribuer à défendre la compétitivité de notre agriculture dans le monde et à en partager équitablement les fruits avec tous.

Attendue par l’ensemble des obtenteurs français et une large majorité des agriculteurs qui ont su se retrouver autour d’un texte faisant l’unanimité, cette proposition de loi apporte, me semble-t-il, des réponses équilibrées et ambitieuses à une série de problématiques cruciales pour notre agriculture, pour notre recherche et pour la population mondiale.

Certains de nos collègues doutent de ce texte, au prétexte de la reconnaissance que nous devons aux paysans sélectionneurs qui nous ont conduits du téosinte au maïs, alors que ces mêmes collègues n’ont aucune reconnaissance pour ceux qui, demain, nous permettront de nous nourrir comme ils nous le permettent aujourd’hui !

En d’autres termes, nos collègues souhaitent que nous nous nourrissions de téosinte, alors que la majorité agit pour que la population puisse se nourrir de maïs. Entre les deux, mon choix est fait !

Les mêmes, sous prétexte de lutter contre la brevetabilité du vivant, veulent affaiblir le seul système équilibré qui garantit le droit du créateur comme celui de la société. Leur vision nous livrerait ainsi pieds et poings liés aux multinationales des biotechnologies.

J’aimerais à cette occasion reprendre quelques mots d’un auteur apprécié par nos collègues installés sur les travées de gauche : « Ni le blé ni la vigne n’existaient avant que quelques hommes, les plus grands des génies inconnus, aient sélectionné et éduqué lentement quelque grain ou quelque cep sauvage. »

Je ne doute pas que nos collègues de l’opposition auront reconnu le style et apprécié la vision avant-gardiste de Jean Jaurès, qui, bien avant ce débat, avait conscience de l’importance de la recherche et de l’importance qu’il y a à la défendre.

Cette pensée pleine de vérité s’inscrit totalement dans cette proposition de loi, qui est une modeste reconnaissance du travail de nos sélectionneurs, nos « génies inconnus », ainsi qu’une contribution à la sécurité alimentaire mondiale face aux défis que nous avons à relever en la matière.

En outre, cette proposition de loi est conforme aux valeurs que porte la France et que, bien entendu, je partage. Depuis que je l’ai déposée, elle a été très largement améliorée par le rapporteur et la commission. Il est bien évident que je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi qu’au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Rémy Pointereau, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les obtentions végétales constituent un système original de propriété intellectuelle sur les plantes qui est différent du brevet ; il est plus ouvert et finalement plus adapté.

Nous fêterons cette année le cinquantième anniversaire de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, dite « convention de Paris », qui a été conclue à Paris le 2 décembre 1961 et qui a créé à l’échelon international une reconnaissance du droit de propriété intellectuelle des créateurs de variétés végétales nouvelles.

Chaque État membre de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales, ou UPOV – ils sont désormais soixante-neuf à travers le monde – a donc mis en place sur les végétaux des titres de propriété intellectuelle que l’on appelle des certificats d’obtention végétale.

La convention de Paris a été modifiée en 1972, puis en 1978, et, de manière plus substantielle, en 1991 pour être adaptée aux changements technologiques, mais toujours dans le souci de préserver la spécificité du système de l’obtention végétale par rapport à celui du brevet, la différence tenant essentiellement à l’existence d’une exception de l’obtenteur, ou exception du sélectionneur.

Avec cette exception, chacun peut librement utiliser les variétés existantes, même les variétés protégées, pour en créer une nouvelle, ce qui serait impossible avec le brevet. En effet, l’utilisation d’un brevet implique toujours de payer des droits à son titulaire, et cela ad vitam aeternam !

La proposition de loi déposée par notre collègue Christian Demuynck vise tout simplement à adapter le droit français à la nouvelle version de la convention UPOV de 1991.

Le sujet ne nous est pas inconnu ; au Sénat, nous avions déjà voté en 2006 un texte sur le même sujet - le rapporteur était M. Jean Bizet - mais il est devenu caduc après le changement de législature, en 2007.

M. Rémy Pointereau, rapporteur. Or, si le Parlement a autorisé en 2006 la ratification par la France de la convention de 1991, cette ratification ne peut pas intervenir tant que notre pays n’a pas modifié son droit national pour le rendre compatible avec le texte international. La France reste l’un des rares États membres de l’Union européenne dans cette situation, avec l’Irlande, l’Italie et le Portugal.

Il est vrai que le sujet est très technique.

Il faut aujourd’hui avancer sur la question des obtentions végétales, et ce pour quatre raisons principales.

D’abord, il s’agit de conforter le système du certificat d’obtention végétale face au brevet, système alternatif qui gagne du terrain, cela a été dit tout à l’heure. Près d’une centaine de pays n’ont pas encore choisi leur système de protection intellectuelle sur les plantes. Or la tentation est forte chez certains d’adopter le système du brevet, qui est plus simple. La France est fragilisée lorsqu’elle défend le certificat d’obtention végétale, alors que son droit interne n’a pas été modifié pour être rendu conforme à une convention signée voilà maintenant vingt ans !

Ensuite, il s’agit de mettre en cohérence le droit national et le droit européen. Au niveau de l’Union européenne, un règlement adopté en 1994 met en place un dispositif de protection communautaire des obtentions végétales.

Des certificats européens sont délivrés par l’Office communautaire des variétés végétales, ou OCVV. Ils offrent une protection des droits de propriété intellectuelle de l’obtenteur conforme au cadre fixé par la convention UPOV de 1991 Un obtenteur peut donc indifféremment solliciter un COV national ou européen, le certificat d’obtention végétale européen étant, il est vrai, plus coûteux.

Or l’existence de discordances entre les deux régimes, national et européen, est source de confusion dans un domaine, la propriété intellectuelle, qui n’est déjà pas simple.

L’objectif de ce texte est également de donner – enfin ! – un cadre juridique aux semences de ferme. Si surprenant que cela puisse paraître, la pratique de la semence de ferme sur des variétés protégées par un titre de propriété intellectuelle est aujourd’hui illégale. Aucune disposition de la loi de 1970 ne l’autorise. Plusieurs agriculteurs, en particulier des producteurs de pommes de terre, ont été condamnés, et parfois très lourdement, pour s’être livrés à cette pratique.

Enfin, ce texte vise à encourager la recherche sur les nouvelles variétés végétales. La progression des rendements a été rendue en grande partie possible depuis les années cinquante grâce à la sélection végétale. Cependant, nous constatons depuis dix, vingt ans, une tendance à la stagnation de ces rendements, toutes espèces confondues. Cette stagnation est due en partie aux aléas climatiques, en partie à la diminution des intrants, mais aussi à une baisse de la recherche. Celle-ci s’est orientée vers d’autres priorités : une meilleure résistance des plantes à certains parasites, une meilleure capacité à se développer avec moins d’intrants.

Face aux enjeux de l’alimentation mondiale et de l’adaptation de notre appareil de production agricole au changement climatique, aux nouveaux impératifs de gestion plus économe en eau, en fertilisants ou en produits phytosanitaires, la recherche doit apporter des solutions. À cet effet, les entreprises de sélection doivent pouvoir tirer les fruits de leur travail pour, ensuite, financer la recherche.

Nos entreprises proposent chaque année 500 à 600 variétés nouvelles, toutes espèces confondues, céréales, légumes et, à hauteur de 60 %, plantes ornementales.

La proposition de loi reprend pour l’essentiel, en l’adaptant à la marge, le dispositif voté en 2006 par le Sénat. Ses apports principaux par rapport au droit existant sont de trois ordres.

D’abord, la proposition de loi étend le droit de l’obtenteur d’une variété à une variété différente mais dite « essentiellement dérivée » Il s’agit d’éviter, conformément à l’une des principales avancées de la convention de 1991, que, par des rétrocroisements ou des modifications à la marge d’une variété existante, le droit de propriété de l’obtenteur ne soit contourné.

Ensuite, la proposition de loi autorise la production de semences de ferme à des fins de réensemencement sur la même exploitation et sous réserve du paiement d’une indemnité à l’obtenteur.

Cette « dérogation en faveur des agriculteurs » s’explique par une pratique ancienne. Il convenait toutefois de faire évoluer une situation particulièrement curieuse : alors que la pratique des semences de ferme se poursuit dans les campagnes, le droit l’interdit pour les variétés protégées par un COV national, mais l’autorise pour les variétés protégées par un COV européen…

La proposition de loi procède à une clarification bienvenue, en s’appuyant sur la pratique mise en place par les professionnels eux-mêmes, dans le cadre de l’accord interprofessionnel sur le blé tendre.

Cet accord permet la collecte d’une contribution dite « contribution volontaire obligatoire », ou CVO, sur toutes les ventes de blé tendre pour un montant de 0,50 euro par tonne. Les agriculteurs ayant acheté des semences certifiées sont remboursés, car ils ont déjà payé des royalties aux obtenteurs en achetant les semences. Les petits agriculteurs, qui ne sont pas redevables d’une indemnité pour utilisation de semences de ferme, sont aussi remboursés. Le produit net de la contribution est ensuite reversé aux obtenteurs et une fraction de 15 % alimente un fonds permettant de soutenir la recherche dans un cadre plus collectif.

Critiqué à ses débuts, le dispositif fonctionne désormais correctement et est relativement bien accepté. Les auteurs de la proposition de loi s’appuient sur cette expérience pour définir un régime d’autorisation des semences de ferme, en contrepartie d’une indemnité.

Enfin, la proposition de loi procède à divers ajustements du code de la propriété intellectuelle sur des points mineurs, pour l’adapter à la convention UPOV de 1991. La définition de la variété végétale est ainsi précisée, mais sans que soient modifiées les conditions dans lesquelles ces variétés peuvent faire l’objet d’un certificat. Pour bénéficier d’un COV, un obtenteur devra toujours prouver que sa variété est nouvelle, distincte des variétés qui existent déjà, homogène et stable : il s’agit des fameux critères « DHS ».

Au titre des modifications mineures, le texte prévoit aussi un nouveau cas de licence obligatoire pour faciliter l’exploitation d’une variété nouvelle si le propriétaire de la variété n’est pas capable de fournir lui-même le marché.

Le texte prévoit également les cas de nullité du certificat lorsque la variété ne correspond plus aux critères qui avaient permis d’attribuer le COV initial.

Au terme des dix-sept auditions que j’ai menées sur ce sujet, je n’ai pas proposé de remettre en cause l’économie générale de la proposition de loi. La commission a toutefois apporté quelques modifications qui permettent de l’adapter et de l’enrichir.

Ainsi, l’article 1er a été modifié pour restreindre la définition de la notion de « variété » au seul champ de la propriété intellectuelle. L’idée était de ne pas empêcher les évolutions futures du catalogue des variétés commercialisables et de permettre éventuellement, demain, l’inscription de variétés dites « population ».

L’article 2 a également été modifié, à la demande de notre collègue Daniel Raoul, pour préciser qu’il n’est pas permis de s’approprier une ressource naturelle existante et que l’on aurait seulement découverte. Il faut un vrai travail de l’obtenteur pour bénéficier d’une obtention végétale.

L’article 14 relatif aux semences de ferme a été légèrement remanié afin de prévoir une place pour les accords interprofessionnels définissant les conditions d’utilisation des semences de ferme, sur le modèle de l’accord de 2001 concernant le blé tendre.

Quelques retouches rédactionnelles, que je ne détaillerai pas ici, ont également été apportées.

Un article a été ajouté pour permettre une évolution du statut de l’organisme qui attribue aujourd’hui les certificats, à savoir le Comité pour la protection des obtentions végétales, le CPOV.

Le texte initial a été complété par un article permettant d’aller plus loin dans la mise en œuvre du traité international sur les ressources phylogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation, lequel prévoit la conservation de variétés anciennes du domaine public, ce que j’appellerai les « semences paysannes », dans un but d’intérêt général. Cette conservation ne va pas de soi, car les végétaux sont des organismes vivants. Si personne ne se soucie de les reproduire, ils disparaissent.

La proposition de loi met donc en place les bases d’un système de conservation de ces ressources au niveau national, et en renvoie les modalités à un décret d’application.

Enfin, je signale qu’un article additionnel numéroté 11 bis figurait bizarrement dans le texte de la proposition de loi. Dans le texte adopté par la commission, nous avons renuméroté les articles à partir de celui-ci, qui est devenu l’article 12.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vingt ans après la signature par la France de la dernière version en date de la convention UPOV, il est plus que temps d’en tirer les conséquences dans notre code de la propriété intellectuelle.

L’existence d’un système efficace de protection de la propriété intellectuelle est une condition du maintien de l’effort de recherche sur les végétaux.

Nos obtenteurs, qui sont souvent de petites et moyennes entreprises, ont besoin d’être confortés.

Le secteur semencier français est dynamique. La France est le premier producteur européen et le deuxième exportateur mondial de semences, avec 74 entreprises de sélection, 257 stations de multiplication et près de 19 000 agriculteurs multiplicateurs, pour un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros.

Conserver nos atouts et trouver un juste équilibre, telle est l’ambition de ce texte, et je la partage pleinement, comme je vous invite, mes chers collègues, à la partager, en adoptant, à l’issue de nos travaux, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Organisation de la discussion des articles