M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Je tiens à le dire, à la détresse individuelle des agriculteurs s’ajoute une détresse plus collective du milieu rural, milieu rural qui voit aujourd’hui disparaître ses services publics, notamment La Poste.

Or, vous savez combien était important le passage du facteur, puisque ce dernier était quasiment la seule personne extérieure que l’agriculteur voyait dans la journée ! Aujourd’hui, ce passage se résume à quelques secondes… La situation actuelle pose une vraie difficulté.

La conjonction de cette détresse individuelle, de ce sentiment d’abandon en milieu rural et de cette détresse collective devrait appeler, à l’avenir, au-delà des clivages partisans, à une mobilisation nationale.

avenir des emplois de vie scolaire

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 1327, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, la situation est aujourd’hui particulièrement incertaine pour les personnels occupant des emplois de vie scolaire, les EVS, et elle est même franchement inquiétante pour les plus âgés d’entre eux.

Les EVS ont été primitivement créés pour permettre l’insertion de personnes jeunes ou bénéficiaires des minimas sociaux. Leur rôle, particulièrement utile, consiste principalement à aider à l’accueil des élèves handicapés, à assister les élèves, en général, dans les écoles rurales, et à apporter une assistance administrative aux chefs d’établissement ou aux directeurs d’école. Ils peuvent également participer à l’apprentissage des nouvelles technologies, à l’encadrement des élèves et à l’animation d’activités culturelles, artistiques ou sportives. C’est dire l’importance de leur apport au fonctionnement des établissements scolaires. Ils remplissent, à cet égard, un rôle social essentiel, devenu indispensable au fil du temps.

Dans les Côtes-d’Armor, une partie importante des personnes en emploi de vie scolaire a plus de cinquante ans, voire plus de cinquante-cinq ans. Elles ont pu bénéficier d’un cadre d’emploi valorisant, qui leur permet une réinsertion dans le monde du travail.

L’arrêt brutal des contrats les plonge dans une grande précarité personnelle, singulièrement au regard de leur âge et des faibles possibilités de reclassement que celui-ci induit.

Au mois d’octobre 2010, le Gouvernement a choisi de mettre un terme, de manière non concertée, à l’existence de ces EVS. Les personnes concernées vivent cette situation avec inquiétude. En effet, en fin de carrière, elles n’ont bien souvent que peu de perspectives d’emploi, ce qui, avec l’allongement de la durée de cotisation, les plonge dans une précarité inacceptable. Elles sont donc légitimement très préoccupées par leur avenir. Les contrats d’avenir, qui prévoyaient une durée d’emploi de soixante mois, à raison de vingt-six heures hebdomadaires, étaient susceptibles, pour nombre d’entre eux, d’être renouvelés. Or, à l’occasion des arbitrages de la loi de finances de 2011, la majorité en a décidé autrement.

Le recrutement et le renouvellement des personnels occupant des EVS et remplissant d’autres fonctions que l’aide aux personnes handicapées seront désormais effectués par les recteurs d’académie, en concertation avec les inspecteurs d’académie-directeurs des services départementaux de l’éducation nationale, dans la limite du contingent notifié. Ces formalités semblent lourdes et ne laissent pas envisager de solutions positives pour ces personnels qui devront partir, dans quelques années seulement, à la retraite.

Monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer ces personnes sous contrat aidé ? Envisagez-vous de prendre des mesures pour maintenir leurs emplois ? Ne serait-il pas possible de trouver une réponse socialement acceptable à ces situations particulières, dans l’intérêt tant des personnes concernées que de la communauté éducative dans laquelle elles ont pris toute leur place ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, les personnels employés dans le cadre des différents dispositifs de contrats aidés exercent au sein des établissements scolaires des missions très importantes : ils apportent un soutien administratif dans le premier degré, contribuent au bon fonctionnement de la vie scolaire et, comme vous l’avez très justement souligné, accompagnent les élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire.

Parce que je considère cette dernière mission comme prioritaire, d’importants moyens ont été déployés pour la mettre en œuvre. Ainsi, depuis 2005, nous avons accompli des progrès considérables en matière d’accueil des enfants handicapés. Je le rappelle, le nombre d’enfants handicapés en milieu scolaire a augmenté de 45 % depuis le vote de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Une telle situation est due en grande partie à cet accompagnement personnalisé.

Nous ne relâcherons pas notre effort en faveur de la prise en charge du handicap. Les contrats aidés ne disparaîtront pas à la rentrée 2011 et serviront d’abord, pour les trois quarts d’entre eux, à apporter un soutien individualisé aux enfants handicapés. Je peux même vous indiquer que leur nombre sera augmenté de 20 % par rapport à la fin du mois de mai 2011.

J’ai également déclaré, lors de la Conférence nationale du handicap, que je souhaitais un soutien davantage professionnalisé, afin que l’élève soit suivi par la même personne sur une plus longue durée. Conformément à ces annonces, une partie des contrats aidés sera transformée, dès la rentrée 2011, en 2 000 emplois d’assistants d’éducation.

Les recteurs recevront cette semaine la notification des contingents de ces nouveaux contrats, qui permettront d’employer, conformément à une nouvelle terminologie, des « assistants de scolarisation ».

La rentrée 2011 reflétera ainsi la priorité accordée à la prise en charge du handicap. C’était nécessaire. Ainsi, monsieur le sénateur, dans votre département, l’évolution de la demande en accompagnement du handicap est exponentielle, puisqu’elle progresse d’environ 35 % par an depuis cinq ans.

Pour financer cette priorité, l’aide apportée aux directeurs d’école sera redimensionnée et prendra en compte la spécificité de chaque territoire, ce qui me semble logique au regard de la décision prise en faveur des enfants handicapés.

Monsieur Botrel, vous m’avez également interrogé sur les personnes âgées de plus de 50 ans lors de leur entrée dans le dispositif des contrats aidés. Je vous rappelle qu’elles sont prioritaires et bénéficient de règles dérogatoires. Ainsi, un certain nombre d’entre elles ont obtenu près de soixante mois de contrat, ce qui est la limite légale maximale autorisée dans ce cadre.

Dans votre département, la question des personnes de plus de 50 ans recouvre deux situations bien particulières. D’une part, douze personnes détiennent encore, au 31 août 2011, un droit à contrat de deux mois en règle générale. D’autre part, une personne entrée dans le dispositif dans le cadre d’un contrat d’avenir ne peut se voir proposer qu’un renouvellement pour vingt heures au lieu de vingt-six heures.

À la suite d’un travail de concertation engagé par le secrétaire général de la préfecture des Côtes-d’Armor, il a été décidé, à titre dérogatoire, de proposer une prolongation de contrat pour l’accompagnement des élèves handicapés. Sur les douze personnes dont je viens de parler, quatre ont refusé cette offre. Il en est de même pour le titulaire d’un contrat d’avenir.

Monsieur le sénateur, vous le voyez, non seulement nous agissons pour l’accompagnement des enfants handicapés, mais surtout, sur le terrain, nous gérons au cas par cas la situation des personnels, de manière que la pérennité de ces contrats puisse être assurée.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse extrêmement détaillée, qui reflète avec précision la situation du département des Côtes-d’Armor.

Sur le premier aspect que vous avez développé, à savoir l’accueil des enfants handicapés, il va de soi que l’on ne peut qu’approuver les décisions qui sont prises pour permettre l’intégration de ces élèves en milieu scolaire ordinaire. Mon propos portait d’ailleurs moins sur cet aspect que sur la situation des personnes âgées de plus de 55 ans, c'est-à-dire parfois proches de l’ancien âge de la retraite, qui se retrouvent sans emploi ni perspective.

S’agissant des éléments chiffrés que vous avez cités, il me faudra les examiner plus attentivement.

Au demeurant, je ne vois pas quel bénéfice la société aurait à mettre ces personnes au chômage, alors que, compte tenu de leur âge, elles n’ont aucune possibilité de retrouver un emploi et qu’elles exercent aujourd'hui des missions utiles au fonctionnement des établissements scolaires.

implantation d'un établissement pénitentaire en limousin

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, auteur de la question n° 1331, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le ministre, je souhaite attirer l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le projet et les modalités de réalisation d’un nouveau centre pénitentiaire dans la région Limousin. La restructuration du parc immobilier pénitentiaire et la construction de 14 000 places pour la fin de l’année 2017 visent à assurer des conditions dignes de détention et à garantir la mise en œuvre des prescriptions de la loi pénitentiaire sur l’encellulement individuel.

Le 5 mai dernier, M. le garde des sceaux a rendu public un ajustement du plan immobilier de juillet 2010. Ainsi, les maisons d’arrêt de Limoges et de Guéret, d’une capacité respective de 85 et 37 places, seront finalement rénovées. Parallèlement, l’agence en charge du programme immobilier de la justice doit se prononcer prochainement sur l’emplacement, en Limousin, d’un nouveau centre pénitentiaire d’une capacité de plusieurs centaines de places. Une implantation sur l’aire urbaine de Guéret ou le secteur de La Courtine serait à même de compenser les effets du plan de restructuration de la défense, qui touche très durement le département de la Creuse avec la fermeture de l’Établissement du matériel militaire de Guéret et la dissolution du groupement de camp de La Courtine.

Ces mesures affectent un département déjà fragilisé par la révision générale des politiques publiques, notamment la réforme des cartes judiciaire et scolaire, et se traduisent par la suppression de centaines d’emplois et une dévitalisation territoriale d’une ampleur sans équivalent, si on la rapporte au nombre d’habitants.

Les échanges qui ont eu lieu avec les services de l’État et les pré-études techniques qui ont été réalisées confirment la pertinence d’une localisation dans la Creuse. Le cahier des charges pour la construction d’un établissement pénitentiaire impose la proximité immédiate d’infrastructures importantes pour assurer les transfèrements vers les différentes juridictions et les autres établissements, l’implantation des personnels et le maintien des liens familiaux. Le dossier de candidature déposé notamment par la communauté de communes de Guéret-Saint-Vaury répond pleinement à toutes les contraintes ou normes, que ce soit en matière d’infrastructures routières, avec la route Centre-Europe Atlantique, et ferroviaires, avec l’axe Bordeaux-Lyon, ou de capacités hospitalières, foncières et immobilières.

Compte tenu de ces éléments, je demande à M. le garde des sceaux de considérer avec une attention toute particulière les propositions formulées par les communautés de communes de Guéret-Saint-Vaury et de La Courtine. Il convient en effet de confirmer que le respect de l’aménagement et des équilibres du territoire figure au cœur des critères qui guident les choix du ministère de la justice.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Michel Mercier, qui m’a chargé de vous apporter les éléments de réponse suivants.

Ainsi que vous l’avez rappelé, M. le garde des sceaux a annoncé, le 5 mai dernier, l’engagement du nouveau programme immobilier pénitentiaire, qui traduit la volonté d’augmenter le nombre de places en prison et de mettre en conformité les établissements pénitentiaires avec les prescriptions issues de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Il poursuit donc l’action de rénovation de l’immobilier pénitentiaire, tout en franchissant un pas supplémentaire dans la lutte contre la récidive, grâce à la création de nouveaux établissements mieux sécurisés.

Le ministère de la justice a souhaité que soit menée une analyse approfondie des sites initialement concernés par un projet de fermeture, en associant, dans le cadre d’une large concertation, les organisations représentatives du personnel pénitentiaire et les élus locaux.

Je tiens à le préciser, l’aménagement et les équilibres des territoires ont bien entendu été pris en compte.

M. le garde des sceaux a ainsi décidé la construction de 25 établissements, l’extension de capacité de 7 autres, le maintien et la rénovation de 15 bâtiments supplémentaires par rapport à ce qui avait été annoncé au mois de juillet 2010, ainsi que la fermeture de 36 établissements.

Concernant les maisons d’arrêt de Limoges et Guéret, elles seront maintenues en fonctionnement et feront l’objet de travaux de rénovation et d’adaptation fonctionnelle garantissant leur pérennité. La capacité d’hébergement de ces deux structures permettra ainsi de satisfaire les besoins en places en Limousin, sans qu’il soit besoin de construire un nouvel établissement pénitentiaire dans cette région.

Toutefois, la nécessité de développer des modalités de prise en charge individualisée de la population pénale impose de mettre à la disposition de l’administration pénitentiaire un parc immobilier diversifié et adapté aux profils des publics accueillis. C'est la raison pour laquelle le ministre de la justice a demandé que soit engagée une réflexion portant sur le concept de prison ouverte, qui prendra exemple sur le fonctionnement du centre de détention de Casabianda en Corse. Cette étude permettra d’apprécier la pertinence du développement de ce type de structures et d’identifier, le cas échéant, les territoires où pourront être construits ces établissements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, d’autant plus essentielle qu’elle contredit en quelque sorte les déclarations publiques de M. le garde des sceaux concernant la construction d’un centre de détention pénitentiaire en Limousin. Je constate que, aujourd'hui, seule est évoquée l’hypothèse de la construction de ce que vous appelez une « prison ouverte », ce qui nous prive de l’espoir de voir s’implanter, soit dans le département de la Creuse, soit dans celui de la Haute-Vienne, un nouvel établissement pénitentiaire, ainsi que cela avait été initialement envisagé.

modalités de contrôle de l'état sur les organismes privés agréés pour l'adoption et extension des voies de recours

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 1348, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les modalités du contrôle exercé par l’État sur les organismes privés agréés pour l’adoption et habilités à servir d’intermédiaire entre adoptants et adoptés, dans le domaine de l’adoption tant nationale qu’internationale.

En particulier, dans mon département, une affaire navrante, dite « affaire Charnolé », nous a révélé récemment le cas d’une dérive éthique grave au sein de l’un de ces organismes, lequel aurait poussé un parent en situation de détresse à abandonner son enfant.

Il n’existe, à ce jour, aucune charte déontologique applicable à ces organismes et permettant de garantir le respect des principes éthiques de l’adoption.

Je souhaite connaître les moyens dont dispose l’administration pour contrôler ces organismes et s’assurer que l’adoption préserve réellement l’intérêt supérieur de l’enfant, à l’exclusion de tout autre. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre afin que des affaires similaires ne puissent se reproduire ? Enfin, monsieur le ministre, ne serait-il pas possible, et même souhaitable, de mettre en place une voie de recours pour le cas où un père ne serait informé de sa paternité que plusieurs mois après la naissance de l’enfant, alors qu’une procédure d’adoption est en cours, comme dans le cas de l’affaire Charnolé ?

Je comprends parfaitement la décision prise par notre plus haute juridiction et visant à préserver l’intérêt supérieur de l’enfant en lui procurant un milieu familial stable. Cependant, il ne faut pas que cette volonté tout à fait louable de placement d’un enfant puisse porter préjudice à l’adolescent ou à l’adulte qu’il sera demain, car, tôt ou tard, celui-ci voudra savoir d’où il vient.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur Jean-Claude Carle, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Michel Mercier, qui m’a chargé de vous répondre.

Vous l’interrogez sur les moyens dont disposent aujourd’hui les pouvoirs publics pour contrôler les organismes privés agréés pour l’adoption.

Je vous rappelle que ce contrôle s’exerce en fait à deux niveaux.

En premier lieu, l’organisme doit solliciter, en application de l’article L. 225-11 du code de l’action sociale et des familles, une autorisation du département dans lequel il a son siège social pour assurer les missions d’intermédiaire pour l’adoption et le recueil d’enfants français nés sur le territoire français.

En second lieu, s’il souhaite mener son activité à l’étranger, il devra obtenir du ministre des affaires étrangères une habilitation, pays par pays, conformément à l’article L. 225-12 du même code.

Son activité est donc bien soumise au double contrôle du président du conseil général, pour ce qui relève de son fonctionnement sur le territoire français, et du ministre des affaires étrangères, pour l’action qu’il mène à l’étranger.

S’agissant plus particulièrement de la situation des mineurs nés en France et recueillis par un organisme, la législation impose à ce dernier d’en informer le président du conseil général du département dans lequel est né l’enfant.

Par ailleurs, il doit saisir, dans les meilleurs délais, le juge des tutelles, afin d’organiser une tutelle de droit commun. L’intérêt de l’enfant à être adopté sera ensuite apprécié par le conseil de famille, présidé par le juge des tutelles, dont la voix est prépondérante en cas de partage des voix. Cette procédure garantit donc le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Vous interrogez également le ministre de la justice sur l’opportunité d’instaurer une voie de recours, afin de prendre en compte la situation du père qui n’aurait été informé de sa paternité qu’une fois la procédure d’adoption engagée.

À cet égard, la loi du 5 juillet 1996 relative à l’adoption est claire : le législateur ayant fait le choix, conformément à l’article 348-3 du code civil, de réduire de trois à deux mois le délai pendant lequel les parents peuvent rétracter leur consentement à l’adoption de leur enfant, il avait été décidé, par coordination, de raccourcir dans les mêmes termes le délai, prévu à l’article 351 du code civil, à l’issue duquel un enfant dépourvu de filiation peut être placé en vue d’une adoption, étant observé que ce placement, une fois qu’il est réalisé, fait échec à tout établissement de filiation.

En effet, le placement permet la remise effective de l’enfant aux candidats à l’adoption et son immersion dans une cellule familiale, ce qui constitue une priorité. Je vous rappelle, monsieur le sénateur que ce choix, qui avait été défendu par le rapporteur de la loi de 1996 à l’Assemblée nationale, monsieur Jean -François Mattei, était fondé sur l’intérêt pour l’enfant d’être accueilli le plus rapidement possible dans une famille, plutôt que de demeurer dans des structures collectives d’accueil.

Le ministre de la justice partage une telle position. Il considère en effet qu’il serait contraire à l’intérêt de l’enfant abandonné de permettre de retarder son adoption, dans l’attente de sa reconnaissance incertaine par celui qui se prétendrait être son père.

Vous pouvez convenir avec moi, monsieur le sénateur, de l’insécurité juridique pour l’adoption et de la confusion qui pourrait résulter pour l’enfant lui-même d’un allongement des délais permettant d’ouvrir une voie de recours à la personne qui se prétend son parent.

C’est la raison pour laquelle le ministre de la justice ne souhaite pas s’engager dans la voie que vous lui proposez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je voudrais d’abord vous remercier, monsieur le ministre, des précisions que vous avez bien voulu m’apporter.

Ma question n’avait pas pour objet de jeter l’opprobre ou le discrédit sur des associations qui, dans leur grande majorité, font un travail remarquable, dans des contextes souvent très difficiles, tant les situations sont complexes et empreintes de gravité.

Je ne conteste pas non plus les garanties mises en place par les pouvoirs publics, que vous avez fort justement rappelées. Mais le cas évoqué – l’affaire Charnolé – montre que l’éthique et le cadre voulus par le législateur ne sont pas toujours respectés. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un cas isolé : j’ai ici un dossier qui semble montrer qu’il existe d’autres cas similaires, pour lesquels la réglementation n’est pas toujours respectée.

Enfin, si le cadre juridique actuel convient lorsque la mère ou les deux parents ont clairement renoncé à leurs responsabilités, il n’en va pas de même lorsque le père a été « abusé » – pardonnez-moi l’expression – par sa compagne et qu’il veut procéder, une fois sa paternité confirmée par les expertises ADN, non pas à une reconnaissance incertaine, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, mais à une reconnaissance certaine de son enfant.

Il s’agit, j’en conviens, d’un sujet délicat, mais l’évolution des méthodes d’information et d’investigation doit nous conduire, me semble-t-il, à prendre en compte l’existence de telles situations. Si nous devons d’abord préserver l’intérêt supérieur de l’enfant, nous ne pouvons pas non plus ignorer que, demain, il sera adolescent, puis adulte, et qu’il voudra savoir.

M. le président. Mes chers collègues, Mme la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle ne nous rejoignant qu’à onze heures trente, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.