compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaires :

M. Marc Daunis,

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels après l'article 14 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2011
Articles additionnels après l’article 13 (suite)

Quatrième loi de finances rectificative pour 2011

Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 160, rapport n° 164 et avis n° 163).

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE II (suite)

DISPOSITIONS PERMANENTES

I. – MESURES FISCALES NON RATTACHÉES

Mme la présidente. Dans l’examen des articles de la seconde partie, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, à deux amendements portant article additionnel après l’article 13, qui avaient été précédemment réservés.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2011
Articles additionnels après l’article 14 (suite)

Articles additionnels après l’article 13 (suite)

Mme la présidente. L'amendement n° 94, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- À l’article 730 ter, à la fin de l’article 746, à la première phrase du premier alinéa du II de l’article 750 et à la première phrase de l’article 750 bis A du code général des impôts, tels qu'ils résultent de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, le taux : « 2,50 % » est remplacé par le taux : « 2 % ».

II.- Après l’article 638 A du même code, il est inséré un article 638 B ainsi rédigé :

« Art. 638 B.- À défaut d’acte les constatant, les partages de biens autres que du numéraire donnent lieu au dépôt d’une déclaration au service des impôts compétent dans le mois qui suit leur réalisation.

« Ces opérations sont passibles des mêmes droits ou taxes que les actes correspondants.

« Un décret fixe les conditions d’application du présent article. »

III.- Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012.

IV.- La perte éventuelle de recettes pour l’État résultant de la diminution du taux du droit de partage est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement n° 94 a pour objet de vous inciter à une nouvelle réflexion sur le droit de partage.

Sans doute vous souvenez-vous que, lors de l’examen de la loi de finances rectificative de juin dernier, lorsqu’il a fallu trouver des compensations budgétaires à la réforme nécessaire de l’impôt sur le patrimoine, figurait, au sein du cocktail de ressources mis au point, une fiscalisation des résidences secondaires de nos compatriotes français de l’étranger.

Cette mesure, qui me semblait à l’époque tout à fait défendable et acceptable, avait été retirée du texte. Le Sénat comme l’Assemblée nationale ont été dans l’obligation de rééquilibrer les plateaux de la balance, puisque nous avions pris l’engagement, conjointement avec le Gouvernement, de ne point dégrader le solde du fait de cet aménagement raisonnable de l’impôt sur le patrimoine. C’est ainsi qu’est apparue la problématique du droit de partage.

Cette question a fait l’objet de plusieurs allers et retours entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et nous avons en définitive décidé une augmentation très significative du taux du droit de partage, lequel a été porté de 1,10 % à 2,50 %.

Nous étions bien conscients non seulement de l’opportunité de la mesure, mais aussi de la difficulté de la mettre en œuvre compte tenu du poids sensiblement plus élevé de cette ponction fiscale et des effets pervers que cela pouvait entraîner.

Je dirai simplement que, plus le droit de partage est élevé, plus on a intérêt à se maintenir dans l’indivision, ce qui ne peut que rappeler à notre excellent collègue Nicolas Alfonsi certaines circonstances très particulières dont nous avons pu avoir à traiter conjointement depuis de nombreuses années. Il s’agit bien de la même problématique, même si elle est de portée générale, et non spécifiquement insulaire.

Un droit de partage sensiblement réévalué est une incitation à ne point partager ou à partager en évitant de passer par un acte notarié. C’est ce que l’on m’a indiqué ces derniers temps, d’où cet amendement qui incite à une réflexion, monsieur le ministre : un taux un peu plus faible – de 2 % au lieu de 2,5 % – s’appliquant à une assiette sensiblement plus large en ferait peut-être un meilleur impôt, aussi productif, sinon plus, du point de vue des finances publiques.

C’est pourquoi le présent amendement, afin d’éviter une fuite de l’assiette, préconise que tout partage, constaté ou non dans un acte et de quelque bien que ce soit, à l’exception des partages de numéraire, soit assujetti au droit de partage.

En conclusion, on pourrait ainsi penser que, lorsqu’il existe par exemple un portefeuille de valeurs mobilières au sein d’une unité familiale et que la répartition de ces valeurs ne se fait pas sur la base d’un acte notarié, cette dernière puisse néanmoins être considérée comme un partage et ainsi assujettie au droit de partage de 2 %. Cet exemple me semble significatif de l’objectif visé par cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour rafraîchir, à cette heure matinale, la mémoire de mes collègues, je rappelle que l’augmentation des droits de partage avait été justifiée par le Gouvernement par la nécessité de financer ce que M. le président de la commission des finances, ne craignant pas l’euphémisme, appelle un « aménagement raisonnable » de l’impôt de solidarité sur la fortune, et que, pour ma part, au regard du rendement de cet impôt évalué à 1,9 milliard d’euros, je qualifie plutôt d’ « allégement considérable » de l’ISF.

M. Philippe Marini. Aménagement raisonnable !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale. Allégement considérable, plutôt !

M. Philippe Marini. Nous n’avons pas la même sémantique !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour financer cet allégement a donc été prévue une augmentation considérable des droits de partage, qui ont ainsi été doublés.

La majorité sénatoriale, à l’occasion de l’examen de l’amendement qui visait à revenir au taux initial du droit de partage, avait déclaré que cette mesure suscitait deux problèmes : non seulement la mesure était injuste puisqu’elle consistait à faire financer par tous, et potentiellement par ceux qui divorceraient, l’allégement de l’impôt sur la fortune mais surtout, à partir du moment où l’on relevait aussi brutalement le taux de ce droit de partage, il s’ensuivrait un effet très classique de contournement du dispositif.

L’amendement n° 94 vise à sécuriser l’assiette – c’est la reconnaissance de la fuite que peut provoquer la très forte augmentation du taux –, mais il prévoit de ramener le taux à 2 %, comme l’avaient fait les députés lors du retour dans leur assemblée du projet de loi de finances pour 2012.

Or un élément nouveau est apparu : les députés eux-mêmes, se rendant compte qu’un problème se posait, ont adopté hier après-midi, sur l’initiative du président de la commission des finances de leur assemblée, un amendement prévoyant une mesure transitoire en matière de divorce.

Cet amendement ne modifie pas le taux du droit de partage, mais il prévoit que les personnes en instance de divorce – et compte tenu des délais généralement longs des procédures de justice, certains divorces prennent du temps –ayant déposé une convention de divorce mais n’ayant pas encore divorcé bénéficieront du taux antérieur jusqu’au 31 juillet 2011.

Cela prouve bien que cette mesure, prise à la hâte pour financer l’allégement de l’ISF, pose problème.

La commission des finances a estimé hier, sans pouvoir bien sûr connaître la décision prise au même moment par les députés, qu’il était préférable d’en rester là, quitte à étudier ultérieurement le problème de l’assiette. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la rapporteure générale, il me paraît important de rappeler que c’est le Parlement et non le Gouvernement qui a décidé d’augmenter le droit de partage.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il fallait trouver un milliard d’euros, qui n’a d'ailleurs pas été trouvé en totalité !

M. Patrick Ollier, ministre. Monsieur Marini, je comprends vos préoccupations, après ces aménagements dont nous venons de parler. Toutefois, le Gouvernement, je le regrette, ne peut pas être favorable à votre amendement.

Le partage verbal est souvent pratiqué par les héritiers, comme vous l’avez rappelé, pour la répartition du mobilier, des objets ou des livres qui appartenaient au défunt. Mais ce dispositif vient d’être modifié et il serait souhaitable de préserver une certaine stabilité juridique en la matière.

Le Gouvernement plaide d’autant plus pour cette stabilité que la baisse de 0,5 % que vous proposez entraînerait à elle seule une augmentation des dépenses évaluée à 115 millions d'euros.

M. Patrick Ollier, ministre. En revanche, le rendement attendu de l’élargissement de l’assiette est tout à fait incertain. La mesure que vous proposez suscite donc une énorme interrogation d’un point de vue financier, monsieur Marini.

Sans préjuger de l’analyse civile, je vous rappelle que le droit de partage doit être constaté par un acte pour être exigible.

M. Patrick Ollier, ministre. Enfin, le chiffrage que je viens de livrer à votre réflexion devrait nous amener à prendre le temps de la réflexion avant de procéder à ce genre de modification. Il est en effet impossible de déterminer l’incidence de cette mesure – à part l’augmentation des dépenses qui en résulterait – alors que le Gouvernement met tout en œuvre, dans les textes financiers visant à absorber les conséquences de la crise, pour réduire les dépenses et pour réaliser des économies.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Marini.

Mme la présidente. Monsieur Marini, l’amendement n° 94 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous l’avez sans doute compris, il s’agit plutôt d’un amendement d’appel.

Toutefois, je suis prêt à parier que nous reviendrons sur cette question, car, comme cela est arrivé non seulement avec le droit de partage mais également avec d’autres dispositifs, la fixation d’un taux sensiblement plus élevé créé des effets de détournement quant à l’assiette.

Les notaires nous alertent sur le sujet, car le droit de partage suppose des actes notariés. Or cette réalité se contracte, me dit-on. Il est bien sûr compréhensible que les notaires, qui craignent d’être contournés – comme la fiscalité ! –, soient naturellement plutôt favorables à l’intégration dans l’assiette des partages que je qualifierai d’empiriques, à savoir ceux qui ne font pas l’objet d’un acte notarié.

Je suis leur raisonnement jusqu’à un certain point.

Comme M. le ministre, je suis prudent en ce qui concerne la réalité de cette nouvelle assiette.

Je pense que le raisonnement est juste : élargir l’assiette et, parallèlement, abaisser un peu le taux constitueraient des mesures de bon sens. Encore faut-il que cette assiette élargie soit appréhendée. Or, par définition, ce qui est empirique est difficile à appréhender.

Avec cet amendement, je tenais à prendre date. J’ajoute que le Parlement, lorsqu’il a pris voilà quelques mois l’initiative d’adopter une disposition visant à équilibrer la réforme de l’impôt sur le patrimoine, laquelle est tout à fait raisonnable, madame la rapporteure générale,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La preuve !

M. Philippe Marini. … l’a fait sous bénéfice d’inventaire. Nous avons une sorte de droit de suite : nous serons attentifs à la mise en œuvre des mesures, en particulier lorsque seront connus les taux réels de recouvrement et le rendement du droit de partage au titre de l’année 2011.

Tout en rappelant la vérité sociologique, qui n’est pas qu’insulaire, selon laquelle on a souvent une préférence pour le maintien dans l’indivision de certains biens – cela présente en effet de nombreux avantages –, vérité à laquelle il ne faudrait pas inciter par un taux trop élevé du droit de partage, je retire cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous mesurons là l’un des méfaits de l’allégement de l’impôt de solidarité sur la fortune adopté voilà quelques semaines. On a en effet très vite constaté que le doublement du taux du droit de partage créait un effet d’évitement.

La meilleure manière de revenir à bon droit, c’est de modifier le taux. Telle est la raison pour laquelle il faut voter la proposition de la majorité sénatoriale et en rester à un taux raisonnable, équivalent à la moitié de celui qui est actuellement en vigueur.

Mme la présidente. L’amendement n° 94 est retiré.

L'amendement n° 104, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, les mots : « fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts » sont supprimés.

La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’amendement que je vais maintenant vous présenter est de nature, me semble-t-il, à susciter une discussion intéressante.

J’ai trouvé une niche fiscale ! (Exclamations amusées.)

M. Charles Revet. Cela existe encore ?

M. Philippe Marini. Eh oui ! Et j’ai trouvé une niche fiscale plutôt antipathique (Sourires.), dont la prise en considération pourrait avoir des conséquences de portée plus générale sur un grand sujet de préoccupation pour nous tous, à savoir le mode de financement de notre système de protection sociale.

De quoi s’agit-il ?

J’ai observé – un peu par hasard, je le reconnais – que les revenus du patrimoine de source française perçus par des personnes non résidentes fiscalement en France sont actuellement assujettis à l’impôt sur le revenu ou au prélèvement libératoire, que l’on vient de relever, mais non à la contribution sociale généralisée.

M. Philippe Marini. Cela signifie qu’un non-résident fiscal qui détiendrait un portefeuille de valeurs mobilières, un immeuble de rapport, percevrait des dividendes, encaisserait des plus-values et des loyers non assujettis à la CSG.

Cette constatation me conduit à m’interroger – en réalité, c’est peut-être l’un des intérêts de cette initiative – sur la nature de la CSG : qu’en est-il d’un point de vue des principes fiscaux ? Qu’en est-il du point de vue du droit ? C’est là un vieux débat, aussi ancien que la création de la CSG en 1990.

La CSG est une imposition de toute nature et non une cotisation sociale.

Dans sa décision du 28 décembre 1990, confirmée dans une décision du 19 décembre 2000, le Conseil constitutionnel a en effet précisé que la CSG entrait dans la catégorie des « impositions de toutes natures » visées à l’article 34 de la Constitution.

C’est sur ce fondement qu’il a rejeté le moyen invoqué par les auteurs de la saisine, qui indiquaient que seules « les personnes susceptibles de bénéficier des prestations pour lesquelles elles cotisent » peuvent être assujetties à la CSG.

La réponse du Conseil constitutionnel a été claire : « considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus les contributions instituées par les articles 127, 132 et 133 de la loi constituent des impositions et non des cotisations de sécurité sociale ; que, dès lors, le moyen invoqué est inopérant ».

Les personnes assujetties à la CSG ne bénéficient en effet d’aucune prestation de sécurité sociale en contrepartie de cette contribution, contrairement aux cotisations sociales, qui ouvrent par nature droit à prestations.

C’est bien cet argument qui prévaut en matière de déductibilité de l’impôt sur le revenu, mes chers collègues : actuellement, et tant que la mesure sur les retraites supplémentaires d’entreprises prévue par l’article 13 sexies du présent projet de loi n’a pas été adoptée, seules les cotisations sociales – et non les contributions sociales – sont déductibles de l’impôt sur le revenu. La déductibilité partielle de la CSG ne se justifie, je le rappelle, que par le fait que, en 1997, l’augmentation de cette dernière a eu pour contrepartie une diminution des cotisations sociales qui sont, elles, déductibles de l’impôt sur le revenu. Il me semble utile de rappeler ce fondement juridique.

Plus généralement, il est admis, me semble-t-il, que la création de la CSG constitue une mesure prise – et amplifiée dans le temps – dans le contexte d’une fiscalisation progressive du financement de la sécurité sociale. C’est là l’option de fond à laquelle nous devrons bien réfléchir dans les mois et les années à venir, mes chers collègues.

Contrairement aux revenus d’activité et de remplacement, aucun critère relatif à l’affiliation à un régime de sécurité sociale n’est prévu pour l’assujettissement à la CSG des revenus du patrimoine.

La seule condition, prévue par l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, que cet amendement vise à modifier, pour assujettir les revenus du patrimoine à la CSG est celle de la domiciliation fiscale en France du redevable.

Pour les revenus d’activité et les revenus de remplacement, il existe un double critère d’assujettissement, sous l’impulsion de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes : la domiciliation fiscale en France du redevable et le fait d’être à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie. Ce second critère a été introduit a posteriori en 2001 pour tenir compte de la jurisprudence communautaire.

Au demeurant, si la loi française change, la jurisprudence communautaire changera. Il nous est tout à fait loisible de décider, comme tend à le prévoir l’amendement n° 104, que les personnes non résidentes fiscalement en France et percevant des revenus du patrimoine en France sont assujettis à la contribution sociale généralisée.

On ne ferait ici que s’aligner sur le droit fiscal général. En effet – je l’ai rappelé au début de mon intervention –, dans le domaine fiscal, les revenus du patrimoine de source française même perçus par des non-résidents sont soumis à l’impôt sur le revenu, de même d’ailleurs qu’à l’impôt de solidarité sur la fortune dans certaines conditions.

Quel est l’impact potentiel de la mesure que je préconise ? On me dit qu’elle concernerait 61 000 foyers fiscaux de non-résidents, de nationalité française ou étrangère.

Il s’agit là d’une question de droit fiscal. Lorsque, dans un même immeuble de rapport, tous les loyers perçus par les propriétaires sont calculés de la même façon, ils devraient être, me semble-t-il, assujettis aux mêmes prélèvements, dont la CSG, que les propriétaires soient ou non des résidents fiscaux français.

Cette petite niche rapporterait de l’ordre de 100 millions d’euros à la sécurité sociale, ce qui est toujours bon à prendre ! Madame la rapporteure générale, l’adoption d’une telle mesure permettrait de diminuer un peu le droit de partage ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. M. Marini a excellemment présenté cet amendement. Je n’y reviendrai pas, car tout ce qu’il a dit est exact. Nous avons les mêmes sources : la mesure qu’il propose rapporterait en effet 100 millions d’euros.

Il s’agit de s’interroger sur ce qu’est la CSG, et je vous remercie, monsieur Marini, d’aborder ce débat. La question que vous soulevez est d’autant plus intéressante que, comme vous le savez, un débat fiscal est ouvert dans la perspective de l’élection présidentielle. Certains, en particulier dans la majorité sénatoriale, soulève le problème du rapprochement de la CSG et de l’impôt sur le revenu.

Ce débat de droit sur la nature de la CSG est intéressant. M. Marini l’a rappelé, la CSG a toujours été considérée comme une imposition de toute nature : elle n’est donc pas une cotisation purement sociale.

Aussi, la commission a souhaité recueillir l’avis du Gouvernement sur cet amendement d’appel,…

M. Philippe Marini. Il pourrait même aller plus loin…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est le Gouvernement qui va le dire !

… amendement qui n’est pas sans conséquences sur les rentrées budgétaires. En tout cas, ce débat n’est pas prématuré. Il est important que le Sénat discute de cette question, qui s’inscrit dans le contexte plus large du rapprochement de la CSG et de l’impôt sur le revenu, opération qui, croyez-moi, n’est pas facile à mener.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Madame la rapporteure générale, c’est un débat à trois voix entre le Gouvernement, M. Marini, auteur de cette proposition, et vous-même, qui avez votre propre appréciation de cet amendement.

Pour le moment, nos positions ne sont pas compatibles. Le Gouvernement n’a pas l’intention de rapprocher l’impôt sur le revenu de la CSG. Nous ne trancherons pas la question aujourd'hui, mais nous pouvons continuer à en discuter. Il est toujours intéressant de poursuivre nos échanges sur des sujets aussi importants, d’autant que nous pouvons trouver des voies de convergence.

S’agissant de l’amendement n° 104, monsieur Marini, j’ai bien compris votre souhait qu’une réflexion soit engagée.

M. Philippe Marini. Je veux trouver de l’argent !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je vous en ai trouvé, mais vous n’en avez pas voulu ! Pourtant, l’argent n’a pas d’odeur…

M. Patrick Ollier, ministre. Vous souhaitez assujettir à la CSG les revenus du patrimoine de source française des non-résidents en France.

Le Gouvernement ne veut pas opposer une fin de non-recevoir à votre amendement. Il souhaite que la discussion puisse se poursuivre, mais il entend attirer votre attention sur les difficultés soulevées par votre proposition.

Tout d’abord, cet amendement pose un problème de principe : l’objet de votre amendement relève plus du projet de loi de financement de la sécurité sociale que du projet de loi de finances rectificative. Monsieur Marini, nous avons été longtemps parlementaires ensemble, et vous connaissez donc mon attachement aux principes de fonctionnement de nos institutions. C'est la raison pour laquelle je me permets de vous dire, en toute amitié, que votre proposition n’a pas sa place dans ce texte.

Ensuite, votre amendement soulève le problème de la domiciliation des Français assujettis à la CSG. Aux termes de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, l’ensemble des revenus des personnes physiques fiscalement domiciliées en France est assujetti à la CSG.

Il y a dans ce principe une relation de cause à effet à laquelle je vous demande de réfléchir : le bénéfice du régime de santé est en effet lié notamment au paiement de la CSG. La CSG, comme les autres prélèvements sociaux, concourt en effet au financement de la protection sociale, dont les assujettis doivent tout naturellement bénéficier. Or, comment faire payer la CSG à une personne résidant loin de la France si elle ne peut bénéficier en retour d’aucune prestation sociale ? Monsieur Marini, je vous invite à réfléchir à cette question si vous voulez aller plus avant dans la réflexion.

Par ailleurs, le Gouvernement considère que votre amendement est incomplet.

D’une part, ce texte ne vise que la CSG, sans traiter les conditions d’assujettissement à la CRDS et aux prélèvements sociaux pour chacun desquels existe une condition de domiciliation fiscale en France. Le problème est donc plus compliqué.

D’autre part, vous proposez de ne soumettre à la CSG que les revenus du patrimoine des non-résidents, en excluant leurs produits de placements de source française.

Une telle différenciation des revenus du patrimoine et des produits de placements perçus par les non-résidents ne se justifie pas dans la mesure où cela conduirait à soumettre aux prélèvements sociaux seulement certains revenus de capitaux mobiliers – les revenus fonciers et les plus-values mobilières –, mais pas d’autres – je pense notamment aux plus-values immobilières, aux intérêts et aux dividendes. Or, je vous rappelle que la seule différence entre les revenus du patrimoine et les produits de placement est leur modalité de recouvrement. Ce point mériterait donc d’être revu.

J’ajoute que le rendement de la mesure proposée serait réduit par le jeu des conventions fiscales.

Enfin, cet amendement créerait, me semble-t-il, un vide juridique en supprimant les conditions d’assujettissement des revenus du patrimoine à la CSG. De ce fait, le statut de cette imposition et l’affectation budgétaire qui doit en principe en découler – budget général ou affectation particulière – deviendraient flous. S’agirait-il d’une imposition distincte, d’une imposition additionnelle à l’impôt sur le revenu ou d’une composante de l’impôt sur le revenu ?

Monsieur Marini, votre amendement a toute sa légitimité – je reconnais d’ailleurs que votre position sur la question reste constante –, mais il soulève de trop nombreuses questions pour pouvoir être accepté en l’état. Comme je ne pense pas que vous puissiez le réécrire immédiatement,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On ne sait jamais, il est très fort ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, ministre. … je vous demande de le retirer ; nous avons bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.