M. Philippe Richert, ministre. Certes, il est toujours possible d’améliorer les choses, car rien n’est jamais parfait. Cela ne vous autorise pas pour autant à traîner, durant toute une après-midi, notre pays dans la fange.

Vous l’avez bien remarqué, personne ne vote comme vous, vous êtes seul, totalement seul. Or, depuis plusieurs heures, le Sénat, dans toutes ses composantes, écoute ce que vous avez à dire : voilà tout de même, permettez-moi de le dire, un bel exemple de démocratie ! (Marques d’approbation sur de nombreuses travées.)

Cessez donc de nous expliquer en permanence que vous seriez le seul, dans cette enceinte, à représenter la démocratie, sous prétexte que vous défendez les élus. L’ensemble des sénatrices et sénateurs ici présents, de tous bords, savent aussi, comme leurs prédécesseurs, d’ailleurs, représenter les élus.

Il y a des dérives que nous ne pouvons plus laisser passer. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas à l’écoute des cris poussés par certains, quand il ne s’agit pas de vociférations, que nous ne serions pas à la hauteur des enjeux démocratiques dans notre pays.

Si, parmi tous ceux qui, aujourd’hui, sont en train de réclamer des signatures, certains exprimaient, de temps en temps, leurs propres choix de façon un peu plus raisonnable, peut-être davantage d’élus auraient-ils moins de réticences à accepter de les soutenir publiquement.

Je l’avoue, je ne vois pas en quoi le fait de demander à ceux qui accordent leur parrainage à un candidat à la présidence de la République de rendre publique leur décision constitue une anomalie dans notre République. Je trouve normal qu’ils aient à le faire, je le dis très franchement. Il s’agit d’un acte courageux, bien sûr, mais il faut avoir le courage de ses opinions !

Quand on est maire, conseiller général, conseiller régional, député ou sénateur, il est tout à fait légitime qu’on laisse entendre vers qui va son choix parmi tous ceux qui présentent, ou non, leur candidature à la présidence de la République.

Cela ne signifie pas pour autant, monsieur le sénateur, que l’idée même que des pressions soient exercées est acceptable. Mais il importe que ceux qui, le cas échéant, en sont les victimes aillent jusqu’au bout et portent plainte, car rester muet ne suffit pas. Il n’est pas admissible que, dans notre pays, quelqu’un puisse être effectivement victime de pressions, voire d’actions diverses de rétorsion. Mais il faut alors aller jusqu’au bout de sa pensée et de ses positions, et saisir la justice.

Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les compléments que je souhaitais apporter aux propos de M. le rapporteur. Au demeurant, qu’un candidat à l’élection présidentielle se réveille aujourd’hui, à moins de trois mois du premier tour, pour se plaindre de ne pas avoir le nombre de signatures requis et dénoncer une injustice, ce n’est pas normal ! Parmi tous les candidats, il faudrait que certains fassent, de temps en temps, un examen de conscience s’agissant de leurs propres propositions. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et de l’UCR.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote sur l’amendement n° 6.

M. Jean Louis Masson. Je profiterai de cette prise de parole pour répondre à M. le ministre et à M. le rapporteur, puisqu’ils ont relancé le débat. (Marques de lassitude sur plusieurs travées.) M. le ministre l’a dit, chacun a la chance de pouvoir s’exprimer. Moi, je le ferai jusqu’au bout, que cela plaise ou non, car j’ai droit à cinq minutes par explication de vote ! Si certains ne sont pas contents, ils peuvent toujours s’en aller !

Ce n’est pas parce que je ne pense pas comme la majorité des partis politiques qui sont représentés dans cette enceinte, que je vais me taire. D’ailleurs, la majorité des Français, elle, n’approuve pas le système des parrainages. Nos compatriotes seraient même, selon un sondage, 70 % à s’y opposer : que l’on ne vienne donc pas nous raconter n’importe quoi !

Mme Sylvie Goy-Chavent. Il faut se méfier des sondages !

M. Jean Louis Masson. J’admets tout à fait qu’un candidat ne puisse pas se présenter s’il ne parvient pas à obtenir ses signatures, à condition que toutes les personnes susceptibles de le parrainer puissent le faire librement. Il faut sortir de cette gigantesque hypocrisie consistant à faire semblant de croire qu’aucune pression ne s’exerce sur les parrains potentiels.

Mme Éliane Assassi. Oh là là !

M. Jean Louis Masson. Personne n’est dupe, il suffit de lire la presse pour s’en convaincre, et la situation est la même partout. En quoi les grands électeurs de la Moselle seraient-ils différents des autres ? Chacun d’entre nous, dans son département, a certainement dû croiser tel ou tel maire venu lui confier son embarras d’être soumis à de telles pressions. Ce n’est pas admissible !

Il est faux de dire que le Front national n’obtient pas ses signatures parce que les gens ne veulent pas de lui. Tout le problème vient des pressions, des menaces et du chantage exercés sur ceux qui seraient prêts à lui accorder leur signature.

Mme Nathalie Goulet. Et pour M. de Villepin ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote sur l’amendement n° 7.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, je me contenterai de dire que je vote mon amendement !

Mme Sylvie Goy-Chavent. Au moins, c’est clair !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote sur l’amendement n° 9.

M. Jean Louis Masson. L’objet de cet amendement est quelque peu similaire à celui de l’amendement n° 11 défendu par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen. Tous deux relèvent, en tout cas, de la même philosophie : proposer une solution intermédiaire pour faire en sorte que les petits partis ne soient pas assujettis, s’agissant du remboursement de leurs dépenses, au couperet des 5 %.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote sur l’amendement n° 10.

M. Jean Louis Masson. Là aussi, je serai bref : je voterai mon amendement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique modifié constituant l’ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fidèle à ma logique, je tiens à expliquer mon vote.

Je ne suis pas surpris, bien évidemment, par l’issue des débats, mais je suis déçu. Très honnêtement, j’ai une autre conception de la démocratie et certains m’ont opposé des arguments auxquels ils ne croyaient pas eux-mêmes !

Naturellement, je voterai contre ce projet de loi organique.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, modifié, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi organique.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et l’avis du Gouvernement, défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 97 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 166
Majorité absolue des suffrages exprimés 84
Pour l’adoption 165
Contre 1

Le Sénat a adopté. (Applaudissements au banc des commissions.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle
 

12

 
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines
Discussion générale (suite)

Exécution des peines

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l’exécution des peines (projet n° 264, texte de la commission n° 303, rapport n° 302).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vient en discussion aujourd’hui devant votre assemblée n’a pas grand-chose à voir avec le projet de loi déposé par le Gouvernement ni avec le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Votre commission des lois en a changé jusqu’au titre, puisqu’il s’agit désormais du « projet de loi de programmation relatif aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la loi pénitentiaire ». Du texte issu de la première assemblée saisie, la commission des lois a seulement conservé la partie relative aux saisies et confiscations, ce qui est, certes, important, mais qui, vous en conviendrez, n’a pas de lien très évident avec le nouveau titre du texte !

Je connais l’attachement du Sénat à la loi pénitentiaire, qu’il avait contribué à profondément remanier. J’avais moi-même participé au débat. C’est la raison pour laquelle je veux, avant toute chose, vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le projet de loi présenté par le Gouvernement s’inscrit dans la continuité de la loi pénitentiaire, en ce qu’il donne des moyens complémentaires pour sa bonne application.

Il ne peut y avoir de politique pénale efficace sans exécution des peines. C’est au fondement même de la justice. Les magistrats, je le répète, font leur travail avec sérieux et conviction. Nullement laxistes, ils appliquent strictement les lois que vote le Parlement. Mais, pour le bon fonctionnement de notre société, il est indispensable que les sanctions qu’ils prononcent soient exécutées.

C’est pourquoi j’ai lancé, il y a un an, un plan national d’exécution des peines. Il fixait des objectifs aux juridictions ayant accumulé le plus de retard et, dans cette perspective, renforçait leurs moyens. Le nombre de peines en attente d’exécution a ainsi baissé de 15 000 entre la fin de l’année 2010 et le milieu de l’année 2011, passant de 100 000 à 85 000, ce qui veut dire qu’il reste à peu près, en flux, 85 000 peines non exécutées.

En outre, les délais de mise à exécution ont pu être raccourcis : deux tiers des peines d’emprisonnement ferme prononcées sont désormais exécutées, en moyenne, dans les six mois de leur prononcé.

Le respect dû aux lois votées par le Parlement et au travail des magistrats ainsi que la crédibilité de la justice exigent non seulement une réduction plus substantielle encore des délais d’exécution des décisions de justice, mais également une mise en œuvre toujours plus efficace de l’ensemble des principes qui président à nos politiques pénales et notre politique pénitentiaire, tels qu’ils sont définis par la loi du 24 novembre 2009.

Pour cela, deux conceptions s’opposent : celle, réaliste et pragmatique, défendue par le Gouvernement, qui consiste à permettre une exécution rapide et effective des peines, sous forme aménagée, quand cela est possible, et sous forme d’incarcération, quand cela apparaît nécessaire. Cette politique équilibrée ne peut aboutir que si nous déployons les moyens nécessaires et adaptés pour y parvenir ; telle est notre conception de la justice. À cette conception s’oppose celle de la commission des lois du Sénat, qui postule que les peines courtes ne doivent jamais être exécutées en détention.

En premier lieu, le projet de loi du Gouvernement, je le dis avec conviction, n’est pas dans la logique du « tout carcéral ». Contrairement à ce que vous affirmez dans votre rapport, madame le rapporteur, le texte du Gouvernement est conforme à la lettre et l’esprit de la loi pénitentiaire, car il donne les moyens de mettre en application ses principales avancées.

D’abord, l’encellulement individuel.

Aujourd’hui le nombre de détenus est de 65 000, sachant que près de 85 000 décisions d’emprisonnement ne sont pas exécutées et que nous disposons, à ce jour, d’un peu plus de 58 000 places dans les établissements pénitentiaires. Le taux de surencombrement, qui est de 113 %, peut aller jusqu’à 136 % dans les maisons d’arrêt. Augmenter la capacité du parc carcéral, diversifier les établissements, c’est donc répondre à la réalité des besoins et, surtout, favoriser des conditions de détention dignes et adaptées, qui permettent un véritable travail de réinsertion.

Je souligne que le candidat socialiste à l’élection présidentielle propose, dans ses soixante engagements pour la France, que « les peines prononcées seront toutes effectivement exécutées et les prisons seront conformes à nos principes de dignité ». Je suis heureux de souligner ce point d’accord avec le Gouvernement, certain que le groupe socialiste pourra nous rejoindre sur l’amendement que je défendrai sur le sujet. (Sourires.)

Le besoin de 80 000 places de prison est parfaitement justifié et nous situe même dans la moyenne des pays du Conseil de l’Europe. La création de ces nouvelles places de prison nous permettra d’avoir un taux d’encellulement individuel compris entre 90 % et 95 %.

Rappelons, en outre, que c’est cette majorité qui a voté deux textes majeurs : la création du contrôleur général des lieux privatifs de liberté, en 2007, et la loi pénitentiaire de 2009, que j’ai déjà citée à plusieurs reprises.

Ensuite, autre axe essentiel de cette politique pénitentiaire voulue en 2009, le développement des activités pour les détenus.

Les nouveaux établissements tripleront la surface consacrée aux activités des détenus, permettant de mettre en place les cinq heures d’activité par jour et par détenu.

Enfin, le développement des aménagements de peine.

Il est bien évident que la prison n’est pas la réponse à tout. Nous devons privilégier d’autres solutions chaque fois que la situation et la personnalité du condamné le permettent. C’est ce qu’a fait le Gouvernement depuis 2007 en menant une politique volontariste d’aménagements de peine. Je rappelle qu’aujourd’hui 10 700 condamnés bénéficient d’un aménagement de peine sous écrou, sous forme de surveillance électronique, de semi-liberté ou de placement extérieur. C’est un quart de plus qu’il y a un an et 125 % de plus qu’en mai 2007.

Ce développement accéléré des aménagements de peine a été permis par un renforcement considérable des moyens des services de probation et d’insertion pénitentiaire, les SPIP, dont les effectifs ont été accrus de près de 40 % de 2007 à 2011, passant de 2 957 équivalents temps plein travaillé à 4 084.

Le projet de loi tel que nous l’avons présenté entend concentrer encore davantage les effectifs des SPIP sur cette mission d’aménagement de peines. Il y procède avec la réaffectation de 132 conseillers sur le post-sentenciel, et ce grâce au transfert du pré-sentenciel au secteur associatif, mais aussi avec la création de 88 postes de conseiller d’insertion et de probation mobiles et le recrutement de 103 psychologues pour mettre en place la pluridisciplinarité dans les services.

Pour autant, je veux alerter sur les risques liés à l’automaticité introduite par votre commission des lois en matière d’aménagement de peine ou de libération conditionnelle.

L’aménagement de peine s’inscrit dans une politique de réinsertion. Il ne peut en aucun cas être une variable d’ajustement pour lutter contre la surpopulation carcérale. Ce sont bien la personnalité, le profil et la qualité du projet du condamné qui fondent la décision d’aménagement de peine ou de libération conditionnelle. C’est à cette condition que nous œuvrons véritablement à la réinsertion et que nous respectons le principe fondamental de notre droit pénal qu’est l’individualisation des peines.

Chacun souscrit évidemment à la nécessité de lutter contre la surpopulation carcérale. Toutefois, interdire, comme l’a prévu votre commission des lois, le dépassement de la capacité d’accueil des établissements pénitentiaires nous conduira à d’insurmontables difficultés pratiques et de principe.

Le Gouvernement a déjà eu l’occasion de faire connaître son opposition à ce dispositif.

Adapter les structures au profil des condamnés est l’un des objectifs du texte gouvernemental. Il s’agit, pour l’essentiel, de garantir des conditions de détention adaptées, propres à assurer la réinsertion de chacun. Le texte initial affine donc la classification classique entre maisons d’arrêt et établissements pour peine, qui demeure, en introduisant quatre niveaux de sécurité en fonction du profil des détenus.

Aujourd’hui, les établissements pour courtes peines nous font cruellement défaut, alors que 50 % des peines en attente d’exécution sont inférieures ou égales à trois mois. Contrairement à ce qu’avance la commission des lois, il serait illusoire de considérer que toutes les courtes peines seront exécutées sous forme d’aménagement. Actuellement, les personnes condamnées à de courtes peines sont généralement hébergées, par défaut, dans des maisons d’arrêt déjà surpeuplées, alors que des conditions d’incarcération moins lourdes seraient mieux adaptées et plus efficaces dans une démarche de réinsertion.

On ne peut pas non plus ignorer qu’une partie de la population pénale présente des troubles psychiatriques et que cela requiert des structures adaptées.

Vous avez soulevé, madame le rapporteur, la question des moyens alloués à la construction de ces places nouvelles. Je voudrais apporter quelques précisions sur ce point car, bien évidemment, le financement de ces places est évalué avec précision. C’est l’objet même d’une loi de programmation.

L’ouverture de 23 000 nouvelles places de prison représentera un effort budgétaire important, que le Gouvernement assume et ne cherche pas à dissimuler : le coût d’investissement se chiffre à 3 milliards d’euros. Et il faudra créer environ 6 000 emplois pénitentiaires, ce qui représentera un coût annuel de 180 millions d’euros en masse salariale.

Des efforts importants ont été faits pour optimiser ce coût en investissement et en personnels. Je veux le dire très clairement, le Gouvernement est dans une phase de rattrapage des moyens de la justice. Il entend agir au niveau des magistrats comme au niveau pénitentiaire. Un retard a été accumulé depuis de très nombreuses années, il faut en avoir conscience, mais le Gouvernement a la volonté politique d’y mettre fin.

Nous avons donc retenu une approche pragmatique et équilibrée : ainsi, pas plus de la moitié des nouvelles places qui seront construites d’ici à 2017 le seront dans le cadre d’un partenariat public-privé, PPP. Tous les quartiers et centres pour courtes peines seront ainsi réalisés en maîtrise d’ouvrage publique, et même pour les opérations plus lourdes, le PPP ne sera pas nécessairement privilégié. Le projet de loi de programmation présenté par le Gouvernement contient d’ailleurs, à dessein, dans sa partie normative, une disposition visant à rendre plus attractif le recours au marché de conception-réalisation par rapport au PPP.

Favoriser une exécution rapide des peines passe évidemment par un renforcement des services de l’application et de l’exécution des peines des juridictions. Le projet de loi de programmation leur affectait ainsi des moyens humains supplémentaires, notamment en juges d’application des peines.

Pour permettre une prise en charge immédiate de tous les condamnés, le texte que nous avions présenté généralisait les bureaux d’exécution des peines à toutes les audiences dans chaque juridiction, pour les majeurs comme pour les mineurs. Là où ils ont été mis en place, ces bureaux d’exécution des peines ont, en effet, fait la preuve de leur efficacité. En effet, dès que la condamnation a été prononcée, le condamné peut payer l’amende, et cela donne de très bons résultats.

Parce que nous ne devons jamais oublier le respect dû aux victimes, le texte initial renforçait également l’aide qui leur est apportée par la généralisation des bureaux d’aide aux victimes au sein des tribunaux de grande instance. Nous disposons actuellement de trente-huit BAV, qui permettent aux associations, au sein des juridictions, d’accueillir, d’accompagner et d’orienter les victimes. L’ouverture de douze nouveaux bureaux d’aide aux victimes est d’ores et déjà prévue en 2012. Ces bureaux répondent à un véritable besoin.

Dans la version présentée par le Gouvernement, le projet de loi de programmation améliorait également les dispositifs de prévention de la récidive.

C’est un axe fort de la politique pénale de ce gouvernement. Depuis 2007, nous avons mis en place une politique de réinsertion active et de développement des aménagements de peine. Le projet de loi de programmation visait à aller plus loin en portant l’effort sur le renforcement des outils d’évaluation de la dangerosité et les soins en détention.

Chacun en conviendra, mieux évaluer la dangerosité criminologique est une nécessité. L’Assemblée nationale a ainsi renforcé les dispositifs inscrits dans le texte par l’intégration progressive des méthodes actuarielles au profit des praticiens. Ainsi, une nouvelle impulsion était donnée à l’enseignement de la criminologie au sein tant des universités que des écoles des métiers de la justice. De même, les bénéficiaires de la bourse prévue par le projet de loi incitant les futurs psychiatres à exercer les fonctions d’expert psychiatre ou de médecin coordonnateur devaient suivre une formation spécifique en sciences criminelle ou légale.

Le texte initial comprenait deux mesures essentielles pour une évaluation pluridisciplinaire des condamnés : la généralisation du diagnostic à visée criminologique, le DAVC, et la création de nouveaux centres d’évaluation.

Le DAVC repose sur une évaluation pluridisciplinaire, rigoureuse et systématique de chaque condamné, qui permet de déterminer un parcours d’exécution des peines orienté vers la prévention de la récidive et de mettre en place un suivi différencié en milieu ouvert. Il s’agit d’un véritable outil de partage d’informations.

J’ai bien noté l’hommage que vous rendez, madame le rapporteur, aux centres nationaux d’évaluation, et je m’en réjouis. En prévoyant l’ouverture de trois nouveaux centres d’évaluation, le texte, dans sa version votée par l’Assemblée nationale, permet de développer l’évaluation des condamnés à de longues peines, qui présentent un degré de dangerosité important. Le nombre de condamnés pouvant être évalués annuellement serait ainsi porté à 1 600 par an.

Cette mesure s’inscrit dans le prolongement de la loi du 10 août 2011, qui a étendu le passage obligatoire par le Centre national d’évaluation aux détenus condamnés à dix ans au moins pour les faits les plus graves, lorsqu’ils sollicitent leur libération conditionnelle ; avant cela, seules étaient concernées les personnes condamnées à perpétuité.

Le texte initial visait à garantir une plus grande efficacité des soins. Ces dispositions sont absolument essentielles. Or la commission des lois a supprimé les dispositions relatives au partage de l’information tant avec le médecin, dans le cadre d’une obligation de soins ou d’une injonction de soins, qu’avec les responsables d’établissements scolaires qui accueillent des mineurs placés sous contrôle judiciaire, pour des crimes ou délits violents ou de nature sexuelle.

J’ai bien noté, madame le rapporteur, que vous n’étiez pas opposée par principe à ces mesures, mais que vous souhaitiez approfondir la réflexion sur le sujet. Toutefois, en retardant ces mesures, nous prenons un risque, celui d’une discontinuité dans la chaîne d’information. Nous avons pu en mesurer récemment les conséquences dramatiques. Je rappelle qu’en l’état actuel du droit, bien que les soins soient pénalement ordonnés, le médecin ou le psychologue traitant doit se contenter de ce que son patient veut bien lui dire sur les faits qui lui sont reprochés.

Quant à l’information du juge de l’application des peines, elle doit lui permettre d’apprécier si le condamné est réellement engagé dans une démarche de soins.

Or, aujourd’hui, la loi prévoit que le médecin remet au patient un certificat attestant les soins pour qu’il puisse en justifier auprès du JAP. Pour autant, elle n’en définit pas le contenu. C’est pourquoi le Gouvernement a prévu que ce certificat devait attester la régularité des soins en détention. Votre commission des lois a souhaité en rester au droit actuel, qui est pourtant incomplet. Il ne s’agit pas de mettre à mal la confidentialité des échanges ente le médecin et son patient. Il s’agit simplement de permettre au magistrat de se prononcer en pleine connaissance de cause sur le retrait ou l’octroi de réductions de peine ou le prononcé d’un aménagement de peine.

Le texte proposé par le Gouvernement procède à un renforcement des moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Nous avons conscience des difficultés de ces services, mais aussi de leur rôle essentiel dans la prévention de la récidive.

Le projet prévoyait, dès 2013, la constitution d’équipes mobiles dans les SPIP, ainsi que la délégation au secteur associatif habilité des enquêtes pré-sentencielles. Cela permettait de réaffecter l’équivalent de 130 emplois de conseillers d’insertion et de probation au suivi post-sentenciel, qui est le cœur de mission des SPIP. Nous souhaitions, par ailleurs, mettre en œuvre les préconisations d’amélioration des méthodes de prise en charge et d’organisation formulées par des groupes de travail et la mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des services judiciaires, qui ont rendu leurs conclusions au printemps dernier.

Enfin, le Gouvernement ne peut être favorable à la suppression des peines planchers, au motif qu’elles limiteraient la liberté d’appréciation du juge.

Tout d’abord, parmi tous les outils mis en place par le Gouvernement, les peines planchers constituent une réponse pénale adaptée pour mieux lutter contre la récidive légale.

Je rappelle que ce dispositif a été jugé conforme à la Constitution, et en particulier au principe d’individualisation des peines. Les magistrats ont en effet toujours la possibilité d’écarter la peine plancher, par décision spéciale et motivée, en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur, ou si le prévenu présente des gages de réinsertion.

Enfin, vous permettrez que je souligne ce qui m’apparaît comme une contradiction dans votre réflexion. Si vous souhaitez supprimer les peines planchers au motif qu’elles limiteraient la liberté d’appréciation du juge, alors il vous faudra aussi renoncer à l’automaticité que vous avez introduite pour la libération conditionnelle et l’obligation d’aménagement des peines inférieures à trois mois qui, elle aussi, limite la liberté du juge !

M. Charles Revet. Eh oui, il faut être cohérent !