compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,

M. Gérard Le Cam.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à un projet de nomination

M. le président. Lors de sa réunion du mardi 6 novembre 2012, conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 592-2 du code de l’environnement, la commission des affaires économiques a émis un vote favorable (10 voix pour) sur le projet de nomination de M. Pierre-Franck Chevet, en qualité de président de l’Autorité de sûreté nucléaire.

Acte est donné de cette communication.

3

Dépôt de rapports

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 76 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, le rapport sur les conséquences de la réforme de la fiscalité directe locale induite par la suppression de la taxe professionnelle.

Il a par ailleurs a reçu de M. Jean Ludovic Silicani, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, le rapport sur la neutralité de l’internet, établi en application de l’article 21 de la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Le premier a été transmis à la commission des finances et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le second à la commission des affaires économiques et à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

4

 
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017
Discussion générale (suite)

Prélèvements obligatoires. - Programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Débat et discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, et la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (projet n° 69, rapport n° 96, avis n° 73).

Dans le débat et la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le constat est fait par tous et il n’est, je crois, remis en cause par quiconque : le stock de dette de notre pays, 1 700 milliards d’euros, est considérable. Cela revient pour la France à servir chaque année entre 45 milliards d’euros et 50 milliards d’euros d’intérêts, 47,5 milliards d’euros cette année. L’année prochaine, ce poste de dépenses sera le premier du budget de l’État !

Cette situation n’est pas acceptable. Elle ne peut plus durer pour des raisons que chacun connaît bien, pour des raisons de souveraineté nationale. Chacun le constate, les politiques qui sont menées dans notre pays, de par la volonté et sous le contrôle du peuple, semblent d’abord soumises à une approbation de la part d’entités irresponsables, au sens juridique et politique du terme, que sont nos prêteurs, les grands intermédiaires chargés de drainer l’épargne vers tel ou tel État, sans parler des agences de notation.

Il y a donc un problème de souveraineté nationale incontestable et un problème de justice ou de morale, puisque cette dette constitue un véritable impôt dès la naissance. Les générations qui nous suivent ne devraient pas, me semble-t-il, avoir à acquitter cet impôt-là, dans la mesure où nombre de ces dépenses, parce qu’elles relèvent de dépenses de fonctionnement et non de dépenses d’investissement, ne profiteront en rien à celles et ceux à qui pourtant nous nous apprêtons implicitement à demander de les assumer.

De plus, on ne le souligne pas assez, cet endettement représente un grave handicap de compétitivité, tant il est vrai que l’épargne levée à ce niveau par la puissance publique ne peut être investie dans le secteur productif. À n’en pas douter, la dégradation de la compétitivité de notre pays ces dix dernières années trouve, au moins en partie, son origine dans cette épargne levée par la puissance publique au détriment des facteurs de production privée.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cet état de fait ne peut donc pas durer, et le président de la République a décidé non seulement de ne pas s’en satisfaire, mais de rompre avec des politiques menées continûment depuis de très nombreuses années, cette rupture prenant la forme d’actions protéiformes, quoique complémentaires et en tout cas cohérentes.

Il s’agit d’abord d’une action européenne. On sait que des décisions ont été prises en juin, que l’Europe a enfin décidé – peut-être insuffisamment aux yeux de certains, mais elle l’a néanmoins décidé – de relancer l’activité économique, en tout cas au sein de la zone euro ; c’est le mandat confié à la Banque européenne d’investissement, qui va investir 120 milliards d’euros, montant qui sera doublé grâce à un effet de levier. Ce sont, en réalité, 240 milliards d’euros qui seront ainsi investis en Europe et cette nouvelle ne peut que réjouir toutes celles et tous ceux qui connaissent l’importance de cette relance en Europe et en tout cas en France.

Ces décisions ont également abouti – indirectement certes, mais elles ont néanmoins abouti – à ce que la Banque centrale européenne lance son programme OMT, Outright Monetary Transactions, de rachat de dettes à court terme pour les États les émettant.

Ces décisions ont également abouti à un partage peut-être plus équilibré – c’est en tout cas le point de vue que je me permets d’émettre de cette tribune – des responsabilités au sein de la gouvernance européenne, les visions que la France pourrait émettre étant, semble-t-il, davantage prises en compte que par le passé.

Cette politique européenne est donc la première pierre d’une rupture mise en œuvre maintenant depuis quelques mois, le deuxième élément étant constitué par la politique de redressement de nos comptes publics entamée avec le projet de loi de finances rectificative, complétée bientôt – car j’en espère le vote – par le projet de loi de finances initiale pour 2013.

Le dernier élément dont je me permettrai de dire quelques mots sera bien évidemment le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, pacte qui, j’en suis sûr, fera l’objet de quelques débats avant d’être soumis au Parlement, très vraisemblablement au premier trimestre de l’année prochaine.

Le redressement de nos comptes a donc été entamé. Il l’a été grâce à un effort portant à la fois sur la fiscalité et sur la dépense.

L’effort sur la fiscalité, nous le connaissons : il s’agit d’un effort entamé, je le répète, dans le projet de loi de finances rectificative, car l’urgence était là. Il fallait bien donner à notre pays les moyens de respecter l’engagement qu’il avait pris de limiter le déficit public à 4,5 % du PIB en 2012. Chacun l’a constaté lors de l’examen de ce texte, à défaut de prendre ces mesures, cet engagement de réduction du déficit à 4,5 % du PIB n’aurait pas été tenu.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Évidemment, vous avez supprimé la TVA sociale ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

MM. Bernard Piras et Richard Yung. Ah non, ça ne va pas commencer…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cet engagement a donc été respecté grâce aux mesures que nous avons prises et je ne crois pas que le maintien ou la suppression de la TVA sociale aurait changé quoi que ce soit, puisqu’il s’agissait de gager une dépense. Dès lors, monsieur le président, cette mesure était, me semble-t-il, rigoureusement neutre en termes d’équilibre de nos finances publiques.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Quelle habileté !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En revanche, elle n’aurait pas été neutre pour la consommation des ménages, tandis que la stratégie économique qui a été déployée et que j’assume tendait bien à préserver la consommation des ménages en 2013, ce qui sera le cas, tant il est vrai que la croissance économique que nous espérons l’année prochaine pour notre pays...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. 0,4 % selon la Commission !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. ... viendra pour l’essentiel de la consommation des ménages, nonobstant la prévision de la Commission européenne à laquelle, monsieur le président, vous faites référence, prévision qui, naturellement, ne tient pas compte du pacte qui vient d’être proposé aux Français et dont le Parlement sera bientôt saisi.

Par conséquent, je ne crois pas que l’on puisse d’ores et déjà condamner cette politique. Bien au contraire, on voit en quoi elle diffère de celle qui a été menée jusqu’alors et qui, me semble-t-il, n’a pas donné les résultats espérés.

J’ai dit ce qu’il en était du stock de dettes. J’aurais pu rappeler ce qu’il en était de la perte des emplois industriels – 750 000 en près de dix ans –, du déficit du commerce extérieur – 73 milliards d’euros en 2012, alors qu’il était excédentaire de près de 3 milliards d’euros en 2002.

Bref, tous ces indicateurs montrent bien que les politiques menées, pour sincères qu’elles aient pu être, n’avaient pas produit les résultats que ses promoteurs pouvaient en attendre. Le constat est, je le crains, sans appel, même s’il faut admettre que la conjoncture a pu ne pas aider à la réussite de ces politiques-là.

Quoi qu’il en soit, le redressement de ces comptes est en cours et nous estimons que l’effort fiscal qui va de pair est juste. En effet, tant pour les ménages que pour les entreprises, il fait appel aux agents économiques qui peuvent consentir de tels efforts, sans que les premiers aient à diminuer leur consommation – 90 % de l’effort fiscal sera assumé par 10 % de nos compatriotes – et sans que les secondes aient à modifier leur capacité d’investissement.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ensuite, on leur rendra l’argent !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Bref, cet effort est juste. C’est une stratégie fiscale que nous assumons. Elle diffère d’ailleurs de celle qui a été suivie ces dernières années et qui, via des taxes ou des hausses de CSG, voire de TVA, ne faisait pas la part entre les entreprises ou les ménages qui pouvaient plus ou moins facilement, voire très difficilement, consentir de tels efforts.

Nos choix politiques sont différents de ceux qui furent faits à l’époque et, bien évidemment, nous en espérons – permettez-moi de le dire devant vous – des résultats économiques meilleurs que ceux que nous avons pu constater.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous pouvez encore espérer !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’histoire jugera et, dans l’hypothèse où ces résultats ne seraient pas meilleurs, je ne doute pas que vous saurez nous le rappeler avec les propos incisifs dont vous pouvez, les uns et les autres, être capables ! Le Gouvernement assumera éventuellement une telle situation, tout comme, je l’imagine, l’opposition constatera le succès si celui-ci est bien au rendez-vous.

Au-delà de cet effort fiscal, la gouvernance va changer, et tout d’abord à l’égard de l’État. Si la révision générale des politiques publiques, RGPP, a été abandonnée, ce n’est pas pour autant, bien au contraire, que nous récusons la nécessité de moderniser l’appareil d’État.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous utiliserez un autre sigle !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La méthode ne sera pas la même. Le levier budgétaire utilisé pour la révision générale des politiques publiques, reste évidemment un levier puissant, mais nous n’avons pu que constater son relatif échec quand il était utilisé isolément.

Supprimer des postes ici ou là a permis un effet d’affichage incontestable, mais n’a pas pour autant diminué la dépense publique ces dernières années,...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sept milliards d’euros d’économies !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. ... comme les promoteurs de ces politiques pouvaient l’espérer. Bien au contraire, la règle du « un sur deux » concernant le non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite n’a produit comme économie, année après année, que quelques centaines de millions d’euros – 300 millions d’euros selon le rapport de la Cour des comptes –, c’est-à-dire bien moins que le milliard d’euros attendu lorsque cette politique fut annoncée, puis votée et mise en œuvre.

La révision générale des politiques publiques appartient donc au passé si la modernisation de l’appareil d’État est toujours d’actualité, et c’est à chaque ministre qu’il reviendra, sous le contrôle et sous l’autorité du Premier ministre, qui demandera très régulièrement des comptes à chacun, de proposer des réformes de nature structurelle pour son administration, afin que, précisément, les économies dont je vais parler dans un instant de conjoncturelles deviennent structurelles et garantissent que l’effort de redressement que la France a engagé repose non pas exclusivement sur des recettes fiscales – chacun sait bien que le redressement ne pourrait se faire à ce seul prix –, mais bien aussi sur une économie dans la dépense, tant les deux sont évidemment nécessaires. C’est la première différence.

Par cette gouvernance radicalement modifiée, nous comptons bien aussi – c’est la seconde différence – demander aux opérateurs curieusement épargnés jusque-là de contribuer à l’effort d’ajustement de nos dépenses publiques.

On le sait, ces dernières années, les opérateurs ont vu leurs dépenses de fonctionnement progresser de 15 %, sans que les autorités de ce pays s’en émeuvent.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sauf la commission des finances du Sénat !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. On le sait, ces dernières années le plafond d’équivalent temps plein a été dépassé de 13 %, sans que quiconque réagisse, semble-t-il, parmi les responsables qui auraient peut-être dû s’en préoccuper.

Par ailleurs, les emplois de ces opérateurs ont progressé de 6 %, au moment où ceux de l’État baissaient dans la même proportion. Comment accepter que l’État, censé contrôler les opérateurs, voie ses agents diminuer de 6 % quand ceux qu’il contrôle voient les leurs augmenter de 6 % ? Il y a eu là une dérive tout à fait insupportable sur le plan de l’équité, et préjudiciable à l’effort de redressement du pays.

La gouvernance changera donc, puisque le plafond des taxes affectées sera abaissé. Les opérateurs soumis à ces plafonds verront leur nombre augmenter. Nous escomptons réaliser ainsi des économies de l’ordre de 140 millions d’euros l’année prochaine, de 200 millions d’euros en 2014 et de 400 millions d’euros l’année suivante. Sans compter que le Parlement a toujours la possibilité non seulement de faire entendre sa voix, mais aussi d’imposer sa volonté s’il estime que des efforts supplémentaires peuvent être consentis par les opérateurs en général ou par l’un d’entre eux en particulier.

La gouvernance sera également modifiée pour ce qui concerne les investissements que la puissance publique se doit de consentir. Près de 240 milliards d’euros devaient être investis par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, dont les dotations représentent chaque année, dans le meilleur des cas, 1 milliard à 2 milliards d’euros. Par conséquent, il aurait fallu à cette agence entre un siècle et demi et deux siècles et demi pour réaliser la totalité de ce programme ! Une révision de ses projets s’avère donc indispensable. Le Commissariat général à l’investissement s’est vu confier cette mission, qui devrait permettre au Gouvernement de choisir les investissements qu’il convient de retenir en fonction, bien évidemment, de leur coût, de leur rentabilité socio-économique, de leurs conséquences en termes d’emplois et de leur utilité territoriale. Ceux qui regretteront les choix retenus devront nous dire quels moyens de financement auraient pu permettre à cette agence d’assumer tous les investissements prévus.

On le sait bien, au cours des années précédentes, à peu près toutes les propositions d’investissement ont été sinon retenues, du moins inscrites au programme de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Ceux-là mêmes qui inscrivaient ces investissements savaient parfaitement que leur réalisation immédiate ou dans un délai raisonnable était rigoureusement impossible. Il nous incombe désormais d’opérer un choix indispensable, décevant pour certains, entre ces différentes propositions.

Dès 2012 et 2013, nous proposons une gouvernance différente, avec une stratégie de redressement de nos finances publiques comportant dans un premier temps un effort nominal. Nous devrons ensuite parvenir à un équilibre structurel, puisque, à partir de 2015, une fois respecté l’objectif d’un déficit nominal inférieur à 3 % en 2013, nous ne devrons pas excéder un déficit structurel supérieur à 0,5 point de PIB. Cet objectif structurel n’est d’ailleurs pas une facilité, même si certains en espèrent peut-être une politique moins rigoureuse. Il est même beaucoup plus crédible que ce qui a pu être annoncé, non pas en France, mais dans d’autres pays de la zone euro, tant il est vrai que les investisseurs, au-delà des chiffres mis en avant de manière plus ou moins sincère, savent parfaitement juger de la véracité d’un plan de redressement des finances d’un pays. Par conséquent, passer d’un objectif de déficit nominal à un objectif de déficit structurel renforcera la crédibilité de la parole de la France. Le cycle économique ne pouvant être considéré comme quantité négligeable dès lors qu’il s’agit de redresser nos finances publiques, il faut savoir laisser jouer les stabilisateurs économiques quand cela est nécessaire. Il faut savoir également de ne pas recycler en dépenses des recettes fiscales qui s’avéreraient excédentaires par rapport à telle ou telle prévision. Tous les gouvernements ont été amenés à commettre une telle erreur, qui ne devrait absolument pas se reproduire à l’avenir.

Dans l’immédiat, la fiscalité contribuera pour une part importante au redressement de nos finances publiques. Les acteurs économiques seront également sollicités dans les mêmes proportions.

J’ai déjà indiqué les efforts de l’État en la matière. Je le confirme devant vous une nouvelle fois, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la totalité de la mandature, la norme « zéro valeur » s’appliquera aux dépenses de l’État. Je me permets de le rappeler, cette norme ne fut pas la règle sous la mandature précédente, puisqu’une progression moyenne de 0,8 % de la dépense était constatée chaque année.

Cette norme « zéro valeur » s’entend naturellement hors du champ du service de la dette et des pensions, car l’on ne peut imaginer que ces dépenses entrent dans ce périmètre. Une fois rappelée cette précision, que l’honnêteté commande d’apporter, on peut affirmer qu’une telle prévision de dépenses n’a jamais été faite sur une mandature. Si certains regrettent que l’on n’en fasse pas davantage, si d’autres considèrent cet effort comme excessif, convenons en tout cas qu’aucun gouvernement, dans notre histoire politique contemporaine, n’a jamais proposé au pays, en début de mandature, un effort de maîtrise de la dépense aussi considérable et, je le crains, aussi nécessaire.

M. Jean-Claude Frécon. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cette norme « zéro valeur » pour les dépenses de l’État suppose donc de mettre en œuvre les moyens que j’ai indiqués tout à l’heure. Chaque administration, c'est-à-dire chaque ministre, devra ainsi proposer les réformes structurelles nécessaires pour garantir la maîtrise de la dépense. En fin de mandature, l’ajustement de 100 milliards d’euros, dont tout le monde sait qu’il est absolument nécessaire entre 2012 et 2017 pour revenir à l’équilibre de nos finances publiques, aura donc été réalisé pour moitié par le biais de mesures fiscales et pour moitié par la maîtrise de la dépense, l’État n’étant pas le seul à fournir un tel effort. Comment, d’ailleurs, imaginer le contraire ?

La protection sociale et les opérateurs, dont j’ai déjà dit un mot, seront également sollicités.

Pour l’année prochaine, le taux de progression de l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, est fixé à 2,7 %. Certains considèrent que c’est excessif, d’autres insuffisant. Là encore, pour les trois ans qui viennent, le Gouvernement propose au Parlement d’accepter un taux moyen de 2,6 %, dans le cadre de la programmation des finances de l’assurance maladie.

Sous la dernière mandature – pardonnez-moi de rappeler ces exemples qui nous permettent de répondre à certaines critiques –, nous avons assisté chaque année, en moyenne, à une progression de 3,3 %, même si, en fin de période, le taux de progression de l’ONDAM – je parle sous le contrôle de M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales – fut fixé à 2,5 %. Il est toutefois indispensable d’ajouter que cet objectif a pu être considéré comme respecté en se référant à l’exécution et non pas à la prévision.

Si l’on mesure la progression de l’ONDAM en s’appuyant sur les paramètres aujourd’hui retenus, la comparaison est alors moins flatteuse pour la période récente, puisque ce n’est pas 2,5 %, mais 2,8 % qu’il convient de comparer aux 2,7 % que nous proposons. Sur ce point, je devine l’approbation de M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, et je l’en remercie. Je crois en effet qu’il faut bien préciser les choses dès lors que l’on compare l’action publique menée par les uns et par les autres.

Ainsi, l’année prochaine, outre les 10 milliards d’euros d’efforts consentis par l’État, 2,5 milliards d’euros supplémentaires le seront par la protection sociale. C’est donc une réduction de la dépense de 12,5 milliards d’euros qui sera réalisée par notre pays, ce qui contribuera évidemment puissamment au redressement de nos finances publiques.

Les collectivités locales devront-elles être mises à contribution dans le cadre de cet effort ? Je devine, en abordant ce sujet, intéresser peut-être davantage encore celles et ceux qui m’écoutent. Chacun sait parfaitement qu’il n’est pas envisageable d’exonérer les collectivités locales de cet effort.

C’était la position défendue par le gouvernement précédent. L’actuel a retenu la même hypothèse. L’année prochaine, vous le savez, la norme « zéro valeur » s’appliquera aux dotations sous plafond ; un effort de 750 millions d’euros sera demandé en 2014, la même chose en 2015, ce qui représentera au total, sur trois ans, un effort de 1,5 milliard d’euros. Je forme évidemment le vœu que cette contribution déjà importante sera la seule qui sera demandée aux collectivités locales…,

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est qu’un vœu !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … sans naturellement pouvoir affirmer que tel sera le cas, ne pouvant préjuger de l’évolution de la situation d’ici là, ni de la nécessité impérieuse qui pourrait s’imposer si le salut de notre pays était en jeu… À ce jour, le Gouvernement propose au Parlement de soutenir l’effort que je viens de décrire. Je me suis permis de présenter ces chiffres au Comité des finances locales, et j’ai eu le sentiment de constater sinon une approbation enthousiaste, du moins une compréhension « bénévolante » à l’égard de l’effort mesuré mais réel demandé aux collectivités locales.

L’effort en faveur de la maîtrise de la dépense, qui est nécessaire, est donc réel. Il se poursuivra avec la mise en œuvre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Cette nouvelle politique sera pour moitié financée par un nouvel effort de maîtrise de la dépense.

Le Gouvernement pense que ce pacte, ce contrat, était nécessaire. J’ai indiqué tout à l’heure les résultats du commerce extérieur de notre pays. On sait par ailleurs ce que furent les pertes d’emplois dans l’appareil industriel. Quant à la baisse du pouvoir d’achat de la France en Europe, elle a été tout à fait considérable, puisque nous sommes passés de 12,5 % à 9,4 % en une dizaine d’années. C’est bien au sein de la zone euro que nos entreprises ont perdu des parts considérables de marché ; c’est donc au sein de la zone euro qu’il va nous falloir les regagner.

Nous y avons veillé, le contrat que nous proposons ne sollicitera pas les ménages l’année prochaine. Nous devons en effet pouvoir compter sur la consommation des ménages afin de maintenir une croissance économique de 0,8 %, peut-être insuffisante, mais néanmoins indispensable.

Ce contrat de compétitivité permettra d’abaisser le coût du travail de 6 %, soit beaucoup plus que ce qui avait été proposé par la majorité précédente, puisque, si ma mémoire est bonne, celle-ci prévoyait une baisse de 2 %. Cette diminution du coût du travail touchera bien sûr l’ensemble des secteurs, car il est impossible de faire la part entre ceux qui sont exposés et ceux qui sont protégés. Elle représentera 20 milliards d’euros nets, alors que la majorité précédente annonçait une baisse de 12 milliards à 13 milliards d’euros du coût du travail, sans tenir compte de la baisse de l’impôt sur les sociétés qui aurait résulté, bien évidemment, de cette mesure.

Nous consentons en fait un effort plus important, et ce sans compromettre la consommation des ménages ni en 2012 ni en 2013. C’est une différence majeure entre les deux politiques. Surtout, c’est un effort que nous finançons pour moitié par des économies, alors que le projet que nous avons récusé cet été et qui est encore défendu par les parlementaires de l’opposition ne faisait en rien appel à la maîtrise de la dépense pour financer la compétitivité, ce qui, selon moi, était une erreur de conception assez grave.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous auriez pu corriger au lieu de supprimer !

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président de la commission, restez dans votre rôle !