M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour la réplique.

Mme Annie David. Je vous remercie, madame la ministre, de prendre ce dossier à cœur. Confier la production d’électricité d’origine hydraulique à des intérêts privés reviendrait en effet à mettre en question la stabilité de la production d’énergie électrique, dès lors que cette énergie d’origine hydraulique serait non plus à la disposition du gestionnaire de réseau, mais entre les mains d’industriels, voire de traders. Ce serait renoncer à la gestion coordonnée et anticipée des opérateurs historiques et condamner 6 500 salariés à un avenir incertain.

L’Isère est particulièrement concernée par ce problème. Comme vous l’avez rappelé, c’est d’ailleurs une députée de ce département, Marie-Noëlle Battistel, qui conduit la réflexion sur ce sujet. Ainsi, dans la vallée du Drac, les concessions de trois barrages sont parvenues à échéance et font l’objet d’un appel d’offres européen. Nous avons lancé, avec le Front de gauche, une pétition afin de les maintenir dans le giron public. Je me réjouis, madame la ministre, de pouvoir compter sur votre action et celle du Gouvernement dans ce combat.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la ministre, ma question, qui concerne la notification à la Commission européenne du tarif d’achat de l’électricité éolienne, rejoint celle de M. Courteau. Étant modeste, je n’irai pas jusqu’à dire que les grands esprits se rencontrent... (Sourires.)

M. Roland Courteau. Mais si, vous pouvez le dire ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Desessard. Ces questions traduisent une inquiétude commune, que nous partageons avec les professionnels du secteur éolien.

Le 15 mai dernier, le Conseil d’État a rendu sa décision sur le recours du collectif anti-éolien « Vent de Colère » demandant l’annulation de l’arrêté tarifaire de novembre 2008 relatif au tarif d’achat de l’électricité d’origine éolienne. Il a choisi de ne pas statuer et de renvoyer cette question à la Cour de justice de l’Union européenne, qui doit rendre une décision à la fin de 2013.

Cette situation crée de l’incertitude, ce que les professionnels du secteur n’apprécient guère : ils souhaitent en effet connaître le tarif d’achat des prochaines années pour pouvoir calculer leurs investissements, et cette incertitude dans laquelle ils se trouvent se traduit par de l’inertie de leur part.

Je formule donc la même demande que mon collègue Roland Courteau : ne serait-il pas possible, madame la ministre, de déposer une nouvelle demande auprès des instances européennes ? L’Europe étant favorable aux énergies renouvelables, les tarifs d’achat seraient ainsi sécurisés, ce qui permettrait aux professionnels d’investir. Aujourd'hui, les banques comme les professionnels sont en attente. Nous nous faisons l’écho de la Fédération de l’énergie éolienne, qui regroupe 90 % des professionnels de l’éolien et qui espère une sécurisation des tarifs d’achat.

Madame la ministre, vous le savez, l’éolien est une énergie renouvelable, non polluante, produite en France – elle ne peut être importée – et susceptible de créer un secteur professionnel.

M. Roland Courteau. Et c’est une énergie décentralisée !

M. Jean Desessard. Aussi, madame la ministre, peut-on saisir la Commission européenne afin de mettre fin à l’incertitude ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur le sénateur, il n’y a pas d’incertitude à entretenir sur les perspectives de développement de l’éolien terrestre en France, je tiens à le rappeler. Nous avons pris des engagements à l’échelle européenne et l’énergie éolienne terrestre est particulièrement compétitive parmi les énergies renouvelables.

Les schémas régionaux éoliens, les SRE, ayant été adoptés, il existe des perspectives d’implantation crédibles. Le Gouvernement est par ailleurs en train de prendre des mesures législatives afin, notamment, d’en finir avec un empilement de mesures qui ont été sources de contentieux avec le dispositif des ZDE – zones de développement éolien –, alors que la procédure des ICPE – installations classées pour la protection de l’environnement – permet de s’assurer qu’il y a une étude d’impact, et une enquête publique, que les concertations locales ont donc été menées avant toute implantation de projets éoliens.

Nous sommes ainsi sur une trajectoire qui doit permettre de donner confiance non seulement aux entreprises mais également à ceux qui les financent, en particulier au secteur bancaire.

Je tiens à préciser que le contentieux que vous évoquiez concerne toutes les énergies renouvelables et pas seulement l’énergie éolienne puisqu’il porte sur l’ensemble des systèmes d’obligation et de tarif de rachat.

M. Jean Desessard. Bien sûr !

Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement français garantira la sécurité juridique des systèmes de tarifs de rachat de l’ensemble des énergies renouvelables. Nous sommes en train de déterminer les modalités dans lesquelles nous garantirons cette sécurité juridique, en fonction des discussions que nous avons avec la Commission européenne et nos partenaires européens. C’est ce qui explique la prudence de mon expression. Néanmoins, je veux être particulièrement claire, rassurante et ferme sur le fait que la sécurité de nos dispositions sera garantie.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour la réplique.

M. Jean Desessard. Malgré le plaisir que j’éprouve à m’exprimer devant cette assemblée, dont j’apprécie l’écoute, je serai bref puisque Mme la ministre m’a rassuré, comme elle avait rassuré mon collègue M. Courteau, sur le fait que les tarifs d’achat de l’éolien comme du solaire seraient garantis et qu’elle prenait toutes les dispositions pour sécuriser ce secteur créateur d’emplois.

Je me bornerai simplement à indiquer qu’il s’agit d’un secteur stratégique non seulement pour l’énergie et la défense de l’environnement, mais aussi pour le développement de filières industrielles. L’enjeu du renouvelable, c’est non seulement la production d’une énergie propre, l’indépendance énergétique, mais également le développement de filières importantes pour l’économie de notre pays. C’est pourquoi nous vous remercions, madame la ministre, de vos déclarations. Nous soutiendrons les objectifs et les ambitions que vous affichez !

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, décidément, les grands esprits se rencontrent ! (Sourires.) Le groupe RDSE, vous le savez, est très attaché à l’indépendance énergétique de la France. C’est pourquoi nous privilégions les filières d’excellence que sont le nucléaire et les énergies renouvelables. Pour ce faire, cela a été dit et répété, nous avons besoin d’une véritable filière industrielle des énergies renouvelables, solide, compétitive et créatrice d’emplois.

Le débat actuel sur la transition énergétique doit porter cette ambition et il nous faut, filière par filière, tout mettre en œuvre pour soutenir nos entreprises et relocaliser les emplois perdus au cours des dernières années. Bien sûr, madame la ministre, vous n’y êtes pour rien, mais les dispositions nécessaires n’ont pas été prises et tous les secteurs des énergies renouvelables sont maintenant en attente de mesures fortes de la part du Gouvernement.

J’insisterai particulièrement sur deux secteurs, le photovoltaïque et la géothermie.

J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, la filière photovoltaïque est en difficulté : la plupart de nos entreprises sont en dépôt de bilan et risquent fort de disparaître. Nous avons besoin de la sécuriser par une politique tarifaire. Surtout, nous ne pouvons plus laisser sans réponses les entreprises qui participent à ces appels d’offres. Il me paraît juste que ces réponses leur soient données.

Je voudrais également attirer votre attention sur la géothermie, qui est, je vous le rappelle, une source d’énergie à caractère permanent. Elle est très peu employée en France, sauf à la marge pour le chauffage en région parisienne, et seule l’Alsace, à ma connaissance, compte une unité de production électrique. Que prévoyez-vous, madame la ministre, pour développer la production d’électricité géothermique ?

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Ce que j’ai appelé le patriotisme écologique, monsieur Vall, c’est précisément l’idée selon laquelle chaque euro investi dans les énergies renouvelables, que les Français acquittent sur leur facture d’électricité à travers la contribution au service public de l’électricité, doit se traduire aussi par la création de valeur ajoutée, d’emplois et par le développement de filières industrielles.

Le précédent gouvernement a d’ailleurs laissé une dette considérable, de près de 5 milliards d'euros, dans les comptes d’EDF. Le Gouvernement a annoncé voilà quelques jours qu’il assumerait cette responsabilité, car le financement du développement des énergies renouvelables doit être pris en charge et sécurisé.

Lorsque nous opérons des choix technologiques en matière d’énergie renouvelable, nous devons intégrer le développement d’une filière industrielle amont ainsi que la nécessité de stabiliser les dispositifs réglementaires et tarifaires. Du fait de l’instabilité que nous avons connue ces dernières années en la matière, les emplois dans le domaine des énergies renouvelables sont passés de 105 600 en 2010 à 90 000 en 2012.

Nous voulons donner un coup d’arrêt à ces destructions d’emplois et recréer des emplois dans le domaine des énergies renouvelables. Comme je l’indiquais, 10 000 emplois sont en jeu dans l’éolien. C’est, par ailleurs, le sens des mesures d’urgence pour le photovoltaïque, où des entreprises françaises en attente de commandes possèdent des technologies de pointe sur le haut rendement, le solaire à concentration, les trakers, qui doivent être au cœur de nos choix technologiques, notamment dans les appels d’offres.

La géothermie est une énergie renouvelable tout à fait stratégique, dont le potentiel considérable n’est pas exploité comme il pourrait l’être. J’ai donc demandé au Comité national de la géothermie de me présenter un ensemble de propositions, qui vont être livrées au Conseil national du débat sur la transition énergétique, afin qu’à l’issue de ce débat nous disposions d’un plan stratégique de développement de la géothermie. Il en sera de même pour la méthanisation, les énergies marines… En d’autres termes, énergie renouvelable par énergie renouvelable, nous rechercherons les potentiels et envisagerons les moyens de mettre en œuvre une stratégie efficace, incluant un volet de développement industriel.

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour la réplique.

M. Raymond Vall. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, dont la dernière partie, en tout cas, est très satisfaisante.

Je vous rappelle cependant que les résultats des appels d’offres de juin et de septembre 2012 ont été reportés, ainsi que ceux de l’année 2013. Il me paraît inconcevable de faire attendre plus longtemps les entreprises concernées. Peut-être voudrez-vous bien me faire une réponse écrite sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Madame le ministre, l’effacement est un enjeu éminemment écologique, qui s’inscrit au cœur de la transition énergétique, mais qui est d’abord une réponse aux besoins et à la sécurité du réseau en période de pointe. Or la situation de la France en période de pointe ne cesse de se dégrader, celle-ci devenant chaque année davantage importatrice nette, ses importations de compensation étant d’ailleurs constituées dans une proportion importante d’électricité allemande d’origine thermique.

Il y a dix ans, la France était exportatrice. Il y a cinq ans, les besoins français étaient équilibrés. Aujourd'hui, l’estimation des besoins de la période de pointe est de 7 gigawatts, avec une projection de croissance de 1 gigawatt par an. Cette situation est d’autant plus inacceptable que la France dispose des capacités d’effacement nécessaires, qui ne demandent qu’à être mobilisées et à croître, à condition d’être accompagnées, comme le prévoit le dispositif capacitaire mis en place à l’occasion de la loi NOME.

En 2013, alors que la France pourrait disposer de 2 à 3 gigawatts, le budget de RTE – Réseau de transport d’électricité – ne lui permettra pas de mobiliser une capacité supérieure à 700 mégawatts et sera épuisé jusqu’en 2016.

Lors du débat général sur la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, je m’étais félicité de votre réponse par laquelle vous apportiez votre soutien à l’effacement, en vous engageant du reste à signer rapidement le décret relatif au mécanisme de capacité.

Il semblerait qu’en s’abritant derrière l’article 7 la mise en place du dispositif capacitaire se trouve gelé jusqu’en 2016, ce qui ne ferait qu’accroître et fragiliser la situation de la France en période de pointe, alors qu’il faudrait tout faire pour permettre sa montée en puissance. Or, au même moment, vous avez signé le décret relatif à l’interruptibilité, qui sera entièrement financé par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE.

Nous savons tous que le dispositif d’interruptibilité, qui a été glissé dans la loi NOME, ne répond aucunement aux besoins d’effacement et qu’il constitue une « opportunité » visant d’autres fins que vous connaissez bien.

Si l’effacement en période de pointe répond à des besoins de capacité d’approvisionnement sur un modèle écologique, puisqu’il permet d’éviter la mise en service des centrales thermiques, il a de surcroît la vertu économique de permettre une rémunération des industries fortement consommatrices qui se voient bénéficier ainsi d’une ressource non négligeable.

Il est donc pour le moins surprenant que l’interruptibilité, qui n’apportera aucune réponse à l’effacement, puisse mobiliser malgré tout le financement du TURPE et qu’au même moment les capacités d’effacement de la France se trouvent réduites à néant, alors que des dizaines d’entreprises grosses consommatrices disposent d’une ressource dont la mobilisation répondrait à un besoin économique que le maintien de leur activité rend de plus en plus urgent.

Madame le ministre, conformément à vos engagements et à l’intérêt que vous avez manifesté pour l’effacement, quelles mesures entendez-vous prendre immédiatement pour permettre la mobilisation des capacités disponibles en France, nécessaires à la satisfaction des besoins du réseau ainsi qu’à de nombreux industriels pour lesquels cette capacité représente une ressource indispensable ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Si vous me le permettez, monsieur Vial, avant de vous répondre, j’indiquerai simplement à M. Raymond Vall que les résultats de deux séries d’appels d’offres sur trois vont être publiés dans les prochains jours.

Monsieur Vial, vous avez raison d’indiquer que l’effacement est un enjeu absolument stratégique. De façon générale, les économies d’énergie doivent être au cœur de la transition énergétique. Nous avons un gisement d’économies d’énergie considérable et l’effacement fait partie des solutions qui doivent nous aider à résoudre le problème de la pointe électrique, qui a augmenté de 28 % en dix ans. Celle-ci augmente en effet en moyenne de 3 % par an, c’est-à-dire plus vite que la consommation.

À la fin de l’année 2012, j’ai effectivement pris deux dispositions importantes : la publication du mécanisme de capacité et l’arrêté sur l’interruptibilité. Il ne faut pas opposer ces deux mesures, dont les objectifs sont différents. L’interruptibilité est un dispositif de sécurité du réseau en cas de risque de black-out, avec la possibilité d’interrompre immédiatement, sans prévenir, la consommation importante d’un certain nombre d’industriels. Le mécanisme de capacité doit nous permettre de développer à grande échelle l’effacement, l’effacement diffus comme des effacements plus importants.

Je veux souligner que la proposition de loi visant à préparer la transition énergétique vers un système énergétique sobre, présentée par François Brottes, comporte plusieurs dispositions allant dans le sens que vous souhaitez. Elle permet d’abord la mise en place d’un cadre législatif pour l’effacement diffus. Elle comprend ensuite des dispositions législatives complémentaires sur le mécanisme de capacité. Enfin, j’ai déposé ce matin un amendement afin que RTE puisse organiser des appels d’offres sur l’effacement jusqu’en 2016, afin de permettre sa mise en œuvre sans attendre cette date, dans des conditions qui soient sûres en termes juridiques et tarifaires, ce qui, je pense, répond à votre préoccupation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Vial. Je vous remercie, madame la ministre, de réaffirmer votre soutien à l’effacement, comme vous l’aviez d’ailleurs déjà fait.

Les mesures techniques sont effectivement extrêmement importantes. L’article 7 prend un peu en quelque sorte en otage la mise en œuvre du dispositif capacitaire. J’ai donc été très sensible au dépôt de votre amendement sur la proposition de loi de François Brottes visant à débloquer cette situation. J’en prends acte et je vous en remercie, en espérant que la mise en œuvre du dispositif que vous avez proposé permettra bien de mobiliser les capacités d’effacement, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parmi les sources d’énergie renouvelable, le bois-énergie constitue, en France, un potentiel important et partiellement inexploité.

Outre le fait qu’il peut se substituer à des énergies carbonées, ce potentiel, s’il était mobilisé de manière volontariste, pourrait dynamiser le développement économique de nos territoires : d’une part, en permettant la création de nombreux emplois non délocalisables sur les lieux de production et de transformation et, d’autre part, en entraînant la valorisation de l’ensemble des industries du bois.

Toutefois, la filière bois-énergie connaît certaines difficultés dans l’organisation efficace des circuits locaux d’approvisionnement nécessaires à son développement, mais également dans le développement de la demande, laquelle, bien que croissante, reste dépendante de l’évolution du prix de son principal concurrent, le fioul.

Dans ce contexte, la filière bois-énergie attend des mesures d’incitation de la demande, notamment en direction des collectivités locales, mais aussi de soutien à l’organisation locale de l’offre. Il faut toutefois veiller à ce que celle-ci ne soit pas totalement absorbée par de nouveaux opérateurs de grande dimension.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les orientations que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre pour soutenir le développement de la filière bois-énergie ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur le sénateur, la biomasse, qui représente près de 50 % de la production française totale, est la première filière d’énergie renouvelable de notre pays. Or elle bénéficie rarement de l’attention qu’elle mérite. C’est pourquoi, en tant que ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, je lui avais réservé mon premier déplacement : je voulais souligner l’importance de la biomasse, dont le potentiel est insuffisamment valorisé.

Je rappelle que cette ressource domestique n’est pas soumise à la fluctuation des cours internationaux des matières premières et que, par ailleurs, c’est une énergie propre, certaines avancées technologiques permettant de limiter les émissions atmosphériques liées à sa combustion.

Je rappelle également que la filière bois-énergie représente l’équivalent de 60 000 emplois, dont 36 000 dans les zones rurales, où se développent beaucoup aujourd’hui les projets de réseaux de chaleur et les chaufferies à plaquettes de bois, des plans de gestion durable de la ressource, notamment au travers de la plantation de haies.

C’est pourquoi nous avons décidé, lors de la conférence environnementale, d’assurer un financement pérenne du Fonds de soutien à la chaleur collective, dit « Fonds chaleur », lequel sera doté en 2013 de 220 millions d’euros. Je rappelle qu’un euro d’aide de ce fonds génère 3 euros d’investissements et 15 euros de vente de chaleur sur vingt ans.

Par ailleurs, Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, et moi-même avons décidé de faire effectuer conjointement par nos ministères respectifs un travail sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière bois.

Aujourd’hui, un certain nombre de secteurs, notamment le bâtiment, importent trop de bois. La question qui est posée est la suivante : comment valoriser l’ensemble des produits, des sous-produits et des « sous-sous-produits » ? Le bois-énergie a évidemment un rôle décisif à jouer.

Telle est la raison pour laquelle nous avons confié une mission conjointe au Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, le CGAAER, et au Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le CGEIET. Leurs conclusions nous seront rendues à la fin du mois d’avril prochain. Parallèlement, le Premier ministre a confié une mission à Jean-Yves Caullet, député de l’Yonne. Il rendra ses conclusions au mois de juin 2013.

Sur le fondement de ces travaux, nous mettrons en place, je l’ai dit, un plan stratégique pour le développement de la filière bois-énergie.

J’ajoute que nous avons intérêt à développer les petites ou moyennes installations plutôt que les très grosses centrales de biomasse, lesquelles posent ensuite des problèmes en termes de gestion durable des plans d’approvisionnement.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour la réplique.

M. Michel Teston. Pour assurer la transition énergétique, il est nécessaire de développer l’ensemble des dispositifs relatifs aux énergies renouvelables. C’est donc avec satisfaction que je prends acte de l’intention du Gouvernement d’agir en faveur de la filière bois-énergie, à l’instar de ce qu’il a récemment fait en prenant des mesures d’urgence en faveur de l’éolien en mer et de la filière photovoltaïque.

Cela étant, madame la ministre, je vous demande de veiller tout particulièrement au bon équilibre de l’exploitation des forêts locales, ainsi qu’à une bonne répartition entre les bois d’œuvre et d’ameublement et le bois-énergie.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, c’est une bonne fortune, lors d’une séance de ce type, d’être le dernier à poser une question quand on a bénéficié d’une présidence vigilante ayant conduit la plupart des orateurs, y compris la ministre, à s’exprimer selon les termes superbement définis par Alphonse Daudet dans une nouvelle restée célèbre. J’ai donc un peu de temps pour exposer ma question.

Il me semble que l’énergie, dont vous avez la charge, madame la ministre, est aussi un enjeu essentiel pour le redressement économique de notre pays dans l’immédiat. Quand on parle d’énergies renouvelables, on a plutôt tendance à se projeter dans un avenir lointain. Or les décisions que vous prenez tous les jours, ainsi que les interventions des acteurs économiques, ont un effet immédiat sur les coûts de l’énergie que supporte aujourd’hui l’économie française. Elles se traduisent par du pouvoir d’achat pour les ménages et de la compétitivité pour les entreprises. Cela est vrai si l’impact est direct sur les prix de l’énergie, mais également si un système de subventions ou d’avantages fiscaux est mis en œuvre.

Vous me direz si je me trompe, madame la ministre, mais j’ai le sentiment que, s’agissant des énergies renouvelables, même si des analyses très stimulantes se font entendre, nous souffrons d’un certain déficit d’information sur les effets économiques et sur le coût des différentes mesures que nous instaurons et des initiatives qui sont prises sur le marché. Il en résulte des approximations et un risque d’abstraction.

Il me semble que le Gouvernement a un rôle particulier à jouer. Il lui revient, selon moi – c’est une suggestion –, de mettre à la disposition de toutes les parties intéressées un outil de transparence et de visibilité économique.

Pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, de quels outils d’analyse économique, voire économétrique, en tout cas d’objectivation, le Gouvernement dispose pour mesurer les impacts sur le coût de l’énergie des différents projets de développement en cours et des mises sur le marché.

De tels outils ne devraient pas nécessairement nous conduire à faire des choix radicaux en faveur d’une énergie aux dépens d’une autre, car il ne s’agit pas de remettre en question le mix énergétique, mais ils nous permettraient de retenir la solution la plus économique possible en cette période de redressement économique, un redressement en faveur duquel le Président de la République s’est résolument engagé. En plus d’offrir de la transparence sur ces questions, ils constitueraient un instrument pédagogique, ce qui est également important.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur le sénateur, le coût de l’énergie est un enjeu tant pour la compétitivité économique que pour les ménages. C’est un élément tout à fait déterminant du débat national sur la transition énergétique.

L’explosion de la précarité énergétique est un problème majeur, qui nous a dernièrement conduits à étendre les tarifs sociaux de l’énergie. Je rappelle que nous avons fait passer le seuil d’éligibilité aux tarifs sociaux pour une personne seule de 600 à 893 euros de revenus. Les mesures que nous avons prises représenteront, pour une famille se chauffant au gaz, un gain de pouvoir d’achat de 200 euros par an. C’est là une mesure socialement très importante.

Pour nos entreprises également, notamment pour notre industrie, la question du coût de l’énergie est tout à fait décisive.

Aujourd’hui, la moitié de l’énergie finale consommée en France est constituée d’hydrocarbures importés, lesquels pèsent 61,4 milliards d’euros dans le déficit de notre balance commerciale. Notre dépendance au pétrole et la nécessité de préparer l’après-pétrole sont donc aussi des enjeux économiques tout à fait stratégiques pour notre pays.

Concernant les énergies renouvelables, nous ne reproduirons pas la méthode du Grenelle de l’environnement, qui n’était pas responsable puisqu’elle a consisté à financer à crédit leur développement sur la dette d’EDF, dette que nous nous sommes engagés, au début de la semaine dernière, à résorber.

Lorsque le Gouvernement a récemment annoncé des mesures en faveur du photovoltaïque, par exemple, il a clairement indiqué la charge qu’elles représenteraient, soit 1 à 2 euros sur la facture annuelle de chaque Français. C’est important d’avoir à l’esprit cette dimension.

Pour finir, je soulignerai deux points.

D’abord, quels que soient les moyens de production, et cela ne concerne pas seulement les énergies renouvelables, la nation va devoir investir en matière énergétique. C’est également vrai dans le nucléaire, secteur dans lequel des investissements de sûreté sont nécessaires. L’un des enjeux du débat national sur la transition énergétique sera de faire les bons choix, y compris en termes économiques et en termes d’investissements.

Ensuite se posera la question du financement. Nous devrons étudier tous les modes de financement possibles des énergies renouvelables.