M. Manuel Valls, ministre. Oui !

Mme Natacha Bouchart. … précisément pour les différencier des policiers nationaux et des gendarmes.

Sans parler du coût inutile que cela entraînerait, supprimer le bleu n’est pas, à mon avis, une bonne idée : dans l’esprit de nos concitoyens, c’est la couleur de la sécurité. De plus, certains y verraient une vexation.

En contrepartie des avancées que nous devons mettre en place pour garantir les missions des polices municipales, nous devons aussi avoir une grande exigence dans l’accomplissement de leurs missions. En termes de formation professionnelle, mais aussi dans le contrôle du travail réalisé, la plus grande rigueur est de mise.

En conclusion, je formerai simplement le souhait de voir émerger de ce débat un consensus entre la droite et la gauche. Le Sénat est l’assemblée des collectivités locales ; il nous revient donc de nous saisir de cette réforme indispensable de la police municipale en France. Le rapport d’information de nos collègues est une première étape. Il faut que notre débat soit la base d’un grand consensus national des élus locaux pour une police municipale française mieux identifiée et revalorisée, et ce dans l’intérêt de tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. René Vandierendonck applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit et ce débat a été jusqu’à présent relativement consensuel. Pour ma part, je m’attacherai à présenter des propositions qui le seront peut-être un peu moins, en espérant qu’en tout cas elles provoqueront l’étonnement.

Doit-on vraiment se poser la question de savoir s’il existe une police municipale ou des polices municipales quand le nombre de policiers par commune varie de un à plus de cinq cents, comme l’ont souligné nos excellents collègues MM. Pillet et Vandierendonck ? En tout cas, les services de police municipale sont composés de personnels très différents : des ASVP, des gardes champêtres, des policiers municipaux.

Faut-il mettre en place une seule filière de la sécurité territoriale, harmoniser les carrières et offrir des perspectives différentes aux uns et aux autres ? Sans doute. Ces objectifs semblent faire consensus et, à cet égard, je suis d’accord avec les orateurs qui m’ont précédée.

Pour ce qui concerne l’idée de distinguer les différentes forces de sécurité par leur uniforme, notamment par sa couleur, ma position est un peu plus nuancée que celle de Mme Bouchart. Je pense que des évolutions pourraient être imaginées en fonction des missions confiées aux policiers municipaux, pour s’en tenir à l’appellation actuelle.

Par exemple, quand un policier municipal est chargé de la gestion des conflits de voisinage, qu’il est présent sur le marché ou qu’il est un interlocuteur de concertation et de négociation tout en représentant l’autorité, il est sans doute important qu’il porte un uniforme. Faut-il pour autant que, par sa couleur et sa forme générale, cet uniforme se confonde dans l’esprit des citoyens avec celui des forces de sécurité chargées de missions plus répressives ? On peut se poser la question.

Je ne sais pas s’il faut un seul ou uniformes, mais je partage l’avis de Mme Bouchart sur le problème des coûts. Prenons garde à ne pas alourdir les coûts pour les collectivités territoriales !

Mme Virginie Klès. Je vous rappelle que nous avons remplacé les uniformes, les voitures, etc., il y a peu de temps ; il n’est peut-être pas nécessaire de recommencer de façon arbitraire et précipitée.

Lorsqu’on examine les missions confiées aux policiers municipaux, quelle variété l’on découvre ! À la vérité, il existe à peu près autant de missions différentes que de collectivités territoriales disposant d’une police municipale.

Certaines missions sont confiées de façon assez générale aux policiers municipaux là où ils existent : la police funéraire, la surveillance des marchés, la tranquillité publique et le contrôle du stationnement, mais aussi la prévention dans les écoles et les collèges, par exemple en matière d’éclairages de vélos.

Il existe aussi des missions spécialisées, qui dépendent des situations locales et des habitudes de travail différentes selon les endroits. C’est ainsi que, dans certains cas, les missions sont fortement orientées vers l’environnement, les policiers municipaux et les gardes champêtres travaillant au sein de brigades vertes, de brigades à cheval, de brigades avec chiens ou d’équipes de plongée.

Les interlocuteurs de nos policiers municipaux sont aussi multiples que leurs fonctions et missions : citoyens contents ou, plus souvent, mécontents, commerçants, délinquants, bailleurs sociaux, acteurs du transport routier et des transports collectifs publics. N’oublions pas les interlocuteurs du monde de la sécurité car, comme plusieurs orateurs l’ont déjà signalé, les policiers municipaux sont un maillon parmi d’autres de la sécurité. Dans ce cadre, ils ont affaire aux gendarmes et aux policiers nationaux, ainsi qu’aux pompiers, car ils interviennent aussi dans le domaine de la sécurité civile, par exemple lors des accidents de la route.

À cette multiplicité des missions et des interlocuteurs doit correspondre une multiplicité d’équipements. La question de l’armement a déjà été soulevée, mais il faut considérer l’ensemble des équipements mis à la disposition des policiers municipaux, qui peuvent être très variés.

C’est précisément sur ce continuum de la sécurité que s’arrête le consensus : les avis diffèrent sur la question des limites entre les missions des uns et des autres, des zones de chevauchement, des zones de partage ou de « départage » des responsabilités.

René Vandierendonck nous a présenté des exemples de mutualisations opérationnelles réussies. Sans doute y en a-t-il. Reste que, si l’on veut en multiplier le nombre, il faut que les hommes et les femmes concernés partagent un minimum de culture professionnelle et que les mots aient la même signification pour les uns et pour les autres !

MM. Roland Courteau et Jacky Le Menn. Absolument !

Mme Virginie Klès. Monsieur Plancade, je ne peux pas être d’accord avec votre idée de décentraliser la police nationale.

Voilà quelques heures, M. le Premier ministre s’est adressé à des élus de terrain, parlementaires de gauche. Étant moi-même maire d’une petite commune, membre du bureau de l’association des petites villes de France et ayant toujours siégeant sur la gauche de cet hémicycle depuis que je suis élue au Sénat, j’ai cru pouvoir me reconnaître dans ceux devant qui s’exprimait le Premier ministre. Or je l’ai entendu dire très précisément que nous devions nous garder d’empiler des mesures comme cela avait pu se faire sous les gouvernements précédents. Puisque nous savons où nous voulons emmener le pays, nous ne devons pas avoir peur des grandes réformes de fond.

Alors, mes chers collègues, n’ayons pas peur des grandes réformes de fond en matière de sécurité !

M. Roland Courteau et Mme Odette Herviaux. Très bien !

Mme Virginie Klès. Ce continuum de la sécurité, par quel côté faut-il l’aborder ? Monsieur le ministre, je vous suggère de l’aborder sous l’angle de la formation, en créant une véritable filière des métiers de la sécurité. Certes, des assises de la formation de la police nationale seront organisées le 7 février prochain, mais cela n’est pas suffisant.

Certains ont aussi lancé l’idée de créer une grande école de la police municipale ou des polices territoriales. Cela ne suffit pas non plus. En matière de sécurité, aucun acteur ne peut rester tout seul sur son îlot, comme dans une tour d’ivoire. Le partage des compétences, les zones de chevauchement et de « départage » des missions doivent faire l’objet d’un examen attentif.

Monsieur Vandierendonck, il est vrai que le CNFPT existe. Reste qu’il ne pourra jamais être l’unique interlocuteur de l’État en matière de formation aux métiers de la sécurité.

Prenons l’exemple de l’armement. Oui, le maire doit être responsable de la décision d’armer ou non sa police municipale, en fonction de la situation locale. Seulement, à partir du moment où l’on confie une arme, quelle que soit sa catégorie, à un homme ou à une femme, il faut avoir la garantie que cette personne a reçu la formation et acquis les compétences qui lui permettent de savoir utiliser et ne pas utiliser son arme.

M. Roland Courteau. Vous avez raison !

Mme Virginie Klès. Il faut mettre en place une grande filière des métiers de la sécurité avec différents niveaux : une formation généraliste au niveau du BEP ou du baccalauréat et des spécialisations préparant aux différents métiers.

Dans ma commune, j’ai récemment recruté un policier municipal. Plus de 80 % des candidats qui se sont présentés étaient d’anciens gendarmes ou d’anciens policiers nationaux qui n’avaient aucune idée de ce qu’est le métier de policier municipal !

Il faut donc une formation, qui comporte à la fois des enseignements communs et des modules spécialisés. L’État doit garantir l’égalité des compétences acquises par les personnes en charge de la sécurité, qu’il s’agisse de policiers municipaux ou de policiers nationaux.

Monsieur le ministre, ce projet est sans doute ambitieux, mais j’ai cru comprendre hier que M. le Premier ministre souhaitait aller dans le même sens. Le défi est passionnant et les enjeux sont majeurs. En outre, un marché existe, puisque l’État pourrait « vendre » la formation aux métiers de la sécurité aux acteurs privés du secteur. De cette façon, nous aurions la garantie qu’un agent de sécurité privé possède, lui aussi, un « prérequis », des compétences minimales en rapport avec ses missions et ses responsabilités.

L’organisation par l’État d’une grande filière des métiers de la sécurité me semble un projet extrêmement intéressant et ambitieux. J’espère qu’il ouvrira des perspectives à notre débat.

Pour terminer, je tiens à rendre hommage à tous les policiers municipaux de France, qui ont parfois bien du mal à se retrouver dans leur propre métier compte tenu des tâches différentes qui leur sont confiées d’une commune à l’autre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. René Vandierendonck applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, comme tous les orateurs qui se sont succédé à cette tribune, je suis satisfait du rapport d’information consensuel de MM. Pillet et Vandierendonck, qui est exhaustif, fouillé et construit. Leurs très nombreuses propositions rejoignent le vœu que j’ai moi-même formulé plusieurs fois depuis le début de cette mandature : celui de voir la police municipale évoluer et être beaucoup plus largement reconnue par la société.

La police municipale existe, nous l’avons rencontrée. Elle compte aujourd’hui 18 000 agents – 27 000, en comptant les gardes champêtres et les ASVP –, alors qu’ils étaient seulement 5 600 en 1984. On voit bien que cette « accélération de l’histoire » vient du besoin et de l’attente qui existent dans notre pays. Aussi bien parmi la population que parmi les élus, cette demande de sécurité est forte et consensuelle ; on ne peut pas l’ignorer. Nous, les maires, essayons de satisfaire les demandes de nos concitoyens.

Aujourd’hui, nous reprenons à notre compte la formule du précédent Président de la République, qui avait parlé, à propos de la police municipale, de la « troisième force de sécurité en France ».

La police municipale, dont je viens de dresser l’état des lieux, quelles missions exercent-elles ? Le rapport d’information fait le constat d’une extrême diversité entre les missions du garde champêtre de village, celles des policiers d’une petite ville, qui sont peu nombreux, ne travaillent que de jour et ne sont pas armés, et celles de la police d’une grande ville.

À Nice, j’ai 602 personnes : 380 policiers municipaux, 150 agents de surveillance de la voie publique et 72 agents administratifs. La ville compte 10 postes de police municipale et 750 caméras. Grâce à l’action de la police municipale, 2 678 interpellations ont été menées en 2012.

Notre collègue Jean-Vincent Placé pourra constater que ses doutes sur l’efficacité de la police municipale sont contredits ! D’ailleurs, l’efficacité de la police municipale à Nice est si grande que la police judiciaire procède quasiment à deux réquisitions par jour. Monsieur le ministre, que 621 réquisitions d’officier de police judiciaire aient eu lieu en une année dit assez combien le travail de la police municipal est remarquable. J’ajoute que son action bénéficie d’un soutien populaire tout à fait large.

Le constat de l’extrême diversité des missions assurées par la police municipale justifie que nous conservions sa capacité à s’adapter aux situations locales. Le maire doit demeurer libre de définir les missions de la police municipale, dont je répète qu’elle est la seule à maîtriser les spécificités de la commune, les services de l’État ayant généralement des périmètres d’action plus larges. Méfions-nous donc des normes et des autres dérives technocratiques qui pourraient nous arriver d’en haut.

L’action de la police municipale, qui est toujours une police de proximité, repose sur deux socles : une mission de prévention, de tranquillité publique et d’aide, mais aussi, en fonction de l’environnement local, une mission de répression plus ou moins développée, complémentaire de l’action de la police nationale.

Compte tenu de l’état des finances publiques et de la judiciarisation des forces de l’État, un risque de dérive existe, signalé par le rapport d’information et par de nombreux maires. Je rappelle, quant à moi, que la police municipale doit rester par excellence une police de proximité et qu’elle n’a pas vocation à remplacer la police nationale ou, pis, à lui faire concurrence : l’une et l’autre sont complémentaires.

Dans le cadre que je viens de tracer, nous considérons que la police municipale, pour être encore plus efficace au service de nos concitoyens, doit disposer de tous les moyens dans son domaine de compétence actuel, et seulement dans ce domaine.

Alors, quelles améliorations apporter ? Plus que le sénateur, c’est le maire d’une ville de 50 000 habitants comptant plus de 70 personnes travaillant pour la police municipale qui s’exprime ici.

J’ai un avis globalement positif sur les propositions qui ont été émises. Toutefois, concernant le transfert à l’intercommunalité – la proposition 14 –, je mettrai tout de suite un bémol. Je rappelle, en effet, que le pouvoir de police administrative constitue le noyau dur des compétences du maire ; M. le ministre de l’intérieur le sait parfaitement pour avoir été maire, lui aussi. Toucher à ce noyau dur peut donc, à long terme, déstabiliser l’avenir de la commune elle-même.

À Nice, avec le président Christian Estrosi, que je tiens à remercier publiquement, alors que notre intégration est la plus complète qui soit, puisque nous faisons désormais partie d’une métropole, après nous être posé la question, nous n’avons pas voulu entrer dans une démarche susceptible d’aboutir à la limitation des pouvoirs des maires. C’est dire que, nous aussi, nous avons trouvé un modus vivendi, mais, monsieur le rapporteur, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention.

Dans le cadre du groupe de travail sur la police municipale qui doit être mis en place par M. le ministre, je souhaite que cette question soit effectivement abordée, là encore sans idéologie, avec un examen cas par cas. Nous nous ferons ensuite notre religion !

Nous n’avons donc pas fait de transfert chez nous, mais je reste ouvert, à condition que l’on ne s’aventure pas à toucher à ces pouvoirs de police administrative qui me paraissent encore fondamentaux, surtout si l’on va vers plus d’intégration, d’intercommunalité.

J’en reviens aux propositions du rapport.

Il est évident qu’il faut améliorer la coopération avec les forces nationales ; je parlais d’ailleurs de complémentarité. Dans ma commune, une nouvelle convention de coordination est en discussion. Cette proposition ne nous pose donc aucun problème, bien au contraire, car nous estimons que nous devons travailler de manière transversale. Je le dis au ministère : il faut, dans les conventions en cours d’élaboration, éviter qu’il y ait des transferts unilatéraux de charges au détriment des communes. À cet égard, il y a peut-être des choses à revoir...

Pour bien fixer cette complémentarité, nous allons acheter un logiciel afin d’établir une cartographie avec la police nationale, pour nous entraider mutuellement et défendre l’intérêt général.

Nous avons poussé cette démarche de sécurité et de prévention de la délinquance en définissant, puis en et signant avec le préfet des Alpes-Maritimes, le procureur de la République – le président du conseil général et le recteur étaient associés à cette opération –, une stratégie territoriale de sécurité. C’est une première dans les Alpes-Maritimes ! Nous sommes extrêmement sensibles à cette amélioration de la coopération avec la police nationale et les autres institutions.

Le chapitre III, qui vise à renforcer la spécificité de la police du maire, ne pose aucun problème. Mais encore faudrait-il renforcer la proposition 9. En effet, contrairement à d’autres intervenants, je suis favorable au port, en plus de l’arme de quatrième catégorie, d’armes non létales.

Mme Éliane Assassi. Nous, sûrement pas !

M. Louis Nègre. Le Flash-Ball et le pistolet à impulsion électrique nous paraissent être des armes mieux adaptées pour une police de proximité qui, heureusement pour nous tous, n’a pas besoin de sortir fréquemment un pistolet 9 mm ! En conséquence, une arme non létale…

Mme Éliane Assassi. C’est vous qui le dites qu’elle n’est pas létale ! Elle a déjà tué !

M. Louis Nègre. … serait beaucoup plus appropriée dans la plupart des situations.

Le chapitre IV porte sur la valorisation des parcours professionnels. Celle-ci est bien entendu nécessaire, et je m’aligne sur les propositions du rapport, tout en formulant deux observations.

Il me semble indispensable de maintenir un seuil significatif de population pour ne pas dévaloriser le grade de directeur de la police municipale – c’est un compromis – et de renforcer la proposition 13, afin de créer – vous l’avez très bien dit, monsieur le rapporteur – un cadre d’emplois d’ASVP. Cela permettrait d’avoir une formation,…

M. René Vandierendonck, au nom de la commission des lois. Voilà !

M. Louis Nègre. … ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. On peut progresser sur ce point.

Concernant le chapitre V, il est indispensable d’améliorer le dispositif de formation. J’avais proposé ici même la création d’une école nationale.

M. Alain Néri. Que l’on installerait à Nice ! (Sourires.)

M. Louis Nègre. Pourquoi pas ? C’est une excellente idée et je la reprends ! (Nouveaux sourires.)

Je ne suis pas totalement convaincu par votre argumentaire La proposition 14 d’un cadre d’intervention à un niveau interrégional pourrait être un compromis, sous réserve toutefois, monsieur le rapporteur, monsieur le président, que la formation du CNFPT soit réellement à la hauteur des exigences recherchées. Tout à l’heure, notre collègue a déjà fait des remarques en ce sens.

Enfin, les propositions 21 à 25 du chapitre VI sont concrètes, pragmatiques, et correspondent parfaitement à une police de proximité, certes aux pouvoirs limités, mais qui, dans ses secteurs actuels de compétence, doit, pour être efficace et ne pas encombrer inutilement l’État, disposer de tous les outils indispensables, comme l’accès aux fichiers.

Je rappelle que, contrairement aux garagistes, la police municipale n’a pas accès au système d’immatriculation des véhicules ! C’est incohérent, cela relève d’une logique ubuesque et dénote un profond mépris pour la police municipale !

Voilà les remarques que je souhaitais verser à ce débat. Je demande à l’État de ne surtout pas se désengager de la police nationale et à M. le ministre de bien vouloir faire en sorte que ce groupe de travail puisse commencer ses travaux dès que possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Monsieur le président, monsieur le ministre, cher Manuel, mes chers collègues, on ne le dira jamais assez, il est nécessaire de distinguer nettement les compétences et attributions de la police nationale et des polices municipales.

La police municipale dépend de l’autorité d’un maire, qui doit définir les contours et le périmètre d’intervention de ses agents sur le territoire communal. En aucun cas les agents de police municipaux ne doivent et ne peuvent se substituer à leurs homologues de la police nationale pour exercer des missions spécifiques à ces derniers.

Ainsi, la mairie qui envoie la police municipale pour des impayés de cantine se trompe sur les fonctions qui incombent à ses agents. Ces derniers doivent faire de la prévention et de la surveillance, et « assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». Ils ne sont pas, comme les policiers nationaux, des forces de maintien de l’ordre et ne doivent pas se substituer à la justice. Certains de nos élus et certains fonctionnaires municipaux ont tendance à l’oublier à en juger par l’évolution anarchique des missions confiées à des agents municipaux.

Il me semble donc important de rappeler qu’en France la sécurité doit rester l’affaire de l’État, car c’est une fonction régalienne, les polices municipales n’intervenant qu’en appoint de la police nationale. Elles ne reçoivent d’ailleurs pas la même formation : pour les gradés et les gardiens de la police nationale, la durée de la formation est fixée à douze mois au sein des écoles nationales de police, alors que, pour les policiers municipaux, elle est de 121 jours et est dispensée par le CNFPT. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours été opposé à l’armement des policiers municipaux, qui accroît la confusion entre police municipale et police nationale dans l’esprit de nos concitoyens.

À ce propos, je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez pris la décision de recruter davantage de policiers d’État – 6 000 au total en 2013 –, alors que le gouvernement précédent en a supprimé plus de 10 000 sur les cinq dernières années. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

Ce désengagement de l’État dans le domaine de la sécurité publique au cours du quinquennat de M. Nicolas Sarkozy a entraîné une explosion du nombre de policiers municipaux, que les maires, toutes tendances politiques confondues, ont recruté en masse pour tenter de pallier les déficiences de l’État.

M. Gilbert Roger. Il n’y a même pas eu de concours de recrutement de gardiens de la paix en 2009 !

On estime que les policiers municipaux sont plus de 18 0000 aujourd’hui, répartis dans 3 500 communes en France. Ce phénomène pose par ailleurs un véritable problème d’égalité entre ceux de nos concitoyens qui vivent dans une commune dotée d’une police municipale et les autres.

Je pense que, au lieu de recruter davantage de policiers municipaux, comme cela s’est fait sous l’ancien gouvernement de droite, il faut plutôt donner à notre police nationale les moyens de travailler. Seuls les policiers d’État sont habilités à maintenir et à rétablir l’ordre.

À cet égard, on ne peut que se réjouir que la disposition de la LOPPSI 2 prévoyant d’attribuer la qualité d’agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale ait été judicieusement invalidée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 mars 2011. Cette dernière limite, comme il était urgent de le faire, le champ d’évolution de ces forces.

En érigeant en principe constitutionnel le contrôle et la direction effective de la police judiciaire par l’autorité judiciaire, cette décision réduit à néant les espoirs de tous ceux qui, sous le gouvernement précédent, espéraient doter les policiers municipaux d’une compétence d’investigation, afin de réduire encore davantage les compétences de l’État dans les collectivités territoriales.

Aussi, armer la police municipale n’est pas la solution, même dans les quartiers où l’on constate une recrudescence de la violence sur les personnes. Si c’était une bonne solution, les chiffres de la délinquance seraient en baisse spectaculaire dans les communes où l’armement de la police municipale a été mis en place. Or aucune statistique ne va dans ce sens jusqu’à présent, pas même à Nice, où les atteintes à la personne ont augmenté de 4,42 % entre juillet 2011 et juillet 2012, alors que les Alpes-Maritimes comptent 1 233 policiers municipaux armés ; ils sont plus nombreux que les gendarmes !

C’est la raison pour laquelle est nécessaire, selon moi, un recentrement des missions de la police municipale sur son cœur de métier, à savoir les tâches qui relèvent de la compétence du maire et que celui-ci lui confie, conformément à l’article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales : exécution des arrêtés de police du maire, constatation par procès-verbaux des infractions à ces arrêtés – par exemple en ce qui concerne la lutte contre les nuisances sonores – ou encore de délits tels que les voies de fait ou la commission de violences dans l’entrée, la cage d’escalier ou les parties communes d’un immeuble collectif. Les polices municipales sont amenées, comme je l’avais demandé à Bondy, à s’imposer comme opératrices de vidéosurveillance de l’espace public.

Aussi, les maires qui réclament les moyens nécessaires pour orienter leur appareil policier vers le flagrant délit et l’interpellation des délinquants sont, selon moi, dans l’erreur, car la cohérence des missions respectives de ces deux forces de police doit prévaloir. Il ne faut pas encourager la concurrence entre police municipale et police nationale. Il convient donc d’empêcher toute dérive et de clarifier la doctrine d’emploi des policiers municipaux, qui peinent aujourd’hui à trouver leur voie entre prévention et répression.

C’est pourquoi je soutiens le recentrement des fonctions de la police municipale sur ses missions traditionnelles liées à la tranquillité publique, celles qui contribuent à la qualité de vie en ville. Autrement dit, il me semble nécessaire de respecter de façon stricte le champ d’intervention fixé par le code général des collectivités territoriales.

Enfin, sur le plan matériel, j’ai toujours souhaité voir imposer un changement de couleur des uniformes des policiers municipaux, qui, aujourd’hui, sont trop facilement assimilés à ceux des policiers de l’État. J’y pensais encore tout à l’heure en voyant des ASVP habillés en treillis bleu et chaussés de rangers faire traverser la rue de Vaugirard aux enfants des écoles.

Par ailleurs, la similitude des sérigraphies entre les véhicules des deux polices est une mauvaise chose et contribue également à entretenir la confusion, comme ce fut le cas à Villiers-sur-Marne.

Pour conclure, je souhaite rappeler que le rôle des polices municipales n’est pas de se substituer à la police nationale ; il est de tisser des liens avec la population, selon une approche de prévention clairement assumée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.