Un sénateur du groupe socialiste. Tête levée !

M. André Reichardt. … je souhaite à nouveau attirer votre attention sur le risque de censure par le Conseil constitutionnel qu’encourt votre texte.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. On verra !

M. André Reichardt. Je le répète, le projet de loi ne devrait pas pouvoir être adopté sans une révision de la Constitution, car il va incontestablement à l’encontre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », qui, depuis la Libération, permettent de donner à une loi ordinaire une valeur constitutionnelle.

Vous le savez, pour qu’un principe fondamental soit reconnu, il faut que quatre conditions soient remplies : l’importance de la règle, un degré suffisant de généralité, un domaine essentiel pour la vie de la nation et un ancrage textuel dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946.

En l’occurrence, ces quatre conditions me semblent réunies : on peut penser que l’ancienneté du mariage fondé sur l’altérité sexuelle, le fait que ce principe n’ait jusque-là jamais été remis en cause, le bouleversement des structures familiales et filiatives de la société en jeu dans le présent texte sont des éléments susceptibles de jouer en faveur de l’instauration du mariage comme principe fondamental. D’ailleurs, un nombre important de textes antérieurs à 1946, que je m’abstiendrai d’énumérer, sont venus rappeler le caractère « hétérosexuel » du mariage.

Dans ces conditions, nous regrettons le rejet de l’amendement par lequel nous proposions l’instauration d’une union civile et, par là même, une alternative à l’ouverture du mariage pour les couples de personnes de même sexe. Son adoption aurait permis que les droits et la protection juridique des couples de personnes de même sexe soient renforcés, sans que l’institution du mariage et le droit de la filiation soient bouleversés. Vous n’en avez pas voulu.

Puisque vous n’avez pas souhaité vous engager dans cette voie, vous ne nous laissez d’autre choix que d’insister, et c'est la raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement n° 9 rectifié. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Les amendements que nous avons déposés sur l’article 1er procèdent de deux séries, relevant de deux approches distinctes mais complémentaires.

Les amendements de la première série visent à s’opposer purement et simplement au texte, proposé par le Gouvernement et approuvé par la commission, qui institue le mariage pour les personnes de même sexe, à égalité avec le mariage pour les personnes de sexe différent.

Ceux de la seconde série ont pour objet de préciser, de manière plus claire que dans le texte actuel du code civil, que le mariage est réservé aux couples formés d’un homme et d’une femme, et qu’il s’agit d’une institution créée par le législateur pour assurer une protection à la famille née de ce couple hétérosexuel.

Je veux revenir sur les amendements de cette seconde série, qui, pour partie, sont identiques.

Dans sa décision rendue voilà deux ans, le Conseil constitutionnel a précisé que le mariage, tel que le code civil l’a institué, concerne exclusivement les couples formés d’une femme et d’un homme et que, en l’absence de précision expresse sur ce point, tous les articles dudit code faisant référence à cette institution civile du mariage doivent être ainsi interprétés.

Si nous pensons qu’il est quand même utile de préciser dans la loi que le mariage doit être réservé à un homme et à une femme, c’est pour qu’il n’y ait plus jamais le moindre doute sur ce point fondamental, qui allait de soi pour les auteurs du code civil, qui est allé de soi pendant deux siècles et qui semble aujourd'hui contesté dans le texte du projet de loi dont nous sommes en train de débattre.

L’autre série d’amendements se borne tout simplement à rétablir le code civil dans sa rédaction actuelle. En effet, nous considérons que, en dépit des apparences, l’article 1er ne se borne pas à créer la possibilité du mariage entre personnes de même sexe : il implique que ces dernières pourront désormais avoir des droits et des devoirs égaux vis-à-vis de l’enfant, en être autant l’une que l’autre parent – autrement dit, que l’on puisse désormais être parent d’un enfant sans être ni mère ni père, effort de construction qui relève, de notre point de vue, d’une certaine utopie.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Rien à voir avec l’amendement !

M. Philippe Bas. Si l’on peut adhérer à cette utopie, on peut également considérer qu’elle est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant, tout en admettant qu’il faut créer un cadre stable pour que des enfants élevés par des couples de même sexe le soient dans des conditions qui préservent aussi leur intérêt juridique.

En outre, je veux souligner que, dans le cas de couples de femmes dont l’une aurait mis au monde un enfant après avoir bénéficié d’une assistance médicale à la procréation à l’étranger, cette implication conduit nécessairement à légaliser les effets de cette assistance médicale, puisque le texte permettra à l’épouse de la mère d’adopter l’enfant.

Je veux revenir sur une question que nous n’avons eu de cesse de poser au Gouvernement, qui ne m’écoute pas et dont j’aimerais pourtant être entendu. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Rebsamen. La réponse vous a déjà été donnée trois fois !

M. Philippe Bas. Pour le moment, cette question est demeurée sans réponse. Pourtant, elle est très simple.

Le porte-parole du Gouvernement, Mme Najat Vallaud-Belkacem, a répété à l’envi que ce texte n’était qu’une première étape, que suivrait la régularisation des enfants issus d’une assistance médicale à la procréation intervenue à l’étranger.

Pour ma part, je considère que le présent texte permet d'ores et déjà cette régularisation. C’est même son principal objet, mais je voudrais une bonne fois pour toutes savoir qui engage le Gouvernement : est-ce Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui en est le porte-parole, ou sont-ce les ministres ici présentes, qui ne nous ont pas répondu alors que nous n’avons eu de cesse de leur poser cette question ?

On nous reproche de trop parler, mais, moi, j’aimerais entendre davantage le Gouvernement ! (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, chers collègues de la majorité, puisque vous ne pouvez pas changer la réalité, vous préférez changer le sens des mots. Tel est l’objet de cet article 1er.

Madame Bertinotti, vous nous avez abreuvés de citations – sans doute l’effet des fiches préparées par vos collaborateurs (Protestations sur les travées du groupe socialiste.),…

M. David Assouline. C’est élégant !

M. Dominique de Legge. … ce qui vous a évité de répondre sur le fond.

Un sénateur du groupe UMP. Très bien !

M. Dominique de Legge. Or, vous le savez bien, les inquiétudes et les préventions exprimées ici comme dans l’opinion autour du présent projet de loi tournent autour de la question de la filiation et de la procréation médicalement assistée.

Je n’ose dire que la position du président de la commission des lois est claire : en somme, « on verra plus tard ». La position du rapporteur, elle, est claire : « on verra plus tard, mais vous connaissez mon opinion sur le sujet… »

Mesdames les ministres, vous nous avez expliqué la semaine dernière que le débat ne pouvait pas avoir lieu en dehors du Parlement et vous avez refusé le référendum. C’est donc ici qu’a lieu le débat. Dès lors, la moindre des choses que nous attendons de la part du Gouvernement, c’est qu’il se donne la peine de répondre à nos questions ! (M. François Rebsamen s’exclame.)

Tout à l'heure, quand nous sommes revenus sur les déclarations de Mme Najat Vallaud-Belkacem, Mme la ministre de la famille a esquissé un mouvement qui manifestait une certaine exaspération. « Encore ! », semblait-elle vouloir dire…

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Oui !

M. Dominique de Legge. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, en cet instant, nous demandons encore une fois une prise de position claire de la part du Gouvernement : pouvons-nous considérer ce texte comme un solde de tout compte ou annonce-t-il l’ouverture, demain ou après-demain, de la procréation médicalement assistée ?

Selon nous, l’affaire est entendue : le texte est porteur de la PMA et de la GPA. Quels engagements pouvez-vous prendre aujourd'hui devant la représentation nationale pour nous assurer du contraire ?

Mesdames les ministres, telle est la question que nous vous posons, et nous attendons de vous une réponse claire et sans ambiguïté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, j’avais été tenté de renoncer à prendre la parole, les propos tenus par mes collègues et amis allant tout à fait dans le sens de ce que je voulais exprimer.

Toutefois, la réaction vive de nos collègues de la majorité sénatoriale m’amène à enfoncer un peu plus le clou.

MM. Claude Bérit-Débat et Jean-Jacques Mirassou. Dommage !

M. Jean-Claude Lenoir. En effet, je vois bien que la gêne est en train de s’installer sur les travées de la majorité sénatoriale. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Une gêne effroyable !

M. Jean-Claude Lenoir. Cette gêne résulte des discours tout à fait contradictoires que nous entendons.

M. David Assouline. Nous ne disons rien !

M. Jean-Claude Lenoir. Je rappelle que le Président de la République (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) – vous n’allez tout de même pas crier si j’évoque sa personne ! (Non ! sur les mêmes travées.) – avait affirmé qu’il n’était pas question d’inscrire la PMA et la GPA à l’ordre du jour des travaux du Parlement.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir. Ensuite, parce que la colère grondait dans les rangs des familles hostiles à ce texte, le discours officiel s’est fait rassurant : il ne s’agissait que d’instituer le mariage pour tous. Il faut le dire, un certain nombre de personnes vous ont cru.

Toutefois, nous constatons aujourd’hui, dans cet hémicycle, – c’est la raison pour laquelle la gêne devient pour certains insupportable (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.) – que le rapporteur et le président de la commission des lois ont des positions opposées en la matière : le premier, fidèle à la ligne qui est la sienne depuis longtemps, affirme que ce texte n’est qu’une étape et que, conformément à un calendrier qui est sans doute déjà fixé, nous traiterons de ces questions, Le second dit : « Pas du tout ». D’ailleurs, moi-même, je prends cela avec beaucoup de précaution, je ne dis pas que le président de la commission des lois a déjà indiqué ce qu’il ferait si d’aventure un tel texte venait à être discuté. Toujours est-il qu’il existe une vraie opposition entre deux personnes assises sur le même banc.

Là-dessus vient se greffer la position du Gouvernement. En effet, Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui suscite toujours beaucoup d’intérêt, a affirmé très clairement que ces questions seraient discutées, dans peu de temps.

Nous voudrions connaître aujourd’hui les intentions du Gouvernement. Alors que nous posons la question depuis jeudi dernier, nous n’avons toujours pas obtenu de réponse. Nous le disons avec beaucoup de fermeté et d’insistance, il n’est pas possible que s’installe une telle ambiguïté sur un texte aussi important.

À un moment où certains voudraient banaliser la portée de ce texte, Mme la garde des sceaux a eu l’honnêteté morale de dire qu’il constituait un bouleversement de société. Quant à sa collègue chargée de la famille, elle a assuré qu’il n’en était rien et qu’il s’agissait d’une banalisation (Mme la ministre déléguée opine.), le mariage pour tous étant simplement un mariage parmi d’autres.

Donc, dans un contexte d’ambiguïté, nous sommes confrontés à une ambiguïté supplémentaire. J’oserai dire qu’il s’agit là, et c’est un mot que j’utilise avec beaucoup de précautions pour des raisons que chacun comprendra, d’un mensonge, par omission, ici, au Sénat.

Regardant les personnes qui sont devant moi, je me demande qui est le Pinocchio de la majorité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Cécile Cukierman. Il n’y a personne dont le nez se soit allongé durant la nuit !

M. Jean-Claude Lenoir. Je n’oserais pas chercher un Pinocchio au Gouvernement, chose absolument impensable !

Par conséquent, je vous demande, madame la garde des sceaux, madame la ministre chargée de la famille, de bien vouloir répondre à la question suivante : avez-vous l’intention, une fois ce texte éventuellement adopté, de soumettre au Parlement…

Mme Éliane Assassi. Ça vole haut !

M. Jean-Claude Lenoir. … des dispositions visant à instituer la PMA et la GPA ? Nous attendons une réponse ! (Très bien et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Un sénateur du groupe UMP. Ils ne le diront jamais !

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.

M. Gérard Cornu. Mesdames les ministres, il est tout de même très agaçant d’obtenir chaque fois, en guise de réponse à nos questions, des citations ! Le Sénat n’a pas l’habitude d’une telle dialectique. Il préfère recueillir des réponses franches lorsque des questions directes sont posées. (Oui ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Au-delà de nos interrogations, je veux vous dire que vous faites un contresens historique sur la notion de mariage. En effet, le sens initial du mariage s’inscrit tout de même dans la présomption de paternité et de filiation, dont l’objectif est de fixer le cadre de la famille. L’idée initiale du mariage est de vérifier, de valider, la présence d’un père dans une famille et, donc, d’institutionnaliser un cadre familial équilibré.

Afin d’appeler à la retenue, je souhaite évoquer la question des droits, qui s’inscrit dans une perspective plus large. Quels sont, en effet, les droits d’un couple hétérosexuel ?

Y a-t-il un droit à l’enfant, pour le couple hétérosexuel ?

Un sénateur du groupe UMP. Non !

M. Gérard Cornu. Tel n’a jamais été le cas. Ce couple donne la vie, et le droit est là pour organiser cette vie.

Y a-t-il un droit à l’adoption ? Pas plus ! (M. David Assouline s’exclame.) Il y a un droit à la famille, pour des enfants qui n’ont pas de famille, mais pas un droit à l’adoption.

Y a-t-il un droit à la PMA ? Non, mes chers collègues, il n’y a pas de droit à la PMA. La procréation médicalement assistée est un acte médical, comme l’a d’ailleurs souligné le président de la commission, qui vient compenser un problème de stérilité au sein d’un couple hétérosexuel.

Il n’existe pas de droit à l’enfant. Or, avec ce texte, nous n’avons cessé de le rappeler, il est incontestable, quoi qu’on ait pu entendre de la part du Gouvernement et de sa majorité pour tenter de déconnecter le mariage pour tous de cette question, qu’on ouvre un droit à l’enfant.

Or le cœur du bien commun, c’est l’enfant, son épanouissement, son éducation, son avenir. (M. David Assouline s’exclame de nouveau.)

Évoquant cette question avec la plus grande sincérité, je me fais aussi, comme mes collègues, le porte-parole des milliers de nos concitoyens qui m’ont saisi de leurs inquiétudes et de leur colère de n’être pas entendus, de tous ces Français qui n’ont aucune habitude de se manifester ni de descendre dans la rue et qui ne comprennent pas la surdité et l’entêtement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.

M. Christophe Béchu. Mesdames les ministres, je me joins à mes collègues pour demander au Gouvernement une réponse à nos questions, après les propos tenus par sa porte-parole.

M. David Assouline. Oh là là !

Mme Éliane Assassi. Encore ! Ça tourne en boucle !

M. David Assouline. C’est du cirque !

Mme Cécile Cukierman. Heureusement qu’elle existe !

M. Christophe Béchu. Si je suis prêt à consacrer une partie de mon temps de parole à répondre à des invectives que je n’entends pas toutes, je souhaiterais toutefois, si vous m’y autorisez, mes chers collègues, poursuivre mon propos.

J’aimerais, à défaut d’une prise de parole officielle sinon de quelqu’un qui n’est pas là, du moins du Gouvernement, demander à mes collègues de la commission des lois et, en premier lieu, à son président et au rapporteur si le texte que nous nous apprêtons à voter n’introduit pas de manière automatique la PMA et la GPA, et ce quelle que soit la position du Gouvernement en la matière.

En effet, mes chers collègues, dès lors que nous aurons collectivement modifié le sens du mot « mariage », si nous votons l’article 1er puis la totalité de ce texte – nous aurons alors, au nom de l’égalité, autorisé l’adoption pour les couples homosexuels –, comment pourrons-nous ensuite nous opposer à la PMA ? (M. David Assouline s’exclame.) Quelle que soit la position du Comité consultatif national d’éthique dont le Président de la République a dit qu’il attendrait les conclusions, et quelles que soient même les opinions des uns et des autres, qui d’entre nous peut croire que la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, si elle est saisie, demain, par un couple de cette question, ne considérera pas, au nom du principe d’égalité – nous savons comment elle l’applique – et en vertu de sa jurisprudence, que l’égalité devant les couples mariés doit mener de manière automatique à l’élargissement de la PMA aux couples de femmes.

Si je me réfère à la jurisprudence de la CEDH et à l’acception large qu’elle retient pour le mot « égalité », j’ai la conviction que cette question ne nécessitera même pas un débat devant le Parlement. La Cour européenne des droits de l’homme s’appuiera sur la loi que nous sommes en train d’examiner pour imposer, sans débat éthique, l’élargissement de la PMA.

Dès lors que la PMA apportera aux couples de femmes une réponse à leur volonté d’avoir un enfant, la même interprétation large et souple de la notion d’égalité permettra à des couples d’hommes d’exiger devant la CEDH, en vertu du seul texte que nous aurons voté et de la jurisprudence de la Cour, le recours possible et légal à la GPA dans notre pays.

Mes chers collègues, nous avons donc à nous positionner non pas sur les recommandations à venir du Comité consultatif national d’éthique ni même sur la volonté des uns et des autres de bloquer la GPA derrière une sorte de rempart éthique, mais sur les conséquences et l’effet domino des dispositions que vous nous demandez d’adopter.

Voilà pourquoi, mesdames les ministres, je voterai, cet après-midi, les amendements visant à rappeler que le mariage, dans notre conception, se fait entre un homme et une femme et à défendre la parité à l’intérieur de la famille, grâce à un binôme composé d’un couple de personnes de sexe différent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. –  MM. Yves Pozzo di Borgo et Hervé Marseille applaudissent également. –  M. Bruno Retailleau lève la main pour demander la parole.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9 rectifié bis.

M. Bruno Retailleau. Je demande la parole !

M. le président. Mes chers collègues, je souhaiterais simplement que vous vous signaliez avant que le président de séance engage l’organisation d’un scrutin public.

M. Bruno Retailleau. Je l’avais fait, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, il ne s’agit pas d’une explication de vote, mais d’un rappel au règlement, qui vous est adressé, en tant que président du Sénat et de tous les sénateurs. Nous le savons tous ici, vous avez à cœur d’organiser dans les meilleures conditions possibles notre travail et de soutenir le travail du Parlement face au Gouvernement.

J’en reviens à la question sur la PMA, question absolument clé, que j’ai soulevée vendredi soir. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mes chers collègues, vous avez refusé le référendum, et vous vous apprêterez à donner au Gouvernement une habilitation pour légiférer par ordonnance. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Selon moi, il faut que les parlementaires et les Français, à qui vous cachez l’essentiel (M. David Assouline proteste.), sachent tout.

Je vous demande donc, monsieur le président, de contacter Mme Najat Vallaud-Belkacem, afin qu’elle puisse venir s’expliquer par elle-même, en tant que porte-parole du Gouvernement, sur sa déclaration. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas un rappel au règlement !

Mme Éliane Assassi. C’est une injonction !

M. Bruno Retailleau. Je vous remercie d’avance, monsieur le président, de porter notre voix. Cela raccourcira nos débats, éclairera nos délibérations et, au bout du compte, c’est la démocratie qui y gagnera. (Très bien et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. Acte vous est donné de votre déclaration, mon cher collègue.

Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié bis.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 137 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 158
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Colette Giudicelli, pour explication de vote sur l’amendement n° 10 rectifié bis.

Mme Colette Giudicelli. Sur le fond, nous considérons que l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ne trouve aucune justification sur le terrain du combat pour l’égalité.

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel lui-même rappelle qu’il est loisible au législateur d’organiser le droit différemment afin de régler des situations différentes. Et c’est ce qu’il a fait depuis toujours, sans ignorer les couples de même sexe, en créant le PACS, dont le régime fiscal et patrimonial a progressivement évolué.

Certes, des différences existent, mais d’autres formules plus respectueuses de tous pouvaient être envisagées pour remédier à cette différence de traitement.

En revanche, si la situation actuelle ne porte préjudice à personne, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe crée de nouvelles inégalités.

Des inégalités d’abord au sein même du mariage : si la loi est adoptée, en effet, le principe d’unité du mariage disparaît. Il existerait, d’une part, un mariage hétérosexuel, qui continuerait de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et, d’autre part, un mariage homosexuel où la filiation tiendrait du virtuel.

Des inégalités aussi parmi des couples homosexuels : l’honnêteté du Gouvernement sur la PMA aurait dû nous permettre de discuter sereinement d’un dispositif qui introduira prochainement une certaine inégalité entre les couples homosexuels et le simple fondement de leur sexe.

Des inégalités enfin parmi les enfants adoptés : la vérité nous oblige à dire que la majorité des enfants adoptés sont des ressortissants de pays qui n’acceptent pas l’union homosexuelle. C'est d’ailleurs pourquoi les enfants, selon la situation conjugale de l’adoptant, ne disposeront pas des mêmes droits d’accéder à une famille.

Par ailleurs, inégalité plus grave encore, celle à l’accès au mariage, inégalité que nous voulons d’ailleurs éviter, car si l’on transforme fondamentalement et substantiellement le fondement autrefois juridique du mariage, en lui substituant un fondement simplement sentimental, on réduit le mariage à une simple reconnaissance sociale de l’amour des couples de personnes de même sexe.

Or, cette transformation ouvrirait la voie à d’autres revendications qui seront cette fois complètement fantaisistes, mais qui existent déjà : mariage avec des objets – aux États-Unis, une Américaine s’est mariée avec la tour Eiffel (Mme Nicole Bonnefoy s’exclame.) –, mariage avec soi-même – aux États-Unis toujours – (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), mariage à trois – comme au Brésil –, mariage avec des animaux – comme en Australie. (Sourires et exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme Cécile Cukierman. Après, on nous dit qu’il n’y a pas de dérapage !

Mme Colette Giudicelli. Cela vous fait sourire, mais je suis contente de voir que cela vous choque aussi. C’est au moins un résultat que nous aurons obtenu !

Mme Cécile Cukierman. C’est scandaleux !

Mme Colette Giudicelli. Nous sommes bien conscients…

Mme Cécile Cukierman. C’est inacceptable !

Mme Colette Giudicelli. Si cela ne vous ennuie pas, madame, je vais continuer !

Nous sommes bien conscients, disais-je, que la loi, contrairement à ces pays, n’autorise pas ce type d’union, mais nous estimons que, sur le fondement du principe du droit à l’égalité, quiconque pourra le revendiquer au nom de l’amour.

Enfin, et pour rester sur le terrain de la constitutionnalité, nous considérons que les alinéas 2 et 3 de l’article 1er, qui constituent le cœur de la loi, ne sont pas en conformité avec notre ordre juridique interne, lequel, depuis 1804, a fait de l’altérité sexuelle un caractère fondamental du mariage. Toutes ces lois ont déjà été évoquées tout à l’heure, et je n’y reviendrai pas.

Aussi, pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression des alinéas 2 et 3 de l’article 1er. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Nous l’avons dit et répété x fois sur ces travées, du moins de notre côté : le mariage peut-il être un droit pour tous, indépendamment des droits de l’enfant ?

Cette question aurait mérité un vrai débat national, car elle touche aux droits fondamentaux de l’homme et l’on n’a pas laissé le temps à nos concitoyens d’en prendre conscience.

Il n’y a qu’à voir les messages, lettres, interventions, manifestations diverses pour se rendre compte combien les Français se sentent concernés par cette loi, je dirai même plus que par toute autre, car elle touche à la famille.

Dans le projet de loi, le raisonnement a bel et bien été inversé. L’enfant, sujet de droit, devient objet de droit. Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? L’enfant a besoin d’avoir, pendant sa croissance, un modèle d’altérité sexuelle, où il n’a pas de question existentielle à se poser. Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu d’une loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption.

Notre société ne protège pas assez l’enfant. Elle prône l’enfant roi mais, dans le même temps, elle le soumet trop souvent au seul désir de l’adulte. L’homme et la femme sont libres de vivre comme ils l’entendent, et jamais au grand jamais je ne me permettrai un quelconque jugement. Tout être humain a droit au bonheur. Mais l’enfant, lui, a droit à être élevé, éduqué, construit…