M. Philippe Bas. Cet amendement vise à permettre aux députés comme aux sénateurs de conserver une fonction exécutive locale figurant sur une liste qui a été établie par l’Assemblée nationale elle-même.

Cette liste comprend de nouvelles restrictions, notamment pour les présidences d’intercommunalité, les présidences de sociétés d’économie mixte, les vice-présidences de conseil régional ou de conseil général et les fonctions de maire ou d’adjoint au maire de petites communes.

C’est dire que, si cet amendement est adopté, de nouvelles restrictions importantes permettront d’actualiser le régime applicable aux parlementaires exerçant des mandats locaux.

Nous avons souhaité que ces dispositions soient appliquées aussi bien aux députés qu’aux sénateurs, car nous ne sommes pas, par principe, favorables à une différenciation des deux catégories de parlementaires.

Toutefois, cet amendement, qui se veut être une main tendue pour parvenir à une solution d’équilibre, ne pourra prospérer que si le Gouvernement l’approuve et s’engage à le défendre avec vigueur à l’Assemblée nationale. Sans accord entre le Sénat, le Gouvernement et l’Assemblée nationale, il sera naturellement dépourvu d’objet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° 17 rectifié ter, présenté par MM. Daunis, Berson, Besson et Kerdraon, Mme Claireaux et M. Domeizel, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 29, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 13° Les fonctions de conseiller consulaire.

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement vise à corriger les vices rédactionnels d’une disposition votée par l’Assemblée nationale qui instaure une incompatibilité entre le mandat de parlementaire et ceux de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, de membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire.

Étendre le principe du non-cumul des mandats aux Français de l’étranger, à condition bien sûr que ce projet de loi organique soit adopté, me semble essentielle, mais la rédaction adoptée à l’Assemblée nationale est à la fois trop restrictive dans ses effets et peu cohérente sur le plan juridique.

La distinction entre simple conseiller consulaire et vice-président de conseil consulaire n’a guère de sens. La loi n’alloue en effet aux vice-présidents des conseils consulaires aucun statut juridique spécifique, aucune prérogative propre. Ils ne peuvent même pas présider une réunion du conseil consulaire en l’absence de leur président, dont la loi exige qu’il s’agisse d’une personnalité non élue – en pratique, le chef du poste consulaire.

Les références à l’Assemblée des Français de l’étranger n’ont pas leur place dans un texte relatif aux fonctions exécutives locales. Ce sont les conseils consulaires, et non l’AFE, qui sera leur émanation parisienne, qui sont l’instance se rapprochant désormais le plus d’un conseil municipal.

Cette disposition est par ailleurs redondante. En effet, interdire le cumul d’un mandat de parlementaire avec celui de conseiller consulaire se traduirait de toute façon par un non-cumul à l’AFE, dans la mesure où l’ensemble des élus à l’AFE sont aussi par obligation légale des conseillers consulaires.

Surtout, c’est l’esprit même de la toute récente loi relative à la représentation des Français établis hors de France qui est menacé par la rédaction actuelle de cet alinéa. On prétend accroître la démocratie de proximité ? Autoriser un parlementaire à se présenter à l’élection consulaire, c’est tout l’inverse !

Les conseillers consulaires sont censés réaliser un travail quotidien de terrain dans leur circonscription consulaire. Le cumul entre une fonction locale et un mandat national ne se pose pas dans les mêmes termes à l’étranger et en métropole. La participation aux travaux parlementaires parisiens ne peut qu’empêcher une présence suffisante dans une circonscription consulaire dont la taille varie pour aller d’une unique ville à une petite dizaine de pays. Cet ancrage local des conseillers consulaires est la condition de leur complémentarité avec le travail plus global réalisé par les députés et les sénateurs.

Permettre aux parlementaires de se présenter aux élections consulaires contreviendrait aussi au principe constitutionnel d’égalité des candidats.

La loi n’octroie aucun moyen de campagne aux futurs candidats aux conseils consulaires, tandis que les parlementaires, eux, sauront mobiliser leur notoriété et les avantages matériels que leur confèrent leurs fonctions en termes de communication et de déplacement, d'autant qu’aucun compte de campagne n’est exigé pour les élections des conseils consulaires.

Le poids que pourraient avoir les parlementaires dans un conseil consulaire ou au sein de l'AFE serait d'autant plus disproportionné que le nombre d'élus de terrain dans ces instances est désormais réduit à la portion congrue : de un à neuf élus dans des conseils consulaires accueillant pléthore de personnalités non élues !

Dans la configuration juridique actuelle, le seul moyen pour un parlementaire de participer à l'AFE est de se faire élire comme conseiller consulaire. Si le cumul n’est pas interdit, des parlementaires, même ceux qui sont hostiles par principe au cumul, seront contraints de se présenter aux élections consulaires pour conserver une voix dans cette AFE.

Quel dévoiement du système, mes chers collègues ! D'autant que si les vingt-trois parlementaires représentant les Français de l'étranger deviennent membres de l'AFE, ils représenteront alors plus du quart des membres de cette instance.

J’attire enfin votre attention sur le risque de conflit d'intérêt. Les 444 conseillers consulaires constitueront désormais 85 % du corps électoral des sénateurs représentant les Français de l'étranger. Dès lors, permettre à des sénateurs d'intégrer ce collège me semblerait malsain, surtout au vu de son étroitesse. Le risque de manipulation serait alors patent.

Lors du vote de la réforme de l'AFE, le rapporteur comme le Gouvernement n’avaient pas exprimé de réserve sur le fond quant au principe du non-cumul, se contentant d'indiquer que la mesure relevait d'une loi organique. (Marques d’agacement sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. C'est donc le moment, mes chers collègues, de traduire les idées en actes, et j’espère que sur toutes les travées de cet hémicycle, vous saurez reconnaître le bien-fondé de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Simon Sutour, rapporteur. L’amendement n° 36 vise à interdire le cumul du mandat parlementaire avec tout autre mandat local, même non exécutif, à l'exception de celui de conseiller municipal dans les communes de moins de 100 000 habitants.

Je crois que l’on a trouvé un équilibre en permettant l’exercice d’un mandat local non exécutif à un parlementaire.

La commission des lois a émis un avis défavorable.

L'amendement n° 59 tend à limiter le cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale. Cependant, contrairement au projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, il ne pose pas un principe d’interdiction mais autorise l’exercice d’une seule fonction exécutive locale.

À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement. Cependant, en raison de l'égalité des voix qui a été constatée en commission, celle-ci s’en remet à la sagesse du Sénat. (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.)

Enfin, la commission des lois a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 29.

M. Bruno Sido. Et pourquoi ? C'est vexant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Concernant l'amendement n° 36, je rappelle que le Gouvernement a souhaité réaliser une avancée importante en interdisant le cumul de fonctions exécutives avec un mandat parlementaire, mais il considère que l'interdiction d'exercer un mandat simple, comme ceux de conseiller départemental ou régional, n’est pas souhaitable. Il n’y a pas de seuil à instaurer en l'espèce et exprime donc un avis défavorable.

Concernant l'amendement n° 29, j’indiquerai que le Gouvernement a souhaité, pour ces mandats, réaliser la même avancée.

Les raisons pour lesquelles le Gouvernement propose d'interdire le cumul d'une fonction exécutive avec un mandat parlementaire tiennent notamment à la nécessité de dégager, pour les parlementaires et les titulaires des fonctions exécutives concernées, le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions.

En revanche, le Gouvernement n’estime pas souhaitable d'interdire aux parlementaires d'être candidats à un mandat simple comme celui de conseiller consulaire. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Sur l'amendement n° 59, qui a pour objet de permettre aux députés et aux sénateurs d'exercer une fonction exécutive locale, et qui revient donc sur l'équilibre et sur la finalité du présent texte, le Gouvernement n’a pu donner qu’un avis défavorable. (M. Christian Cambon s’exclame.)

Je comprends bien la volonté exprimée par M. Bas, celle de tendre la main ou de tenter une discussion, d'abord avec le Gouvernement puis avec l’Assemblée nationale. Évidemment, la discussion a lieu, mais vous avez bien compris la détermination du Gouvernement sur ce sujet. Nous discutons depuis longtemps de ces questions, comme l'ont rappelé de nombreux orateurs ; le débat n’est pas nouveau, ni pour le Sénat, ni pour l’Assemblée nationale, ni pour le Parlement, ni pour le pays !

Je sais bien que les sondages n’ont pas d'importance et qu’il ne faudrait jamais, ou presque jamais, en tenir compte. Toutefois, comme la discussion a été ouverte sur les fonctions dites transversale, j’indique que, dans un sondage TNS-SOFRES sur le point d’être publié, concernant le cumul des mandats des maires, à la question « Estimez-vous souhaitable ou non que votre maire soit également élu au conseil général ou au conseil régional ? », 62 % des sondés ont répondu négativement ; pour ce qui est d'être également parlementaire, député ou sénateur, 75 % ont estimé que cela n’était pas souhaitable ; enfin, 57 % préfèrent que leur maire soit uniquement maire. (Nombreuses protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Rémy Pointereau. On ne gouverne pas avec des sondages !

M. Manuel Valls, ministre. Je sais que ce n’est qu’un sondage, et je ne le cite qu’en tant que contribution aux débats. Car s’il y a, certes, les sondages, il y a surtout les électeurs qui, quand on le leur propose, peuvent être amenés à élire un sénateur-maire ou un député-maire – je connais tous les arguments. Cela me permet simplement de vous dire que dans le pays, le problème du cumul se pose réellement, même si ce texte ne suffira pas à résoudre la crise de confiance que nous connaissons.

M. Jean-François Husson. Parlez du chômage !

M. Manuel Valls, ministre. Sur le chômage, vu les exploits que vous avez réalisés lorsque vous étiez au pouvoir, j’estime que chacun devrait être conduit à la modestie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Bérit-Débat. Deux millions de chômeurs de plus !

M. Manuel Valls, ministre. Il est des sujets difficiles, pour les uns comme pour les autres. Sur ces sujets – je pense aussi à la sécurité –, il faut essayer d'avancer ensemble avec lucidité.

Pour revenir à la question qui nous occupe aujourd'hui, on voit bien qu’il y a une difficulté. Ce débat est ancien. Or, à chaque fois qu’il revient – j’en connais bien les arguments, pour l'avoir eu au sein de ma propre formation politique –, on oppose une réforme plus générale – celle de la Constitution, celle de la décentralisation – et, à chaque fois, on renvoie à des questions de seuils… À chaque fois que ce débat a eu lieu, on nous a opposé des arguments pour ne pas le faire ! Non, cela ne peut pas continuer !

C'est pourquoi le Gouvernement est très déterminé et ira jusqu’au bout.

M. Rémy Pointereau. Légiférez par ordonnances, cela ira plus vite !

M. Manuel Valls, ministre. Donc, au-delà de votre main tendue, monsieur Bas, que je suis prêt à saisir pour vous convaincre sur ce sujet, je suis moi-même convaincu que grâce à votre jeune expérience – vous êtes, somme toute, un jeune parlementaire et un jeune élu (Sourires.) –, vous pouvez comprendre que la voie du non-cumul entre un mandat de parlementaire et une fonction exécutive est inexorable. Elle est aujourd'hui nécessaire, et elle va s'imposer.

M. Joël Guerriau. Eh bien ! Quelle conception du dialogue !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote sur l'amendement n° 59.

M. Philippe Bas. Monsieur le président, je dois exprimer au jeune ministre (Nouveaux sourires.) qui vient de nous donner son avis sur l’amendement n° 59, ma grande déception. Il accumule les professions de foi en faveur du dialogue républicain, il se dit ouvert au débat mais, on le constate à chaque fois, c'est à la seule condition de ne pas bouger une virgule du texte qu’il a fait adopter par l’Assemblée nationale, si bien que l’on se demande vraiment à quoi sert notre discussion.

Je déplore cette manière de faire, qui est peu respectueuse et de la démocratie, et du Sénat lui-même. Dans ces conditions, je constate l'impossibilité que cette main tendue aboutisse à un résultat législatif. Cela signifie tout simplement que, si le Gouvernement campe sur une position intransigeante et demeure fermé à la recherche d'un compromis et d'un équilibre entre les deux assemblées, une telle disposition, pourtant favorable à la possibilité de maintenir un régime commun aux députés et aux sénateurs, ne pourra pas prospérer.

Dans ces conditions, je ne vois pas comment mieux faire que de retirer, au nom de mon groupe, cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° 59 est retiré.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l'amendement n° 29.

M. Jean-Yves Leconte. En tant que rapporteur de la loi relative à la représentation des Français établis hors de France, je devrais me réjouir que Mme Garriaud-Maylam, qui ne l’a pas votée, en appelle, quelques mois plus tard, à l’esprit de ce texte !

Mais je voudrais, malgré les longues explications que vous avez données, madame, au soutien de votre amendement, souligner, en particulier à l’intention de vos collègues et de ceux qui voudraient conserver la possibilité de cumuler un mandat exécutif local avec un mandat de parlementaire, que votre argumentation va beaucoup plus loin dans le non-cumul que le projet de loi, dans la mesure où elle pourrait s'appliquer à tous les mandats de la République, à tous les mandats locaux…

Votre raisonnement revient à interdire le cumul de tout mandat local, même un simple mandat de conseiller municipal ou de conseiller général, avec un mandat parlementaire.

C'est donc tout à fait autre chose. Comme il n’y a aucune raison de traiter un mandat de conseiller consulaire différemment des autres mandats locaux, je ne comprends pas cet amendement…

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. J’avoue que je suis assez amusée, et en même temps assez attristée, par ce que j’entends. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) D'une part, j'ai l'impression très nette que l'on n’a pas écouté la présentation de mes arguments, qui me paraissait pourtant assez claire.

Que le rapporteur de cette loi socialiste soit contre mon amendement ne m'étonne pas. Je sais bien qu’il y a malheureusement des questions de principe : avec la logique gauche contre droite, on n’acceptera pas un amendement venant de ce côté-ci de l'hémicycle.

Mais il y a tout de même une hypocrisie absolument incroyable ! Nous participons à une véritable parodie ! Le rapporteur de cette loi est en train de nous dire que le mandat de conseiller consulaire serait le même que celui de conseiller municipal. Mais de qui se moque-t-on ? Je vous invite, mes chers collègues, à lire cette loi, au demeurant une très mauvaise loi,…

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … si mauvaise que, même sur les travées de gauche, la plupart des élus en sont très mécontents…

Mme Éliane Assassi. C'est-à-dire ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … et reconnaissent eux-mêmes qu’elle constitue une aberration !

Alors, si j’ai voté contre le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France – et j’en suis fière –, je voudrais simplement souligner l'incohérence…

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … de cette position de la gauche, qui nous dit aujourd'hui vouloir le non-cumul, mais surtout pas sur ce sujet-là !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas du tout ce que nous avons dit !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pourtant, mes chers amis, la gauche nous institue un conseil consulaire qui n’a absolument aucun moyen, dont le président est un non-élu, où les vice-présidents n’ont même pas le droit de représenter le président…

Excusez-moi, mais c'est une parodie qui, selon moi, fait honte à la démocratie et à la gauche ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.) (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mme Klès, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

1° Après les mots :

fonctions de maire

insérer les mots :

d’une commune d’au moins 10 000 habitants

2° Après les mots :

maire délégué

insérer les mots :

d’une commune d’au moins 10 000 habitants

3° Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigés :

d’une commune d’au moins 10 000 habitants. Ces fonctions, dès lors qu’elles sont cumulées avec un mandat de parlementaire ne peuvent donner lieu à une indemnité ;

II. – Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigés :

d’au moins 10 000 habitants. Ces fonctions, dès lors qu’elles sont cumulées avec un mandat de parlementaire, ne peuvent donner lieu à une indemnité ;

La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Les débats que nous avons ce soir tournent beaucoup autour du problème du temps nécessaire pour exercer correctement un mandat local et un mandat national, ainsi que la compatibilité entre ces fonctions.

Il me semble que, si l’on exerce un mandat local en même temps qu’un mandat national, il faut que cela apporte une plus-value, en l’occurrence pour le Sénat, par l’expérience et la connaissance concrète du fonctionnement des collectivités territoriales.

Il me semble également que, dans les modifications liées au cumul ou au non-cumul des mandats que nous sommes en train de voter, nous devons être attentifs à ne pas faire varier le Sénat dans sa composition et dans la représentation de l’ensemble des territoires qu’il représente.

Or un conseiller général ou un conseiller régional a généralement eu un parcours politique avant d’être élu et a donc, en tant que tel, une expérience des exécutifs locaux. De la même façon, un conseiller municipal d’une grande ville a exercé des responsabilités et apporte aussi au Sénat un certain nombre d’expériences et de compétences. Un conseiller municipal d’une petite ville, s’il n’a jamais exercé de fonctions exécutives locales, n’apportera pas grand-chose au Sénat en tant que simple conseiller municipal.

Dans un grand exécutif – que ce soit un conseil régional, général ou une grande municipalité – les démissions sont presque attendues par le citoyen, dans la mesure où le maire comme le président de conseil général ou de conseil régional, parce qu’ils font déjà partie d’une grande collectivité, sont déjà dans une logique qui peut conduire à un mandat national. Les démissions seront donc relativement faciles et n’auront que peu de conséquences.

En revanche, dans une petite collectivité, le lien entre le président de l’exécutif et son électeur est beaucoup plus fort, et l’élu hésitera sans doute plus à démissionner. Ce qui est à craindre à terme – et c’est ce sur quoi je veux appeler l’attention du Gouvernement –, c’est une modification de la composition du Sénat par une diminution du nombre d’élus issus de petites collectivités.

Nous en arrivons donc à la notion de seuil. J’ai proposé 10 000 habitants parce que cela correspond, dans le code général des collectivités territoriales, au seuil à partir duquel des heures de décharge sont accordées pour exercer son mandat.

Il faut faire attention : les villes de moins de 10 000 habitants représentent plus de 32 000 de nos 36000 communes environ, soit plus de 50 % des habitants.

Pour autant, les maires de communes de moins de 10 000 habitants qui sont aujourd’hui sénateurs ne représentent que 50 % des sénateurs maires. Autrement dit, les cumuls de mandats de sénateur et de maire sont beaucoup plus fréquemment exercés dans les grandes communes que dans les petites.

Nous devons donc faire attention à ne pas déséquilibrer la composition du Sénat et la représentation des petits territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Simon Sutour, rapporteur. Sur onze amendements de seuil, dix ont été retirés ; il n’en reste donc qu’un. Cet amendement vise à moduler l’incompatibilité parlementaire en ôtant de son champ les fonctions exécutives locales dans les communes de moins de 10 000 habitants.

Je ne suis pas sûr que les fonctions exécutives locales dans les communes les moins peuplées soient moins prenantes que dans une grande commune, car, à la différence de ces dernières, où l’élu dispose d’un cabinet et de services importants, le maire des plus petites communes doit faire face à ses missions avec un personnel réduit, ce qui exige de sa part une disponibilité accrue.

En outre, il est possible de fixer un seuil, comme actuellement à l’article L.O. 141 du code électoral. Ce seuil doit cependant se conformer à une exigence constitutionnelle. En effet, dans deux décisions des mois de mars et mai 2000, le Conseil constitutionnel a considéré « qu’il était loisible à la loi organique de ne faire figurer, dans le dispositif de limitation de cumul du mandat de parlementaire et de mandats électoraux locaux, le mandat de conseiller municipal qu’à partir d’un certain seuil de population, à condition que le seuil retenu ne soit pas arbitraire ».

Dans sa décision du 30 mars 2000, le Conseil a estimé, à l’époque, que le fait d’avoir retenu le seuil de 3 500 habitants satisfaisait cette condition dans la mesure où il correspondait au seuil de population entraînant, en vertu de l’article L. 252 du code électoral, un changement de mode de scrutin pour l’élection des membres des conseils municipaux. Il a en revanche censuré, par sa décision du 30 mai 2000, un changement de seuil pour l’application du mode de scrutin qui n’était pas accompagné par une modification consécutive du seuil lié à l’application de l’incompatibilité entre les mandats.

Lors de l’examen de la loi du 17 mai 2013, ce seuil a été logiquement abaissé, vous vous en souvenez, à 1 000 habitants, à l’initiative du Sénat, ce que le Conseil constitutionnel a validé, par sa décision de mai 2013, en rappelant très clairement sa jurisprudence de 2000.

Le seuil proposé ne me paraît pas satisfaire cette exigence constitutionnelle, c’est pourquoi, ma chère collègue, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Madame Klès, l’amendement est-il maintenu ?

Mme Virginie Klès. Il s’agissait essentiellement d’un amendement d’appel visant à attirer l’attention du Gouvernement. J’ai déposé un autre amendement, que nous examinerons ultérieurement, afin que nous puissions nous assurer d’emblée que les territoires les moins peuplés ne seront pas moins représentés au Sénat demain.

Dans ces conditions, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 28 est retiré.

L'amendement n° 3 rectifié ter, présenté par Mme Procaccia, MM. Bas, Milon et Sido, Mme Deroche, MM. Cornu et Pointereau, Mme Des Esgaulx et MM. Dallier, Dulait, Savary, Retailleau, Cambon, J. Gautier et Mayet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... Après le premier alinéa de l’article L. O. 296 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Nul ne peut être élu au Sénat s’il n’exerce pas ou n’a pas exercé au moins un mandat de conseiller municipal, de conseiller départemental ou de conseiller régional. »

La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié ter est retiré.

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 46 est présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen.

L'amendement n° 58 est présenté par M. Bas et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 63 est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. – L’article L.O. 297 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 297. - Sauf exceptions prévues au présent chapitre, les dispositions régissant les incompatibilités des députés sont applicables aux sénateurs.

« Le mandat de sénateur est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats ou fonctions énumérés ci-après :

« 1° Maire, maire d'arrondissement, maire délégué ou adjoint au maire ;

« 2° Président ou vice-président d'un établissement public de coopération intercommunale ;

« 3° Président ou vice-président de conseil départemental ;

« 4° Président ou vice-président de conseil régional ;

« 5° Président ou vice-président d'un syndicat mixte ;

« 6° Président, membre du conseil exécutif de Corse ou président de l'Assemblée de Corse ;

« 7° Président ou vice-président de l'Assemblée de Guyane ou de l'Assemblée de Martinique ; président ou membre du conseil exécutif de Martinique ;

« 8° Président, vice-président ou membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; président ou vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie ; président ou vice-président d'une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie ;

« 9° Président, vice-président ou membre du gouvernement de la Polynésie française ; président ou vice-président de l'assemblée de la Polynésie française ;

« 10° Président ou vice-président de l'Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;

« 11° Président ou vice-président du conseil territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ; membre du conseil exécutif de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

« 12° Président ou vice-président de l'organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;

« 13° Président ou vice-président de société d'économie mixte ;

« 14° Président de l'Assemblée des Français de l'étranger, membre du bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger ou vice-président de conseil consulaire. »

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 46.