M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous occupe pour l’heure vise à permettre à toute victime de prise d’otages d’obtenir une réparation intégrale des dommages subis par cette atteinte à la personne, quelle que soit leur gravité et sans avoir à se préoccuper des conditions maximales de ressources.

Cette proposition de loi constitue une avancée, et nous voterons donc en sa faveur. Je le ferai d’autant plus volontiers que j’ai été très sensible aux propos de Mme Lepage, qui a su donner beaucoup d’humanité à son intervention de tout à l’heure. C’est une chose importante par les temps qui courent.

On peut aisément effectivement s’accorder sur le fait que les prises d’otages constituent toujours pour ceux qui en sont victimes des périodes d’intenses souffrances, et on est encore loin des réalités en disant cela. Ces victimes, une fois libérées, ne doivent donc pas se heurter à une absence de procédure d’indemnisation unifiée.

L’intérêt de votre proposition de loi, madame Lepage, est de rattacher cette infraction au régime d’indemnisation prévu par l’article 706-3 du code de procédure pénale et ainsi de permettre qu’elle ne soit plus punie juridiquement en tant que circonstance aggravante de l’infraction de séquestration ou de détention illégale.

En alignant les modalités d’indemnisation des personnes victimes de prise d’otages sur l’indemnisation des victimes d’atteintes graves à la personne, on permet donc une réparation intégrale des dommages subis. Il ne sera plus nécessaire pour les victimes de prouver l’existence d’une incapacité permanente ou d’une ITT d’au moins un mois pour voir leur demande d’indemnisation jugée recevable par la commission d’indemnisation des victimes d’infractions.

Les personnes reconnues victimes d’un acte terroriste continueront, quant à elles, de bénéficier des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre applicables aux victimes civiles de guerre.

Ainsi, l’ensemble des victimes de prise d’otages seraient donc désormais assurées d’obtenir la réparation intégrale de leur préjudice, soit à travers la procédure ad hoc prévue en matière de terrorisme, soit à travers la procédure juridictionnelle instituée par l’article 706-3 du code de procédure pénale.

Je formulerai toutefois une remarque. Si les pouvoirs publics ont gardé la main sur la gestion du fonds de garantie des victimes de terrorisme et d’autres infractions, qui est un organisme public autonome, avec quatre représentants de ministères sur les dix membres du conseil d’administration, ils se sont, en revanche, désengagés de son financement. Ce sont donc les assurés des contrats d’assurance de biens qui sont sollicités au nom de la solidarité nationale.

Ainsi, et il me paraît important de le rappeler, les trois quarts du financement proviennent des contributions des assurés, pour 269 millions d’euros, le reste étant financé par les recours contre les auteurs d’infraction, pour 71 millions d’euros, et par des placements financiers, pour 20 millions d’euros.

Or il nous semble que, en la matière comme d’ailleurs sur d’autres sujets, l’État doit rester le principal contributeur, sous peine ici de privatiser l’indemnisation des victimes.

Comme beaucoup de choses – auxquelles je souscris –ont été déjà dites sur ce texte, je conclurai mon propos en disant simplement que l’indemnisation rapide, complète et efficace des victimes de prises d’otages est importante. La réparation du dommage est fondamentale pour la victime, pour sa reconstruction, mais aussi pour sa famille et pour ses proches. Il existe à l’évidence des failles dans les procédures d’indemnisation, celle que je viens d’évoquer à l’instant, qui concerne le financement du fonds de garantie des victimes, et celle que la présente proposition tente de combler.

Toutefois, comme vous l’avez dit avant moi, madame Lepage, cette proposition de loi n’est que partielle et ne permet pas de combler toutes les failles. Le rapport d’information annoncé nous éclairera sans doute. En attendant, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.

Mme Kalliopi Ango Ela. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi part du constat suivant : les prises d’otages augmentent à travers le monde, et la France n’échappe évidemment pas à ce phénomène. Le nombre de nos compatriotes enlevés ou détenus en otages croît de façon inquiétante. L’annonce faite, ce matin, par le Premier ministre que deux nouveaux journalistes français sont détenus en Syrie en atteste malheureusement.

D’ailleurs, comme le souligne dans son excellent rapport ma collègue Esther Benbassa, « l’actualité nous montre [...] que le fait d’être Français peut exposer certains de nos compatriotes présents à l’étranger à en être victimes ». Je salue donc la position de notre commission des lois, qui en a déduit qu’un « effort de solidarité nationale tout particulier s’imposait » à l’égard des victimes et de leurs proches.

Dès lors, le groupe écologiste partage et soutient fermement l’objectif porté par la proposition de loi de Mme Lepage, représentant, comme moi, les Français établis hors de France.

Visant à renforcer la sécurité juridique de ces victimes en reconnaissant explicitement un droit à l’indemnisation et à la réparation intégrale de leur préjudice, ce texte recouvre les valeurs défendues de longue date par les écologistes.

Comme le souligne la Cour des comptes, dans son rapport public de 2012 consacré à la politique d’aide aux victimes d’infractions pénales : « La réparation des dommages causés est un élément essentiel de la ″reconstruction″ de la victime ».

Tout en apportant aux victimes de prise d’otages la reconnaissance symbolique qui leur est due, l’adoption de cette proposition permettra d’harmoniser les modalités d’indemnisation. Ainsi, toutes ces victimes pourront obtenir la réparation intégrale de leur préjudice auprès des CIVI lorsqu’elles ne relèvent pas des mécanismes institués par la loi relative à la lutte contre le terrorisme de 1986.

Enfin, permettez-moi, mes chers collègues, toujours dans le souci de prendre en compte l’ensemble des victimes, d’apporter deux précisions, certes légèrement en marge du texte dont l’examen qui nous réunit aujourd'hui, mais en lien direct avec le sujet qui nous préoccupe.

Je souhaiterais aborder brièvement la question des victimes de prise d’otages relevant de la loi précitée. Comme le souligne notre rapporteur, le ministère des affaires étrangères évalue à une cinquantaine le nombre de Français retenus en otages à l’étranger entre 2009 et 2013, dont trente-cinq dans le cadre d’actes terroristes. Cela signifie que 70 % des prises d’otages dont sont victimes nos compatriotes à l’étranger ne relèvent pas du régime d’indemnisation de droit commun.

Ainsi, lorsque la « prise d’otages », ou plutôt les faits constitutifs de la circonstance aggravante de l’infraction d’enlèvement et de séquestration, est qualifiée d’« actes de terrorisme » au sens de l’article 421-1 du code pénal, le régime d’indemnisation des victimes relève d’une procédure reposant sur le FGTI, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.

Je souhaite donc, sur ce point, attirer l’attention de nos collègues Philippe Kaltenbach et Christophe Béchu, à qui notre commission des lois a, à juste titre, confié l’élaboration d’un rapport d’information sur les multiples dispositifs dont disposent les victimes d’infractions pénales pour obtenir réparation de leur préjudice.

Il me semble nécessaire, en effet, qu’une réflexion soit menée autour de ces procédures d’indemnisation relevant du FGTI, et j’espère que ce rapport abordera cette question.

Trois éléments m’interpellent en particulier.

Premièrement, le ministère des affaires étrangères ne fait toujours pas partie des ministères membres du conseil d’administration du FGTI, alors que nous relevons, depuis le début de ce débat, que la majorité des prises d’otages de nature terroriste dont sont victimes nos compatriotes se déroulent à l’étranger, et ce depuis plusieurs années déjà. C'est la raison pour laquelle le ministère des affaires étrangères me semble avoir toute sa place aux côtés des quatre autres ministères membres de ce conseil d’administration.

Deuxièmement, je veux évoquer les modalités d’évaluation de l’offre d’indemnisation proposée aux victimes par le FGTI, en vertu de l’article L. 422-2 du code des assurances. Certaines victimes ont déploré les montants parfois dérisoires de ces offres.

Troisièmement, cela me paraît particulièrement surprenant lorsque l’on sait que ce fonds est alimenté par une contribution forfaitaire de 3,30 euros, prélevée sur chaque contrat d’assurance de biens et qu’il n’est, dès lors, pas affecté par les contraintes de restriction du budget de l’État. Deux éminents professeurs de droit, Laurent Leveneur et Yvonne Lambert-Faivre, soulignent, d’ailleurs, cette incohérence dans leur précis de droit des assurances.

Je suis donc ravie que ce rapport d’information soit prochainement présenté au Sénat par nos deux collègues, et j’espère, dans l’intérêt des victimes, que certaines de ses recommandations viendront clarifier les modalités d’indemnisation, par le FGTI, des victimes de prises d’otages de nature terroriste, ainsi que le mode de fonctionnement de ce dernier.

Je terminerai mon intervention en formulant une ultime remarque. Comme l’indemnisation des victimes passe par le droit à un procès équitable et un égal accès de tous à la justice, je saisis l’occasion de votre présence, madame la garde des sceaux, pour manifester mon inquiétude quant à la diminution de 10 % du budget de l’aide à l’accès au droit, soit 32 millions d’euros, dans le projet de loi de finances pour 2014, récemment présenté en conseil des ministres.

Je tenais en particulier à saluer votre intention de déposer un amendement, comme vous l’avez annoncé il y a trois jours, afin de revenir sur la refonte envisagée de l’indemnisation de l’aide juridictionnelle. Tout comme vous, madame la garde des sceaux, je pense également que nous avons « raison d’être plus exigeants avec la gauche » !

Après ces deux précisions, je réaffirme, comme vous l’aurez compris, chère Claudine Lepage, que le groupe écologiste votera sans hésitation votre proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nos pensées convergent manifestement, comme l’ont souligné les différents orateurs, vers les personnes qui sont victimes de séquestration, de prise d’otages, quelle qu’en soit la raison – actes terroristes ou actes criminels d’une autre nature.

Nous pensons à ces femmes et à ces hommes, à leurs enfants, à leurs parents, à leurs frères et sœurs, à leurs familles, à tous leurs proches, qui vivent intensément chaque jour dans l’attente – insupportable sur le plan psychologique – de nouvelles, en espérant fortement qu’elles soient bonnes.

Nous pensons à des drames survenus récemment, à Philippe Verdon décédé au Mali, à Yann Desjeux tué à In Amenas, en Algérie. Grâce aux témoignages de celles et ceux qui en ont réchappé, nous savons à quel point il est terrible de vivre une prise d’otages.

Il y a trois semaines, aux Invalides, s’est tenue une cérémonie en hommage aux victimes des actes de terrorisme. Une jeune femme, Muriel Ravey, a témoigné de ce qu’elle avait vécu minute par minute pendant la prise d’otages, des heures qui ont suivi son départ du site et des semaines et des mois suivants, au cours desquels elle a décidé de s’éloigner, compte tenu de la difficulté qu’elle éprouvait à reprendre place dans la société.

Incontestablement, les effets sont dévastateurs sur la personnalité, sur l’intégrité physique et psychologique des personnes qui subissent ces expériences extrêmement douloureuses. Nous leur devons des égards, mais aussi de la solidarité.

Nous leur devons des égards parce que nous savons que c’est par leur force intérieure, par la présence, l’affection et l’empathie de leurs proches, y compris de leurs proches sur le plan professionnel, que ces personnes peuvent reprendre des forces et tenir debout. Mais nous savons aussi que cette blessure intérieure est forcément profonde et lourde à supporter.

Nous pensons aussi à celles et ceux qui attendent, sans nouvelles, et qui sont parfois confrontés à des difficultés matérielles.

Nous essayons d’améliorer le dispositif d’indemnisation des victimes. Madame Lepage, votre proposition de loi est bienvenue, car elle vise à harmoniser le mode d’indemnisation des victimes. La question d’un statut unique pour les otages est toutefois délicate.

En effet, dans notre législation, dans les procédures que nous avons mises en œuvre, dans les décisions de justice qui ont été rendues, le terrorisme est classé comme une catégorie particulière. Sans établir de hiérarchie entre les victimes, sans imaginer qu’il puisse y avoir une échelle de la souffrance, il est certain que le crime terroriste est particulier, même si toutes les prises d’otages sont des actes de guerre perpétrés en temps de paix, quels qu’en soient les motifs.

Néanmoins, nous n’avons pas à faire de différence dans la façon dont sont traitées les victimes de prises d’otages. Ces personnes méritent que notre code pénal reste répressif et que, si nécessaire, nous accentuions cette pression. Nous devons apporter des réponses diligentes, fermes et efficaces au travers du code pénal. Mais les procédures civiles doivent, elles aussi, contribuer à assurer une juste indemnisation des victimes, même si celle-ci ne sera jamais à la hauteur de ce qui serait nécessaire.

Plusieurs intervenants l’ont rappelé, nous avons à notre disposition le FGTI, créé par la loi de 1986 et dont le champ a été élargi en 1990. Vous le précisiez à l’instant, madame Ango Ela, son budget est abondé par une somme forfaitaire prélevée sur tous les contrats d’assurance. En 2012, quelque 57 nouvelles personnes ont sollicité ce fonds en vue d’être indemnisées. Depuis 1986, il a attribué une dotation globale en indemnisations individuelles d’un montant de plus de 93 millions d’euros.

Cette somme montre l’importance de son action, même si elle est bien évidemment dérisoire au regard de la souffrance et des dommages vécus par les victimes. Elle montre également, comme l’ont relevé plusieurs d’entre vous, que ce commerce de la prise d’otages est devenu absolument infernal. Nos compatriotes sont exposés non seulement sur le territoire national, mais également à l’étranger, à devenir des monnaies d’échange. Une prise d’otages, c'est un acte de guerre en temps de paix ! Des personnes sont arrachées à leurs proches, à elles-mêmes et servent d’objets de négociations.

Comme le rappelait M. Marseille, les familles souffrent aussi de la difficulté qu’a le Gouvernement à les informer quant à la situation de leurs proches. Il est toujours extrêmement délicat de rendre publiques, ou simplement de partager, des informations qui peuvent mettre en péril les otages. L’insatisfaction est donc forcément grande.

Par ailleurs, les familles ont le sentiment que les procédures mises en œuvre ne sont pas forcément diligentes et que les informations en provenance de l’autorité judiciaire ne sont pas suffisantes. Pourtant, il existe à la section antiterroriste un magistrat référent pour les victimes d’actes terroristes, et des rencontres régulières sont organisées. Les familles ont néanmoins le sentiment d’un manque de célérité, d’information, de précision.

En outre, lorsque des informations – et elles ne sont pas forcément fiables – sont données par les médias, les familles ont le sentiment que ces derniers sont mieux informés que l’autorité judiciaire, que les journalistes vont plus vite que les magistrats. La plupart du temps, ce sentiment n’est pas fondé, mais on peut comprendre leur douleur et leur empressement à obtenir la moindre bribe d’information – une difficulté qui ne fait qu’accroître la souffrance que vivent ces familles. Les CIVI, qui sont implantées dans chaque tribunal de grande instance, indemnisent les victimes d’infractions pénales.

Je le dis d’emblée, le Gouvernement est favorable à votre proposition de loi, madame Lepage, parce que la démarche qui la sous-tend est incontestablement judicieuse et bénéfique. Toutefois, se pose la question des victimes, qui a d’ailleurs été soulevée par M. Kaltenbach, sur laquelle il nous apportera certainement, dans le rapport d’information qu’il doit rendre avec M. Béchu, des éléments d’analyse et des propositions.

Cette question est à la fois complexe et pressante : elle nous pousse à mettre à plat les dispositifs qui ont été élaborés et modifiés au fil du temps et qui ne répondent pas de façon complète et vraiment satisfaisante aux différentes situations auxquelles nous sommes confrontés.

Pour articuler les actions des différents ministères, puisque – vous le savez – l’État est présent au sein du FGTI par l’intermédiaire de quatre ministères, nous avons, depuis quelque mois, décidé de collaborer au niveau interministériel en amont des réunions de ce fonds.

Je rappelle que le FGTI a été créé dans un cadre juridique destiné à prendre en compte les victimes, grâce – il faut le dire – à l’allant d’un certain nombre d’associations, notamment de SOS Attentats. Cette association, à l’origine de laquelle se trouve Mme Rudetzki, est extrêmement active, mais également très exigeante s’agissant du fonctionnement du FGPI. L’époux de Mme Rudetzki, aujourd'hui décédé, a d'ailleurs participé à la mise en place du fonds et à son fonctionnement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m’avez interrogée et parfois même alertée sur le fonctionnement du FGTI. Ce dernier a fonctionné ; il a répondu à des besoins.

Monsieur Marseille, grâce à l’initiative prise au niveau de l’État, notamment du ministère de la justice, les familles d’otages peuvent désormais voir leur préjudice spécifique reconnu et, ainsi, solliciter une indemnisation. Monsieur le sénateur, je m’engage bien entendu à prendre contact avec l’épouse de M. Dol et à l’accompagner de façon très active dans la recherche d’une activité professionnelle rémunérée. Cela dit, en l’état actuel des dispositions que nous avons fait adopter par le FGTI, celle-ci peut d’ores et déjà prétendre à la reconnaissance de son préjudice spécifique et donc à une indemnisation en tant que membre de la famille d’un otage.

Grâce à la procédure de la saisine directe et la possibilité qui lui est offerte de verser des provisions et des indemnisations, le FGTI apporte un réel service. Dans ces conditions, si nous sommes attentifs et réceptifs à toutes les interpellations concernant le fonctionnement de ce fonds, nous examinerons ces demandes avec prudence, de façon à ne pas fragiliser ce dispositif, qui a montré son efficacité.

Je le répète, les associations de victimes sont extrêmement actives. J’ai parlé de SOS Attentats, mais j’aurais pu citer la FENVAC, la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs, l’Association française des victimes du terrorisme, ou AFTV, Otages du monde… Ces associations font entendre les besoins des victimes, portent haut leur voix et, lorsqu’elles ont l’occasion de le faire, expriment, souvent avec beaucoup d’amertume – on peut le comprendre – leur insatisfaction, leur mécontentement, leur inquiétude, leurs attentes. Nous les écoutons avec la plus grande attention et nous prenons des dispositions pour leur apporter des réponses.

La présente proposition de loi constitue l’une de ces réponses. Elle permet d’engager le travail d’harmonisation qui nous permettra de traiter avec plus de justice les victimes d’attentats et leurs parents. Le Gouvernement la soutient donc avec beaucoup de force. Cependant, comme plusieurs sénatrices et sénateurs l’ont déclaré, y compris Mme Lepage et Mme la rapporteur, il reste du travail à accomplir, et nous devons encore avancer.

Sur la question des victimes en général, M. Kaltenbach et Mme Ango Ela m’ont interpellée sur des points très précis.

Monsieur Kaltenbach, vous m’avez interrogée sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive, que nombre d’entre vous semblent impatients d’examiner, y compris, du reste, ceux qui ne souhaitent ni en débattre ni le voter… (Sourires.)

Monsieur le sénateur, sachez que ce texte fait une place particulière aux victimes. En effet, nous y avons rassemblé des dispositions éparses du code de procédure pénale qui concernent les victimes. En outre, nous avons renforcé les droits de ces dernières, notamment en leur octroyant la possibilité d’alerter le juge et de faire valoir leurs intérêts et leurs droits, y compris pendant la période d’exécution de la peine. Nous en débattrons plus en détail lorsque le texte sera examiné par le Sénat.

Sachez toutefois que nous irons plus loin. Alors que nous devons transposer, avant le mois de novembre 2015, une directive européenne, adoptée à la fin de l’année dernière, qui garantit aux victimes des droits et un accompagnement individualisé, nous mettrons en place ce dispositif, de manière expérimentale, dès janvier 2014.

Mesdames, messieurs les sénateurs, toujours en ce qui concerne les victimes, mais pour aller plus loin, soyez assurés qu’il s’agit, pour le Gouvernement, d’une préoccupation réelle, laquelle s’est traduite par une augmentation de 25,8 % du budget de l’aide aux victimes dès l’année dernière, alors que ces crédits diminuaient depuis plusieurs années. En outre, vous savez que le rapport de Mme Nathalie Nieson est en cours d’expertise au ministère de l’économie et des finances : après avoir examiné leur solidité financière, nous arbitrerons entre les différentes pistes qu’il dessine.

Concernant l’aide juridictionnelle, je confirme que le Gouvernement présentera aux parlementaires un amendement au projet de loi de finances dont l’adoption permettra de supprimer la disposition relative à la modulation des unités de valeur sur l’ensemble du territoire.

Il demeure que la réforme de l’aide juridictionnelle est essentielle pour consolider le dispositif et pour le pérenniser. Pour apporter des réponses, il est nécessaire de dégager des ressources. En effet, si nous ne disposons pas de systèmes efficaces et durables, la logique comptable nous obligera, à un moment ou à un autre, à réécrire les critères d’indemnisation, à plafonner les montants, à chercher par tout moyen les gisements possibles d’économies et, par là même, à faire injure et violence aux victimes.

À l’instar du FGTI ou des commissions d'indemnisation des victimes, les CIVI, l’aide juridictionnelle est une politique de solidarité nationale : c’est le minimum que nous devons à des personnes victimes d’infractions pénales, de crimes terroristes ou autres. Si nous devons leur témoigner sans ambiguïté égards et considération, nous devons aussi faire en sorte que ne s’ajoutent pas à leur souffrance psychologique des difficultés matérielles injustes et des obstacles supplémentaires à surmonter.

Je le répète, c’est très volontiers que le Gouvernement émet un avis favorable à l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à l'indemnisation des personnes victimes de prise d'otages
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

Au dernier alinéa du 2° de l'article 706-3 du code de procédure pénale, après la référence : « 224-1 C, », est insérée la référence : « 224-4, ».

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à l'indemnisation des personnes victimes de prise d'otages
Article 2

Article 1er bis (nouveau)

La présente loi est applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. – (Adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à l'indemnisation des personnes victimes de prise d'otages
Intitulé de la proposition de loi (début)

Article 2

(Supprimé)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à l'indemnisation des personnes victimes de prise d'otages
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Printz, est ainsi libellé :

Compléter cet intitulé par les mots :

crapuleuse ou politique

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Madame la garde des sceaux, monsieur le président, mes chers collègues, vous l’aurez remarqué, aujourd'hui, tout le monde prend en otage tout le monde. L’utilisation actuelle de l’expression « prise d’otages » pose un vrai problème sémantique. Selon la presse, même la RATP peut prendre en otage ! Il faut donc mettre du sens dans tout cela.

Il existe deux types de prise d’otages.

La prise d’otages « crapuleuse » consiste, par exemple, à prendre en otage le guichetier d’une banque et à exiger de l’argent contre sa libération.

Dans le cas de la prise d’otage effectuée par des terroristes, l’otage devient un objet qui sert à exercer une pression au nom de revendications politiques ou politico-religieuses. On peut dire que c’est un otage politique. En effet, l’action de tels preneurs d’otages est bien politique !

Dès lors, il serait bon, pour les victimes comme pour l’ensemble de nos concitoyens, de qualifier ainsi cette action. Comme les qualifications de « crime de guerre » ou de « crime contre l’humanité », la dénomination « otage politique » permettra de nommer les choses justement et de reconnaître la réalité. Les victimes pourront se reconstruire par cette prise de sens. D'ailleurs, Mme la rapporteur dit elle-même que l’essentiel est la reconnaissance du statut de l’otage.

Le débat sur l’indemnisation a le mérite d’exister, mais il faut comprendre que, quand bien même l’otage politique recevrait de l’argent d’un organisme privé, cela ne suffit pas. L’otage politique est détenu pour son identité propre, mais aussi pour son appartenance à une communauté. Il est une parcelle et le symbole de cette communauté, qui est souvent une démocratie. Ce lien très fort est « non dit » aujourd’hui.

Tous les otages politiques sont des victimes. Or, sans qualification spécifique, ce sont des victimes certes indemnisées, mais jamais complètement reconstruites.

Pour terminer, cette qualification de « politique » me semble de nature à aider les otages à ester en justice, notamment auprès de la Cour pénale internationale de La Haye.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Esther Benbassa, rapporteur. Le droit pénal ne connaît pas la distinction entre « prise d’otages crapuleuse » et « prise d’otages politique » : il ne connaît que la distinction entre « prise d’otages commise dans le cadre d’un acte terroriste » et « prise d’otages de droit commun ».

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Printz, les adjectifs qualificatifs que vous proposez d’ajouter à l’intitulé de la proposition de loi – « crapuleuse » et « politique » – ne sont pas des notions juridiques et ne peuvent donc figurer dans un texte de loi. Si nous comprenons l’esprit de votre amendement, nous pensons qu’il n’est pas souhaitable de les introduire dans le texte, dans son intérêt même.

Dès lors, le Gouvernement réaffirme la nécessité de traiter tous les otages de la même façon et sollicite le retrait de votre amendement.

M. le président. Madame Printz, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?