M. Roland Courteau. Pas sûr ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En 2011 : 20 milliards d’euros. En 2012 : 12 milliards d’euros, auxquels l’actuelle majorité a ajouté 8 milliards d’euros en loi de finances rectificative, soit 21 milliards d’euros. Et en 2013 : 20 milliards d’euros.

Si je neutralise l’effet de la lutte contre la fraude fiscale, le budget présenté devant la représentation nationale pour 2014 ne représente que 1 milliard d’euros de prélèvements supplémentaires.

La séquence, annualité budgétaire après annualité budgétaire, c’est donc 20 milliards d’euros de prélèvements en 2011, 21 milliards d’euros en 2012, 20 milliards d’euros en 2013, 1 milliard d’euros en 2014.

Et je prends un engagement devant vous, pour peu que je dépasse la durée moyenne de vie d’un ministre du budget… (Exclamations amusées.)

M. Bruno Sido. On vous le souhaite ! (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je crois plus prudent de me le souhaiter à moi-même, ne comptant pas vraiment sur vous pour me le souhaiter ! (Nouveaux sourires.)

Mme Isabelle Debré. Et pourquoi pas ? Nous savons ce que nous perdrions à vous voir remplacé, mais pas ce que nous y gagnerions !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour 2015, 2016 et 2017, je prends l’engagement d’un équilibrage des budgets du pays exclusivement par des économies en dépenses, sans recours aux prélèvements obligatoires.

Mme Isabelle Debré. La pause fiscale, c’est pour quand ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais la pause fiscale, madame la sénatrice, c’est maintenant ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

Soyons rigoureux et soyons précis : quand il y a 20 milliards d’euros de prélèvements en 2011, 21 milliards d’euros en 2012, 20 milliards d’euros en 2013, puis seulement 1 milliard d’euros en 2014 et plus rien ensuite, comment appelez-vous cela ? Une augmentation du niveau des prélèvements obligatoires ? Bien sûr que non !

Et j’aimerais exprimer un regret. Dans le contexte que connaît notre pays, et sur lequel le Président s’est exprimé au cours des dernières heures avec des mots choisis, comme il le fait d’ailleurs souvent dès lors que la République est en question, user de mots comme « hold-up » ou « escroquerie gouvernementale » – je l’ai entendu à l’Assemblée nationale – quand nous prenons simplement une mesure de simplification et d’harmonisation destinée à stabiliser le paysage pour les épargnants ne me paraît ni sage, ni conforme à la réalité, ni responsable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 87 est présenté par M. Milon, Mmes Boog et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 145 est présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 167 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 297 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 87.

M. Alain Milon. Monsieur le ministre, j’ai apprécié la douce sérénité avec laquelle vous avez présenté votre manière de travailler. J’aimerais néanmoins justifier notre amendement de suppression. (Sourires.)

En revenant sur l’ancienne méthode de calcul, plus avantageuse, puisqu’elle prenait en compte le taux appliqué lors de la constitution du capital, et en taxant la totalité des acquis depuis la souscription au taux actuel de 15,5 %, le nouveau mode de calcul se traduira quand même par une hausse de 600 millions d’euros de prélèvements sur ces produits d’épargne à long terme.

M. Jean Desessard. Tant mieux !

M. Jean-Pierre Caffet. Oui, mais 600 millions contre 6 milliards !

M. Alain Milon. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer l’article 12.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 145.

M. Gérard Roche. L’article 8 nivelle par le haut la taxation des placements de type PEA, PEL ou contrats d’assurance vie. Il abroge le calcul « au taux historique » pour que tous les placements ouverts depuis 1997 fassent l’objet du prélèvement social aujourd’hui maximal de 15,5%.

Monsieur le ministre, vous venez d’indiquer que la hausse de taxation s’appliquerait aux seuls contrats signés à partir de la publication de la loi. Mais nous avions lu qu’elle s’appliquerait de manière rétroactive à partir de 1997.

M. Gérard Roche. Il s’agissait donc d’un dispositif par nature rétroactif, donc totalement inéquitable, posant ainsi un sérieux problème de sécurité juridique et de confiance légitime.

Mme Isabelle Debré. Et voilà !

M. Gérard Roche. Heureusement, après l’adoption de la mesure par l’Assemblée nationale, le Gouvernement a reculé. Finalement, le périmètre serait réduit aux seuls contrats d’assurance vie multisupports.

On peut évidemment se réjouir d’un tel retour en arrière, dont j’espère qu’il est motivé non par des considérations diverses et variées, mais par un souci éthique : on ne change pas la règle du jeu en cours de partie ! Des gens ont signé et placé leurs économies dans des PEL et des PEA en connaissant le taux de taxation qui leur serait appliqué depuis 1997, et on les informe aujourd'hui que ce sera 15,5 % !

Il me semble que votre recul est lié à des problèmes d’éthique. Mais dans ce cas, monsieur le ministre, les règles d’éthique ne se saucissonnant pas, pourquoi maintenir la mesure pour les contrats d’assurance vie multisupports ?

Mme Isabelle Debré. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l'amendement n° 167.

Mme Isabelle Pasquet. Nous souhaitons également la suppression de l’article 8, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons que nos collègues de l’opposition.

L’article 8, qui tend à imposer les contrats d’assurance vie à un taux de prélèvements sociaux de 15,5 %, a fait l’objet d’un important travail de réécriture de la part des députés.

Il faut dire qu’il prévoyait initialement d’appliquer un tel taux à d’autres modes d’épargne particulièrement populaires, c’est-à-dire souscrits par des familles modestes, tel le plan épargne logement.

À la suite des travaux des députés, ne sont plus concernés que les contrats d’assurances vie, sans que nous soyons d’ailleurs certains que les contrats en euros, c’est-à-dire uniquement investis en fonds euros, soient réellement exclus de ce dispositif. Pourtant, ces contrats sont souscrits essentiellement par les salariés, qui refusent une épargne spéculative comme c’est le cas lorsque les contrats sont dits « multisupports », c’est-à-dire qu’ils comportent à la fois un fonds en euros et des unités de compte investies en parts de SICAV en actions ou en obligations.

J’avoue ne pas comprendre la logique qui conduit le Gouvernement à vouloir taxer ces contrats et ces supports tout en écartant les plans d’épargne en actions, qui accueillent toutes sortes de titres : actions, titres de SICAV ou d’OPCVM – organisme de placement collectif en valeurs mobilières.

On voit mal quelle logique pourrait conduire à ce que ces supports soient taxés s’ils sont adossés à une assurance vie et pourquoi ils devraient ne pas l’être s’ils sont adossés à un PEA.

Qui plus est, les contrats d’assurance vie n’abritent pas nécessairement des épargnes importantes. L’instauration d’un seuil d’application aurait été légitime, ou tout du moins la mise en place d’un taux de préplacement progressif ou proportionnel aux sommes contenues dans les contrats.

Par ailleurs, nous l’avons souligné à de multiples reprises, d’autres revenus que ceux dont il est ici question, comme les revenus financiers des entreprises, pourraient être mobilisés utilement et dans la justice, comme nous avons régulièrement proposé de le faire.

Pour toutes ces raisons, il nous semble plus prudent de proposer la suppression de cet article.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Georges Labazée. Non, ce n’est pas terrible ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 297 rectifié.

M. Gilbert Barbier. Beaucoup de choses ont été dites sur cette affaire, qui laisse l’impression d’une certaine cacophonie au sein du Gouvernement !

M. Alain Gournac. Une cacophonie totale !

M. Gilbert Barbier. C’est ce que je conclus de ces allers et retours qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale.

En ce qui nous concerne, c’est seulement hier soir que nous avons pris connaissance de la nouvelle proposition du Gouvernement, qui a déposé un amendement de dernière minute.

Ce sont essentiellement les ménages, parvenus avec beaucoup de difficulté à se constituer une petite épargne, qui seront concernés, alors que, bien entendu, les gros revenus ne seront pas visés. On touche véritablement au cœur de la société française concitoyens. Du reste, ne se rebellent-ils d’ailleurs pas contre cette pression fiscale dispendieuse pour tout le monde ? Aujourd'hui, nul ne sait où nous allons en matière de fiscalité !

Monsieur le ministre, vous avez pris l’engagement formel de ne pas dépasser l’année prochaine le seuil de 1 milliard d’euros de prélèvements supplémentaires. Une preuve de votre volonté de ne pas matraquer fiscalement nos concitoyens serait d’accepter la suppression de l’article 8.

Mme Isabelle Debré. Absolument !

M. Alain Gournac. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les quatre amendements en discussion visent à supprimer l’article 8, qui met fin à l’application du régime des taux historiques applicables à certains produits de placement.

L’explication fournie tout à l’heure par M. le ministre était particulièrement convaincante. Qu’il me soit permis d’apporter quelques précisions.

La remise en cause du régime des taux historiques applicables aux produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu est a priori légitime.

D’une part, ce régime conduit à appliquer, sans raison objective, deux régimes sociaux distincts à des produits financiers de même nature et partageant la même profondeur historique.

Les plus-values imposables au titre de l’impôt sur le revenu sont soumises aux prélèvements sociaux au taux en vigueur au moment de la réalisation de la plus-value, soit 15,5 % aujourd’hui, alors que les produits d’un plan d’épargne en action ou d’une assurance vie bénéficient de l’application des taux historiques.

De même, les produits de primes versées le 1er janvier 1998 sur un contrat d’assurance vie en unités de comptes sont soumis aux prélèvements sociaux aux taux en vigueur lors de leur dénouement ou de leur rachat, alors qu’un même montant versé un an plus tôt sur ce même contrat bénéficie de l’application des taux historiques.

D’autre part, cette méthode de calcul entraîne une grande complexité à chaque nouvelle évolution des prélèvements sociaux, par création ou augmentation de leurs taux, notamment pour le calcul des plus-values ou moins-values intercalaires. Elle se traduit par une lourdeur de gestion pour les établissements financiers, qui doivent conserver l’historique des produits pour chaque contrat et multiplier les lignes dans les déclarations fiscales, et suscite des incompréhensions, voire des réclamations des épargnants auprès de leur établissement gestionnaire.

Compte tenu des inquiétudes exprimées par les épargnants concernés et leurs associations, et des doutes suscités par une mesure touchant uniformément des produits aussi hétérogènes que l’assurance vie, l’épargne logement et l’épargne salariale, le Gouvernement a toutefois annoncé son intention de modifier le dispositif initial.

Il présentera ainsi un amendement destiné à sortir les PEL, les CEL, les PEA et l’épargne salariale du champ de la mesure, ce qui me paraît susceptible d’apaiser les craintes exprimées par certains.

Compte tenu de cette évolution du dispositif, j’émettrai un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 8.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l’article 8.

Madame Pasquet, vous arguez que cet article pourrait affecter les petits contrats d’épargne. Je ne comprends pas la cohérence de votre démarche : n’avez-vous pas, il y a quelques minutes, présenté un amendement visant à augmenter de 5 % les prélèvements sociaux sur tous les produits du capital et sur tous les produits d’épargne ? Nonobstant qu’elle soit en totale contradiction avec le discours que vous venez de tenir, une telle disposition aurait eu un effet beaucoup plus abrasif que la mesure d’harmonisation que le Gouvernement présente ici.

L’augmentation de 5 % des prélèvements sociaux sur l’ensemble des produits d’épargne constituerait un prélèvement massif sur les petits contrats d’épargne que souscrivent les Français les plus modestes. C’est la raison pour laquelle je vous ai demandé tout à l’heure de retirer votre amendement. Votre demande de suppression de l’article 8 est donc totalement contradictoire avec ce que vous avez dit il y a quelques minutes sur un sujet absolument semblable.

M. Alain Gournac. C’est l’union de la gauche ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par souci de cohérence, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement qui est « orthogonal » de celui que vous avez présenté tout à l'heure.

Quant aux sénatrices et sénateurs de l’opposition,…

M. Jean Desessard. Le hold-up !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … je veux encore une fois bien préciser les choses pour que, malgré les clivages légitimes qui existent entre les groupes de la majorité et de l’opposition, nous ayons une approche qui soit la plus apaisée, la plus rigoureuse et la plus honnête possible.

Il ne s’agit pas d’une taxe ni d’un prélèvement supplémentaire sur l’épargne.

Prenez l’exemple très concret d’un produit d’assurance vie qui a donné lieu à des versements antérieurement à 1997 et postérieurement à 1997. Pour les versements antérieurs à 1997, au moment de la sortie du contrat, l’épargnant se verra appliquer la reconstitution des taux historiques année par année. Pour les versements postérieurs à 1997, il se verra appliquer le taux de sortie actuel des prélèvements sociaux, c'est-à-dire 15,5 %. Un certain nombre de professionnels nous indiquent que, pour les épargnants qui bénéficient pour un même contrat d’assurance de dispositifs de sortie aussi complexes, ils ont eux-mêmes du mal à reconstituer le calcul du taux de prélèvement qui leur sera appliqué.

M. Gérard Longuet. C’est la meilleure façon de faire les poches !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agit donc d’une mesure de simplification, d’harmonisation, de stabilisation.

Je rappelle qu’en 2006 un de mes prédécesseurs, qui s’appelle Jean-François Copé, a pris des mesures concernant les prélèvements sur les produits d’épargne. Voilà pourquoi des Françaises et des Français qui bénéficiaient d’une franchise d’impôt à l’entrée d’un certain nombre de produits se sont trouvés massivement fiscalisés de façon rétroactive à la sortie. Le Conseil constitutionnel, qui a eu à se prononcer sur cette décision à l’époque, n’a rien trouvé à y redire en droit, non plus que, sur un plan politique, ceux qui soutenaient cet ancien ministre, lequel joue actuellement un rôle éminent comme leader de l’opposition…

Enfin, madame Debré, sachez que nous opérons une réforme de l’assurance vie extrêmement précise dans son contenu. Elle n’est ni aléatoire ni floue. Elle a été présentée ce matin en conseil des ministres et devant la commission des finances de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un dispositif qui incite ceux qui ont placé leurs fonds en assurance vie à s’orienter vers des placements à risque plutôt que vers des placements garantis.

Pour le faire dans des conditions fiscales qui soient avantageuses, nous mettons en place pour les fonds « euro-croissance » un dispositif dit de « fourgoussage », qui permettra aux épargnants de garder le bénéfice de l’antériorité de leurs placements sur les placements en euros garantis. Pour ceux qui passent de l’euro garanti à l’euro transmission, ils conserveront la totalité de leurs avantages fiscaux dès lors que, au-dessus de 1 million d’euros, ils passeront de l’euro garanti vers les produits à risque.

Cette réforme a fait l’objet d’une concertation approfondie. J’ai reçu ce matin les associations d’épargnants pour la leur présenter et ils l’ont accueillie très favorablement.

Si nous imposons l’assurance vie, et pas les autres produits, c’est précisément parce que nous nous situons dans une approche globale de réforme de l’assurance vie, qui repose sur trois principes très simples : la simplification, d’où découle cette mesure d’harmonisation ; la stabilisation du paysage de l’épargne, d’où découle cette réforme globale de l’assurance vie qui s’inscrit dans la durée ; l’orientation des fonds de l’assurance vie vers le logement et le financement de l’entreprise. Les entreprises ont besoin de fonds propres et nous devons les orienter vers la croissance.

M. le président. Monsieur le ministre, je déduis de vos propos que l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements identiques est défavorable… (Sourires.)

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous nous présentez cette mesure comme étant une mesure de simplification et d’harmonisation pour le Gouvernement et pour les établissements bancaires ou assurantiels.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et pour les épargnants !

Mme Catherine Procaccia. Mais je ne vois pas quel serait l’avantage pour les épargnants, d’autant que, y compris depuis les réformes de Jean-François Copé que vous avez citées, on n’a jamais remis en cause la date de 1997.

Vous créez donc une instabilité alors que les contrats sont souscrits depuis seize ans.

Vous évoquez la nouvelle réforme. Je crois avoir lu que Mme Karine Berger, auteur du rapport sur l’épargne financière, souhaitait que la mesure ne s’inscrive pas dans le cadre d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de finances rectificative, préférant une réforme globale. Par conséquent, vous ne suivez même pas les recommandations de ceux à qui vous avez confié un rapport !

Ainsi, vous proposez une nouvelle réforme de l’assurance vie au moment même où vous remettez en cause des avantages acquis depuis des années et où vous modifiez à peu près le seul système à ne pas avoir été bouleversé par les différentes lois fiscales des précédents gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche.

À mon sens, monsieur le ministre, par cette mesure, vous êtes en train de plomber la future réforme !

M. Jean Desessard. Merci du conseil ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, les Français en ont assez des prélèvements, et tout à l'heure votre analyse selon laquelle les prélèvements avaient été trop importants ces dernières années montrait que vous partagiez ce constat. Vous avez, à titre d’exemple, cité le chiffre de 6 milliards d'euros, qui auraient été prélevés par la majorité précédente.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. René-Paul Savary. Si le diagnostic est bien établi, en revanche, nous ne souscrivons pas au traitement proposé, d’autant que vous avez maintenant pris une part significative à ces hausses de cotisations. Je vous rappelle que le projet de loi « retraites » prévoit une hausse des cotisations de retraite de 6,5 milliards d'euros ; cela fait un partout !

La hausse de la fiscalité sur certains produits de placement, dont nous discutons à cet article 8, ne rapporterait, paraît-il, que 600 millions d'euros, mais il faut aussi tenir compte de la création d’une cotisation déplafonnée pour le régime des indépendants, que l’on abordera à l’article 10, ou encore de l’élargissement de l’assiette des cotisations sociales des non-salariés agricoles, prévu à l’article 9. Quand on connaît – j’ai déjà eu l’occasion d’intervenir sur ce sujet – le ras-le-bol de nos agriculteurs, la faiblesse des retraites dont ils disposent après de nombreuses années de labeur, cet élargissement des cotisations sociales n’est pas un signe positif qu’on leur envoie.

À cela, il faut ajouter la baisse du plafond du quotient familial concernant 1,3 million de ménages pour un gain espéré de 1 milliard d’euros, la fiscalisation des contrats collectifs des complémentaires santé. On le voit bien, on est loin de la pause fiscale annoncée.

Dans une deuxième partie du quinquennat, vous vous engagez maintenant à lever le pied sur ces augmentations, mais il sera trop tard. Nous vous rejoignons dans votre volonté de pause fiscale et nous vous proposons, par la suppression de l’article 8, de joindre les actes à la parole !

M. Alain Gournac. On va vous aider !

M. René-Paul Savary. Et nous allons même plus loin, ce qui est essentiel, car nous sommes là pour faire des propositions constructives, pas nécessairement pour critiquer.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. On ne s’en était pas aperçu !

M. René-Paul Savary. Il est important de donner des signes, de montrer un cap, car les Français sont déboussolés, on le constate tous les jours, malheureusement, au travers d’événements qui sont certes peu acceptables, mais qui se produisent dans un contexte social particulièrement difficile.

Voilà ce qui nous différencie, monsieur le ministre : vous faites des promesses, nous, nous faisons aujourd'hui des actes forts en demandant la suppression de prélèvements supplémentaires ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, en répondant à Mme Isabelle Debré, vous avez voulu donner des leçons qui ne sont pas justifiées de votre part ou plus précisément de la part du Gouvernement auquel vous appartenez. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le besoin de pause fiscale, ce ras-le-bol, ce n’est pas l’opposition qui l’a exprimé avec force en premier, c’est votre patron, M. Moscovici, ministre de l’économie et des finances, autrement dit Bercy même.

M. Gérard Longuet. Et il a rencontré dans le pays un écho largement supérieur aux moyens de diffusion et de polémique que l’opposition, l’UMP en particulier, peut mettre en œuvre.

À l’appel du ministre à une pause fiscale, l’opinion a répondu par un besoin de pause fiscale. Nous sommes les témoins d’une situation conflictuelle, que le ministre de l’économie et des finances a dénoncée, que vos actions expliquent et que l’opinion tranche par un refus de votre politique.

Je ne reviendrai pas sur les mesures que vous proposez dans le projet de budget pour 2014, texte que nous examinerons le moment venu, mais nous aurons l’occasion de démontrer que c’est bien plus d’un milliard d’euros supplémentaires que vous demandez aux ménages.

Vous avez évoqué l’assiette de la taxation des contrats d’épargne de long terme au bénéfice de la sécurité sociale. Nous avons effectivement lancé cette mesure en 2010, comme vous l’avez justement dit, mais elle s’inscrivait dans une politique d’ensemble. Vous n’aviez pas le temps, dans votre réponse à Mme Debré, de rappeler toutes les mesures, notamment structurelles, que nous avons engagées pour améliorer la productivité de l’économie française, pour alléger les dépenses publiques, qui expliquent que, en effet, nous ayons, à ce moment et dans ce contexte particulier, mobiliser les produits d’épargne au service d’une politique de redressement.

Celle-ci a été jugée lors de l’élection présidentielle et des élections législatives, je n’y reviendrai pas. Mais il serait intellectuellement honnête, lorsque vous évoquez un chiffre, de le replacer dans son contexte global, au sein de l’effort de productivité et de redressement des finances publiques que nous avions mis en œuvre.

Je ferai une seconde observation, qui, à mon sens, est la plus importante : le gouvernement actuel est décourageant parce qu’il ne nous donne aucune raison d’espérer dans le succès de la France.

Vous n’allégez pas la dépense publique, contrairement à ce que vous avez annoncé. Vous n’améliorez pas la productivité et vous prenez à partie les entreprises, au motif qu’elles ne se battraient que sur le terrain de la compétitivité par les coûts, alors qu’il faudrait selon vous, et vous avez raison, approfondir la piste de la compétitivité par la qualité, par la valeur ajoutée. Mais pour dégager de la valeur ajoutée, il faut de l’épargne. Or, contrairement à ce que l’on croit, notre pays est insuffisamment producteur d’épargne.

Certes, les statistiques sont apparemment séduisantes, comme notre démographie.

M. Jean Desessard. Elle est quand même bonne !

M. Gérard Longuet. En apparence, notre démographie est bonne. En réalité, le renouvellement des générations, vieillissement mis à part, n’est pas suffisant.

Et en matière d’épargne, si l’on écarte le financement de l’État et celui du logement, le financement n’est pas suffisant pour assurer la modernisation des entreprises, grandes ou petites.

Les plus grandes d’entre elles se finançant sur le marché global, cette situation est moins grave. En revanche, les entreprises petites et moyennes sont confrontées à un véritable défi.

Comment voulez-vous susciter une confiance dans l’épargne par une mesure qui est perçue comme rétroactive ? Certes, elle n’est pas rétroactive au sens du Conseil constitutionnel, puisque seuls les contrats dénoués après l’entrée en vigueur de la disposition en cause seront frappés. Toutefois, vous reconstituez, en quelque sorte, une fiscalité qui n’a pas lieu d’être, vous revenez sur une fiscalité favorable, pour laquelle les épargnants s’étaient engagés. Monsieur le ministre, vous n’empêcherez pas les Français de considérer que les raisons pour lesquelles ils ont épargné à long terme leur sont assez largement retirées.

En réalité, vous portez un mauvais coup aux besoins de financement des entreprises, à leur modernisation. Cette mesure, que les services de Bercy – et Dieu sait si la direction de la législation fiscale a l’imagination fertile ! – vous ont suggérée, comme, je vous rassure, à tous vos prédécesseurs, vous l’avez acceptée, et c’est ce qui vous différencie d’eux. Mais en choisissant le court terme, vous compromettez le redressement nécessaire de notre économie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)