M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Je voterai bien entendu ce projet de loi. J’ai cependant une légère inquiétude. À force de faire voter les Français expatriés dans les pays d’accueil – en particulier ceux qui résident au sein de l’Union européenne –, ne risque-t-on pas de les éloigner des autres scrutins nationaux, y compris pour l’élection de leurs représentants à l’Assemblée des Français de l’étranger ? Je ne sais pas si cette crainte est partagée, mais je crois que nous devrions réfléchir aux moyens de bien expliquer la différence à nos concitoyens expatriés.

Je suis tout à fait favorable à ce projet de loi. Le seul problème qui me préoccupait tenait à ces électeurs qui votent deux fois : une fois dans leur pays d’accueil et une fois en France. Je sais bien que c’est interdit et que l’on devrait pouvoir contrôler le respect de la loi, mais, en pratique, on ne le fait pas toujours. Le résultat, c’est que certains votent deux fois. Cela n’est correct ni vis-à-vis du pays d’accueil ni vis-à-vis de la France.

Je voudrais maintenant répondre à Yves Pozzo di Borgo au sujet de l’envoi de la propagande électorale. Mme la ministre a répondu : l’Assemblée nationale a réintroduit la disposition prévoyant l’envoi par voie postale des documents et des informations relatifs au vote en France.

Mais qu’en est-il pour les Français de l’étranger ? Est-ce que la loi qui s’applique pour la représentation des Français de l’étranger, les conseillers consulaires, s’appliquera aux élections sénatoriales ?

Yves Pozzo di Borgo s’inquiétait de la possibilité de supprimer l’envoi par la poste des documents et des informations relatifs au vote pour les élections européennes. Si j’ai bien compris, pour les élections à l’Assemblée des Français de l’étranger, les documents et les informations relatifs au vote seront envoyés par Internet et non par la poste, du moins pour ceux qui disposent d’une adresse internet. Pour les élections européennes, je ne sais pas où l’on en est.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. La disposition prévoyant l’envoi des documents a été rétablie.

M. Robert del Picchia. J’ai une solution pour répondre aux interrogations d’Yves Pozzo di Borgo. J’ai déposé une proposition de loi tendant à autoriser le vote par Internet aux Français établis hors de France pour l’élection des représentants au Parlement européen, qui sera examinée en séance publique le 12 décembre. Chers collègues, je vous invite à participer à ce débat.

M. Robert del Picchia. Vous pourrez entendre tous les arguments en faveur de cette proposition de loi. Vous pourrez voter contre si vous le souhaitez, mais ce serait encore mieux que vous votiez pour ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je voudrais en fait apporter une correction sémantique. Si j’ai fait une remarque au sujet de la présence au banc du Gouvernement de la ministre chargée des Français de l'étranger, c’est parce que je considère que les Français qui résident dans un État membre de l’Union européenne ne vivent pas à l’étranger. (Marques d’approbation sur de nombreuses travées.) Je me félicite de l’action des Français de l’étranger : ce sont nos missionnaires, ils nous permettent de développer notre pays.

Je voulais seulement dire que, à mes yeux, quand un Français vit en Europe, il ne vit pas à l’étranger, car il est citoyen de l’Union européenne. Mon intervention n’était absolument pas dirigée contre les Français de l’étranger, chers collègues. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Je voudrais réagir aux propos de Robert del Picchia. Ce qu’il a dit dans la première partie de son intervention est exact : les Français résidant hors de France installés dans un État membre de l’Union européenne sont à l’avant-garde de la citoyenneté européenne, puisqu’ils la font vivre. Je crois que, contrairement à ce qui a pu être dit, ils s’honorent de participer aux élections dans leur pays de résidence. J’ai évoqué leur action tout à l'heure ; nous y tenons beaucoup, parce qu’elle participe à la construction de la citoyenneté européenne, comme l’a souligné Jean-Michel Baylet.

La citoyenneté européenne ne s’oppose pas à l’appartenance à une communauté nationale : elle en est le prolongement. Il faut développer cette citoyenneté ; c’est l’un des objectifs de ce projet de loi.

J’en viens à la seconde partie de l’intervention de Robert del Picchia. Il s’agit d’une vraie interrogation ; j’ai d'ailleurs abordé cette question lors de la discussion générale. Je suis d'accord : il existe un risque de double vote. Cette pratique de la double inscription est prohibée. La loi du 7 juillet 1977 la punit d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 15 000 euros.

La difficulté tient aux modalités de vérification des listes électorales, qui varient selon les pays. En France, les listes électorales sont vérifiées après le 31 décembre, ce qui permet de s’assurer qu’il n’existe pas de double inscription, mais, dans certains pays – je l’ai moi-même constaté –, on peut s’inscrire sur les listes électorales jusqu’à trente jours avant l’élection. Les autorités n’ont alors pas le temps de vérifier les listes électorales.

Aux termes de la loi de 2011, les Français résidant hors de France installés dans un État membre de l’Union européenne ont deux possibilités d’exprimer leur choix. Ils doivent absolument être conscients qu’ils ne peuvent en utiliser qu’une seule, sous peine d’encourir les sanctions que je viens d’indiquer. Quand un Français est inscrit sur les listes électorales de son pays de résidence, il ne devrait pas pouvoir voter en France. Cependant, je ne suis pas sûr que le ministère de l’intérieur ait les outils pour s’assurer que cette règle est respectée.

En tout cas, la loi est précise et claire : on n’a pas le droit de profiter d’une inscription double pour voter plus d’une fois.

M. Robert del Picchia. Le seul outil qui permette de vérifier, c’est l’INSEE, et les Français de l’étranger n’ont pas de numéro INSEE !

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi transposant la directive 2013/1/UE du Conseil du 20 décembre 2012 modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l'exercice du droit d'éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l'Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants
Article 8 (fin)

Article 8

(Sans modification)

Au premier alinéa de l’article 26 de la même loi, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « , dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … transposant la directive 2013/1/UE du Conseil, du 20 décembre 2012, modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l’exercice du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants, ». – (Adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.

Article 8 (début)
Dossier législatif : projet de loi transposant la directive 2013/1/UE du Conseil du 20 décembre 2012 modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l'exercice du droit d'éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l'Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants
 

8

Retrait d'une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question n° 577 de Mme Maryvonne Blondin est retirée du rôle, à la demande de son auteur, ainsi que de l’ordre du jour du 17 décembre 2013.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente, pour le débat sur la sécurité sociale des étudiants.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

9

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de trois organismes extraparlementaires.

La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx pour siéger au sein du conseil d’administration du Fonds pour le développement de l’intermodalité dans les transports et celle de M. Jean Arthuis pour siéger au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

Par ailleurs, la commission des lois a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Patrick Courtois pour siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

10

Demandes d'avis sur deux projets de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Jean-Louis Nadal aux fonctions de président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Cette demande d’avis a été envoyée à la commission des lois.

M. le président du Sénat a également demandé à la commission des lois de lui faire connaître, pour l’application de l’article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, son avis sur le projet de nomination de M. Alain Delcamp comme membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Acte est donné de ces communications.

11

Débat sur la sécurité sociale des étudiants

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la sécurité sociale des étudiants, organisé à la demande du groupe UMP.

La parole est à Mme Catherine Procaccia, au nom du groupe UMP.

Mme Catherine Procaccia, au nom du groupe UMP. Monsieur le président, madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, mes chers collègues, voilà un an, Ronan Kerdraon et moi-même rendions le rapport qui nous avait été demandé par la commission des affaires sociales du Sénat sur la sécurité sociale et la santé des étudiants. Ce rapport a fait grand bruit dans la presse : il était en une du journal Le Monde à la période de Noël 2012 et un reportage dans le journal télévisé de France 2 lui a été consacré. Les journalistes, qui eux aussi ont des enfants, ont été consternés par les dysfonctionnements du système.

Ce travail nous a également valu le privilège de recevoir de nombreux mails très personnalisés décrivant des situations parfois dramatiques, par exemple une entente préalable restée sans réponse au bout d’un an pour un appareillage orthopédique indispensable…

M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !

Mme Catherine Procaccia. … ou des cartes Vitale non délivrées six mois après l’inscription. Cependant, nous n’avons pas eu l’occasion de présenter officiellement nos conclusions aux deux ministres concernées, c’est-à-dire à vous, madame Fioraso, ainsi qu’à Mme Touraine.

Heureusement, plusieurs études le prouvent, les étudiants sont une population en bonne santé, malgré ce qu’affirment certaines mutuelles. Reste que ceux qui le sont moins pâtissent depuis de trop nombreuses années d’un système défaillant. La Cour des comptes, dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, va encore plus loin dans les critiques et préconise des pistes d’amélioration, dont certaines vont dans le sens de notre rapport. Je me félicite donc que ce thème d’actualité ait été inscrit à l’ordre du jour, même si, comme la plupart d’entre vous, j’aurais aimé en être avertie un peu plus d’une semaine à l’avance…

Quoi qu’il en soit, madame la ministre, ce débat vous donnera l’occasion de nous apporter des réponses et vous permettra de rassurer étudiants et parents, qui se demandent pendant combien d’années encore les gouvernements vont laisser perdurer de telles situations. Je dis bien les gouvernements, car j’inclus dans ce constat celui d’aujourd’hui et les précédents, voire les prochains, quelle que soit leur orientation politique. Sachez que j’ai comptabilisé le nombre de questions posées par les députés et les sénateurs sur les dysfonctionnements des mutuelles. J’en ai recensé 217 au Sénat et 260 à l’Assemblée nationale en cinq ans. Impressionnant ! Pour les seuls députés, depuis un an, 98 questions ont été posées sur le sujet. À ce rythme, on ne pourra reprocher aux services des ministères concernés de faire des copier-coller pour répondre aux questions des parlementaires s’ils veulent continuer à travailler.

Il est temps que le système de sécurité sociale des étudiants soit toiletté et adapté. En 1947-1948, lorsque fut créé le régime d’assurance maladie délégué, les étudiants étaient peu nombreux et leurs études moins longues ; la carte Vitale et l’informatique n’existaient pas, non plus que la formation en alternance. Si depuis soixante ans le monde étudiant a changé, le système, lui, a peu évolué, mais il a connu des soubresauts mouvementés.

L’UNEF, l’Union nationale des étudiants de France, a créé en 1948 la MNEF, la Mutuelle nationale des étudiants de France, compétente sur l’ensemble du territoire, sauf en Lorraine où existait déjà une mutuelle. La MNEF a détenu le monopole assurantiel jusqu’à ce que soient autorisées les mutuelles à vocation régionale en 1972. Une dizaine d’années après, la Cour des comptes dénoncera le fonctionnement de cette mutuelle. Cette retentissante histoire financière donnera naissance en 2000 à LMDE, La Mutuelle des étudiants, sans doute avec l’espoir de mieux commencer le XXIe siècle…

Certaines mutuelles régionales n’ont pas non plus été épargnées par les scandales, qui ont aussi conduit à des changements de noms. Depuis lors, un contrôle est exercé par l’Autorité des marchés financiers et par l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles.

Aujourd’hui, et c’est une particularité en France, les étudiants ont donc le choix, pour leur régime de base, entre deux organismes offrant des prestations strictement identiques : La Mutuelle des étudiants, avec ses 920 000 affiliés, ou l’une des dix mutuelles régionales, avec leurs 850 000 affiliés. Les prestations perçues sont comparables à celles du régime général, lequel verse aux mutuelles, en sus de ces prestations, des remises de gestion destinées à compenser les coûts.

Chacune des mutuelles est indépendante, même si des accords de partenariat ont pu être noués, comme entre LMDE et la Mutuelle générale de l’éducation nationale, la MGEN. Les mutuelles régionales forment, quant à elles, le réseau emeVia, qui est une structure de coordination et de représentation.

Au fur et à mesure des décennies, le régime étudiant, censé permettre une première « appropriation » de la sécurité sociale par les jeunes, est passé de compliqué à abracadabrantesque ! Il serait pourtant aisé de le simplifier. Songez que, selon la profession des parents, l’inscription est obligatoire à dix-huit ans, à vingt ans, à vingt et un ans, voire facultative, comme pour les enfants des cheminots, qui demeurent rattachés à leurs parents jusqu’à vingt-huit ans.

Il conviendrait également de s’attaquer à ces allers et retours permanents entre les régimes : les jeunes quittent le régime des parents pour intégrer la sécurité sociale étudiante ; s’ils poursuivent une activité salariée ou font une année en alternance, ce qui est de plus en plus préconisé par votre ministère, madame Fioraso, ils rejoignent le régime général, puis retournent dans le système étudiant pour quelques mois avant d’intégrer définitivement le régime général au moment de leur première activité salariée.

Toujours dans un but de simplification, il serait souhaitable de modifier l’appellation de ces organismes. Le code de la sécurité sociale leur attribue le qualificatif de « mutuelle », mais les deux réseaux commercialisent également des contrats de complémentaire santé. Cette double casquette est source de confusion, bon nombre de jeunes croyant être assurés par une complémentaire maladie. C’est pourquoi, dans notre rapport, nous préconisons de dissiper cette ambiguïté trompeuse et de réserver le terme « mutuelle » à leur seule activité d’assureur. S’agissant de cette dernière, nous nous contentons de demander une labellisation de contrats vraiment adaptés aux étudiants, sujet auquel devrait être sensible le Gouvernement, particulièrement Mme Touraine, qui tente d’imposer une clause de recommandation pour les salariés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La Cour des comptes va plus loin : elle affirme que « l’adhésion au régime complémentaire étudiant est […] financièrement peu intéressante », la plupart des étudiants bénéficiant, grâce à la complémentaire de leurs parents, d’une tarification familiale plus avantageuse. Si seulement 26 % des étudiants effectuent cette démarche, ce n’est donc pas uniquement une question de pouvoir d’achat, comme le soutient LMDE, mais une question de qualité de prestations et surtout de double emploi, sans compter que la Cour des comptes estime que les remises de gestion financent en partie les coûts liés à la complémentaire ; le coût analytique de gestion du régime obligatoire pourrait donc baisser de 15 % par la seule adoption d’une hypothèse neutre de répartition. Dans ces conditions, est-il légitime que l’assurance maladie obligatoire finance la complémentaire santé ?

Notre rapport évoque trois évolutions possibles pour la sécurité sociale étudiante.

La première, qui est sage, envisage une gestion partagée avec le régime général. Cette solution serait pratique, mais peu ambitieuse : en répartissant les rôles, on préserve l’existence des mutuelles, et donc la paix syndicale, mais on leur reconnaît aussi une capacité limitée. En outre, LMDE est déjà adossée à la MGEN.

La deuxième piste, si elle est rationnelle sur le plan de la gestion, a montré ses limites dans le passé : le retour à un organisme unique. Cette solution mettrait fin à une concurrence coûteuse, mais elle supposerait un organisme capable de gérer efficacement 2 millions d’étudiants. Est-ce envisageable ? Si la plupart des mutuelles régionales fonctionnent plutôt efficacement, c’est parce qu’elles sont de petite taille et assurent un contact de proximité. La plus grosse, la SMEREP, la Société mutualiste des étudiants de la région parisienne, elle, n’est pas un modèle d’efficacité. Quant à LMDE, malgré les déclarations annuelles récurrentes depuis six ans de ses présidents successifs, l’amélioration annoncée n’est toujours pas au rendez-vous. Elle est encore et toujours en cours…

J’ai bien conscience que certains veulent utiliser notre rapport pour confier à LMDE l’ensemble du régime délégué et qu’une interview de mon collègue Kerdraon tend à alimenter cette hypothèse. Avec un an de recul, je ne crois pas que ce soit la solution. Je suis même maintenant persuadée du contraire. Quel serait l’intérêt de fusionner une mutuelle qui fonctionne mal avec d’autres, plus petites, qui fonctionnent mieux ? En soixante ans, aucune mutuelle n’a su s’adapter à une population croissante d’étudiants. Et ce n’est pas en doublant la capacité de la moins efficace que cette faculté d’adaptation s’améliorera !

Certes, les avis de la Cour des comptes sont très rarement suivis. Je pense notamment à la gestion des comptes des comités d’entreprise, autre dossier dans lequel je me suis beaucoup engagée. Toutefois, le fait d’aller totalement à l’inverse de leurs préconisations serait très mal venu. Sans compter que l’enquête du journal Le Monde a fait resurgir le fantôme du scandale de la MNEF, encore bien présent dans les esprits, et fera douter d’autres que moi de l’opportunité de cette solution.

Bref, une telle issue, logique sur le papier, me paraît aujourd'hui impossible. En effet, qu’il y ait une ou onze mutuelles, l’existence même d’un régime étudiant séparé nécessite d’affilier plusieurs centaines de milliers de personnes chaque année.

La troisième hypothèse que nous préconisons est celle qui serait la plus simple pour tous les Français : supprimer le régime délégué et maintenir l’étudiant affilié au régime dont il dépendait mineur, et ce jusqu’à ce qu’il travaille. Cela aurait le mérite de réduire non seulement les coûts de gestion, mais aussi la lourdeur et la lenteur des mutations inter-régimes. Quoi de plus simple, puisque les systèmes informatiques existent ? Rien n’empêche que le jeune ait son propre compte et ses identifiants !

À y regarder de plus près, serait-ce vraiment une révolution ? En effet, 35 % à 40 % des étudiants ont moins de vingt ans et demeurent ayants droit du régime de leurs parents ; près de 6 % d’entre eux sont rattachés au régime général de la sécurité sociale par leur activité salariée ; enfin, les enfants de cheminots continuent à relever du régime de la SNCF jusqu’à vingt-huit ans.

La France est l’unique pays à avoir mis en place un tel régime spécifique, qui revêt une ambiguïté certaine : seuls ceux qui poursuivent des études ont le droit, ou la malchance, d’en dépendre. Ni les apprentis ni les autres jeunes ne sont concernés ! Étrange pays qui assure à sa jeunesse une protection sociale différente selon le type de formation…

La Cour des comptes avance, quant à elle, une quatrième piste que je qualifierai non pas de normande, pour ne pas vexer le président Dupont,…

M. le président. Merci, chère collègue. (Sourires.)

Mme Catherine Procaccia. … mais de mi-chèvre mi-chou. Elle propose de laisser aux étudiants le choix entre l’affiliation à la sécurité sociale étudiante ou le maintien du rattachement au régime de leurs parents. Selon la Cour des comptes, cela inciterait les mutuelles à « réorienter leurs efforts vers la recherche d’adhérents et la qualité du service rendu au meilleur coût ». Cette solution est présentée comme une étape transitoire, avant la remise en cause du régime délégué. Je pense cependant qu’elle déstabiliserait les mutuelles, qui ne pourraient ni prévoir le nombre d’affiliés ni adapter leurs services.

J’espère, madame la ministre, que vous nous direz à laquelle de ces quatre pistes de réflexion va votre préférence et celle du Gouvernement. Mais, surtout, ne nous dites pas que toutes les décisions seront reportées à la future grande loi de santé publique ! Vous n’êtes pas Mme Touraine… (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Notez en outre que les améliorations techniques proposées dans notre rapport ne relèvent pas de la loi, mais, pour la plupart, de décrets ou circulaires.

Vous le savez, madame la ministre, j’avais déposé de multiples amendements, issus des conclusions de notre rapport, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, que vous nous avez présenté. J’avais même réussi à vous faire accepter deux de ces dispositions : le suivi vaccinal des étudiants par les SUMPPSS, les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé, et le renforcement du programme régional pour l’accès à la prévention et aux soins des étudiants les plus démunis, prévu dans le cadre des conventions signées entre les ARS et les SUMPPSS.

Quant à l’idée de favoriser l’accès à la CMU, la couverture maladie universelle, aux étudiants en situation de précarité, une disposition en ce sens a été intégrée au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Depuis un an, nous avons ainsi obtenu, cher Ronan Kerdraon, trois avancées.

M. Ronan Kerdraon. Tout à fait, ma chère collègue !

Mme Catherine Procaccia. En revanche, le couperet de l’article 40 de la Constitution est tombé s’agissant d’un amendement visant à faire débuter le régime social des étudiants dès la reprise des cours, soit en septembre, et non plus en octobre. N’estimez-vous pas aberrant, madame la ministre, que les étudiants commencent leur année en septembre et ne puissent être assurés qu’un mois après ? Pourtant, cela fait une dizaine d’années que la rentrée a été avancée ! Je vous réclame seulement ce simple arrêté de bon sens, qui irait dans l’intérêt de tous.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Tout à fait !

Mme Catherine Procaccia. Une autre amélioration, elle aussi importante, relève de votre ministère : l’obligation, pour les universités et les écoles, de transmettre aux régimes étudiants les inscriptions par voie informatique. Cela éviterait des erreurs. Il en est de même de l’uniformisation des modalités de recueil des informations. Je n’ose croire qu’une telle disposition puisse porter atteinte à l’autonomie des universités et des grandes écoles.

Le point suivant relève du ministère des affaires sociales, mais vous devriez réussir à convaincre votre collègue en la matière. Il s’agit d’autoriser le lancement d’opérations de mutations inter-régimes dès réception des informations des établissements de l’enseignement supérieur. Actuellement, les mutuelles doivent encore attendre le fameux 1er octobre, alors que la plupart des étudiants s’inscrivent au mois de juillet.

Les démarches d’affiliation inter-régimes sont l’un des facteurs de lenteur. Il est anormal que le régime général n’autorise pas la transmission électronique de certaines informations, en particulier du nom du médecin traitant. D’après les mutuelles, cela retarde la transmission du dossier et allonge inutilement les délais d’obtention de la carte Vitale, l’étudiant devant de nouveau remplir ce document. À propos précisément de la carte Vitale – parions d’ailleurs que je ne serai pas la seule ce soir à aborder cette question –,…

M. Ronan Kerdraon. Je confirme !

Mme Catherine Procaccia. … puisque la ministre de la santé a décidé d’étendre le tiers payant, il devient encore plus inacceptable qu’une grande partie des étudiants l’attende parfois pendant six mois. De tels délais relèvent également de la lourdeur des mutations inter-régimes, déjà évoquée, mais aussi des méthodes de travail des mutuelles.

La Cour des comptes constate que les demandes de La Mutuelle des étudiants sont bien plus rejetées que celles de la SMEREP, qui ne fonctionne déjà pas très bien, ce qui signifie que les dossiers transmis sont mal remplis. Or une procédure est prévue lorsque l’étudiant n’a pas reçu sa carte : les mutuelles sont autorisées à demander la création d’une nouvelle carte en janvier. Pourquoi les mutuelles régionales le font-elles, alors que LMDE attend six mois pour déclencher cette procédure, quasiment à la fin de la scolarité ? Je vous propose donc de créer un droit opposable à la carte Vitale au bout de deux mois et d’intégrer dans la convention d’objectifs et de moyens, en tant que critère de qualité, le nombre de cartes envoyées.

Autre indicateur de qualité : le taux de réponse ou de non-réponse aux assurés. La quasi-totalité des mails que nous avions reçus concernaient LMDE et nous alertaient sur les non-remboursements et, surtout, l’absence de réponses.

La Cour des comptes, dont j’ai lu intégralement le rapport, confirme notre analyse. Il y a une chance sur quatorze de joindre un conseiller par téléphone. La situation ne s’améliore pas puisque les appels sont de plus en plus nombreux et les points d’accueil sont débordés. Il n’est répondu ni aux mails ni aux courriers, sauf à ceux émanant des enfants des adhérents de la MGEN, qui seraient traités prioritairement. Certes, il est concevable que la MGEN, qui a injecté des moyens financiers non négligeables et qui oriente les enfants des fonctionnaires vers LMDE, fasse pression, mais ces pratiques sont en contradiction, me semble-t-il, avec les principes d’égalité devant le service public.