M. le président. L’amendement n° 13 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 20 ?

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Je souhaite rappeler les raisons pour lesquelles la commission s’est penchée sur la question du démarchage en matière juridique.

Le débat sur cette question importante a en effet été refermé aussi vite qu’il avait été ouvert, alors qu’il revenait légitimement aux commissions des lois des deux assemblées d’en connaître.

Un point fait consensus : il était nécessaire de revenir sur l’interdiction totale de démarchage en matière juridique, la Commission européenne ayant sommé la France, après un arrêt récent de la Cour de justice de l’Union européenne, d’y mettre un terme pour les avocats.

Finalement, le débat se limite à quelques questions. La première est concrète : est-il légitime qu’un expert-comptable qui démarche un client pour lui proposer de mettre en place des procédures conformes aux exigences comptables internationales encoure un an de prison s’il mentionne à cette occasion qu’il pourra aussi rédiger la partie des statuts de la société relative à ces plans comptables, alors même qu’il est autorisé par la loi à rédiger de tels documents juridiques ?

De la même manière, est-il légitime qu’un expert foncier ou un administrateur de biens qui démarche un client pour assurer la mise en vente d’un terrain encoure la même peine s’il mentionne qu’il est autorisé par la loi à rédiger la promesse de vente ?

L’effet de la réglementation adoptée dans le projet de loi relatif à la consommation est en effet de conférer aux seuls avocats un monopole en matière de démarchage juridique, en l’interdisant à tous les autres professionnels du droit, qui tiennent pourtant de la loi l’autorisation de donner des consultations ou de rédiger des actes juridiques.

Des arguments solides peuvent justifier le monopole ou l’invalider.

Ainsi, il est acquis que, contrairement à beaucoup d’autres professionnels du droit, les avocats sont tenus par une déontologie protectrice des intérêts des consommateurs de droit. En outre, leur compétence est garantie et ils présentent l’avantage d’exercer le droit à titre principal, alors que la plupart des autres professions, réglementées ou non, l’exercent seulement à titre accessoire.

En revanche, on peut objecter, d’une part, que d’autres professions sont réglementées et soumises à une déontologie exigeante – par exemple les experts-comptables, les experts fonciers ou les géomètres –, d’autre part, que certaines professions peuvent aussi exercer le droit à titre principal. Tel est notamment le cas des professeurs de droit. Cette inégalité de traitement est-elle conforme à nos principes constitutionnels ainsi qu’aux exigences communautaires en matière de libre prestation de services ?

La deuxième question qui se pose est de savoir s’il n’est pas préférable de fixer dans la loi, plutôt que dans un décret, les conditions dans lesquelles le démarchage ou la sollicitation personnalisée peut s’effectuer. Pourquoi ne pas directement faire référence dans la loi aux principes essentiels de la profession ou à l’interdiction que le démarchage soit effectué par une voie autre qu’écrite ?

Enfin, la dernière question est de savoir s’il est légitime que le niveau de répression du démarchage abusif par les avocats soit abaissé. Actuellement, les avocats en infraction avec cette législation sont passibles d’une sanction pénale et d’une sanction disciplinaire. Demain, seule la sanction disciplinaire s’appliquera à eux, alors que toutes les autres professions seront justiciables d’un an d’emprisonnement.

Les avocats s’inquiètent donc que le monopole qui leur a été reconnu puisse être remis en cause. La place qu’occupe cette profession dans la pratique du droit et la protection du justiciable mérite qu’on entende ces inquiétudes. Celles-ci s’expriment d’ailleurs à travers les deux amendements identiques déposés par nos collègues sur cet article.

Il est sans doute regrettable que le Gouvernement n’ait à aucun moment consulté également, sur ce sujet, les autres professionnels du droit, ce qui aurait pu nous donner des indications.

L’essentiel, me semble-t-il, est que le débat soit ouvert. L’amendement du Gouvernement, qui vise à le refermer, me paraît donc devoir être rejeté.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 40 ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si le Gouvernement propose de supprimer les alinéas 6 à 14 de l’article 11, c’est parce que la commission va très au-delà de la directive Services, qui ne s’applique qu’aux avocats.

Je rappelle que la France a été condamnée parce que son droit n’était pas conforme à cette directive. C’est pourquoi mon collègue Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, dans son projet de loi relatif à la consommation, a veillé à transcrire cette directive dans le droit français.

La commission souhaite étendre son champ à d’autres professions. Soit, mais j’attire votre attention sur les risques auxquels nous nous exposerions le cas échéant. S’il existe des professions réglementées, c’est parce que celles-ci exercent des missions d’intérêt public. Ces professions sont constamment mises en cause au niveau européen, mais c’est oublier que, pour ne citer qu’eux, les huissiers, les notaires, les commissaires-priseurs judiciaires pour la part de leur activité qui relève d’un service public, en tant qu’officiers ministériels, ont des obligations de service public.

Par conséquent, cette extension de la faculté de démarchage, telle que la propose la commission, nous paraît de nature à fragiliser ces professions que nous défendons en tant que telles. Pourquoi les défendons-nous ? Non pour défendre telle ou telle corporation, mais pour permettre à l’ensemble de nos concitoyens d’avoir accès à un huissier, à un notaire, à un commissaire-priseur judiciaire pour leurs activités relevant d’un service public, avec les obligations qui y sont liées.

Nous tenons à ce maillage territorial, qui assure la pleine citoyenneté de tous les Français résidant sur le territoire national. Nous sommes très vigilants à cet égard. C’est d’ailleurs la Chancellerie qui autorise l’ouverture ou la fermeture des études.

L’extension à cette catégorie de professions est, à mon avis, porteuse de risques, alors que nous bataillons constamment pour que le statut d’officier ministériel ne soit pas remis en cause, ce qui aurait pour conséquence de jeter dans une concurrence générale, internationale, les études françaises. De toute façon, elle va très au-delà des obligations imposées par la directive Services.

C’est pourquoi j’attire votre attention sur ce point en insistant sur l’utilité de l’amendement du Gouvernement qui tend à la suppression de ces alinéas.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote sur l’amendement n° 20.

M. Jean-Jacques Hyest. Vous avez raison, on peut regretter que cette question ait été traitée dans le projet de loi relatif à la consommation. Néanmoins, madame le garde des sceaux, vous avez bien indiqué que la directive concernait les avocats.

Vous le savez, je ne suis personnellement pas favorable à ce que le démarchage soit autorisé pour les avocats. Nous nous y sommes opposés un temps, mais la directive Services nous l’impose dorénavant.

Je comprends M. le rapporteur lorsqu’il avance l’argument selon lequel certaines professions qui exercent le droit à titre accessoire peuvent être autorisées à donner des consultations juridiques à titre accessoire. Cependant, en toute honnêteté, même si je vais décevoir mes collègues de la commission des lois – cela m’arrive parfois –, je pense qu’il est préférable de se cantonner aux avocats et ne pas rouvrir un débat.

Pour avoir participé à pratiquement toutes les discussions législatives sur les professions du chiffre et du droit, j’ai le sentiment que cette disposition risquerait de relancer un débat qui n’a pas lieu d’être. Qu’on donne simplement aux avocats la possibilité de démarcher ! Comme j’étais d’accord avec l’amendement déposé par M. Pillet, mais pas avec le sous-amendement, ce qui fait que je ne peux plus soutenir l’ensemble du dispositif, je préfère m’en tenir à la position du Gouvernement qui évitera la réouverture du débat que j’évoquais.

Certes, il faut que l’on fasse quelque chose tout de suite. Vous avez choisi de le faire au travers du projet de loi relatif à la consommation, tant pis ! Mais ne revenons pas dessus au risque de créer des difficultés inutiles.

Pour ma part, je considère qu’un expert-comptable peut faire de la publicité, si ses règles déontologiques le permettent, mais pas en ce qui concerne ses activités juridiques. Il en va de même pour les experts-géomètres ou les experts fonciers. En revanche, si on leur permet de faire du démarchage sous prétexte qu’ils font du droit de manière accessoire, on va créer des confusions. (M. René Garrec opine.) Je préfère donc m’en tenir à ce qui permet aux avocats, dans des conditions précises, d’adresser des sollicitations...

M. René Garrec. … écrites.

M. Jean-Jacques Hyest. À cet égard, je tiens à dire que je préférais cette rédaction au terme « démarchage ».

M. René Garrec. C’est plus élégant !

M. Jean-Jacques Hyest. L’amendement émanant du rapporteur, je ne sais pas si on peut reprendre l’expression.

En tout état de cause, pour ne pas risquer de compliquer la situation en étendant ce droit à d’autres professions, je préfère voter l’amendement n° 20 du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Je précise, pour vous rassurer, monsieur Hyest, que l’expression « sollicitation », qui est effectivement préférable au terme « démarchage », est reprise dans le texte définitif que je propose, à savoir l’amendement n° 40, lequel est constitué par l’amendement de M. Pillet auquel j’ai ajouté le volet pénal pour les avocats qui feraient du démarchage abusif. Il devrait donc vous satisfaire.

M. le président. L’expression « sollicitation personnalisée » est bien reprise dans le texte de l’amendement n° 40.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. C’est simplement l’alinéa 11, lequel posait problème, qui est supprimé.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je précise que, dans le décret d’application de la disposition introduite dans le projet de loi relatif à la consommation, qui est en cours de concertation et qui sera soumis au Conseil d’État, nous avons bien prévu d’inscrire « sollicitation personnalisée ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 40 et 33 n'ont plus d'objet.

Toutefois, pour la clarté des débats, je rappelle que l’amendement n° 33, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission, était ainsi libellé :

Après l'alinéa 14

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

4° L'article 81 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa du I, après la référence : « articles 2, » est insérée la référence : « 10-1, » ;

b) Au deuxième alinéa du II, après les références : « articles 1er (III), 2, » est insérée la référence : « 10-1, ».

Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Article 11
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
Article 13

Article 12

(Non modifié)

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour fusionner la commission d’inscription et de discipline des administrateurs judiciaires et la commission d’inscription et de discipline des mandataires judiciaires, prévues respectivement aux articles L. 811–2 et L. 812–2 du code de commerce. – (Adopté.)

Article 12
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
Articles additionnels après l'article 13

Article 13

(Non modifié)

I. – L’article 104 de la loi n° 2004–809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et les articles 4, 5 et 6 de la loi n° 2009–1291 du 26 octobre 2009 relative aux transferts aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers sont abrogés.

II. - Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour fusionner la commission compétente pour l’attribution de la qualité d’officier de police judiciaire aux militaires de la gendarmerie nationale et la commission compétente pour l’attribution de la qualité d’officier de police judiciaire du corps d’encadrement et d’application de la police nationale, prévues respectivement aux 2° et 4° de l’article 16 du code de procédure pénale. – (Adopté.)

Article 13
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
Article 14

Articles additionnels après l'article 13

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Godefroy, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 80 du code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « les vingt-quatre heures » sont remplacés par les mots : « le plus bref délai » ;

3° Le dernier alinéa est supprimé.

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 3, présenté par M. Godefroy, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 84 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 84. – En cas de décès dans un établissement pénitentiaire, le directeur en donne avis dans le plus bref délai à l’officier de l’état civil qui rédige l’acte de décès. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 4, présenté par Mme Lipietz, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’avant-dernier alinéa de l’article 19 de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les délais ou les voies de recours n’ont pas été notifiés au destinataire d’une décision individuelle, la formation d’un recours contentieux irrecevable ou porté devant une juridiction incompétente proroge le délai de recours devant les juridictions administratives jusqu’à la notification des délais et voies de recours exacts par l’autorité administrative ou par la juridiction. »

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Cet amendement vise à compléter la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000, laquelle avait pour objet d’imposer aux administrations l’obligation d’indiquer dans toutes les décisions qu’elles notifiaient aux administrés les voies et les délais de recours dont ils disposaient pour les contester. Pendant plusieurs années, et notamment dans un arrêt de 2002, le Conseil d’État a considéré que, lorsque tel n’était pas le cas, l’administré avait la possibilité de déposer un recours hors délai ou de changer de juridiction s’il s’était trompé.

Dans une décision en date du 11 décembre 2013, le Conseil d’État a opéré un revirement de jurisprudence. À l’origine de cette décision, se trouve la mésaventure arrivée à un justiciable qui n’avait pas accompagné d’un timbre fiscal son recours, lequel a donc été déclaré irrecevable. Il a attendu pour le redéposer avec un timbre fiscal que soit expiré le délai de deux mois, car la décision administrative qui lui faisait grief ne précisait pas qu’il n’avait que deux mois pour l’attaquer.

Aussi, je ne m’explique pas pourquoi le Conseil d’État, dans un considérant de principe, a expliqué qu’à partir du moment où l’administré n’avait pas attaqué la décision une seconde fois dans le délai de deux mois à compter de la date d’enregistrement du premier recours, il était forclos et ne pouvait plus rien faire.

Il est important de constater que nous sommes en présence d’un arrêt de principe qui n’évoque nullement les timbres fiscaux, qui, de toute façon, n’existent plus. Si tel n’était pas le cas, il ne serait pas publié au recueil Lebon. Si le Conseil d’État a choisi de le faire, c’est bien qu’il considère cette décision comme fondamentale.

Mon amendement a donc pour objet de faire contrepoids à cet arrêt en rappelant que, si l’administration n’a pas notifié noir sur blanc les voies et les délais de recours, ces derniers courent à compter du moment où le requérant a bien saisi la bonne juridiction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Cet amendement vise à inverser un revirement récent de jurisprudence du Conseil d’État sur la possibilité de maintenir ouverts les délais de recours contre une décision dont la notification faite au requérant n’a pas indiqué les délais ou les voies de recours. Depuis 2002, la Haute Juridiction estimait que même si l’intéressé avait exercé un premier recours, rejeté, il pouvait engager un second recours sans être tenu par aucun délai.

Un arrêt de 2013 vient de remettre partiellement en cause cette jurisprudence en jugeant tardif un second recours intervenu plus de deux mois après le précédent.

Le revirement étant récent, on n’en connaît pas encore bien la portée. En effet, habituellement, cette jurisprudence s’appliquait à des cas pour lesquels le justiciable avait saisi en premier lieu une juridiction incompétente. Le temps que celle-ci déclare son incompétence, il aurait été à craindre que le justiciable ne soit forclos si on lui opposait le délai habituel de deux mois à compter du recours devant son premier juge.

Or, dans le cas précité, le justiciable avait saisi la bonne juridiction, mais il n’avait pas satisfait au droit de timbre de trente-cinq euros, ce qui avait conduit au rejet de sa requête. La seconde requête qu’il avait déposée a alors été rejetée, car jugée tardive. Dans ce cas très précis, il n’est pas forcément abusif de considérer qu’en saisissant le bon juge l’administré avait prouvé qu’il avait conscience de son droit au recours et qu’il avait exercé celui-ci dans le bon délai. La théorie de la connaissance acquise pouvait jouer par exception.

Le revirement de jurisprudence a-t-il une portée générale ou concerne-t-il ce cas d’espèce ? Il semble donc préférable de solliciter sur ce point l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Selon le Gouvernement, il s’agit effectivement d’un cas d’espèce.

J’entends bien la préoccupation exprimée par Mme Lipietz de permettre à un justiciable de bénéficier d’un recours. Néanmoins, je rappelle qu’il s’agit en l’occurrence du deuxième recours. Or il y a un moment où le droit doit trancher. Il faudrait peut-être revoir ensemble cette décision du Conseil d’État, mais, pour nous, il ne s’agit pas d’un revirement de jurisprudence, ou du moins ce n’est pas ainsi que nous l’avons lue. Il s’agirait plutôt d’une précision.

Je sais à quel point il peut être douloureux de se trouver débouté. Les décisions de justice, par nature, provoquent souvent plus de mécontentement que de satisfaction : d’une manière générale, une décision de justice a pour objet de trancher un litige, elle fait donc au moins un mécontent, mais, la plupart du temps, il y en a deux !

La raison d’être du droit est de donner la meilleure solution possible à un litige, c’est pourquoi des procédures d’appel et de cassation existent. Cependant, il faut admettre, à un moment donné, qu’une décision définitive intervienne, contre laquelle il n’existe pas de recours.

Je comprends votre préoccupation, madame la sénatrice. Dans un premier mouvement, on peut être tenté d’admettre que, dans les petits litiges notamment, les justiciables puissent répéter le même recours. Il me semble cependant qu’il faut distinguer entre les problèmes posés par la méconnaissance des délais de recours et ceux qui touchent au fond des litiges. L’insatisfaction provoquée par un jugement rendu sur le fond ne peut justifier qu’un requérant saisisse à plusieurs reprises la justice de la même question.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.

Mme Hélène Lipietz. Mon amendement ne vise pas à permettre des recours répétitifs. Selon la loi du 12 avril 2000, on ne peut pas opposer à un requérant sa méconnaissance des délais de recours si l’administration ne les lui a pas préalablement notifiés. Si les délais sont notifiés, il n’y a pas de problème : le justiciable dispose d’un délai de deux mois pour intenter son recours.

Dans le cas qui nous intéresse, le Conseil d’État n’a pas rendu une décision d’espèce, mais bien une décision de principe, puisqu’elle sera publiée au recueil Lebon.

Selon cet arrêt, il importe peu que l’administration n’ait pas correctement informé le requérant, contrairement à la volonté expresse du législateur. À l’avenir, les requérants qui se tromperont de juridiction et verront leur requête rejetée – on ne leur opposera plus le défaut de timbre fiscal, puisque cette obligation a été supprimée – ne pourront plus présenter de recours devant la bonne juridiction. En effet, ils seront forclos, puisque le délai de recours administratif de deux mois courra à compter de la date du dépôt du premier recours infructueux.

Pour conclure, je vous demande de lire attentivement les deux passages que j’ai soulignés dans l’objet de mon amendement. Tout y est dit. J’ajoute que je ne vous ai pas exposé une interprétation personnelle de cet arrêt, car vous la trouverez également sous la plume des auteurs de L’actualité juridique-Droit administratif et de La semaine juridique.

Franchement, je ne souhaiterais pas qu’un requérant qui aurait saisi à tort le conseil des prud’hommes ne puisse plus saisir ensuite le tribunal administratif parce que nous n’aurons pas suffisamment précisé notre pensée aujourd’hui !

M. le président. La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.

M. René Garrec. Je ne comprends rien à ces explications…

M. Jean-Jacques Hyest. Même un conseiller d’État n’y comprend rien !

M. René Garrec. Si un recours est intenté, il est évident que son auteur était informé de la décision de l’administration. Il peut ne pas avoir été suffisamment informé des délais de recours, mais c’est une autre question. À mon avis, cette décision du Conseil d’État apporte une clarification favorable aux requérants.

Je ne suis absolument pas d’accord avec vous, ma chère collègue, mais je ne suis pas avocat… et cela se voit ! Quoi qu’il en soit, je pense que le Conseil d’État a raison.

M. Jean-Jacques Hyest. Le Conseil d’État a toujours raison, par définition !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 13
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
Article additionnel après l’article 14

Article 14

(Supprimé)

Article 14
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
Article 15

Article additionnel après l’article 14

M. le président. L’amendement n° 19, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après les mots : « doivent faire l’objet d’une signalétique », la fin du deuxième alinéa de l’article 32 de la loi n° 98–468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs est ainsi rédigée : « destinée à en limiter la mise à disposition à certaines catégories de mineurs, en fonction de leur âge. Lorsque le document contient un logiciel de loisir au sens du II de l’article 220 terdecies du code général des impôts, chaque unité de son conditionnement doit faire l’objet d’une signalétique précisant le risque contenu dans le document. Les caractéristiques de la signalétique apposée sur les documents visés au premier alinéa sont homologuées par l’autorité administrative par décision implicite d’acceptation. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement concerne la signalétique apposée sur les jeux vidéo – que je pratique assez peu – et sur les DVD – je ne sais pas non plus sur quel bouton appuyer,…

Mme Esther Benbassa. C’est dommage !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … mais le sujet est sérieux, puisqu’il s’agit de la protection des mineurs.

L’amendement du Gouvernement vise donc un double objectif : mettre en place un régime de décision implicite d’acceptation et distinguer la signalétique selon les supports.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Cet amendement vise, d’une part, à modifier les conditions de la signalétique, en distinguant notamment la signalétique appliquée aux DVD et Blu-ray et celle qui est appliquée aux jeux vidéo. Il tend, d’autre part, à instaurer le principe de la décision implicite d’acceptation de l’autorité administrative pour l’homologation des caractéristiques de la signalétique apposée sur les documents concernés.

Le caractère nouveau des dispositions présentées par le Gouvernement et le dépôt tardif de cet amendement n’ont pas permis à la commission des lois d’expertiser les mesures proposées et de juger de leur éventuel bien-fondé.

Par ailleurs, il me semble que l’instauration du principe de la décision implicite d’acceptation pour l’homologation des caractéristiques de la signalétique pourrait relever du champ d’application de l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, tel que modifié par la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens : ce dernier dispose en effet que la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d’acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable au nom de la commission des lois.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(L’amendement n’est pas adopté.)

TITRE VIII

DISPOSITIONS FINALES

Article additionnel après l’article 14
Dossier législatif : projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
Article 16 (début)

Article 15

Le II de l’article 2 est applicable en Polynésie française et à Wallis et Futuna. L’article 8 est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis et Futuna.

M. le président. L’amendement n° 38, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission, est ainsi libellé :

1° Première phrase

Remplacer les mots :

de l’article

par les mots :

des articles 1er et

2° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

L’article 7 est applicable aux îles Wallis et Futuna.

3° Remplacer les mots (deux occurrences) :

à Wallis et Futuna

par les mots :

aux îles Wallis et Futuna

La parole est à M. le rapporteur.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.