compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Odette Herviaux,

Mme Catherine Procaccia.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi tendant à harmoniser les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 24 janvier 2014.

3

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la consommation
Discussion générale (suite)

Consommation

Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la consommation
Organisation de la discussion (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la consommation (projet n° 244, texte de la commission n° 283, rapport n° 282, avis n° 300).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, cher Daniel Raoul, messieurs les rapporteurs, cher Alain Fauconnier, cher Martial Bourquin, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit de la quatrième discussion générale au Parlement sur ce projet de loi relatif à la consommation. Si l’on tient compte des travaux en commission, ce texte a donc été déjà longuement débattu. Il a été parfois critiqué, mais aussi, souvent, amélioré et enrichi.

Je veux aujourd’hui parler de l’essentiel, c’est-à-dire de la façon dont ce texte va faciliter le quotidien de nos compatriotes, des familles françaises, qu’elles résident en bord de mer ou à la montagne, en ville ou à la campagne. Or nous poursuivons tous, au service de la République, l’objectif d’améliorer la vie quotidienne des Français. Je voudrais montrer de quelle manière cette loi sur la consommation, une fois votée, va y contribuer, ne serait-ce qu’en supprimant tous ces petits « péages » du quotidien qui, tous les jours, leur empoisonnent un peu la vie.

Il n’est pas question de statistiques dans ce texte : celui-ci a avant tout vocation à introduire des changements tout à fait concrets, palpables, tangibles. J’en donnerai une première illustration.

Le début d’année coïncide souvent, pour beaucoup de familles françaises, avec la réception de factures et de bon nombre de lettres les appelant à renouveler des contrats d’assurance ou des contrats bancaires. Or un des grands acquis de ce texte – nous en avons beaucoup parlé en première lecture – est d’instaurer une possibilité de résiliation infra-annuelle, à la date de son choix, de ce type de contrat, passé la première année de souscription.

Cette mesure, plébiscitée par huit Français sur dix, a pour objet de fluidifier le marché des assurances obligatoires. La concurrence nouvelle qui en découlera devrait permettre d’enclencher une baisse des prix des assurances, qui représentent, dans leur ensemble, tous contrats confondus, près de 5 % des dépenses des ménages.

Nous voulons inciter les compagnies d’assurance, dans les domaines de l’assurance multirisque habitation et de l’assurance automobile, à baisser leurs tarifs. Un certain nombre d’entre elles ont déjà commencé à le faire, avant même que la loi ne soit mise en œuvre, en annonçant une stabilisation de leurs prix, voire une baisse des primes d’environ 5 % pour leurs clients.

Je me réjouis de cette anticipation, qui va à l’encontre du mouvement constaté ces quinze dernières années d’une augmentation du prix de l’assurance multirisques habitation et de l’assurance automobile deux fois plus rapide que le rythme de l’inflation.

Cette possibilité de résiliation infra-annuelle se traduira donc par un gain immédiat de pouvoir d’achat pour les Français.

Toujours en matière d’assurance, il arrivait souvent que nous soyons garantis contre le même risque par plusieurs contrats. Nous avons mis fin à cette multiplication des contrats, et c’est encore un progrès important permis par ce projet de loi.

Beaucoup de Français, quand ils s’adressent directement à vous, au ministre que je suis, à mon administration ou à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ou DGCCRF, se plaignent de l’opacité de leurs relations avec leurs assureurs. Ce n’est pas toujours justifié : ce peut être lié à une méconnaissance de la loi ou au fait qu’il n’existe qu’une fenêtre annuelle de renouvellement des contrats. Reste que, s’ils parlent d’opacité, c’est qu’ils veulent y voir plus clair non seulement sur le renouvellement de leurs contrats d’assurance, mais aussi sur les raisons pour lesquelles ils doivent acquitter des frais bancaires.

Cela m’amène à évoquer un autre acquis très important de ce texte : la mise en œuvre, grâce aux parlementaires, de la gratuité de toutes les opérations de transfert désignées par le consommateur quand il change de banque. Désormais, le consommateur indiquera quelles opérations il souhaite voir transférées d’une banque à une autre, sans que cela lui soit facturé. Cette gratuité du transfert permettra de fluidifier le marché bancaire.

Nous avons abondamment discuté, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, de la question de la portabilité du numéro de compte. Je tiens d’ailleurs à saluer la contribution importante de Laurent Grandguillaume, député de Côte-d’Or, dont un amendement a permis d’ouvrir le débat. Nous disposerons d’un rapport sur cette question dans le courant de l’année.

Nous réfléchissons à la possibilité technique – ou à l’impossibilité – de changer de banque pour obtenir de meilleures prestations sans pour autant changer de numéro de compte courant ou d’épargne. Nous verrons s’il est envisageable de transposer au domaine bancaire ce que nous avons réussi à faire dans la téléphonie, c’est-à-dire permettre au consommateur de faire jouer davantage la concurrence et ainsi, au final, de gagner en pouvoir d’achat.

Quoi qu’il en soit, je me réjouis de l’introduction éventuelle de plus de concurrence dans ce secteur-là, car nombre de nos compatriotes ont le sentiment, à juste titre ou non – ce n’est pas à moi d’en juger –, d’être un peu captifs de leur banque ou de leur compagnie d’assurance. Si ces entreprises font beaucoup d’efforts pour conférer la plus grande transparence à leurs offres, le sentiment que j’évoquais est bien réel. C’est aussi pour y répondre que nous nous efforçons d’améliorer fluidité du marché.

Le monde de l’assurance et celui de la banque se rejoignent au moment de souscrire une assurance emprunteur. Combien de nos compatriotes, quand ils négocient un prêt immobilier, se contentent de faire entrer dans le champ de la négociation le montant du capital qu’ils souhaitent emprunter et le taux d’intérêt, en oubliant l’assurance emprunteur ! Il s’agit pourtant d’un élément important du coût du crédit. En effet, cette assurance emprunteur, qui permet de faire face à des situations parfois très pénibles – décès d’un conjoint, invalidité, perte d’emploi… –, peut représenter jusqu’à un tiers du montant total du crédit.

C’est la raison pour laquelle nous allons faire en sorte que le taux de cette assurance baisse de 0,1 % à 0,2 %, ce qui apparaît comme une hypothèse très raisonnable. Pour modeste que cette baisse puisse sembler, elle représente tout de même un gain de 12 000 euros pour un prêt de 300 000 euros sur vingt ans. Cela signifiera donc 12 000 euros de pouvoir d’achat en plus sur cette période, ce qui n’est pas rien.

Concrètement, nous allons faire bénéficier l’emprunteur d’une fenêtre de substitution d’un an de son assurance. C’est cette fenêtre qui permettra de faire baisser les taux et, donc, de dégager du pouvoir d’achat pour les Français.

Je me réjouis que les parlementaires aient souhaité, avec le Gouvernement, aller plus loin que la fenêtre de trois mois préconisée par le rapport de l’inspection générale des finances. En effet, dans les trois mois qui suivent la signature d’un prêt, on est encore dans les opérations de déménagement et d’emménagement, avec les travaux qui vont souvent de pair. Le moment n’est peut-être pas le plus opportun pour comparer les prix des différentes compagnies d’assurance.

La fenêtre de substitution d’un an permettra de faire jouer la concurrence et, par là même, d’atteindre l’objectif que je crois partagé sur les travées de cette assemblée : faire baisser les prix. Consacrer un tiers du coût du crédit à l’assurance emprunteur, c’est trop ; les Français nous demandent cette baisse.

J’en viens à un autre exemple d’effet favorable qu’aura cette loi sur le pouvoir d’achat des Français, en tout cas de tous ceux qui souffrent d’un handicap visuel. Aujourd’hui, 40 millions de Français portent des lunettes à verres correcteurs. Sur ce total, 18 millions de presbytes renouvellent leurs lunettes tous les trois ans, en moyenne ; tous les cinq ans pour les autres.

Or le coût moyen d’une paire de lunettes en France est de 470 euros, c’est-à-dire deux fois plus qu’en Allemagne ! Nous sommes le pays d’Europe où les lunettes coûtent le plus cher. Pourtant, que je sache, nos voisins allemands ne bénéficient pas d’une correction visuelle inférieure à la nôtre…

Je tiens à saluer le rôle qu’a joué à cet égard le rapporteur Alain Fauconnier, qui a été l’un des premiers à souligner la nécessité de faire baisser les prix des lunettes, qu’on les achète sur internet ou chez un opticien, à la ville comme à la campagne.

Nous avons ainsi organisé et réglementé le marché sur internet : la mention de la mesure de l’écart pupillaire sur l’ordonnance permettra au consommateur d’acheter sur internet des lunettes correspondant véritablement à son handicap visuel. Nous attendons de cette mesure une baisse de 20 % à 30 % du prix des lunettes, soit 1,3 milliard d’euros de pouvoir d’achat potentiellement restitué aux Français ! Peu d’articles de loi ont de telles conséquences sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes !

Si je me réjouis de cette mesure, elle ne doit pas nous empêcher de réfléchir à l’organisation du parcours de soins. Nous l’avons préservé et nous avons essayé de l’améliorer. Toutefois, à la lumière de certains commentaires, nous pourrions éventuellement envisager qu’un certain nombre d’actes techniques réalisés aujourd’hui par les ophtalmologistes soient délégués, le cas échéant, aux opticiens.

Cela permettait déjà de soulager les ophtalmologistes d’une charge importante : aujourd'hui, en France, il faut en effet attendre 120 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous. Dans certaines régions, il est très difficile d’avoir accès à un ophtalmologiste. Nous devons nous efforcer de réduire ce délai.

L’instauration d’une telle délégation d’actes relève bien évidemment de la compétence de la ministre de la santé, et nous n’en discuterons pas dans le cadre de ce projet de loi. Je voulais simplement souligner qu’une mesure de cet ordre permettrait d’améliorer le parcours de soins.

Nous avons aussi contribué à l’ouverture du marché – de manière très contrôlée et réglementée, bien sûr - de certains dispositifs de santé. Je songe aux tests de grossesse ou aux produits d’entretien des lentilles de contact. Ce texte autorise la distribution de ces produits en dehors des pharmacies.

L’UFC-Que choisir et la DGCCRF avaient estimé le sur-prix dû à la situation actuelle de 30 % à 40 % pour ces dispositifs de santé. Cela dit, l’objectif de cette mesure n’est pas tant d’améliorer le pouvoir d’achat des Français que de leur faciliter la vie, notamment celle des jeunes femmes qui désirent faire un test de grossesse tout en préservant leur anonymat. Le professionnalisme des pharmaciens n’est évidemment pas en cause, mais, pour ces femmes, souvent jeunes, qui craignent que leur situation ne soit connue, il est plus difficile d’acheter un test dans une pharmacie que dans une grande surface.

Cette mesure aura donc bien un effet sur le pouvoir d’achat, mais il n’est pas premier.

En revanche, la suppression des frais que demandaient les auto-écoles pour restitution ou transfert de dossier de permis de conduire fera économiser aux Français une somme de 50 à 250 euros. Ces frais seront désormais proscrits.

Je rappelle qu’il faut débourser 1 400 euros en moyenne pour passer le permis de conduire en France, soit le revenu fiscal moyen par foyer dans ma circonscription, en Île-de-France. Ce coût peut apparaître comme prohibitif, surtout lorsqu’on sait que le permis de conduire est souvent obligatoire pour trouver ou simplement pour garder un emploi.

En Île-de-France – vous me pardonnerez d’évoquer ma région –, si les trajets de la banlieue vers Paris sont aisés, car ils peuvent généralement se faire en transports en commun, les personnes qui, habitant en banlieue, doivent aller travailler dans une autre banlieue, même assez peu éloignée, n’ont parfois d’autre choix que d’utiliser une voiture, ce qui exige évidemment d’avoir le permis de conduire. (M. Claude Dilain acquiesce.). Je vois que certains d’entre vous savent de quoi je parle.

Le permis de conduire est cher, trop cher ; au-delà de la disposition adoptée dans le présent projet de loi, il faudra donc réfléchir à d’autres mesures susceptibles d’en faire baisser le prix.

Toujours au sujet du pouvoir d’achat, vous avez supprimé, mesdames, messieurs les sénateurs, les frais pour refus de prélèvement concernant les services essentiels comme l’eau, l’énergie, les télécommunications. Certaines personnes, souvent vulnérables, peuvent voir un prélèvement rejeté en raison d’une difficulté financière. Jusqu’alors, ce rejet entraînait des frais, prélevés par leur banque, mais aussi par les opérateurs : ils pouvaient aller jusqu’à 18 euros pour EDF, par exemple. Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à la suppression de ces frais – mesure de bon sens –, c’en sera terminé !

Les personnes vulnérables sont également les plus exposées au surendettement. Nous avons essayé de faire en sorte que, désormais, elles ne soient pas seules responsables quand elles contractent le crédit de trop. Il peut arriver, en effet, que les établissements bancaires ou de crédit n’aient pas vérifié leur solvabilité réelle, se contentant d’une déclaration de bonne foi, largement insuffisante.

Heureusement, en matière de crédit à la consommation, les ménages français sont moins endettés que les ménages d’autres pays européens ou que les ménages américains. En outre, les crédits nouveaux ne concourent qu’à 5 % de la consommation des ménages, et 30 % seulement des ménages français recourent à l’endettement pour consommer.

Il ne faut évidemment pas perdre de vue que le crédit à la consommation est un instrument pour soutenir la demande, et donc la croissance. Par conséquent, il n’était pas question pour nous de remettre en cause son rôle dans cette loi. Nous avons cherché à concilier deux impératifs de manière équilibrée : soutenir la demande et éviter que les ménages les plus vulnérables ne souscrivent le fameux crédit de trop.

Nous l’avons fait, notamment, en créant le registre national des crédits aux particuliers. En cela, le présent projet de loi introduit une modification considérable dans le quotidien des Français puisque les distributeurs de crédits pourront désormais vérifier la solvabilité du consommateur, ou plus exactement sa capacité à rembourser son crédit. C’est une manière de responsabiliser aussi le prêteur, et non pas seulement l’emprunteur.

Voilà une autre mesure de bon sens, qui contribuera incontestablement à abaisser le niveau financier des dossiers de surendettement – ce fut, d’ailleurs, le grand mérite du registre national des crédits aux particuliers lorsque celui-ci a été introduit en Belgique. Il est évidemment plus facile de faire sortir un ménage du surendettement quand l’encours de sa dette est de 15 000 à 20 000 euros que quand il atteint 35 000 ou 40 000 euros, ce qui correspond actuellement au niveau moyen des dossiers de surendettement en France.

Ce dispositif est évidemment complémentaire de la mise en place de « points conseil budget », qui, grâce aux signaux d’alerte émis par les établissements bancaires, contribuent à prévenir la tragique spirale du surendettement dans laquelle s’engagent certaines familles dès lors qu’elles souscrivent le crédit de trop : elles ne savent plus comment rembourser leurs crédits, au point de se retrouver prises en charge par la Banque de France et soumises à un plan de désendettement.

Le bon équilibre trouvé au Sénat en matière d’encadrement du crédit à la consommation a été globalement respecté à l’Assemblée nationale, même si les députés ont cherché à l’amender. Le présent projet de loi contient donc des dispositions tendant à la réduction de la durée des plans de désendettement des ménages de huit à sept ans, en incluant la période de moratoire, à la suspension des crédits renouvelables au terme d’un an d’inactivité, à l’encadrement renforcé de l’offre alternative entre un crédit renouvelable et un crédit amortissable pour un achat égal ou supérieur à 1 000 euros, ainsi qu’à la suppression des hypothèques rechargeables.

Telles sont les mesures qui ont été introduites ici, sur l’initiative du groupe socialiste, mais aussi du groupe UDI-UC, en particulier de Mme Dini et de Mme Létard, ainsi que de M. César, du groupe UMP, dont les positions sur la création du registre national des crédits aux particuliers et les réflexions sur la mise en place d’un dispositif global nous ont aidés à trouver un équilibre entre le soutien au crédit à la consommation et la lutte contre le « mal-endettement » ou le surendettement. La contribution du Sénat sur ce point a donc été tout à fait décisive.

Traiter de consommation, c’est aussi se préoccuper des alternatives au « prêt-à-jeter ». L’idée tend en effet à se développer selon laquelle jeter un bien à la poubelle n’a pas d’incidence sur notre vie collective, ni sur la santé de notre planète.

Nous avons agi pour promouvoir des modèles de consommation durable ; je m’en réjouis. Nous le devons en particulier à la contribution du groupe écologiste, notamment de Joël Labbé, dont je tiens à saluer le rôle. Il convient toutefois de souligner que les préoccupations environnementales ne sont pas, heureusement, le monopole de ce groupe.

M. Joël Labbé. Tout à fait !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Que ces sujets aient largement infusé dans la scène politique française est d’ailleurs un des grands acquis de ces dix dernières années, et nous le devons notamment aux parlementaires écologistes.

À mes yeux, deux mesures de ce projet de loi incarnent la volonté de « consommer durable ».

Premièrement, le Gouvernement a décidé de porter de six à vingt-quatre mois la garantie légale de conformité, suivant un engagement pris lors de la Conférence environnementale. Cette décision est importante : elle tend à promouvoir une alternative au « prêt-à-jeter » et à faire de l’acheteur un consommateur éclairé, préoccupé de la durée de vie du bien qu’il acquiert, notamment en matière d’électroménager. Par là même, nous apportons un début de réponse politique à la question de l’obsolescence programmée, en nous inspirant de l’exemple donné par certains partenaires européens, qui avaient déjà emprunté ce chemin.

Deuxièmement, le présent projet de loi tend à promouvoir la transparence en améliorant l’information des consommateurs sur la « réparabilité » de leurs biens. Le mot n’est certes pas très beau, mais cela signifie que les fournisseurs devront désormais préciser si les pièces détachées de leurs produits sont disponibles, ce qui permettra au consommateur de faire réparer la bouilloire ou le fer à repasser qu’il a achetés plutôt que de les remplacer par un produit neuf, souvent fabriqué très loin du territoire national. Ce seront autant d’emplois créés en France ! Une filière locale de la réparation va ainsi pouvoir se constituer, qui prendra sa place à côté de celle la distribution de produits électroménagers.

Deux autres mesures vont dans le sens d’une amélioration de la qualité des biens de consommation.

Je pense, d’abord, à la création des indications géographiques pour les produits manufacturés. Avec Sylvia Pinel, nous avons voulu que les spécificités locales d’un produit soient enfin reconnues, grâce, notamment, à la dénomination de l’indication géographique, qui l’associera au territoire dans lequel il est fabriqué : couteaux de Laguiole, porcelaine de Limoges, tissus du Pays basque, faïence de Quimper…

Lorsque nous avons lancé cette idée, nous avons reçu plus de quatre-vingts demandes d’obtention d’une indication géographique. Cette mesure correspond donc bien à un vœu des producteurs locaux, qui souhaitent voir l’origine et la qualité de leurs produits clairement identifiées. Elle contribuera à justifier des prix parfois un peu plus élevés et à renseigner plus clairement le consommateur, qui fera son choix à l’aide d’une information loyale.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de voir étendue aux produits manufacturés l’indication géographique initialement réservée au domaine de l’alimentaire et des produits agricoles.

Je pense, ensuite, à la mention obligatoire ou facultative du « fait maison » dans la restauration. Il me semble légitime que le client d’un restaurant sache ce qu’il a dans son assiette : le plat qu’il a commandé a-t-il été préparé dans la petite cuisine du restaurant, ou bien dans une grande cuisine industrielle ?

Ce n’est pas parce qu’un plat est préparé ailleurs et seulement réchauffé dans la cuisine qu’il est mauvais ; loin de nous cette idée ! Simplement, le consommateur a le droit de savoir s’il a été fait à partir de produits bruts, dans la cuisine de l’établissement où il se trouve, ou ailleurs. Cette information, qui figurera désormais sur les cartes des restaurants, me semble aller dans le sens d’une meilleure information des consommateurs.

Grâce au travail de Sylvia Pinel et des parlementaires, nous avons pu avancer sur ce point. Je m’en félicite d’autant plus que, vous le savez, des millions de touristes du monde entier visitent la France non seulement pour ses paysages, mais aussi pour ses restaurants.

Par ailleurs, on le sait, pour figurer sur les linéaires d’un magasin, les différents produits – qu’il s’agisse d’une barquette de hachis Parmentier, de fruits, de légumes, d’un soda ou d’un bien électroménager – ont fait l’objet de négociations entre l’enseigne de distribution et les producteurs.

Tout au long de la préparation et de l’examen de ce texte, j’ai essayé de me tenir à l’abri de deux lobbies : celui des industriels comme celui de la grande distribution. Alors que nous entamons la deuxième lecture de ce texte, ni les uns ni les autres ne sont tout à fait contents, ce qui doit nous donner à penser que nous sommes sur la bonne voie ! (Sourires.) Nous, nous voulons servir l’intérêt du consommateur, et son intérêt n’est pas nécessairement de profiter, chaque fois, du prix le plus bas. En effet, la course vers le prix le plus bas peut se faire au détriment de la qualité.

Je pense notamment à l’alimentation, où cette course peut entraîner des risques sanitaires. Certains fabricants, voyant leurs marges se réduire, peuvent décider d’arbitrer au détriment de la qualité. Ce fut le cas emblématique du scandale de la viande de cheval, au début de l’année 2013. Pour les raisons que je viens d’évoquer, certains producteurs ont été tentés de tricher : ils ont réalisé un bénéfice indu en introduisant de la viande de cheval en lieu et place de viande de bœuf, mais en faisant payer le prix de cette dernière.

Nous avons donc voulu créer les conditions d’une négociation plus équilibrée entre les producteurs et la grande distribution, et ce de deux façons.

Tout d’abord, nous avons introduit plus de transparence dans les négociations. De la sorte, la DGCCRF pourra correctement faire son travail et mieux contrôler le contenu de ces discussions.

Ensuite, à la demande du Président de la République, qui en avait fait l’annonce lors du dernier salon de l’agriculture, nous avons introduit une clause qui permet de renégocier les prix en cours d’année si une forte volatilité du prix des matières premières est constatée. L’objectif est de pouvoir répercuter une forte hausse du coût des intrants sur les prix de la grande distribution, de manière que les producteurs puissent continuer à vivre de ce qu’ils vendent.

La prise en compte de la volatilité du prix des matières premières réjouira, bien sûr, bon nombre de producteurs, qui nous demandaient de changer les règles dans ce domaine.

Nous avons également voulu que l’État soit plus efficace. Un certain nombre d’infractions, jusqu’à présent sanctionnées par des contraventions pénales, seront désormais passibles d’amendes administratives. Les comportements parfois indélicats de certains acteurs économiques seront réprimés plus rapidement, ce qui permettra de désengorger les tribunaux, dans le respect du principe du contradictoire.

D’une manière générale, les sanctions envers les pratiques délictuelles seront plus sévères. Leur montant, qui a été décuplé dans certains cas, pourra atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Il s’agit de rendre les amendes proportionnelles au dommage réel.

Je reviens sur l’exemple le plus frappant, celui de la viande de cheval. L’enquête relève aujourd'hui d’un juge d’instruction indépendant ; nous verrons bien ce à quoi elle conclura. Simplement, selon les constats établis par mes services, ceux qui avaient substitué du cheval à du bœuf étaient passibles d’une amende d’un montant maximal de 185 000 euros alors qu’ils avaient réalisé un bénéfice indu minimal de 500 000 euros. Quand la peine est aussi facile à amortir, elle n’est guère dissuasive !

Désormais, le juge pourra prononcer des sanctions proportionnelles à la réalité du dommage subi. C’est, me semble-t-il, un progrès. Bien entendu, 10 % du chiffre d’affaires, c’est un plafond ; les amendes qui seront infligées n’atteindront pas toutes ce niveau.

Par ailleurs, nous avons renforcé la protection des consommateurs en matière de vente à distance. En 2012, les achats effectués sur internet dans ce cadre ont atteint 45 milliards d’euros. Pour l’instant, nous ne disposons pas du chiffre des achats de Noël, qui avoisinait, si j’ai bonne mémoire, les 9 milliards d’euros l’an dernier. La tendance est évidemment à la hausse.

Le délai de rétraction sera porté à quatorze jours et nous fixons une obligation de remboursement sous trente jours.

En outre, les agents de la DGCCRF pourront aller au bout d’une transaction – c’est la technique du « client mystère » – pour constater d’éventuelles tromperies ou pratiques délictueuses sur internet. C’est un progrès.

En effet, beaucoup de nos compatriotes se font parfois abuser. Des consommateurs habitués à faire leurs courses sur internet peuvent malheureusement tomber sur un vendeur indélicat, sans déceler que le site est hébergé à l’étranger ou vérifier le sérieux des informations fournies, et ne pas recevoir ce qu’ils ont commandé, alors que leur compte bancaire est débité. Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons améliorer la situation.

Je mentionnerai également deux mesures emblématiques de la lutte contre certaines pratiques malhonnêtes, fort heureusement minoritaires dans notre pays.

D’une part, avec la mise en place d’un dispositif erga omnes, l’annulation d’une clause abusive dans un seul contrat sera généralisée à tous les contrats identiques. C’est une véritable avancée.

D’autre part, grâce à l’actuelle majorité, l’action de groupe, vieille arlésienne du débat sur la protection des consommateurs, sera introduite dans notre droit. Elle pourra être déclenchée par une association de consommateurs. S’il établit la responsabilité du professionnel, le juge fixera le montant de la réparation ; il déterminera les modalités de liquidation et de publicité du jugement qui permettra aux consommateurs de manifester leur volonté de rejoindre le groupe.

Dans le champ de la concurrence, nous avons prévu la possibilité d’une exécution provisoire en première instance, afin d’éviter la déperdition des preuves. Nous instituons également une procédure de liquidation accélérée lorsque le groupe de consommateurs concerné est identifié, par exemple dans le cas de fichiers clients. Cela permettra de faciliter l’exécution et la mise en œuvre de l’action de groupe.

Ainsi, dans les contentieux de masse de consommation, le consommateur pourra enfin être indemnisé du préjudice subi ! Jusqu’à présent, en France, ce n’était guère le cas, exception faite de l’action en représentation conjointe, qui n’avait eu que peu d’effets. Grâce à l’action de groupe, des dizaines de millions d’euros seront transférés des entreprises ayant constitué une rente indue au travers de pratiques anticoncurrentielles vers les consommateurs, qui auront ainsi plus de pouvoir d'achat.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux et fier de porter devant vous un texte touchant à la vie quotidienne de nos concitoyens. Il offrira un bouclier aux consommateurs et leur restituera du pouvoir d'achat. Il permettra de faciliter la vie de nos compatriotes dans des situations qui, jusqu’à présent, les empoisonnaient. J’espère que, comme en première lecture, il se trouvera une belle majorité au Sénat pour voter une loi qui améliore incontestablement la vie quotidienne des Français ! (Applaudissements.)