Mme Catherine Procaccia. Les stagiaires qui partent à l’étranger ont une vague connaissance de la législation française, mais ils n’ont absolument pas connaissance de la législation de leur pays d’accueil. Afin qu’ils ne s’étonnent pas de certaines pratiques et dispositions, nous proposons que la fiche d'information annexée à la convention de stage présente la réglementation du pays d’accueil sur les droits et devoirs du stagiaire. Nous estimons en effet que l’insertion dans un pays étranger nécessite de mieux connaître l’environnement dans lequel on va évoluer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. L'amendement n° 3 rectifié vise à supprimer l'obligation d’annexer à la convention de stage une fiche d’information relative aux droits et devoirs du stagiaire dans le pays d’accueil. Il serait dommage de ne pas conserver cette mesure. Il ne s’agit nullement de ralentir le développement des stages à l’étranger. Mais vous le savez tous, mes chers collègues, la législation protectrice des stagiaires que nous connaissons en France – l’objet de la proposition de loi est de l’améliorer encore – n’est pas universelle. Il est donc tout à fait souhaitable qu’un étudiant qui veut obtenir une première expérience professionnelle à l’étranger dans le cadre de ses études connaisse précisément ses droits afin de pouvoir les faire valoir si nécessaire.

Les exemples d’abus en la matière, souvent ignorés des établissements d’enseignement, sont trop nombreux pour que le législateur reste inactif.

Mme la secrétaire d'État pourra sans doute apporter quelques précisions supplémentaires. Au vu de ces explications, j’espère, madame Férat, que vous accepterez de retirer votre amendement ; dans le cas contraire, l’avis de la commission sera défavorable.

Nous comprenons très bien la portée de la modification rédactionnelle prévue par l'amendement n° 87, qui ne semble pas modifier le fond de la mesure.

Contrairement à ce que certains craignent, l’obligation d’annexer une fiche d’information à la convention de stage vise non pas à nuire au développement des stages à l’étranger, mais bien à informer les jeunes sur le statut du stagiaire dans leur pays d’accueil, statut qui est rarement aussi développé qu’en France. Ce n’est pas un document opposable à l’employeur étranger, et le stagiaire reste bien soumis à la législation du pays d’accueil. Plusieurs exemples récents démontrent toutefois qu’il faut faire preuve de prudence à l’égard des offres de stages provenant de certains pays.

Le présent amendement tendant simplement à reformuler le texte, la commission y est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission sur l'amendement n° 3 rectifié.

J’attire néanmoins votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait qu’un certain nombre de jeunes, en particulier issus des milieux les moins favorisés, n’ont pas beaucoup voyagé à l’étranger en famille, et hésitent donc à s’y rendre, par méconnaissance ou par peur de l’inconnu. C'est pourquoi il me semble important de fournir à ces jeunes une fiche d’information.

Par ailleurs, on le sait, les chances d’embauche augmentent de 60 % lorsque le curriculum vitae inclut une expérience à l’étranger.

L’obligation d’annexer une fiche d’information à la convention de stage répond à un souci d’équité et de justice sociale.

L'amendement n° 87 tend à préciser la rédaction de la proposition de loi sans en modifier le fond. Le Gouvernement avait prévu de s’en remettre à la sagesse du Sénat, mais, après avoir entendu le rapporteur, il émet un avis favorable.

M. le président. Madame Férat, l'amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?

Mme Françoise Férat. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 52

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Le stagiaire peut rompre à tout moment sa convention de stage.

« La rupture de la convention par l’organisme d’accueil ne peut résulter que d’une faute grave ou de manquements répétés du stagiaire à ses obligations. À défaut, l’organisme d’accueil encourt les sanctions visées à l’article L. 124-17 du même code. » ;

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement constitue en quelque sorte un amendement de précision. L’alinéa 42 de l’article 1er fixe les conditions dans lesquelles le rectorat peut choisir de valider la période de formation en milieu professionnel ou le stage même si la durée prévue dans le cursus n’a pas été atteinte. Cette précision est utile mais incomplète, puisque, au final, la proposition de loi est muette sur les conditions de la rupture et sur la validité de cette dernière. Il nous semble donc que le stagiaire ne dispose d’aucun fondement juridique pour faire valoir devant le juge une rupture abusive de la période de stage.

Aussi nous paraît-il nécessaire, afin de sécuriser les ruptures, dans l’intérêt du stagiaire comme dans celui de l’organisme d’accueil, de préciser les cas dans lesquels un organisme d’accueil peut légitimement mettre fin à une période de stage. Pour rendre cette mesure véritablement contraignante, nous proposons que les ruptures qui ne respectent pas le cadre légal et sont par conséquent abusives soient punies par les sanctions visées à l’article L. 124-17 du code de l’éducation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cet amendement vise à interdire la rupture de la convention de stage par l’organisme d’accueil, sauf faute grave ou manquements répétés de la part du stagiaire. Ce dispositif s’inspire en partie de ce qui existe pour les contrats d’apprentissage, à ceci près que, pour ces derniers, la rupture est quand même autorisée en cas d’accord des parties.

Je ne pense pas qu’il faille interdire la rupture d’une convention de stage, surtout si la relation entre l’employeur ou le tuteur et le stagiaire se dégrade. Ce dernier pourra être réticent à rompre lui-même la convention, de peur de ne pas voir valider son diplôme ou d’être perçu comme le fautif dans cette rupture. Si la convention est rompue par l’organisme d’accueil, l’établissement d’enseignement pourra néanmoins valider le stage. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 27 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 27 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 49 est présenté par Mme Férat et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 60 rectifié ter est présenté par MM. Revet et Magras, Mme Sittler, M. D. Laurent, Mme Bruguière et M. Portelli.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 52

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 124-... - Le présent chapitre n'est pas applicable aux périodes de formation en milieu professionnel ou aux stages réalisés dans le cadre des enseignements dispensés selon les modalités prévues à l'article L. 813-9 du code rural et de la pêche maritime. » ;

La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 49.

Mme Françoise Férat. Madame la secrétaire d'État, vous nous avez proposé tout à l'heure une rédaction de décret dont nous avons pris connaissance avec la plus grande attention. J’ai employé à dessein le mot « souplesse » s'agissant du rythme approprié.

En cet instant, je souhaite évoquer les 150 000 jeunes scolarisés dans l’enseignement agricole préparant un CAP, ou un baccalauréat professionnel, qui doivent exécuter des stages en milieu professionnel dans le cadre de leur parcours pédagogique. Il leur faut également trouver un maître de stage. Or nous savons combien cela peut être difficile ; ce problème a d'ailleurs été souligné à plusieurs reprises.

Madame la secrétaire d'État, le texte ne facilitera pas l’accueil des jeunes. Il va au contraire complexifier la situation. Je le dis tout net : ce sera vraiment une régression.

Pour quel motif un maître de stage accueille-t-il un jeune, si ce n’est pour transmettre son savoir-faire – c’est un élément très important –, ou encore – Charles Revet l’a souligné tout à l'heure – pour rendre service à une personne qu’il connaît ou dont la situation l’attendrit ? Les dispositions de la proposition de loi sont de nature à décourager les bonnes volontés. Cela devient trop compliqué. C'est pourquoi je vous demande d’exclure l'enseignement agricole du dispositif d’encadrement des stages.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l'amendement n° 60 rectifié ter.

M. Charles Revet. Mon amendement est identique à celui qui vient d’être très bien présenté par Mme Férat. À mon sens, cette mesure est très importante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Exclure la totalité de l’enseignement agricole du dispositif d’encadrement des stages ne nous semble pas approprié.

Pour ma part, j’avais compris qu’il s’agissait, dans votre esprit, de n’exclure que les maisons familiales rurales, les MFR, à propos desquelles le Gouvernement a apporté des précisions.

Il est vrai que ces structures proposent à des jeunes des formations selon un rythme spécifique, qui n’est pas celui du droit commun et peut comprendre de longues périodes en entreprise. C’est justement ce qui a suscité notre réflexion, ainsi que celle du Gouvernement, sur ce sujet.

Pour autant, est-il légitime d’exonérer l’enseignement agricole, voire seulement les MFR, de l’ensemble des droits et obligations institués par l’article 1er ? Je ne le crois pas, car ce dispositif a vocation à être universel, qu’il s’agisse du suivi pédagogique, du nombre maximal de stagiaires par organisme ou des conditions de travail.

Étant donné l’effort fourni par le Gouvernement pour répondre à leurs préoccupations légitimes, je ne vois pas pourquoi toutes ces structures seraient exclues de ces dispositions générales. Nous avions d’ailleurs avancé ces solutions lors de la discussion générale.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. Charles Revet. Il faut voir le travail qui est fait ! Ce sont eux qui obtiennent les meilleurs résultats !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Nous nous sommes concertés avec les maisons familiales rurales pour négocier une avancée pour le moins significative matérialisée dans un accord. Nous ne pouvons pas exclure l’ensemble de l’enseignement agricole du dispositif, d’autant que, pour les lycées agricoles, il ne pose aucun problème.

Si nous commençons à miter ainsi la future loi, le résultat sera exactement identique à celui qu’ont eu les décrets d’application de la loi Cherpion, c’est-à-dire que cette dernière n’a pas été appliquée de fait dans de nombreux cas. À force d’essayer de limiter l’incidence des lois, on en arrive à les saborder et, in fine, à ne plus appliquer de lois du tout !

Nous avons obtenu une avancée importante avec les MFR ; le projet de décret vous a été fourni comme convenu et le Gouvernement ne peut pas aller plus loin. Il émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons déposé en toute connaissance de cause un amendement, que je soutiens, et qui concerne de nouveau les maisons familiales rurales.

Je profite de l’occasion pour vous répéter, madame la secrétaire d’État, combien nous avons apprécié que vous nous ayez communiqué le projet de décret, comme nous avons apprécié le fait qu’une concertation aussi rapide de quelques heures ait pu aboutir à un accord donnant, semble-t-il, satisfaction, comme nous l’ont fait savoir les maisons familiales rurales.

Aujourd’hui, je vous prends au mot. Vous nous dites qu’il y a eu concertation et qu’il n’est pas normal d’exclure ces structures du dispositif. Si vous nous confirmez qu’elles sont d’accord et que cet amendement est donc superfétatoire, je ne le voterai pas. Seulement, je voudrais en être sûr.

Je ne dis pas que nous nous sommes fait un peu « promener » la semaine dernière, mais, malgré tout, si nous n’avions pas été aussi insistants que nous l’avons été,…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est le rôle des parlementaires !

M. Jean-Claude Lenoir. … aurions-nous aujourd’hui sur la table à la fois l’accord annoncé et le projet de décret ? Je ne le pense pas.

Madame la secrétaire d’État, avant de me prononcer, je voudrais par conséquent obtenir l’assurance que cette concertation s’est bien déroulée, que tout le monde est d’accord et que les MFR acceptent de pas être écartées du dispositif, ce qui serait le cas si l’amendement proposé par Charles Revet était adopté.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.

Mme Françoise Férat. Je suis rassurée pour ce qui concerne les maisons familiales rurales, le projet de décret présenté me semblant convenable. (M. Jean-Claude Lenoir approuve.)

Simplement, je voudrais insister sur tous les autres secteurs de l’enseignement agricole. Avec cette dernière expression, j’ai peut-être affolé mes collègues ici présents, ainsi que vous-même, madame la secrétaire d’État.

Pour être plus précise, je veux parler du programme 143 Enseignement technique agricole, ce qui reste assez limité. Vous pourrez vous tourner vers la direction générale de l’enseignement et de la recherche pour avoir plus de précisions sur ce programme, car j’imagine qu’il ne se trouve pas dans votre champ de compétences, et vous constaterez que ces jeunes ont les mêmes soucis que ceux qui relèvent des MFR dont nous avons parlé tout à l’heure.

Mme Françoise Férat. Je me permets donc d’insister une fois encore en maintenant cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Pour que ne subsiste aucune confusion, je tiens à vous rappeler, madame Férat, les termes de votre amendement : « Le présent chapitre n’est pas applicable aux périodes de formation en milieu professionnel ou aux stages réalisés dans le cadre des enseignements dispensés selon les modalités prévues à l’article L. 813-9 du code rural et de la pêche maritime. » J’avais donc cru comprendre qu’il visait non pas l’ensemble de l’enseignement agricole, mais les seules MFR.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est l’article qui vise les MFR !

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. En effet !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Je ne peux que répéter que la demande des MFR portait sur l’obligation de gratification. Nous avons mené une concertation en bonne intelligence, grâce à vos interventions de la semaine passée, car il se trouve que ce sujet n’avait pas du tout été abordé à l’Assemblée nationale, malgré la présence de nombreux députés élus du secteur rural.

M. Jean-Claude Lenoir. Vous avez raison de le rappeler !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. J’ai donc tenu compte de vos revendications en interpellant le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et nous avons trouvé une solution, dont je me satisfais pleinement.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Nous pouvons donc nous remercier mutuellement. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Madame la secrétaire d’État, je le répète, nous avons apprécié le fait que, dans des délais extrêmement brefs, vous ayez pris contact avec les responsables des MFR pour essayer de trouver un consensus susceptible de répondre à leurs préoccupations.

Vous le savez, les MFR ont un type d’enseignement très spécifique, qui donne des résultats extraordinaires. Pour ma part, je souhaiterais qu’il puisse être étendu à d’autres secteurs, à d’autres jeunes. En effet, leur taux de réussite aux examens est souvent proche de 100 % ; par ailleurs, 80 % des jeunes issus de cette filière sont placés. C’est donc un résultat magnifique !

Aussi, je voudrais que vous m’assuriez que, en aucune façon, ce type d’enseignement en alternance, associant 50 % de cours en établissement et 50 % de pratique, n’est remis en cause. Il faut maintenir ce lien entre l’enseignement et la pratique, et ce non seulement en agriculture, mais aussi dans tous les domaines de formation, car cela donne des résultats.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 et 60 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 125, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 52

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 124-... - Le présent chapitre n'est pas applicable aux stages réalisés dans les entreprises privées créées depuis moins de deux ans. » ;

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement a pour objet d’exclure du dispositif les jeunes entreprises de moins de deux ans, dont l’existence est très souvent liée à la présence de nombreux stagiaires, laquelle permet d’assurer leur développement.

L’idée de présenter cet amendement m’a été soufflée lors d’une rencontre avec des responsables de start-up parisiennes, pour beaucoup constituées par des jeunes issus des grandes écoles de commerce, établissements qui s’inquiétaient de ce texte.

Ils m’ont expliqué que beaucoup d’entre eux, au départ de la vie de leur entreprise, qui est une période difficile, utilisaient des stagiaires, parfois des amis, pour permettre le développement de leur activité. Ils considéraient donc que ce texte pouvait avoir une incidence sur la vie de l’entreprise.

Ils m’ont d’ailleurs rappelé que les grandes entreprises américaines, que ce soit Facebook, Apple ou Microsoft, ont démarré leur activité en suivant cette même logique. Leurs dirigeants, qui sont devenus les plus grands chefs d’entreprise du monde, se débrouillaient au début comme ils pouvaient pour survivre.

J’ai essayé d’obtenir des données sur les conséquences que la présence des stagiaires pouvait avoir sur la vie d’une entreprise, mais c’est assez difficile. J’ai consulté la chambre de commerce et d’industrie et les différentes administrations de Bercy. Les seuls chiffres que j’ai trouvés sont issus d’études de l’INSEE : 13 % des entreprises disparaissent entre la première et la deuxième année de leur création, 14 % entre la deuxième et la troisième année ; 50 % des 286 000 entreprises créées en 2006 avaient disparu en 2011. Ces chiffres révèlent une réalité sur laquelle nous devons travailler.

Par ailleurs, en 2013, les défaillances d’entreprises ont atteint un niveau très élevé et le prévisionnel pour 2014 n’est pas très engageant. Cela s’est traduit, l’année dernière, par la suppression de 269 000 emplois.

Je n’ai pas obtenu de réponse à ma question, mais j’ai été surpris de constater que la création d’entreprises se faisait, parfois en détournement de la loi, en recourant au statut de stagiaire entre amis désireux de créer quelque chose.

Par cet amendement, je souhaite donc savoir s’il y une évaluation de ce phénomène et si la restriction de l’utilisation de stagiaires ne va pas encore aggraver le nombre de disparition d’entreprises, et donc le chômage, alors que notre ancien collègue Rebsamen, aujourd’hui ministre du travail, vient d’annoncer qu’il souhaitait faire passer le nombre de chômeurs sous la barre des 3 millions d’ici à 2017.

J’ai déposé le présent amendement, qui n’est pas conflictuel, afin d’évaluer une réalité que je n’ai pas réussi à quantifier jusque-là, mais peut-être Mme la secrétaire d’État ou M. le rapporteur sont-ils en mesure de me communiquer des chiffres aujourd’hui…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cet amendement a pour objet de dispenser les entreprises de moins de deux ans de l’application de l’article 1er.

Les stagiaires peuvent contribuer au développement des start-up, si c’est ce que vous visez, mon cher collègue, et y bénéficier d’une expérience professionnelle enrichissante. À mon avis, ce n’est toutefois pas une raison pour exempter ces entreprises de l’intégralité des règles relatives aux stages, qui vont de la convention de stage à la gratification.

De plus, tel qu’il est rédigé, votre amendement n’est pas limité aux start-up, puisque vous évoquez toutes les entreprises de moins de deux ans. Or je considère que ces dernières peuvent parfaitement accepter des stagiaires en fonction de leur taille, de leur activité. Le vote de cette disposition serait donc une erreur et j’y suis défavorable.

De surcroît, vous me permettrez de vous faire observer très amicalement que, à mon sens, le stagiaire est dans l’entreprise non pas pour être utilisé, mais bien pour être formé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Je partage bien entendu les remarques de M. le rapporteur.

Les difficultés liées à la vie et à la survie des jeunes entreprises ne doivent pas être résolues par la présence ou non d’un grand nombre de stagiaires en leur sein. Les solutions sont ailleurs.

Vous avez pris, monsieur le sénateur, l’exemple d’Apple. Il faut savoir que cette entreprise a été créée dans un garage par des étudiants qui étaient encore à l’université. Or nous avons mis en place le statut d’« étudiant entrepreneur », qui permet aux étudiants souhaitant créer une entreprise de bénéficier d’un accompagnement vers la réussite un an avant et un an après l’obtention de leur diplôme.

Pour avoir moi-même travaillé dans une start-up, je suis bien placée pour savoir que les échecs de telles entreprises ne sont pas liés au nombre de stagiaires. Il faut être solide pour créer une entreprise et si l’on prend des stagiaires, c’est bien pour les former dans le cadre d’un cursus, et non pour bénéficier d’emplois déguisés.

Par ailleurs, s’agissant du nombre de stagiaires, nous permettons aux entreprises employant de un à trente salariés de bénéficier de la présence de trois stagiaires. Il n’est pas question d’un pourcentage ; une start-up démarrant avec une dizaine de personnes pourra avoir trois stagiaires, soit plus que les 10 % prévus pour les autres entreprises.

Nous avons déjà intégré ces modalités, et votre question, qui était assez générale, ne me paraît pas devoir trouver sa réponse dans le statut ou le nombre de stagiaires accueillis.

Pour ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je demandais une évaluation, mais, manifestement, ni M. le rapporteur ni Mme la secrétaire d’État n’est en mesure de me répondre, au-delà de l’affirmation de grands principes.

Il est une réalité, que je n’arrive pas à évaluer, mais qui existe bel et bien.

Il faut savoir que certaines start-up fonctionnent parfois avec trois salariés embauchés en contrat à durée indéterminée et une quinzaine de stagiaires.

Je le dis. C’est une réalité !

Vous avez raison, monsieur le rapporteur, il y a un détournement de la loi, puisque le stagiaire est là avant tout pour apprendre. Cependant, c’est une réalité de création d’entreprise. Or que constate-t-on à l’heure actuelle ? L’augmentation du nombre de chômeurs. Vous verrez dans trois ans les conséquences de ces dispositions. Vous ajoutez un élément supplémentaire à la pesanteur de la création d’entreprise.

Je maintiens cet amendement simplement pour la forme, puisque je n’ai pas eu de véritable réponse de M. le rapporteur ni de Mme la secrétaire d’État. Même si elle a travaillé dans une start up, il n’est pas certain qu’ils connaissent bien la réalité des entreprises.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 137 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Deroche et Boog, M. Milon, Mme Giudicelli et MM. Cardoux, Savary et J. Gautier, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 57

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Toute personne ou organisme qui publie, pour son compte ou celui d'autrui, des offres de stage sur Internet est tenu de les distinguer des offres d'emploi qu'il propose et d'en assurer le référencement spécifique dans ses outils de recherche.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Je vous conseille d’aller sur le site de n’importe quelle entreprise et de chercher « emploi ». Vous découvrirez alors que, la plupart du temps, sous cette rubrique sont proposés non pas des emplois, mais des stages.

Or stage et emploi, stage et CDD, stage et apprentissage, ce n’est pas la même chose.

Par conséquent, l’objectif de cet amendement est très simple et ne doit pas être compliqué à atteindre : il s’agit d’obliger les entreprises à créer sur leur site internet dans la rubrique emploi des sous-rubriques, notamment une sous- rubrique stages, pour ne pas laisser croire qu’il y a cinquante propositions d’emplois alors qu’en réalité il s’agit de stages.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. L’amendement de Mme Procaccia vise à encadrer la diffusion d’offres de stage sur internet pour éviter la confusion avec des offres d’emploi.

Nous avons eu une longue discussion sur ce sujet en commission. Je partage, avec la commission, l’objectif de Mme Procaccia.

Nous avons travaillé ensemble à une nouvelle rédaction de l’amendement. C’est la rédaction qui vous est présentée aujourd’hui, qui me semble répondre à la nécessité de mettre un terme à la confusion, trop souvent entretenue entre offres de stage et offres d’emploi par certains recruteurs.

Compte tenu de cette rectification, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, le Gouvernement n’est pas sûr que cela relève du niveau de la loi. Toutefois, comme l’intention est bonne, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 61

Après les mots :

du code de l’éducation

insérer les mots :

, ou lorsque le stagiaire estime que l’organisme d’accueil n’a pas respecté ses obligations figurant dans la convention de stage

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.