M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.

Mme Patricia Schillinger. L’article 8 de la proposition de loi vise à faire évoluer les règles relatives au repos dominical et aux jours fériés en Alsace-Moselle, pour les simplifier et les moderniser.

Selon M. Reichardt, les dispositions de cet article sont a minima et consensuelles. Permettez-moi d’en douter. En effet, s’il y a un consensus des acteurs sur ce sujet, c’est, comme M. le rapporteur a pu le constater, pour attendre la mise en œuvre de l’accord signé le 6 janvier 2014.

En vérité, les auditions organisées par M. Michel ont fait apparaître un fort attachement au régime local du repos dominical et des jours fériés, ainsi qu’une volonté de prendre le temps nécessaire pour le faire évoluer. Les différentes organisations représentatives des artisans alsaciens, c’est-à-dire les chambres de métiers et de l’artisanat d’Alsace, la Confédération de l’artisanat d’Alsace et l’Union des corporations artisanales du Bas-Rhin, ont fait savoir qu’elles préféraient attendre la mise en œuvre de l’accord signé le 6 janvier 2014 entre les organisations patronales et syndicales d’Alsace au sujet des contreparties accordées aux salariés dans le cadre des dérogations au repos dominical dans le secteur du commerce.

Si l’on ajoute à cela le fait que la chambre de métiers et de l’artisanat de la Moselle est hostile à l’article 8, où est le prétendu consensus entre les différents acteurs dont parle M. Reichardt ? Pourquoi donc précipiter les choses, alors qu’un accord a déjà été signé ? M. Reichardt a-t-il auditionné la chambre de métiers et de l’artisanat de la Moselle ?

Je me suis toujours opposée à l’ouverture dominicale des commerces parce que le travail dominical constitue, selon moi, une véritable menace pour la sphère familiale, amicale, culturelle, spirituelle et associative ; il conduit à un délitement des liens humains et à une perte des valeurs, au seul bénéfice de la recherche du profit. Bien souvent, de plus, le travail le dimanche fragilise les petits commerces de proximité au profit des grandes surfaces.

Je souhaite également rappeler que l’Organisation internationale du travail, l’OIT, a naguère infligé un « carton rouge » à la France : dans l’un de ses rapports, elle a particulièrement visé notre pays, lui adressant un avis plus que défavorable. Ainsi, la commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et recommandations demande au gouvernement français de « poursuivre l’examen, avec les partenaires sociaux, » de la nouvelle législation sur le travail dominical « sur le plan pratique en tenant compte des considérations tant sociales qu’économiques ». Plus précisément, les experts de cette organisation s’inquiètent de l’élargissement progressif des dérogations autorisées.

Le 22 juillet 2009, lors de l’examen de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, les parlementaires alsaciens socialistes se sont réjouis que le droit local alsacien-mosellan ne soit pas affecté. Aujourd’hui, les socialistes ont toujours la même position : il faut protéger le repos dominical.

En revanche, les sénateurs alsaciens de l’UMP Mmes Troendlé, Sittler et M. Grignon, qui étaient favorables, en 2009, à la protection du repos dominical en Alsace et en Moselle, souhaitent aujourd’hui modifier le droit local, de surcroît sans concertation. Surprenant !

Pour ma part, je reste cohérente : je voterai contre cet article, car je suis pour le repos dominical !

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l'article.

M. André Reichardt. L’ensemble des aménagements concernant le repos dominical et les jours fériés qui sont proposés dans cet article sont de faible ampleur, mais néanmoins d’une importance capitale pour conserver au régime local sa cohérence et sa force d’adhésion.

L’Alsace et la Moselle ont une grande chance : elles disposent, d’une part, d’un outil qui leur est propre, une législation locale relative au repos dominical, et, d’autre part, d’une opinion locale responsable et consensuelle. Elles détiennent donc les moyens nécessaires pour garantir la pérennité d’un régime équilibré du repos dominical et des jours fériés. Le moment est venu de mettre en œuvre ces moyens.

La proposition de loi tend à préciser la procédure de consultation préalable à l’adoption ou à la modification des statuts locaux, ainsi que les autorités compétentes, en vue d’établir une grande sécurité juridique, laquelle n’existe pas aujourd'hui. Grâce à cette formulation nouvelle, les institutions et organisations qui devront être consultées pour une modification des statuts locaux sont définies de manière précise. La procédure de consultation s’en trouvera facilitée et sécurisée.

La possibilité donnée aux groupements de communes d’adopter un statut local permettra une meilleure harmonisation entre les communes situées dans une même zone commerciale. Il s’agit de favoriser l’adoption de règles uniformes pour des agglomérations formant des unités économiques.

Il est ensuite proposé de préciser quelle autorité administrative sera compétente pour accorder certaines dérogations. Un ancien article du code local des professions et l’instruction du 26 décembre 1888 attribuaient cette compétence aux maires et, pour Metz, Mulhouse et Strasbourg, aux représentants de l’État.

Vous l’avez compris, cette seule incohérence entre les autorités compétentes rend nécessaire la possibilité de mettre en œuvre partout des statuts locaux, de telle sorte que tous les maires puissent intervenir en la matière.

Il est proposé que la question des dimanches précédant Noël soit désormais réglée par la loi elle-même. En effet, l’ouverture de ces dimanches est décidée tous les ans. Pour éviter que soient adoptées tous les ans avant Noël des dispositions variant de commune à commune, il est proposé qu’à l’avenir la loi règle cette question de manière uniforme sur l’ensemble des territoires des trois départements, afin d’éviter les distorsions de concurrence.

Il est suggéré, à cette fin, de modifier le code du travail en fixant à trois le nombre de dimanches précédant Noël qui seront travaillés et à six heures le nombre maximal d’heures de travail de ces journées.

La modification proposée tient compte du fait que, dans la pratique, l’autorisation d’ouverture des magasins portait tous les ans sur deux à trois dimanches précédant Noël, avec des horaires variables selon les localités. Une autorisation d’ouverture les trois dimanches précédant Noël, mais limitée à six heures paraît constituer une solution équilibrée.

La proposition de loi vise également à garantir aux salariés que l’empiètement du travail dominical sur la période de repos sera proportionné à leur amplitude horaire de travail ; il s’agit de les assurer d’une période de travail continu minimum.

Le texte permet aussi d’imposer une fermeture hebdomadaire en cas de dérogation à la fermeture dominicale, de telle sorte que les petites entreprises qui ne peuvent pas ouvrir sept jours sur sept ne soient pas défavorisées par rapport aux grandes entreprises qui ont cette possibilité.

Enfin, le texte vise à supprimer la référence à l’existence dans une commune d’un temple protestant ou d’une église mixte comme condition au caractère férié et chômé du Vendredi saint. L’article 8 a donc pour objet de généraliser la fermeture du Vendredi saint, en harmonisant les règles applicables au sein des trois départements.

On me reproche de ne pas avoir mené une concertation suffisante avec les organisations syndicales et patronales des trois départements. Je m’inscris en faux ! En effet, il ne m’appartient pas d’organiser cette concertation. L’Institut du droit local alsacien-mosellan l’a menée, à telle enseigne que toutes ses propositions – je tiens à la disposition de M. le rapporteur et toutes celles et ceux qui le souhaitent le document en témoignant – ont reçu l’accord de toutes les organisations syndicales et patronales alsaciennes.

Qui plus est, toutes les organisations ont signé, le 6 janvier 2014, un accord interprofessionnel qui définit des contreparties financières. Ainsi, la rémunération sera de 150 % et d’un repos compensateur proportionnel pour les heures travaillées le dimanche, et de 200 % pour les trois dimanches précédant Noël. Excusez du peu ! Que voulez-vous que l’Institut du droit local alsacien-mosellan, qui a travaillé deux ans sur ces sujets, fasse de plus ? Pour ma part, dans cette affaire, je suis un simple vecteur législatif. Dans ces conditions, je ne comprends pas qu’on puisse s’opposer à ces dispositions au prétexte qu’il faudrait poursuivre la concertation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 12 est présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 6.

Mme Éliane Assassi. L’article 8 est celui qui a éveillé le plus l’attention des organisations syndicales de salariés en Alsace-Moselle, puisqu’il touche, en particulier, à l’équilibre des relations sociales dans cette partie du pays.

Les auteurs de la proposition de loi nous invitent à modifier assez nettement les règles posées pour le travail dominical et les jours de congé dans le secteur du commerce.

M. André Reichardt. Dans le bon sens !

Mme Éliane Assassi. Au-delà des questions liées à la qualité de vie, n’oublions pas que le repos dominical, qui est la règle et non l’exception, est en tout état de cause au centre des préoccupations des partenaires sociaux puisque, en Alsace, les syndicats de salariés et d’employeurs du commerce ont signé, peu de temps après le dépôt de la présente proposition de loi, un accord paritaire sur le sujet. Or, malgré les démarches entreprises par les syndicats de salariés, qui ont unanimement signé cet accord, nous n’en trouvons nulle trace dans le texte qui nous est soumis.

L’accord prévoit, comme ma collègue Cécile Cukierman l’a indiqué au cours de la discussion générale, que le travail dominical ne peut être imposé, que les salariés doivent être volontaires, percevoir une rémunération majorée et disposer d’un repos compensateur pris à leur convenance.

Par ailleurs, selon les termes de l’accord, « le repos qui correspond à la récupération du jour travaillé pourra être pris aussi bien avant qu’après le dimanche ou le jour férié travaillé ».

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l’article 8. Il faut en effet pouvoir, sur la base de l’application et de l’éventuelle extension de l’accord signé en janvier dernier, juger de la qualité de celui-ci. Voter cet article, ce serait accepter que la loi puise aller à l’encontre de ce qu’a permis la négociation collective.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 12.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il est clair que les dispositions relatives au travail dominical doivent évoluer.

M. Reichardt sait très bien qu’il met la charrue avant les bœufs en introduisant d’ores et déjà dans la loi un certain nombre de dispositions qui, pour l’instant, ne font pas encore consensus ; c’est du moins ce qui ressort de ce qu’on m’a dit.

Le président de la chambre de métiers et de l’artisanat de Moselle m’a dit très clairement qu’il était totalement opposé à toute ouverture le dimanche. Cela m’a surpris, je dois le reconnaître.

Le président de la chambre de métiers d’Alsace m’a affirmé être tout à fait favorable à la poursuite de la négociation. (M. André Reichardt fait un signe de dénégation.) C’est ce qu’il m’a dit ! Selon lui, il faut attendre que ces accords soient validés par les préfets des départements et par les présidents des conseils généraux. Voilà ce qui ressort des auditions que j’ai conduites.

Je conçois très bien qu’il faille évoluer, d’autant que nous sommes là face à un régime très particulier. Il n’est plus possible de s’en tenir à la fermeture pure et simple le dimanche. Dans les grandes villes, en effet, les maires ont pris des arrêtés permettant des ouvertures de trois heures, de quatre heures, etc.

Quoi qu’il en soit, tout cela devra faire l’objet d’une négociation supplémentaire. Nous parviendrons ensuite à établir un régime unifié dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, ainsi qu’en Moselle. Selon moi, ce n’est qu’une question de quelques mois !

Mme Fabienne Keller. Pourquoi ne pas le faire maintenant ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Non ! Un certain nombre d’acteurs patronaux et salariés s’opposent à ce qu’on le fasse !

J’ai donc déposé un amendement de suppression de cet article, tout en estimant que les choses se feront sûrement un jour.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. M. le rapporteur a fait une excellente présentation de la situation, et le Gouvernement est favorable à la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je souhaite surtout répondre à Mme Assassi et à M. le rapporteur.

L’accord du 6 janvier 2014 est effectivement intervenu. Il prévoit des contreparties financières, dans les conditions déterminées par les partenaires sociaux, qui ont tous signé cet accord : MEDEF, CGPME, UPA… Oui, monsieur le rapporteur, l’Union professionnelle artisanale a signé l’accord ! Et vous, vous me parlez des présidents des chambres de métiers ! Ce ne sont pas eux qui négocient les accords !

Toutes les organisations ont signé sur la base des accords trouvés par elles-mêmes à l’Institut du droit local alsacien-mosellan, après avoir été invitées par son secrétaire général à élaborer des règles.

Qu’on ne s’y trompe pas : la règle du droit local, c’est naturellement le repos dominical. Les statuts locaux que j’évoquais tout à l’heure, commune par commune ou groupement de communes par groupements de communes, ont pour objet, si les communes ou les intercommunalités le souhaitent, de prévoir des dérogations pour le commerce de détail.

Bien entendu, en cas de dérogation, les salariés bénéficient de contreparties financières, définies dans le cadre de l’accord interprofessionnel du 6 janvier 2014.

On me dit que les organisations syndicales veulent encore attendre. C’est faux ! Je tiens à votre disposition le courriel que j’ai reçu des six organisations syndicales de salariés, dans lequel elles confirment leur accord avec ces dispositions. Elles me demandent également d’amender le texte, afin d’y introduire les mesures prévues par l’accord interprofessionnel. Je ne peux pas le faire puisqu’une procédure d’extension est en cours. Je laisse donc la DIRECCTE et le ministère agir. Comment voulez-vous que je fasse autrement ?

L’accord existe, il devrait être étendu prochainement. Pourquoi, dans ces conditions, vouloir supprimer l’article 8 de la proposition de loi ? Je ne comprends pas ! Je vais quitter tout à l’heure l’hémicycle dans les affres du doute, parce que j’ai le sentiment qu’entre ce qu’on me dit ici et ce que je vis sur le terrain il y a une incompatibilité totale, et j’ai quelque difficulté à l’accepter.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 12.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP, l'autre, du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 199 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 178
Contre 167

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 8 est supprimé.

Article 8 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 9 (nouveau)

La loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article 225 est complété par les mots : « conformément à ce qui est précisé à l’article 226 alinéa 2 » ;

2° L’article 226 est complété par un second alinéa ainsi rédigé :

« À l’exception de la passation d’un acte de gré à gré translatif de propriété, toutes les décisions, notamment la réalisation d’une expertise, la vente d’un bien aux enchères publiques, l’attribution directe, avec ou sans soulte, d’un bien sans tirage au sort de lots, prises par lesdites parties intéressées, présentes et capables, s’imposeront aux non-comparants, régulièrement convoqués, dès lors que ces derniers auront été informés, préalablement, des propositions des comparants et des conséquences de leur non-comparution. »

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je n’ai pas eu le temps d’étudier à fond cet article additionnel, très complexe, inséré à la suite de l’adoption d’un amendement déposé en commission par notre collègue André Reichardt, et qui a pour but de résoudre un conflit, en matière de droit de l’indivision – sujet particulièrement ardu –, entre un arrêt de la cour d’appel de Colmar et la doctrine alsacienne-mosellane.

La Cour de cassation devant rendre une décision, je considère qu’il vaut mieux attendre qu’elle se soit prononcée plutôt que de voter cet article 9. La nouvelle commission du droit local pourra ensuite être saisie de cette question ; il faudra bien qu’elle la résolve un jour !

En l’état actuel des choses, je ne peux que m’opposer à cet article. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je comprends la demande d’harmonisation avec le droit commun posé par la loi du 23 juin 2006, mais la procédure en cours dira le droit. Une fois que la Cour de cassation aura rendu son arrêt, comme l’a dit M. le rapporteur, la saisine de la commission du droit local sera pleinement justifiée. Un accord sera alors possible entre tous.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Pour mettre fin à la mascarade dont parlait tout à l’heure M. le rapporteur, je serai très bref.

Initialement, cette proposition de loi comportait huit articles. J’ai déposé, dans les délais, un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 8. Or M. le rapporteur me dit maintenant qu’il n’a pas eu l’occasion d’étudier ce nouvel article 9. Dans ce cas, monsieur le président, il faut modifier les délais de présentation des amendements ! Si des propositions de loi ne peuvent plus être examinées en séance et recueillir un avis favorable de la commission au simple motif que le délai de dépôt des amendements aurait été trop tardif, il faut changer les règles applicables en la matière ! Je ne peux donc pas entendre cette explication.

Je présente en tout cas à M. le rapporteur mes excuses pour lui avoir fait passer tellement de temps sur cette proposition de loi. J’espère qu’il les acceptera.

Je voudrais prendre malgré tout quelques minutes pour défendre cet article 9.

Celui-ci vise simplement à clarifier l’un des outils emblématiques de la procédure de partage judiciaire de droit local afin de permettre, tout en conservant ses mécanismes fondamentaux, d’atteindre les objectifs qui ont conduit au vote de la loi de droit général du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Cet article résulte d’un vœu adopté par le XIe congrès interrégional des notaires des cours d’appel de Colmar et de Metz, en octobre 2012. Les notaires m’ont transmis leur demande après le 5 septembre 2013, donc après que j’ai déposé ma proposition de loi.

Sachez, madame la ministre, que cette proposition a été unanimement approuvée par la commission d’harmonisation du droit privé lors de sa séance du 21 décembre 2012.

On m’a objecté tout à l’heure que la commission du droit local appelée à succéder à la commission d’harmonisation du droit privé n’était pas constituée. Vous me permettrez de vous dire, madame la ministre, que je n’y peux strictement rien ! C’est moi qui, pendant trois ans, depuis que je préside la commission d’harmonisation du droit privé, ai demandé à Mme la garde des sceaux de bien vouloir faire paraître le décret modernisant cette commission. Le décret est enfin paru, après deux ans d’attente. Désormais, la commission d’harmonisation du droit privé s’appellera commission du droit local. Je m’en félicite. Ses membres, représentants de différentes instances, sont, comme ceux de la commission d’harmonisation, uniquement des juristes : Mme la première présidente de la cour d’appel de Colmar, M. le premier président de la cour d’appel de Metz, M. le procureur général près la cour d’appel de Colmar, etc. Le seul de ses membres qui ne soit pas juriste, c’est votre serviteur – j’ai succédé à Hubert Haenel lorsqu’il a rejoint le Conseil constitutionnel.

Maintenant qu’a été publié le décret relatif à la commission du droit local d’Alsace-Moselle, reste à en désigner les membres intuitu personae. À ce jour, pour des raisons que j’ignore, Mme la garde des sceaux n’a toujours pas pris l’arrêté portant nomination de ses membres ; je suppose qu’elle a d’autres priorités. Pourtant, j’ai demandé à trois reprises la publication de cet arrêté !

Alors, de grâce, qu’on ne m’oppose pas aujourd’hui l’argument consistant à dire que la commission du droit local ne se réunit pas !

Je le répète, les hautes personnalités qui composent la commission d’harmonisation du droit privé ont unanimement approuvé cette disposition lors de sa séance du 21 décembre 2012. J’ai beau être docteur en droit, je ne comprends pas les arguments juridiques invoqués pour demander la suppression de cet article 9 !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 200 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 177
Contre 167

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 9 est supprimé.

Vote sur l'ensemble

Article 9 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur le président, au nom de la commission des lois, je crois pouvoir demander à nos collègues de voter cette proposition de loi ainsi réduite à deux articles, articles sur lesquels je m’étais prononcé favorablement.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je me félicite d’abord du travail accompli dans cet hémicycle. Malgré la sévérité dont j’ai fait preuve à l’égard de M. le rapporteur, je l’en remercie. Le droit local alsacien-mosellan est une matière complexe, c’est un édifice souvent peu compris, pour le moins. Il est évidemment plus familier aux personnes qui ont la culture de ce droit. En tout cas, je remercie M. le rapporteur, au moins officiellement, des efforts qu’il a consentis.

Naturellement, nous voterons cette proposition de loi, même réduite à deux articles. Au demeurant, il n’était pas difficile de les maintenir puisque ce sont ceux qui font entrer le droit local dans le droit général. C’est le moins que je puisse faire pour montrer, reprenant ce que m’a dit un jour M. Michel dans cet hémicycle – je ne l’ai pas oublié –, que l’Alsace fait bien partie de République française.

Néanmoins, mes chers collègues, vous me permettrez de vous dire que nous passons à côté d’une formidable occasion de montrer que, alors que nous allons prochainement débattre de la décentralisation dans cet hémicycle, il est encore possible de faire vivre une identité régionale. Si, demain, l’Alsace devait se marier avec la Lorraine, le droit local alsacien-mosellan aurait encore toute sa place. Je me battrai – entendez-moi bien, monsieur Michel – jusqu’au dernier instant pour le défendre.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pourquoi pas ?

M. André Reichardt. Tant qu’il sera meilleur et qu’il répondra aux valeurs alsaciennes, je me battrai pour lui.

Mes chers collègues – et je m’adresse tout particulièrement aux Alsaciens-Mosellans –, c’était là l’occasion, avant que nous n’examinions le projet de réforme territoriale, de montrer que nous croyons à une identité régionale, plutôt que d’écraser le droit local, comme vous venez de le faire – les scrutins publics qui se sont succédé ne s’expliquent pas autrement.

Que celles et ceux qui me reprochent une démarche politicienne soient, le moment venu, tenus pour strictement responsables et comptables de ce qu’ils ont fait aujourd’hui !

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Je voudrais à mon tour regretter le vote d’amendements ayant abouti à la suppression de sept des neuf articles qui composaient cette proposition de loi et, néanmoins, remercier M. le rapporteur du travail qu’il a accompli, non sans relever qu’il a délibérément rédigé un rapport « à charge » contre le droit local.

C’est ainsi que les corporations ne verront pas leurs difficultés résolues. C’est ainsi que les maires qui souhaitent appliquer la taxe des riverains se retrouveront sans solution. C’est ainsi que le cadastre ne pourra pas être informatisé. C’est ainsi qu’un ensemble de dossiers très concrets n’avanceront pas, en raison du choix fait par notre assemblée.

Notre collègue Patricia Schillinger a évoqué l’absence de concertation et de dialogue. Or des propositions de rencontres, de recherche de consensus, ont été faites et réitérées. À vous entendre, ma chère collègue, ce serait les circonstances préélectorales qui n’auraient pas permis de travailler ensemble. Pourtant, les problèmes à résoudre sont sur la table depuis plusieurs années.

En fait, vous ne répondez pas sur le fond, et c’est bien une opportunité politicienne qui vous conduit aujourd’hui à vous opposer, vous-même et l’ensemble du groupe socialiste, à ce texte.

Madame la ministre, je veux vous dire que le choix stratégique opéré par votre gouvernement de s’opposer fermement, en recourant à peu près à tous les arguments, au régime local d’Alsace-Moselle,…

Mme Patricia Schillinger. Ce n’est pas vrai, nous avons fait une ouverture !

Mme Fabienne Keller. … alimentera, à n’en pas douter, la résistance qui prend forme dans notre région contre le rapprochement avec la région voisine, sujet qui inquiète les défenseurs du droit local d’Alsace-Moselle.

Ce choix ne pourra qu’affaiblir votre position lorsque vous aurez à défendre le projet de loi relatif à la réforme territoriale, et tout particulièrement sur la question du rapprochement entre les régions Alsace et Lorraine. Nous mesurerons donc dans les prochaines semaines la portée de ce choix stratégique du Gouvernement, qui a montré qu’il n’entendait pas respecter les spécificités régionales, et notamment celles de ce territoire particulier qu’est l’Alsace-Moselle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)