Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’aurais aimé poser quelques questions à M. Fabius, mais nous connaissons les raisons de son absence. J’aurais aimé, par exemple, l’interroger sur la reconnaissance de l’État palestinien. Que pense-t-il d’une résolution d’origine parlementaire ?

J’aurais souhaité également l’interroger sur la situation en Ukraine et les relations avec Moscou, la lutte contre le terrorisme et la sécurité des Français de l’étranger, le virus Ebola...

J’aurais pu parler de la grande politique étrangère de la France, mais mon collègue Jean-Pierre Raffarin l’a fait beaucoup mieux que je ne saurais le faire ! Aussi limiterai-je mon propos aux questions relatives aux Français de l’étranger et, ne vous inquiétez pas, monsieur le secrétaire d'État, j’ai quelques questions à vous poser à ce sujet.

Commençons d’abord par la fameuse AEFE. Certains de nos collègues ont parlé de « l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger », alors qu’il s’agit de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ! Vous pouvez vous reporter à la loi, mes chers collègues !

À l’instar de nombreux orateurs, à commencer par Richard Yung, je regrette la baisse de 2 % du budget de l’AEFE.

Mes chers collègues, imaginez une seconde que l’on réduise de 2 % les crédits alloués à l’enseignement français en France… Quelque 620 millions d’euros ! Les enseignants, les parents d’élèves ne défileraient-ils pas dans les rues de Paris et de toutes les autres grandes villes de France ? Mais là, comme cela concerne les Français de l’étranger, on n’en parle pas !

Toutefois, je me réjouis de la volonté du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’éducation nationale de renforcer leurs liens. On en parle depuis vingt ans ! Moi-même j’en parle depuis au moins seize ans, depuis que je siège au Sénat ! Mais on ne voit rien venir, les deux ministères voulant conserver leurs prérogatives et ne pas abandonner une partie de leur pouvoir en ce domaine.

Il me semble qu’une mesure concrète pourrait voir le jour ou, à tout le moins, être mise en débat : la prise en charge par l’éducation nationale des bourses scolaires servies aux élèves Français de l’étranger. Cela ne représenterait qu’une goutte d’eau pour l’éducation nationale : quelque chose comme 0,001 % de son budget ! Et je ne parle pas des reliquats, qui pourraient alimenter le budget des bourses des Français de l’étranger sans porter un coup à l’éducation nationale, mais qui rendraient un grand service à l’AEFE.

Concernant la formation professionnelle de nos compatriotes à l’étranger, il semble que celle-ci soit menacée. Qu’en est-il ?

Je m’attarderai un instant sur les compétences des consulats d’influence. Je pense en particulier au consulat général d’Édimbourg, qui doit être transformé en consulat à gestion simplifiée. Cette perspective inquiète, à juste titre, nos ressortissants dans la région. En effet, ils ignorent jusqu’à présent quelles seront les attributions dévolues à ce consulat. Ils se demandent en particulier s’ils devront se rendre à Londres pour effectuer leurs démarches administratives. Quel est donc l’avenir de ce consulat, monsieur le secrétaire d'État ?

À l’heure où l’on vante la simplification administrative, il me paraît essentiel, pour nos ressortissants, de pouvoir au moins continuer à déposer, si ce n’est à traiter, leurs demandes de passeport, carte d’identité, acte civil, bourse scolaire dans les consulats d’influence.

Par ailleurs, la proposition de création d’une agence consulaire au sein de l’ambassade de France à Ottawa a-t-elle été retenue ? Car il me semble que, pour le moment, les Français doivent se déplacer à Toronto.

J’aborderai maintenant les prérogatives du mandat des conseillers consulaires

On a voulu réformer la représentation des Français de l’étranger, en accroissant le nombre de leurs représentants et en cherchant à faire d’eux de véritables élus de proximité. Fort bien ! Mais encore faut-il qu’ils soient reconnus comme tels par les postes consulaires ou, tout au moins, qu’ils apparaissent en leur qualité d’élus des Français de l’étranger sur leur site internet. Certaines ambassades n’ont pas encore engagé cette démarche.

Par ailleurs, il faut qu’ils soient identifiables par nos ressortissants et qu’ils puissent communiquer facilement ensemble pour mettre en commun leurs expériences et leurs solutions. Cela passe, semble-t-il, par un espace intranet ou, pour certains, un passeport de service : cette dernière idée a été abandonnée, alors que des représentants en auraient besoin pour se rendre dans d’autres pays, parfois des pays où il est difficile d’entrer. Peut-être faudrait-il également mettre en place une messagerie commune.

Tout cela suppose une réforme de la représentation.

La représentation des Français de l’étranger est évidemment un sujet fondamental pour nous. C’est pourquoi j’ai déposé, en juin dernier, une proposition de loi visant à revoir la réforme de 2013, que je ne remets pas vraiment en cause, afin de renforcer le rôle des élus dans le dispositif institutionnel.

Je propose également, au travers d’un procédé relativement facile à mettre en place, de remédier aux nombreux dysfonctionnements observés lors des élections des conseillers consulaires.

À cet égard, j’ai noté avec intérêt que les députés se sont insurgés contre la tentative de dématérialiser les documents électoraux lors des prochaines élections départementales : ceux-ci ont supprimé la disposition visée. L’impérieuse nécessité d’informer efficacement les électeurs pour stimuler la participation a prévalu sur les considérations budgétaires. Je pense que le même raisonnement doit être appliqué pour ce qui concerne les élections locales organisées à l’étranger.

C’est pourquoi le retour aux professions de foi imprimées est l’une des propositions qui me semblent devoir être débattues par le Parlement. Les consulats pourraient adresser les professions de foi sur papier au moins aux électeurs n’ayant pas communiqué de mail pour voter par internet, soit 40 % des électeurs inscrits. Ceux-ci n’ont aucune information sur les listes parmi lesquelles ils doivent choisir un candidat. Imaginez le tollé si pareille situation se produisait en France !

La composition actuelle de l’Assemblée des Français de l’étranger est un autre problème. Il nous semble fondamental que l’ensemble des élus des Français de l’étranger – et non pas seulement les quatre-vingt-dix conseillers consulaires ! – puisse être réuni à Paris au moins une fois par an. C’est vital pour une bonne démocratie.

J’espère que ma proposition de loi sera rapidement inscrite à l’ordre du jour de nos travaux, car il est nécessaire d’avoir un débat sur la représentation des Français expatriés. Monsieur le secrétaire d'État, si le Gouvernement souhaite reprendre nos propositions dans un projet de loi, nous soutiendrons celui-ci très volontiers ! (Sourires.)

Pour l’heure, je voterai la mission « Action extérieure de l’État », et j’espère obtenir des réponses aux questions légitimes que je vous ai posées.

Comme l’a souligné notre collègue Jean-Pierre Raffarin, il faut une grande politique étrangère pour la France. J’ajouterai que cette grande politique étrangère passe aussi par les Français de l’étranger. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. –M. Richard Yung applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Action extérieure de l’État » comprend le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », le programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », le programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », et, provisoirement, le programme 341 relatif à l’organisation de la Conférence Paris Climat 2015.

Hors le programme 341, ce budget, qui s’établit à 2,9 millions d’euros, est stable. Toutefois, si l’on examine les crédits dans le détail, on peut formuler plusieurs remarques.

Tout d’abord, le tourisme est intégré à budget constant. Les crédits du programme 151, qui vise à offrir un service public de qualité aux Français de l’étranger, passent de 211 millions à 200 millions d’euros.

Quant aux crédits du programme 185 relatifs à l’AEFE, ils passent de 417 millions à 408 millions d’euros, alors que plus de 9 000 élèves sont scolarisés par an et que plus de 400 classes sont ouvertes chaque année. À l’évidence, comme cela a été souligné, la priorité à l’éducation n’a pas franchi nos frontières…

Enfin, les crédits dévolus à la coopération culturelle s’établissent à 67 millions, contre 74 millions d’euros l’an passé.

Le ministère des affaires étrangères et du développement international a, selon moi, une immense tâche à remplir : d’une part, faire comprendre la France d’aujourd'hui au monde, d’autre part, faire comprendre le monde d’aujourd'hui à la France. J’ai la conviction que, s’il parvenait à la mener à bien, avec nos idéaux d’universalité et notre diversité, tous les doutes que la France nourrit elle-même se dissiperaient et toutes les forces de la France se réuniraient pour nous aider à sortir de la crise.

Aussi, l’action de ce ministère est absolument prioritaire et mérite les moyens adéquats pour conduire cette action.

Agir aujourd'hui pour le rayonnement culturel, c’est avoir de l’influence politique demain afin d’être capable, après-demain, de faire du commerce et de créer des emplois en France dans nos entreprises.

Je prendrai deux exemples pour montrer le lien entre l’investissement culturel, la politique et l’économie.

Tout d’abord, dans son rapport sur la francophonie économique, Jacques Attali établit une corrélation entre le pourcentage de francophones dans un pays et la part de marchés de nos entreprises dans ce même pays.

Ensuite, la relation de la France avec la Turquie passe par des hauts et des bas, alors qu’elle est très ancienne et stratégique. Elle a été stabilisée par des dispositifs anciens, tels que les lycées congréganistes francophones, un dispositif renforcé sur l’initiative de François Mitterrand dans le cadre de la MICEL, la mission de coopération éducative et linguistique, et notre coopération avec l’université Galatasaray. Ces actions doivent être poursuivies.

Ces deux exemples montrent combien il est important pour notre influence politique et notre développement économique d’investir d’abord dans le domaine de la culture.

Aujourd’hui, nous faisons face à des enjeux géopolitiques très lourds pour notre sécurité nationale. Jamais peut-être depuis la crise de Suez ou la crise de Cuba nous ne nous sommes trouvés dans une situation aussi dangereuse pour notre propre sécurité, mais aussi pour celle des Français de l’étranger. Je pense aussi aux crises sanitaires, en particulier à celle que cause le virus Ebola.

Dans ce contexte difficile, nous devons avoir les moyens d’accompagner les efforts et la mobilisation des agents du ministère des affaires étrangères. À cet égard, je tiens à rendre un hommage particulier, d’une part aux centres de crise, d’autre part à l’ensemble des agents de recrutement local, qui travaillent souvent dans des conditions difficiles, parfois avec des contrats précaires. Leur action mérite d’être saluée.

La réforme du réseau implique aussi un changement d’état d’esprit. En termes plus triviaux, je dirai que la « diplomatie de papa », c’est fini ! Lorsque les ambassades ne comptent plus que quatre ou cinq personnes, elles doivent pouvoir s’appuyer sur les communautés françaises ; sinon, elles n’auront plus d’influence. C’est la raison pour laquelle la réforme de la représentation des Français de l’étranger engagée l’année dernière avait beaucoup d’importance. Lorsqu’une réforme du réseau est engagée, la concertation doit avoir lieu en amont, afin de mobiliser les communautés françaises.

La réforme du réseau doit maintenant être appliquée, et la concertation doit désormais faire partie des réflexes de l’ensemble de notre diplomatie. J’évoquerai deux exemples : la fermeture du Palais Clam Gallas, qui a été décidée à Paris, alors qu’il n’est pas un diplomate ayant été en poste à Vienne qui défendrait cette décision ; quant à celle qui intéresse le consulat d’Édimbourg, c’est une erreur sur le fond comme sur la forme, et elle va démobiliser notre communauté dans un territoire d’une importance politique majeure tant pour la Grande-Bretagne que pour l’ensemble de l’Union européenne.

J’ajoute que certains postes sont notoirement en sous-effectif. Dans des pays où l’état civil est défaillant, nos compatriotes voient alors leurs droits violés, et le phénomène risque de s’amplifier.

Bien sûr, il faut réformer notre réseau, mais en y appliquant la politique de simplification qui a été mise en place en France. Je pense là, en particulier, aux passeports : en France, ceux-ci vont pouvoir être renouvelés par voie électronique ; j’espère que cela sera également possible à l’étranger. Sinon, la rationalisation se traduira, pour les Français de l’étranger, par une situation kafkaïenne !

J’ai aussi quelques inquiétudes concernant les visas biométriques, qui seront mis en place l’an prochain pour les ressortissants de la Chine, de l’Inde, de la Russie et de l’Ukraine. Un délai de quarante-huit heures a été évoqué, mais comment cela sera-t-il possible si les habitants de ces pays doivent systématiquement se déplacer vers leur capitale ? L’attractivité de la France ne va-t-elle se trouver ainsi mise en cause ?

Depuis cette année, le développement international est intégré à la mission « Action extérieure de l’État ». C’est une bonne réforme, mais le périmètre de cette mission devrait inclure véritablement l’ensemble de ses aspects, ce qui permettrait de mettre totalement fin aux éventuels doublons.

La Cour des comptes a mis en évidence, en juin 2013, dans une note sur le budget des affaires étrangères, qu’une trop forte baisse du nombre d’emplois avait des effets négatifs, conduisant à un gonflement des frais de fonctionnement dans la mesure où le travail devant malgré tout être fait. J’ai l’impression que les conclusions de cette note n’ont pas toutes été tirées dans le budget tel qu’il nous est présenté.

Cela étant dit, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de nos ambitions, vous pouvez compter sur le Parlement, en particulier sur le Sénat, pour se battre à vos côtés et défendre ce budget.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le développement des échanges internationaux de la France repose sur trois grands piliers : l’économie, la culture, la recherche.

Notre pays a été honoré cette année par l’attribution des prix Nobel d’économie et de littérature et de la très prestigieuse médaille Fields de mathématiques. C’est la preuve éclatante que la France continue à occuper une place importante sur l’échiquier mondial.

Néanmoins, les chiffres parlent d’eux-mêmes. La France compte deux fois moins d’entreprises exportatrices que l’Italie et près de quatre fois moins que l’Allemagne. Un millier seulement des 120 000 entreprises françaises exportatrices assurent 70 % des exportations. Le déficit du commerce extérieur, hors énergie, a été réduit à 13,5 milliards d’euros, mais le total en 2013 a été de 61,2 milliards d’euros.

Pour y remédier, la diplomatie économique est un concept porteur. Le regroupement des affaires étrangères et du commerce extérieur dans un seul ministère est novateur. Désormais, le ministre des affaires étrangères « est compétent pour définir et mettre en œuvre la politique du développement international de la France, notamment au titre du commerce extérieur et du tourisme ».

Les Français de l’étranger ont longtemps demandé un ministère particulier. Votre décret d’attribution, monsieur le secrétaire d'État, les associe au commerce extérieur et au tourisme. C’est une excellente complémentarité !

Le commerce extérieur, ce n’est pas seulement une réalité économique abstraite et des statistiques sans âme, ce sont des hommes et des femmes dynamiques et inventifs qui mettent leur intelligence, leur expérience et leur énergie au service de notre pays.

À cet égard, permettez-moi de souligner tout particulièrement l’action des conseillers du commerce extérieur de la France, qui a toujours été l’un des moteurs de nos échanges économiques. Au total, 4 300 hommes et femmes bénévoles, chefs d’entreprise, entrepreneurs, sont répartis dans 146 pays dans le monde. Comment comptez-vous les impliquer dans la réforme en cours, monsieur le secrétaire d’État ?

Vous disposez de compétences importantes dans le domaine du commerce extérieur, qu’il s’agisse des négociations commerciales européennes et internationales ou de celles qui sont menées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Vous connaissez certainement, monsieur le secrétaire d’État, le vœu déjà très ancien, mais toujours actuel, de nos élus de l’étranger, les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, et, à présent, les conseillers consulaires, d’être informés et consultés sur ces négociations. Nos élus ont l’avantage de bien connaître le terrain. Ils peuvent apporter leur expertise précieuse dans ces négociations, tant d’un point de vue fiscal que du point de vue plus général des relations économiques.

Dans cette nouvelle politique de la diplomatie économique, il y a toutefois quelques bémols. Le regroupement des moyens n’a pas été total. La réforme n’a pas entraîné un regroupement général des services à l’export. Le ministère de l’économie a conservé une large partie de ses attributions.

Ainsi, les services de la direction générale du Trésor et de la direction des entreprises n’ont été transférés qu’en partie au ministère des affaires étrangères et du développement international, celui-ci pouvant seulement en « disposer. » Les services économiques extérieurs de la direction générale du Trésor sont placés sous l’autorité conjointe de deux ministères. Le ministère des affaires étrangères et du développement international n’est qu’« associé » à la politique de financement de l’exportation. Les instruments financiers gérés par la Banque publique d’investissement et la COFACE restent principalement du ressort du ministère des finances.

Le constat est le même en ce qui concerne la nomenclature budgétaire. Deux lignes de crédits seulement ont été transférées de la mission « Économie » à la mission « Action extérieure de l’État » : les crédits de fonctionnement d’« État-major » et la dotation principale à l’agence Atout France, soit près de 31 millions d’euros. Quant à la nouvelle agence qui remplacera Ubifrance et l’AFII – Agence française des investissements internationaux –, ainsi que, a fortiori, les services économiques extérieurs, ils restent financés par la mission « Économie».

La question qui se pose, monsieur le secrétaire d’État, est donc de savoir si le Gouvernement envisage d’aller plus loin dans le regroupement des services et des crédits. Quelles procédures entend-il mettre en œuvre pour que les deux ministères travaillent de façon coordonnée ? Sans nouvelles avancées, la dispersion administrative et budgétaire que nous constatons risque de paralyser notre action en faveur du commerce extérieur.

À l’échelon local, vous avez souhaité mieux mobiliser l’ensemble des services des ambassades sur les thématiques économiques et sur le soutien de nos entreprises à l’international. L’évaluation des ambassadeurs n’en sera que plus importante. Elle tiendra compte de leur implication, à partir de cinq critères d’évaluation. Pouvez-vous nous donner des informations, monsieur le secrétaire d’État, sur ces procédures d’évaluation ?

La Cour des comptes a demandé une révision de la cartographie de nos services économiques, qui sont d’après elle trop centrés sur l’Europe : les pays européens et de l’OCDE concentrent en effet 40 % des effectifs, à parité avec les pays émergents et porteurs – 39%. Je souscris à cette analyse. La Cour des comptes recommande des formes de représentations allégées et concertées entre le ministère des affaires étrangères et du développement international et les ministères économiques et financiers. Quelles sont, monsieur le secrétaire d’État, les intentions du Gouvernement pour répondre aux observations de la Cour des comptes ?

La mission d’animation économique des ambassadeurs doit s’appuyer sur des « conseils économiques. » Leur création est prévue dans les pays significatifs pour notre commerce extérieur, où les exportations françaises dépassent 50 millions d’euros. Au total, 109 postes sur les 120 concernés ont créé de tels conseils. Ceux-ci doivent être réellement représentatifs des intérêts économiques français et inclure, par exemple, les experts techniques internationaux de l’innovation, les conseillers du commerce extérieur et les chefs d’entreprise. Pouvez-nous nous informer, monsieur le secrétaire d’État, sur les dispositions prises dans ce domaine ?

Je note le concours de personnalités qui sont un peu les missi dominici des relations économiques avec des pays clés. Plusieurs de nos collègues sénateurs en font partie : Jean-Pierre Raffarin pour l’Algérie, Alain Richard pour les Balkans.

La fusion prochaine de l’AFII et d’Ubifrance devrait permettre de rendre plus cohérent le dispositif français de soutien à l’international. Pouvez-vous nous préciser les échéances et le dispositif de cette réforme ?

J’évoquerai enfin la politique des visas. Elle doit être mise au service de la croissance économique et de l’attractivité de la France. Un dispositif de délivrance des visas en quarante-huit heures est expérimenté en Chine.

La gestion des visas pour études a permis à la France de retrouver son rang de troisième pays d’accueil. Nous attendons, monsieur le secrétaire d’État, de nouveaux progrès dans ce domaine.

Enfin, il est bon d’élaborer une nouvelle structuration des différents services et acteurs à l’étranger, mais il faut qu’il y ait un retour, une étroite coopération de ces nouvelles structures à l’étranger avec les services économiques en France, qu’il s’agisse de la coopération décentralisée, des chambres de commerce et d’industrie, des chambres d’agriculture, de BPI France. Actuellement, cette tâche échoit à l’excellent réseau des conseillers du commerce extérieur. Quels sont les projets du Gouvernement dans ce domaine ?

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de terminer par un petit excursus gastronomique. Talleyrand l’avait dit : la gastronomie française est l’un des meilleurs agents de notre diplomatie. Je remarque que Singapour a été classé parmi les pays prioritaires pour l’exportation des produits français liés à la gastronomie. Voilà qui conjugue excellemment la convivialité et la diplomatie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Richard Yung et Jean-Yves Leconte applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’action extérieure de l’État est un domaine qui nous semble essentiel sur l’ensemble des travées de cet hémicycle. Il s’agit de la voix de la France dans le monde, de la présence de notre pays et de son influence dans un espace globalisé, marqué par un accroissement des crises et des tensions.

Porter la parole de la France dans ce monde en pleine mutation impose de définir nos priorités et de réexaminer notre présence dans certaines parties du monde.

Il s’agit non pas, et nous l’avons bien compris, de supprimer notre présence dans certains pays, mais bien de veiller à affirmer une présence efficace avec des moyens adéquats. Évidemment, il ne faut pas tourner le dos à ce que l’on appelle notre « héritage historique », car il est nécessaire de maintenir une présence dans des zones porteuses d’une histoire commune. Tout en maintenant une présence, il devient pertinent de la redimensionner et de procéder à des redéploiements d’effectifs en direction des zones émergentes.

La question du rythme de ces redéploiements se pose. Il semble assez lent pour certains. M. le ministre des affaires étrangères a répondu à cette critique, qu’il a jugée fondée, lors du débat à l’Assemblée nationale. Je peux comprendre certaines inquiétudes sur les mutations du réseau. Elles me paraissent légitimes, mais force est de constater que notre présence évolue différemment sans marquer un réel recul.

L’action extérieure de l’État se compose de quatre programmes. Ils sont la marque de notre compréhension des défis contemporains et de notre volonté d’y répondre de manière appropriée.

L’un des défis concerne la sécurité du monde, marqué par une succession de crises à plusieurs échelles. Il nous revient de porter une parole stable, gage d’apaisement des tensions, et de veiller à disposer des bons outils d’analyse et d’action face aux soubresauts de certaines régions.

Notre présence doit être gage de soutien à nos entreprises afin qu’elles puissent trouver de nouveaux marchés porteurs et y accéder. Ils seront ensuite autant de relais de croissance. Nous soutenons fortement la vision de la diplomatie économique portée par M. le ministre des affaires étrangères.

Notre présence est aussi un déterminant essentiel pour diffuser notre message sur la nécessité d’une régulation économique et politique à l’échelle de la planète.

Les situations encore trop nombreuses de dumping social, fiscal et environnemental doivent nous inciter à rechercher des solutions.

Dans un monde en forte mutation, la France se doit aussi de faire entendre les valeurs qu’elle défend et d’aider à la transition démocratique de certains pays. Notre capacité à constituer une force de proposition, d’une part, et à respecter nos engagements internationaux, d’autre part, est une constante de notre politique extérieure.

La crise est également multidimensionnelle : outre les conflits armés, nous devons faire face aux défis engendrés par la crise économique qui secoue la construction européenne depuis maintenant plusieurs années.

Alors qu’une nouvelle Commission vient de se mettre en place dans un contexte de questionnement des peuples sur la construction européenne et sur la pertinence des politiques économiques et sociales menées, nous devons contribuer à définir les priorités des politiques internes en hiérarchisant clairement les besoins de l’Europe. Il nous faut veiller à ce que notre influence demeure et que la voix de la France soit prise en compte dans nombre de questions lourdes de sens pour l’avenir national et européen.

L’ensemble de ces défis et la volonté de mieux répondre aux enjeux actuels justifient la réorganisation progressive des services de l’État.

Le budget présenté par le ministère des affaires étrangères est resserré, dans un contexte budgétaire contraint. Il permet cependant une réorientation de notre action vers les priorités du quinquennat. Je ne reprendrai pas le détail chiffré de toutes les actions, nos rapporteurs l’ont fort bien exposé. De fait, la grande innovation de ce budget consiste à concentrer pour la première fois l’ensemble des moyens d’influence au sein du ministère, faisant de celui-ci le bras armé de l’action extérieure de la France.

Ce budget est ainsi le premier construit dans le cadre du nouveau périmètre incluant le tourisme, via le programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », qui consacre 30 millions d’euros au fonctionnement d’Atout France.

J’insisterai pour ma part sur deux thèmes : le tourisme et les étudiants étrangers.

Pays le plus visité au monde, la France a à offrir des paysages, des cultures, une gastronomie, un art de vivre et des services non délocalisables qui participent également de nos valeurs et de nos principes. De plus, le tourisme est vecteur de paix et de partage, comme cela a été dit.

Grâce à ces nombreux atouts, nous devrions pouvoir prendre notre part dans l’accroissement de ce marché au niveau mondial, mais encore faut-il s’en donner les moyens ! Sur cette question, je partage les observations de notre collègue Jacques Legendre.

La subvention de l’État à Atout France s’élève à 30,38 millions d’euros, avant la reprise de la réserve de précaution, qui ramène le budget à seulement 28,7 millions d’euros, ce qui rend l’exercice budgétaire très tendu sur le plan de la soutenabilité pour Atout France. Michelle Demessine a déjà évoqué la diminution des crédits ; je n’y reviens pas.

J’ai deux observations à formuler sur ce qu’on appelle pudiquement la « réserve de précaution », qui est portée à 1,6 million d’euros pour 2015.

Premièrement, en cinq ans, il n’y a eu aucune levée partielle de la réserve de précaution. En cinq ans, Atout France a ainsi supporté 8 millions d’euros de réserve de précaution, auxquels s’ajoutent 2 millions d’euros de gel et 373 000 d’euros de « surgel », soit, au total, plus de 10 millions d’euros cumulés sur la période. Ce n’est plus une « réserve de précaution » : c’est bien un gel de crédits par anticipation, comme l’a fort justement souligné notre collègue Richard Yung.

Deuxièmement, la méthode utilisée pour le calcul de cette réserve de précaution m’apparaît contestable. Si l’on admet le principe de la réserve de précaution, son montant devrait être calculé sur la seule base de la subvention de l’État. Or ce n’est pas le cas, puisqu’il s’agit d’un pourcentage appliqué à l’ensemble du budget prévisionnel de la structure – dont le statut, rappelons-le, est celui d’un groupement d’intérêt économique –, laquelle complète son budget par des apports extérieurs assez importants, le rapport étant de 1 à 8, ainsi que Michelle Demessine l’a rappelé.

Cela revient à dire que plus Atout France enregistre d’adhésions, plus le GIE arrive à convaincre ses partenaires et trouve des budgets complémentaires pour la promotion de la France, plus cette structure est pénalisée par le mode de calcul choisi par Bercy pour établir le montant de cette réserve de précaution.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne pense pas que votre intention soit de pénaliser la performance. Je vous demande donc de veiller à ce que le calcul de cette réserve de précaution soit réalisé dorénavant uniquement sur la dotation de l’État, et non sur le dynamisme du groupement d’intérêt économique.

Je tiens à rappeler qu’Atout France a déjà accompli beaucoup d’efforts, puisque, il y a quelques années, nous avions souhaité par la loi – j’en étais le rapporteur – la fusion de trois services de l’État chargés de politiques touristiques et du maintien de notre réseau à l’étranger. Malgré les doutes de certains, la fusion s’est particulièrement bien passée et des économies d’échelle ont été réalisées. Mieux, Atout France a réussi cette fusion sans dommage en faisant naître un véritable esprit d’entreprise au sein de ces services remplissant des fonctions différentes, mais complémentaires, en tout cas essentielles à notre industrie touristique.

J’en viens à la question des étudiants.

Je salue le lancement, sous l’autorité de M. le ministre des affaires étrangères, du réseau social France Alumni, qui permet à des personnes ayant étudié en France de se retrouver. Le Gouvernement a accompli là un acte fort, essentiel même. Par ce geste, il montre tout l’intérêt qu’il témoigne à ces étudiants ou ex-étudiants et tente de faire oublier la trop fameuse « circulaire Guéant » du 31 mai 2011. Il est clair que les étudiants que nous recevons sont les meilleurs prescripteurs pour nos entreprises et nos meilleurs ambassadeurs. Ils seront à la manœuvre pour nos emplois de demain.

Au-delà des observations que je viens de formuler, le groupe socialiste votera évidemment les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », car elle témoigne d’une ambition pour notre pays doublée d’un sérieux budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)