Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Desessard, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je tiens à remercier les différents intervenants de la mesure dont ils ont fait preuve dans leurs propos. Ils ont admis que ce débat avait le mérite d’exister, et je sais donc gré à Mme Benbassa d’avoir déposé cette proposition de loi, qui nous a permis d’engager cette discussion.

Madame Micouleau, vous avez insisté, comme Mme Gatel et comme je l’ai fait moi-même dans mon rapport, sur le paradoxe suivant : on enregistre en France une des plus fortes consommations de cannabis en Europe alors que la répression est très forte dans notre pays. Je vous remercie d’avoir dressé ce constat, qui est bien la source du problème : la répression, si elle faisait diminuer la consommation, se justifierait plus facilement ; or il semble que, en dépit d’une répression accrue, la consommation n’en finit pas d’augmenter.

Mme Gatel et M. Forissier ont déploré sinon les lacunes, du moins les insuffisances de la prévention. Si le cannabis était légalisé, ne peut-on pas penser que la prévention s’en trouverait favorisée ? Ce qui est grave, c’est que des adultes consomment du cannabis en quantité. Comme vous l’avez signalé, monsieur Forissier, certains pays ont autorisé sa consommation, mesurée, par les adultes à des fins récréatives. Pour les adultes, donc, c’est bien la surconsommation, la consommation abusive, excessive qui est grave. En revanche, vous y avez bien insisté, la consommation de cannabis même à faible dose par les jeunes peut être grave et avoir des conséquences sur leur développement cérébral.

Madame Gatel, vous avez insisté sur la question de la dépendance. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous : le cannabis, si on le compare à d’autres drogues, n’entraîne qu’une faible dépendance – cela figure dans le rapport. De même, autant le tabac ou l’héroïne entraînent une forte dépendance, autant la dépendance au cannabis n’est pas supérieure à la dépendance à l’alcool.

Mme Françoise Gatel. Il n’empêche qu’elle existe !

M. Jean Desessard, rapporteur. M. Godefroy nous a proposé de prendre du recul, d’attendre les résultats des expérimentations menées en Uruguay et au Colorado avant toute décision – en tout cas, c’est ce que j’ai cru comprendre.

Il a aussi abordé l’aspect financier de la question. Je dois avouer que je n’ai pas compris l’argument qu’il tire de l’expérience menée au Colorado quand il déplore le surplus de recettes qu’a retiré cet État de la légalisation du cannabis. Dans la situation d’endettement dans laquelle elle se trouve actuellement, comment la France pourrait-elle se priver d’un surcroît de recettes ?

Vous l’avez dit, la consommation de cannabis entraîne des problèmes de santé. Certes, mais la consommation est aujourd’hui très importante. Et ces problèmes sont d’autant moins faciles à régler que cette consommation n’est pas légalisée. La légalisation du cannabis serait source de recettes complémentaires – à l’instar des taxes qui pèsent sur les tabacs. En même temps – et vous n’y avez fait aucune référence –, la lutte contre les mafias nécessite des moyens policiers et judiciaires très importants. De fait, la légalisation du cannabis permettrait d’éviter la constitution de ces mafias qui se sont complètement investies dans le trafic de cannabis. C’est quand même là le problème numéro un.

Mme Micouleau a souligné que la dépénalisation de la consommation du cannabis aux Pays-Bas n’avait pas fait disparaître les mafias, celles-ci s’étant adaptées. Le problème, c’est que les Pays-Bas ont fait les choses à moitié : lorsque l’on traverse un fleuve, on n’est pas en sécurité tant que l’on n’a pas rejoint la rive opposée !

M. Francis Delattre. Cela fait trente ans qu’ils sont au bord du fleuve !

M. Jean Desessard, rapporteur. Ils ont légalisé non pas la production du cannabis, mais simplement sa distribution. De fait subsiste tout un secteur gris : d’où vient le cannabis qui est légalement consommé ? C’est pourquoi il est important de légaliser la production du cannabis parallèlement à sa distribution afin d’enrayer tout phénomène de clandestinité.

M. Forissier a évoqué l’usage récréatif du cannabis autorisé dans certains pays. Je l’en remercie, même si son propos, qu’il a nuancé, ne valait pas approbation de cette mesure. Effectivement, la question est posée : quelle différence entre le cannabis et l’alcool ? Une consommation équilibrée, mesurée d’alcool peut être considérée comme récréative ; c’est son abus qui est dangereux. De la même façon, on peut penser que l’usage du cannabis par les adultes peut être récréatif, sa consommation excessive pouvant cependant être dangereuse.

Mme Micouleau a également évoqué la conduite de véhicules sous l’emprise de stupéfiants. Mais si la réaction aux tests de détection pratiqués à l’occasion d’un contrôle routier est positive trois heures après l’absorption d’alcool, elle l’est encore, s’agissant du cannabis, trois ou quatre jours après l’usage ! C’est d’ailleurs ce qui explique qu’un nombre croissant d’automobilistes soient arrêtés pour conduite sous l’emprise de cannabis. Or la dangerosité des effets de cette drogue s’atténue bien avant ces trois ou quatre jours. Il est donc nécessaire de revoir la question des tests.

Pour conclure, j’ai bien compris que la tendance générale n’était pas à l’adoption de cette proposition de loi. (Mme la secrétaire d’État le confirme avec malice.) Néanmoins, je me félicite que ce texte ait pu être examiné malgré tout dans un climat positif, et que la discussion ait progressé. Une chose dont je suis sûr, c’est que ce débat n’est pas terminé. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Claude Bérit-Débat applaudit également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

proposition de loi autorisant l'usage contrôlé du cannabis

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi autorisant l'usage contrôlé du cannabis
Article 2

Article 1er

Le livre IV de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un titre III ainsi rédigé :

« Titre III

« usage contrôlé du cannabis

« Chapitre Ier

« Dispositions générales

« Art. L. 3431-1. – Sont autorisés, dans les conditions prévues par les dispositions du présent chapitre, la vente au détail et l’usage, à des fins non thérapeutiques, de plantes de cannabis ou de produits du cannabis dont les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d’État et dont la teneur en tétrahydrocannabinol n’excède pas un taux fixé par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Les conditions d’autorisation et de contrôle de la production, de la fabrication, de la détention et de la circulation des plantes de cannabis et des produits du cannabis mentionnés au premier alinéa sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 3431-2. – Le monopole de la vente au détail des plantes et produits mentionnés à l’article L. 3431-1 est confié à l’administration qui l’exerce, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret, par l’intermédiaire de débitants désignés comme ses préposés.

« Toute revente est interdite.

« Art. L. 3431-3. – Le représentant de l’État dans le département peut prendre des arrêtés pour interdire l’installation de débits de plantes de cannabis et de produits du cannabis, à l’intérieur d’un périmètre qu’il détermine, autour :

« - des établissements scolaires et des établissements de formation ou de loisirs accueillant des mineurs ;

« - des installations sportives.

« Art. L. 3431-4. – Sont interdites :

« - la distribution ou l’offre à titre gratuit des plantes et produits mentionnés à l’article L. 3431-1 ;

« - la vente de ces plantes et produits aux mineurs. La personne qui les délivre peut exiger de tout client qu’il établisse la preuve de sa majorité ;

« - leur vente en distributeurs automatiques.

« Un débitant ne peut en aucun cas vendre à un acheteur une quantité de plantes ou de produits mentionnés à l’article L. 3431-1 supérieure à celle, fixée par décret en Conseil d’État, dont la détention est autorisée.

« Art. L. 3431-5. – L’usage des plantes et produits mentionnés à l’article L. 3431-1 est interdit dans les lieux publics, dans les lieux affectés à un usage collectif et dans les moyens de transport collectifs.

« Art. L. 3431-6. – La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des plantes et produits mentionnés à l’article L. 3431-1 est interdite.

« Les enseignes des débits de vente doivent être conformes à des caractéristiques définies par arrêté interministériel.

« Toute opération de parrainage est interdite lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité d’un produit ou d’un article autre que les plantes et produits mentionnés à l’article L. 3431-1 lorsque, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une marque ou de tout autre signe distinctif, elle rappelle ces plantes ou produits.

« Art. L. 3431-7. – Les plantes et produits définis à l’article L. 3431-1 sont vendus dans des emballages mentionnant :

« - leur composition intégrale ;

« - leur teneur en tétrahydrocannabinol.

« Ces emballages portent également un message à caractère sanitaire.

« Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe les modalités d’inscription de ces mentions obligatoires, ainsi que la méthode d’analyse permettant de mesurer la teneur en tétrahydrocannabinol et les méthodes de vérification de l’exactitude des mentions portées sur les emballages.

« Art. L. 3431-8. – L’État organise des campagnes d’information et de prévention des risques inhérents à l’usage de produits stupéfiants.

« Chapitre II

« Dispositions pénales

« Art. L. 3432-1. – Est constitutif du délit défini à l’article 222-39 du code pénal :

« - Le fait, pour toute personne, de céder ou d’offrir des plantes ou produits mentionnés à l’article L. 3431-1 sans avoir la qualité de débitant au sens de l’article L. 3431-2, ou de revendre ou d’offrir des plantes ou produits vendus par un débitant ;

« - Le fait, pour tout débitant, de vendre à des mineurs les plantes ou produits mentionnés à l’article L. 3431-1, ou de vendre à un acheteur une quantité de ces plantes ou produits supérieure à celle fixée en application du dernier alinéa de l’article L. 3431-4.

« Art. L. 3432-2. – Le fait, pour un débitant, de mettre à disposition du public un appareil automatique distribuant les plantes et produits mentionnés à l’article L. 3431-1 est puni d’une amende de 10 000 euros. L’appareil ayant servi à commettre l’infraction est saisi et le tribunal en prononce la confiscation.

En cas de récidive, un emprisonnement de 6 mois peut en outre être prononcé.

« Art. L. 3432-3. – Est constitutif du délit défini à l’article L. 3421-1 le fait, pour toute personne, de détenir des plantes ou produits mentionnés à l’article L. 3431-1 en quantité supérieure à celle fixée en application du dernier alinéa de l’article L. 3431-4, ou d’en faire usage en violation des dispositions de l’article L. 3431-5.

« Art. L. 3432-4. – Les infractions aux dispositions de l’article L. 3431-6 sont punies d’une amende de 100 000 euros. »

Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Desessard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Remplacer les mots :

par les dispositions du

par le mot :

au

II. – Alinéa 8

Après les mots :

plantes et

insérer le mot :

des

III. – Alinéa 14

Après les mots :

plantes et

insérer le mot :

des

IV. – Alinéa 15, première phrase

Après les mots :

Plantes et

insérer les mots :

de ces

V. – Alinéa 17

Remplacer les mots :

, fixée par décret en Conseil d’État, dont la détention est autorisée

par les mots :

dont la détention est autorisée par décret en Conseil d’État

VI. – Alinéa 19

Après les mots :

plantes et

insérer le mot :

des

VII. – Alinéa 20

Remplacer les mots :

doivent être

par le mot :

sont

VIII. – Alinéa 21

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Est interdite toute opération de parrainage qui, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une marque ou de tout autre signe distinctif, rappelle les plantes et les produits mentionnés à l’article L. 3431-1.

IX. – Alinéa 22

1° Après les mots :

plantes et

insérer le mot :

les

2° Remplacer le mot :

définis

par le mot :

mentionnés

X. – Alinéa 31

1° Après les mots :

céder ou d’offrir des plantes ou

insérer le mot :

des

2° Remplacer les mots :

revendre ou d’offrir des plantes ou

par les mots :

revendre ou d’offrir ces plantes ou ces

XI. – Alinéa 32

1° Après les mots :

les plantes ou

insérer le mot :

les

2° Après les mots :

ces plantes ou

insérer les mots :

de ces

XII. – Alinéa 33, première phrase

Après les mots :

les plantes et

insérer le mot :

les

XIII. – Alinéa 35

Après les mots :

plantes ou

insérer le mot :

des

XIV. – Alinéa 36

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3432-4. – Le fait de contrevenir aux dispositions de l’article L. 3431-6 est puni d’une amende de 100 000 €. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Desessard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Je précise, à l’attention de celles et de ceux qui seraient tentés de voter contre cet amendement, que son adoption ne signifie pas adoption de la proposition de loi ! Cet amendement tend simplement à améliorer la rédaction de l’article 1er.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, même si cela ne correspond pas à son avis sur l’ensemble du texte. (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l'article.

Mme Esther Benbassa. Mes chers collègues, monsieur le rapporteur, je voudrais tout d’abord vous remercier de votre présence dans cet hémicycle en ce jour important pour beaucoup d’entre vous, puisque sont désignés aujourd’hui les présidents de conseil départemental, et du sérieux qui a entouré ces débats.

Il semble bien que la Haute Assemblée ne soit pas encore prête à envisager sereinement l’autorisation de l’usage contrôlé du cannabis. Mais le débat est lancé, et je m’en réjouis. Nous ne sommes qu’au début du chemin, et certaines questions importantes ont été posées.

Dans quelques années, j’en suis certaine, nous finirons nous aussi par emprunter la voie de la légalisation de l’usage contrôlé du cannabis, voie ouverte par d’autres pays et qui a fait ses preuves. J’en ai la forte conviction tout simplement parce que nous ne pouvons continuer de fermer les yeux sur une réalité sociale dont l’ampleur ne peut plus être niée.

La consommation de cannabis ne cesse d’augmenter dans notre pays ; à cet égard, les derniers chiffres de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies sont édifiants.

Nous avons le devoir de nous saisir de ce phénomène et, quelle que soit la voie choisie, de répondre aux enjeux à la fois sanitaires et sécuritaires qui nous préoccupent.

Nous avons le devoir, quelle que soit notre orientation politique, d’élaborer une véritable politique de santé publique à destination des adolescents et des jeunes adultes, et d’apporter des réponses concrètes et pragmatiques à nos concitoyens.

Je suis ravie de voir que, malgré l’opposition à ce texte, quelques signaux positifs ont été donnés par toutes les sensibilités politiques. J’ose penser que cette proposition de loi a finalement permis une sensibilisation quant à l’usage contrôlé du cannabis. Tel était en effet l’objectif principal que visait son dépôt. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Claude Bérit-Débat applaudit également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe écologiste et, l'autre, du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 117 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 302
Pour l’adoption 13
Contre 289

Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Francis Delattre applaudit également.)

Article 1er
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Article 3 (début)

Article 2

À la première phrase de l’article L. 312-18 du code de l’éducation, les mots : « une séance annuelle » sont remplacés par les mots : « trois séances annuelles ».

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 n'est pas adopté.)

Article 2
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Article 3 (fin)

Article 3

Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de mettre aux voix l’article 3, je vous rappelle que, par cohérence avec la suppression des deux premiers articles, cet article ne devrait pas être adopté dans la mesure où il prévoit un gage. S’il est supprimé, il n’y aura plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi et il n’y aura pas d’explications de vote sur l’ensemble.

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote sur l'article.

M. Olivier Cadic. Mes chers collègues, comme beaucoup d’entre vous, je réprouve absolument sans réserve la consommation de cannabis. Il s’agit d’une drogue qui, comme chacun le sait, peut provoquer de graves dommages intellectuels, sans parler des risques de dérive vers des drogues plus dures.

Cela étant dit, il faut prendre acte de l’échec absolu de la politique de répression de l’usage du cannabis et de sensibilisation à cet égard. La réponse de la société à ce fléau ne fonctionne pas. Pourquoi ? Peut-être pensez-vous que l’on n’a pas été assez ferme en matière de répression ? Face à l’échec, notre premier réflexe est toujours de vouloir faire plus de la même chose, comme l’a démontré le sociologue Paul Watzlawick.

Comme M. Desessard, je pense qu’il est nécessaire d’agir autrement. Fumer du cannabis est un vice, que l’État doit encadrer comme il a encadré le jeu : il s’est ainsi attribué le monopole des jeux de hasard au lieu de laisser proliférer les tripots clandestins. De la même façon, il a encadré la vente d’alcool et de tabac.

Déjà, au siècle dernier, les États-Unis avaient expérimenté sans succès la prohibition de l’alcool. Dans un rapport publié en 2011, le Global Commission on Drug Policy indique que les États-Unis ont dépensé 1 000 milliards de dollars depuis 1971 dans la lutte contre les drogues. Le rapport conclut que la guerre mondiale contre les drogues a échoué. Les États-Unis sont aujourd’hui le pays où la consommation de drogue est la plus élevée au monde. La moitié de sa population carcérale est ainsi détenue pour violation de la réglementation sur les drogues.

À l’inverse, le Portugal a décriminalisé en 2001 l’usage personnel de toutes les drogues, substituant les soins à la prison. Cinq ans plus tard, cet usage avait nettement diminué chez les adolescents et le nombre de décès liés aux drogues a réduit de moitié.

Tant que le cannabis sera interdit, il attirera les jeunes par goût de la transgression et fera la fortune des réseaux mafieux ! En réalité, interdire le cannabis n’empêche pas les gens de fumer ; cela les empêche juste de respecter la loi !

C’est la raison pour laquelle j’ai voté tout à l’heure en faveur de l’article 1er de cette proposition de loi qui vise à autoriser la consommation encadrée du cannabis. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Comme l’avait souligné ma collègue Laurence Cohen lors de la discussion générale, les addictions à des substances licites ou illicites soulèvent des problèmes de santé publique, de sécurité et de « mieux vivre ensemble ».

Le cannabis défraie souvent la chronique et est également source de vives polémiques. De nombreux travaux et études en provenance du monde entier soulignent à la fois la complexité du phénomène et la nécessité de ne pas en faire un problème à part.

Au fond, il est demandé au législateur que nous sommes non seulement de mesurer tous les enjeux de ce débat, mais également de mieux faire comprendre ces derniers à l’ensemble de la société.

La loi actuellement en vigueur date de 1970 et considère l’usager de drogue, quelle que soit la substance utilisée, comme une personne dangereuse qu’il convient d’enfermer. Ce postulat a permis à de précédents gouvernements de prendre des dispositions répressives accrues.

Or, quel en a été le résultat ? Comme cela a été rappelé par divers intervenants, la seule consommation du cannabis en France, notamment chez les jeunes, est l’une des plus élevées d’Europe alors que notre pays dispose de la législation la plus répressive. Cela ne fonctionne donc pas !

Cette chasse aux consommateurs a de surcroît favorisé la multiplication des procédures juridico-policières, entraînant l’encombrement des tribunaux et des prisons par les consommateurs, au lieu de permettre à l’État de consacrer ses moyens à la lutte contre les trafics et les trafiquants.

La proposition de loi du groupe écologiste a de nouveau ouvert le débat au sein de la Haute Assemblée. C’est sans doute une bonne chose. Néanmoins, nous nous interrogeons pour notre part quant à l’angle d’attaque choisi : pour ou contre la légalisation du cannabis ?

Le groupe communiste républicain et citoyen est, quant à lui, favorable à la dépénalisation de l’usage du cannabis, ce qui permettrait à la police et à la justice de concentrer leurs efforts sur les réseaux.

Il nous semble surtout que la baisse des consommations de drogue ne peut résulter que d’une politique globale de prévention et d’une réflexion sur l’ensemble des addictions. Il y a véritablement urgence à mettre en place une politique de haut niveau de réduction des risques, avec un travail en profondeur auprès de la population, permettant une prise de conscience et une mobilisation de l’opinion.

Cela nécessite bien entendu un accroissement et un renforcement des moyens humains et financiers, ainsi qu’une volonté affirmée de développer la prévention, et donc la formation. Or rien n’est prévu dans ce domaine, que ce soit au niveau des études de médecine ou en matière de nomination des professeurs : il n’existe ainsi aucune chaire de médecine préventive.

Par ailleurs, un plan gouvernemental vient d’être lancé. S’il semble intéressant sur le papier, il risque fort de n’avoir aucun effet, faute des financements adéquats.

La lutte contre les addictions mérite une loi globale. Telle est en tout cas la conviction de notre groupe. Ne prendre qu’un aspect de la problématique est, selon nous, très réducteur et renvoie à un débat tronqué.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe CRC s’abstiendra sur cette proposition de loi.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Les trois articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble du texte n’est pas nécessaire puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi autorisant l’usage contrôlé du cannabis n’est pas adoptée.

Article 3 (début)
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