Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23, 193 rectifié bis et 647 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 27 bis est supprimé.

Article 27 bis
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Article 27 ter (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 27 ter (nouveau)

Le I de l’article L. 514-6 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les recours exercés au titre des articles L. 512-1 et L. 512-7 visant des installations d’élevage sont conditionnés à l’émission d’observations par le requérant dans le cadre de la consultation du public prévue aux articles L. 512-2 et L. 512-7-1. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 24 est présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1515 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Patrick Abate, pour présenter l’amendement n° 24.

M. Patrick Abate. L’article 27 ter, inséré par la commission spéciale, porte sur les recours contentieux visant les installations d’élevage. De tels recours ne pourraient être introduits que si le requérant a émis des observations dans le cadre de la consultation du public prévue par la législation.

Cette disposition, qui tend à prévenir les recours « abusifs », soulève de fortes objections sur le plan juridique, du point de vue du respect tant des règles constitutionnelles que de la réglementation en matière d’accès à l’information, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement. Elle apporte des restrictions à la démocratie qui justifient pleinement le dépôt d’un amendement de suppression par notre groupe.

Nous considérons en outre que ce sujet, à savoir la place de l’agriculture dans l’économie de notre pays et dans la société aux regards des enjeux environnementaux, mérite d’être traité autrement que par le biais d’une approche douteuse, au détour de l’examen d’un texte qui ressemble un peu à un fourre-tout.

La société agricole et rurale traverse une crise profonde, qui s’est manifestée violemment au cours des derniers mois, en particulier dans les urnes lors des élections municipales, européennes et départementales.

Il faut selon nous apporter des solutions permettant d’échapper à la logique du productivisme à tout crin et étudier, filière par filière, comment il est possible d’améliorer la situation, particulièrement dans les secteurs porcin et avicole, de sortir de la crise, de coordonner correctement l’action publique avec celle du monde syndical paysan, afin de préserver les emplois et de stopper le saccage des territoires ruraux, tout en respectant l’environnement.

Nous défendrons tout à l’heure d’autres amendements relevant de la même philosophie.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 1515.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais retirer cet amendement, madame la présidente, pour me rallier à celui que vient de présenter M. Abate, non parce que je souscris à l’intégralité des arguments qu’il a avancés – ce serait alors de ma part manquer de cohérence –, mais parce que j’arrive à la même conclusion que lui par une démarche autre, visant à préserver nos exigences en matière à la fois de protection de l’environnement et de participation démocratique, tout en simplifiant la vie des gens. En la matière, la précipitation n’est pas de bonne méthode.

L’article 27 ter prévoit de réserver la possibilité d’introduire des recours contre des installations d’élevage aux personnes ayant présenté des observations dans le cadre de la consultation du public préalable. Il ne me semble pas raisonnable de limiter le droit au recours, comme le fait cet article en créant un biais en faveur de celles et ceux qui auront formulé des observations au cours de la consultation du public préalable. Ce serait là à mon sens une erreur. Je suis favorable à une simplification raisonnée de notre droit, mais pas à la suppression de droits ou à une réduction des exigences. (M. Michel Le Scouarnec s’exclame.) Nous sommes en désaccord sur ce point, je le sais. En ce qui me concerne, je suis pour les droits réels, monsieur le sénateur.

Depuis tout à l’heure, nous n’avons supprimé ou allégé aucun droit, aucune exigence environnementale ; nous avons seulement procédé à des simplifications. Si nous adoptions l’article 27 ter tel qu’il est rédigé, nous amoindririons le droit au recours pour certains requérants.

Cette mesure a été examinée par le groupe de travail sur le contentieux environnemental réuni dans le cadre des travaux de modernisation du droit de l’environnement – je parle sous le contrôle de M. Alain Richard –, qui l’a jugée inopportune pour les mêmes raisons.

Le Gouvernement retire l’amendement n° 1515 et soutient l’amendement de suppression n° 24 déposé par le groupe CRC.

Mme la présidente. L'amendement n° 1515 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 24 ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je rappelle à ceux de nos collègues qui ne sont pas membres de la commission spéciale que l’article 27 ter a été introduit dans le texte de celle-ci sur l’initiative de M. Jérôme Bignon.

Cet article prévoit de subordonner la possibilité, pour les tiers, d’introduire un recours en matière d’installations d’élevage à la participation aux phases de consultation du public préalable. L’objectif est double : il s’agit, d’une part, de mieux encadrer les recours abusifs – cette question semble véritablement cruciale en matière d’installations d’élevage –, et, d’autre part, de garantir une plus grande effectivité des procédures de participation du public.

Ce dispositif lui paraissant doublement vertueux, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 24.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. On peut comprendre la tentation de ne permettre qu’à certaines personnes de saisir le juge, en raison soit de leur « flair », soit de la capacité d’initiative dont elles auront fait preuve au cours de la procédure de consultation publique, soit encore des informations qu’elles auront obtenues à cette occasion.

Quoi qu’il en soit, notre débat montre que chacun a ses projets favoris. Certains d’entre nous sont tentés de défendre des projets qu’ils considèrent comme bons ; ils soutiennent alors qu’il devrait être plus difficile de les contester. À l’inverse, une autre partie de l’hémicycle estimera que ces mêmes projets sont fâcheux et qu’il convient par conséquent de pouvoir les contester plus facilement.

J’étais sans doute absent lorsque cette mesure imprudente a été adoptée en commission spéciale. Il est vrai qu’elle est, malheureusement, proposée par certains juristes. Néanmoins, vous savez tous que les juristes forment une population disparate ! (Exclamations amusées.) Du reste, il faudrait préserver sa biodiversité, cela stimule les débats…

Je vous assure, mes chers collègues, que la première question prioritaire de constitutionnalité qui portera sur les dispositions de l’article 27 ter, si par extraordinaire elles subsistaient dans la loi, remportera un succès garanti.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.

M. Jacques Genest. On peut certes estimer que cet article conduit à une limitation du droit au recours, mais nous voyons tellement de gens dans nos régions, en particulier en milieu rural, qui exercent un recours contre un projet alors qu’ils ne sont pourtant absolument pas concernés par celui-ci ni liés au territoire… Comment justifier que des personnes habitant à mille kilomètres intentent des recours ? De telles situations sont pénibles, il n’est pas mauvais d’essayer de réguler les choses.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, je ne vois pas du tout en quoi le dispositif de l’article 27 ter limite le droit au recours contentieux. Au contraire, je trouve qu’il conforte les procédures de concertation. Comment l’enquêteur peut-il, en effet, rendre un avis sur un projet si celles et ceux qui ont vocation à s’exprimer ne le font pas au cours de la consultation ?

La rédaction proposée me semble donc parfaitement bienvenue, car elle crédibilise toutes les procédures en amont, ce qui va dans le sens d’une plus grande transparence.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Notre collègue Alain Richard a très bien expliqué comment le dispositif de cet article constituait une restriction des possibilités de recours.

Mme la rapporteur a évoqué la nécessité de prévenir les recours abusifs. Or de tels recours peuvent être engagés par des personnes ayant participé à la consultation du public préalable. Par conséquent, avec cet article, on limite non pas les recours abusifs, mais le nombre des personnes susceptibles d’introduire un recours, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Par ailleurs, M. Genest a dénoncé le fait que certaines personnes engagent des recours alors qu’elles ne vivent pas sur le territoire où doit être réalisé le projet. Mais la portée de certains projets de fermes quasiment industrielles, regroupant mille vaches ou dix mille truies, excède le cadre de l’environnement immédiat ! Il s’agit alors du projet de société, du type d’économie, du mode de développement agricole que nous voulons, de notre modèle d’alimentation, de notre rapport à l’animal ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) Eh oui, mes chers collègues ! Cela concerne l’ensemble de nos concitoyens, et pas seulement les personnes habitant à proximité du lieu d’implantation du projet.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, le recours abusif est devenu une industrie dans notre pays, notamment en matière d’urbanisme. Des gens intentent des recours à l’évidence infondés à seule fin de bloquer des projets, avec les incidences économiques que cela implique. Eu égard à la longueur des procédures devant les tribunaux administratifs, les entreprises préfèrent transiger pour obtenir le retrait de ces recours, et les requérants touchent alors des centaines de milliers d’euros ! C’est inacceptable !

Si les recours devant les tribunaux administratifs étaient jugés rapidement, il n’y aurait plus aucun problème.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Jean-Pierre Grand. En effet, les auteurs des recours abusifs jouent sur la longueur des délais. Je vous invite à transmettre le message à votre collègue la garde des sceaux, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Je suis favorable à la réduction des délais de procédure ainsi qu’à la lutte contre les recours abusifs. Cependant, je crois que la mesure proposée va trop loin et posera à l’évidence des problèmes juridiques si elle est adoptée.

Conditionner la possibilité d’introduire un recours à l’émission d’observations dans le cadre de la consultation du public n’est pas raisonnable sur le plan juridique. Notre collègue Alain Richard l’a très bien dit.

Si je comprends et partage les motivations qui sous-tendent la rédaction de cet article, celle-ci pose un véritable problème de fond au regard des principes de notre droit.

Si le Sénat adopte une telle disposition, il me paraît évident qu’elle ne prospérera pas ! En tout état de cause, cela soulèverait un véritable problème d’ordre constitutionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je soutiendrai la position défendue par la commission spéciale, car elle me semble logique. On ne peut pas prendre en otages celles et ceux qui ont l’audace de prendre des initiatives, et donc des risques. Tout est prévu dans notre droit pour que chacun puisse s’exprimer et formuler des remarques, par exemple dans le cadre des enquêtes préalables. Je trouve logique de fermer la possibilité d’intenter un recours à ceux qui sont restés silencieux durant les procédures de concertation, d’ailleurs beaucoup plus démocratiques en France que dans d’autres pays de l’Union européenne. À cet égard, j’observe qu’il existe un fort besoin d’harmonisation des règles en matière d’instruction des dossiers !

Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Mme Samia Ghali. J’irai dans le sens des propos tenus par notre collègue Jean-Pierre Grand : les recours abusifs sont un véritable problème en France ! Certains avocats voyous, je n’hésite pas à le dire, se sont fait une spécialité de bloquer des projets, ce qui nuit à l’emploi, à l’économie, voire au développement des territoires ou des quartiers. J’espère que nous pourrons traiter ce problème crucial.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

M. Patrick Abate. Comme l’a dit M. Desessard, le sujet n’est pas que technique : certains projets mettent en jeu nos choix de société et ce débat mérite d’être élargi au-delà de la seule question de la restriction du droit au recours contentieux.

Cela étant, quel intérêt y aurait-il à mettre en œuvre cette disposition ? Les personnes qui intentent un recours à seule fin de bloquer un projet le feront tout de même ! Il suffira qu’elles participent a minima à la consultation.

J’entends exprimer une vision très libérale au travers de certains propos sur les difficultés que rencontrent les investisseurs, sur la nécessité de leur simplifier la vie en limitant le droit au recours… Sur ces sujets de société, nous n’avons pas le droit de « bricoler » ainsi. Cela n’est ni raisonnable, ni même efficace !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 146 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 192
Contre 147

Le Sénat a adopté.

Mme Annie David. Très bien !

Mme la présidente. En conséquence, l'article 27 ter est supprimé.

Article 27 ter (nouveau) (début)
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Article 28

5

Nomination des membres d’une mission d’information

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission d’information sur la commande publique.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Pascal Allizard, Mme Marie-France Beaufils, MM. Alain Bertrand, François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mme Natacha Bouchart, MM. Martial Bourquin, Gérard César, Éric Doligé, Claude Kern, Georges Labazée, Joël Labbé, Jean-Baptiste Lemoyne, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Didier Mandelli, Rachel Mazuir, Robert Navarro, Cyril Pellevat, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Jackie Pierre, Daniel Raoul, Mme Sylvie Robert, M. René Vandierendonck membres de la mission d’information sur la commande publique.

6

Dépôt de rapports

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, d’une part, le projet de programme de stabilité pour les années 2015 à 2018, accompagné de l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur ce projet de programme ; d’autre part, le programme national de réforme.

Acte est donné du dépôt de ces rapports. Ils ont été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires européennes.

7

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux projets de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 15 avril 2015, et du projet de loi autorisant la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Colombie et le Pérou, d’autre part, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 15 avril 2015.

8

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 28.

Article 27 ter (nouveau) (interruption de la discussion)
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Articles additionnels après l’article 28 (début)

Article 28

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à supprimer la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles prévue à l’article L. 145-11 du code de l’urbanisme et à prévoir les modalités suivant lesquelles les unités touristiques nouvelles sont créées et contrôlées dans le cadre des documents d’urbanisme ou des autorisations mentionnées au livre IV du même code.

II. – Cette ordonnance est publiée dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.

III et IV. – (Supprimés)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, sur l'article.

M. Patrick Abate. On l’a vu, le droit de l’environnement n’est pas une matière purement technique ; il traduit des choix de société.

Notre responsabilité est de garantir le respect des exigences démocratiques et, à cet égard, recourir aux ordonnances ou engager un débat de fond au détour de l’examen d’une disposition de ce texte nous paraît quelque peu discutable.

Le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnances qu’il nous est ici demandé d’accorder au Gouvernement englobe des mesures qui tendent à une simplification des procédures au stade de l’élaboration du projet et de son éventuelle contestation en justice, là où peuvent prospérer les carences démocratiques.

En effet, limiter les possibilités de contester les projets revient à aggraver les inégalités qui existent déjà dans notre pays en matière d’accès à la justice.

Une autre difficulté tient au risque que la simplification ne conduise à un recul du droit de l’environnement.

Comme l’ont souligné certains juristes, la modernisation du droit de l’environnement n’a de sens que si elle préserve la vocation de ce droit, à savoir assurer une protection efficace de notre environnement.

Nous sommes, pour notre part, hostiles à une simplification qui serait synonyme de recul des obligations de chacun et de la protection de l’environnement. Conjuguée à d’autres dispositions du projet de loi, comme la modification des règles applicables en matière d’urbanisme commercial, cette simplification nous fait craindre un important recul de notre droit de l’environnement.

Ces difficultés nous confortent dans l’idée que, sur ces sujets, le Parlement doit pouvoir débattre d’un texte spécifique, et dans des conditions qui lui permettent réellement de le faire.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 25 est présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 453 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 25.

Mme Annie David. La commission spéciale a déjà fort heureusement restreint dans une large mesure le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnances prévu par cet article, mais le Gouvernement restera autorisé, s’il est adopté, « à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à supprimer la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles », les UTN.

La rédaction de l’article telle qu’issue des travaux de l’Assemblée nationale, que vous allez dans un instant nous proposer de rétablir, monsieur le ministre, autorisait le Gouvernement à procéder par ordonnances à des modifications d’ampleur du code de l’environnement. On ne peut pas tout à la fois organiser la conférence sur le climat à Paris et permettre au Gouvernement de procéder ainsi.

Par cet amendement, nous voulons donc aller un peu plus loin que Mme la rapporteur en supprimant toute possibilité pour le Gouvernement de légiférer par ordonnances dans le domaine de l’environnement, même en ce qui concerne les seules UTN.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 453.

M. Jean Desessard. La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale pour l’article 28 du projet de loi autorisait le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans des domaines très divers : simplification des règles d’urbanisme pour accélérer l’instruction et la délivrance des autorisations, modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets et à la participation du public, accélération du règlement des litiges relatifs aux projets ayant une incidence sur l’environnement.

La commission spéciale a considérablement réduit le champ des habilitations à légiférer par ordonnances, et nous nous en félicitons. Désormais, seules les procédures relatives aux unités touristiques nouvelles pourront être simplifiées par cette voie.

Néanmoins, le Gouvernement souhaite rétablir l’article tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. Sur la forme comme sur le fond, les écologistes, qui sont par principe hostiles au recours aux ordonnances, y sont opposés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. L’avis est défavorable sur ces deux amendements. Ils sont contradictoires avec la démarche qui a été suivie par la commission spéciale et que j’aurai à nouveau l’occasion d’exposer lors de la présentation du sous-amendement n° 1702, qui risque fort de décevoir les auteurs des amendements !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Avec votre permission, madame la présidente, je présenterai l’amendement n° 1567 tout en donnant l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 25 et 453.

L’amendement n° 1567 vise à rétablir la rédaction de l’article 28 issue des travaux de l’Assemblée nationale.

En effet, la rédaction adoptée par la commission spéciale n’autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances que des mesures relatives aux unités touristiques nouvelles, ce qui est en deçà de l’ambition initiale du Gouvernement, même si ce sujet est important.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux attirer votre attention sur l’importance de cet article 28, dans le droit fil des discussions que nous avons eues tout à l’heure sur les installations classées pour la protection de l’environnement. En effet, il s’agit de simplifier les procédures sans rien renier de nos exigences en matière environnementale, de participation du public et de traitement des recours, trois dimensions qu’il nous faut articuler avec le temps économique.

Notre débat de cet après-midi démontre pleinement que ce sont là de vrais sujets pour la vie économique. Contrairement à ce que j’ai parfois entendu dire, c’est bien de la croissance, de la possibilité d’entreprendre que nous parlons ici. L’enjeu est donc de garder les mêmes ambitions en matière de protection de l’environnement, de débat citoyen et de droit au recours, tout en s’organisant mieux et en permettant à celles et à ceux qui le veulent d’entreprendre.

J’insisterai sur quatre points clés du projet du Gouvernement.

Le premier point concerne les délais pour les avis et accords nécessaires à la délivrance des autorisations d’urbanisme. Les procédures sont aujourd’hui trop complexes, parfois du fait de l’administration. Le Gouvernement voudrait donc pouvoir encadrer les délais pour les décisions préalables à la délivrance des permis de construire, articuler les procédures liées ou concomitantes, comme cela a été fait, par exemple, pour les autorisations d’exploitation commerciale, moderniser les procédures d’autorisation des unités touristiques nouvelles, aménager les pouvoirs du juge administratif saisi en cas de refus manifestement illégal d’autorisation de permis afin de pouvoir rendre le permis directement valable, en permettant au préfet de se substituer au maire pour délivrer une autorisation en cas de jugement préalable du juge administratif d’annulation de la décision de refus d’autorisation. Ce sont là autant de mesures qui vont dans le sens d’une accélération et d’une simplification des procédures en matière d’autorisations d’urbanisme.

Le deuxième volet a trait à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des plans, programmes et projets.

Il s’agit d’abord de simplifier, en les clarifiant et en les complétant, dans le respect du droit de l’Union européenne, les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes. C’est une initiative, je le crois, que vous appelez toutes et tous de vos vœux.

À cette fin, le Gouvernement a demandé au préfet Duport de consolider, autant que le droit de l’Union européenne le permet, le principe d’une étude d’impact unique pour un même projet, de manière à éviter une multiplicité des évaluations environnementales aux différentes étapes.

Vous avez voté exactement la même mesure tout à l’heure pour les ICPE : il n’est plus possible, pour des plans, programmes et projets importants, de multiplier les études environnementales et les études d’impact. Cela ne signifie pas que l’on ne va plus en faire ou en limiter la portée, mais il n’est plus acceptable de les recommencer à chaque étape ou à chaque fois que l’on ouvre une procédure différente pour un même projet. Cela est source de pertes de temps et d’argent, ainsi que de confusion à tous les niveaux.

Il s’agit ensuite de revoir la répartition des autorités environnementales entre le niveau régional et le CGEDD, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, en fonction des documents et de transposer la directive 2011/92/UE.

Le troisième volet concerne la modernisation et la clarification des modalités de participation, de consultation et d’information du public.

D’abord, il convient de clarifier le champ d’application et les dérogations lorsqu’elles ne sont pas conformes à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Ensuite, il faut proportionner les modalités de l’enquête au type de projet, comme cela a été fait au travers de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises en ce qui concerne les « demandes de permis de construire et de permis d’aménager portant sur des projets de travaux, de construction ou d’aménagement donnant lieu à la réalisation d’une étude d’impact ».

Enfin, il convient de prévoir la possibilité de regrouper les enquêtes publiques de plusieurs projets ou plans dans des cas à définir.

Quatrièmement, il s’agit d’accélérer le traitement des recours introduits devant le juge administratif.

Il serait dommage de tout « sabrer », au motif que le Gouvernement demande à pouvoir procéder par ordonnances. Nous risquons de perdre deux ou trois ans dans le traitement de ces questions importantes, alors que nous avons la possibilité d’avancer, sur la base d’un rapport dont une version provisoire a été présentée à la fin de l’année dernière et qui est en voie de finalisation. Des travaux complémentaires portant sur plusieurs des points que j’ai évoqués ont été demandés au préfet Duport.

Sur ces sujets sensibles, j’ai bien compris que certains d’entre vous nourrissaient parfois un sentiment de défiance à l’égard du Gouvernement et de l’administration.