M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je serai très bref, monsieur le président.

Tout d’abord, il faut raisonner en fonction des étapes d’élaboration de ce texte, qui n’est pas un texte gouvernemental. Il s’agit d’une proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale, résultat d’un travail transpartisan de deux parlementaires appartenant, pour l’une, à la majorité, pour l’autre, à l’opposition.

Il ne faut pas attribuer au Gouvernement la rédaction d’un texte qui est le résultat du travail approfondi et non partisan de vos collègues de l’Assemblée nationale ! J’y insiste, parce que les présentations qui ont été faites, notamment par M. le rapporteur, pourraient laisser accroire que le Gouvernement, dans la plus grande précipitation et pour corriger les effets collatéraux du projet de loi relatif au nouveau découpage des régions, présente un second texte modifiant les conditions d’inscription sur les listes électorales. Or ce n’est pas ce qui s’est passé.

Voilà les faits : le Gouvernement a fait délibérer le Parlement sur un texte relatif aux régions, dont l’examen a donné lieu à des débats nombreux, riches et denses. Avant même la fin de cette discussion, le Parlement a engagé une réflexion sur l’inscription sur les listes électorales afin de lutter contre l’abstention.

Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté : nous ne discutons pas d’un texte dont l’initiative revient au Gouvernement, mais d’une proposition de loi qui émane de vos collègues de l’Assemblée nationale. Il n’est donc pas le résultat de la réflexion d’un groupe contre un autre, mais d’une réflexion commune de la majorité et de l’opposition concernant les modalités d’inscription sur les listes électorales en vue de lutter contre l’abstention.

Néanmoins, cela n’empêche pas le Gouvernement d’exprimer sa position sur cette proposition de loi, laquelle est la suivante : Si nous voulons faciliter l’inscription sur les listes électorales et lutter contre l’abstention, nous devons « faire simple ». Si nous rendons impossible la mise en application de cette proposition de loi à travers des délais et des conditions de mise en œuvre difficiles, nous n’obtiendrons aucun résultat.

Je comprends la philosophie des amendements présentés par la commission des lois, ainsi que la position de M. le rapporteur ; je dirai même que je les partage. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement présentera, à la suite de l’examen du présent texte, un projet de loi visant à garantir la généralisation des conditions proposées par la commission des lois du Sénat.

Je veux attirer votre attention sur un autre point. Si vous adoptez cette proposition de loi telle que modifiée par les amendements de la commission des lois, ce texte ne pourra pas être mis en œuvre avant les élections régionales. En effet, du fait de la navette parlementaire, le risque existe que nous n’ayons pas le temps de prendre les décrets d’application dans les délais adéquats.

L’opinion et le tohu-bohu médiatique ne feront pas la part des responsabilités et retiendront uniquement que la classe politique dans la pluralité de ses composantes, Gouvernement et Parlement confondu, n’a pas mis en œuvre les conditions nécessaires pour faciliter l’inscription sur les listes électorales des personnes désireuses d’aller voter. Dans le contexte actuel, cela me semble être un bien mauvais signal.

Même si je comprends et partage vos préoccupations, nous devons prendre en compte les éléments que je viens d’évoquer. Je vous propose donc de revenir au texte issu de l’Assemblée nationale, de façon à avoir un vote conforme. J’avais d’ailleurs fait part au président de la commission des lois, avant même que celle-ci ne se réunisse, des préoccupations du Gouvernement sur cette proposition de loi.

Si un vote conforme avait lieu, nous pourrions prendre immédiatement les décrets, et ceux de nos concitoyens qui ne peuvent pas voter actuellement pourraient le faire. Une telle mesure n’irait absolument pas à l’encontre des préoccupations du rapporteur, bien au contraire. Je m’engage en effet, au nom du Gouvernement – le compte rendu en fournira la preuve écrite –, à répondre au travers d’un projet de loi ultérieur à l’ensemble des points qu’il a évoqués.

Le même compte rendu témoignera de nos positions respectives, car il faudra ensuite s’expliquer sur les raisons qui auront conduit à faire capoter ce texte !

En conclusion, je demande donc que l’on en revienne à la rédaction de l’Assemblée nationale, sans guère d’illusion d’y parvenir, et que l’on permette, par un vote conforme, aux électeurs de s’inscrire sur les listes électorales avant la fin de l’année. Nous généraliserons ensuite ce dispositif dans un second texte qui tiendra compte des préoccupations du rapporteur. On ne peut pas faire plus consensuel !

Moi aussi, j’ai lu Tocqueville, monsieur le rapporteur, et j’aime particulièrement l’esprit d’équilibre qui préside à ses écrits. Je suis convaincu que nous pouvons, nous aussi, trouver le bon équilibre sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Monsieur le ministre, les raisons pour lesquelles je ferais « tout capoter », pour reprendre votre expression, je les ai données : elles sont essentiellement de principe. En exprimant ainsi mon point de vue, je suis dans mon rôle de rapporteur !

J’entends bien que le présent texte n’est pas gouvernemental, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi ; mais vous avouerez que c’est tout de même bien imité !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale. Avant de passer à l’examen des amendements, je tiens à revenir sur les arguments qui ont été échangés.

Le travail de la commission des lois n’a pas consisté à créer une nouvelle voie d’évolution des listes électorales en cours d’année ! Nous avons simplement voulu permettre aux personnes déménageant en cours d’année pour un motif non professionnel de bénéficier de la procédure qui existe déjà pour celles déménageant en cours d’année pour un motif professionnel. Le débat doit donc être ramené à de justes proportions.

En effet, le dispositif prévu par cette proposition de loi concerne uniquement la catégorie des personnes que je viens d’évoquer, qu’il faut faire entrer « dans les mailles du filet » et qui est souvent oubliée au moment où les commissions communales se réunissent pour réviser les listes électorales.

Nous poursuivons donc le même objectif que celui figurant dans la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale. Le mérite que nous avons, c’est de proposer une disposition permanente, et non pas exceptionnelle, qui se greffe sur un dispositif existant. Par conséquent, les obstacles que vous avez évoqués, monsieur le ministre, découlent d’ores et déjà du texte initial, dont nous élargissons simplement le champ d’application.

Cette extension ne mérite pas un long débat de principe, car nos intentions sont les mêmes que celles énoncées par le Gouvernement et retenues par les députés. L’intérêt du dispositif que nous proposons a simplement le mérite de ne pas être dérogatoire et de s’inscrire dans une procédure maîtrisée et connue.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales
Article 2 (supprimé)

Article 1er

Au 2° bis de l’article L. 30 du code électoral, les mots : « pour un motif professionnel autre que ceux visés aux 1° et 2° » sont supprimés.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1 est présenté par M. Kaltenbach et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L’amendement n° 4 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

Par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 16 du code électoral, les listes électorales font l’objet d’une procédure de révision exceptionnelle en 2015. Les demandes d’inscription sont recevables jusqu’au 30 septembre 2015.

Pour la mise en œuvre du présent article, les articles L. 11 à L. 40 du même code sont applicables.

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l’amendement n° 1.

M. Philippe Kaltenbach. Le débat a été largement engagé. Nous avons un objectif commun, du moins affiché, mais proposons deux dispositifs différents, donc chacun présente des avantages. Le groupe socialiste a choisi de revenir au texte tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale, pour les raisons brillamment exposées par M. le ministre. J’ajouterai quelques éléments à son propos.

M. le rapporteur et M. le président de la commission insistent sur le caractère pérenne de leur proposition. Quant à M. le ministre, il a confirmé la présentation avant la fin de l’année d’une proposition de loi, laquelle est en cours d’élaboration consensuelle par une députée socialiste et un député UMP et vise à améliorer le système d’inscription électorale afin de le rendre pérenne, définitif et efficace. Ce sera le fruit d’un long travail s’appuyant sur des considérations techniques, qui rendra possible in fine, à partir de 2016, l’inscription sur les listes électorales jusqu’à un mois avant le scrutin.

M. le rapporteur nous propose, et cette position a été majoritaire en commission, d’étendre le champ d’application de l’article L. 30, lequel prévoit une procédure d’urgence très peu appliquée et réservée à des cas particuliers.

Je suis certain que même les parlementaires ne connaissent pas tous cette possibilité de s’inscrire sur les listes électorales en cours d’année pour les personnes déménageant pour un motif professionnel !

Chaque année, vers le 31 décembre, des campagnes massives d’information sont lancées pour inciter nos concitoyens à s’inscrire sur les listes électorales. Ils sont ainsi maintenus dans la croyance qu’il est impossible de s’inscrire sur les listes électorales après le 31 décembre. Voilà qui explique pourquoi les dérogations spécifiques prévues à l’article L. 30 sont très peu mises en œuvre.

À l’inverse, dès lors que la proposition de loi sera adoptée et que l’on en parlera dans les médias, les demandes d’inscription seront bien plus nombreuses, puisque nos concitoyens sauront alors que le 31 décembre n’est pas une date butoir et qu’une possibilité leur est ouverte. Nous connaîtrons alors un afflux de demandes d’inscription, ce qui risque d’engorger le système, même si les élections régionales sont moins suivies que l’élection présidentielle.

Actuellement, on compte six millions de mal inscrits. Par conséquent, même si 10 % seulement d’entre eux s’inscrivent dans leur commune de résidence, cela créera une masse de dossiers presque impossible à traiter, en particulier dans les petites communes où les maires seront directement confrontés à ces difficultés. Nous devons donc être très prudents sur ce point et prendre en compte ces arguments techniques.

Pour ne pas décevoir l’attente de nos concitoyens, votons ce texte tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale !

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 4.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement est d’une très grande simplicité, puisqu’il vise au rétablissement du texte tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Vous vous en doutez, la commission est défavorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

M. Patrick Abate. Nous avons effectivement un problème à régler en vue des élections régionales. Pour que les listes électorales correspondent le plus étroitement possible au corps électoral, nous devons y intégrer les mouvements intervenus depuis janvier 2015. C’est un premier argument qui nous fera voter en faveur de ces amendements.

Deuxième argument, nous refusons de légiférer dans l’urgence. S’agissant de ce problème central pour notre démocratie qu’est la participation des citoyens aux élections, nous souhaitons reporter le débat de fond à une année pleine, sans élection.

Nous prenons donc acte de l’engagement pris par M. le ministre. Nous espérons que nous pourrons alors débattre de façon approfondie, non seulement des aspects techniques de l’inscription sur les listes électorales, mais aussi, le plus calmement et le plus démocratiquement possible, des problématiques liées au vote blanc, au développement de la démocratie participative et locale, et à la prise en compte du vote des étrangers.

Tous ces sujets ne pourront être examinés que dans le cadre d’une discussion nourrie et sereine, lors d’une année non électorale. Par conséquent, nous voterons en faveur de la rédaction adoptée par nos collègues députés.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Nous ne voterons pas ces amendements.

Je suis surpris d’entendre dire que le Sénat bloquerait tout en ne votant pas conforme le texte issu de l’Assemblée nationale. Cela revient à nous montrer du doigt et, si les choses se passent mal, à nous en incomber la faute.

M. Philippe Kaltenbach. Il faut assumer !

M. Jean-François Longeot. Ce n’est pas nous qui avons modifié les règles du scrutin, changé les dates, ou convoqué les électeurs aux élections départementales sans leur expliquer ce pour quoi ils allaient voter et quelles fonctions allaient occuper les nouveaux conseillers départementaux ! Je rappelle, en effet, que le projet de loi NOTRe viendra en deuxième lecture au Sénat seulement la semaine prochaine.

Si l’on veut un texte de consensus, il faut éviter de nous culpabiliser ! Comme l’a souligné M. le rapporteur, il est important que le bicamérisme fonctionne et que l’on nous permette de nous exprimer.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai le plus grand respect pour le bicamérisme et pour le travail des sénateurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me permets d’appeler l’attention du Sénat sur certaines de ses positions et sur les conséquences qu’aurait le vote de certains de ses amendements sur la mise en œuvre opérationnelle de divers processus.

Être attaché au bicamérisme et être désireux de voir reconnue sa responsabilité politique, cela implique d’assumer les conséquences de ses votes.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Tout à fait !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il n’est pas dans mon intention de dramatiser les choses, mais, en l’absence d’un vote conforme, il sera beaucoup plus difficile – je ne dis pas que ce sera impossible – de mettre en œuvre les dispositions contenues dans ce texte avant la fin de l’année. Et comme je souhaite lutter contre l’abstention en permettant au plus grand nombre de s’inscrire sur les listes électorales, objectif simple et lisible auquel peuvent souscrire de très nombreux Français de toutes sensibilités, je me dois de dire au Sénat que, si l’on n’en revient pas au texte de l’Assemblée nationale, il sera beaucoup plus difficile, pour ne pas dire impossible, d’atteindre ce but.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 4.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 187 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 139
Contre 204

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote sur l’article.

M. Philippe Kaltenbach. Le groupe socialiste votera contre cet article 1er, dont la rédaction demeure celle de la commission puisque notre amendement n’a pas été adopté.

Nous considérons en effet que la solution retenue ne sera pas du tout opérationnelle. Nos concitoyens souhaitant s’inscrire sur les listes électorales attendent le vote du Parlement. M. le ministre disait tout à l’heure que, si cette possibilité leur était refusée in fine, l’ensemble de la classe politique serait montrée du doigt. Je vous dis, quant à moi, que c’est la responsabilité du Sénat qui sera engagée : c’est lui qui sera montré du doigt, car il n’aura pas ouvert une possibilité supplémentaire de s’inscrire sur les listes électorales.

Il est vrai que cette possibilité ne réglerait pas tout ; si elle devait entrer demain en vigueur, j’en conviens, le taux de participation n’atteindrait pas d’un seul coup 90 %. Néanmoins, elle répond à un objectif que nous partageons tous, celui d’une démocratie plus accomplie.

Je le répète, nos concitoyens auront du mal à comprendre les raisons du blocage par le Sénat de cette évolution.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il ne bloque rien du tout !

M. Philippe Kaltenbach. Certains ne veulent pas d’un vote conforme. Bien évidemment, aucun d’entre nous ne prétendra que le Sénat doit, à chaque fois, voter conformes les textes adoptés par l’Assemblée nationale ; le cas échéant, notre assemblée, tout le monde en conviendra, ne servirait pas à grand-chose. A contrario, il ne faudrait pas, au nom du bicamérisme, que le Sénat se garde systématiquement de voter conforme les textes.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. On a compris !

M. Philippe Kaltenbach. En cas d’accord sur le fond, lorsqu’on estime que la solution proposée est techniquement bonne,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ne soyez pas mauvais joueur !

M. Philippe Kaltenbach. … il ne faut pas bloquer les choses par principe et renoncer à un vote conforme si c’est la solution la plus efficace et la plus utile.

M. Collombat nous dit que, justement par principe, il ne veut pas de vote conforme. Pourquoi s’en priver si cela permet, en outre, d’aller plus vite et d’envoyer un message à nos concitoyens en offrant rapidement cette possibilité supplémentaire d’inscription sur les listes électorales ?

Il n’est pas dans mon propos de pointer du doigt l’un ou l’autre parmi nous, mais faire de la politique, c’est aussi assumer des responsabilités. Il faut en être bien conscient avant de procéder au vote, il existe un risque important qu’in fine cette mesure prévue au bénéfice de nos concitoyens par cette proposition de loi ne puisse pas entrer en vigueur en septembre.

Je le répète, le groupe socialiste votera contre l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote sur l'article.

M. Yves Détraigne. Vous me connaissez, je n’ai pas pour habitude de prendre la parole toutes les deux minutes dans cette enceinte, mais je tiens à réagir aux propos qui viennent d’être tenus à l’instant.

Si nous en sommes là, c’est parce que la majorité gouvernementale a procédé à des modifications en veux-tu en voilà des modes de scrutin et du calendrier électoral.

M. Mathieu Darnaud. Bien sûr !

M. Yves Détraigne. Nous essayons simplement de rattraper les dégâts collatéraux. Par conséquent, nous ne pouvons pas accepter ce que vient de dire notre collègue Philippe Kaltenbach !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le sénateur, pouvez-vous m’indiquer en quoi, et à quel moment, le mode de scrutin des élections régionales a été modifié ?

M. Yves Détraigne. Vous avez modifié la date ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le sénateur, il s’agit d’autre chose… Par respect pour le Sénat, permettez-moi de vous répondre précisément.

Vous dites que nous avons modifié le mode de scrutin des élections régionales ; dites-moi à quel moment ! Nous ne l’avons jamais modifié.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Vous avez modifié les circonscriptions !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est encore autre chose, monsieur le rapporteur : modifier les circonscriptions, ce n’est pas modifier le mode de scrutin. Je le répète, s’agissant des élections régionales, celui-ci demeure inchangé. Pour la qualité de nos échanges, je m’efforce d’être très précis !

Par ailleurs, monsieur Détraigne, vous dites que la date de scrutin a été modifiée. Si nous l’avons fait, c’est pour des raisons techniques sur lesquelles je me suis expliqué ; ce n’est pas par perversité mentale ou par volonté d’influer sur le résultat du scrutin. Ce sont des considérations de nature budgétaire et technique qui, par souci d’une bonne administration des collectivités locales, nous ont obligés à procéder de la sorte. Je vous prie de croire en ma sincérité.

À un moment donné, il faut bien soulever la question de l’inscription sur les listes électorales, qui n’a rien à voir avec la date des élections ; c’est un problème de principe, comme l’a dit M. le rapporteur : veut-on faciliter l’inscription sur les listes électorales, nonobstant le type d’élection, nonobstant le mode de scrutin, nonobstant la date des échéances électorales, de ceux qui jusqu’à présent n’ont pas pu s’y inscrire compte tenu des règles en vigueur ? Dans l’affirmative, il faut voter ce texte conforme. À défaut, ce sera plus compliqué.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote sur l’article.

M. Daniel Gremillet. Je partage l’avis de notre collègue Yves Détraigne et je suis moi aussi étonné par les propos qui viennent d’être tenus. Laisser croire que c’est le Sénat qui empêcherait l’expression démocratique dans notre pays, c’est quand même pousser le bouchon un peu loin !

Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit au sujet des élections départementales. Comme d’autres parmi nous, je suis élu régional. Le présent texte a pour objet de permettre la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales, dans la perspective des élections régionales qui se tiendront à la fin de l’année. Au moment où les électrices et les électeurs exerceront leur devoir démocratique et glisseront dans l’urne leur bulletin de vote, on connaîtra, avec un peu de chance, les compétences des régions, mais on ignorera les moyens budgétaires dont elles disposeront pour mener à bien leurs projets.

Dans notre pays, nous sommes en permanence soumis à l’urgence et à la procédure accélérée. Conservons notre calme, gardons les pieds sur terre, et respectons nos électrices et nos électeurs ! Pour ma part, j’approuve la proposition de la commission des lois, dont le travail raisonné s’inscrit dans un processus de fond visant à revoir l’architecture des listes électorales et non pas dans un processus d’urgence. Je voterai donc cet article 1er.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. À ce stade du débat, mon devoir est d’essayer de rassurer le ministre de l’intérieur, que j’ai senti inquiet…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Très inquiet ! (Sourires.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … quant aux conditions de mise en œuvre de cette proposition de loi si elle devait être adoptée dans sa rédaction issue des travaux de la commission.

Monsieur le ministre, nous allons examiner dans un instant deux amendements identiques visant à rétablir l’article 2 dans sa rédaction initiale, lequel prévoyait qu’un décret en Conseil d’État déterminerait les règles et les formes de l’opération prévue à l’article 1er.

La commission des lois ayant supprimé, par coordination avec la position qu’elle a adoptée à l’article 1er, l’article 2, ce décret est devenu inutile dès lors qu’il est possible, aux termes du texte qu’elle a adopté, de s’inscrire à tout moment de l’année sur les listes électorales d’une commune, même si le déménagement ne résulte pas d’un motif professionnel.

Ce cadre est celui qui est actuellement en vigueur. Par conséquent, monsieur le ministre, cette solution vous permettra de gagner non pas simplement quelques semaines, mais peut-être un mois et demi, voire deux mois, compte tenu de l’encombrement du Conseil d’État.

La loi, si vous faites en sorte que la commission mixte paritaire se réunisse dans les meilleurs délais, pourra s’appliquer sans qu’il soit nécessaire de prendre des textes d’application. Naturellement, vous pourrez toujours éclairer, par une circulaire, les services préfectoraux et l’ensemble des services qui contribueront à la mise en œuvre de la loi. Cette circulaire sera de mon point de vue aisée à rédiger puisque, je le répète, il s’agit simplement d’étendre le champ d’application d’une disposition permanente qui nous est familière, à savoir l’inscription en cours d’année sur les listes électorales.

Ainsi, grâce à une promulgation rapide de la loi, point de décret en Conseil d’État, mais une simple circulaire, et ceux qui en sont privés aujourd’hui pourront, grâce à un travail qui n’est pas de circonstance, s’inscrire quand ils le souhaitent – et même en cours d’année – sur les listes électorales, sans attendre la mise en œuvre au mois de décembre de la lourde procédure de la révision des listes électorales.

J’espère, monsieur le ministre, vous avoir apporté les apaisements utiles, sur le plan juridique et de la pratique administrative, concernant la mise en œuvre d’une disposition qui sera directement applicable du seul fait de sa promulgation.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je remercie beaucoup M. le président de la commission de son intervention : comme toujours, son souci est d’atteindre le but de façon constructive. Cette relation est d’ailleurs emblématique de ce qui nous caractérise l’un et l’autre. Je suis en effet dans son opposition dans le département de la Manche, alors que c’est l’inverse ici : cette situation apprend à discuter et à travailler ensemble de façon positive. (Sourires.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Cela peut s’inverser…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je comprends parfaitement votre argument, monsieur le président de la commission, mais il pose une petite difficulté. En effet, si nous prenons la mesure telle que vous l’envisagez, nous ne pourrons pas procéder à l’adaptation du dispositif INSEE dans le délai imparti. Votre proposition est certes plus simple, je ne le conteste pas, mais elle est plus fragile opérationnellement.

En cas d’afflux des demandes, nous devrons faire face à des problèmes de doublons susceptibles de compromettre la fiabilité des modalités d’inscription sur les listes électorales et de créer un bug national considérable. En outre, toute la charge de l’organisation de ces inscriptions pèsera sur les maires, qui subiront la pression exercée en ce sens par l’assemblée délibérante des collectivités territoriales.

Les propos que vous tenez avec M. le rapporteur sont donc exacts, ce dispositif est plus simple. En revanche, il est moins sûr. Or nous voulons qu’il soit, à la fois, simple et sûr. Il ne faudrait pas que ce que nous gagnons en simplicité, nous le perdions en sûreté.

Le désaccord entre nous n’a donc rien de politique, il est seulement technique. La mesure de simplification que vous proposez, j’en suis convaincu, nous ferait prendre un risque considérable.