Sommaire

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

Secrétaires :

MM. Bruno Gilles, Jean-Pierre Leleux.

1. Procès-verbal

2. Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois

M. Mathieu Darnaud

M. Philippe Kaltenbach

Mme Esther Benbassa

M. Patrick Abate

M. David Rachline

M. Yves Détraigne

M. Guillaume Arnell

M. Cyril Pellevat

M. Bernard Cazeneuve, ministre

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur

M. Bernard Cazeneuve, ministre

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

Clôture de la discussion générale.

Proposition de loi tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales

Article 1er

Amendements identiques nos 1 de M. Philippe Kaltenbach et 4 du Gouvernement. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.

M. Philippe Kaltenbach

M. Yves Détraigne

M. Bernard Cazeneuve, ministre

M. Daniel Gremillet

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

M. Bernard Cazeneuve, ministre

Adoption de l’article par scrutin public.

Article 2 (supprimé)

Amendements identiques nos 2 de M. Philippe Kaltenbach et 5 du Gouvernement. – Retrait des deux amendements.

L’article demeure supprimé.

Intitulé de la proposition de loi

Amendements identiques nos 3 de M. Philippe Kaltenbach et 6 du Gouvernement. – Retrait des deux amendements.

Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

3. Parrainage civil. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Yves Daudigny, auteur de la proposition de loi

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

M. Alain Richard

Mme Esther Benbassa

Mme Cécile Cukierman

M. Jean-Claude Requier

M. Didier Mandelli

M. Joël Guerriau

Mme Nicole Duranton

M. Daniel Chasseing

Clôture de la discussion générale.

Proposition de loi relative au parrainage républicain

Articles 1er à 3 – Adoption.

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

4. Questions d’actualité au gouvernement

réforme du collège

Mmes Danielle Michel, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

réforme du collège

M. Jean-Marie Bockel, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

réforme du collège

M. Gérard Longuet, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

quotas de migrants

MM. Jean-Claude Requier, Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

amiante

Mme Aline Archimbaud, M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

réforme du collège

Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

cop 21 (convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques)

MM. Jean-Yves Roux, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

réforme du collège

Mmes Colette Mélot, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

régime social des indépendants

M. Alain Joyandet, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

budget de la culture

Mmes Maryvonne Blondin, Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Suspension et reprise de la séance

5. Pouvoirs de police à Paris. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Yves Pozzo di Borgo, auteur de la proposition de loi

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Mme Leila Aïchi

M. Christian Favier

M. Gilbert Barbier

M. David Rachline

M. Joël Guerriau

M. Roger Madec

M. Pierre Charon

M. Philippe Dominati

Clôture de la discussion générale.

Articles 1er à 3 – Adoption.

Vote sur l'ensemble

M. Roger Madec

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.

6. Métropole de Lyon. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

M. Claude Kern

M. Gérard Collomb

M. François-Noël Buffet

M. Ronan Dantec

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Amendement n° 2 de M. François-Noël Buffet. – Retrait.

Amendement n° 3 rectifié bis de M. François-Noël Buffet ; sous-amendements nos 5 de M. Gérard Collomb et 6 de la commission. – retrait du sous-amendement n°5 ; adoption du sous-amendement n° 6 et de l’amendement modifié.

Article additionnel après l'article unique

Amendement n° 4 de M. François-Noël Buffet. – Retrait.

Adoption de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

vice-président

Secrétaires :

M. Bruno Gilles,

M. Jean-Pierre Leleux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales
Discussion générale (suite)

Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales (proposition n° 375, texte de la commission n° 441, rapport n° 440).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales
Article 1er

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi vise à permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015 en revenant, de façon exceptionnelle, sur le principe de révision annuelle des listes électorales prévu par l’article L.16 du code électoral.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi s’inscrit naturellement dans le prolongement des travaux récents du Parlement : d’abord, le vote de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, qui a reporté les élections régionales au mois de décembre prochain ; ensuite, les travaux de la mission d’information menée par les députés Mme Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann, que je veux remercier chaleureusement devant vous pour la qualité du travail accompli ensemble, de façon transpartisane.

Leur rapport conjoint, remis à la mi-décembre, formulait vingt-trois préconisations. Il est remarquable à plus d’un titre et je voudrais en souligner particulièrement deux.

Premièrement, il analyse avec justesse la complexité et les contraintes pesant sur le calendrier d’inscription sur les listes électorales.

Deuxièmement, il met en exergue l’impact massif de l’éloignement de certains électeurs potentiels de l’institution électorale. On estime aujourd'hui, en effet, à 3 millions le nombre de personnes non inscrites et à 6,5 millions le nombre de personnes mal inscrites.

Toutes les élections récentes, y compris les élections départementales de mars dernier, ont démontré combien il y avait urgence à faire face au fléau de l’abstention. Cette dernière est d’autant plus inquiétante qu’elle frappe davantage les jeunes : au premier tour des élections départementales, le dimanche 22 mars dernier, le taux d’abstention, de 49 % pour l’ensemble du corps électoral, atteignait 64 % chez nos concitoyens âgés de moins de trente-cinq ans. Et cette abstention – c’est l’avis du Gouvernement, et vous êtes nombreux à le penser aussi ici– mine totalement la démocratie.

Dans la perspective des élections régionales de la fin de l’année, il y a urgence à agir, et c’est pourquoi le Gouvernement souhaite accompagner la proposition de loi. Et il y a d’autant plus urgence à agir que c’est la première fois depuis 1965 qu’un scrutin aura lieu à la fin de l’année. Ce n’est ni le lieu ni le jour de refaire la réforme territoriale qui a, depuis, été adoptée. Je me contenterai de rappeler que la date de ce scrutin permettra aux nouveaux conseils régionaux fusionnés de se mettre en place au 1er janvier, seule date susceptible d’intégrer les contraintes budgétaires et fiscales qui pèsent sur les collectivités.

Afin de tenir compte du caractère exceptionnel de la date de ce scrutin, il fallait donc une mesure qui fût aussi exceptionnelle. On ne peut pas s’indigner, le soir de chaque élection, de la faiblesse du taux de participation et ne rien faire pour lutter contre ce fléau !

La députée Mme Élisabeth Pochon a pris l’initiative d’agir, et je l’en remercie. Sans l’adoption de cette proposition de loi, les élections de décembre 2015 se feraient sur la base des demandes d’inscription déposées près d’un an avant, au 31 décembre 2014, soit avec un décalage flagrant et préjudiciable. Nous devons donc y remédier !

Le code électoral prévoit déjà, à l'article L. 30, des dérogations permettant une inscription en dehors des périodes de révision annuelle des listes, notamment pour les électeurs déménageant pour motif professionnel.

Les Français qui auront déménagé entre le 31 décembre 2014 et l’été 2015 pour des motifs qui ne sont pas professionnels sont toutefois très nombreux. Ne pas leur permettre de s’inscrire sur les listes électorales risquerait de provoquer un profond mécontentement et un décalage de la démocratie avec les réalités de notre société, de plus en plus marquée par la mobilité.

Ainsi, le rapprochement entre la date butoir d’inscription sur les listes électorales et le moment où se déroule le scrutin permettra d’obtenir un corps électoral plus sincère, basé sur des listes électorales plus représentatives.

Dès lors, non seulement le Gouvernement soutient cette proposition de loi, mais il appelle à la vigilance quant à la nécessité d’adopter cette initiative dans les meilleurs délais pour en permettre l’application.

Les communes attendent en effet les instructions des préfectures sur les mesures à mettre en œuvre pour préparer cette révision exceptionnelle. Or ces instructions nécessitent le vote d’une loi, la publication d’un décret d’application, ainsi qu’un travail étroit avec l’Association des maires de France et l’INSEE.

En revanche, le Gouvernement ne peut soutenir les amendements qui ont été adoptés par la commission des lois du Sénat et souhaite un retour au texte initial.

En effet, le dispositif proposé aujourd’hui consiste à généraliser l'article L. 30 du code électoral, qui permet d’ores et déjà à certains électeurs de s’inscrire jusqu’à dix jours avant le scrutin. Dix jours, c’est bien moins que l’engagement présidentiel de trente jours, me direz-vous. Cependant, si le Président de la République n’a pas pris un tel engagement, c’est tout simplement qu’il n’était pas tenable. Dans les conditions actuelles, contrairement à ce que propose la commission, le dispositif ne peut être généralisé, et ce pour des raisons purement techniques et nullement politiques.

En effet, un tel délai ne permet pas de procéder à une vérification de la capacité électorale et de prévenir les doubles inscriptions. Contrairement à la révision annuelle, l'article L. 30 ne permet pas aux mairies de saisir l’INSEE, qui n’est pas mobilisée dans ce dispositif d’urgence. Les mairies n’ont en réalité que cinq jours pour inscrire les électeurs sur les listes ainsi que sur le tableau de rectification, dit « tableau des cinq jours », publié cinq jours avant le scrutin. Il en résulte en conséquence des inscriptions soit doubles, soit indues, dont l’existence n’est soutenable que si elle est limitée.

Par ailleurs, le dispositif de l'article L. 30 ne fonctionne que si les flux sont limités. Si les demandes sont nombreuses, ce qui est potentiellement le cas, et que les dispositions prévues à l'article L. 30 sont généralisées, les mairies auront des difficultés à y faire face, et les demandes d’inscriptions ne seront donc pas correctement traitées.

Par conséquent, si nous voulons apporter une réponse exceptionnelle au scrutin du mois de décembre 2015, il faut préserver le nécessaire échange d’informations entre les communes et l’INSEE, qui permet de fiabiliser les inscriptions et les radiations.

C’est pourquoi le Gouvernement soutient la réforme initialement présentée dans la proposition de loi. Ces deux mois, préservés entre le début du mois d’octobre et la fin du mois de novembre, constituent un minimum incompressible. Ce délai exigera déjà beaucoup de l’INSEE et des communes. Or je connais l’attention que la Haute Assemblée porte aux communes et son souci de ne pas voir leur charge inutilement alourdie.

Si nous voulons réduire ce délai, nous devons changer le système. Telle est d’ailleurs bien la volonté du Gouvernement. Je le redis ici sans ambiguïté, notamment à M. le rapporteur dont je salue l’engagement et la sincérité avec lesquels il a accompli son travail :...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. ... c’est une réforme plus structurante que le Gouvernement appelle de ses vœux. Si cette proposition de loi permet de faire face à l’urgence d’une situation, nous devons d’ores et déjà envisager de franchir une étape supplémentaire. Je souhaite que nous le fassions tous ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République s’est clairement exprimé en faveur d’une modernisation de l’accès au scrutin, avec l’ambition qu’en 2017 nos concitoyens puissent s’inscrire sur les listes électorales dans un délai d’un mois précédant l’échéance électorale et non plus seulement l’année précédant le scrutin.

J’ai réuni voilà quelques jours les auteurs du rapport, Mme Pochon et M. Warsmann, un parlementaire de la majorité et un parlementaire de l’opposition. J’ai eu la confirmation qu’ils partageaient l’un et l’autre cette ambition, et le rapport qu’ils ont rédigé contient des propositions très concrètes en ce sens. Nous avons d’ores et déjà, avec ces deux députés, comme je m’y étais engagé à l’Assemblée nationale le 30 mars dernier, commencé à travailler ensemble à une telle réforme. Celle-ci, parce qu’elle porte sur l’organisation du scrutin, doit recueillir le plus large consensus possible ; elle ne peut se faire dans l’opposition des uns à l’égard des autres.

Cette initiative permettra d’être totalement fidèle à l’esprit de l’intégralité des amendements de M. Pierre-Yves Collombat. Le ministère de l’intérieur, qui suit de près la préparation de cette proposition de loi, veillera à ce que M. le rapporteur ainsi que tous les sénateurs qui le souhaitent puissent participer aux travaux préparatoires, dans la tradition des initiatives transpartisanes qui devraient tous nous rassembler.

Je prends l’engagement que c’est bien cet esprit qui présidera à nos travaux et que les préoccupations formulées par le Sénat seront prises en compte dans la réflexion conduite par les deux parlementaires.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il s’agit non seulement de parvenir à un dispositif qui fonctionne, mais aussi, dans le plus grand consensus, de trouver les moyens de lutter contre l’abstention et de créer les conditions d’un engagement plus important des jeunes dans la démocratie par un exercice plus systématique du vote. Nous devons prendre des dispositions législatives en ce sens.

Je tiens à redire la volonté du Gouvernement d’aboutir de la façon la plus consensuelle possible – donc la plus républicaine – à un accord. C'est la raison pour laquelle je propose de revenir au texte initial tel qu’il est issu des travaux de l'Assemblée nationale. Ensuite, ainsi que je m’y suis engagé au nom du Gouvernement, nous pourrons créer un groupe de travail transpartisan afin d’adopter un texte qui respecte l’ambition des amendements de la commission des lois du Sénat, à savoir la généralisation du dispositif. C’est ainsi, ensemble, dans le dialogue, l’écoute et la volonté de cheminer conjointement, que nous parviendrons à arrêter le meilleur dispositif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont la discussion est demandée par le groupe socialiste et apparentés, a pour objet de permettre la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales, afin que ceux qui n’ont pu s’inscrire avant le 31 décembre 2014 et qui, sauf dérogations prévues à l’article L. 30, ne pourront voter aux élections régionales du mois de décembre 2015 puissent le faire.

Une telle proposition semble de bon sens. Qui refuserait d’endiguer l’absentéisme électoral ?

Pour autant, une loi d’exception est-elle le bon moyen ? Qui plus est, est-ce le bon moment ?

Le principal responsable de l’absentéisme électoral qui touche notre démocratie au cœur est-il la rigidité des procédures d’inscription sur les listes électorales ? Si celle-ci y contribue, une mesure ponctuelle et exceptionnelle est-elle le meilleur remède à cette désaffection massive de nos concitoyens ? Vous me permettrez d’en douter.

Ainsi, au premier tour des élections départementales du mois de mars 2015, les abstentionnistes ont représenté 49,8 % des inscrits. Ceux qui se sont exprimés représentaient 47,7 % des inscrits, c'est-à-dire moins de 50 % ! En d’autres termes, un électeur sur deux n’a pas participé à la désignation de son représentant au conseil départemental.

Là est le vrai problème de notre démocratie. Ce ne sont ni les personnes non inscrites ni les personnes mal inscrites, fussent-elles 3 millions pour les premières ou 6,5 millions pour les secondes, selon les estimations dont on dispose. Qui plus est, il n’y a aucune raison pour que, une fois inscrites, celles-ci se comportent différemment du corps électoral tout entier, c'est-à-dire qu’elles votent plus que celles qui ne votent pas ! (Sourires.)

La procédure d’inscription sur les listes électorales serait « véritablement moyenâgeuse », déclare, tout en nuances, le directeur du département de sciences politiques de l’université de Montpellier-I dans Libération du 26 décembre 2014. Qu’on nous permette de douter de cette vision du Moyen-Âge ! (Nouveaux sourires.)

Trop rigide pour être adaptée à la mobilité de la France d’aujourd’hui, la procédure prévue aux articles L. 16 à L. 29 du code électoral doit-elle être revisitée, comme le propose le rapport d’information de nos collègues députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, dont s’inspire la proposition de loi ? Probablement.

Dans ces conditions, ce réexamen ne peut se limiter, comme cela nous est aujourd'hui proposé, à la réouverture « exceptionnelle » des listes électorales à quelques mois d’une échéance électorale qui ne s’annonce pas forcément sous les meilleurs auspices pour le Gouvernement. (Murmures sur les travées de l'UMP.) Rien ne serait pis, en effet, qu’une mesure exceptionnelle pouvant, à tort ou à raison, éveiller le soupçon d’une opération d’opportunisme électoral, d’ailleurs vouée à l’échec comme toutes les initiatives du même genre.

M. François Bonhomme. On peut le croire ! (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. De toute façon, cela ne marche jamais !

Après cinq ans de torture du calendrier électoral, de bouleversements répétitifs des institutions départementales et régionales – compétences, modes d’élections, circonscriptions d’élections, etc. –, une modification « exceptionnelle » des conditions d’inscription sur les listes électorales aurait des effets fâcheux, voire contre-productifs, sur l’opinion de ceux que ces changements incessants déconcertent totalement.

M. Yves Détraigne. Cela fait bidouillage !

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Remarquons d’ailleurs que, si le niveau de participation électorale était la première préoccupation du Gouvernement, celui-ci ne serait pas revenu sur la date du 14 mars 2015,…

M. Alain Marc. C’est évident !

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. … qui avait d’abord été envisagée et qui avait le mérite de conserver la simultanéité des élections départementales et régionales (M. David Rachline acquiesce.), d’éviter de convoquer les électeurs au mois de décembre, période de l’année à la météorologie hasardeuse, où les Français pensent plus au Père Noël de leur enfance qu’aux pères Noël électoraux. (Sourires sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)

Selon le rapport d’information de l'Assemblée nationale, le calendrier d’inscription sur les listes électorales est devenu au fil des années « trop contraignant, inadapté au rythme démocratique et à la mobilité des électeurs ».

« Trop contraignant » ? Je viens de répondre. Certes, il l’est probablement. Pour autant, une disposition exceptionnelle ne saurait y remédier.

« Inadapté au rythme démocratique » ? Peut-être. Néanmoins, que peuvent bien avoir de « démocratiques » les bouleversements du calendrier électoral de ces dernières années, imposés au forceps ?

M. Yves Détraigne. Tout à fait !

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Surtout, à qui la faute ? Nemo auditur propriam turpitudinem allegans, dit le vieil adage. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Cyril Pellevat. C’est vraiment bienvenu !

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Faisons un bref retour sur les cinq ans écoulés.

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a institué le conseiller territorial, qui se substitue au conseiller général et au conseiller régional. L'article 82 prévoit que le renouvellement général des conseillers généraux et régionaux aura lieu concomitamment au mois de mars 2014. Les conseillers généraux élus au mois de mars 2011 rempliront un mandat de trois ans, et le mandat de ceux qui ont été élus en 2008 ira jusqu’à son terme habituel, à savoir six ans. Les conseillers régionaux, élus au mois de mars 2010, voient leur mandat réduit de deux ans : ils auront donc été élus pour quatre ans, alors qu’ils auraient pu remettre en jeu leur mandat en 2016. Nous y reviendrons.

La loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral abroge la création du conseiller territorial, mort-né. L'article 47 allonge de un an les mandats des conseillers départementaux et régionaux, mais maintient la concomitance du renouvellement des conseils départementaux et régionaux, repoussé au mois de mars 2015.

La loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral chamboule une nouvelle fois le calendrier électoral. Après avoir proposé d’abord le report des élections départementales et régionales au mois de décembre 2015, le Gouvernement optera finalement, à l’article 10, pour un report des élections régionales au mois de décembre 2015, tout en maintenant les élections départementales au mois de mars 2015.

Le calendrier électoral serait enfin « inadapté à la mobilité des électeurs ». Cet argument est recevable, mais le code électoral y apporte déjà des éléments de réponse.

Actuellement, en effet, certains électeurs peuvent être inscrits directement par le maire, au titre de l’article L. 30 du code électoral – M. le ministre y a fait allusion –, en cas d’élection dans l’année, hors période de révision. Je rappelle rapidement qui est concerné : les fonctionnaires et agents des administrations publiques, les militaires rendus à la vie civile et les personnes qui établissent leur domicile dans une autre commune pour un motif professionnel, les Français et Françaises remplissant la condition d’âge exigée pour être électeur, après la clôture des délais d’inscription – ils sont inscrits d’office –, les Français et Françaises ayant acquis la nationalité française, etc.

Reste tous ceux qui, ne changeant pas de commune pour un motif professionnel, ne peuvent être inscrits sur les listes électorales que l’année suivant leur arrivée.

J’ai donc proposé à la commission des lois de remédier à cette situation en permettant simplement à toute personne établissant son domicile dans une nouvelle commune l’année d’une élection de pouvoir y participer. Il suffirait pour cela de supprimer la clause du motif professionnel figurant au 2 bis de l’article L. 30 du code électoral.

Cette solution, qui a été acceptée par la commission et qui permettrait à ceux qui souhaitent véritablement voter de le faire, a le mérite d’écarter tout soupçon d’électoralisme, car elle est générale et non exceptionnelle, d’être simple, et de ne pas nécessiter de décret en Conseil d’État.

M. le ministre ayant formulé diverses objections – cette proposition présente peut-être quelques inconvénients, mais nous y reviendrons lors de l’examen des amendements –, je lui apporterai maintenant divers éléments de réponse.

Pourquoi avoir choisi le calendrier électoral qui a été retenu ? On aurait fort bien pu en rester à la date de mars 2015 prévue dans la loi de mai 2013. On aurait également pu, puisque les deux élections étaient séparées – on peut d’ailleurs s’interroger sur l’efficacité d’une telle séparation en termes de mobilisation des électeurs –, prévoir les élections cantonales en mars 2015 et les élections régionales en mars 2016. Les conseillers régionaux actuellement élus auraient ainsi achevé leur mandat de six ans.

Vous évoquez le risque de double inscription, monsieur le ministre. Mais ce risque existe déjà. !

M. Yves Détraigne. Absolument !

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. On fait comme si l’on découvrait son existence ! À cet égard, si un tel risque existe, peut-être suffirait-il de modifier l’article L. 30 du code électoral ?

Avec un délai prenant fin à dix jours du scrutin, vous craignez un afflux d’inscriptions sur les listes électorales au cours des derniers jours. Or pourquoi cet afflux se produirait-il dans les derniers jours ? Pourquoi d’ailleurs y aurait-il un afflux ? Sachant avec quel empressement nos concitoyens inscrits sur les listes électorales vont voter, on se dit qu’il y a peu de chances que ceux qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales se précipitent pour aller s’y inscrire !

Pour éviter tout encombrement, pourquoi ne pas adopter un amendement autorisant à s’inscrire non pas jusqu’à dix jours, mais jusqu’à vingt ou trente jours avant le scrutin ?

Actuellement, les maires saisis d’une demande d’inscription de la part de personnes nouvellement arrivées dans leur commune, et qu’ils connaissent, transmettent à leurs collègues des communes de provenance les demandes des nouveaux inscrits. Si ces personnes étaient inscrites dans une commune, il y a tout de même peu de chances qu’elles n’aient pas le droit de voter. En outre, je rappelle que des sanctions pénales sont prévues en cas de double inscription : un an de prison et 15 000 euros d’amende, ce qui n’est tout de même pas rien ! On ne s’inscrit pas sur les listes électorales pour le plaisir, ou pour faire plaisir !

La solution que propose la commission est plus simple, car elle n’oblige pas à une réouverture généralisée des inscriptions sur les listes électorales, sachant qu’une révision des listes aura lieu quelques semaines plus tard pour l’année 2016. Une double révision des listes représenterait une double charge de travail pour les communes.

De même, cette solution est plus juste, car elle n’offre la possibilité de s’inscrire sur les listes qu’à ceux qui ne pouvaient le faire avant le 31 décembre 2014 parce qu’ils avaient déménagé pour des raisons n’étant pas d’ordre professionnel.

Cette solution faisait d’ailleurs l’objet de la proposition n° 1 du rapport Warsmann-Pochon : il s’agissait de « tenir compte, dans les opérations de révision et d’établissement des listes électorales de l’année 2015, du report programmé de mars à décembre 2015 de la tenue des élections des conseillers régionaux […] en procédant, à titre exceptionnel, à une seconde révision des listes électorales quelques semaines avant ou en ouvrant plus largement les possibilités de s’inscrire hors période de révision ».

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la solution que je vous propose au nom de la commission des lois ne me semble pas mauvaise. Comme je l’ai déjà dit, elle a le mérite de la simplicité. Il s’agit de plus d’une mesure générale et non pas exceptionnelle, venant après de multiples bouleversements du calendrier électoral. Elle n’a pas tous les inconvénients qu’on veut bien lui prêter. (MM. Yves Détraigne et Yves Daudigny applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, si elle prévoit des facilités pratiques qui sont les bienvenues, soulève une question fondamentale en filigrane : celle de savoir ce qui fait obstacle à l’exercice par nos concitoyens de leur droit de vote.

Certes, la réouverture des listes est salutaire. Il n’est pas raisonnable en effet d’interdire à des électeurs installés dans une commune au mois de janvier de participer à une élection régionale se déroulant au mois de décembre suivant, soit près d’un an après.

M. le rapporteur a d’ailleurs fort logiquement proposé de rendre pérenne cette réouverture des listes : pourquoi en effet la possibilité offerte à des habitants ayant déménagé en cours d’année de s’inscrire sur les listes ne pourrait-elle pas être reconduite pour de futures élections ?

Nous avons aujourd'hui la possibilité de faciliter la vie de nos électeurs en favorisant leur expression démocratique. Ne laissons donc pas les habitants nouvellement arrivés sur un territoire à la porte de la vie démocratique. Garantissons-leur que, en 2015, comme dans les années suivantes, ils seront considérés dès leur installation comme des citoyens à part entière, jouissant de tous leurs droits civiques.

J’entends l’argument selon lequel on ne peut généraliser un tel système, celui également selon lequel les pouvoirs publics ne pourraient pas totalement éviter les risques de double inscription. Or quand on mesure les efforts humains et matériels déployés par l’ensemble des collectivités locales pour organiser les scrutins, il ne paraît pas illégitime que l’État redouble les siens pour garantir à nos concitoyens le plus élémentaire de leurs droits constitutionnels.

Au-delà de cette seule question, que le Gouvernement, en mobilisant comme il se doit notre administration, devrait pouvoir surmonter, une interrogation demeure : comment insuffler aux électeurs l’envie de jouer leur rôle dans la vie démocratique de leur commune, de leur département, de leur région et de leur pays ?

Lors des dernières élections départementales – cela a été rappelé –, alors que le scrutin était médiatisé et que l’ensemble du pays était appelé aux urnes, un citoyen sur deux ne s’est pas déplacé. Sans doute l’enjeu de ces élections ne leur est-il pas apparu. Et on peut légitimement s’interroger sur les conséquences des atermoiements ayant précédé ces élections : à peine les dates des scrutins avaient-elles été annoncées qu’elles étaient modifiées dans des lois repoussant les consultations, au mois de décembre prochain notamment.

À ce propos, alors que les auteurs du texte qui nous est soumis aujourd'hui justifient leur proposition par la tenue des élections régionales en décembre, on s’interroge toujours, comme l’a dit M. le rapporteur, sur l’opportunité d’organiser des élections à cette période de l’année. Et je n’évoque même pas les réalités climatiques, qui, dans nos territoires ruraux, en particulier en montagne, pourraient décourager de nombreuses personnes de sortir afin de ne pas avoir à braver les intempéries !

Enfin, comment les électeurs ne seraient-ils pas désorientés alors que les pouvoirs publics retaillent des cantons hybrides à leur convenance, en dépit de toutes les réalités du terrain et même des intercommunalités, pour tenter désespérément d’inverser ou d’atténuer le choix majoritaire ?

M. Didier Guillaume. C’est exagéré !

M. Mathieu Darnaud. Quel respect a-t-on pour le citoyen quand on demande à ce dernier de se prononcer afin de confier des mandats à des candidats dont on n’a toujours pas arrêté les prérogatives ?

On ne peut donner à nos concitoyens l’envie de s’approprier les affaires de la cité en leur donnant le tournis, en créant des modes de scrutin dont certains sont pour le moins baroques et en évoquant même le retour de la représentation proportionnelle aux élections législatives.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ça, c’est vrai !

M. Mathieu Darnaud. Comment prétendre que les assemblées de nos exécutifs locaux sont réellement représentatives alors que les communes rurales sont consciencieusement étouffées et que leurs habitants sont privés de représentation ?

Je suis donc favorable à cette proposition de loi de bon sens, même si elle est loin d’être suffisante face au défi qui nous attend.

Contrairement à une idée en vogue, je pense que, avant d’aller dresser procès-verbal à nos concitoyens coupables d’avoir boudé les urnes, notre devoir est désormais d’inciter ces derniers à se prononcer sur des enjeux lisibles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. –M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner la proposition de loi de nos collègues députés Élisabeth Pochon et Bruno Le Roux.

Ce texte vise à permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015 en revenant de façon exceptionnelle – c’est peut-être l’un des enjeux du débat – sur le principe de la révision annuelle des listes électorales prévu par l’article L. 16 du code électoral.

Cette proposition de loi, qui a été adoptée à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une « niche » socialiste à l’Assemblée nationale, s’appuie sur les conclusions du rapport établi par Mme Pochon et M. Warsmann, lequel a permis à l’opposition et à la majorité d’aboutir à des conclusions communes. Il faut le souligner, car, sur ces questions, plus la majorité et l’opposition seront d’accord, moins il sera possible ensuite d’accuser quiconque de faire du tripatouillage électoral.

De manière consensuelle, les auteurs de ce rapport ont estimé que les contraintes pesant sur le calendrier d’inscription sur les listes électorales et sa complexité étaient l’une des sources déterminantes de l’éloignement de certains électeurs potentiels des urnes. Il est vrai que cette raison n’explique pas à elle seule l’abstention, mais – cela a été dit – les 6 millions de Français mal inscrits pèsent sur le taux d’abstention, dans lequel ils sont comptabilisés. En permettant de réduire le nombre de personnes mal inscrites, on diminuera le taux d’abstention. Surtout, on favorisera la participation de nos concitoyens aux scrutins. Un tel objectif est d’ailleurs partagé, je l’ai constaté, sur toutes les travées de notre assemblée.

Favoriser l’inscription des citoyens sur les listes électorales et leur participation aux élections sont des enjeux essentiels dans un système démocratique. Il s’agit de faire en sorte que les citoyens soient bien au cœur du processus démocratique, et donc électoral.

Les auteurs de la proposition de loi ont considéré – mais nous le savions – que l’année électorale 2015 allait être particulièrement difficile, compte tenu du report des élections régionales au mois de décembre.

Lorsque nous avons débattu de la loi portant redécoupage des régions, nous aurions pu pressentir que ce report allait poser des difficultés d’inscription sur les listes électorales. Il aurait été plus simple de trouver une solution à l’époque et de l’intégrer dans le texte de loi.

Malheureusement, ni le Gouvernement – nul n’est parfait ! –, ni les députés, ni les sénateurs n’ont perçu ce problème. C’est pourquoi la présente proposition de loi revêt aujourd’hui un caractère essentiel pour régler ce problème ponctuel.

En outre, au-delà de ce cas particulier, le Gouvernement comme le Parlement souhaitent pouvoir régler cette difficulté d’inscription de manière pérenne. L’exécutif sera ainsi à l’écoute des propositions formulées par Mme Pochon et M. Warsmann, et une proposition de loi sera déposée avant la fin de l’année devant le Parlement pour revoir les modalités d’inscription sur les listes électorales, avec l’objectif défini par le Président de la République de permettre l’inscription jusqu’à un mois avant l’élection.

La proposition adoptée en commission des lois, que je n’ai pas soutenue, permet elle aussi d’aboutir à une solution pérenne, mais en s’appuyant sur l’article L.30 du code électoral, dont l’objectif est de gérer dans l’urgence quelques cas très particuliers. On dénature donc le fondement de cet article en voulant l’utiliser pour régler une difficulté ponctuelle liée à une modification d’ores et déjà connue du calendrier électoral. Essayons donc de trouver la meilleure solution pour régler le cas précis des élections régionales et, si nous voulons régler de manière pérenne la question de l’inscription sur les listes électorales, attendons plutôt la proposition de loi qui prolongera le rapport de Mme Pochon et de M. Warsmann.

Si nous partageons déjà tous le même objectif politique – permettre à nos concitoyens de s’inscrire jusqu’en septembre pour participer aux élections régionales –, il ne nous restera qu’à trouver une réponse technique à cet objectif politique.

J’ai été sensible aux arguments avancés par M. le ministre : techniquement, la proposition avancée par la commission des lois sera en effet difficile, voire impossible à appliquer.

Une fois la loi votée, les opérations de communication seront nombreuses et nos concitoyens vont se présenter en nombre à la rentrée pour s’inscrire sur les listes électorales. Dès lors, le système de l’article L.30 du code électoral, qui a été calibré pour des flux d’électeurs limités, risque d’être engorgé.

Si les communes doivent encore gérer jusqu’à dix jours avant la date du scrutin des flux importants d’électeurs, elles seront confrontées à de grandes difficultés, et je sais combien nous sommes sensibles sur ces travées aux problèmes que peuvent rencontrer les collectivités.

Par sa fonction de contrôle des demandes d’inscription et de radiation, l’INSEE constitue le pivot du dispositif de révision des listes électorales de droit commun. À l’inverse, dans le système exceptionnel de l’article L.30 du code électoral, les mairies se transmettent directement les demandes d’inscription et de radiation. On va donc faire peser sur les maires une lourde charge de travail et une grande responsabilité, pour gérer un afflux qui risque d’être important.

Il est en effet exceptionnel que des élections se tiennent en décembre : le dernier exemple remonte ainsi à 1965. De surcroît, la mobilité est beaucoup plus importante aujourd’hui que dans les années soixante. D’ores et déjà, nous pouvons noter que nos concitoyens sont nombreux à se renseigner en mairie sur les possibilités d’inscription pour le vote de décembre prochain. Si les efforts de communication sont importants – ils le seront vraisemblablement –, les demandes risquent d’être nombreuses et les maires pourraient se trouver en difficulté. Cet aspect doit aussi être pris en compte.

Nous devons réfléchir à un système qui ne conduise pas à l’inscription des électeurs n’étant pas en capacité de voter ou à des doubles inscriptions. Nous avons aussi la responsabilité d’assurer la sincérité du scrutin régional. Nous ne pouvons pas balayer d’un revers de main les difficultés techniques évoquées par M. le ministre. Ne nous contentons pas d’une approche cosmétique qui laisserait croire que l’on veut favoriser l’inscription alors que tel ne serait pas notre objectif en réalité.

Si l’on veut véritablement permettre à tous ceux qui ont déménagé dans l’année de s’inscrire – cela pourrait concerner quelques millions de Français –, nous devons mettre en place un système qui tienne la route, qui s’appuie sur l’INSEE et qui ne mette pas en difficulté les maires et les communes.

C’est pourquoi, en commission, j’ai défendu au nom du groupe socialiste des amendements visant à revenir à la rédaction retenue par l’Assemblée nationale.

Je félicite M. le rapporteur d’avoir recherché une solution pérenne qui lui a semblé plus pertinente. Toutefois, un examen attentif montre qu’elle risque de ne pas être opérationnelle et de poser de grandes difficultés. Au-delà de notre accord sur l’objectif, nous devons mettre à plat tous les éléments techniques afin de trouver la meilleure solution dans des délais très contraints.

Nous sommes déjà en mai, et les élections auront lieu en décembre. Les commissions devront contrôler les listes électorales en octobre ou en novembre pour des inscriptions en septembre. D’ici là, la loi doit être votée, un décret d’application doit être pris et les mairies doivent se préparer pour recevoir les inscriptions. Tout le système administratif doit être mis en place, puisqu’il s’agit de gérer non pas quelques cas particuliers, mais une masse d’électeurs.

Nous devons donc aller vite pour voter la loi, communiquer auprès des électeurs et permettre aux équipes qui vont organiser le scrutin sur le terrain de préparer cet afflux massif de nouveaux électeurs.

C’est pourquoi nous proposons de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale, ce qui permettrait un vote conforme et une promulgation très rapide de la loi. À défaut, il faudrait passer par la commission mixte paritaire, voire par une dernière lecture à l’Assemblée nationale. Ce n’est sans doute pas impossible – nous pouvons voter des lois jusqu’à fin juillet –, mais ce sera très difficile, et cela risque de poser des problèmes aux maires et aux services appelés à gérer le processus d’inscription sur le terrain.

Nous avons donc déposé plusieurs amendements visant à revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

Sur cette question, il me semble opportun de dépasser les clivages politiciens. Nul ne peut savoir pour qui va voter un nouvel électeur qui s’inscrit et, comme l’a dit M. le rapporteur, ceux qui veulent jouer à la Pythie se trompent fréquemment ! Puisque nous sommes tous républicains, à défaut d’être des Républicains (Sourires sur certaines travées de l'UMP.), permettons à nos concitoyens de s’inscrire sur les listes électorales et de voter pour les candidats de leur choix.

Nous devons, par une démarche commune, encourager cette inscription pour favoriser ensuite la participation et le vote. À mes yeux, la proposition initiale votée à l’Assemblée nationale le permettra, tout comme la proposition de loi qui sera déposée à l’automne pour permettre une révision des listes électorales jusqu’à un mois avant l’élection. Voilà qui nous permettra de régler de manière pérenne les difficultés d’inscription. Mais travaillons par étapes, et, d’ici là, trouvons une solution technique, pratique et opérationnelle qui nous permette de régler la difficulté occasionnée par les élections régionales de décembre 2015, difficulté que, collectivement, nous n’avons pas vue lors du vote de la loi sur le redécoupage électoral.

Des parlementaires ont commencé à travailler sur ce chantier lancé par le Président de la République, et je suis sûr que les membres de la commission des lois, sous la houlette du président Philippe Bas, pourraient former un groupe de travail pour préparer le débat quant aux meilleurs moyens de permettre une inscription tardive sur les listes électorales, en tenant compte des problèmes techniques que peuvent rencontrer ceux qui appliquent les lois sur le terrain, à savoir les maires et leurs équipes.

Nous avons un enjeu commun qui est de favoriser l’inscription sur les listes électorales et la participation électorale.

Je suis content de constater que nous sommes tous d’accord sur l’objectif.

Mais nous savons tous que le mieux peut-être l’ennemi du bien. La solution pérenne proposée par M. le rapporteur risque d’être inefficace et de poser des difficultés opérationnelles et des difficultés de calendrier.

Soyons raisonnables et pragmatiques : tenons compte des difficultés techniques et permettons réellement à nos concitoyens de s’inscrire sur les listes, en facilitant le travail des mairies et en permettant à ces dernières de bénéficier de l’appui de l’INSEE.

Sous couvert de la recherche d’une solution plus pertinente, qui se révélerait en fait inopérante, ne créons pas un écran de fumée qui aboutirait in fine à mettre en grande difficulté cette faculté d’inscription sur les listes électorales jusqu’en septembre pour les élections régionales.

Je suis certain que, sur ces travées, nous pouvons débattre des considérations techniques, écouter les spécialistes et les personnes qui gèrent ces listes électorales sur le terrain comme à l’INSEE, et trouver une solution qui nous rassemble.

Quel que soit le vote qu’ils émettront en décembre prochain, nos concitoyens souhaitent que l’on facilite ces inscriptions. Ne privons pas ceux qui ont déménagé de la faculté de voter et montrons que le Sénat sait faire preuve de pragmatisme pour soutenir les communes.

Le groupe socialiste votera donc les amendements qu’il a défendus en commission afin de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue député Bruno Le Roux visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales.

Comme vous le savez, nous avons décidé, au sein de la Haute Assemblée, consécutivement à la modification de la délimitation des régions, de reporter de mars à décembre 2015 l’élection des conseillers régionaux, des conseillers de Corse et des membres de l’Assemblée de Martinique et de Guyane.

Sans modification du droit existant, ces élections devraient être organisées sur la base des listes électorales entrées en vigueur le 1er mars 2015 et comportant les inscriptions déposées au plus tard le 31 décembre 2014. Il ne fait aucun doute que de très nombreux électeurs auraient, de facto, été momentanément exclus du processus électoral.

Dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale le 30 mars dernier, la proposition de loi socialiste prévoyait, afin de permettre au plus grand nombre d’exercer son droit de vote lors des prochaines élections régionales, de procéder à une révision exceptionnelle des listes électorales en 2015, en permettant l’inscription jusqu’au 30 septembre 2015. Faut-il le rappeler, à l’issue du second tour des élections départementales, le constat fut amer : non seulement la crise démocratique perdure, mais elle s’accentue dans notre pays, et les taux d’abstention record ne peuvent plus être ignorés.

Il faut – c’est également notre devoir de législateur – nous poser les bonnes questions et réfléchir aux causes de l’abstention, aux causes politiques comme aux causes institutionnelles. Nous nous devons de tout mettre en œuvre pour encourager nos concitoyens à retourner aux urnes.

De nombreuses propositions ont été faites, notamment dans le rapport d’information sur les modalités d’inscription sur les listes électorales de nos collègues députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, dont je veux saluer ici le travail.

Au premier rang de ces propositions figurait la prise en compte, dans les opérations de révision et d’établissement des listes électorales de l’année 2015, du report programmé de mars à décembre 2015 des élections régionales.

Les membres du groupe écologiste regrettent que seule cette proposition soit ici défendue. Nous aurions aimé pouvoir débattre des autres propositions contenues dans ce même rapport, notamment celles relatives à l’accompagnement des démarches d’inscription, celles visant à garantir une mise à jour optimale des listes électorales ainsi que celles proposant de rénover les conditions d’attache avec la commune d’inscription.

Permettez-moi, mes chers collègues, puisque nous parlons du droit de vote et de la nécessité de garantir son exercice, de rappeler que les gens du voyage, citoyens français pour l’immense majorité d’entre eux, ont dû attendre la décision du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2012 pour pouvoir exercer normalement leur droit de vote. Il est urgent de nous saisir de cette question et de tout mettre en œuvre pour garantir l’effectivité de ce droit si fondamental.

Nous regrettons la rédaction adoptée par notre commission des lois, car nous la considérons, elle aussi, comme réductrice. Il nous semble opportun de revenir à l’esprit initial de la proposition de loi, qui est d’accorder à l’ensemble des citoyens français en âge de voter un délai supplémentaire pour s’inscrire sur les listes électorales en 2015. Le groupe écologiste apportera donc son soutien aux amendements déposés par le groupe socialiste et le Gouvernement, et, in fine, à la proposition de loi ainsi modifiée. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par faire quatre remarques.

Première remarque : il est un petit peu gênant de répondre à une certaine urgence maintenant – en mai 2015 pour des élections qui auront lieu en décembre 2015 –, alors que la date des élections régionales est connue depuis juin 2014.

Deuxième remarque : eu égard aux problèmes de délais, aux problèmes techniques – ils ont déjà été évoqués, notamment par Philippe Kaltenbach –, il serait dommageable de ne pas améliorer la situation en termes d’inscription sur les listes électorales dans la perspective des élections régionales.

Troisième remarque : le rapport d’information présenté l’an dernier par nos collègues députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann est riche d’idées, même si nous ne souscrivons pas totalement aux vingt-trois propositions. Il nous semble constituer une bonne base de réflexion pour un débat de fond en vue d’une réforme ambitieuse.

Quatrième remarque : il est clair que c’est plutôt en 2016, année sans élection, qu’un tel débat de fond pourra se dérouler de manière sereine.

Le sujet est central. De nos pratiques en matière de listes électorales dépend aussi le bon exercice démocratique. Comment pouvons-nous tolérer que, de manière délibérée ou à cause des rigidités administratives, 3 millions de nos concitoyens ne soient pas inscrits sur les listes électorales et que 6,5 millions d’entre eux soient mal inscrits ?

Certes, l’ouverture permanente de l’inscription sur les listes électorales ne permettra pas de créer un raz-de-marée de participation au scrutin, mais elle offrira cependant de nouvelles conditions d’accès au vote. De fait, le système de révision annuelle des listes électorales empêche de nombreux citoyens de voter, même si le peu d’intérêt pour notre fonctionnement démocratique dépasse largement la problématique de l’inscription sur les listes électorales.

Il nous paraît beaucoup trop restrictif de conditionner l’inscription sur une nouvelle liste électorale aux justificatifs prévus par l’article L. 30 du code électoral. J’en veux pour preuve la situation de nos jeunes ; vous l’avez évoquée, monsieur le ministre. Aux dernières élections départementales, pas moins de 64 % des moins de 35 ans ne se sont pas déplacés. Cette tranche d’âge réunit environ la moitié des citoyens mal inscrits. Permettre la réinscription sur les listes électorales dès le changement de domiciliation, c’est permettre de suivre efficacement nos concitoyens et leur garantir de bonnes conditions d’exercice démocratique.

Vous l’aurez compris, la situation actuelle ne peut pas nous satisfaire. Nous partageons la volonté de mener une réforme profonde de nos listes électorales pour redynamiser la participation. Nous sommes cependant pressés par le calendrier : une mesure doit donc être prise immédiatement pour que les listes électorales soient correctement actualisées d’ici aux élections régionales de décembre prochain. Cela peut justifier le « minimum », c'est-à-dire la réouverture des délais d’inscription jusqu’au 30 septembre et la mise en place rapide des modalités pratiques, y compris par voie réglementaire.

Nous restons néanmoins persuadés qu’une réforme en profondeur de l’exercice démocratique doit être réalisée. J’ai bien noté l’engagement de M. le ministre et du Gouvernement, ainsi que l’adhésion de presque tous nos collègues à ce principe. Il serait utile que l’engagement gouvernemental soit mis en œuvre rapidement et de manière ambitieuse, en termes non seulement de simplification et d’élargissement des modalités d’inscription, mais aussi d’accès à l’inscription ; je reviendrai sur ce point.

Nous sommes au cœur de la question de la citoyenneté, à plusieurs égards. La montée des extrémismes et la perte de confiance dans notre système politique – vous les avez évoquées, madame Benbassa – sont aujourd’hui des préoccupations incontournables. Il y a les annonces de bonnes intentions, et il y a les actes.

Concernant la réforme en profondeur de notre système de gestion électorale, et donc de notre système d’accès à l’expression démocratique, de manière technique mais aussi sur le fond, je peux vous assurer de l’engagement sans faille des sénateurs du groupe CRC pour défendre une mutation profonde de nos principes de citoyenneté et d’expression populaire, afin d’assurer un exercice démocratique et républicain le plus développé possible.

Ainsi, nous travaillerons sans relâche – avec certains d’entre vous, j’en suis sûr – à la reconnaissance entière du vote blanc. L’étude de sociologie électorale de Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen rappelle que l’abstention peut être vécue comme une expression politique. La reconnaissance du vote blanc doit entrer dans cette dynamique.

En parallèle, nous nous engagerons en faveur du développement de la démocratie participative, notamment au niveau local et en particulier dans cet espace de citoyenneté extraordinaire qu’est la commune. Ce n’est pas ici que je devrai faire beaucoup d’efforts pour convaincre mon auditoire... Il s’agit d’organiser des consultations populaires et de faciliter le recours au référendum, tout en conservant à la commune son importance dans notre système institutionnel. Nous serons vigilants sur ce point lors du débat sur l’élection directe des conseillers communautaires.

Enfin, la question de la définition de la citoyenneté est centrale. L’histoire de notre république et de notre pays a été marquée par l’élargissement du corps électoral, du suffrage universel en 1848 à l’abaissement de la majorité électorale à dix-huit ans en 1974, en passant par le droit de vote des femmes en 1944.

Lorsqu’il était encore candidat, le Président de la République avait fait du vote des étrangers aux élections locales l’un de ses chevaux de bataille. Cette mesure a aussi fait l’objet d’une proposition de loi socialiste déposée à l’Assemblée nationale en 2010. Pour nous, il s’agit d’une question d’égalité et de justice. Comment justifier que des individus participant depuis de nombreuses années à la vie de leur collectivité par leur travail, leurs impôts et, souvent, leur engagement associatif, ne puissent pas prendre position sur les décisions qui les concernent au niveau communal ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. David Rachline.

M. David Rachline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par répondre à Patrick Abate.

Ah ! La montée des extrémismes...Vous ne risquez pas, quant à vous, de connaître une montée électorale, au vu des « claques » que vous recevez en ce moment. Je m’en félicite, d’ailleurs : c’est heureux pour notre pays !

M. Patrick Abate. No comment !

M. David Rachline. Grâce au travail en commission, la proposition de loi a changé de nature, devenant par là même cohérente. En effet, que demandait au départ le groupe socialiste de l’Assemblée nationale ? Il souhaitait permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015 en revenant de façon exceptionnelle sur le principe de révision annuelle prévu par l’article L. 16 du code électoral.

Quelles sont les raisons avancées ? La procédure d’inscription sur les listes électorales serait « véritablement moyenâgeuse », nous dit le directeur du département de science politique de l’université Montpellier I dans Libération ; le rapporteur y a fait référence tout à l’heure. Nous laissons à ce directeur la bêtise de sa formule et lui proposons d’aller travailler au ministère de Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui se fera un plaisir d’écouter sa logorrhée « historiquement correcte ».

Il est cocasse de constater qu’un parti socialiste aux abois après les résultats électoraux désastreux qu’il a obtenus lors des derniers scrutins cherche à limiter tant bien que mal la casse en permettant la réouverture des listes électorales en vue des régionales de décembre prochain.

La volonté de lutter contre l’abstention a tout de même été avancée comme argument de départ. Si certaines modalités d’inscription, trop complexes en effet, peuvent compliquer les démarches d’une partie de nos concitoyens pour voter, il est illusoire – le mot est faible ! – de prétendre lutter contre l’abstention au moyen de ces mesurettes.

Le texte simplifiera la vie d’une minorité, celle qui déménage et souhaite s’inscrire sur les listes électorales de sa nouvelle commune. Dans la situation actuelle, si elle fait les démarches nécessaires, cette partie de la population manquera peut-être un scrutin, mais verra son dossier régularisé pour le suivant. Avec le nouveau dispositif, les choses iront un peu plus vite et seront plus simples. C’est pourquoi je voterai la proposition de loi.

Néanmoins, contrairement à ce que vous essayez de faire croire, ce texte n’aura absolument aucune incidence sur l’abstention structurelle massive. L’argument est donc totalement fallacieux. Notre pays est en crise démocratique, car le discrédit de la classe politique est abyssal. Grâce à vos talents, tous bords confondus, dont nous profitons depuis quarante ans, le personnel politique a perdu toute crédibilité. Non seulement les résultats ne sont pas au rendez-vous, mais aussi, et surtout, le mensonge et le non-respect des promesses sont devenues monnaie courante. Vous savez, les uns et les autres, de quoi vous parlez !

N’oubliez pas, lors de vos grandes déclarations de démocratie, qu’un électeur sur trois en moyenne ne se déplace plus pour voter. Et pour cause, puisque, la plupart du temps, les électeurs ne sont pas représentés. C’est encore un engagement qui n’a pas été tenu par le Président de la République. Il était ainsi prévu d’instaurer une dose de proportionnelle à l’Assemblée nationale, ce qui serait le minimum pour rétablir, même partiellement, la démocratie dans notre pays.

Probablement est-ce par une vieille nostalgie du totalitarisme soviétique que vous avancez l’idée de rendre le vote obligatoire. Cela ne m’étonne pas de votre part !

M. le président. Il faut conclure !

M. David Rachline. Je remercie mon collègue varois, rapporteur de la proposition de loi, d’y avoir remis un peu de bon sens. Il faut évidemment aborder la question de manière générale. Je salue la modification apportée par la commission, et je soutiendrai ce texte si cette version est conservée lors de nos débats.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Une intervention tout en nuances !

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, échéances électorales après échéances électorales, force est de constater un désintérêt croissant de nos concitoyens pour les élections, qui se traduit dans les chiffres de la participation.

Il y a quelques années, ce désintérêt touchait les élections les plus « éloignées » des citoyens, sans doute parce que ceux-ci ne connaissaient pas vraiment les candidats ou encore le rôle de l’institution concernée ; je pense notamment aux élections européennes. Désormais, on constate hélas que les taux d’abstention sont de plus en plus forts à toutes les élections, y compris à celles dites « de proximité » ; je pense notamment aux élections municipales et départementales.

Le problème est-il lié aux dates de révision des listes électorales ? Franchement, je ne le pense pas.

Je pense plutôt qu’il est dû, d’une part, à une désaffection et une incompréhension de nos concitoyens devant la complexification croissante et incessante de nos institutions. Ainsi, ces dernières années, il y a eu un redécoupage des cantons, de nouveaux modes de scrutin pour les municipales et pour les départementales, des bouleversements du calendrier électoral, spécialement cette année, ou encore la mise en place de nouvelles régions. Cette élection inédite de décembre prochain va encore accroître les incompréhensions et les questions.

D’autre part, j’aurai tendance à souligner le sentiment grandissant pour les électeurs que, quelle que soit la majorité au pouvoir, les problèmes concrets, réels, auxquels ils sont confrontés, tels que le chômage, la hausse des prélèvements, la baisse du pouvoir d’achat, le chômage des jeunes, persistent élection après élection. Il y a, en quelque sorte, un sentiment de fatalité qui s’installe chez nos concitoyens, pour qui voter ne sert plus à grand-chose. Quand on en est là, c’est la démocratie qui peut être en danger !

Cette proposition de loi peut-elle régler tous ces problèmes ? Rien n’est moins sûr, il faut bien le dire. Ainsi que l’a souligné le rapporteur, il n’est pas prouvé qu’un individu qui ne n’est pas inscrit sur les listes électorales pendant la période habituelle de fin d’année 2014 saisira nécessairement l’opportunité offerte par ce texte de s’inscrire sur la période, qu’on pourrait qualifier de « rattrapage », entre juillet et septembre 2015.

Toutefois, à défaut de régler, pour le moment, les problèmes de fond de notre pays et de réconcilier ainsi durablement les électeurs avec leurs institutions et leurs élus, il convient d’agir sur tous les leviers qui peuvent permettre une meilleure participation des Français aux divers scrutins.

Cette proposition de loi, telle qu’elle a été retravaillée par notre rapporteur, Pierre-Yves Collombat – lequel n’en fait plus une loi de circonstance, mais crée un dispositif pérenne facilitant les inscriptions sur les listes électorales –, peut, du moins l’espérons-nous, constituer un progrès dans la lutte contre l’éloignement progressif des électeurs de l’institution électorale et, oserais-je dire, de la démocratie. Le groupe centriste votera donc en faveur de ce texte.

J’ajouterai qu’il est difficile de se ranger aux arguments avancés par M. le ministre en début de séance. À mon sens, toutes les modifications du calendrier électoral et des modes de scrutin, dont le gouvernement actuel est à l’origine, ont malheureusement plus de chances d’éloigner nos concitoyens du vote que de les en rapprocher ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les auteurs de cette proposition de loi souhaitent revenir de façon exceptionnelle sur le principe de révision annuelle des listes électorales pour permettre la réouverture des délais d’inscription pour l’année 2015.

Il serait, selon l’exposé des motifs, « de la responsabilité du législateur, dans une période qui voit émerger les nécessités de reconstruire les fondamentaux de la citoyenneté, de l’appartenance à la nation et des valeurs républicaines de notre société, de prendre une telle mesure, qui est de nature à rapprocher les citoyens de leurs instances démocratiques ».

Même si l’inscription sur les listes électorales est une obligation posée par l’article L. 9 du code électoral, force est de constater que plusieurs millions d’électeurs ne sont pas inscrits sur les listes, et que la France – j’y inclus volontiers les outre-mer – est devenue une démocratie de l’abstention. La participation électorale, considérée comme l’une des caractéristiques de la bonne santé d’un régime démocratique, ne cesse de s’affaiblir depuis une vingtaine d’années.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Certes, notre pays souffre d’une profonde crise du politique et bon nombre de nos concitoyens éprouvent un sentiment de défiance à l’égard de leurs représentants, mais ce n’est pas la seule raison.

Plusieurs rapports et études montrent en effet que les modalités d’inscription sur les listes électorales peuvent également constituer un frein à la participation électorale, la France disposant d’une procédure parmi les plus complexes au monde.

Ce sont ainsi près de 3 millions de Français qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales, auxquels il faut ajouter 6,5 millions de personnes « mal inscrites », c’est-à-dire qui ne sont pas inscrites sur la liste électorale du bureau de vote rattaché à leur domicile. Ce phénomène touche pratiquement tout le monde à un moment donné et fait de ces « mal inscrits » des abstentionnistes malgré eux. Parmi les Français qui ont déménagé en 2014, seul un électeur sur cinq s’est réinscrit dans sa nouvelle commune, contre un sur deux en 2013.

C’est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé, le 30 octobre dernier, dans le cadre du choc de simplification, son intention de permettre l’inscription sur les listes électorales jusqu’à un mois avant un scrutin pour qu’ « aucun Français ne soit privé de son droit de vote à cause de la rigidité des règles ».

L’objectif de cette proposition de loi, qui est de lutter contre l’absentéisme électoral, est louable, et nous ne pouvons qu’y souscrire. Pour autant, et le rapporteur l’a bien rappelé, une mesure ponctuelle, exceptionnelle, n’est certainement pas le meilleur moyen de remédier à ce problème, d’autant qu’il est récurrent. Je ne pense pas que procéder à une réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes en vue des élections régionales de décembre prochain soit satisfaisant.

Comme l’a très bien dit, avec d’autres mots, notre collègue rapporteur, on ne peut pas en permanence faire des lois pour régler les dégâts collatéraux des lois antérieures.

Aussi, je tiens à saluer le travail de la commission des lois, et plus particulièrement celui de son rapporteur. L’approche retenue me semble particulièrement intéressante, puisqu’elle propose une solution pérenne et beaucoup plus simple : permettre aux électeurs qui emménagent dans une nouvelle commune après la clôture des inscriptions de s’inscrire sur la liste électorale, quel que soit le motif du changement de domicile.

Finalement, la seule différence avec la proposition de loi initiale réside dans le fait que les personnes qui habitent déjà dans leur commune, mais qui n’ont entrepris aucune démarche, ne pourront pas aller voter. Comme l’a dit Pierre-Yves Collombat, s’ils ne l’ont pas fait avant, ils ne le feront probablement pas après, même si nous leur en donnons les moyens. Les propositions du rapporteur ont également reçu un avis favorable en commission et l’appui de tous ses membres, y compris celui de l’opposition sénatoriale. Nous sommes donc quelque peu surpris de constater que le groupe socialiste a déposé des amendements, identiques à ceux du Gouvernement, pour revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale.

Surtout, les arguments avancés ne me semblent pas fondés. Vous proposez de revenir à la procédure actuelle de révision des listes électorales avec la mise en place d’un délai supplémentaire pour s’inscrire jusqu’au 30 septembre 2015. Je lis dans l’objet de l’amendement du Gouvernement que « ce délai permettra à l’ensemble des citoyens déménageant pendant la période estivale d’effectuer les démarches d’inscription ».

Monsieur le ministre, le texte adopté par la commission des lois le permettra également, puisque, selon l’article L. 30 du code électoral, les inscriptions dites « hors période » peuvent avoir lieu jusqu’à dix jours avant le scrutin. Il n’y a donc aucun « risque de générer un profond mécontentement et un décalage de la démocratie avec les réalités de notre société », comme le craignent les auteurs de la proposition de loi.

Monsieur le ministre, vous écrivez également que le texte de la commission « aggrave les risques de double inscription et la possibilité de vote de personnes en situation d’incapacité électorale ». Dans ce cas, monsieur le ministre, c’est l’article L. 30 qu’il faut supprimer !

Je le répète, la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales jusqu’à dix jours avant le scrutin existe déjà pour un certain nombre de personnes. Enfin, si le texte proposé par la commission des lois est adopté par la Haute Assemblée, puis en commission mixte paritaire, il n’y a aucune raison pour que la loi ne puisse pas s’appliquer aux élections régionales de décembre prochain, la procédure accélérée ayant été engagée.

Aussi, pour toutes ces raisons, le RDSE apportera son soutien au texte de la commission et de son rapporteur, notre excellent collègue Pierre-Yves Collombat. (Applaudissements sur les travées du RDSE et au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’accès au vote de tous les électeurs constitue l’un des principes fondamentaux qui commandent les opérations électorales. Partant de ce principe, étudions le texte qui nous est soumis aujourd’hui.

Cette proposition de loi, telle qu’elle nous a été transmise par l’Assemblée nationale, et telle que rédigée initialement par ses auteurs, a pour objectif la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales en vue des élections régionales de décembre prochain.

Il est proposé de revenir, de façon exceptionnelle, sur le principe de révision annuelle des listes électorales prévu par l’article L. 16 du code électoral. Une révision supplémentaire en 2015 permettrait de prendre en compte les demandes d’inscriptions déposées jusqu’au 30 septembre 2015. Les opérations d’inscription et de radiation seraient donc effectuées aux mois d’octobre et novembre prochains, en vue de l’établissement des listes électorales définitives pour les élections de décembre.

La proposition de loi ainsi formulée répond ponctuellement à une situation exceptionnelle, puisqu’elle concerne uniquement les prochaines élections régionales, reportées de mars à décembre 2015. Généralement, les élections régionales se tiennent en mars et aucune élection n’a eu lieu en décembre depuis cinquante ans, mais le Gouvernement en a décidé autrement.

Ainsi, les listes électorales pour les élections de décembre auraient dû être celles arrêtées au 1er mars 2015, à partir des demandes déposées avant le 31 décembre 2014. Le délai entre la clôture des demandes et le scrutin étant très important – quasiment un an ! –, la volonté de rouvrir les délais est compréhensible, mais cette révision exceptionnelle est-elle véritablement nécessaire ?

Les citoyens français vont-ils être plus nombreux à s’inscrire sur les listes électorales spécialement pour ce scrutin ? Pourquoi ne l’auraient-ils pas fait avant le 31 décembre dernier ?

Les élections régionales se caractérisant généralement par une forte abstention, susciteront-elles un plus fort engouement si nous avons rouvert les délais d’inscription sur les listes ? Permettez-moi d’en douter.

À mon sens, cette réouverture ne changera rien, car le problème est plus vaste. Les personnes ne s’étant pas inscrites sur les listes avant le 31 décembre ne le feront pas davantage avant le 30 septembre.

Alors, qu’est-ce qui empêche aujourd’hui les citoyens français de faire la démarche de s’inscrire sur ces listes ?

La sensibilisation au droit et au devoir de voter est un sujet que nous devons véritablement approfondir, mais revenons sur les conséquences de la mesure proposée par les auteurs du texte.

Sans m’attarder sur le caractère totalement inopportun de la période à laquelle ces élections régionales ont été placées, à savoir juste avant les fêtes de Noël, je voudrais souligner le probable sentiment d’opportunisme électoral que risque de susciter cette réouverture soudaine des délais d’inscription. En modifiant les lois électorales, comme il l’a fait depuis la première année suivant son arrivée au pouvoir, en malmenant le calendrier électoral, le Gouvernement a entretenu des soupçons de manipulation, ce qui a joué sur la confiance des Français. Dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui, je doute que cette attitude soit très opportune, quand nos concitoyens attendent des élus une plus grande transparence.

Enfin, l’Association des maires de France l’a souligné, une révision exceptionnelle imposerait aux communes – surtout pour les petites, comme celle dont je suis le maire – une charge supplémentaire.

Comme indiqué précédemment, le texte que nous examinons ce jour a été remanié par la commission des lois. Je tiens ici à saluer la qualité du travail de son rapporteur, Pierre-Yves Collombat (M. le président de la commission des lois opine.), de son président, Philippe Bas, et de ses membres.

La nouvelle rédaction de cette proposition de loi a donc pour objet de faciliter l’inscription sur les listes électorales. Aujourd’hui, d’après le code électoral, seules peuvent s’inscrire après la clôture des délais d’inscription les personnes qui établissent leur domicile dans une autre commune pour un motif professionnel. Cette mention du motif serait supprimée, ce qui permettrait donc l’inscription de toute personne qui a déménagé durant l’année de l’élection. Cette solution a l’avantage d’être pérenne.

En conclusion, je tiens à souligner l’utilité de cette proposition de loi, telle qu’elle a été modifiée par la commission des lois. Elle est très favorable à la démocratie, puisque son adoption permettra de mener plus de citoyens vers les urnes, sans pour autant créer de soupçons sur d’inutiles mesures exceptionnelles.

Cependant, à mon sens, le principe de révision annuelle des listes électorales n’est pas forcément bon. Nous devons assouplir les règles de l’accès au scrutin, et une réforme de modernisation de notre code électoral sur ce point s’avérerait nécessaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je voudrais remercier très sincèrement l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui se sont exprimés sur ce texte, à l’exception de l’un d’entre eux, dont l’outrance et la violence du propos, empreint de caricatures et d’amalgames, ne correspondent ni à ma conception du débat parlementaire ni à ma conception de la République. Il se reconnaîtra… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. David Rachline. Merci du compliment !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Non, monsieur Rachline, la République, ce n’est pas cette violence, ce n’est pas cette capacité d’invective, ce n’est pas non plus cette propension à l’insulte…

M. David Rachline. Vous n’êtes pas plus républicain que moi !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si, je crois que je le suis beaucoup plus que vous, et votre discours en témoigne, s’il en était besoin, de même que votre ton, lequel contraste avec le mien.

En premier lieu, je souhaite rappeler les raisons pour lesquelles les électeurs seront invités à voter en décembre 2015, puisqu’un débat a eu lieu ici même sur ce sujet.

Il fallait fixer le scrutin au plus près de la création des nouveaux conseils régionaux. Cette création par fusion de collectivités n’est possible qu’au 1er janvier, au début de l’année fiscale et budgétaire. C’est la raison pour laquelle – nous nous en étions expliqués de manière technique et détaillée lors de la présentation du projet de loi créant les nouvelles régions – cette date a été choisie, après consultation non seulement des parlementaires, mais aussi des services concernés du Conseil constitutionnel.

En second lieu, je tiens à répondre à l’argument selon lequel la modification de l’article L. 30 du code électoral permettrait de simplifier la procédure. Effectivement, dans un tel cas, il n’y aurait pas de décret à prendre pour différer et ajuster les dates de consolidation du tableau des additions et retranchements, d’habitude publié en début d’année. L’INSEE serait moins impliqué et aurait donc moins de travail. En revanche, la procédure serait considérablement complexifiée pour les maires. Je le précise, puisque le dernier orateur a exprimé des inquiétudes quant à la charge que cette disposition ferait peser sur les maires ruraux : seuls, sans appui de l’INSEE, les maires seront mis sous pression et disposeront de neuf jours au lieu de deux mois pour procéder à la révision.

Selon ses partisans, les inconvénients de la modification de l’article L. 30 devraient s’avérer limités pour les élections régionales de 2015. Pour que cela soit vrai, il faudrait que les électeurs ne s’inscrivent pas, c’est-à-dire que cette réforme échoue. Surtout, la généralisation de la procédure de l’article L. 30, parce qu’elle serait pérenne, aurait des conséquences redoutables si elle était appliquée à tous les scrutins, notamment à l’élection présidentielle.

Je voudrais conclure mon propos en observant que les raisonnements tenus à l’appui des préventions exprimées contre cette proposition de loi ne tiennent pas, si l’on prend en compte les conditions dans lesquelles cette proposition de loi a été élaborée.

Tout d’abord, ce texte résulte-t-il de la réflexion d’un parti contre tous les autres ? Absolument pas, puisqu’il est très précisément issu de travaux réalisés par deux députés, appartenant l’une à la majorité, l’autre à l’opposition. Cette proposition de loi a vocation à être généralisée par la suite, conformément à l’ensemble des préconisations de ce rapport parlementaire transpartisan.

Ensuite, un autre argument ne manque pas de saveur. Il vient de ceux qui affirment que l’on modifie le code électoral juste avant le scrutin pour que ceux qui gouvernent le pays puissent bénéficier des résultats de ce scrutin. Or les auteurs de cet argument sont les mêmes qui nous expliquent que le gouvernement actuel est condamné à perdre toutes les élections !

Je ne vois rien de logique dans ce discours qui consiste à dire que la majorité en place est toujours en difficulté lors des élections, mais que les nouveaux électeurs inscrits pourraient voter subitement en sa faveur. Si la politique du Gouvernement actuel est à ce point mauvaise, comme vous semblez le penser, il n’y a aucune raison de croire que ceux qui iront voter feront autre chose que d’exprimer leur condamnation de cette politique. À la limite, vous avez tout à attendre de ces nouvelles inscriptions, si l’on suit votre raisonnement : puisque tout va si mal et que l’on ne peut que voter contre le Gouvernement, vous devriez encourager toute mesure tendant à faciliter l’inscription de nouveaux électeurs, plutôt que d’exprimer votre méfiance !

En réalité, le sujet n’est pas là. Le discours que je viens d’évoquer reflète un raisonnement caractéristique de ce que la politique a de plus clivant et partisan. Notre préoccupation devrait être que les électeurs aillent le plus possible s’inscrire, quel que soit le vote qu’ils émettront. La démocratie est comparable à une grande roue qui tourne : on ne sait jamais quels seront les résultats des élections, car celles-ci offrent souvent des surprises. Dans l’histoire, ceux qui se sont estimés sûrs du résultat des élections à venir les ont souvent perdues. Il faut donc aborder ces sujets avec prudence et humilité.

Il vaut mieux se poser la question des principes. En l’occurrence, nous voulons lutter contre l’abstention. Est-ce une bonne chose ? Oui ! Cette proposition de loi est-elle susceptible d’influer sur le résultat des élections ? Non, pour les raisons que je viens d’indiquer. Peut-on introduire dans cette proposition de loi des dispositions applicables à toutes les élections ? Non, pour les raisons que vous avez exprimées : en effet, cette procédure est lourde et implique un travail de préparation, si l’on ne veut pas que les maires soient soumis à une pression épouvantable et ne puissent pas faire face à l’échéance. Je ne veux pas qu’une réforme destinée à lutter contre l’abstention mette tous les maires de France en difficulté.

Comme sur d’autres sujets non clivants dont nous avons eu à traiter devant cette assemblée, je propose que nous fassions preuve d’un état d’esprit qui rehausse le niveau du débat politique et du travail parlementaire en oubliant les clivages et en se concentrant sur les principes, qu’il s’agisse des conditions du vote ou du droit d’asile, sujets éminemment républicains. Essayons donc de construire des lois qui font l’unanimité, car c’est possible, et laissons les gens voter comme ils l’entendent en fonction de leurs convictions, puisque c’est cela la démocratie.

Je propose donc que l’on revienne au texte adopté par l’Assemblée nationale, ce qui permettra de conclure rapidement cette affaire et de garantir l’inscription sur les listes électorales de tous ceux qui ne peuvent pas voter. Vous avez une bonne raison de le faire, puisque je vous donne toute garantie, compte tenu du travail que les députés Jean-Luc Warsmann et Élisabeth Pochon sont prêts à faire ensemble, que toutes les préoccupations émises lors des travaux de la commission des lois seront reprises dans un texte présenté dans la foulée, afin de régler les problèmes qui pourraient se présenter à l’avenir.

Je propose donc au Sénat d’envoyer aujourd’hui un signal très fort à tous les électeurs de France, quoi qu’ils pensent ou votent, pour leur dire que le Parlement a fait en sorte que les conditions d’inscription sur les listes électorales permettent à tout le monde de voter afin de lutter contre le fléau de l’abstention. Cette réaction républicaine montrera aux Français que la politique, avec ses conflits et ses clivages, n’est pas à même de tout miner ni de tout détruire, en encourageant l’opposition à tout. La République a aussi besoin d’un tel message ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Monsieur le ministre, je voudrais aussi me situer sur le plan des principes.

En premier lieu, quand on est confronté à un problème comme celui de l’abstention, on essaie de le traiter au fond et pas simplement à la marge. On ne me fera pas croire que les rigidités des modalités d’inscription sur les listes électorales, même si elles peuvent jouer, représentent la difficulté essentielle. Ce n’est pas vrai ! Nous sommes préoccupés parce que les résultats électoraux montrent une désaffection de notre peuple, qui va plus loin que l’abstention.

Aujourd’hui, quand on vote – si on vote ! –, on le fait majoritairement contre ! Voilà le fond du débat et il est temps de se poser cette question, même si nous n’allons pas la régler avec une loi. Cette situation est constante, d’ailleurs. Dans un passage de L’Ancien régime et la Révolution, Tocqueville montre bien comment, à force de vouloir tout centraliser, les gens ne se déplaçaient même plus quand on leur demandait de voter. Posons-nous donc la question !

Ensuite, je vous l’avoue, je suis fatigué d’avoir à examiner des lois qui ont pour but de corriger les effets collatéraux négatifs des lois précédentes. On adopte une loi, on s’aperçoit ensuite que son application pose des problèmes et on présente une nouvelle loi ! C’est vraiment dénaturer notre fonction. Quand la loi modifiant la date du scrutin régional a été votée, on aurait pu se rendre compte du problème et décider de rouvrir les inscriptions sur les listes électorales.

Enfin, monsieur le ministre, comme mon collègue Philippe Kaltenbach, vous avez évoqué la nécessité d’un vote conforme du Sénat. Je suis toujours surpris que l’on nous présente de telles demandes, puisque la raison d’être du bicamérisme est bien que chaque assemblée puisse apporter sa contribution.

Ma position s’appuie donc sur des considérations de principe, et je remercie la commission de m’avoir suivi. Je veux bien admettre la nécessité de faire preuve de pragmatisme – après tout, c’est la base de la politique –, mais un pragmatisme qui n’est pas encadré par des principes devient un pur opportunisme !

Quelle est la raison qui justifie cette proposition de loi ? J’avoue que je n’en sais rien. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, ce n’est pas en rouvrant la possibilité de s’inscrire sur les listes que l’on va modifier les résultats des scrutins, j’en suis intimement persuadé. Alors, pourquoi nous soumettre cette proposition de loi ? Vous nous dites qu’il faut améliorer le taux de participation aux élections et que c’est un impératif absolu. Il est un peu tard pour s’en rendre compte ! Franchement, je ne crois pas que cette proposition de loi soit conforme aux principes que vous avez évoqués.

Quant à vos objections techniques, je ne peux pas non plus les accepter. L’article L. 30 du code électoral fonctionne déjà actuellement. Vous nous dites que les électeurs vont se précipiter dans les dix derniers jours. Pour quelle raison ? Nous n’en savons rien ! Je vous ai d’ailleurs proposé d’amender le texte sur ce point, si nécessaire.

Ensuite, vous nous avez dit que les électeurs allaient se précipiter en masse pour s’inscrire. Ce sera au mieux une demi-masse, puisque la moitié n’ira pas voter ensuite ! (Sourires.)

Alors que nous avons constaté un désengagement évident des électeurs au mois de mars, pourquoi devrions-nous constater un engouement extraordinaire au mois de septembre, pour élire des conseils régionaux dont on ne connaîtra même pas les compétences, puisque la loi n’aura pas encore été votée ?

Enfin, selon vous, les inconvénients de la solution que nous proposons provoqueront l’échec de cette réforme, mais je n’ai aucunement la prétention de défendre une réforme ! J’essaie simplement, pragmatiquement, mais conformément à mes principes, de présenter une solution qui vaut ce qu’elle vaut. Elle améliorera un peu le droit existant, à charge pour vous d’intégrer par la suite toutes ces propositions dans une réforme complète des conditions d’inscription sur les listes électorales, puisque vous nous avez dit que le Président de la République en avait pris l’engagement.

Pour l’ensemble de ces raisons, je persiste dans la volonté de vous présenter cette solution qui me paraît non pas la meilleure, mais la moins mauvaise !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je serai très bref, monsieur le président.

Tout d’abord, il faut raisonner en fonction des étapes d’élaboration de ce texte, qui n’est pas un texte gouvernemental. Il s’agit d’une proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale, résultat d’un travail transpartisan de deux parlementaires appartenant, pour l’une, à la majorité, pour l’autre, à l’opposition.

Il ne faut pas attribuer au Gouvernement la rédaction d’un texte qui est le résultat du travail approfondi et non partisan de vos collègues de l’Assemblée nationale ! J’y insiste, parce que les présentations qui ont été faites, notamment par M. le rapporteur, pourraient laisser accroire que le Gouvernement, dans la plus grande précipitation et pour corriger les effets collatéraux du projet de loi relatif au nouveau découpage des régions, présente un second texte modifiant les conditions d’inscription sur les listes électorales. Or ce n’est pas ce qui s’est passé.

Voilà les faits : le Gouvernement a fait délibérer le Parlement sur un texte relatif aux régions, dont l’examen a donné lieu à des débats nombreux, riches et denses. Avant même la fin de cette discussion, le Parlement a engagé une réflexion sur l’inscription sur les listes électorales afin de lutter contre l’abstention.

Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté : nous ne discutons pas d’un texte dont l’initiative revient au Gouvernement, mais d’une proposition de loi qui émane de vos collègues de l’Assemblée nationale. Il n’est donc pas le résultat de la réflexion d’un groupe contre un autre, mais d’une réflexion commune de la majorité et de l’opposition concernant les modalités d’inscription sur les listes électorales en vue de lutter contre l’abstention.

Néanmoins, cela n’empêche pas le Gouvernement d’exprimer sa position sur cette proposition de loi, laquelle est la suivante : Si nous voulons faciliter l’inscription sur les listes électorales et lutter contre l’abstention, nous devons « faire simple ». Si nous rendons impossible la mise en application de cette proposition de loi à travers des délais et des conditions de mise en œuvre difficiles, nous n’obtiendrons aucun résultat.

Je comprends la philosophie des amendements présentés par la commission des lois, ainsi que la position de M. le rapporteur ; je dirai même que je les partage. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement présentera, à la suite de l’examen du présent texte, un projet de loi visant à garantir la généralisation des conditions proposées par la commission des lois du Sénat.

Je veux attirer votre attention sur un autre point. Si vous adoptez cette proposition de loi telle que modifiée par les amendements de la commission des lois, ce texte ne pourra pas être mis en œuvre avant les élections régionales. En effet, du fait de la navette parlementaire, le risque existe que nous n’ayons pas le temps de prendre les décrets d’application dans les délais adéquats.

L’opinion et le tohu-bohu médiatique ne feront pas la part des responsabilités et retiendront uniquement que la classe politique dans la pluralité de ses composantes, Gouvernement et Parlement confondu, n’a pas mis en œuvre les conditions nécessaires pour faciliter l’inscription sur les listes électorales des personnes désireuses d’aller voter. Dans le contexte actuel, cela me semble être un bien mauvais signal.

Même si je comprends et partage vos préoccupations, nous devons prendre en compte les éléments que je viens d’évoquer. Je vous propose donc de revenir au texte issu de l’Assemblée nationale, de façon à avoir un vote conforme. J’avais d’ailleurs fait part au président de la commission des lois, avant même que celle-ci ne se réunisse, des préoccupations du Gouvernement sur cette proposition de loi.

Si un vote conforme avait lieu, nous pourrions prendre immédiatement les décrets, et ceux de nos concitoyens qui ne peuvent pas voter actuellement pourraient le faire. Une telle mesure n’irait absolument pas à l’encontre des préoccupations du rapporteur, bien au contraire. Je m’engage en effet, au nom du Gouvernement – le compte rendu en fournira la preuve écrite –, à répondre au travers d’un projet de loi ultérieur à l’ensemble des points qu’il a évoqués.

Le même compte rendu témoignera de nos positions respectives, car il faudra ensuite s’expliquer sur les raisons qui auront conduit à faire capoter ce texte !

En conclusion, je demande donc que l’on en revienne à la rédaction de l’Assemblée nationale, sans guère d’illusion d’y parvenir, et que l’on permette, par un vote conforme, aux électeurs de s’inscrire sur les listes électorales avant la fin de l’année. Nous généraliserons ensuite ce dispositif dans un second texte qui tiendra compte des préoccupations du rapporteur. On ne peut pas faire plus consensuel !

Moi aussi, j’ai lu Tocqueville, monsieur le rapporteur, et j’aime particulièrement l’esprit d’équilibre qui préside à ses écrits. Je suis convaincu que nous pouvons, nous aussi, trouver le bon équilibre sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Monsieur le ministre, les raisons pour lesquelles je ferais « tout capoter », pour reprendre votre expression, je les ai données : elles sont essentiellement de principe. En exprimant ainsi mon point de vue, je suis dans mon rôle de rapporteur !

J’entends bien que le présent texte n’est pas gouvernemental, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi ; mais vous avouerez que c’est tout de même bien imité !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale. Avant de passer à l’examen des amendements, je tiens à revenir sur les arguments qui ont été échangés.

Le travail de la commission des lois n’a pas consisté à créer une nouvelle voie d’évolution des listes électorales en cours d’année ! Nous avons simplement voulu permettre aux personnes déménageant en cours d’année pour un motif non professionnel de bénéficier de la procédure qui existe déjà pour celles déménageant en cours d’année pour un motif professionnel. Le débat doit donc être ramené à de justes proportions.

En effet, le dispositif prévu par cette proposition de loi concerne uniquement la catégorie des personnes que je viens d’évoquer, qu’il faut faire entrer « dans les mailles du filet » et qui est souvent oubliée au moment où les commissions communales se réunissent pour réviser les listes électorales.

Nous poursuivons donc le même objectif que celui figurant dans la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale. Le mérite que nous avons, c’est de proposer une disposition permanente, et non pas exceptionnelle, qui se greffe sur un dispositif existant. Par conséquent, les obstacles que vous avez évoqués, monsieur le ministre, découlent d’ores et déjà du texte initial, dont nous élargissons simplement le champ d’application.

Cette extension ne mérite pas un long débat de principe, car nos intentions sont les mêmes que celles énoncées par le Gouvernement et retenues par les députés. L’intérêt du dispositif que nous proposons a simplement le mérite de ne pas être dérogatoire et de s’inscrire dans une procédure maîtrisée et connue.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales
Article 2 (supprimé)

Article 1er

Au 2° bis de l’article L. 30 du code électoral, les mots : « pour un motif professionnel autre que ceux visés aux 1° et 2° » sont supprimés.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1 est présenté par M. Kaltenbach et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L’amendement n° 4 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

Par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 16 du code électoral, les listes électorales font l’objet d’une procédure de révision exceptionnelle en 2015. Les demandes d’inscription sont recevables jusqu’au 30 septembre 2015.

Pour la mise en œuvre du présent article, les articles L. 11 à L. 40 du même code sont applicables.

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l’amendement n° 1.

M. Philippe Kaltenbach. Le débat a été largement engagé. Nous avons un objectif commun, du moins affiché, mais proposons deux dispositifs différents, donc chacun présente des avantages. Le groupe socialiste a choisi de revenir au texte tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale, pour les raisons brillamment exposées par M. le ministre. J’ajouterai quelques éléments à son propos.

M. le rapporteur et M. le président de la commission insistent sur le caractère pérenne de leur proposition. Quant à M. le ministre, il a confirmé la présentation avant la fin de l’année d’une proposition de loi, laquelle est en cours d’élaboration consensuelle par une députée socialiste et un député UMP et vise à améliorer le système d’inscription électorale afin de le rendre pérenne, définitif et efficace. Ce sera le fruit d’un long travail s’appuyant sur des considérations techniques, qui rendra possible in fine, à partir de 2016, l’inscription sur les listes électorales jusqu’à un mois avant le scrutin.

M. le rapporteur nous propose, et cette position a été majoritaire en commission, d’étendre le champ d’application de l’article L. 30, lequel prévoit une procédure d’urgence très peu appliquée et réservée à des cas particuliers.

Je suis certain que même les parlementaires ne connaissent pas tous cette possibilité de s’inscrire sur les listes électorales en cours d’année pour les personnes déménageant pour un motif professionnel !

Chaque année, vers le 31 décembre, des campagnes massives d’information sont lancées pour inciter nos concitoyens à s’inscrire sur les listes électorales. Ils sont ainsi maintenus dans la croyance qu’il est impossible de s’inscrire sur les listes électorales après le 31 décembre. Voilà qui explique pourquoi les dérogations spécifiques prévues à l’article L. 30 sont très peu mises en œuvre.

À l’inverse, dès lors que la proposition de loi sera adoptée et que l’on en parlera dans les médias, les demandes d’inscription seront bien plus nombreuses, puisque nos concitoyens sauront alors que le 31 décembre n’est pas une date butoir et qu’une possibilité leur est ouverte. Nous connaîtrons alors un afflux de demandes d’inscription, ce qui risque d’engorger le système, même si les élections régionales sont moins suivies que l’élection présidentielle.

Actuellement, on compte six millions de mal inscrits. Par conséquent, même si 10 % seulement d’entre eux s’inscrivent dans leur commune de résidence, cela créera une masse de dossiers presque impossible à traiter, en particulier dans les petites communes où les maires seront directement confrontés à ces difficultés. Nous devons donc être très prudents sur ce point et prendre en compte ces arguments techniques.

Pour ne pas décevoir l’attente de nos concitoyens, votons ce texte tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale !

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 4.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement est d’une très grande simplicité, puisqu’il vise au rétablissement du texte tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Vous vous en doutez, la commission est défavorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

M. Patrick Abate. Nous avons effectivement un problème à régler en vue des élections régionales. Pour que les listes électorales correspondent le plus étroitement possible au corps électoral, nous devons y intégrer les mouvements intervenus depuis janvier 2015. C’est un premier argument qui nous fera voter en faveur de ces amendements.

Deuxième argument, nous refusons de légiférer dans l’urgence. S’agissant de ce problème central pour notre démocratie qu’est la participation des citoyens aux élections, nous souhaitons reporter le débat de fond à une année pleine, sans élection.

Nous prenons donc acte de l’engagement pris par M. le ministre. Nous espérons que nous pourrons alors débattre de façon approfondie, non seulement des aspects techniques de l’inscription sur les listes électorales, mais aussi, le plus calmement et le plus démocratiquement possible, des problématiques liées au vote blanc, au développement de la démocratie participative et locale, et à la prise en compte du vote des étrangers.

Tous ces sujets ne pourront être examinés que dans le cadre d’une discussion nourrie et sereine, lors d’une année non électorale. Par conséquent, nous voterons en faveur de la rédaction adoptée par nos collègues députés.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Nous ne voterons pas ces amendements.

Je suis surpris d’entendre dire que le Sénat bloquerait tout en ne votant pas conforme le texte issu de l’Assemblée nationale. Cela revient à nous montrer du doigt et, si les choses se passent mal, à nous en incomber la faute.

M. Philippe Kaltenbach. Il faut assumer !

M. Jean-François Longeot. Ce n’est pas nous qui avons modifié les règles du scrutin, changé les dates, ou convoqué les électeurs aux élections départementales sans leur expliquer ce pour quoi ils allaient voter et quelles fonctions allaient occuper les nouveaux conseillers départementaux ! Je rappelle, en effet, que le projet de loi NOTRe viendra en deuxième lecture au Sénat seulement la semaine prochaine.

Si l’on veut un texte de consensus, il faut éviter de nous culpabiliser ! Comme l’a souligné M. le rapporteur, il est important que le bicamérisme fonctionne et que l’on nous permette de nous exprimer.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai le plus grand respect pour le bicamérisme et pour le travail des sénateurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me permets d’appeler l’attention du Sénat sur certaines de ses positions et sur les conséquences qu’aurait le vote de certains de ses amendements sur la mise en œuvre opérationnelle de divers processus.

Être attaché au bicamérisme et être désireux de voir reconnue sa responsabilité politique, cela implique d’assumer les conséquences de ses votes.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Tout à fait !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il n’est pas dans mon intention de dramatiser les choses, mais, en l’absence d’un vote conforme, il sera beaucoup plus difficile – je ne dis pas que ce sera impossible – de mettre en œuvre les dispositions contenues dans ce texte avant la fin de l’année. Et comme je souhaite lutter contre l’abstention en permettant au plus grand nombre de s’inscrire sur les listes électorales, objectif simple et lisible auquel peuvent souscrire de très nombreux Français de toutes sensibilités, je me dois de dire au Sénat que, si l’on n’en revient pas au texte de l’Assemblée nationale, il sera beaucoup plus difficile, pour ne pas dire impossible, d’atteindre ce but.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 4.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 187 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 139
Contre 204

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote sur l’article.

M. Philippe Kaltenbach. Le groupe socialiste votera contre cet article 1er, dont la rédaction demeure celle de la commission puisque notre amendement n’a pas été adopté.

Nous considérons en effet que la solution retenue ne sera pas du tout opérationnelle. Nos concitoyens souhaitant s’inscrire sur les listes électorales attendent le vote du Parlement. M. le ministre disait tout à l’heure que, si cette possibilité leur était refusée in fine, l’ensemble de la classe politique serait montrée du doigt. Je vous dis, quant à moi, que c’est la responsabilité du Sénat qui sera engagée : c’est lui qui sera montré du doigt, car il n’aura pas ouvert une possibilité supplémentaire de s’inscrire sur les listes électorales.

Il est vrai que cette possibilité ne réglerait pas tout ; si elle devait entrer demain en vigueur, j’en conviens, le taux de participation n’atteindrait pas d’un seul coup 90 %. Néanmoins, elle répond à un objectif que nous partageons tous, celui d’une démocratie plus accomplie.

Je le répète, nos concitoyens auront du mal à comprendre les raisons du blocage par le Sénat de cette évolution.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il ne bloque rien du tout !

M. Philippe Kaltenbach. Certains ne veulent pas d’un vote conforme. Bien évidemment, aucun d’entre nous ne prétendra que le Sénat doit, à chaque fois, voter conformes les textes adoptés par l’Assemblée nationale ; le cas échéant, notre assemblée, tout le monde en conviendra, ne servirait pas à grand-chose. A contrario, il ne faudrait pas, au nom du bicamérisme, que le Sénat se garde systématiquement de voter conforme les textes.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. On a compris !

M. Philippe Kaltenbach. En cas d’accord sur le fond, lorsqu’on estime que la solution proposée est techniquement bonne,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ne soyez pas mauvais joueur !

M. Philippe Kaltenbach. … il ne faut pas bloquer les choses par principe et renoncer à un vote conforme si c’est la solution la plus efficace et la plus utile.

M. Collombat nous dit que, justement par principe, il ne veut pas de vote conforme. Pourquoi s’en priver si cela permet, en outre, d’aller plus vite et d’envoyer un message à nos concitoyens en offrant rapidement cette possibilité supplémentaire d’inscription sur les listes électorales ?

Il n’est pas dans mon propos de pointer du doigt l’un ou l’autre parmi nous, mais faire de la politique, c’est aussi assumer des responsabilités. Il faut en être bien conscient avant de procéder au vote, il existe un risque important qu’in fine cette mesure prévue au bénéfice de nos concitoyens par cette proposition de loi ne puisse pas entrer en vigueur en septembre.

Je le répète, le groupe socialiste votera contre l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote sur l'article.

M. Yves Détraigne. Vous me connaissez, je n’ai pas pour habitude de prendre la parole toutes les deux minutes dans cette enceinte, mais je tiens à réagir aux propos qui viennent d’être tenus à l’instant.

Si nous en sommes là, c’est parce que la majorité gouvernementale a procédé à des modifications en veux-tu en voilà des modes de scrutin et du calendrier électoral.

M. Mathieu Darnaud. Bien sûr !

M. Yves Détraigne. Nous essayons simplement de rattraper les dégâts collatéraux. Par conséquent, nous ne pouvons pas accepter ce que vient de dire notre collègue Philippe Kaltenbach !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le sénateur, pouvez-vous m’indiquer en quoi, et à quel moment, le mode de scrutin des élections régionales a été modifié ?

M. Yves Détraigne. Vous avez modifié la date ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le sénateur, il s’agit d’autre chose… Par respect pour le Sénat, permettez-moi de vous répondre précisément.

Vous dites que nous avons modifié le mode de scrutin des élections régionales ; dites-moi à quel moment ! Nous ne l’avons jamais modifié.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Vous avez modifié les circonscriptions !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est encore autre chose, monsieur le rapporteur : modifier les circonscriptions, ce n’est pas modifier le mode de scrutin. Je le répète, s’agissant des élections régionales, celui-ci demeure inchangé. Pour la qualité de nos échanges, je m’efforce d’être très précis !

Par ailleurs, monsieur Détraigne, vous dites que la date de scrutin a été modifiée. Si nous l’avons fait, c’est pour des raisons techniques sur lesquelles je me suis expliqué ; ce n’est pas par perversité mentale ou par volonté d’influer sur le résultat du scrutin. Ce sont des considérations de nature budgétaire et technique qui, par souci d’une bonne administration des collectivités locales, nous ont obligés à procéder de la sorte. Je vous prie de croire en ma sincérité.

À un moment donné, il faut bien soulever la question de l’inscription sur les listes électorales, qui n’a rien à voir avec la date des élections ; c’est un problème de principe, comme l’a dit M. le rapporteur : veut-on faciliter l’inscription sur les listes électorales, nonobstant le type d’élection, nonobstant le mode de scrutin, nonobstant la date des échéances électorales, de ceux qui jusqu’à présent n’ont pas pu s’y inscrire compte tenu des règles en vigueur ? Dans l’affirmative, il faut voter ce texte conforme. À défaut, ce sera plus compliqué.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote sur l’article.

M. Daniel Gremillet. Je partage l’avis de notre collègue Yves Détraigne et je suis moi aussi étonné par les propos qui viennent d’être tenus. Laisser croire que c’est le Sénat qui empêcherait l’expression démocratique dans notre pays, c’est quand même pousser le bouchon un peu loin !

Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit au sujet des élections départementales. Comme d’autres parmi nous, je suis élu régional. Le présent texte a pour objet de permettre la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales, dans la perspective des élections régionales qui se tiendront à la fin de l’année. Au moment où les électrices et les électeurs exerceront leur devoir démocratique et glisseront dans l’urne leur bulletin de vote, on connaîtra, avec un peu de chance, les compétences des régions, mais on ignorera les moyens budgétaires dont elles disposeront pour mener à bien leurs projets.

Dans notre pays, nous sommes en permanence soumis à l’urgence et à la procédure accélérée. Conservons notre calme, gardons les pieds sur terre, et respectons nos électrices et nos électeurs ! Pour ma part, j’approuve la proposition de la commission des lois, dont le travail raisonné s’inscrit dans un processus de fond visant à revoir l’architecture des listes électorales et non pas dans un processus d’urgence. Je voterai donc cet article 1er.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. À ce stade du débat, mon devoir est d’essayer de rassurer le ministre de l’intérieur, que j’ai senti inquiet…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Très inquiet ! (Sourires.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … quant aux conditions de mise en œuvre de cette proposition de loi si elle devait être adoptée dans sa rédaction issue des travaux de la commission.

Monsieur le ministre, nous allons examiner dans un instant deux amendements identiques visant à rétablir l’article 2 dans sa rédaction initiale, lequel prévoyait qu’un décret en Conseil d’État déterminerait les règles et les formes de l’opération prévue à l’article 1er.

La commission des lois ayant supprimé, par coordination avec la position qu’elle a adoptée à l’article 1er, l’article 2, ce décret est devenu inutile dès lors qu’il est possible, aux termes du texte qu’elle a adopté, de s’inscrire à tout moment de l’année sur les listes électorales d’une commune, même si le déménagement ne résulte pas d’un motif professionnel.

Ce cadre est celui qui est actuellement en vigueur. Par conséquent, monsieur le ministre, cette solution vous permettra de gagner non pas simplement quelques semaines, mais peut-être un mois et demi, voire deux mois, compte tenu de l’encombrement du Conseil d’État.

La loi, si vous faites en sorte que la commission mixte paritaire se réunisse dans les meilleurs délais, pourra s’appliquer sans qu’il soit nécessaire de prendre des textes d’application. Naturellement, vous pourrez toujours éclairer, par une circulaire, les services préfectoraux et l’ensemble des services qui contribueront à la mise en œuvre de la loi. Cette circulaire sera de mon point de vue aisée à rédiger puisque, je le répète, il s’agit simplement d’étendre le champ d’application d’une disposition permanente qui nous est familière, à savoir l’inscription en cours d’année sur les listes électorales.

Ainsi, grâce à une promulgation rapide de la loi, point de décret en Conseil d’État, mais une simple circulaire, et ceux qui en sont privés aujourd’hui pourront, grâce à un travail qui n’est pas de circonstance, s’inscrire quand ils le souhaitent – et même en cours d’année – sur les listes électorales, sans attendre la mise en œuvre au mois de décembre de la lourde procédure de la révision des listes électorales.

J’espère, monsieur le ministre, vous avoir apporté les apaisements utiles, sur le plan juridique et de la pratique administrative, concernant la mise en œuvre d’une disposition qui sera directement applicable du seul fait de sa promulgation.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je remercie beaucoup M. le président de la commission de son intervention : comme toujours, son souci est d’atteindre le but de façon constructive. Cette relation est d’ailleurs emblématique de ce qui nous caractérise l’un et l’autre. Je suis en effet dans son opposition dans le département de la Manche, alors que c’est l’inverse ici : cette situation apprend à discuter et à travailler ensemble de façon positive. (Sourires.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Cela peut s’inverser…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je comprends parfaitement votre argument, monsieur le président de la commission, mais il pose une petite difficulté. En effet, si nous prenons la mesure telle que vous l’envisagez, nous ne pourrons pas procéder à l’adaptation du dispositif INSEE dans le délai imparti. Votre proposition est certes plus simple, je ne le conteste pas, mais elle est plus fragile opérationnellement.

En cas d’afflux des demandes, nous devrons faire face à des problèmes de doublons susceptibles de compromettre la fiabilité des modalités d’inscription sur les listes électorales et de créer un bug national considérable. En outre, toute la charge de l’organisation de ces inscriptions pèsera sur les maires, qui subiront la pression exercée en ce sens par l’assemblée délibérante des collectivités territoriales.

Les propos que vous tenez avec M. le rapporteur sont donc exacts, ce dispositif est plus simple. En revanche, il est moins sûr. Or nous voulons qu’il soit, à la fois, simple et sûr. Il ne faudrait pas que ce que nous gagnons en simplicité, nous le perdions en sûreté.

Le désaccord entre nous n’a donc rien de politique, il est seulement technique. La mesure de simplification que vous proposez, j’en suis convaincu, nous ferait prendre un risque considérable.

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n°188 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 204
Contre 139

Le Sénat a adopté.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales
Intitulé de la proposition de loi (début)

Article 2

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par M. Kaltenbach et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L’amendement n° 5 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Un décret en Conseil d’État détermine les règles et les formes de l’opération prévue à l’article 1er.

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement étant étroitement lié à l’amendement précédent qui vient d’être rejeté lors d’un vote par scrutin public, par cohérence, le groupe socialiste le retire.

M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.

La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 5.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

L’article 2 demeure donc supprimé.

Article 2 (supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par M. Kaltenbach et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L’amendement n° 6 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales

La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour présenter l’amendement n° 3.

M. Philippe Kaltenbach. Nous retirons également cet amendement, lié à l’amendement n° 1 qui a été rejeté.

M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.

La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 6.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n°189 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 204
Contre 139

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à midi.)

M. le président. La séance est reprise.

Intitulé de la proposition de loi (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales
 

3

Parrainage civil

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission.

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi relative au parrainage civil, présentée par M. Yves Daudigny et les membres du groupe socialiste et apparentés (proposition n° 390, texte de la commission n° 443, rapport n° 442).

Dans la discussion générale, la parole est M. Yves Daudigny, auteur de la proposition de loi.

M. Yves Daudigny, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’ordre du jour du Parlement est extrêmement chargé – il l’est de plus en plus au fil du temps, cela nous a été rappelé voilà quelques jours à l’occasion de l’examen de la proposition de résolution tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat – et il comporte des réformes de grande ampleur. En regard, l’objet de la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter est donc modeste, autant que le dispositif en est bref.

Vous n’en avez pas moins reconnu, monsieur le rapporteur, que la présentation de ce texte constituait « une initiative heureuse », et je vous en remercie. Il en est de même du travail de réflexion et d’amendement que vous avez mené, dans un délai assez court et, surtout, dans un esprit très constructif. Vous avez permis l’aboutissement d’un accord en la matière et l’adoption de cette proposition de loi à l’unanimité de la commission des lois.

J’écarte d’emblée la question sémantique : baptême civil, baptême républicain, parrainage civil, parrainage républicain. Je m’en tiendrai à cette dernière formulation que vous avez retenue, mon cher collègue. Il ne semble d’ailleurs pas possible de relier l’une ou l’autre de ces expressions à un lieu ou à une période particulière.

J’approuve, je le dis également d’emblée, le texte de la commission, parce qu’il satisfait pour l’essentiel notre proposition de loi initiale.

Notre texte d’origine comportait en effet trois objectifs.

Il s’agissait, en premier lieu, d’assurer sur l’ensemble du territoire un traitement égal de toutes celles et tous ceux qui souhaitent procéder à cette cérémonie, la pratique du parrainage républicain restant livrée, en l’absence de base légale, au bon vouloir des municipalités.

Notre deuxième objectif était de favoriser le sentiment d’appartenance à la communauté citoyenne et de contribuer à renforcer les liens sociaux et familiaux, ce qui n’est pas le moins.

Le texte adopté, tel que modifié par la commission des lois, atteint parfaitement ces deux buts.

Notre troisième objectif ouvrait incontestablement un débat d’une autre ampleur. Il répondait aux diverses conceptions de la parentalité, différant selon que l’on assigne ou non au parrainage des conséquences de droit. Compte tenu de divergences profondes, du risque de conflit d’autorité que M. le rapporteur a également relevé, mieux vaut y renoncer à ce stade, en contrepartie de la perspective d’aboutir sur le principe même de la légalisation du parrainage républicain.

Le fondement textuel que nous donnerons à ce rituel confortera son utilité sociale et garantira que tous y aient un égal accès. Mais il apportera aussi – enfin ! – une réponse claire : aux parents, parrain et marraine, d’une part ; aux élus et personnels communaux, d’autre part.

En effet, les questions écrites posées, de manière récurrente, par les parlementaires, reflètent la persistance de l’incertitude des uns et des autres, et ce, malgré les réponses tout aussi invariables du ministère de la justice. Le maire sollicité est-il tenu de procéder à cette cérémonie ? Dans quelles formes ? À quelles conditions ? Quelle est la portée de l’engagement des parrain et marraine ?

La balle – si je puis m’exprimer ainsi – est donc bien dans le camp du législateur. Au reste, plusieurs propositions de loi, rédigées sur l’initiative des différents groupes des deux assemblées, ont précédé celle-ci. Je songe au texte déposé par Jacques Myard en 2006, « tendant à instaurer le parrainage civil » ; aux propositions de loi, identiques, de Paulette Guinchard-Kunstler en 2007 et de Richard Mallié et Patrick Balkany en 2008 ; ou encore au texte déposé par Dino Cinieri et plusieurs de ses collègues en 2013, « tendant à instituer une reconnaissance juridique aux parrain et marraine civils ».

Toutes ces propositions de loi s’inscrivent dans le code civil mais diffèrent quant à la portée juridique de l’engagement des parrainants. Le texte de Dino Cinieri prévoyait même d’étendre l’abattement fiscal applicable aux successions entre frère et sœur à celle des parrain et marraine au profit de leur filleul.

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cela allait peut-être un peu loin…

M. Yves Daudigny. La question porte donc moins sur la nécessité de légiférer que sur les limites à fixer à de telles normes. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle ces textes n’ont pas eu de suite.

Par leur diversité, ces propositions sont, en réalité, à l’image des fonctions dont la pratique contemporaine investit le parrainage républicain. Le sens de cette coutume ancestrale – elle perdure depuis plus de deux siècles – a évolué. Les motifs qu’ont les parents de recourir au parrainage républicain, les parrain et marraine de l’accepter et les élus de le promouvoir suivent le mouvement des idées qui parcourent notre histoire depuis la Révolution française.

Associé, à sa création en 1790, aux cultes religieux, anticlérical en 1792, ce jusqu’à l’extrême, ou plus solidaire et fraternel dans la ligne socialiste de la fin du XIXe siècle, un temps symbolique de ce que l’on appelait les « communes rouges » dans les années 1970, ou simplement républicain, ce parrainage connaît un nouvel essor depuis les années 2000. Mais sa pratique a perdu le militantisme et la conflictualité de ses origines.

M. François Bonhomme. Ce n’est pas plus mal…

M. Yves Daudigny. Dans son étude de sciences politiques publiée en 2007, l’universitaire Antoine Mangret-Degeilh, constate que le « baptême républicain […] s’est fondu dans le paysage », qu’il est « désormais annoncé sur les sites internet et dans les guides d’information [...] à la rubrique des formalités administratives, entre les démarches d’inscription sur les listes électorales et autres certificats de vie commune ou de concubinage ».

L’Église elle-même a évolué. L’étude précitée mentionne à cet égard l’avis de Bernard Kaempf qui s’exprimait ainsi en 2000 : « Il n’y a en fait rien de bien choquant à ces engagements, auxquels tout citoyen et tout chrétien digne de ce nom pourrait souscrire. […] Le parrainage civil n’est pas critiquable théologiquement, surtout pas dans la perspective luthérienne des deux règnes, ou pouvoirs, le civil et le religieux. »

Ainsi peut-on lire sur le site cybercuré.catholique.fr (Sourires.), sous le titre : « Position de l’Église sur le baptême civil », que cette dernière « n’est pas hostile à cette cérémonie civile », qu’elle considère comme une réalité profane compatible avec le baptême religieux, comme le sont les mariages civil et religieux.

M. François Bonhomme. Bref, tout est bon !

M. Yves Daudigny. L’enquête à laquelle je me suis référé tend à montrer que les buts visés par les parents sont en réalité divers et pluriels. Il peut s’agir, à la fois, et pour chacun d’eux à divers degrés, d’exprimer des valeurs – républicaines, laïques, citoyennes –, de perpétuer une forme de tradition baptismale, de renforcer l’unité de la famille ou de conférer un statut au parent électif.

L’étude de ces motivations met également au jour un déplacement sur l’aspect plus sociétal de la parentalité, mais qui répond à deux modèles de représentation, entre une parenté de simple complément, les parrain et marraine choisis ayant pour rôle d’accompagner l’autorité parentale, et une parenté de substitution, propre à suppléer les parents empêchés ou disparus.

Apporter enfin par la loi une réponse claire impose donc, au-delà des implications juridiques plus ou moins complexes, mais non insurmontables, de faire sien, au préalable, l’un ou l’autre de ces paradigmes. Celui qui vous est proposé aujourd’hui n’était pas initialement le nôtre. Tout bien pesé, je m’y rallie pour les raisons que j’ai exposées, en termes d’utilité sociale et d’égalité de traitement.

Toutefois, nombre de parents interrogés recourent au parrainage républicain avec la conviction que la cérémonie confèrera une réalité juridique à cette parentalité de secours. Et il est vrai qu’en l’inscrivant dans le code civil, sous le titre II du livre Ier, consacré aux actes de l’état civil, on pourrait entretenir cette confusion. C’est ce que m’a signalé l’historienne anthropologue et spécialiste de la parenté Agnès Fine. Elle-même est très favorable à la légalisation du parrainage républicain, et je saisis cette occasion pour la remercier vivement de l’entretien qu’elle m’a accordé.

Les amendements déposés par M. le rapporteur tendent à écarter ce risque.

Les conditions en termes de capacité et de commune de rattachement, également ajoutées au présent texte, ne soulèvent pas d’objection majeure.

Je tiens à émettre une réserve, au sujet de l’accord requis des deux parents lorsqu’ils exercent tous deux l’autorité parentale. En effet, la loi du 4 mars 2002 a supprimé la condition de communauté de vie pour conférer l’autorité parentale conjointe lorsque l’enfant, reconnu par l’un des parents, l’est par l’autre dans l’année de sa naissance. Rechercher cet accord pour des parents séparés peut se révéler problématique et source de litige. Ce point pourra être considéré au cours de la navette.

J’aurais également souhaité que le texte de cette proposition de loi conserve cette belle formule, selon laquelle les parrain et marraine sont chargés de « concourir à l’apprentissage par l’enfant d’une citoyenneté dévouée au bien commun, animée de sentiments de fraternité, de solidarité et de respect de la liberté à l’égard de ses semblables ». Ces mots traduisent les valeurs de la République, que nous avons tous à cœur de faire vivre et de transmettre. À mon sens, ils assuraient, en l’espèce, ce supplément d’âme qui nous fait souvent défaut.

Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, toutes et tous s’accordent sur les effets bénéfiques de la présence de parrain et marraine auprès des enfants. Tel que modifié par M. le rapporteur, le présent texte, qui fait du parrainage républicain un simple engagement moral, a fait l’unanimité au sein de la commission des lois et recueille notre accord. Il est simple, clair et utile. Telles sont les raisons qui, je l’espère, vous convaincront de l’approuver ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons inscrit dans notre corpus législatif une coutume héritée des rites issus de la Révolution française : le parrainage républicain.

J’emploie à dessein ce terme – c’est celui qu’a retenu la commission des lois – plutôt que ceux de « parrainage civil », « baptême civil » ou « baptême républicain ». Certes, toutes ces expressions désignent le même acte, mais, à mon sens, les mots de « baptême républicain » correspondent mieux à la réalité dont il est question.

À travers cette pratique coutumière, qui tend à se développer depuis plusieurs années dans différents milieux familiaux, il s’agit de donner symboliquement à un enfant un parrain et une marraine chargés de veiller, chez lui, au développement des valeurs associées à notre République, notamment la liberté, l’égalité et la fraternité, et d’autres, que l’auteur du présent texte vient de citer. Ces trois termes constituent la devise de notre pays, mais, fort heureusement, les valeurs de la République ne s’y limitent pas !

Jusqu’à présent, cette coutume n’a aucun effet de droit, ni base légale ou réglementaire certaine. De plus, elle fait l’objet d’une application inégale sur le territoire, ce à quoi tend à remédier cette proposition de loi.

Dans sa rédaction initiale, le présent texte faisait du parrainage républicain un acte d’état civil, enregistré par un officier d’état civil et consigné sur un registre officiel, coté et paraphé. Cet acte mettait à la charge des parrain et marraine de lourdes obligations.

Outre l’engagement moral de développer chez leur filleul les « qualité indispensables qui lui permettr[aient] de devenir un citoyen dévoué au bien public et animé des sentiments de fraternité, de compréhension, de solidarité et de respect de la liberté à l’égard de ses semblables » – l’auteur de ce texte a rappelé cette phrase à l’instant –, les parrain et marraine s’engageaient officiellement à protéger et « à prendre soin de leur filleul comme de leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer ».

C’est là une belle formule. Mais en transformant une coutume sans effet de droit en véritable acte d’état civil qui produirait des effets juridiques, on bouleverserait en partie les dispositifs de protection des enfants, fixés par le code civil et mis en œuvre en cas de défaillance ou de disparition des parents. Or ces dispositifs fonctionnent bien, et il n’est pas envisagé de les remettre en cause.

Par ailleurs, devenir le parrain ou la marraine d’un enfant âgé d’un ou deux ans parce que l’on est le meilleur ami de ses parents ne garantit pas que, si ces derniers disparaissent quelques années plus tard, l’on sera prêt et apte à les suppléer et à les remplacer auprès de leur enfant.

En conséquence, la commission des lois a souhaité ne pas faire du parrainage républicain un acte d’état civil créateur de droits et de devoirs ayant force juridique. En revanche, soucieuse d’assurer une égalité de traitement de tous les citoyens sur le territoire, elle a approuvé le principe d’une consécration dans la loi de la pratique existante, acte symbole d’adhésion aux valeurs de notre République.

Ainsi, tous les parents qui le souhaiteraient pourraient demander le parrainage républicain de leur enfant, quelle que soit la commune concernée : actuellement, certaines mairies acceptent d’organiser ces célébrations alors que d’autres s’y refusent.

Cet acte serait célébré, à la demande des deux parents titulaires de l’autorité parentale, ou de celui qui l’exerce seul, dans la commune du domicile ou de résidence des parents ou de l’un d’entre eux. L’autorité compétente pour le célébrer serait le maire, l’un de ses adjoints ou un conseiller municipal. Bien entendu, les parrain et marraine devraient ne pas être frappés de déchéance de leurs droits civiques ni avoir failli gravement à leur propre rôle de parents. Un registre signé par l’élu présidant la cérémonie, les parents, les parrain et marraine, serait conservé en mairie.

Mes chers collègues, au bénéfice de ces évolutions, la commission vous propose d’inscrire dans la loi le parrainage républicain. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le sénateur Yves Daudigny, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui crée un fondement juridique à une cérémonie née à la fin du XVIIIe siècle, que de plus en plus de Français connaissent et plébiscitent : le parrainage civil, appelé aussi parrainage républicain ou baptême civil.

Cette cérémonie est un acte laïc et symbolique qui permet de désigner, hors du cadre religieux, un parrain et une marraine à son enfant.

Aujourd’hui, ce parrainage se pratique à la mairie, mais n’a pas de valeur légale. Les mairies ne sont pas obligées de le célébrer et certaines ne le font pas ou ne le font plus. Cette proposition de loi permettra de diffuser et d’harmoniser la pratique du parrainage civil sur l’ensemble du territoire. Elle vise en cela à l’égalité de tous les citoyens.

La reconnaissance d’un statut des parrains et marraines dans le code civil a déjà été envisagée à plusieurs reprises, sans jamais aboutir.

Une telle réforme a ainsi fait l’objet de la proposition de loi qui a été déposée à l’Assemblée nationale le 13 juin 2006. Ce sujet a également été repris dans un amendement présenté en septembre 2010 par un groupe de députés, dans le cadre du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Plus récemment, une proposition de loi relative au parrainage civil a été déposée par M. Bruno Le Roux et d’autres députés le 11 juin 2014, sans être discutée en séance publique.

On peut conclure de ces tentatives l’existence d’une véritable demande de consolidation de la pratique du parrainage civil.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la proposition de loi, déposée par les membres du groupe socialiste, qui vous est soumise aujourd’hui. Le fait d’offrir à chaque enfant, quels que soient sa religion et son lieu de résidence sur le territoire français, la possibilité de vivre le rituel du baptême sous le sceau des valeurs de la République, constitue une avancée politique importante.

Le parrainage civil est une manière de faire vivre, au sein d’une famille, d’un cercle de proches, de parents et d’amis, les valeurs de la République, de les rappeler à tous et de les célébrer.

Les occasions d’incarner ainsi ces valeurs, de les célébrer et de les partager dans un cercle intime ne sont pas si fréquentes. Les fêtes et célébrations républicaines à l’échelle nationale ne pénètrent pas si facilement dans l’intimité des citoyens, ne produisent pas les mêmes effets sur les parcours de vie et ne touchent peut-être pas autant les cœurs et l’imaginaire collectif.

Le fait de mêler, les dimensions républicaine et familiale au sein d’un même événement, comporte une importante potentialité de restauration du vivre-ensemble républicain.

Le parrainage civil consacre l’intégration d’un enfant à la communauté des citoyens français. Il repose donc sur l’idée d’une appartenance commune et d’un destin partagé. À l’heure où le vivre-ensemble est menacé et, avec lui, les valeurs fondamentales d’égalité et de liberté, le parrainage civil apparaît comme un outil de lutte qui nous rappelle le sens de la vie en société au sein de la République française.

Au-delà de la célébration en elle-même, le parrainage consacre un engagement de deux personnes, les parrains et marraines, à « concourir à l’apprentissage par l’enfant de la citoyenneté dans le respect des valeurs républicaines ».

Ainsi, cette célébration ne produit pas seulement un effet sur l’enfant ou sur les personnes assistant à la célébration, mais également sur les parrains et marraines qui, en s’engageant, s’interrogent nécessairement sur les valeurs républicaines et déclarent publiquement, devant leurs proches, qu’elles y adhèrent librement.

Ainsi, en tant que rituel républicain, le parrainage civil me semble être un outil puissant pour faire vivre les valeurs de la République, les faire connaître, respecter et renforcer le sens et le goût du vivre-ensemble. Le projet politique porté par cette proposition de loi ne peut donc qu’emporter l’adhésion sans réserve du Gouvernement.

Je tiens enfin à saluer le travail qui a été mené par l’auteur de cette proposition de loi comme par votre commission des lois. Celle-ci n’a en rien altéré la force et la portée du projet politique, tout en renforçant la sécurité juridique du texte.

Telle qu’elle vous est soumise aujourd’hui, la proposition de loi ne me semble pas devoir être amendée et recueille l’entier soutien du Gouvernement. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Yves Daudigny a bien expliqué le fond de sa proposition de loi. Je remercie également M. le rapporteur Yves Détraigne pour le résumé sobre et équilibré qu’il en a livré.

Nous débattons ici d’une affaire d’amitié et de famille. Des parents s’associent à des amis pour apporter un soutien moral à leur enfant et formaliser sa présentation à la société. Cette proposition de loi a pour objet d’officialiser cette démarche et de lui conférer un support légal.

Cette demande, que nous constatons dans la société et que nombre de nos collègues élus communaux accueillent comme une des tâches agréables et gratifiantes de l’exercice de leur mandat, renvoie, me semble-t-il, à un système de régulation sociale, traduit par un rite : la présentation de l’enfant à la société.

Reconnaître l’existence de cet être jeune et son appartenance au groupe correspond très vraisemblablement – je n’ai pas pris le temps de creuser plus avant la dimension anthropologique de ce sujet ! – à un rite très ancien dans l’organisation des sociétés. On trouve ainsi des formes de parrainage proches de ce dont nous parlons aujourd’hui dans l’histoire des cités grecques comme de Rome.

En réalité, ce qu’est devenu le baptême pendant la période de l’histoire européenne où les églises instituées étaient chargées de cette mission, répondait à la même logique, celle d’un véritable acte de naissance à la société. Ceux qui se sont livrés à des recherches généalogiques ont ainsi pu constater qu’avant 1792, l’état civil se résumait au registre des baptêmes.

La fonction de que l’on continue à appeler « baptême » a donc changé depuis 1792, puisque l’état civil, la reconnaissance légale des conditions de naissance, et donc d’entrée dans la vie citoyenne d’un être, sont aujourd’hui détachés de cet acte de baptême religieux. Il paraît donc tout à fait cohérent et logique que, pour la part assez large de notre société – et fût-elle étroite, d’ailleurs, cela ne changerait rien – qui ne souhaite pas passer par le prisme religieux pour cet acte de présentation, une valeur légale lui soit conférée. J’entends d’ailleurs que certaines autorités religieuses officiant dans notre pays considèrent comme tout à fait logique, et même souhaitable, que les deux actes cohabitent.

Aujourd’hui, ce souci du parrainage et du rite d’entrée demeure. Il est satisfait par des pratiques reconnues dans les communes par une sorte d’habitude, ou d’imitation réciproque.

La grande majorité des personnes qui souhaitent réaliser cet acte de présentation et de reconnaissance le peuvent. Du fait que cela n’a pas le caractère d’une obligation légale, il peut toutefois se produire que des autorités municipales refusent de s’y livrer. C’est là une des premières motivations de la proposition de loi de M. Daudigny.

Cette dimension de parrainage moral, certes sans obligation juridique, répond à une demande légitime. Le groupe socialiste considère comme parfaitement souhaitable de reconnaître par la loi ce lien personnel entre l’enfant et ses parrains.

Par la version issue du travail de la commission, dont, à mon tour, je salue la qualité, nous parvenons à satisfaire un objectif concret de la proposition de loi, et des nombreuses autres qui ont été annoncées ou présentées : l’officialisation de cet acte de parrainage par un enregistrement public, même s’il ne figure pas dans l’état civil, et la reconnaissance publique du lien personnel entre l’enfant et ses parrains.

Nous sommes nombreux à penser qu’il n’y aurait ni altération ni risque de perturbation à inscrire cet acte dans l’état civil, comme un certain nombre d’autres qui ponctuent la vie personnelle sans être tous rigoureusement liés à la situation de naissance ou de mort de la personne. Le débat n’est pas mûr sur ce point, il me semble donc qu’il est tout à fait possible de se satisfaire du dispositif présenté aujourd’hui.

En revanche, la commission des lois a opéré, à mon sens, un travail nécessaire en maintenant le rôle des parrains vis-à-vis de l’enfant dans une situation d’accompagnement à l’éducation citoyenne et de soutien moral et affectif, à l’exception de toute idée de substitution parentale. Dans ce domaine, il existe, d’une part, des outils de droit civil permettant de répondre aux situations de défaillance ou de carence, d’exercer la parentalité et l’autorité parentale et, d’autre part, tout un ensemble de mécanismes sociaux, déclenchés par acte judiciaire, avec lesquels ce dispositif ne doit en aucun cas être confondu.

Il nous semble que le travail de l’auteur de la proposition de loi et de ses collègues, comme de la commission des lois, est bienvenu et apporte une première réponse à une attente ancienne. Cela va faire progresser notre législation.

Je remercie beaucoup Mme la secrétaire d’État d’avoir donné l’accord du Gouvernement et confirmé les justifications de principe de ce texte.

Monsieur le rapporteur, monsieur Daudigny, j’observe avec satisfaction que, sans être encore en vigueur, les dispositions de la réforme des méthodes du Sénat s’appliquent de façon anticipée : les orateurs n’utilisent plus entièrement le temps qui leur est imparti… (Sourires.) Je vais m’efforcer de suivre cet exemple en saluant le bon travail des différents partenaires et en souhaitant la pleine réussite de cette proposition de loi. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le parrainage civil, aussi appelé baptême républicain, remonterait au décret du 20 prairial de l’an II, c’est-à-dire du 8 juin 1794, portant sur la compétence des municipalités pour établir les actes d’état civil.

En pleine période post-révolutionnaire, l’idée se développe de trouver des équivalents civils aux principales célébrations religieuses. Rien de neutre, donc, dans ce nouveau « baptême », ce rite qui vise à faire entrer un enfant dans la communauté nationale et républicaine. S’il est quelque peu tombé en désuétude au cours du XIXe siècle, le fait qu’il ait retrouvé une certaine popularité lors des commémorations du bicentenaire de la Révolution française de 1989 contribue à l’inscrire au rang des actes républicains.

Autre élément notable, le parrainage civil relève en France de la coutume et n’est prévu par aucun texte législatif ou réglementaire. Cette pratique a, malgré tout, traversé les siècles, continuant de remplir son rôle de symbole de l’accession à la citoyenneté.

Il n’est, à ce titre, pas anodin que le baptême républicain ait été, ces dernières années, beaucoup utilisé comme un acte militant. Certains parrainages visent ainsi à soutenir des familles se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.

L’absence de base légale de cette pratique a pour principale conséquence que les municipalités ne sont soumises à aucune obligation. Que le maire refuse de le célébrer ou qu’il organise des cérémonies civiles de soutien à ceux que l’on appelle les « sans-papiers », le parrainage républicain devient parfois un acte politique.

Le caractère coutumier de ce rite devant « contribuer à développer en l’esprit de l’enfant les qualités indispensables qui lui permettront de devenir un citoyen dévoué au bien public, animé de sentiments de fraternité, de compréhension, de respect de la liberté et de solidarité à l’égard de ses semblables » reste toutefois empreint d’une inégalité entre nos concitoyens, soumis au bon vouloir de leur municipalité.

L’objectif de la proposition de loi de notre collègue Yves Daudigny et du groupe socialiste est de consacrer dans la loi la pratique des parrainages civils ou républicains, afin d’assurer une égalité de traitement de tous les citoyens sur notre territoire.

L’auteur de la proposition de loi entendait faire de cette simple coutume un acte d’état civil, en introduisant ces dispositions dans le code civil et en imposant que le parrainage républicain soit célébré par un officier d’état civil.

Dans cette hypothèse, le parrainage civil aurait produit des effets juridiques, notamment en cas de disparition des parents de l’enfant.

Le parrain et la marraine se seraient ainsi vu confier deux types de fonctions : d’une part, « prendre soin de leur filleul comme de leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer » ; d’autre part, remplir un rôle moral en accompagnant l’entrée de l’enfant dans la citoyenneté.

La commission des lois n’a toutefois pas souhaité s’engager sur cette voie et a récrit le texte afin de faire du parrainage républicain un engagement des parrain et marraine d’accompagner l’enfant dans son apprentissage de la citoyenneté et des valeurs républicaines, cet engagement demeurant tout à fait dénué d’effets juridiques.

Le parrainage républicain – appellation opportunément choisie par la commission – sera célébré à la mairie de résidence des parents en présence de l’enfant ; le parrain et la marraine y exprimeront leur consentement à assumer leur mission.

Au sein du groupe écologiste, nous considérons que ce texte, tout symbolique qu’il soit, participe d’une certaine idée de la communauté républicaine, d’une certaine idée de la fraternité et de la solidarité, valeurs si souvent maltraitées ces derniers temps. Nous apportons, bien entendu, notre soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de notre collègue Yves Daudigny et du groupe socialiste. La pratique du parrainage civil tend à se développer, pour des motifs divers, et il est temps que le législateur accompagne ce mouvement en définissant un cadre juridique approprié.

Aujourd’hui, un maire peut refuser d’organiser une telle cérémonie, aucune obligation ne s’imposant à lui en la matière. Pourtant, les parrainages républicains se multiplient. Depuis une dizaine d’années, toute une activité commerciale s’est d’ailleurs développée autour de cette pratique. J’en ai été témoin quand j’étais adjointe au maire. On propose ainsi aux municipalités d’acheter des « livrets de baptême républicain » ou des cadeaux à remettre à l’enfant au terme de la cérémonie. (M. Jean-Claude Requier opine.) Ce démarchage mercantile témoigne que, aujourd’hui, dans de nombreuses communes de toutes tailles, des parents demandent l’organisation d’un parrainage civil pour leur enfant.

Cette demande correspond à un besoin des parents d’intégrer l’enfant à la communauté républicaine. La cérémonie crée un lien fort et contribuera certainement, comme l’a souligné Esther Benbassa en conclusion de son intervention, à redonner du sens au vivre-ensemble dans les années à venir.

Nous avons jugé que la rédaction initiale du texte posait problème. Elle introduisait en effet de façon peut-être trop précipitée des évolutions du code civil. Il est vrai que les propositions de loi sont souvent très brèves et formulées de manière succincte, afin que leur examen puisse être achevé dans le temps très contraint imparti à l’ordre du jour réservé aux groupes politiques. Dès lors, ces textes permettent en général avant tout d’ouvrir un débat qu’il convient de reprendre ensuite dans un autre cadre.

Nous n’avons aucune réserve sur la rédaction issue des travaux de la commission des lois, qui ne revient pas sur l’objectif essentiel visé par les auteurs de la proposition de loi : garantir à tous un égal accès au baptême républicain et officialiser cette pratique pour rendre impossible un refus de la part du maire concerné.

Nous apprécions en particulier que la commission ait prévu que l’accord des deux parents sera requis, quand tous deux exercent l’autorité parentale.

Cette proposition de loi ouvre donc un débat qui ne s’arrêtera pas, bien évidemment, à la fin de cette matinée. Des questions restent en suspens : qu’est-ce que la reconnaissance des marraines et des parrains ? Comment définit-on leur « mission » ? Je ne doute pas que ce point suscitera bien des discussions dans les années à venir.

Pour l’heure, nous souhaitons en tout cas que cette proposition de loi puisse être examinée par l’Assemblée nationale et qu’elle ouvre sur des évolutions du code civil, afin de parvenir à une reconnaissance pleine et entière du baptême républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa et M. Yves Daudigny applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question de la consécration du parrainage civil ou républicain s’est posée à plusieurs reprises, comme en témoignent les diverses propositions de loi déposées sur le bureau de l’une ou l’autre des deux assemblées. Je citerai, à titre d’exemple, celle de notre ancien collègue Michel Charasse, qui, en 2003, proposait d’instaurer une célébration civile à l’occasion de la naissance et du parrainage d’un enfant, mais aussi lors de funérailles ou de la signature d’un PACS.

Pratique d’abord délibérément anticléricale, qui fut instituée durant la période révolutionnaire, alors que l’on procédait à la sécularisation de l’état civil, lequel accompagne les étapes de la vie sociale des citoyens de la naissance au mariage et au décès, le parrainage républicain a désormais pour objet de désigner des adultes proches des parents, chargés de veiller sur l’enfant si ces derniers en étaient empêchés pour diverses raisons ; à l’image du baptême catholique, il confère à la marraine et au parrain une responsabilité morale et spirituelle.

L’absence de conséquences juridiques d’un tel engagement semblait mettre en question l’utilité d’adopter un texte législatif, ce qui a retardé la reconnaissance de cette coutume. Pourtant, notre droit n’est pas étranger aux dispositions sans réelle portée normative, qui ont une fâcheuse tendance à envahir l’ensemble des textes de loi…

Certes, la tutelle des mineurs, régie par les articles 390 et suivants du code civil, répond déjà à la préoccupation qui sous-tend le parrainage républicain. Il appartient au juge de convoquer le conseil de famille et de désigner le tuteur selon son appréciation de la situation. Les parents peuvent, de leur vivant, le nommer par testament ou acte notarié.

Le parrainage civil ne créant pas de droits ou de devoirs, ni pour les parrains ni pour les enfants, on a pu penser que l’inscrire dans la loi ne présentait aucun intérêt. C’était oublier l’intérêt symbolique qu’il revêt pour l’enfant, qui dispose ainsi d’un cercle de proches élargi au-delà de sa seule famille. Cela est d’autant plus bienvenu que la famille a connu des évolutions que le droit a dû progressivement prendre en compte, en dépit des réticences qui s’attachent à ces questions de société.

Alors que les familles se trouvent parfois éclatées, déchirées ou éloignées, l’enfant a plus que jamais besoin de référents lorsque ses parents sont dans l’impossibilité d’assumer leur rôle. Les parrains peuvent alors apporter une aide affective, voire matérielle, à l’enfant.

Quoique le parrainage républicain soit un acte fondamentalement symbolique, il pourrait néanmoins offrir un avantage pratique.

Le juge des tutelles pourrait, en cas de défaillance ou de décès des parents, consulter les registres tenus en mairie et, éventuellement, convoquer la marraine et le parrain pour participer au conseil de famille, si leurs relations avec celle-ci ne se sont pas entre-temps dégradées. Ce point est essentiel : il n’est pas rare en effet que le juge des tutelles rencontre des difficultés lors de la constitution du conseil de famille, pour les raisons que je viens d’évoquer.

Enfin, en refusant de reconnaître cette pratique, on néglige le fait qu’il existe aujourd’hui une inégalité de traitement entre les familles selon leur commune de résidence. Un maire peut en effet refuser de célébrer les parrainages républicains.

La version initiale de la proposition de loi, faisant du parrainage républicain un acte d’état civil, était source de complexité et de conflits potentiels avec les dispositions du code civil relatives à la protection de l’enfant. Elle était également contestable, dans la mesure où le filleul n’avait d’autre choix que de rester lié à ses parrain et marraine par l’acte de parrainage : le texte ne prévoyait pas la possibilité d’une mise à jour.

En outre, toute reconnaissance juridique d’une responsabilité juridique des parrains à l’égard de l’enfant aurait eu pour effet d’enrayer le recours à cette pratique et de faire tomber celle-ci de nouveau en désuétude. Or l’esprit de cette proposition de loi n’était pas, me semble-t-il, d’accorder au parrainage civil une quelconque valeur juridique, son objet étant surtout de rétablir l’égalité territoriale.

À cet égard, nous ne pouvons que saluer le travail du rapporteur Yves Détraigne et de la commission des lois, qui ont élaboré une rédaction plus réaliste de la proposition de loi. Je pense, en particulier, à la définition des missions incombant aux parrains, qui semblait, dans la version initiale du texte, un peu excessive et déconnectée de la réalité.

Certes, ceux de nos concitoyens qui recourent à cette coutume attendent sans doute des parrains de leur enfant qu’ils fassent de ce dernier un « citoyen dévoué au bien public », mais ils souhaitent avant tout désigner des référents chargés de veiller sur lui jusqu’à ce qu’il puisse exercer pleinement sa citoyenneté.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe RDSE votera cette proposition de loi, qui ne fait qu’entériner une pratique existante, en créant un droit sans venir perturber notre corpus juridique ou obérer nos finances publiques.

Pour conclure, permettez-moi d’évoquer un souvenir personnel.

J’ai célébré mon premier parrainage civil voilà plus de vingt ans, en tant que maire de Martel, dans le Lot, à la suite du bicentenaire de la Révolution française. Il avait fallu faire des recherches pour savoir comment organiser la cérémonie. À l’issue de celle-ci, un ami du grand-père, disparu depuis peu, avait joué à l’accordéon Le Temps des cerises, de Jean-Baptiste Clément, chansonnier montmartrois communard et franc-maçon.

M. Patrick Abate. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. En ce mois de mai où revient le temps des cerises, je tenais à évoquer devant vous, mes chers collègues, ce moment de nostalgie ! (Sourires et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, mes propos rejoindront, pour l’essentiel, ceux des orateurs qui m’ont précédé. Je constate, comme beaucoup de mes collègues maires, une augmentation significative, depuis quelques années, des demandes de parrainage républicain.

Il est aujourd'hui impossible de mesurer l’ampleur de cet engouement croissant, car nous ne connaissons pas le nombre de parrainages célébrés à l’échelle du pays. En effet, le parrainage républicain n’est pas pris en compte par les organismes chargés d’établir des statistiques, tels que l’INSEE, ni par les préfectures, du fait de son absence de caractère officiel.

Ainsi, aucun texte législatif n’encadre actuellement la cérémonie, à laquelle aucun caractère légal n’est donc encore reconnu. Le parrainage républicain relève de la coutume. À cet égard, je trouve tout à fait remarquable que cette pratique, organisée autour d’une structure officielle et légitime – la mairie et les élus – puisse exister depuis la Révolution française, sans véritable fondement juridique.

Apprécié comme un complément du baptême religieux ou une alternative à celui-ci, le parrainage civil est destiné à faire entrer l’enfant dans la communauté républicaine et à le faire adhérer de manière symbolique aux valeurs qui nous sont chères. Il consiste à donner un titre officiel, hors du cadre religieux, au parrain et à la marraine en cas de « défaillance » parentale.

Le parrainage est aussi une fête : c’est l’occasion de réunir famille et amis pour un moment de bonheur partagé. À cette cérémonie laïque s’attache une dimension citoyenne.

Néanmoins, depuis une trentaine d’années, le parrainage républicain suscite des interrogations récurrentes de la part des élus, notamment des parlementaires. Quelles sont les instructions officielles en la matière ? Le maire doit-il le célébrer ou peut-il refuser de le faire ? Pourquoi cet acte n’est-il pas reconnu par la loi ? Doit-on parler de baptême civil, de parrainage républicain, de parrainage civil ?

Par ailleurs, cette absence de valeur légale et juridique a des conséquences : les maires qui reçoivent les demandes sont libres d’y donner suite ou de les rejeter, à leur convenance, sans égard pour le principe d’égalité. Le parrainage républicain n’est pas inscrit sur les mêmes registres que les actes d’état civil. Il ne lie pas les parrain et marraine à l’enfant par un lien contractuel. L’engagement qu’ils prennent de suppléer les parents, en cas de défaillance ou de disparition de ces derniers, est purement symbolique : il s’agit d’un simple engagement moral, qui traduit leur attachement particulier à l’enfant.

Dans ces conditions, cette proposition de loi, qui consacre la pratique des parrainages civils ou républicains, héritée de la Révolution française, semble de bon aloi. Elle vient formaliser et encadrer le déroulement de cette cérémonie pour l’ensemble du territoire national.

Toutefois, il serait souhaitable que cette simple coutume ne devienne pas un acte d’état civil. La proposition de loi initiale s’inscrivait dans une logique d’évolution du droit de la famille tendant à élargir, dans l’intérêt de l’enfant, le cercle des adultes référents pouvant contribuer à son éducation et à sa protection.

En effet, il était mentionné dans l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale que les parents pourront, « en cas de défaillance, être suppléés par les parrain et marraine ». Il était également prévu que l’enfant serait placé sous leur protection et qu’ils s’engageaient « à prendre soin de leur filleul comme de leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer ».

Cela suscite des nombreuses questions : que se passe-t-il en cas de divorce des parents ? Le lien avec l’un des parrains peut se distendre avec le temps ; dans ce cas, les obligations de ce parrain sont-elles toujours valides ? Comment apprécier les notions de « protection de l’enfant », de « manquement » des parents ? Que se passe-t-il en cas de désaccord entre le parrain et la marraine ?

Je partage pleinement l’objectif du rapporteur et de la commission, qui ont souhaité limiter les effets de cette reconnaissance juridique. En effet, le code civil prévoit déjà de nombreuses dispositions en cas de défaillance des parents.

À mon sens, créer aux parrain et marraine des obligations matérielles à l’égard de l’enfant et leur ouvrir la possibilité de pallier les manquements des parents serait leur imposer une charge trop importante. D’ailleurs, j’en suis convaincu, cela ne correspond pas à l’esprit du parrainage républicain, qui relève du symbole. L’engagement est et doit rester moral.

Par ailleurs, le texte, largement modifié par la commission, encadre et clarifie le parrainage, pour ce qui concerne tant le choix de la commune de célébration que les mentions devant figurer dans l’acte. Il précise que l’autorisation des parents dépositaires de l’autorité parentale est obligatoire.

Des conditions sont également imposées aux parrains et marraines : ne pas être déchus de leurs droits civiques, ne pas avoir failli à leur propre rôle de parent. Ces deux conditions me paraissent utiles et même indispensables, car le rôle dévolu à ces parrains est d’accompagner l’enfant dans l’apprentissage de la citoyenneté et des valeurs républicaines. Ils ont donc un statut d’exemple, je dirais même de modèle, pour leur filleul.

Pour conclure, je voudrais remercier l’auteur de cette proposition de loi, Yves Daudigny, qui a eu le mérite de vouloir clarifier la question du parrainage civil. Je tiens également à saluer le travail du rapporteur, Yves Détraigne, et de la commission des lois, qui ont su amender cette proposition de loi dans le bon sens.

Avec mes collègues maires, nous attendions ce texte qui, en donnant un cadre au parrainage républicain, répond à nos préoccupations d’élus locaux en termes de clarification et de simplification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’heure où le sentiment d’appartenance à la République et la réaffirmation de ses valeurs sont invoqués par tous, le parrainage républicain n’est pas une pratique désuète. C’est un acte laïque et symbolique, hérité de la Révolution française, par lequel deux personnes se constituent parrain et marraine – il peut d’ailleurs n’y avoir qu’un seul parrain ou marraine – d’un enfant pour accompagner son entrée dans la communauté républicaine.

Cette démarche s’inscrit dans la continuité des actions mises en place par les pouvoirs publics pour améliorer l’acquisition des valeurs républicaines et l’apprentissage de la citoyenneté par les jeunes générations.

Dans son rapport rendu le mois dernier au Président de la République et intitulé « La nation française, un héritage en partage », Gérard Larcher affirme que le renforcement de l’engagement républicain et celui du sentiment d’appartenance à la nation sont indéfectiblement liés.

Le parrainage républicain peut être vécu comme relevant d’une volonté de s’inscrire dans un destin collectif, de partager des valeurs communes et un sentiment fort d’appartenance à la nation. Si sa finalité est remarquable, le parrainage républicain est pratiqué de façon inégale sur le territoire, en raison de son absence de fondement juridique. Il m’arrive régulièrement de célébrer des parrainages républicains en lieu et place d’autres maires, qui s’y refusent.

Malgré tout, cette coutume a traversé deux siècles, et nombre de nos concitoyens souhaitent encore faire procéder à cette cérémonie pour leur enfant.

La proposition de loi de notre collègue Yves Daudigny vise à établir une nécessaire égalité de traitement sur le territoire national et à réparer le tort causé à certaines familles auxquelles la cérémonie de parrainage de leur enfant a été refusée.

Si nous partageons cet objectif, conforme au principe d’égalité de traitement des citoyens, les dispositions du texte tendant à faire de cette coutume un acte d’état civil et à élargir le cercle des adultes référents pouvant contribuer à l’éducation et à la protection de l’enfant ne nous ont pas totalement convaincus. À cet égard, je souscris à la réécriture du texte proposée par la commission des lois et son rapporteur, Yves Détraigne.

En transformant la nature du parrainage républicain, la rédaction initiale du texte produisait des obligations matérielles et morales et des conséquences juridiques beaucoup trop lourdes pour le parrain et la marraine. Consacrer leur rôle dans le code civil revenait à s’exposer à un risque de conflit avec certaines dispositions de ce même code en matière de protection des enfants. Que faire, par exemple, en cas d’immixtion des parrain et marraine dans la relation entre parents et enfant, au motif qu’ils estimeraient ce dernier insuffisamment protégé ?

Disposition plus lourde de conséquences encore, la rédaction imprécise de la proposition de loi initiale laissait à penser que, « dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer », le parrain et la marraine devraient prendre le relais. À cet égard, il convient de rappeler que le code civil comporte d’ores et déjà des dispositifs juridiques apportant une réponse adaptée à de tels manquements, qu’ils résultent de la défaillance des parents ou de leur disparition.

Au-delà de ces considérations purement juridiques, la commission n’a pas sous-estimé l’effet dissuasif et contreproductif que pourrait avoir l’introduction de ces obligations lourdes de conséquences.

On ne peut exclure, en effet, que le parrain et la marraine puissent voir leur responsabilité civile engagée à l’égard des parents ou de l’enfant lui-même s’ils manquaient à la mission morale à eux confiée. C’est cet engagement moral d’ordre privé qu’il faut privilégier, plutôt que l’établissement d’un acte d’état civil ! Les représentants du ministère de la justice l’ont eux-mêmes souligné lors des auditions réalisées par le rapporteur : faire figurer l’acte de parrainage parmi les éléments de l’état civil d’une personne serait inopportun. Ces informations ne correspondent pas à la notion traditionnelle d’état civil, qui recouvre les attributs essentiels d’une personne, à savoir la filiation, le sexe, le nom, le mariage.

Alors, dans un souci de garantir une égalité de traitement entre les citoyens, tout en limitant les effets juridiques de cette coutume, la commission a fait le choix de consacrer celle-ci dans une loi spécifique. C’est une très bonne solution. Ces dispositions n’avaient pas leur place dans le code civil, a fortiori à la suite du chapitre relatif à l’autorité parentale.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Joël Guerriau. Cela aurait pu donner à penser que le parrainage républicain était élevé au rang d’institution civile, au même titre que le mariage.

Si le parrainage républicain n’est pas un acte d’état civil, il n’y a plus de justification à confier la célébration de cet événement à un officier d’état civil agissant au nom de l’État. Je me demande même si un fonctionnaire ne pourrait pas s’en charger, en tant que de besoin.

Je suis en désaccord avec la proposition de loi initiale sur trois points.

Tout d’abord, célébrer la cérémonie dans la commune où a été enregistrée la demande aurait entraîné le risque de voir se développer un « tourisme des parrainages républicains ». Je me range à la position adoptée par la commission, qui est de célébrer le parrainage républicain dans la commune du domicile ou de résidence des parents ou de l’un d’entre eux.

Ensuite, la commission a considéré, à juste titre, que la demande de parrainage républicain devait émaner des deux parents, titulaires de l’autorité parentale. Il s’agit avant tout de l’éducation d’un enfant, à laquelle les deux parents doivent prendre part, si tant est qu’ils détiennent l’autorité parentale.

Enfin, il est très étonnant de constater que le texte initial ne prévoyait aucune disposition concernant le choix du parrain et de la marraine, ni en cas de refus d’un maire de célébrer un parrainage au motif que les personnes choisies ne présenteraient pas les qualités nécessaires à la transmission des valeurs républicaines.

Les deux conditions posées par la commission pour la désignation du parrain et de la marraine me paraissent essentielles, surtout dans la mesure où l’apprentissage de la citoyenneté est une des finalités du parrainage. Comment imaginer qu’un citoyen déchu de ses droits civiques ou étant sous le coup d’une mesure de retrait de l’autorité parentale puisse endosser ce rôle ?

La réécriture de la proposition de loi par la commission va donc dans le bon sens. C’est pourquoi les membres du groupe UDI-UC voteront le texte qu’elle a élaboré ; il permettra de renforcer l’ancrage du parrainage républicain partout en France et d’encourager bon nombre de citoyens à recourir à celui-ci pour leur enfant. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au siècle de Voltaire déjà, de nombreuses familles souhaitaient se tenir hors du sein de l’Église, sans le pouvoir. L’inscription au registre du baptême était alors le seul acte officiel. Les législateurs de 1794 comprirent que, à côté des institutions religieuses officialisant naissance, mariage et décès, il manquait une cérémonie légale concernant le parrainage.

Ainsi, c’est un texte révolutionnaire – la loi du 20 prairial de l’an II, c’est-à-dire du 8 juin 1794 – qui institue la procédure du parrainage civil. Ce dernier est donc lié à un contexte de laïcisation des actes marquant les grandes étapes de la vie, qui étaient jusqu’alors établis par l’Église, mais il n’a pas de fondement juridique formellement institué.

En définitive, il s’agit d’une coutume qui ne présente aucun caractère obligatoire pour l’officier d’état civil et qui, de ce fait, est inégalement mise en œuvre sur le territoire et dénuée d’effets juridiques. Le document établi lors de la cérémonie n’a pas valeur d’acte d’état civil ; cet engagement n’a qu’une valeur morale.

Or la proposition de loi initiale prévoyait notamment de faire de ce parrainage un acte d’état civil, ainsi qu’un acte créateur d’obligations matérielles et morales pour le parrain et la marraine. Ses auteurs avaient donc l’ambition de changer fondamentalement la nature du parrainage par rapport à ce qu’elle aujourd’hui.

Dès lors, je me réjouis que la commission des lois ait souhaité, sur proposition du rapporteur, Yves Détraigne, ne pas donner de tels effets juridiques au parrainage civil. Je tiens à féliciter le président Philippe Bas pour le travail effectué.

Que la commission des lois ait retenu l’expression « parrainage civil » pour désigner cette démarche est une bonne chose. Cela vient en effet confirmer que cet acte est destiné à faire entrer l’enfant dans la communauté républicaine et à le faire adhérer, de manière symbolique, aux valeurs de la République.

Puisqu’il est question de symbole et d’adhésion aux valeurs républicaines, réfléchissons à la manière d’associer clairement l’acte du parrainage républicain à ces dernières, qui résultent d’un consensus social et politique et fondent le pacte républicain constituant très largement l’identité nationale française. C’est en ce sens qu’il faut clairement dire aux participants au parrainage républicain que nos valeurs ne sont pas négociables. Poser la question des valeurs et symboles lors de la célébration du parrainage républicain impose de revenir sur l’idée de République, afin que celle-ci soit connue et comprise comme le patrimoine civique commun de notre pays.

Autrement dit, ce basculement sémantique pourrait s’accompagner de mesures permettant une véritable prise en compte de la dimension symbolique de ce parrainage civil, célébré devant la République.

Je tiens particulièrement à saluer le travail de la commission, qui a ramené dans le droit chemin un texte qui venait véritablement changer la nature du parrainage républicain tel qu’on peut le connaître aujourd’hui.

Ainsi, je me réjouis de la suppression des dispositions initiales de la proposition de loi qui faisaient du parrainage républicain un acte d’état civil susceptible d’avoir des effets juridiques importants. Mes chers collègues, je rappelle que le parrainage ne présente aucun caractère obligatoire. Quid des discriminations créées entre les enfants parrainés et ceux qui ne le sont pas, dans le cas où ce parrainage serait un acte d’état civil ?

En outre, si je comprends le souhait de voir reconnus le rôle et la place des parrain et marraine dans l’éducation de l’enfant, notamment dans les circonstances difficiles de son existence, il ne saurait être envisagé, pour autant, de leur conférer un statut spécifique et de faire mention de leur qualité sur les actes de l’état civil. En effet, le parrainage civil, qui procède d’une coutume, ne comporte aucun cérémonial préétabli et ne revêt aucun caractère obligatoire pour le maire sollicité. De plus, l’état civil, qui a pour objet de consigner dans des actes authentiques les éléments relatifs au statut personnel ou familial des personnes, ne saurait contenir des informations relevant d’un engagement d’ordre privé, moral, laïque ou religieux des parents et des parrain et marraine choisis par ces derniers.

Par ailleurs, si l’un des parents décède, le survivant peut désigner, par tutelle testamentaire, le parrain ou la marraine comme tuteur de l’enfant. En cas de décès des deux parents et en l’absence de tutelle testamentaire, la nouvelle rédaction de l’article 404 du code civil, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2009, permet au conseil de famille, en l’absence de tutelle testamentaire, de désigner un tuteur pour le mineur, membre de la famille ou non, selon ce que l’intérêt de l’enfant exige. Ainsi, la dévolution automatique de la tutelle à l’ascendant le plus proche est supprimée.

Enfin, les parrain et marraine peuvent être appelés par le juge à faire partie du conseil de famille.

Ces mesures me paraissent de nature à répondre aux préoccupations qui sous-tendaient la rédaction initiale de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte dont nous débattons, sur l’initiative de nos collègues du groupe socialiste, fait référence à une tradition ancienne, remontant à l’époque révolutionnaire, plus précisément à la Fête de la Fédération, pour certains, ou à la Fête de l’Être suprême, pour d’autres.

Sans m’engager dans des développements historiques complexes sur l’histoire de cette institution, qui relèvent davantage de l’université que du Parlement, ni me livrer à une exégèse savante de sa symbolique, je me contenterai d’en souligner le côté sympathique et attachant, puisqu’elle s’inscrit bien dans la tradition mémorielle des valeurs éthiques de notre République une et indivisible.

Faut-il le rappeler, nous avons bien besoin de ces valeurs aujourd’hui, à l’heure où tant de choses se délitent sous nos yeux, en particulier ces repères essentiels que l’on enseignait naguère à l’école, au lycée et à la caserne, tous régis par un certain nombre de préceptes civiques sur lesquels on ne transigeait pas, comme en témoignent tant de textes de notre littérature.

Le regain du parrainage républicain, florissant au XIXsiècle et tombé en désuétude par la suite, montre bien que celui-ci satisfait le besoin croissant – oserais-je parler d’aspiration ? – d’un civisme républicain, ainsi que je l’ai constaté moi-même, à plusieurs reprises, en tant que maire d’une commune qui, si rurale soit-elle, n’en est pas moins, au même titre que d’autres, en quête de repères.

La teneur de cette proposition de loi témoigne-t-elle de ce nécessaire retour à ce que l’on appelle aujourd’hui les « fondamentaux » de la République ? Si tel est le cas, je l’approuve naturellement, sans restriction d’aucune sorte, d’autant que ce texte répare une omission, en permettant de doter un usage établi d’un fondement législatif qui, jusque-là, lui faisait défaut, d’inscrire dans la loi la possibilité, pour les parrains d’un enfant, de se substituer aux parents en cas de défaillance dûment constatée et de donner ainsi une portée concrète à l’engagement moral contracté en mairie par les parrain et marraine à l’égard de l’enfant.

La devise « Liberté, égalité, fraternité », à laquelle j’ajouterai « laïcité », trouve donc ici une application supplémentaire, que nul ne saurait nier. C’est pourquoi je voterai cette proposition de loi, telle que légèrement revue et améliorée par la commission des lois. Il s’agit de montrer que nous devons nous rassembler lorsqu’il s’agit de l’intérêt de la nation. Ce texte permettra à ceux de nos concitoyens qui le souhaiteront de placer officiellement leurs enfants sous la protection de notre devise républicaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative au parrainage républicain

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au parrainage républicain
Article 2

Article 1er

Le parrainage républicain d’un enfant est célébré à la mairie à la demande de ses parents lorsqu’ils exercent en commun l’autorité parentale ou à la demande de celui qui l’exerce seul.

La célébration a lieu dans la commune où l’un des parents au moins a son domicile ou sa résidence établie par un mois au moins d’habitation continue à la date de la cérémonie.

Toute personne, à l’exception de celle déchue de ses droits civiques ou à qui l’autorité parentale a été retirée, peut s’engager en qualité de parrain ou marraine à concourir à l’apprentissage par l’enfant de la citoyenneté dans le respect des valeurs républicaines.

Au jour fixé, le maire, un adjoint ou un conseiller municipal agissant par délégation du maire reçoit, publiquement et en présence de l’enfant, la déclaration des parents du choix des parrain et marraine ainsi que le consentement de ces derniers à assumer leur mission.

Acte de ces déclarations est dressé sur le champ dans le registre des actes de parrainage républicain et signé par chacun des comparants et par le maire, l’adjoint au maire ou le conseiller municipal.

L’acte de parrainage républicain énonce :

1° Les prénoms, noms, domiciles, dates et lieux de naissance des parents de l’enfant ;

2° Les prénoms, nom, domicile, date et lieu de naissance de l’enfant parrainé ;

3° Les prénoms, noms, domiciles, dates et lieux de naissance des parrain et marraine ;

4° La déclaration des parents de choisir pour leur enfant les parrain et marraine désignés par l’acte ;

5° La déclaration des parrain et marraine d’accepter cette mission.

À l’issue de la cérémonie, il est remis aux parents, ainsi qu’aux parrain et marraine, une copie de l’acte consigné dans le registre.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative au parrainage républicain
Article 3 (début)

Article 2

Le 4° du I de l’article L. 213-2 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« f) pour les registres de parrainage républicain, à compter de la date d’établissement de l’acte. » – (Adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative au parrainage républicain
Article 3 (fin)

Article 3

L’article 1er de la présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. – (Adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 3 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au parrainage républicain
 

4

Questions d’actualité au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.

réforme du collège

M. le président. La parole est à Mme Danielle Michel, pour le groupe socialiste.

Mme Danielle Michel. Christian Jacob a réclamé avant-hier la tenue d’un débat à l’Assemblée nationale sur la réforme du collège, en dénonçant « un véritable mépris du Parlement ». Mais qui méprise qui ? Faut-il rappeler que, en 2013, une loi pour la refondation de l’école de la République a été votée, après avoir été largement débattue et amendée ici au Sénat ? Quel mépris de votre part, chers collègues de droite, de tenir pour rien ce travail de qualité !

De fait, la réforme du collège reprend les objectifs fixés par le législateur au travers de la loi pour la refondation de l’école de la République, elle-même fruit d’une longue consultation. Depuis deux ans, le Gouvernement œuvre à une tâche difficile, mais indispensable : rendre l’école à la fois plus juste et plus efficace. La réforme du collège est une nouvelle étape de ce travail.

Il ne se passe plus un jour sans que Nicolas Sarkozy ne demande l’abrogation d’une loi ou d’un décret : après le mariage pour tous, il s’en prend au collège pour tous ! Quel programme… « Mépris du Parlement », disiez-vous ?

Il faut reconnaître que, en matière de suppressions, vous avez acquis, durant dix années au pouvoir, une certaine expérience : suppression de la préscolarisation, suppression de trois heures d’enseignements par semaine en primaire, soit, sur la scolarité d’un enfant, l’équivalent d’une année de classe (Protestations sur les travées de l’UMP.),…

M. Jean-Claude Lenoir. Quelle est votre question ?

Mme Danielle Michel. … suppression de 80 000 postes dans l’éducation nationale, suppression de la formation pratique des professeurs,…

M. Didier Guillaume. Voilà votre bilan !

Mme Danielle Michel. … puis suppression de 20 000 postes supplémentaires, voulue par Nicolas Sarkozy. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Et vous parlez de nivellement par le bas, de tentative de destruction du génie français… Un peu de retenue serait bienvenue !

Bruno Le Maire a proposé en début de semaine de « sortir de Bourdieu » et de retirer le social du débat sur l’école. Au vu de l’aggravation des inégalités sociales et scolaires dans notre pays, je crois, à l’inverse, qu’il est urgent de s’attaquer aux mécanismes de reproduction sociale, extrêmement puissants dans notre pays. La réforme du collège y contribuera, en promouvant une idée de l’excellence autrement plus ambitieuse que celle qui a prévalu ces dernières années : le droit à l’excellence pour tous, et non pas réservé à quelques-uns !

Madame la ministre, pourriez-vous rappeler les mesures que vous avez annoncées pour atteindre cet objectif ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – MM. Alain Bertrand et Michel Le Scouarnec applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame Michel, je vous remercie de votre question (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.), qui m’offre l’occasion de remettre en perspective l’action menée par le Gouvernement depuis 2012 en matière de redressement éducatif.

Nous l’avions affirmé en arrivant aux responsabilités : la France a besoin de redressement dans tous les domaines, en particulier dans celui de l’éducation,…

M. Philippe Dallier. C’est mal parti !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … après dix années où la droite au pouvoir a supprimé 80 000 postes dans l’éducation nationale et la formation initiale des enseignants, alors même que le niveau des élèves ne cessait de se dégrader, à l’école primaire comme au collège. (Protestations sur les travées de l’UMP. – Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Reconnaissez vos actes, chers collègues !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous avons donc entrepris, en 2012, une ambitieuse refondation de l’école, de manière très pragmatique, en suivant la chronologie. Ainsi, nous avons commencé par l’école primaire, en accroissant le nombre de maîtres, en restaurant la préscolarisation des enfants avant l’âge de 3 ans et en améliorant la formation des enseignants. Aujourd’hui, le temps est venu de procéder à la réforme du collège, qui était en effet annoncée par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, que le Parlement a adoptée voilà deux ans.

M. Didier Guillaume. Après un long débat !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cette réforme du collège vise à permettre à tous les élèves de mieux apprendre, grâce à une rénovation des pratiques pédagogiques supposant de laisser une plus grande autonomie aux établissements, pour que les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques puissent mieux adapter l’enseignement aux besoins des élèves, qui ne sont pas exactement les mêmes partout. Cela permettra aux équipes pédagogiques de « mettre le paquet » – pardonnez-moi l’expression – sur le français, les mathématiques ou une autre matière, en fonction des lacunes constatées.

Nous prévoyons également de moderniser les apprentissages pour renforcer les compétences de nos élèves. En effet, les jeunes qui entreront sur le marché du travail en 2025 devront mieux maîtriser les langues vivantes étrangères, les outils numériques, mieux s’exprimer à l’oral, apprendre à travailler en groupe, être capables de créativité, pour répondre aux exigences du monde moderne et pouvoir occuper des emplois à haute valeur ajoutée.

M. Marc Daunis. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Dans cette perspective, je vous remercie de votre soutien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

réforme du collège

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe UDI-UC.

M. Jean-Marie Bockel. Madame la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, votre réforme du collège suscite une vite opposition,…

M. Didier Guillaume. Surtout à droite !

M. Jean-Marie Bockel. … et pour cause : outre son contenu, la méthode employée s’apparente à une provocation. En publiant hier le décret au Journal officiel, sans consultation préalable du Parlement ni concertation avec la communauté éducative, de surcroît au lendemain d’une journée de mobilisation des enseignants, le Gouvernement s’est tout bonnement moqué du processus démocratique dans notre pays ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roger Karoutchi. C’est de la provocation !

M. Alain Bertrand. Il faut réformer !

M. Jean-Marie Bockel. Certes, madame la ministre, le Parlement a approuvé le principe de votre réforme en adoptant la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, mais cette loi n’avait pas été accompagnée de l’annonce d’un tel décret, comme il est pourtant de règle. Vous comprendrez donc que la majorité de nos collègues aient le sentiment d’avoir été dupés !

Madame la ministre, pourquoi refuser un débat devant le Parlement sur un sujet qui est au cœur des préoccupations de nos concitoyens ? Vous connaissez pourtant le rôle majeur joué par les commissions du Parlement, en particulier par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, dont la présidente, Catherine Morin-Desailly, est très impliquée dans le suivi de ce dossier.

L’école française ne va pas bien. Alors oui, des réformes sont nécessaires, oui, il faut redresser l’école ; mais pas de cette manière !

M. Marc Daunis. Pour vous, ce n’est jamais la bonne manière !

M. Jean-Marie Bockel. Avec cette réforme, madame la ministre, vous tournez le dos à l’excellence républicaine ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. C’est l’inverse !

M. Jean-Marie Bockel. Offrir aux élèves une chance de viser l’excellence, ce n’est pas pratiquer l’élitisme, sinon l’élitisme républicain dont parle si bien Jean-Pierre Chevènement, ni légitimer les inégalités, comme vous l’avez récemment prétendu ; c’est, au contraire, donner aux jeunes les moyens de leurs ambitions.

Le sacrifice des classes bilangues et européennes, qui, entre autres résultats, ont permis à l’allemand de rester la troisième langue vivante enseignée en France, l’atteinte portée à l’enseignement du latin et du grec, l’affaiblissement de l’enseignement de l’histoire, l’incompréhensible introduction des enseignements pratiques interdisciplinaires vont aggraver les problèmes que connaissent déjà nos collèges.

Madame la ministre, quelles « garanties », pour reprendre votre expression, comptez-vous introduire dans les textes d’application pour répondre au mécontentement général et aux inquiétudes ? L’acte d’autorité qu’a posé le Gouvernement en publiant en toute hâte, hier, le décret d’application ne rassure pas ceux qui sont inquiets, bien au contraire ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Bockel, votre question me donne l’occasion de répondre à plusieurs procès d’intention qui me sont régulièrement faits.

Nul plus que moi n’est attaché à l’excellence, mais l’égalité n’est pas l’ennemie de l’excellence : au contraire, c’est elle qui permettra à chaque enfant de France de pouvoir un jour réussir et progresser en faisant valoir son mérite, son travail et ses efforts.

Ce contre quoi je m’élève résolument, monsieur Bockel, c’est le rétrécissement de l’élite que l’on n’a cessé de constater au cours des dix dernières années. Contesterez-vous que la composition sociale des classes préparatoires et des grandes écoles se réduit ? (MM. Ronan Dantec et Michel Le Scouarnec acquiescent.) Contesterez-vous que seuls 75 % des enfants d’ouvriers, contre 95 % des enfants de cadres, obtiennent le brevet à la fin du collège ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Marc Daunis. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous entendons nous attaquer à cette réalité des inégalités et du déterminisme social, qui est malheureusement la marque de fabrique du système éducatif français, en faisant en sorte que chaque enfant soit assuré de pouvoir acquérir, jusqu’à l’âge de 16 ans, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Aucun enfant ne doit plus sortir du collège sans maîtriser les savoirs fondamentaux en français, en mathématiques et en histoire !

M. Charles Revet. Il y a du pain sur la planche !

M. Alain Fouché. En effet !

M. Christian Cambon. C’est à l’école primaire qu’ils doivent être acquis !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Telle est la finalité de notre réforme, qui reprend l’ambition du collège unique, à savoir assurer une formation de même qualité à toute une classe d’âge,…

M. Martial Bourquin. Il était temps !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … tout en refusant l’uniformité : nous promouvons une personnalisation de la pédagogie, afin que chaque enfant puisse faire valoir son potentiel et ses talents. Cette personnalisation passe par l’accompagnement individuel des élèves, dont nous avons fait une règle. Ainsi, en sixième, trois heures par semaine seront consacrées aux fondamentaux, pour que les élèves en difficulté puissent rattraper leur retard, et ceux qui sont en avance approfondir leurs connaissances.

Un sénateur du groupe socialiste. Très bonne mesure !

M. Claude Kern. Répondez à la question !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Aujourd’hui, un collège de 500 élèves ne dispose que de dix heures de dotation globale pour faire travailler les élèves en petits groupes. Grâce à la réforme, il en disposera l’année prochaine de soixante, ce qui créera de meilleures conditions pour la réussite du plus grand nombre. Que l’on m’explique en quoi les élèves qui réussissent déjà en pâtiront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Quand le niveau de l’eau s’élève, tous les bateaux montent. Notre réforme sert l’intérêt de tous les élèves, qu’ils soient en difficulté ou qu’ils réussissent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

réforme du collège

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe UMP.

M. Gérard Longuet. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, car elle n’est pas d’ordre technique.

M. Didier Guillaume. Mme la ministre ne tient pas du tout un discours technique !

M. Gérard Longuet. Madame le ministre, nous avons écouté vos réponses avec intérêt, mais nous sommes frustrés d’un véritable débat. Tout ce que vous avez dit est intéressant, mais rien n’est certain, et il y a de véritables erreurs.

Ma question porte sur la manière de conduire le changement dans notre pays et sur le respect dû aux partenaires de ce changement. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

Il se trouve, madame le ministre, que les enfants n’appartiennent pas aux théoriciens de la pédagogie du Conseil supérieur de l’éducation ; ils appartiennent à leur famille et sont confiés aux enseignants, sous la responsabilité des chefs d’établissement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Le décret signé par le Premier ministre et publié hier est un texte mal né. Il est le fruit d’un délire qui a d’abord fait rire, tant il était prétentieux, abscons et parfois grotesque ; je n’y reviens pas.

M. David Assouline. Vous voulez parler des programmes : ne mélangez pas tout !

M. Gérard Longuet. Ensuite, ce décret est parfaitement péremptoire. Le collège unique a été instauré, non sans mal, par mon compatriote lorrain René Haby, qui était de notre famille politique. Seulement, le collège unique doit évoluer et se diversifier, parce que les problèmes ont changé.

Mme Cécile Cukierman. Il doit se démocratiser, pour assurer la réussite de tous !

M. Gérard Longuet. Cette réforme n’était pas inscrite dans la loi du 8 juillet 2013, madame le ministre : elle réclame la tenue d’un véritable débat, parce que c’est bien plus qu’une affaire administrative que l’on pourrait laisser à des pédagogues professionnels qui, depuis quarante ans, n’ont apporté aucune solution à la dégradation de notre enseignement ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !

M. Gérard Longuet. Dans ce texte mal né, péremptoire, contradictoire avec vos propres intentions, il n’y a rien sur l’apprentissage, rien sur le rôle des collectivités territoriales ! Alors que l’on va demander à celles-ci et à leurs élus de prendre en charge les collèges, les lycées, les écoles primaires et de soutenir l’action pédagogique, vous ne leur faites strictement aucune place ! Votre réforme, vous l’avez bâclée !

M. David Assouline. Vous ne savez même pas de quoi vous parlez !

M. le président. Il faut conclure !

M. Gérard Longuet. Je pense profondément que, au lendemain du 11 janvier, nous pouvions attendre que le Gouvernement, sur le terrain de l’enseignement, élève le débat, comme nous l’avons fait sur le terrain de la défense, et fasse confiance à l’ensemble de la représentation nationale. Quelles sont vos intentions en la matière ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Longuet, il faut bien distinguer entre la réforme du collège, qui porte sur l’organisation du collège et les pratiques pédagogiques, et la réforme des programmes.

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

M. Martial Bourquin. Il ne faut pas confondre les deux !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. La loi a confié à une instance indépendante, le Conseil supérieur des programmes, le soin de présenter des projets de programmes, qui font aujourd'hui l’objet d’une large consultation auprès des 800 000 enseignants qui auront à les appliquer.

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cette consultation, d’une durée d’un mois, conduira bien entendu à retravailler la formulation des programmes,…

M. Gérard Longuet. Il faut l’espérer !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … que je serai amenée à valider définitivement au mois de septembre prochain.

Je vous propose donc de laisser ce sujet de côté, après avoir précisé que ces programmes ont vocation à être plus lisibles, plus cohérents, plus progressifs sur le temps de la scolarité, pour permettre aux élèves de mieux réussir et d’acquérir les fondamentaux dont ils ont absolument besoin pour se projeter dans la vie.

Je reviens à la réforme du collège.

Monsieur le sénateur, vous en conviendrez, la meilleure méthode qui soit pour préparer un texte, c’est bien d’en débattre au Parlement. Ainsi, les discussions, à l’Assemblée nationale et au Sénat, sur la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ont duré très exactement cinq mois. Je ne sais si vous y avez assisté…

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ce texte prévoyait une réforme du collège pour y introduire plus d’autonomie, développer l’interdisciplinarité, afin que les élèves apprennent autrement et s’approprient les savoirs qui leur sont transmis, et enfin mettre en place l’accompagnement personnalisé que j’évoquais à l’instant.

Vous prétendez que, dans cette réforme, aucune place n’est faite aux collectivités locales ou au monde professionnel. C’est faux ! Si vous aviez pris le temps de regarder précisément les textes, vous auriez pu constater, par exemple, que l’un des enseignements pratiques interdisciplinaires que nous créons est consacré au monde professionnel. Il a précisément pour vocation d’apprendre assez tôt au collégien à s’orienter pour trouver sa voie et de permettre aux établissements scolaires, grâce à l’autonomie qui leur est accordée, de nouer des partenariats avec leur environnement, notamment avec les entreprises, pour ouvrir les horizons des élèves.

Vous le voyez, qu’il s’agisse du numérique, de l’éducation artistique et culturelle ou de la découverte du monde professionnel, le nouveau collège est ouvert sur le monde, au bénéfice de la réussite des élèves ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

quotas de migrants

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse non à Mme la ministre de l’éducation nationale, qui aura ainsi un peu de répit (Sourires.), mais à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, la Méditerranée est actuellement le théâtre d’une tragédie humaine comme elle en a rarement connu dans sa longue histoire. On estime à 1 700 le nombre de migrants qui ont perdu la vie depuis le début de cette année en essayant d’atteindre les côtes européennes. Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut agir et que la réponse ne peut être qu’européenne, c’est-à-dire coordonnée entre tous les pays de l’Union, car le problème ne concerne pas seulement l’Italie, l’Espagne et la Grèce.

La semaine dernière, la Commission européenne a proposé un « plan d’action pour l’immigration et l’asile », dont la mesure essentielle n’est pas passée inaperçue, puisqu’il s’agit d’instaurer des quotas de migrants par pays d’accueil. Mais qu’est-ce donc que cette Europe qui répond à des drames humains par l’institution de quotas ? Est-ce un génial technocrate qui a eu l’idée d’inventer des quotas d’immigrés, comme un autre avant lui, mieux inspiré il est vrai, avait inventé les quotas laitiers ? (Sourires.)

Pour la Commission européenne, la répartition des migrants entre les pays de l’Union pourrait se faire en fonction de leur richesse, de leur population, de leur taux de chômage et du nombre de personnes déjà accueillies. Bien évidemment, les migrants dits « économiques » ne sont pas concernés, puisqu’il s’agit d’une immigration irrégulière et que, en la matière, la règle doit demeurer la reconduite. Reste donc l’asile, sur lequel le Sénat a travaillé ces derniers jours et qui est accordé sur le fondement de critères bien définis : ou bien on répond à ces critères et on bénéficie du statut de réfugiés, ou bien on doit quitter le territoire. On voit donc mal comment l’on pourrait instaurer des quotas !

Le Président de la République a fait savoir que la France était opposée par principe à toute idée de quotas en matière d’immigration.

S’il ne nous est pas possible d’accepter une répartition contraignante des rescapés de la Méditerranée, le Gouvernement s’est dit toutefois « pleinement favorable à ce que ces personnes ayant un besoin manifeste de protection puissent être, de manière temporaire et selon des paramètres à discuter, réparties plus équitablement » entre les États membres.

Monsieur le ministre, ma question est simple : pouvez-vous éclairer le Sénat sur cette notion de « répartition solidaire et équitable » ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous appelez à la précision sur un sujet qui nécessite effectivement d’être traité avec la plus grande rigueur, eu égard à sa gravité.

Une réponse ne pourra être apportée qu’à travers une action et une mobilisation fortes des États de l’Union européenne.

Les drames humains qui se déroulent en Méditerranée résultent de la mise en place de filières de traite des êtres humains. Leurs organisateurs placent sur des embarcations de plus en plus frêles des migrants de plus en plus vulnérables et de plus en plus nombreux, les condamnant à une mort certaine. Ces filières doivent être démantelées et ceux qui les organisent sévèrement punis par la justice.

Dans cette perspective, la première chose à faire est d’aider les pays de provenance des migrants à contrôler leurs frontières. En effet, 70 % de ceux qui arrivent à Lampedusa transitent par la bande sahélienne et relèvent de l’immigration économique irrégulière. À l’occasion de la réunion des ministres de l’intérieur des pays du G5 du Sahel, j’ai proposé de mettre en place des coopérations entre nos services et les leurs pour assurer ce contrôle.

Par ailleurs, nous devons faire travailler ensemble nos services de justice et de police pour procéder au démantèlement de ces filières. Nous le faisons en France, en lien avec les services britanniques. L’an dernier, ce sont 236 filières supplémentaires de l’immigration irrégulière qui ont été démantelées, dont 30 % de plus à Calais.

Nous avons également le devoir de sauver des vies, dans le respect du droit de la mer. C’est l’un des objectifs assignés à l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, ou Frontex, dont l’action se substitue à l’opération Mare Nostrum.

Les migrants qui relèvent du droit d’asile en Europe doivent être accueillis sur la base des critères de celui-ci et répartis équitablement entre les pays de l’Union européenne. Le concept de quotas n’a pas de sens s’agissant de ceux qui ont vocation à obtenir le statut de réfugié : en instaurer signifierait que, au-delà d’un plafond, l’Europe refuse d’accueillir cette catégorie de migrants, ce qui serait contraire à la tradition de la République et aux valeurs de l’Union européenne.

En outre, ce concept n’a pas davantage de sens s’agissant des migrants qui relèvent de l’immigration irrégulière, car ceux-ci n’ont pas vocation à être accueillis en Europe. Ils doivent être reconduits à la frontière et faire l’objet de politiques de maintien dans leur pays, assorties d’actions de codéveloppement associant les pays de la bande sahélo-saharienne.

Telle est la politique de la France. Elle est claire et a inspiré celle de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

amiante

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste.

Mme Aline Archimbaud. Ma question, qui concerne la plupart des ministères, eu égard à la gravité du problème de santé publique qui la sous-tend, s'adresse à M. le Premier ministre.

Le drame de l’amiante aura fait, selon la Direction générale de la santé, qui s’appuie sur les travaux de l’Institut national de veille sanitaire, au moins 100 000 morts en 2050.

La commission des affaires sociales du Sénat a créé, en février 2013, un comité de suivi. Après avoir travaillé sur cette question de l’amiante et du désamiantage, il a rendu, en juillet 2014, voilà donc presque un an, ses conclusions.

Les propositions formulées par ce comité ont fait l’objet d’un complet consensus parmi les groupes politiques du Sénat. Nous avons notamment demandé la mise en place d’une structure de coordination interministérielle rattachée au Premier ministre.

Nous alertons régulièrement sur les dangers que représente aujourd’hui l’absence d’une stratégie nationale du désamiantage pilotée par les services du Premier ministre et associant l’ensemble des nombreux ministères concernés. Les médecins nous alertent déjà sur le risque de survenue d’une deuxième épidémie si le désamiantage n’est pas fortement piloté par les pouvoirs publics.

Il est urgent que soient fixées des priorités nationales : amélioration de la réalisation des diagnostics amiante – c’est aujourd’hui un gros point faible –, mise en place de financements pérennes et d’un échéancier, fléchage des crédits vers la recherche-développement sur les thèmes du diagnostic, des techniques du désamiantage et du traitement des déchets, développement d’une formation initiale et continue de tous les acteurs.

Il est possible de créer une filière économique du désamiantage à l’échelle nationale – sans doute pour plusieurs décennies –, qui serait, par ailleurs, pourvoyeuse d’emplois !

L’objectif est non de faire peur, mais d’affronter le problème lucidement, en mettant aussi en place un dispositif d’information du grand public.

Dix mois après la publication du rapport, nous n’avons aucune nouvelle du Gouvernement. Des représentants du comité de suivi ont été reçus fin octobre par le cabinet du Premier ministre, pour présenter ledit rapport. À ce jour, aucune réaction ne nous est parvenue.

On me dit qu’une feuille de route interministérielle serait en cours d’élaboration : qu’en est-il ? Quand pouvons-nous espérer que la stratégie nationale tant demandée par de nombreux acteurs soit enfin mise en œuvre, près de vingt ans après l’interdiction de l’amiante dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, vous l’avez dit, l’amiante provoque en France, chaque année, la mort de 1 700 personnes, en ne prenant en compte que les seuls cancers liés à l’exercice d’une activité professionnelle. C’est sans doute le plus grand drame de santé publique qu’ait connu notre pays.

Devant la gravité de cette situation, le Gouvernement est déterminé à tout faire pour éviter les expositions à ce polluant cancérigène, interdit dans notre pays depuis 1997 mais encore présent dans certains bâtiments.

Des mesures ont d’ores et déjà été prises pour faciliter l’extraction de l’amiante dans les logements existants. Ainsi, la loi de finances de 2015 a créé un prêt dédié aux travaux de traitement de l’amiante. Ce prêt, qui est délivré par la Caisse des dépôts et consignations, sera mobilisable à hauteur de 2 milliards d'euros. Il permettra vraisemblablement de financer les travaux dans 40 000 logements, avec des taux inférieurs à ceux du livret A.

Les organismes de recherche seront pleinement impliqués dans cet effort de désamiantage, grâce à un plan d’action sur trois ans mis en place par le ministère du logement et qui vise à mobiliser les chercheurs pour sécuriser l’extraction de l’amiante.

Par ailleurs, plusieurs mesures relatives à l’amiante ont été insérées dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé qui sera examiné très prochainement en première lecture par le Sénat.

Ce projet de loi prévoit notamment de renforcer le pouvoir d’intervention des préfets, qui pourront prendre des mesures contraignantes en vue de faire cesser des expositions aux fibres d’amiante. Il permettra également d’assurer une meilleure transmission des informations relatives à l’amiante. À l’avenir, elles devront être communiquées non seulement aux préfets, mais aussi aux ministères chargés de la santé et du logement. Enfin, ce texte renforcera les sanctions encourues par les propriétaires qui refuseraient de répondre aux injonctions en matière de repérage des travaux amiantés.

Cependant, vous avez eu raison de souligner que, au-delà de ces actions sectorielles, nous devons renforcer la coordination interministérielle en matière de lutte contre l’amiante. Les différentes actions que j’ai évoquées montrent bien que plusieurs ministères sont concernés. Dans cette perspective, le ministère de la santé est en train d’établir, en lien étroit avec les ministères chargés du développement durable, du travail et du logement, une feuille de route interministérielle qui viendra très vite coordonner les actions de tous les services compétents.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Cette feuille de route devrait permettre de renforcer l’information du public sur les risques liés à l’amiante et d’aider les particuliers et les professionnels à agir. Je pense notamment aux diagnostiqueurs et aux artisans du secteur du bâtiment et des travaux publics. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

réforme du collège

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour le groupe CRC.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la ministre de l'éducation nationale, le jour même de la grève des enseignants contre la réforme du collège, vous avez signé le décret d’application de celle-ci. C’est un passage en force choquant.

Oui, il faut une réforme du collège. Toutefois, si son objectif est de favoriser la réussite de tous les élèves, de s’attaquer aux mécanismes de l’échec scolaire pour faire refluer les inégalités, celui-ci ne pourra être atteint sans l’engagement et l’adhésion de la communauté éducative.

Cette réforme devrait constituer une rupture nette avec les politiques menées précédemment par la droite, qui, faisant preuve de beaucoup d’opportunisme, prétend aujourd’hui défendre l’école de la République (Exclamations sur les travées de l'UMP),…

M. Alain Fouché. On l’a toujours défendue, madame ! On n’a pas attendu !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … qu’elle a saccagée en supprimant des milliers de postes et la formation des enseignants. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l'UMP.)

Cela étant, la réforme engagée par le Gouvernement appelle des critiques,…

M. Alain Fouché. Tout de même !

M. le président. Seule Mme Gonthier-Maurin a la parole, mes chers collègues !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … car elle repose sur une diminution globale des temps d’enseignements communs obligatoires au collège.

Madame la ministre, vous affirmez qu’elle permettra de mieux préparer tous les collégiens à « entrer dans le monde de demain ». Or ce monde, caractérisé par des savoirs plus complexes, nécessite une élévation du niveau des connaissances pour tous, donc plus d’école !

Vous invoquez le recours à l’aide personnalisée, aux enseignements pratiques interdisciplinaires. Pourquoi pas, mais l’interdisciplinarité doit non pas se substituer à l’acquisition de fortes bases disciplinaires par tous, mais s’appuyer sur elle.

De quels outils les enseignants disposeront-ils ? Le chantier de la formation continue est toujours en déshérence et dépourvu de moyens suffisants ! Quant à la formation initiale, alors que l’interdisciplinarité est supposée révolutionner le collège, elle n’a même pas été inscrite dans les missions des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République !

Quant à l’autonomie, c’est avant tout celle des établissements, et non celle des enseignants, qui est renforcée, dans un contexte de baisse des dotations globales horaires et de mise en concurrence.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La crainte des enseignants d’un renforcement des inégalités est donc légitime.

Parce que tous les élèves n’entrent pas au même rythme dans les apprentissages, quand allez-vous accepter, madame la ministre, d’envisager un allongement de la scolarité obligatoire et de véritables prérecrutements des enseignants, outils essentiels de transformation de l’école, permettant sa véritable démocratisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je vous sais attachée, autant que je le suis, à la réussite scolaire de tous les enfants de France.

M. Alain Fouché. Nous aussi ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. C’est la raison pour laquelle je ne confonds pas l’opposition à cette réforme du collège qui relève d’une justification des inégalités scolaires visant à mieux permettre de dégager une élite (Exclamations sur les travées de l'UMP)

Un sénateur du groupe UMP. C’est inadmissible !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … et la vôtre, qui repose sur un certain nombre d’interrogations sur les modalités pratiques de mise en œuvre.

Oui, le collège a besoin de professeurs aux compétences disciplinaires solides, capables de renforcer l’apprentissage de chaque matière par les élèves. C’est la raison pour laquelle cette réforme ne porte nullement atteinte aux enseignements disciplinaires, dont les horaires ne baissent pas.

Oui, cette réforme introduit de nouveaux temps dits « d’interdisciplinarité ». Plusieurs enseignants seront ainsi amenés à travailler ensemble pour aider les élèves à s’approprier différemment les apprentissages, les cours magistraux, théoriques et cloisonnés ne convenant pas à tous.

En tout état de cause, ces enseignements pratiques interdisciplinaires seront bien assurés par les enseignants des différentes disciplines. Le professeur d’histoire-géographie, le professeur de français, le professeur de mathématiques, tous seront amenés à les prendre en charge, de même que l’accompagnement personnalisé.

C’est pourquoi, je le redis ici, aucun enseignant n’a à perdre à cette réforme du collège. Au contraire, celle-ci permettra aux élèves de mieux assimiler les différentes matières. Tel est bien l’objectif de cette réforme : que les élèves ne sortent pas du collège sans avoir compris ce qu’ils y ont appris.

Oui, madame la sénatrice, mettre en place la formation continue des enseignants est indéniablement nécessaire pour garantir la bonne mise en œuvre de cette réforme. C’est la raison pour laquelle le décret devait être publié. Il fallait en effet signifier une fois pour toutes que la réforme se fera, pour pouvoir ensuite discuter avec les organisations syndicales de ses modalités d’application,…

M. Jean-Pierre Raffarin. On décide d’abord, on discute après !

M. Alain Fouché. Tout cela n’est pas convenable !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … s’agissant notamment de l’accompagnement, par la formation continue, des établissements et des équipes pédagogiques. Cette démarche sera engagée très prochainement pour les cadres de l’éducation nationale, pour les chefs d’établissement, puis, à l’automne prochain, pour les enseignants de collège, afin que tous les acteurs puissent mettre en œuvre cette réforme dans les meilleures conditions possibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

cop 21 (convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Roux. La France présidera la 21e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre prochains. Cette échéance est cruciale : l’objectif est d’aboutir à l’adoption d’un premier accord universel et contraignant sur le climat, pour maintenir l’augmentation de la température globale en deçà de deux degrés Celsius. Il s’agit de prendre des mesures qui permettent de contenir le réchauffement global.

Avec 195 pays impliqués et 47 000 participants attendus, il s’agit là du plus grand événement diplomatique jamais organisé, tant par son ampleur que par l’importance de l’enjeu. La France, sur l’initiative du Président de la République (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP), a eu le courage de s’engager et de se porter candidate à son organisation.

M. Marc Daunis. Il fallait le rappeler !

M. Jean-Yves Roux. Mardi dernier, le Président de la République, François Hollande, et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont donné à Berlin le coup d’envoi de la négociation internationale sur le climat. Le couple franco- allemand a décidé de donner un coup d’accélérateur aux travaux préparatoires de la conférence Paris Climat 2015.

À la fin du mois de février dernier, le Président de la République a lancé « l’appel de Manille » (Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées), afin de sensibiliser gouvernants et citoyens à l’urgence de lutter contre le dérèglement climatique par une réponse globale soutenue par tous.

Aujourd’hui même se déroule à Paris, au siège de l’UNESCO, le sommet « Entreprises et climat », forum mondial des entreprises partenaires de la COP 21. Le secteur privé a répondu à l’appel du secrétaire général de l’ONU et assume un rôle plus actif dans le processus mondial de décarbonatation. Des réseaux d’entreprises de première ligne ont décidé d’unir leurs forces et de mobiliser des chefs d’entreprise du monde entier afin de lutter contre le réchauffement climatique.

Toutes les forces doivent être associées afin de permettre la réussite de la COP 21. Nous mesurons cette semaine encore l’engagement du Gouvernement dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser quels moyens vous mettez en œuvre pour garantir autant que faire se peut le succès de la COP 21 et la réussite des négociations multilatérales ambitieuses que la France va présider ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Vous avez bien défini l’enjeu de la COP 21. Il faut toujours se méfier des épithètes excessives, mais, si nous réussissons à convaincre les 196 États parties, qui devront se prononcer à l’unanimité,…

M. Alain Fouché. Il y a du boulot !

M. Laurent Fabius, ministre. … ce sera vraiment un succès pour le monde et, bien sûr, pour la France, hôte de cette conférence.

Cette conférence a quatre objectifs majeurs.

Le premier, le plus important, qui n’a jusqu’à présent jamais pu être atteint, est d’obtenir « un accord universel, différencié, juridiquement contraignant ». J’ajoute que cet accord devra aussi être durable et être maintenu au-delà de 2030. Les négociations avancent, mais elles sont très difficiles, car la matière elle-même est difficile. En outre, on comprend qu’il est ardu de mettre d’accord 196 pays…

Le deuxième objectif est de dresser le bilan des contributions nationales à la réduction des émissions de gaz à effet de serre que les pays doivent annoncer en principe avant la fin du mois d’octobre prochain. Pour l’heure, les contributions déjà annoncées portent sur 30 % à 40 % de la masse globale des émissions de gaz à effet de serre ; nous espérons avoir atteint, voire dépassé, le seuil de 90 % au moment de la COP 21. Nous aurons alors des indications précises sur les engagements de chacun des pays.

Le troisième objectif a trait aux financements et aux technologies. On peut imaginer qu’aucun pays n’est par principe opposé à la conclusion d’un accord sur le climat. Cependant, de nombreux pays, à commencer par les plus pauvres, s’interrogent sur les financements et les technologies.

Une série d’initiatives ont été prises. Je pense ainsi au Fonds vert, qui, notamment grâce à l’action de l’Allemagne et de la France, est doté d’un peu plus de 10 milliards de dollars, l’objectif étant de mobiliser 100 milliards de dollars à l’horizon de 2020. Un important travail reste à accomplir. Le Dialogue de Petersberg sur le climat, qui s’est achevé à Berlin voilà deux jours, s’inscrit dans cette perspective.

Enfin, le quatrième objectif vous concerne directement, mesdames, messieurs les sénateurs : il est d’associer les parlementaires, les régions, les collectivités locales, les entreprises à l’organisation de la COP 21, pour que celle-ci soit un succès et débouche sur la conclusion d’un accord bénéfique pour l’ensemble de la planète. À cet égard, je compte sur le soutien de chacune et de chacun d’entre vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

réforme du collège

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe UMP.

Mme Colette Mélot. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Alain Fouché. Mme la ministre est très demandée !

Mme Colette Mélot. Madame la ministre, vous admettrez qu’il n’est pas banal que des syndicats d’enseignants dits « réformistes » dénoncent une provocation du Gouvernement lorsqu’ils apprennent, via la presse, que le décret portant sur la réforme très contestée du collège a paru hier au Journal officiel, alors que de nombreux enseignants ont manifesté la veille.

Malgré le grand émoi suscité chez les enseignants, malgré la pétition de 234 parlementaires de la droite et du centre, malgré les propos très sévères d’intellectuels de tous bords – des intellectuels de grande renommée, et non des « pseudo intellectuels », comme vous les avez désignés –,…

M. Alain Fouché. C’est vrai, ce sont des intellectuels de tous horizons !

Mme Colette Mélot. … vous refusez tout dialogue.

Promouvoir l’idéal politique de la réduction des inégalités est en soi fort estimable, mais, lorsque cela se fait au détriment de la qualité de l’instruction, c’est inacceptable. Or l’objectif que vous vous fixez, c’est bien le nivellement par le bas. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

En cela, madame la ministre, vous faites une terrible erreur d’analyse. Les parents des enfants des classes populaires n’attendent pas de vous que vous sabordiez l’élitisme ; ils attendent de vous que vous donniez à leurs enfants les moyens de l’atteindre.

M. Éric Doligé. Très bien !

Mme Colette Mélot. Pour ce faire, il faut d’abord mettre en place un enseignement rénové de la lecture, qui permette à chaque élève de savoir lire comme nous lisons, vous et moi.

Or vous faites le choix de diminuer le nombre d’heures d’enseignement du français. Vous supprimez le latin et le grec, les classes bilangues et les sections européennes. Vous proposez l’enseignement dès la classe de cinquième d’une seconde langue vivante et vous diminuez l’horaire global de l’enseignement des langues, lequel, de ce fait, sera inefficace. Est-ce ainsi que vous allez restaurer l’égalité scolaire ?

Les heures d’accompagnement personnalisé seront prises sur le temps d’enseignement et ne correspondent en aucun cas au suivi individuel des élèves en difficulté. Est-ce ainsi que vous permettrez à chacun de progresser en adaptant le soutien à son niveau ?

Votre credo de la réduction des inégalités relève d’une vaste hypocrisie. Vous êtes en train d’abandonner les enfants des classes populaires et de dénaturer profondément notre système éducatif, notamment dans les zones urbaines sensibles.

Madame la ministre, allez-vous enfin écouter, mais surtout entendre et comprendre, ceux qui, d’où qu’ils viennent, pensent un véritable avenir pour notre jeunesse et pour notre pays ?

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Colette Mélot. Allez-vous surseoir à cette réforme du collège et des programmes, ouvrir un vrai dialogue et une véritable concertation, qui seraient la marque d’une recherche sincère des moyens de permettre au collège de viser l’excellence pour le plus grand nombre des élèves ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Didier Guillaume. Il faut recommencer, madame la ministre !

M. Alain Fouché. Il faut inventer quelque chose de neuf !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, voilà plusieurs semaines que j’entends parler de « nivellement par le bas ». Permettez-moi de vous donner ma définition de cette notion.

Le nivellement par le bas, c’est lorsque des familles craignent de mettre leur enfant dans un collège parce qu’elles savent que les difficultés scolaires de quelques élèves y sont si mal prises en charge que leur enfant risque d’en pâtir.

Le nivellement par le bas, c’est quand, pendant dix ans, on assiste sans rien faire, les bras ballants, à la dégradation du niveau de tous les élèves, les plus mauvais comme les meilleurs (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste), et que l’on aggrave même la situation en supprimant des postes d’enseignant et la formation des enseignants, laquelle est pourtant a priori la meilleure garantie d’une bonne transmission du savoir aux élèves.

Le nivellement par le bas, c’est quand le déterminisme social est si bien intériorisé que des enfants de familles populaires considèrent que la réussite n’est pas pour eux et s’autocensurent dans leur parcours scolaire, leurs choix et leurs ambitions.

Voilà ce qu’est le nivellement par le bas. C’est parce que nous ne l’acceptons pas que nous réformons le collège, afin de tirer tout le monde vers le haut.

Pour ce faire, nous renforçons l’acquisition des fondamentaux par les enfants,…

M. Rémy Pointereau. C’est en primaire que ça se joue !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … qu’ils soient en difficulté ou en situation de réussite.

Nous entendons faire en sorte que les connaissances, les compétences et la culture que les enfants doivent avoir acquis à la fin du collège soient non seulement d’un niveau élevé, mais de même niveau pour tous les collégiens, quel que soit le territoire où ils vivent.

Nous entendons faire en sorte que les enfants soient stimulés, encouragés, aidés durant tout leur parcours au collège. Il s’agit de cultiver chez eux le goût du travail, de l’effort et du mérite, qui n’est pas inné, comme vous le prétendez.

Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en œuvre des pratiques pédagogiques nouvelles au collège. Nous souhaitons que les enfants travaillent autrement durant les temps d’interdisciplinarité, avec des enseignants qui leur fassent conduire des projets, leur permettent d’exprimer leur potentiel, car chaque élève en a un.

Quand je parle d’égalité, madame la sénatrice, il s’agit de l’égalité des possibles pour tous les enfants : je refuse que l’on ferme des portes à certains en raison de leur milieu social.

Ne doutant pas que nous soyons tous d’accord sur ces questions, je vous remercie par avance, mesdames, messieurs les sénateurs, du soutien que vous apporterez à cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Guillaume. Bravo !

régime social des indépendants

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe UMP.

M. Alain Joyandet. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Madame la ministre, le régime social des indépendants, le RSI, connaît de grandes difficultés. Le temps d’agir est venu. Depuis sa création, le recouvrement des cotisations auprès des travailleurs indépendants est effectué – je le rappelle parce qu’on ne le sait pas toujours – par le réseau des URSSAF.

Ce système particulièrement complexe a connu de graves défaillances techniques, qui ont affecté un grand nombre de cotisants : difficultés d’affiliation, erreurs dans les appels de cotisations, blocage des mises à jour des dossiers, taxation d’office, versement tardif des prestations, etc. Ces graves difficultés ont d’ailleurs été relevées par la Cour des comptes.

Je ne reviens pas sur les rappels de cotisations portant sur des sommes considérables, signifiés parfois de manière surprenante, pour ne pas dire brutale, à des travailleurs indépendants.

Si des efforts ont indéniablement été effectués par le RSl, les problèmes ne sont pas réglés pour autant.

Plusieurs mesures doivent être rapidement envisagées.

Tout d’abord, il est impératif que les cotisations provisionnelles des travailleurs indépendants soient calculées sur le fondement du revenu estimé de l’année en cours, et non sur celui des revenus de plusieurs années, compte tenu de la très grande variation des revenus des intéressés.

Ensuite, même si je n’oublie pas que le RSI a été créé en 2006, le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, a pris des mesures sur lesquelles il me semble nécessaire de revenir : déplafonnement des cotisations maladie, maternité et vieillesse, instauration d’une cotisation minimale forfaitaire, suppression de la déduction forfaitaire pour frais professionnels et élargissement de l’assujettissement des dividendes.

Ces mesures, inopportunes en période de crise économique, ont sensiblement augmenté les charges pesant sur les travailleurs indépendants, dont l’activité représente des millions d’emplois en France.

Enfin, eu égard au niveau des prélèvements, qui tend à s’aligner sur celui du régime général, alors que le RSI sert des prestations moindres, le temps n’est-il pas venu, pour faire suite aux propos tenus par le Premier ministre le 31 mars dernier dans différents médias, de laisser le choix aux travailleurs indépendants de rejoindre ou non le régime général ?

Telles sont les questions auxquelles, madame la ministre, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir répondre devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le sénateur, il est vrai que le régime social des indépendants a connu, et connaît encore, mais dans une moindre mesure, de très grandes difficultés.

Puisque vous avez évoqué le rapport de la Cour des comptes, permettez-moi de préciser que celle-ci a qualifié de « catastrophe industrielle » la réforme mise en place en 2008 par la majorité de l’époque ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Rappels de cotisations, impossibilité de joindre les services du RSI : toutes les difficultés que vous avez mentionnées ont découlé de cette réforme mal pensée, mal préparée et mal mise en œuvre.

Des mesures visant à remédier à cet état de choses ont été mises en place. Je veux saluer ici la très forte mobilisation des agents du RSI et des URSSAF. Un rapport remis l’an dernier par deux de vos collègues a montré que la situation s’est améliorée de manière très significative, même si cela demeure insuffisant.

Le Gouvernement a réduit les cotisations de 70 % des artisans, jusqu’à concurrence de 400 euros pour ceux dont le revenu s’établit à environ 20 000 euros par an.

Le régime de la micro-entreprise permettra également des progrès, mais il nous faut aller plus loin. Aussi le Gouvernement a-t-il demandé à deux députés, Mme Bulteau et M. Verdier, de formuler à échéance rapprochée des propositions pour faire évoluer ce régime afin de mieux répondre aux attentes des artisans.

Permettez-moi de dire, en conclusion, que les difficultés rencontrées par des artisans ne sauraient en aucun cas légitimer les appels à la désaffiliation à la sécurité sociale lancés de manière inconsidérée et irresponsable par certains. La sécurité sociale est garante de la solidarité de tous. (M. Alain Joyandet proteste.) Je sais, monsieur Joyandet, que vous n’avez pas, pour votre part, appelé à la désaffiliation, mais certains l’ont fait, profitant de la situation difficile que connaît une minorité d’artisans. C’est le plus mauvais des services à rendre à la sécurité sociale, en particulier au régime des artisans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

budget de la culture

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour le groupe socialiste.

Mme Maryvonne Blondin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

« La Culture n’est pas un luxe, c’est une nécessité », disait le prix Nobel de littérature de 2000, Gao Xingjian.

Le Premier ministre vient d’affirmer haut et fort la sanctuarisation du budget de la culture jusqu’à la fin du quinquennat, qui était tant attendue par le monde de la culture, et l’attachement du Gouvernement à la culture.

Il s’agit là, il faut le souligner, d’un engagement tout à fait exceptionnel, d’un acte de confiance et de reconnaissance envers un secteur fragilisé en cette période difficile d’effort collectif pour redresser l’économie de notre pays. Le budget de la culture a pris sa part à cet effort, la baisse de ses crédits portant essentiellement sur les grands opérateurs de l’État, plutôt que sur la création, la production et la diffusion culturelle et l’éducation artistique.

Favoriser le développement de la création, des pratiques culturelles, lutter contre les inégalités, permettre à tous d’accéder à la culture est dans l’ADN de la gauche. L’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’UNESCO, qui érige les droits culturels en droits fondamentaux, ne dit d’ailleurs pas autre chose.

M. Jean-Pierre Raffarin. Les droits de l’homme, c’est républicain !

Mme Maryvonne Blondin. Je me réjouis donc de cette nouvelle étape, qui réaffirme la place essentielle de la culture dans notre société et l’importance de son apport au lien social et à l’économie de nos territoires.

Néanmoins, force est de constater que ce secteur a fait l’objet de coupes claires dans les derniers budgets des collectivités territoriales, alors que celles-ci en sont certes les principaux financeurs, mais aussi les principaux bénéficiaires.

C’est pourquoi je me félicite, madame la ministre, que vous ayez proposé la conclusion de « pactes » prévoyant le maintien des crédits de l’État destinés aux territoires pour les trois prochaines années, à condition que les collectivités territoriales acceptent, elles aussi, de stabiliser leurs financements du secteur culturel. Hier, à Matignon, plus d’une trentaine d’élus, de droite comme de gauche, qui tous croient en la culture, ont signé de tels pactes.

Madame la ministre, quels moyens allez-vous mettre en œuvre pour permettre la généralisation et la pérennisation de ces politiques culturelles conjointes de l’État et des collectivités, d’une part, et pour assurer une progression durable des moyens de votre ministère, d’autre part ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, des choix courageux ont été faits en 2012 pour redresser nos comptes publics. Le budget de la culture a pris une part importante à cet effort, mais jamais les marqueurs auxquels nous sommes attachés n’ont été affectés : la création, la diffusion culturelle, l’éducation artistique et culturelle ont été protégées dans tous les budgets depuis 2012.

Pour autant, est-ce suffisant ? Bien sûr que non, et je comprends que le monde de la culture manifeste des signes d’impatience. Madame la sénatrice, nous ouvrons actuellement une page nouvelle du quinquennat en matière culturelle.

Ce n’est pas qu’une question budgétaire, un budget n’étant jamais qu’un moyen au service d’un projet, et un arbitrage budgétaire une décision prise sur la base de celui-ci ; c’est une offensive culturelle globale que je souhaite lancer.

Cette offensive culturelle consiste d’abord à signer dans toute la France des pactes culturels qui engagent l’État pour trois ans aux côtés des villes et des agglomérations faisant le choix de préserver leur budget de la culture. Ainsi, trente-cinq villes ont signé hier un tel pacte avec l’État, en présence du Premier ministre. Avant l’été, une soixantaine auront répondu à cet appel. Compte tenu de la réforme territoriale en cours, il faut amplifier et approfondir cette démarche partenariale.

Cette offensive culturelle exige ensuite d’écouter ce qui remonte des territoires, concernant par exemple les conservatoires de musique. J’ai ainsi décidé de réengager l’État auprès des conservatoires, pour en faire de véritables instruments de démocratisation. Il faut faire évoluer les pratiques pédagogiques, mettre l’accent sur les cours collectifs, faire entrer de nouvelles esthétiques dans les conservatoires, les ouvrir aux adultes.

Cette offensive culturelle consiste également à sécuriser et à pérenniser le statut des intermittents dans le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, porté par François Rebsamen. Sans les intermittents, il n’y aurait pas de singularité culturelle française, pas de culture au sens où nous l’entendons.

Cette offensive culturelle se concrétisera enfin par la présentation en conseil des ministres, dans le courant du mois de juin, d’un projet de loi ambitieux en faveur de la liberté de création, de l’architecture et du patrimoine. Ce texte, qui rappellera l’attachement de la nation à la création artistique, sera bâti sur le triptyque liberté, protection et partage.

Madame la sénatrice, vous avez cité Gao Xingjian ; c’est vrai, la culture n’est pas un luxe, elle est une nécessité. Les budgets de la culture seront en hausse en 2016 et en 2017. Ils soutiendront cette offensive culturelle à laquelle je vous invite à participer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police
Discussion générale (suite)

Pouvoirs de police à Paris

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police, présentée par MM. Yves Pozzo di Borgo et plusieurs de ses collègues (proposition n° 391, texte de la commission n° 434, rapport n° 433)

Dans la discussion générale, la parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police
Article 1er

M. Yves Pozzo di Borgo, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée représentant les collectivités territoriales, il nous incombe à nous, sénateurs, de les accompagner dans leur évolution et d’œuvrer pour moderniser leur gouvernance et leur bonne gestion.

C’est dans cet esprit que je vous propose de faire évoluer le statut de Paris, en étendant les pouvoirs de police du maire de Paris.

Cette proposition, cosignée par mes collègues Pierre Charon et Philippe Dominati, comme moi sénateurs de Paris, s’inscrit du reste dans la continuité d’un long processus de « normalisation » du statut de Paris, qui a commencé avec un premier texte en 1975, qui a induit l’élection d’un maire à Paris en 1977 et qui s’est poursuivi jusqu’en 2002, lorsque nous avons adopté, « petitement », l’élargissement des pouvoirs de police du maire de Paris à la police du stationnement et à la police de circulation.

C’est donc non une rupture radicale que je vous propose, mais la poursuite d’une modernisation, qui, il faut le dire, part de très loin.

En effet, si Paris est la seule municipalité en France dont le maire ne détient pas le pouvoir de police, c’est que l’Histoire a pu le justifier.

Oui, mes chers collègues, Paris est historiquement une des villes les plus denses du monde : en 1800, on comptait déjà 700 000 Parisiens répartis sur 3,4 kilomètres carrés, ce qui représente une densité proche de celle que nous connaissons aujourd’hui, avec 2,1 millions d’habitants sur 10 kilomètres carrés. Mais cette concentration humaine a souvent défié le pouvoir de l’État.

Louis XIV s’installa à Versailles pour fuir Paris, où menaçait la Fronde ! Un peu plus d’un siècle plus tard, la population parisienne, en pleine Révolution, ramenait la famille royale à Paris pour la juger. On peut penser que la défiance des Parisiens contre l’État a pu inciter Napoléon Bonaparte – il avait une certaine expérience à cet égard puisque, en 1795, il avait arrêté l’insurrection royaliste rue Saint-Honoré, devant l’église Saint-Roch, en faisant tirer au canon sur les partisans de la monarchie qui manifestaient, dont 300 furent tout de même tués : les moyens de l’époque avaient des effets beaucoup plus dévastateurs que les grenades lacrymogènes ! –, au lendemain de son coup d’État, à rattacher au pouvoir central les attributions de police générale qui dépendaient de la commune de Paris ; c’est le fameux arrêté du 12 messidor an VIII – c'est-à-dire le 1er juillet 1800 –, qui confie au préfet, représentant de l’État, les pouvoirs de police afin d’assurer le maintien de l’ordre public dans une capitale en proie aux soulèvements. C’est cet arrêté qui marque et structure encore aujourd’hui la police parisienne.

L’Histoire donna raison à Bonaparte. Lors de la révolution ouvrière de 1848, Ledru-Rollin disait des barricades qu’elles sont « la passion héréditaire de la population parisienne ».

Plus tard, pendant la Commune, en 1871, le chef du gouvernement, Adolphe Thiers, fit cette déclaration fracassante : « Paris sera soumis à la puissance de l’État, comme un hameau de cent habitants ! »

Paris l’insoumise, Paris qui défiait l’autorité de l’État devait être surveillée de près par la police nationale.

Une métropole aussi dense nécessitait par ailleurs une attention particulière en matière de lutte contre l’insalubrité : ce fut l’objet de la mission de police confiée en 1859 au préfet Hausmann.

Bref, en regardant l’histoire de Paris, on comprend que l’État ait voulu assurer l’ordre public et la salubrité à Paris, mater les révoltes, avec des moyens qu’il contrôle : une police nationale, sous l’autorité d’un préfet aux ordres du ministre de l’intérieur. D’ailleurs, jusqu’en 1975, Paris n’avait pas de maire, mais était gouvernée par un préfet. Et aujourd’hui encore, les pouvoirs de police du maire sont, à Paris, largement concentrés entre les mains du préfet, qui assiste à chaque conseil de Paris. Je le remercie d’ailleurs d’être présent aujourd'hui au Sénat.

La question que je pose avec mes collègues Pierre Charon et Philippe Dominati est la suivante : la confiscation des pouvoirs de police du maire de Paris par le préfet, héritée de Napoléon Bonaparte – un insulaire comme moi, à défaut d’être un modèle de démocratie ! – n’est-elle pas devenue obsolète ? Le temps des révolutions n’est plus, d’autres formes de contestation ayant désormais pris le relais, et si les réformes de 1975, de 1982 et de 2002 ont permis un élargissement progressif des pouvoirs de police du maire de Paris, ce dernier n’a toujours pas les moyens opérationnels d’exécuter ses propres décisions.

Un exemple : la maire de Paris peut bien décider de multiplier par trois le prix du stationnement, comme elle l’a fait récemment, les Parisiens savent que ni la verbalisation ni le recouvrement des contraventions ne sont une priorité pour la préfecture de police. Du coup, 85 % des Parisiens ne paient pas le stationnement, privant la ville d’une recette substantielle ! La loi peut bien confier au maire de Paris la responsabilité de fixer le montant des amendes, la Ville n’a pas les moyens humains d’en assurer le recouvrement !

En effet, les 1 848 agents de surveillance de Paris, les ASP, chargés d’assurer le respect de la police du stationnement – ce sont eux, chers collègues de province, qui mettent des contraventions –, comme les 4 127 agents administratifs de la Ville de Paris chargés de délivrer les licences de taxi et de gérer les formalités administratives sur les polices spéciales, ne sont pas placés sous l’autorité du maire, mais sous celle du préfet.

Or la Ville finance tout ce personnel : chaque année, 300 millions d’euros prélevés sur le budget de la Ville servent à financer ces 5 975 agents aux ordres du seul préfet !

Mes chers collègues, la mairie de Paris finance 41,8 % du budget total d’une police qu’elle ne contrôle pas ! Qui d’entre vous accepterait une telle situation ?

La maire actuelle, Mme Anne Hidalgo, parle de « coproduction » entre la mairie et la préfecture de police. Voilà un concept surprenant : vous payez, et vous n’avez aucune autorité sur les gens que vous payez.

Quel est le maire de France, le président de conseil général – le Conseil de Paris est aussi conseil général – ou le président de région qui accepterait une telle situation ?

Et c’est sans compter que, en plus de ces 300 millions d’euros versés à la préfecture, la Ville finance déjà ses propres agents municipaux : 650 inspecteurs de sécurité, 900 agents d’accueil et de surveillance et 96 inspecteurs de salubrité, qui forment un embryon de police municipale fort de 1 646 agents. Pour créer une police municipale à Paris, il suffirait d’intégrer à cette équipe d’agents municipaux les 1 848 agents de surveillance de Paris. On aurait ainsi, sans que l’État ait à débourser le moindre centime, un effectif total de 3 494 agents, ce qui n’est pas négligeable ! Et cela peut se faire à budget constant puisque la mairie assure déjà le financement de ces agents.

Vous l’aurez compris, le statut actuel n’est pas cohérent en termes d’organisation, et il ne l’est pas non plus en termes d’efficacité !

Il n’est pas en phase avec l’évolution des usages et des mentalités.

En outre, cette dilution des responsabilités en matière de police pose un vrai problème en termes politiques. Nous avons voté il y a trois mois, au Conseil de Paris, un contrat parisien de prévention et de sécurité pour la période 2015-2020 : voilà 160 pages d’objectifs qui, comme ceux du précédent plan quinquennal, ne seront pas atteints. Pourquoi ? Parce que la maire de Paris n’est pas responsable devant les électeurs de l’exercice du pouvoir de police !

Quand on l’interroge sur les résultats, elle répond : « Ce n’est pas à moi, mais au préfet de rendre des comptes ! » Et le préfet n’a que faire de l’atteinte de ces objectifs, car lui n’est pas responsable politiquement ! Quant aux vingt maires d’arrondissement, qui recueillent quotidiennement les inquiétudes et les plaintes de leurs administrés, ils ne peuvent rien faire non plus ! Heureusement, les bonnes relations qu’entretient le préfet de police avec les commissaires de quartier permettent de régler quelques problèmes…

Ce petit jeu où personne n’est responsable a, au fond, toujours arrangé les maires de Paris, de droite comme de gauche, car la sécurité est un piège électoral pour le maire en place, surtout dans la capitale.

Par ailleurs, les ministres de l’intérieur successifs ont naturellement préféré conserver un pouvoir étendu sur la capitale. Voilà pourquoi les différentes propositions de réforme des pouvoirs de police du maire de Paris sont toujours restées lettres mortes : je pense aux propositions de loi de Pierre-Christian Taittinger et Dominique Pado en 1986, de Raymond Bourgine en 1990, de Laurent Dominati, Gilbert Gantier et Claude Goasguen en 1999, et à la mienne en 2012.

La chance souriant aux audacieux, la présente proposition sera peut-être la bonne ! Aujourd’hui, alors que la maire de Paris et le ministre de l’intérieur sont de la même couleur politique, j’espère que le Gouvernement profitera de notre initiative sénatoriale pour amorcer un dialogue avec la mairie de Paris, afin de réformer le statut archaïque de Paris en matière de police municipale.

Hélas, j’en doute, car il semble que le Gouvernement ne fasse pas franchement confiance à la capacité d’action de la maire de Paris. C’est du moins ce qu’a laissé entendre le Gouvernement lorsqu’il a émis un avis défavorable sur un amendement de mon collègue Olivier Cadic au projet de loi Macron prévoyant que le Conseil de Paris détermine le nombre de « dimanches du maire » pour l’ouverture des commerces le dimanche.

M. Macron a invoqué le fait que la dérogation au repos dominical relevait de « l’ordre public », dont le préfet de police est le gardien, pour priver la maire de Paris, seul maire de France dans ce cas, d’un pouvoir de décision sur ce point. En réalité, l’État est réticent à confier à la maire de Paris des décisions aussi importantes en matière d’ouverture de commerce comme il l’est en matière de police. On peut s’interroger sur les relations qui existent entre le Gouvernement et la maire de Paris, pourtant du même bord !

M. Roger Karoutchi. Ça, ça ne veut rien dire… (Sourires.)

M. Yves Pozzo di Borgo. Et pourtant, mes chers collègues, quelle que soit la compétence de la maire, l’absence totale de pouvoir de police de la municipalité parisienne en matière de sécurité est déstabilisante pour Paris ! Au-delà du stationnement, le climat d’insécurité à Paris est bien présent. Les incivilités quotidiennes sont devenues banales, les détritus laissés sur les trottoirs font partie du paysage parisien, une certaine mendicité qui pourrait être délictueuse a littéralement explosé.

Paris a besoin d’une police de proximité qui puisse accompagner les sans-abris et les Roms dans les structures d’accueil d’urgence, les toxicomanes dans les centres d’accueil, et œuvrer à la réduction des phénomènes de dépendance dans les quartiers.

À l’inverse, en l’absence d’une police de proximité, les vendeurs à la sauvette se sont installés dans de nombreux quartiers – Tour Eiffel, Château Rouge, Barbès, La Chapelle – et ne sont que partiellement combattus, car la police nationale, malgré toutes ses qualités et la bonne volonté de ses agents, est débordée par le quotidien de ses missions nationales. (M. Roger Karoutchi manifeste son approbation.)

C’est la raison pour laquelle nous proposons de renforcer les compétences et les responsabilités du maire de Paris, en alignant le régime de police de la capitale sur celui des communes à police d’État.

Il est indispensable, aujourd’hui, de lui permettre d’assurer, outre la salubrité publique et la résolution des troubles de voisinage, le bon ordre, la sûreté et la sécurité publique. En retrouvant une autorité sur les 1 848 agents de surveillance de Paris qu’elle paie déjà, auxquels on peut ajouter ses 1 646 agents municipaux, la maire de Paris pourra choisir d’affecter ces quelque 3 500 agents au contrôle du stationnement, à la lutte contre les incivilités ou encore aux nuisances sur la voie publique, en fonction des contingences : lutte contre le vol près des grands magasins à Noël, gestion des relations entre les noctambules des parcs et terrasses et les riverains l’été, sécurité à la sortie des écoles, assistance aux sans-abris l’hiver, etc.

Cela permettra à la préfecture de police, dont je salue au passage l’excellence – c’est peut-être même l’une des meilleures du monde ! – de se concentrer sur ses missions régaliennes de police judiciaire. À l’heure où les formes de criminalité se complexifient – terrorisme, cambriolages, problèmes de cybersécurité, délits et crimes – et où le plan Vigipirate nécessite une mobilisation continue des effectifs, elle doit effectivement concentrer ses forces sur des missions de sécurité nationale qu’elle seule peut assumer.

Je ne comprends pas que le Gouvernement et le ministre de l’intérieur hésitent à transférer à une police municipale des missions qui hypothèquent ces missions nationales.

Bien entendu, aux termes de notre proposition de loi, la police nationale reste compétente pour assurer la protection et la surveillance des institutions nationales et internationales présentes à Paris, qui est tout de même la capitale de la France, et des quelque 7 000 manifestations de rue qui se déroulent sur son territoire chaque année. Ce sont des missions qui n’ont pas d’équivalent dans les autres villes françaises et qui doivent continuer à relever de la police nationale, non de la police municipale. C’est en effet la police nationale qui possède les compétences et les qualités requises.

De même, la préfecture de police doit conserver les pouvoirs de police spéciale. C’est là une contribution majeure de notre rapporteur Alain Marc, un Aveyronnais – il y a, à Paris beaucoup d’Aveyronnais, et ils seront à la fois fiers et satisfaits du travail qu’il a accompli –, que je remercie très chaleureusement.

Ce ne sont donc pas tous les pouvoirs de police que je propose de transférer au maire de Paris. Pour que cette réforme soit réalisable dans de bonnes conditions, je soutiens l’initiative du rapporteur de circonscrire sa portée au pouvoir de police générale et à la police spéciale du stationnement et de la circulation. Il me semble en effet nécessaire de consolider le transfert du pouvoir de police générale avant de transférer progressivement la cinquantaine de polices spéciales aujourd’hui gérées par la préfecture de police, comme la police des édifices menaçant ruine, le secours et la défense contre l’incendie ou encore la police funéraire.

Je pense aussi que, à terme, il faudra que le maire de Paris puisse déléguer aux maires d’arrondissement la gestion des effectifs de la police municipale, car ce sont les maires d’arrondissement qui connaissent le mieux les problématiques spécifiques à leurs quartiers. Cependant, allons-y progressivement, en consolidant chaque étape de cette grande réforme pour Paris.

Je ne serai pas plus long, mes chers collègues, car je pense que vous aurez aisément compris que la création d’une police municipale à Paris constitue une réponse évidente au statut archaïque de Paris en matière de police et une avancée sans précédent dans la modernisation de l’administration de notre capitale.

Faisons mentir Adolphe Thiers : Paris n’est pas « un hameau de cent habitants » ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de MM. Pozzo di Borgo, Charon et Dominati, qui vise à transférer au maire de Paris certaines compétences de police administrative aujourd’hui détenues par le préfet de police, soulève une question qui n’est pas récente. En effet, le 11 mai 1990, le Sénat adoptait en première lecture une proposition de loi comparable de Raymond Bourgine, mais ce texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

L’objectif de la présente proposition de loi n’est pas de remettre en cause la qualité du travail du préfet de police, que nous avons auditionné et dont je salue l’action en faveur de la sécurité des Parisiens ; il est d’aligner la répartition des pouvoirs de police à Paris sur le droit commun afin d’accroître les prérogatives et les responsabilités du maire de la capitale.

Je veux tout d’abord rappeler les spécificités de la police administrative à Paris.

À la différence de ce qui se passe dans les autres communes de France, c’est le préfet de police et non le maire qui détient le pouvoir de police générale. Le préfet de police est ainsi responsable du bon ordre, de la sûreté et de la sécurité publique. Il exerce également plus de cinquante polices spéciales en lieu et place du maire – la police des animaux dangereux et errants, par exemple – ou du préfet de département – l’admission en soins de personnes souffrant de troubles mentaux, par exemple. À Paris, le préfet de police cumule donc les pouvoirs d’un préfet de département et d’un maire.

Ce régime de police dérogatoire remonte à la création de la lieutenance de police, en 1667, et a été renforcé sous Napoléon Bonaparte par l’arrêté du 12 messidor an VIII. Certes, les compétences de police du maire de Paris ont été renforcées depuis plusieurs décennies : il est désormais responsable de la salubrité publique, du bon ordre dans les foires, des troubles de voisinage et d’une grande partie de la police de la circulation et du stationnement. Toutefois, ces compétences demeurent restreintes au regard de celles du préfet de police.

Le régime dérogatoire de police appliqué à Paris présente aujourd’hui deux types de limites, qui ont motivé le dépôt de cette proposition de loi : des limites institutionnelles, d’une part, et des limites opérationnelles, d’autre part.

D’un point de vue institutionnel, la police administrative est exercée à Paris par un préfet de police nommé par le Président de la République, et non, comme sur le reste du territoire, par une personne élue au suffrage universel. Il existe donc un paradoxe singulier à l’heure de la décentralisation : alors que des lois successives ont renforcé les attributions du maire de Paris pour aligner ses prérogatives sur celles du droit commun, les pouvoirs de police continuent de lui échapper. Cela pose une vraie question de responsabilité politique : comme l’a souligné Yves Pozzo di Borgo, le maire n’est pas responsable devant ses électeurs de l’exercice du pouvoir de police.

D’un point de vue opérationnel, le dispositif de police administrative mis en œuvre à Paris semble perfectible. La préfecture de police gère en effet des tâches de police municipale alors qu’elle a vocation à se concentrer sur des missions régaliennes de sécurité. Ce sont, par exemple, des policiers nationaux qui assurent le « barriérage » des routes lors du marathon de Paris ou fournissent un soutien aux personnes sans abri.

De même, c’est la préfecture de police qui contrôle le respect des règles de circulation et de stationnement par l’intermédiaire des agents de surveillance de Paris- ce qu’on appelait autrefois les « pervenches ». Or ce système ne semble pas satisfaisant en pratique : environ 85 % des Parisiens ne paient pas leur stationnement, car ils savent qu’ils n’ont que peu de risques de devoir régler une amende.

Pour expliquer ce dysfonctionnement, l’une des hypothèses est que le contrôle de la circulation et du stationnement ne fait pas partie des priorités opérationnelles de la préfecture de police, ce qui semble logique au vu de l’étendue de ses compétences, parmi lesquelles la priorité est donnée aux missions régaliennes. En outre, la préfecture de police n’a aucune incitation financière à agir, à la différence de la Ville de Paris, qui perçoit une partie des recettes des procès-verbaux et pourra, à partir de 2016, fixer le montant de la redevance appelée à les remplacer dans le cadre de la dépénalisation du stationnement payant.

La dernière difficulté opérationnelle concerne la complexité du dispositif mis en œuvre pour prévenir et réprimer les petites incivilités à Paris. Outre les ASP et les policiers nationaux gérés par la préfecture de police, la mairie a recours à ses propres personnels de sécurité : les inspecteurs de sécurité et les agents d’accueil et de surveillance.

Il est difficile pour les Parisiens de comprendre les rôles et les responsabilités de chacun, d’autant que les différentes forces ne collaborent pas suffisamment : elles patrouillent sur des sites identiques mais ne coordonnent pas leurs actions et n’échangent que rarement des informations.

Face aux limites du système actuel, les auteurs de la proposition de loi souhaitent que le pouvoir de police générale soit transféré du préfet de police au maire. Ce dernier serait désormais compétent pour le bon ordre, la sûreté et la sécurité publique. Il disposerait ainsi d’un levier d’action supplémentaire pour traiter des problématiques intéressant le quotidien de ses administrés et devrait répondre de sa politique devant ses électeurs. Le maire de Paris pourrait, par exemple, interdire la consommation d’alcool sur la voie publique ou encore des spectacles causant un trouble à l’ordre public, alors qu’il ne peut pas le faire aujourd’hui. Les policiers nationaux exécuteraient directement les arrêtés du maire au titre de l’article L. 2214-3 du code des collectivités territoriales.

Pour assumer ses nouvelles compétences, le maire de Paris retrouverait sous son autorité les ASP, qui sont aujourd’hui mis à disposition de la préfecture de police, mais rémunérés par la mairie. Un vieil adage dit que qui paie commande ; or, en l’occurrence, ce n’est pas le cas ! Le maire de Paris pourrait confier aux ASP une mission identique à celle qu’ils exercent aujourd’hui – le contrôle du stationnement – ou profiter de la dépénalisation du stationnement payant pour confier cette mission à un prestataire extérieur et réorienter l’action des ASP vers la prévention et la répression des petites incivilités ; leur statut le permet déjà, mais, dans les faits, ces missions leur échappent actuellement.

La proposition de loi prévoit enfin une réforme en profondeur de la préfecture de police. Elle continuerait à assurer la coordination des forces de police nationale, mais ses compétences seraient réduites par rapport au droit en vigueur pour devenir comparables à celles des préfectures dans les villes à police étatisée. La préfecture de police pourrait ainsi se concentrer sur des tâches à caractère régalien, comme la protection des institutions de la République.

La commission des lois a souscrit à l’objectif du présent texte, car il lui a semblé nécessaire de renforcer les pouvoirs de police et donc les responsabilités du maire de Paris. Il s’agit de poursuivre la démarche entamée depuis 1975, afin d’aligner le droit applicable à Paris sur celui qui s’applique aux autres communes de France.

La commission a toutefois souhaité circonscrire précisément le champ de la proposition de loi à la police générale et à la police spéciale du stationnement et de la circulation, alors que sa rédaction initiale ouvrait la voie au transfert de certaines polices spéciales du code général des collectivités territoriales, comme la police des funérailles. La commission a en effet jugé préférable d’adopter une démarche progressive, consistant à confier d’abord, par cette proposition de loi, un pouvoir de police générale au maire, avant d’envisager, dans un second temps, un transfert de polices spéciales.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission vous invite à adopter le texte dans la rédaction qui vous est soumise. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat est saisi d’une proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police. Ce n’est pas tout à fait une surprise puisque cette question avait été abordée lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, devenu la loi MAPTAM.

La proposition de loi a pour objectif d’accroître les pouvoirs de police du maire de Paris. Après avoir beaucoup discuté de cette question difficile avec le ministre de l’intérieur, je crains que la réponse que lui et moi nous sommes accordés à y apporter ne déçoive quelque peu les auteurs de la proposition de loi, ainsi que la commission.

La proposition de loi concède au préfet de police des pouvoirs assez résiduels en matière de circulation et de stationnement, pour lui permettre d’assurer la protection des institutions de la République et des représentations diplomatiques : c’était bien le moins !

Étant donné le bouleversement que vous proposez, vous comprendrez que le Gouvernement ait examiné le texte longuement et précisément, en prêtant une attention aiguë à chacune de ses dispositions.

Quel est l’état du droit ? Comme cela a été rappelé, depuis 1667, l’autorité de police exerce à Paris un bloc de compétences unifié en matière d’ordre public et de sécurité, concentrant et les compétences de l’État et celle de la police municipale. Cet héritage de l’Ancien régime a été confirmé par la loi du 28 pluviôse an VIII et par l’arrêté du 12 messidor an VIII, qui, dans un souci d’efficacité, a confié à une autorité unique l’intégralité des pouvoirs de police dans la capitale.

Depuis lors, plusieurs lois ont étendu la compétence du maire de Paris : la loi du 29 septembre 1986; la loi du 27 février 2002 et la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, notamment.

Avec cette proposition de loi, vous souhaitez aller beaucoup plus loin, en franchissant une marche considérable puisque le maire de Paris deviendrait le détenteur de droit commun des pouvoirs de police générale, tandis que le préfet de police n’exercerait plus qu’une compétence liée à la lutte contre les atteintes à la tranquillité publique et au respect du bon ordre à l’occasion des grands rassemblements.

Cela provoquerait un grand bouleversement, y compris pour les forces de police étatisées, qui seraient placées sous l’autorité du maire puisqu’elles devraient exécuter des arrêtés pris par lui – rien que cela !

Si j’en crois l’exposé des motifs, la question est de savoir si l’héritage ancien de la police parisienne est conforme à notre droit, s’il se justifie au titre de l’organisation administrative et s’il peut être comparé à ce qui existe dans les capitales de semblable importance.

J’avoue être assez dubitative. Contrairement à ce que vous avancez, le bloc de compétences dont dispose le préfet de police n’est pas attentatoire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. C’est le sens de la décision du Conseil constitutionnel du 9 juillet 1970. En outre, dans sa décision Guyot du 10 octobre 2013, le Conseil d’État a estimé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des pouvoirs étendus en matière de circulation dont dispose le préfet de police. Il n’y a donc aucun problème juridique ; je pense que tout le monde finira par s’accorder sur ce point.

Vous insistez ensuite sur la singularité qui caractériserait la France. C’est oublier que bien d’autres pays connaissent une situation similaire. Je pense notamment aux États-Unis, dont la capitale, Washington, ne constitue pas un État de l’Union, mais un district fédéral, au sein duquel le pouvoir fédéral exerce des pouvoirs de police en lieu et place du maire. Il en est de même au Royaume-Uni : à Londres, les missions de la Metropolitan police sont très similaires à celles de la préfecture de police, et le responsable est nommé par le pouvoir central.

En aucun cas la France n’est donc isolée dans sa conception de la sécurité au sein de sa capitale.

Votre proposition de loi a aussi, certainement en toute bonne foi, un objet caché : pointer la responsabilité de la maire de Paris. Je veux m’inscrire en faux contre une telle démarche. Vous ne pouvez pas imaginer, ne serait-ce qu’un instant, que la maire de Paris et le préfet de police, lui-même placé sous l’autorité directe du ministre de l’intérieur, ne soient pas en permanence en relation, déterminés à assurer la sécurité des Parisiennes et des Parisiens.

La maire de Paris est parfaitement au fait des enjeux de sécurité à Paris. Elle interpelle le Gouvernement aussi souvent que nécessaire, lorsqu’il s’agit de défendre la sécurité de ses administrés. Du reste, le 21 avril dernier, le ministre de l’intérieur et la maire de Paris ont, ensemble, à la suite d’une décision concertée, pu inaugurer un commissariat de police à la gare du Nord, ce qui démontre la parfaite entente entre l’État et la Ville de Paris dans la défense de la sécurité des Français, et la capacité qui en résulte à prendre des initiatives fortes ; celle-ci en est une, à l’évidence.

Cette entente s’est également manifestée au moment des attentats des 7, 8 et 9 janvier dernier, avec la mise en œuvre du plan Vigipirate dans la capitale. Vous le savez bien, le ministre de l’intérieur, le préfet de police et la maire de Paris échangent régulièrement sur ces questions.

J’en arrive à la principale difficulté que soulève votre proposition de loi.

Dans votre exposé des motifs, vous évoquez des enjeux de visibilité, de responsabilité politique, d’organisation administrative du territoire, mais vous n’évoquez jamais, à bien y regarder, les enjeux de sécurité stricto sensu.

Si elle était adoptée, votre proposition de loi aurait pour effet de désorganiser profondément la préfecture de police et, partant, les forces de police, qui font un travail remarquable dans la capitale. C’est très exactement l’inverse de ce que recherche le Gouvernement, qui souhaite, au contraire, renforcer autant que possible la cohésion, l’intégration, l’échange d’informations et la coopération entre les différentes directions de la police, y compris à Paris.

La préfecture de police est un bloc. Elle tire son efficacité et sa réactivité de l’intégration des missions qui lui sont confiées, en matière de sécurité publique, d’ordre public et de polices administratives, concourant à la sécurité comme à la sûreté. Elle tire cette même efficacité d’une chaîne hiérarchique unique, qui permet de faire face aux défis d’une ville pas tout à fait comme les autres : Paris appartient, certes, aux Parisiens, mais elle appartient aussi à la communauté nationale ; elle accueille des millions de touristes étrangers ; elle est le siège de représentations diplomatiques nombreuses, d’institutions internationales ; elle concentre des points d’intérêts vitaux pour la Nation et pour le rayonnement de la France.

La gestion de sa sécurité, hautement sensible – vous en convenez –, appelle donc une organisation particulière qui, dans l’histoire contemporaine, a donné toutes les preuves de sa pertinence. Compromettre cet édifice d’une efficacité éprouvée serait, sans aucun doute, une erreur, peut-être même une faute.

Face aux défis nouveaux auxquels nous sommes désormais malheureusement confrontés – je pense naturellement à la lutte contre le terrorisme –, il me semble en effet inopportun de fragiliser cette organisation, qui, dans le cadre de la police d’agglomération, intègre depuis 2009 les départements de la petite couronne pour mieux prendre en compte la mobilité de la délinquance, comme le caractère diffus de la menace terroriste. À cet égard, il faut savoir que les départements qui sont un peu au-delà demandent parfois à intégrer ce système.

J’observe enfin que la proposition de loi, qui tend à banaliser l’organisation des pouvoirs de police à Paris, se garde bien de toucher, sans doute parce qu’elle ne le peut pas, à l’exception que constitue l’organisation du service public de secours et de lutte contre les incendies, lui aussi placé sous l’autorité du préfet de police. La logique d’alignement sur le droit commun qui inspire les auteurs de la proposition de loi n’est donc pas poussée à son terme sur le sujet primordial de la sécurité civile, ce qui ne laisse pas d’interroger.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les auteurs de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes les organisations gagnent à se moderniser, c’est vrai, à se réformer, sans doute, à renforcer leur efficience, c’est évident. La préfecture de police n’échappe pas à cette dynamique, elle n’est pas confinée dans l’immobilisme. Elle a mis et met en œuvre des réformes de structures importantes, sur le plan administratif comme en matière opérationnelle. Elle entretient avec la mairie de Paris et les élus parisiens une relation permanente, dense et confiante.

Selon nous, le présent texte remet en cause les fondamentaux de son organisation et remettra en cause, par là même, la solidité et la cohérence de l’édifice, parfaitement adaptée aux exigences particulières de la sécurité de notre capitale, qui intéresse les Parisiens et tous ceux qui passent par Paris, ne serait-ce que pour un court séjour.

C’est pourquoi, monsieur Pozzo di Borgo, je vous demande de retirer votre proposition de loi. Cependant, je tiens à vous dire que tout texte, même avec un avis aussi défavorable du Gouvernement, fait avancer les sujets. Sans doute, sur tel ou tel point, faut-il continuer à travailler, mais vous devez savoir que le ministre de l’intérieur et le préfet de police sont aussi soucieux de poursuivre ce travail. Néanmoins, à nos yeux, ce n’est pas cette option qui nous permettra d’être plus efficaces. Je crois que nos efforts en la matière ont été démontrés, même si, aujourd’hui, j’appelle chacun, en responsabilité, à faire preuve de beaucoup de vigilance.

Quoi qu'il en soit, je remercie les uns et les autres de nous avoir donné l’occasion de débattre de cette question.

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en qualité de sénatrice de Paris, c’est avec une attention toute particulière que j’ai examiné ce texte puisqu’il concerne le territoire dont je suis l’élue.

Le groupe écologiste accueille favorablement cette proposition de loi, qui, au moment où la sécurité figure parmi les préoccupations premières des Parisiens, concourra à renforcer le nécessaire lien démocratique en la matière.

En plus de la salubrité publique et des troubles de voisinage, pour lesquels il est déjà compétent, le maire de Paris serait aussi chargé du bon ordre, de la sûreté et de la sécurité publique, ce qui constituerait un net rapprochement en direction du droit commun en la matière. Lui confier ces compétences le rendra alors -ci comptable devant les électeurs d’un bilan intégrant les différents leviers d’action.

Du point de vue démocratique, ce rapprochement vers le droit commun est préférable à la situation actuelle, où une grande partie de ces pouvoirs est exercée par le préfet de police, nommé par le Gouvernement, et qui est donc responsable devant lui seulement.

Il s’agit également d’une exigence démocratique au regard de la gestion des moyens, puisque la Ville de Paris participe au budget de la préfecture de police sans pouvoir, par définition, prendre de mesures dans ce domaine.

De plus, au regard de l’exigence du bon emploi des deniers publics, la situation actuelle est insatisfaisante, car source de difficultés et d’incohérences opérationnelles. Ainsi, la préfecture de police gère des tâches qui peuvent difficilement être considérées comme régaliennes, tel le « barriérage » des voies à l’occasion du marathon de Paris.

De même, les agents de surveillance de Paris, chargés de contrôler le stationnement et la surveillance, sont rémunérés par la mairie de Paris, mais celle-ci ne les contrôle pas. Placer ces agents sous l’autorité du maire de Paris serait donc une avancée logique.

Par ailleurs, ce régime dérogatoire au droit commun est source de complexité pour les électeurs, qui peinent à identifier qui fait quoi. Une telle dilution des responsabilités nuit sans conteste à la vivacité du lien démocratique.

Ce régime est d’autant plus daté que les pouvoirs de police du maire de Paris tendent à s’accroître depuis 1975. En effet, le maire de Paris s’est successivement vu confier : la salubrité sur la voie publique, le maintien du bon ordre dans les foires et marchés ainsi que la délivrance des permis de stationnement et des concessions d’emplacement sur la voie publique, en 1986 ; la police des troubles de voisinage, en 2002 ; une compétence générale en termes de circulation et de stationnement, depuis 2002.

À l’heure de la décentralisation, processus qui se caractérise par l’exigence de proximité dans la décision et de vitalité de la démocratie locale, il semble en effet anachronique et paradoxal de conserver un dispositif hérité du Consulat.

Pour ces différentes raisons, il convenait de changer le régime en place. L’exemple de la ville de Bruxelles montre bien qu’une gestion par les instances locales est parfaitement envisageable.

Pour autant, nous sommes conscients des spécificités parisiennes et reconnaissons que celles-ci peuvent justifier des adaptations et des dérogations au droit commun. Ainsi, l’examen du texte en commission a limité ce transfert aux pouvoirs de police générale et de la police spéciale du stationnement et de la circulation.

Les pouvoirs du préfet de police seront ainsi davantage circonscrits à ce qui est nécessaire, compte tenu de la spécificité du cadre parisien. Le préfet de police garderait par exemple des prérogatives importantes en matière de contrôle de la circulation et du stationnement pour la protection des institutions de la République et des représentations diplomatiques. Parallèlement, comme dans les communes à police étatisée, le préfet de police resterait compétent « quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d’hommes ».

En outre, comme c’est le cas dans le droit commun concernant les prérogatives du préfet, ce dernier conservera aussi un pouvoir de substitution en cas de carence du maire, ainsi que ses attributions en matière de contrôle de la légalité des actes municipaux.

La proposition de loi que nous examinons est ainsi un texte équilibré, s’inscrivant dans une démarche progressive, puisqu’elle contribue à renforcer le lien démocratique sur une question capitale dans la vie des Parisiens, sans pour autant préempter l’avenir.

En conséquence, le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi qu’au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en vertu de l’idée selon laquelle les pouvoirs de police du préfet de police de Paris seraient archaïques, cette proposition de loi, portée par une partie de la droite parisienne, vise en fait principalement à imposer une police municipale à Paris, contre l’avis de la majorité municipale.

Que la commission des lois en ait atténué la portée, en limitant son périmètre au transfert vers le maire de Paris de la police générale et de la police spéciale du stationnement et de la circulation, ne change rien à l’affaire. Nous le savons, une partie de la droite parisienne caresse le projet d’une police municipale à Paris depuis très longtemps. En 1990, déjà, elle avait fait adopter un texte comparable au Sénat, qui s’était heurté à l’opposition du gouvernement socialiste et ne fut donc pas discuté à l’Assemblée nationale.

Ce rappel historique étant fait, voyons maintenant dans quel contexte cette proposition de loi s’inscrit aujourd’hui.

En vérité, l’argumentaire n’est pas plus convaincant aujourd’hui qu’il ne l’était voilà vingt-cinq ans ! Ceux qui nous expliquent à quel point le statut de préfet de police est archaïque et inefficient sont les premiers responsables de la disparition de 1 500 postes de policier, rien qu’à Paris, sous la présidence Sarkozy. En fait, ils veulent que Paris prenne en charge aujourd’hui un ersatz de police de proximité, laquelle a été détruite par Nicolas Sarkozy sur tout le territoire national, et à Paris en particulier.

Notre collègue Yves Pozzo di Borgo se demandait tout à l’heure quel maire ou président de département accepterait de payer pour des personnels qui ne seraient pas placés sous sa responsabilité. Mais cette situation existe déjà : en matière de sécurité incendie,…

M. Yves Pozzo di Borgo. Oui, on sait !

M. Christian Favier. … c’est la brigade des sapeurs-pompiers de Paris qui protège Paris et les trois départements de la petite couronne, à la satisfaction de tous les élus, avec des personnels payés par les départements.

M. Alain Marc, rapporteur. Ce n’est pas comparable !

M. Christian Favier. Je ne souhaite surtout pas qu’on change quoi que ce soit à dispositif, qui nous convient parfaitement !

Pour notre part, nous sommes dans une logique complètement différente. Selon nous, en effet, il est urgent de rétablir les moyens d’une véritable police de proximité et des commissariats au cœur des quartiers, avec des policiers bien formés, bien encadrés, disposant de bonnes conditions de travail.

Le texte que nous examinons aujourd’hui va à l’encontre de cet objectif et donnerait un extraordinaire coup d’accélérateur au développement des polices municipales, dont chacun ici connaît l’efficacité limitée et le coût exorbitant pour les contribuables. Il faudrait, bien au contraire, renationaliser les polices municipales tout en harmonisant les statuts, les formations et les salaires, à partir de ce qu’ils sont au niveau de l’État.

Si ce texte entrait en vigueur, il pénaliserait également financièrement les citoyens puisqu’ils seraient taxés deux fois, d’abord par l’impôt sur le revenu, ensuite par l’impôt local, pour financer une même mission, la sécurité, qui doit, selon nous, demeurer une mission régalienne de l’État.

Je note d’ailleurs avec satisfaction que la majorité de gauche du Conseil de Paris et la maire de Paris, saisies en mars dernier par la droite de l’idée contenue dans cette proposition de loi, l’ont rejetée. C’était d’ailleurs logique, puisqu’elles ont été élues sur un programme qui ne proposait pas de créer une police municipale. À cette occasion, le groupe communiste du Conseil de Paris s’est prononcé pour la mise en place d’une véritable police de proximité et pour le retour à un système de police unique, avec des effectifs centrés sur l’échelon local.

Par ailleurs, le développement de Paris dans tous les domaines n’impose-t-il pas ce régime spécifique, adapté aux missions et aux objectifs de cette ville, qui est la capitale de notre pays, mais qui accueille aussi le siège de très nombreuses institutions internationales ? Paris est une capitale mondiale et n’appartient pas seulement aux Parisiens. Les terribles événements du début d’année sont là pour nous rappeler sa situation très particulière. Il faut également rappeler que Paris est le théâtre de plus de 7 000 manifestations par an.

Tous ces arguments ne signifient pas que nous souhaitions en rester au statu quo. La coordination des différents services de sécurité de la Ville de Paris avec la police nationale peut sans doute être améliorée. Un renforcement de cette coopération avec Paris et les autres territoires concernés est sans doute souhaitable, mais le rôle des collectivités locales en matière de tranquillité publique est avant un rôle de médiation et de prévention.

La présente proposition de loi va à l’encontre de cette logique. C’est la raison pour laquelle nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Roger Madec applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe aujourd’hui comporte une dimension éminemment historique. De la Révolution française aux journées de 1848, en passant par la sanglante Commune, qui a décimé la classe ouvrière, Paris, « ville laborieuse, ville dangereuse », a fait l’objet d’un régime de police spécifique, du fait de la centralisation, mais surtout de sa turbulence bien connue. L’exception parisienne a donc plus de deux siècles.

Renouant avec une vieille tradition monarchique, Napoléon Ier avait administré directement la capitale sans laisser aucune autorité politique ou administrative y jouer un rôle important. Celui du ministre de l’intérieur était contrebalancé par celui du ministre de la police, et l’influence du préfet de la Seine par celle du préfet de police. Ce système perdure depuis deux siècles. C’est le signe que les pouvoirs qui se sont succédé en France se sont bien trouvés de ce régime d’exception.

Entre la loi de 1794 et celle du 31 décembre 1975, Paris n’a plus eu de maire, à deux exceptions près : durant six mois sous la Révolution de 1848 et durant près d’un an, de la proclamation de la Troisième République jusqu’à deux mois après la fin de la Commune de Paris, en 1871. Il a fallu attendre les premières élections municipales en 1977, pour que les Parisiens élisent à nouveau un maire, et encore celui-ci n’a-t-il pas récupéré l’ensemble des prérogatives administratives de droit commun. L’exception parisienne a fait long feu.

Les auteurs de la présente proposition de loi nous invitent ainsi à libérer Paris d’un régime de police dérogatoire.

La commission des lois et son rapporteur ont fait un véritable travail d’orfèvre en choisissant de limiter le transfert des pouvoirs de police à la police générale, qui comprend la police des funérailles et des cimetières, et à la police spéciale du stationnement et de la circulation. Cette décision apparaît sage, au vu des grandes spécificités de la capitale.

Actuellement, à Paris, la police du stationnement et de la circulation est une compétence partagée entre le maire de Paris – la maire, aujourd'hui – et le préfet de police. Aussi celui-ci exerce-t-il une compétence d’attribution sur certaines voies de la capitale, telles que le boulevard périphérique, les voies sur berges, les quais de la Seine ou encore les axes structurants. Ce pouvoir serait transféré au maire, sans que cela pose de difficulté insurmontable. Il en va de même pour la police des funérailles et des cimetières.

Signe de l’actualité du débat sur la police municipale et ses évolutions, le Sénat avait débattu l’an dernier d’une proposition de loi relative à la police municipale. Déposé par François Pillet et René Vandierendonck, à la suite de leur rapport sur l’évolution des services de police municipale publié en septembre 2012, le texte tendait à fusionner dans un même cadre d’emplois les agents de police municipale et les gardes champêtres pour créer une police territoriale. Nous aurions pu faire d’une pierre deux coups en y intégrant les dispositions les plus consensuelles de la présente proposition de loi !

Madame la ministre, mes chers collègues, j’apporterai, à titre personnel, mon soutien à ce texte, tandis que la majorité des membres du RDSE votera contre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UDI-UC. – MM. Philippe Dominati et Pierre Charon applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. David Rachline.

M. David Rachline. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le politique, même dans une France à tradition centralisatrice, se doit, pour être efficace et rechercher le bien commun, de s’appuyer sur le principe de subsidiarité.

Ce principe doit prévaloir, y compris dans le domaine de la police, au sens de la sécurité des biens et des personnes et du maintien de l’ordre public. C’est de ce principe que sont nées les polices municipales, qui gèrent les questions de police au niveau communal.

C’est pourquoi les maires sont, dans presque toutes les communes de France, les responsables de la police administrative générale et disposent, dans un certain nombre de villes, d’une police municipale pour l’appliquer. C’est du suffrage universel qu’ils tirent cette part de pouvoirs et ils en sont donc comptables devant les citoyens. On connaît d’ailleurs la forte sensibilité des électeurs aux questions de sécurité, sensibilité fort légitime, car la sécurité est la première des libertés !

Ainsi, notre modèle de police dans les villes s’appuie sur une police nationale pour toutes les questions inhérentes aux fonctions régaliennes et une police municipale pour les autres questions de sécurité, nécessitant souvent une plus grande proximité avec la population.

En outre, toujours au nom de la subsidiarité, il me semble que celui qui paie doit avoir la maîtrise des missions qu’il finance. Comme le souligne le rapport de notre collègue Alain Marc, la Ville de Paris contribue très largement au financement de la préfecture de police et à son fonctionnement, avec la mise à disposition d'un personnel très nombreux.

La ville-capitale présente aujourd’hui une singularité dans le domaine de la police qui vient de son histoire et de la méfiance du pouvoir étatique vis-à-vis de la population parisienne, pour différentes raisons. Tout d’abord, si, dans l’histoire, le peuple parisien a souvent été à l’origine de remises en question du pouvoir en place, il a bien changé et je ne le vois guère être aujourd’hui le fer de lance d’un quelconque changement de régime !

Alors, si dans le passé cette exception de la ville capitale pouvait se justifier, l’explosion du nombre d’actions de police, répertoriées en annexe du rapport, doit nous amener à remettre en question ce modèle. Certes, la capitale est une ville à part et la sécurité de cette ville présente un caractère singulier, mais de nombreuses tâches de police ne relèvent clairement pas de la responsabilité ni du niveau de l’État, et il n’y a aucun risque à les transférer à la commune.

Nous sommes d’avis de suivre les propositions de la commission, qui prône un transfert progressif de ces nombreuses tâches de police qui ne méritent pas d’être exercées au niveau de l’État et pourraient donc relever de la commune.

Du fait que nous sommes fort attachés à la souveraineté des peuples et que, à l’échelle de Paris, c’est de l’expression de la souveraineté du peuple parisien que vient le pouvoir du maire, nous soutenons bien volontiers cette proposition de loi. Nous espérons qu’une police municipale parisienne verra bientôt le jour et que la préfecture de police pourra se concentrer davantage sur les missions régaliennes de sécurité, missions qui ne manquent pas aujourd’hui, c’est le moins que l’on puisse dire ! (MM. Yves Pozzo di Borgo, Philippe Dominati et Pierre Charon applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous examinions aujourd’hui la proposition de loi déposée par mon collègue Yves Pozzo di Borgo, ainsi que par MM. Charon et Dominati.

C’est un texte qui est en prise directe sur la vie quotidienne des Parisiens et qui tend à transformer une situation qu’Yves Pozzo Di Borgo qualifie à juste titre d’« archaïque, incompréhensible et anachronique ».

Alors que l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales confie au maire l’exercice de la police administrative générale, Paris déroge à ce système de droit commun : il revient au préfet de police, et non au maire, d’y exercer les pouvoirs de police administrative générale. Voilà donc plus de deux siècles que la municipalité de Paris se voit confisquer le pouvoir de police administrative par le préfet !

Cette confiscation, qui répondait à une nécessité en 1800, ne se justifie plus aujourd’hui. Ce statut dérogatoire, né de l’arrêté du 12 messidor an VIII, vient dès lors contredire aujourd’hui sans raison le principe de libre administration des collectivités territoriales, consacré par les articles 1er et 72 de notre Constitution.

Cette particularité dans notre système décentralisé se heurte à un certain nombre de limites.

La première est la question du budget. Que Paris n’ait pas de police municipale à gérer est une dérogation de fait qui est contestable, mais que, chaque année, la Ville de Paris verse 300 millions d’euros à la préfecture de police, soit 42 % de ses ressources financières, est franchement discutable ! L’ordonnateur de ce budget, je le rappelle, est le préfet de police.

Un problème de responsabilité politique se pose aussi. Comment la police municipale de Paris peut-elle répondre à l’exigence de proximité que nos concitoyens expriment chaque jour davantage quand elle est gérée par le représentant de l’État, qui n’est pas élu et n’est donc pas directement responsable devant les citoyens ? On peut comprendre qu’il soit moins sensible à la gestion des problématiques quotidiennes des Parisiens.

Que les tâches relevant de la police municipale soient assurées par des services régaliens ne peut que nous surprendre. La préfecture de police n’aurait-elle pas davantage vocation à se concentrer sur des missions régaliennes de sécurité, surtout par les temps qui courent, où nous vivons dans la crainte, justifiée, d’actes de terrorisme ?

Peut-on se satisfaire du fait que les policiers nationaux exécutent des missions habituellement confiées à des policiers municipaux, comme le « barriérage » des voies à l’occasion du marathon de Paris ? On peut aussi difficilement considérer comme régaliennes les missions confiées à la brigade d’assistance aux personnes sans abri de Paris, qui mobilise 70 policiers nationaux ! La répartition des rôles, convenez-en, pourrait être améliorée.

On peut dresser le même constat en ce qui concerne le contrôle du stationnement et de la circulation qu’assurent les agents de surveillance de Paris, rémunérés par la mairie de Paris, mais échappant à son contrôle ! Ce mode de gestion est discutable et la chambre régionale des comptes d’Île-de-France a elle-même émis plusieurs réserves à cet égard. Selon ses chiffres, les verbalisations pour non-paiement du stationnement ont diminué de 10 % entre 2007 et 2009 et celles concernant la salubrité ont baissé de 74 %. Il a aussi été confirmé qu’environ 85 % des Parisiens ne payaient pas leur stationnement parce qu’ils savent que le risque de se voir infliger une amende est extrêmement faible.

Le manque d’incitations financières pour le contrôle du stationnement et de la circulation n’encourage pas la préfecture de police à agir. Si ces missions étaient gérées par la Ville de Paris, on pourrait penser qu’elles le seraient avec davantage de pertinence, dans le propre intérêt financier de la Ville, étant donné qu’elle perçoit une partie des recettes des procès-verbaux établis pour les infractions aux règles du stationnement et de la circulation constatées sur son territoire.

Permettre à la municipalité d’assumer ses nouveaux pouvoirs de police reviendrait aussi à lui permettre de déterminer la doctrine d’emploi des agents de surveillance de Paris. Elle pourrait choisir de les affecter soit à la police du stationnement, soit à la circulation, ou encore à la prévention et à la répression des petites incivilités ou des nuisances commises sur la voie publique, en fonction de son évaluation des besoins.

L’ancrage des agents de la police municipale dans chaque arrondissement favoriserait l’efficacité de leur action. Leur connaissance du quartier, de ses habitants et de ses particularités pourrait stimuler les synergies avec les services municipaux, sociaux et les milieux associatifs locaux. Dans ma commune, la police municipale effectue de nombreux signalements auprès des services sociaux et cette pratique présente une véritable utilité au quotidien.

À l’heure où les grandes villes françaises prennent leur envol métropolitain, où des capitales européennes comme Madrid, Berlin ou Bruxelles ne présentent aucun particularisme en matière de police, il est temps que Paris se modernise, entre dans ce mouvement et cesse d’être une ville qui finance une police qu’elle ne contrôle même pas !

Cette proposition de loi a été rédigée en ce sens. Elle vise à attribuer un pouvoir de police générale au maire de Paris. Outre la salubrité publique et les troubles de voisinage, pour lesquels le maire est déjà compétent, la sûreté, l’ordre et la sécurité publique lui sont aussi attribués.

La commission a fait le choix, que nous soutenons, d’aligner le régime de police de la capitale sur celui des communes à police d’État, tout en souhaitant la poursuite de la démarche engagée depuis la loi du 27 février 2002 visant à accorder au maire une compétence globale en matière de stationnement et de circulation.

Le texte initial prévoyait aussi de transférer au maire de Paris certaines polices spéciales, telles que la police du ramonage des cheminées ou l’ensemble de la police des funérailles et des cimetières. En commission, le champ de la proposition de loi a été limité à la police générale et à la police spéciale du stationnement et de la circulation, excluant les autres polices spéciales.

Nous nous rangeons à la position de la commission, qui a jugé plus réaliste d’adopter une démarche progressive, quitte à aller plus loin, le moment venu, en se fondant sur une analyse détaillée de la plus-value d’un transfert de ces compétences.

Pour autant, Paris doit composer avec des contraintes spécifiques, que la proposition de loi initiale n’ignorait d’ailleurs pas.

Les raisons d’intérêt national telles que la protection des institutions de la République, les représentations diplomatiques, ainsi que les manifestations de voie publique, nécessitent des mesures de protection qui doivent être du ressort d’une autorité représentant exclusivement l’État et qui relèvent, par conséquent, de la préfecture de police.

Les travaux de la commission ont permis de clarifier ce texte et nous estimons qu’ils vont dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI-UC votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons cet après-midi la proposition de loi, présentée par trois de nos collègues de l’UDI-UC et de l’UMP, MM. Pozzo di Borgo, Pierre Charon et Philippe Dominati, tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police.

Cette proposition de loi vise à transférer au maire – ou à la maire – de Paris les compétences de police attribuées au préfet de police. En effet, en l’état actuel du droit, le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police est dérogatoire du droit commun. Cette exception au régime général trouve son origine dans l’histoire de nos institutions, comme l’a très bien rappelé Mme la ministre.

Avant de vous faire part de la position de mon groupe sur les finalités de cette proposition de loi et les conséquences importantes, voire dangereuses, qu’induirait cette modification législative du point de vue de la sécurité des Parisiennes et des Parisiens, je souhaite revenir sur l’histoire de ce régime particulier.

Depuis 1667, l’autorité de police à Paris exerce un bloc de compétences unifié en matière d’ordre public et de sécurité, concentrant ainsi à la fois les compétences étatiques et les compétences municipales. La préfecture de police a été créée par Napoléon Bonaparte et exerce l’intégralité des pouvoirs de police sur la capitale dans le but de renforcer son efficacité pour la préservation de l’ordre public.

Ces particularités correspondent également aux contraintes spécifiques à Paris, qui est une capitale où siègent les institutions de la Républiques et de nombreuses représentations diplomatiques en même temps qu’elle constitue, avec sa couronne, la première agglomération de France et que, chaque année, elle accueille 29 millions de touristes et voit se dérouler environ 7 000 manifestations revendicatives.

Contrairement à ce qu’affirment les auteurs de la présente proposition de loi, cette répartition des compétences n’est pas attentatoire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territorial. Mme la ministre a pertinemment rappelé qu’il existait des exemples similaires de police dans de grands pays, comme à Washington, capitale de l’État fédéral des États-Unis, ou, encore plus près de chez nous, à Londres.

Considérant le régime actuel comme archaïque, les auteurs de la proposition de loi entendent moderniser le dispositif en créant une police municipale. Cependant, ce texte entraînerait, s’il était adopté, des bouleversements majeurs de l’ordre juridique qui encadre l’action du préfet de police et du maire ou de la maire de Paris. En effet, celui-ci ou celle-ci deviendrait alors le détenteur de droit commun et le préfet de police n’exercerait plus qu’un pouvoir de police résiduel.

Cette situation conduirait à un démembrement de la préfecture auquel nous sommes opposés. Ce qui m’interpelle dans ce texte, c’est que, sous prétexte d’améliorer la sécurité des Parisiens, on casse ce qui fonctionne bien ! La droite républicaine s’est toujours voulue championne de la lutte contre la délinquance. Or, aujourd’hui, messieurs, vous jouez un peu avec la sécurité des Parisiens en prenant le risque d’affaiblir la préfecture de police. Là où vous vous placez dans le registre de la communication, la gauche démontre encore une fois son sérieux et agit !

J’ajoute que la Ville de Paris n’a jamais eu la volonté de créer de police municipale, qu’elle que soit l’étiquette politique de son maire, de Jacques Chirac à Anne Hidalgo. Pour avoir le privilège de siéger au Conseil de Paris depuis fort longtemps, je me rappelle les positions tranchées sur ce sujet de Jacques Chirac. Lors de la dernière élection municipale, la candidate de l’UMP à la mairie de Paris s’y était dans un premier temps montrée défavorable ; elle a ensuite changé de position et en a fait un de ses thèmes de campagne. Force est de constater que les Parisiennes et les Parisiens ont tranché ce débat en votant majoritairement pour les listes soutenues par Anne Hidalgo.

Cependant, en mars dernier, à l’occasion d’une séance du Conseil de Paris, les groupes UMP et UDI revenaient à la charge en proposant une délibération tendant à organiser un référendum local à Paris sur la création d’une police municipale. La majorité municipale a repoussé cette proposition. Anticipant ce rejet, notre collègue Yves Pozzo di Borgo avait déjà annoncé au Conseil de Paris qu’il déposerait une proposition de loi au Sénat pour, d’après le bulletin municipal, « que la police municipale soit au moins acceptée au Sénat, où nous sommes majoritaires ».

Je ne suis pas certain que ce procédé soit la meilleure façon de légiférer dans l’intérêt général… En effet, après avoir utilisé l’assemblée parisienne pour refaire le débat perdu des dernières élections municipales, voilà qu’on utilise le Sénat pour remettre la question sur le tapis ! Je considère que, comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, ce texte constitue une intrusion dangereuse des débats du Conseil de Paris dans l’enceinte du Parlement et engendre des polémiques politiciennes inutiles.

La préfecture de police est une institution forte, qui fonctionne ; elle a d’ailleurs démontré son efficacité. Depuis sa création, elle a su se réformer et s’adapter pour garder sa valeur ajoutée au service de la sécurité des Parisiens. J’en veux pour preuve la réorganisation des services de la préfecture à l’échelon de l’agglomération parisienne, qui a ainsi anticipé en la création de la métropole du Grand Paris.

La proposition de loi qui nous est soumise prévoyait initialement le démantèlement de cette institution. En effet, l’amendement que vous avez introduit par la commission des lois sur votre initiative, monsieur le rapporteur, édulcore la proposition initiale. En étant un peu taquin, je dirai que l’on peut deviner, derrière cette modification, l’intervention d’un ancien ministre de l’intérieur, ancien Président de la République et président d’un parti représenté par un groupe majoritaire dans notre assemblée, qui n’aurait pas tout à fait apprécié le texte dans sa version initiale, vous amenant ainsi à trouver une solution de compromis.

Je considère que la remise en cause de l’équilibre actuel porte atteinte à la cohérence et, par là même, à l’efficience de l’action de la préfecture de police. Elle priverait les Parisiens des synergies et des économies d’échelle du modèle actuel. Au demeurant, le coût d’une telle réforme pour les finances publiques n’a pas été mesuré et aucune étude d’impact n’a été commandée pour en étudier les effets.

C’est la raison pour laquelle je ne partage pas l’avis de notre rapporteur, selon lequel il y a lieu de renforcer les responsabilités du maire ou de la maire de Paris et d’aligner le droit applicable sur celui des autres communes de France. Cet argument ne me paraît pas pertinent : Paris, capitale de la France, n’est pas n’importe quelle ville française !

Je rappelle qu’après avoir assumé la décision du gouvernement de François Fillon, aujourd’hui député de Paris, de supprimer près de 1 600 postes de policiers à Paris, les auteurs de ce texte souhaiteraient que la ville puisse compenser ces suppressions par la création d’une police municipale.

La majorité municipale parisienne ne souscrit pas à ce raisonnement. Elle considère que la sécurité des Parisiens doit rester une prérogative de l’État, et la maire de Paris et sa majorité travaillent étroitement avec le ministre de l’intérieur pour que Paris bénéficie davantage de police nationale, de plus de police de proximité, que vous avez d’ailleurs détruite. Je rappelle que c’est Nicolas Sarkozy, lui encore, qui, alors qu’il était ministre de l’intérieur, est revenu sur cette réforme, pourtant efficace, qui avait été mise en place par Jean-Pierre Chevènement.

Je me félicite que Paris ait été entendu par les différents ministres de l’intérieur qui ont exercé cette fonction depuis 2012 – d’abord Manuel Valls, aujourd’hui Premier ministre, puis Bernard Cazeneuve – et qui ont permis à Paris de retrouver un nombre de policiers plus conforme aux besoins.

Remplacer la police nationale par une police municipale n’est pas la solution, et vous le savez.

Face au risque terroriste de plus en plus pressant que connaissent notre pays et notamment sa capitale, le dispositif prévu par cette proposition de loi conduirait à affaiblir la préfecture de police à une période où elle doit faire face à des enjeux majeurs.

Incontestablement, dans le contexte actuel, nous avons besoin d’une police nationale républicaine solide, confortée dans ses effectifs et dans ses moyens. C’est le message que nous ont adressé les milliers de Parisiens qui se sont dressés contre le terrorisme le 11 janvier dernier.

Il est clair que votre proposition de loi constitue un très mauvais signal, voire une manifestation de défiance à l’égard des personnels de la préfecture de police, qui œuvrent au quotidien au service des Parisiens pour leur sécurité.

En conclusion, je voudrais dire à M. le rapporteur que l’argument selon lequel ce système ne serait pas efficace parce que l’argent des amendes ne rentrerait pas dans les caisses, n’est pas recevable. En effet, les automobilistes en infraction sont bel et bien verbalisés ; c’est au niveau du recouvrement des amendes que se situe le problème.

J’entends aussi dire que les fonctionnaires de police qui assurent le « barriérage » des voies, par exemple à l’occasion du marathon, seraient mieux employés s’ils étaient affectés à des missions de sécurité. Mais pensez-vous vraiment, chers collègues, qu’on pourra envoyer ces fonctionnaires-là assurer l’ordre dans les cités ou arrêter les dealers et les toxicomanes ? Ce n’est pas sérieux !

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe socialiste votera contre cette proposition de loi, même si le débat mérite d’être ouvert. Je pense toutefois qu’il doit l’être de manière sereine et non politicienne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.

M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si nous avons déposé, avec mes collègues Yves Pozzo di Borgo et Philippe Dominati, une proposition de loi visant à faire du maire de Paris un maire de plein exercice en matière de police municipale, c’est en raison d’une exception aujourd’hui incompréhensible : Paris n’est pas dans le droit commun en matière de police municipale.

Tous mes collègues, notamment ceux qui sont ou ont été maires savent que le maire dispose d’une compétence en matière de police municipale. La gestion de l’ordre public, de la sécurité publique, de la salubrité publique et de la tranquillité publique sont des attributions spécifiques du maire. Cela paraît évident du petit village à la grande ville... C’est même un acquis du droit des collectivités locales. L’absence de police municipale violerait le principe de libre administration des collectivités territoriales, si l’on en croit la doctrine des juristes les plus sérieux.

Pourtant, à Paris, nous restons un peu les mal-aimés du droit des collectivités locales ! Le préfet de police dispose de la plupart des compétences en matière d’ordre public municipal, tandis que le maire de Paris ne dispose que d’une compétence qui reste résiduelle.

Pourquoi cette exception ? Il y a, bien sûr, tout le contexte insurrectionnel du XIXe siècle qui a conduit à ce que Paris ne soit pas une commune comme les autres. Le résultat de cette méfiance a été un statut donnant un grand nombre d’attributions au préfet de police, institution longtemps spécifique à Paris. Paris était alors sous surveillance, elle était une ville mineure. Pourtant, la charte des communes de 1884 dotait toutes les villes de France d’un statut ambitieux.

Les temps ont changé : les Parisiens ne sont pas des factieux ou des citoyens de seconde zone. À chaque élection, ils nous le rappellent, nous interpellent et nous interrogent ! Ils vivent le temps des élections municipales comme celui d’une élection à part entière, ni plus ni moins.

Malgré un statut spécifique, Paris exerce des compétences étendues depuis 1977. Le maire de Paris et le Conseil de Paris sont des institutions décisionnaires exerçant un grand nombre de compétences, sous le regard vigilant des citoyens.

Paris prend des décisions en matière économique, sociale ou culturelle : elle est bien une commune de plein exercice qui joue dans la cour des capitales mondiales, une ville qui agit comme toutes ses sœurs de province.

Le statut de Paris a beaucoup progressé, mais il reste un domaine sur lequel le législateur n’a pas été assez ambitieux : celui de la gestion de l’ordre public local. Plus rien ne justifie un dispositif aussi limité qu’incompréhensible !

La proposition de loi que nous avons déposée tend à attribuer la gestion de l’ordre public municipal au maire de Paris, comme c’est le cas partout en France. Cependant, aligner Paris sur le droit commun, ne revient pas à fuir les responsabilités.

Ainsi, comme dans toutes les communes de France, le pouvoir de substitution en cas de défaillance du maire en matière de pouvoirs de police reste prévu. À Paris, il serait naturellement attribué au préfet de police.

Nous respectons l’institution du préfet de police, nous n’en faisons pas le vestige d’un passé suranné : nous le considérons, au sens le plus fort du terme, comme un représentant de l’État, au même titre que le préfet de Paris.

De même, nous entendons respecter les compétences qui ne peuvent que relever de l’État : la protection des institutions de la République et des représentations diplomatiques continuerait à relever du préfet de police.

Vouloir être traité de la même manière que dans le reste de la France, c’est justement prendre à cœur tout ce qui relève de l’intérêt national. Nous savons que certaines compétences ne peuvent être exercées que par l’État, et lui seul.

Enfin, cette proposition de loi est à la fois ambitieuse et réaliste. Si elle vise à transférer au maire de Paris la police générale, elle reste prudente en matière de polices spéciales. Ainsi, au titre des polices spéciales, ne seraient donc transférés au maire de Paris que la circulation et le stationnement.

Mais, à terme, on peut prévoir le transfert d’autres polices spéciales : il faut donner le temps au temps ! Je suis persuadé que l’application de cette proposition de loi appellera le transfert d’autres polices spéciales. Avec l’expérience, nous aurons la possibilité d’évaluer ce qui pourra être transféré.

Cette proposition de loi peut imprimer un élan, qui sera, je l’espère, suivi.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous vous demandons une chose : de l’audace ! Paris n’est plus une ville mineure : donnons-lui la plénitude de ses compétences !

Ce n’est qu’un début. Peut-être, un jour, le maire de Paris sera-t-il élu au suffrage universel direct. Ce sera sans doute pour plus tard et cette future loi PLM sera l’occasion de procéder à bien des changements.

Madame la ministre, soyez plus audacieuse que les collègues de votre majorité au Conseil de Paris. Je peine à comprendre pourquoi ils s’obstinent à vouloir maintenir un dispositif réactionnaire… Ils veulent, si j’ai bien compris, défendre à la fois la Commune de Paris et ceux qui l’ont réprimée ! On se revendique de Louise Michel tout en rassurant Thiers ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Si Paris, c’est la France, alors rendons-lui ses pouvoirs de police municipale, comme pour toutes les villes de France. Une ville monde comme Paris ne peut jouir de pouvoirs de police aussi limités… ou plutôt de pouvoirs aussi dérisoires.

Le Paris du XXIe siècle, c’est un Paris autonome et responsable, un Paris innovant, qui sait prendre des décisions pour tous ceux qui y vivent, un Paris qui assume ses obligations en matière de sécurité de ses citoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier les différents orateurs qui se sont exprimés. En effet, lorsque le Sénat aborde les problèmes institutionnels de la capitale, bien souvent, nous autres, élus parisiens, sommes un peu isolés tant ces questions peuvent sembler étrangères à un certain nombre de nos collègues.

Je remercie en particulier M. le rapporteur, qui a produit sur cette proposition de loi un rapport extrêmement complet. Il y a mis tout son sérieux et toute sa fougue.

Nous, les trois élus parisiens coauteurs de cette proposition de loi, avons, à la lecture de ce rapport, approfondi notre connaissance du sujet, en particulier sur la cinquantaine de polices spéciales qui restent dans les attributions du préfet de police.

Sur le plan technique, j’aurai peu de choses à ajouter à ce qu’ont dit les précédents orateurs, mais je voudrais rappeler le cheminement institutionnel de la mesure que nous proposons.

Durant des années, en raison des troubles politiques qu’a connus la capitale, le pouvoir, surtout après l’épisode de la Commune, mais déjà sous la royauté, s’est toujours montré frileux et a toujours voulu placer la Ville de Paris sous tutelle, voire lui mettre un carcan. De fait, Paris est la ville dont les habitants jouissent des droits communaux parmi les moins étendus des communes de France et dont les droits sont les plus récents.

De fait, cette évolution, est survenue récemment, en 1977, après l’élection du président Valéry Giscard d’Estaing. Déjà, la majorité de l’époque avait vu se confronter dans un débat d’idées les centralisateurs et les décentralisateurs.

Une fois de plus, je constate que, lorsqu’il s’agit de Paris et de la région capitale, l’innovation, les propositions de réforme viennent de la droite. Même si j’ai pu observer une évolution favorable chez certains de nos collègues de gauche, le discours reste bloqué à ce qu’il était quand il s’agissait de défendre le préfet au moment où la droite projetait l’élection d’un maire à Paris. Certains disaient alors qu’une telle élection entraînerait une révolution !

Cette évolution lente a ensuite été amplifiée sous François Mitterrand pour toucher un certain nombre d’agglomérations comme Lyon et Marseille.

Sur le plan opérationnel, on essaie de nous faire croire que nous serions irresponsables, que cette proposition de loi, si elle était adoptée, désorganiserait, démantèlerait la Ville de Paris.

Tout de même, ne sont ici en jeu que des pouvoirs de police municipale ! C’est là quelque chose d’extrêmement modeste : il n’est nullement question de terrorisme international ; il s’agit seulement de contraventions.

À ce sujet, certains de nos collègues ne s’effrayent pas de ce que 85 % des Parisiens ne payent pas leur stationnement. C’est là une façon particulière d’envisager la gestion des finances publiques ! Ce n’est pas la mienne : je fais partie de ceux qui ne peuvent voir là un signe de performance !

On me dit qu’il est nécessaire que des policiers soient soustraits à leur mission de sécurité publique pour s’occuper du marathon ou d’autres manifestations sportives ou réprimer la consommation d’alcool. Ah bon ?

Madame la ministre, vous avez évoqué certaines situations que l’on rencontre à l’étranger : Londres, mais aussi Washington, capitale d’un État fédéral… Est-ce le modèle que vous proposez pour la République française ? Moi, je vous parle de Berlin, de Madrid, de Bruxelles, capitale européenne, à proximité immédiate de nos frontières.

Ce débat qui anime les élus parisiens sous-tend la vision différente qu’ont longtemps eue les centralisateurs et les décentralisateurs de ce que devait être l’organisation municipale de Paris.

Je me tourne vers Roger Karoutchi pour évoquer Philippe Seguin. Celui-ci, qui avait pourtant une conception centralisatrice de la République, a su mettre fin à ce débat et concilier les points de vue des différents membres de la majorité municipale de l’époque – d’un côté l’UDF et le RPR et de l’autre certains gaullistes – en proposant la création d’une police municipale à Paris. Cela a constitué une avancée majeure.

Contrairement à ce qui a été dit, Jacques Chirac, au cours de son troisième mandat, agacé de cette dualité entre le préfet de police et le maire, a considéré qu’il fallait sans doute procéder à des réformes.

Pourquoi faut-il réformer ? D’abord, c’est une exigence démocratique, une question d’équité. Vous ne le savez peut-être pas, mes chers collègues, mais à quatre reprises, le titulaire du ministère de l’intérieur a été un conseiller de Paris. Connaissez-vous d’autres communes en France où le candidat à la mairie, ayant proposé un projet et ayant été battu par le suffrage universel, enverrait son représentant auprès du maire élu pour lui signifier que c’est lui qui dispose des pouvoirs propres à tous les autres maires de France, celui de Levallois-Perret, celui de Vincennes, etc. ?

De fait, M. Quilès, M. Joxe, M. Vaillant et, à droite, M. Debré ont été simultanément conseillers de Paris et ministres de l’intérieur, exerçant les pouvoirs du maire de Paris par l’intermédiaire du préfet.

Monsieur Favier, je pense que, au regard de votre conception du Grand Paris, vous accepterez très prochainement que le préfet de police de Paris, dont les pouvoirs seront étendus à votre département, vienne siéger à côté de vous pour exercer éventuellement certains pouvoirs dans les communes de votre département !

J’ai compris là votre inclination au maintien d’un pouvoir véritablement centralisé. C’est aujourd’hui une manière éminemment désuète, archaïque et antidémocratique de gérer une collectivité territoriale.

Madame la ministre, à l’occasion d’autres débats, vous nous avez souvent entretenus du projet du Grand Paris, projet éminemment complexe. Malheureusement, contrairement à la métropole de Lyon, qui a obtenu la suppression d’un échelon territorial, nous n’avons pas bénéficié de la même souplesse et du même pragmatisme. Donc, s’agissant du Grand Paris, soit vous avancez, soit vous reculez, mais vous ne pouvez pas à la fois refuser toute évolution pour Paris tout en maintenant la législation en vigueur dans les autres villes : soit vous étendez les pouvoirs du préfet de police à toutes les communes composant la métropole du Grand Paris, soit, au contraire, vous faites évoluer les pouvoirs de celui-ci en matière de pouvoirs de police.

On nous reproche d’être irresponsables en formulant cette proposition, pour des raisons liées à la sécurité. En quoi la réforme que nous proposons aurait-elle empêché les forces de la police nationale, lors des événements qui se sont déroulés récemment, d’intervenir d’abord dans le nord de Paris, puis hors des frontières de la capitale, dans les Hauts-de-Seine, puis à la limite du Val-de-Marne ?

Certains orateurs se plaisent à entretenir la confusion, à tenir des discours destinés à faire peur, à faire croire que nous voudrions démanteler un système qui fonctionne. Ce n’est pas acceptable ! Nous sommes des gens responsables ! Au contraire, nous considérons que l’adoption de cette proposition de loi permettrait de dégager des moyens, des effectifs pour la police nationale, qui n’a pas à s’occuper du marathon ni des amendes. Puisque la Ville perçoit le produit de celles-ci, eh bien, qu’elle gère le personnel qui les inflige !

Ce sont toutes ces raisons d’ordre politique qui fondent ma conviction, celle du rapporteur, celle de mes collègues, de régler ce problème à la fois institutionnel et opérationnel.

Madame la ministre, j’ai évoqué à plusieurs reprises la tutelle qu’exerce l’État centralisateur sur les institutions parisiennes. Dans le cadre de vos fonctions ministérielles, vous avez à cœur de dialoguer avec le Parlement. Mais nous n’avons pas de chance : chaque fois que vous parlez de Paris et des institutions parisiennes, vous vous montrez centralisatrice et exprimez une vision un peu trop jacobine.

Vous nous avez proposé de retirer cette proposition de loi. Moi, je vous propose de changer votre titre ministériel : plutôt que d’être la ministre de la décentralisation, vous pourriez en outre, en ce qui concerne Paris, être la ministre de la centralisation. (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Cette vocation transparaît à la lecture des ordonnances relatives à la politique des transports, au Grand Paris, etc.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Dominati. C’est une bonne journée, car nous avons consacré du temps à ce sujet et je constate qu’un certain nombre de forces politiques de tendances très diverses commencent à faire leur cette idée. Cette majorité d’idée, qui est celle d’une majorité de citoyens, est en train de se constituer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à paris en matière de pouvoirs de police

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police
Article 2

Article 1er

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 2512-13 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2512-13. – Dans la commune de Paris, le maire de Paris exerce les pouvoirs de police qui sont conférés au maire par l’article L. 2212-2, dans les conditions fixées à l’article L. 2214-3 et aux deux premiers alinéas de l’article L. 2214-4.

« Les services correspondant aux missions de la police municipale en matière de salubrité sur la voie publique, de bruits de voisinage ainsi que de maintien du bon ordre dans les foires et les marchés demeurent mis à la disposition de la mairie de Paris par l’État.

« En outre, dans les conditions définies au présent code, au 3° de l’article L. 2215-1 et aux articles L. 3221-4 et L. 3221-5, le maire est chargé de la police de la conservation dans les dépendances domaniales incorporées au domaine public de la commune de Paris.

« Par ailleurs, le maire de Paris assure, dans les conditions définies par le présent code, les mesures de sûreté sur les monuments funéraires exigées en cas de danger grave ou imminent et prescrit, dans les conditions définies par l’article L. 511-4-1 du code de la construction et de l’habitation, la réparation ou la démolition des monuments funéraires menaçant ruine.

« Le pouvoir de substitution conféré au représentant de l'État dans le département est exercé, à Paris, par le préfet de police. » ;

2° L’article L. 2512-14 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Dans la commune de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs de police qui sont conférés au représentant de l’État dans les communes où la police est étatisée. » ;

b) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Pour les motifs d’ordre public ou liés à la sécurité des personnes et des biens ou » sont supprimés ;

c) Les troisième et quatrième alinéas sont ainsi rédigés :

« Pour l'application du présent article, le contrôle administratif et le pouvoir de substitution sont exercés, au nom de l'État, par le préfet de police.

« En outre, les pouvoirs conférés par le code de la route au représentant de l’État dans le département sont exercés à Paris par le préfet de police. » ;

d) Les cinquième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;

e) Après le mot : « nationale », la fin du dernier alinéa est supprimée.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police
Article 3 (nouveau)

Article 2

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° à la première phrase de l’article L. 131-1, les mots : « à Paris des dispositions de l’article L. 2512-13 du même code et » sont supprimés ;

2° L’article L. 131-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « À Paris, il s’exerce dans les conditions définies à la sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du titre Ier du même livre. » ;

3° L’article L. 131-2 est abrogé ;

4° Au premier alinéa de l’article L. 532-1, les mots : « sous l’autorité du préfet de police » sont remplacés par les mots : « sous l’autorité du maire de Paris ». – (Adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3 (nouveau)

À l’article L. 211-28 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « Conformément à l’article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales, » sont supprimés. – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 3 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Roger Madec, pour explication de vote.

M. Roger Madec. Comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, le texte adopté par la commission des lois, sur l’initiative du rapporteur, dont je salue le travail, est certes plus équilibré que la proposition de loi telle qu’elle avait été déposée.

Néanmoins, cette manière de traiter un sujet d’une telle importance ne me paraît guère raisonnable. Les propositions formulées par la commission auraient dû être discutées bien en amont avec le ministre de l’intérieur, la mairie de Paris et la préfecture de police.

Aussi, le groupe socialiste ne votera pas cette proposition de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police
 

6

 
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l'élection des conseillers métropolitains de Lyon
Discussion générale (suite)

Métropole de Lyon

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l'élection des conseillers métropolitains de Lyon
Article unique

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon (projet n° 224, texte de la commission n° 416, rapport n° 415.)

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, deux mois après l’adoption par le Parlement de deux projets de loi concernant la métropole du Grand Lyon, votre assemblée entame cette après-midi l’examen d’un troisième projet de loi visant à ratifier l’ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon.

Les ordonnances portant sur les différents volets – institutionnel, budgétaire, financier et fiscal – de la création de cette collectivité territoriale à statut particulier ayant déjà été ratifiées, il s’agit aujourd’hui de franchir la dernière étape, en définissant le régime électoral de la métropole de Lyon.

Ce régime électoral, le Gouvernement était habilité à le fixer par voie d’ordonnance ; c’est ce que prévoyait la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui a transformé la communauté urbaine du Grand Lyon en métropole.

Cette ordonnance insère dans le code électoral un titre dédié à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon, après le titre consacré aux conseillers départementaux. Les dispositions étant celles qui définissent classiquement un scrutin de liste local, elles n’appellent pas d’observation particulière de nature à en modifier le contenu.

Comme le prévoyait expressément l’habilitation, l’ordonnance fixe un mode de scrutin très proche de celui qui s’applique aujourd’hui dans les communes de 1 000 habitants et plus lors des élections municipales. Il comporte donc les mêmes éléments caractéristiques : un scrutin de liste avec parité des candidatures dans chaque circonscription ; deux tours de scrutin avec possibilité de fusion de listes entre les deux tours ; une prime majoritaire de la moitié des sièges attribuée à la liste parvenue en tête.

Ce nouveau scrutin s’appliquera à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux, c’est-à-dire en 2020. Jusqu’à cette date, et afin d’assurer la transition, les conseillers métropolitains sont les personnes élues au sein de l’organe délibérant de la communauté urbaine de Lyon lors des conseils municipaux de mars 2014.

Ainsi, un équilibre a pu être trouvé entre la nécessaire élection au suffrage universel direct des représentants de la métropole et le caractère exceptionnel du changement de mandat au 1er janvier 2015.

À cet égard, je rappelle que, considérant son caractère limité dans le temps, le Conseil constitutionnel a jugé que ce dispositif était respectueux du principe de libre administration de la collectivité territoriale métropolitaine.

Le scrutin mis en place pour la métropole de Lyon sera organisé selon un système similaire à celui qui existe déjà pour la ville de Lyon, ainsi que pour Paris et Marseille ; je souligne d'ailleurs que nous avons toujours travaillé dans le cadre de la loi PLM, la loi relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon. Pour ce faire, il s’appuiera sur des circonscriptions électorales choisies en fonction de l’existant et du périmètre des territoires composant la métropole. L’effectif du conseil métropolitain est fixé à 166 membres, élus dans 14 circonscriptions métropolitaines.

Concernant les limites des circonscriptions – un sujet qui suscite toujours un vif intérêt chez les élus, mais aussi, parfois, de vastes et houleux débats ! (Sourires.) –, le choix de l’objectivité a été fait. Ainsi, les circonscriptions ont été définies en fonction des données démographiques : chaque conseiller métropolitain représentant environ 7 900 habitants, avec un écart à la moyenne toujours inférieur à 5 %.

Le territoire de la commune de Lyon est réparti en six circonscriptions métropolitaines. La ville de Villeurbanne constitue un cas particulier, puisqu’elle est composée d’une seule circonscription, d’une taille plus importante que les autres. Les sept autres circonscriptions regroupent entre quatre et neuf communes, à l’exception de la circonscription dénommée « Val de Saône », qui regroupe vingt-cinq communes situées au nord-est de la métropole et qui sont beaucoup moins peuplées que les autres.

Vous le savez également, chacune des cinquante-neuf communes de la métropole ne sera pas représentée au conseil métropolitain. Certains ont contesté ce point, qui n’est, toutefois, pas anormal, comme le relève la commission des lois.

En effet, la métropole est une collectivité territoriale de plein exercice. Elle entretient donc avec les communes regroupées sur son territoire des relations d’une nature différente de celles d’un EPCI avec ses communes membres.

Le Parlement avait logiquement accepté cette habilitation à définir un mode de suffrage universel direct pour une collectivité territoriale de plein exercice reprenant notamment les attributions d’un conseil départemental. Et le Conseil constitutionnel n’avait accepté cette innovation institutionnelle que, précisément, à cette condition.

La commission des lois, qui a été saisie de ce projet de loi de ratification, constatant que le Gouvernement avait respecté son habilitation, tant sur le fond que sur la forme, pour ce qui concerne les délais, n’a pas apporté de modifications substantielles au projet de loi déposé le 14 janvier dernier. Elle a simplement corrigé une erreur de dénomination pour une commune et introduit, dans un souci d’harmonisation avec le code électoral, des modifications rédactionnelles.

C’est un bon signe pour la métropole de Lyon, dont le processus de création conduit en étroite collaboration par l’État et les collectivités territoriales concernées doit pouvoir être rapidement parachevé.

C’est un pas supplémentaire vers la nouvelle organisation territoriale de la République ; une organisation qui, à l’image de la métropole lyonnaise, doit permettre la clarification des compétences, la mise en œuvre d’une action publique plus intégrée et le renforcement des solidarités. Les services publics doivent mieux répondre aux besoins de nos concitoyens, et la puissance publique doit les accompagner plus efficacement au quotidien.

C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de ratifier cette ordonnance en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 1er janvier 2015, la métropole de Lyon s’est substituée à la communauté urbaine de Lyon, dont elle a épousé les limites territoriales, et, sur ce territoire, au département du Rhône.

L’article 39 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », a habilité le Gouvernement à prendre une ordonnance « précisant les modalités d’élection des conseillers métropolitains ». Cette habilitation introduite par amendement gouvernemental devant l’Assemblée nationale en première lecture avait suscité quelques réserves de la part de notre commission en deuxième lecture, car il s’agissait de dispositions électorales.

Cependant, comme vous aviez excellemment défendu, madame la ministre, le principe de cette habilitation, le Sénat l’avait maintenue en raison, notamment, de son encadrement. La Haute Assemblée est donc saisie aujourd’hui d’un projet de loi ratifiant l’ordonnance du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon.

Le mode de scrutin instauré par l’ordonnance n’aura toutefois vocation à s’appliquer qu’en mars 2020. Jusqu’à cette date, les conseillers métropolitains seront les personnes élues au sein de l’organe délibérant de la communauté urbaine de Lyon lors du renouvellement des conseils municipaux de mars 2014. Au 1er janvier 2015, date de la création de la métropole de Lyon, les élus de l’organe délibérant de la communauté urbaine de Lyon, élus pour la première fois au suffrage direct, sont devenus de plein droit, en application de l’article 33 de la loi MAPTAM, des conseillers métropolitains.

Cette solution inédite a été validée par le Conseil constitutionnel, qui a pris ici en compte le caractère transitoire et exceptionnel de ce changement de mandat, repoussant ainsi en 2020 les élections qui auraient dû avoir lieu lors la création de la métropole du Lyon.

L’ordonnance crée un nouveau titre III bis au sein du livre 1er du code électoral pour déterminer le mode de scrutin des conseillers métropolitains de Lyon, ainsi que les règles électorales qui l’entourent : présentation des candidatures, inéligibilités, propagande électorale, opérations de vote, contentieux, etc. Je ne présenterai pas le contenu de l’ordonnance, car vous venez de l’exposer, madame la ministre.

Permettez-moi simplement de rappeler que le principe d’un scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne avec une prime majoritaire de 50 % pour la liste arrivée en tête a été retenu. Cependant, relevons une particularité : l’élection aura lieu au sein de quatorze circonscriptions inframétropolitaines.

La commission des lois n’a pas souhaité remettre en cause ce découpage électoral, alors qu’il a son importance, puisque la prime majoritaire s’appliquera au sein de chacune d’entre elles. Voyez-y, madame la ministre, la marque du débat constructif qui a eu lieu au sein de notre commission.

La commission des lois s’est aussi penchée sur la question de la représentation des communes. Elle a été sensible à cette préoccupation, mais n’a pu garantir un siège par commune. En effet, la métropole de Lyon est une collectivité territoriale au sens de l’article 72 de la Constitution et non un EPCI, dont les communes seraient membres et au sein duquel elles pourraient avoir cette garantie.

L’examen de l’amendement de notre collègue François-Noël Buffet nous permettra d’évoquer une solution de substitution, qui pourrait répondre à une préoccupation locale quant à la représentation équitable des composantes du territoire de la métropole. En ma qualité de rapporteur, je proposerai un sous-amendement à cet amendement.

En effet, partant de la double volonté de réduire le nombre de conseillers métropolitains à 150 et d’accorder 14 élus à la circonscription du Val de Saône pour tenir compte du nombre élevé de communes comprises sur son territoire – vingt-cinq communes sur les cinquante-neuf que compte la métropole –, ce qu’a accepté la commission des lois, il m’est apparu nécessaire de trouver une répartition de nature à recueillir l’assentiment de tous.

En fait, après divers entretiens, je proposerai, par ce sous-amendement, de répartir les sièges entre les autres circonscriptions à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne en fonction de la population.

Après un examen attentif de l’ordonnance, la commission des lois a constaté que le Gouvernement avait respecté l’habilitation consentie par le Parlement à la fois sur les délais et au fond. C’est pourquoi elle a ratifié l’ordonnance. Sur mon initiative, elle a adopté deux amendements visant à corriger une erreur matérielle relative au nom d’une commune, ainsi qu’à apporter des modifications rédactionnelles mineures.

La commission des lois a, enfin, adopté un amendement tendant, si vous me permettez cette expression, mes chers collègues, à « rapatrier » dans le corps du projet de loi de ratification les articles 3 et 4 de l’ordonnance.

En effet, l’habilitation retenait des termes sans doute relativement restrictifs en ce qu’elle permettait de préciser les modalités d’élection des conseillers métropolitains. Le Gouvernement est donc allé jusqu’à préciser les incompatibilités qui s’appliqueront aux conseillers métropolitains, par définition, après leur élection.

Certes, les incompatibilités ont des répercussions électorales, car elles mettent fin au mandat. Cependant, il existe une différence entre le fait de prévoir les effets des incompatibilités – démission d’office, remplacement, etc. – et le contenu même de ces incompatibilités, en déterminant les fonctions professionnelles, ainsi que les mandats électoraux et les fonctions électorales incompatibles avec le mandat de conseiller métropolitain.

Sur le fond, ces incompatibilités sont néanmoins apparues justifiées à la commission des lois. C’est pourquoi elle les a reprises, en prévoyant leur entrée en vigueur en mars 2020.

Sous réserve de l’adoption de l’amendement sur lequel elle a donné un avis favorable et du sous-amendement que je vous présenterai, la commission des lois vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le texte tel qu’il résulte de ses délibérations.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez, le groupe CRC s’est longuement exprimé dans le cadre du débat sur la loi MAPTAM contre la création de la métropole de Lyon. Vous le savez également, notre groupe n’est pas favorable aux ordonnances. C’est donc sans surprise que nous voterons contre ce texte.

Sur le fond, l’élection par circonscription est un élément, constitutif de la métropole, de mise en cause des communes. Elle consacre le caractère plein et entier de la métropole en tant que collectivité territoriale, cas unique en France. De fait, de nombreux maires de petites communes ne seront plus à la métropole, et le président de chaque conférence territoriale des maires sera le décideur métropolitain pour toutes les communes de sa circonscription.

Ce mode électoral renforce ce niveau supra-communal et inframétropolitain qui écrase les communes. Notons que l’on en rajoute une couche ! Voilà qui est surprenant de la part de ceux qui dénonçaient l’existence d’un millefeuille territorial copieux et même indigeste…

En revanche, nous sommes convaincus d’une chose : ce mode électoral ne favorisera pas le pluralisme, d’autant qu’il repose sur un découpage forcément sujet à débats.

De facto, en 2020, un nouveau type de maire existera en France : le maire d’une commune de la métropole de Lyon, un maire aux pouvoirs restreints et limités ; un maire qui ne représentera pas les intérêts des populations de son territoire communal ; un maire qui, comme je l’ai dit, ne sera peut-être même pas élu comme conseiller métropolitain, certaines circonscriptions ayant plus de communes que de sièges à pourvoir. Néanmoins, ce maire aura un peu plus de pouvoirs que les maires des neuf arrondissements de la commune de Lyon. Bref, il sera un maire hybride.

De plus, nous le savons, ce curieux système, une « circonscription sur la base de plusieurs circonscriptions », ne disposant que d’une dizaine de sièges à pourvoir, renforcera le bipartisme et les petits arrangements. À l’heure où notre pays exige davantage de démocratie, notamment locale, ce dispositif apparaît comme un non-sens !

Par ailleurs, j’indique que nous ne voterons pas les divers amendements déposés sur le présent texte. L’un d’entre eux tend à réduire le nombre de conseillers métropolitains. Or, à nos yeux, ce n’est pas en réduisant le nombre d’élus que l’on renforcera la démocratie. Quant au dernier amendement, il ne nous convient pas, principalement du fait de l’esprit qui a présidé à sa rédaction. Le débat et le travail législatif ne peuvent être employés à des règlements de compte personnels !

Je le répète, notre collègue, Cécile Cukierman et l’ensemble des élus de notre groupe sont longuement intervenus, lors de la discussion de la loi MAPTAM, pour s’opposer à la création de telles métropoles et à de semblables concentrations des pouvoirs. Il est bien dommage que nous n’ayons pas, à l’époque, été suivis par les membres de l’actuelle majorité sénatoriale. Il est vrai que ce débat a eu lieu avant les élections municipales, donc avant les élections du président de la métropole. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern.

M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réorganisation territoriale est un enjeu important, au sein duquel la métropolisation occupe une place majeure.

En effet, alors que nous nous apprêtons à débattre de nouveau du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou projet de loi NOTRe, qui vise à rationaliser notre mille-feuille territorial, l’enjeu de la métropolisation réside également dans une refonte de notre démocratie, vers plus de représentativité et donc plus de lisibilité.

Dès lors, j’attire votre attention sur l’extrême nécessité d’analyser ce texte au regard de ces exigences. L’ordonnance que le Gouvernement nous invite à ratifier organise, dans le cadre de la métropolisation de Lyon, l’élection des futurs conseillers métropolitains. Cette dernière répond parfaitement à la double exigence de représentativité et de lisibilité, et cela pour trois raisons.

Tout d’abord, ce texte instaure un mode de scrutin clair, déjà connu des citoyens.

Ensuite, ledit mode de scrutin assure la bonne représentation de tous les électeurs par les futurs conseillers métropolitains lyonnais.

Enfin, les incompatibilités de fonction instaurées via ce texte sont évidemment et incontestablement nécessaires à la crédibilité de notre action.

Bref, le mode de scrutin proposé pour élire les conseillers métropolitains de Lyon est le meilleur qui pouvait être suggéré par le Gouvernement.

En effet, le choix du scrutin de liste à deux tours, qui s’applique également aux élections municipales, paraît cohérent et pertinent au vu de la volonté du Gouvernement, à laquelle nous souscrivons : organiser les élections métropolitaines en même temps que les élections municipales.

Néanmoins, nous veillerons attentivement à ce que les modes de scrutin et l’ensemble des modalités qui les accompagnent restent strictement identiques pour ces deux élections. Dès lors que ces dernières auront lieu en même temps, le parallélisme des modes de scrutin sera le garant d’une lisibilité et d’une clarté dont on ne peut plus se passer aujourd’hui, tant elles conditionnent la crédibilité de notre action.

Par ailleurs – je tiens à le souligner –, nous considérons que le mode de scrutin proposé et la répartition du nombre de sièges selon les circonscriptions métropolitaines sont en mesure d’assurer une bonne représentation de tous les électeurs.

Certes, toutes les communes ne bénéficieront pas d’un représentant au sein de la métropole de Lyon. Toutefois, il importe de le rappeler : les communes n’étant pas juridiquement membres de la métropole, collectivité territoriale à part entière, elles n’ont pas à être représentées en son sein.

À nous de faire confiance au processus de métropolisation pour mener à bien un projet cohérent dans lequel chaque citoyen, quelle que soit sa commune d’origine, pourra se retrouver. C’est d’ailleurs cette conviction première qui nous a poussés à mettre en place les métropoles en France.

Quant aux incompatibilités de fonctions et de mandats proposées au travers du présent texte, nous les soutenons, car elles sont nécessaires en leur principe et, ainsi définies, proportionnées aux enjeux.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec ce dernier projet de loi ratifiant l’ordonnance électorale, nous nous apprêtons à clore le processus de création de la métropole de Lyon.

Vous le savez, cette métropole est devenue réalité le 1er janvier 2015. Depuis lors, nous sommes, sur le terrain, en train de lui donner un contenu : il s’agit de réunir les grandes compétences économiques et urbanistiques, qui étaient celles de l’ancienne communauté urbaine, et les compétences sociales, qui étaient celles de l’ancien conseil général.

Ainsi, selon une formule qui est maintenant souvent reprise à Lyon, nous avons voulu, avec cette métropole, « réunir l’urbain et l’humain ». Ce faisant, nous nous efforçons de considérer le développement de notre agglomération dans toutes ses dimensions, économiques, urbaines et sociales.

Avant la création de la métropole, un certain nombre de nos collègues disaient que la communauté urbaine, le Grand Lyon, se cantonnait au développement économique et aux grands projets urbains et, a contrario, n’assurait aucune prise en compte individualisée des publics.

Désormais, en assumant des compétences qui relevaient, auparavant, du conseil général, la métropole de Lyon prend également en charge les problèmes des publics les plus en difficulté. Elle gère le revenu de solidarité active, le RSA. Elle s’occupe de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. Elle vient en aide aux personnes âgées. Avec cette structure, nous nous efforçons d’imbriquer toutes ces politiques, afin qu’elles soient menées le mieux possible.

Madame Gonthier-Maurin, j’ai bien entendu les interrogations que vous avez émises au nom du groupe CRC. Je tiens à rappeler que nous nous sommes efforcés d’assurer, par la loi MAPTAM, un équilibre entre les différentes instances. Certes, le conseil métropolitain, dont je parlerai de nouveau dans quelques instants, ne représente pas tous les maires,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est bien ce que nous disons !

M. Gérard Collomb. … car la métropole est devenue une collectivité de plein exercice. Néanmoins, nous avons tenu à ce que soit créée une conférence métropolitaine, qui, elle, rassemble tous les maires. J’ai réuni cette conférence, hier, pour la première fois : désormais, deux structures existent, une instance de proposition et une instance de délibération.

Nous avons précisé, dans la loi MAPTAM, qu’un pacte de cohérence territoriale devait être adopté par le conseil métropolitain, après proposition de la conférence métropolitaine des maires. Ainsi, chacun est désormais représenté.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Bravo !

M. Gérard Collomb. Mes chers collègues, si ce chantier a pu avancer, c’est parce qu’il a bénéficié d’une volonté et d’une vision communes.

Michel Mercier et moi-même avons, tout d'abord, soutenu ce projet ; au-delà, ce dernier a fait l’objet d’un consensus, de convergences, de la part de nombre des membres des divers groupes politiques. Voilà pourquoi nous avons pu avancer ! Aujourd’hui, j’en suis persuadé, avec le présent projet de loi de ratification, portant sur les aspects électoraux, nous allons le prouver une nouvelle fois : en dépit des divergences d’appréciation politique, il est possible de se réunir autour d’un projet commun.

Madame la ministre, la loi MAPTAM a déjà fixé les grands principes devant guider la rédaction de l’ordonnance que vous avez élaborée et que, je l’espère, nous allons ratifier aujourd’hui.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il y a de bonnes chances, en effet !

M. Gérard Collomb. Vous l’avez souligné, son article 26 indique que « les conseillers métropolitains sont élus au suffrage universel direct dans les conditions prévues par notre code électoral ».

L’article 39, quant à lui, autorise le Gouvernement à « définir par voie d’ordonnance les modalités d’élection des conseillers métropolitains à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la métropole de Lyon », soit en 2020.

À l’origine, le projet d’ordonnance fixait à 166 le nombre des membres du conseil métropolitain. M. le rapporteur l’a indiqué : après débat, nous nous sommes accordés, au sein de la commission, pour porter ce nombre à 150, dans un souci de réduction de la dépense publique.

Parallèlement se posait un autre problème : la situation de l’une des circonscriptions, celle du Val-de-Saône, qui regroupe vingt-cinq des cinquante-neuf communes composant la métropole.

Nous sommes convenus qu’il était possible d’attribuer deux sièges supplémentaires à cette circonscription, qui, avec la transformation de la métropole en collectivité territoriale, voit diminuer le nombre de ses maires participant au conseil métropolitain. Tel est l’objet de l’amendement que M. Buffet présentera dans quelques instants et que M. le rapporteur proposera de sous-amender.

Pour ma part, j’indique d’ores et déjà que je retire mon propre sous-amendement, dans la mesure où il est identique à celui de la commission. Nous devons répondre à la volonté de représentation exprimée par les communes. Toutefois, dans un second temps, c’est la démographie qui guidera la répartition des sièges.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Eh oui !

M. Gérard Collomb. Ainsi, en 2020, nul ne pourra contester la représentativité de celles et ceux qui seront élus au conseil métropolitain, au suffrage universel.

Mes chers collègues, madame la ministre, tels sont les sujets sur lesquels nous avons, ensemble, progressé. Je me félicite de la manière dont nous avons abordé, dès le début, ces débats : si nous pouvions obtenir les mêmes convergences sur un grand nombre de sujets, j’en serais personnellement très heureux ! (M. le rapporteur applaudit.)

M. Claude Kern. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la demande de ratification dont le Sénat est saisi à travers le présent texte appelle, de ma part, quelques observations.

Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles s’est construite la métropole de Lyon : j’évoquerai simplement la manière dont le régime électoral de ses instances est en train de s’organiser.

Madame la ministre, lorsque vous avez présenté votre projet d’ordonnance à notre commission des lois, je vous ai fait part d’une certaine inquiétude.

Certes, je l’admets comme tout le monde : la métropole lyonnaise devenant une collectivité territoriale, elle ne peut conserver le régime électoral dont elle disposait lorsqu’elle était dotée du statut d’établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI. Il faut bel et bien définir un nouveau mode d’élection.

Toutefois, force est de le constater, le critère démographique, prééminent en l’espèce, posait quelques difficultés, eu égard à la représentation de certains territoires de cette métropole, en particulier – M. Collomb vient de le rappeler – pour le Val-de-Saône.

Mes chers collègues, il me semblait par ailleurs intéressant de saisir cette occasion pour réduire le nombre de conseillers métropolitains. Bien sûr, nous ne prônons pas un hara-kiri systématique. (Sourires.) La question n’est pas là ! Néanmoins, j’en suis convaincu, un total de 150 conseillers métropolitains est tout à fait suffisant pour diriger efficacement cette métropole. En outre, cette solution permet de dégager des économies en limitant les dépenses publiques.

Tel est l’objet de l’amendement que j’ai déposé en commission. Cette dernière s’y est déclarée favorable lors de sa réunion d’hier. Elle a approuvé, tout d’abord, la réduction du nombre d’élus du conseil métropolitain, et, ensuite, le tableau de répartition qui en tire les conséquences.

Ces dispositions ont suscité une discussion, au cours de laquelle M. le rapporteur s’est efforcé de rapprocher les différents points de vue. Disons-le clairement : nous avons décidé de nous rallier au sous-amendement déposé par M. Courtois sur mon amendement. Bien entendu, je suis favorable à cette modification.

Dès lors, je vous l’indique d’ores et déjà, je retire l’amendement n° 2 que j’avais déposé, au profit de l’amendement n° 3 rectifié bis, qui a été adopté par la commission et que M. le rapporteur suggère de sous-amender.

Cette solution me satisfait : non seulement elle permet d’avancer dans la nouvelle logique électorale établie, mais elle assure la juste représentation de tous les territoires. Ainsi, le Val-de-Saône disposera de quatorze élus, ce qui est, à mon sens, parfaitement légitime.

J’ai également déposé un amendement ayant pour objet les incompatibilités. Un débat a eu lieu sur la compatibilité entre les mandats locaux de président de métropole et de maire d’une grande collectivité. Je considérais que, à partir de 2017, avec l’entrée en vigueur de la loi sur le cumul des mandats, il était cohérent d’y renoncer. Je le dis très volontiers à cette tribune, notamment à notre collègue maire de Lyon, il ne s’agissait en aucune manière d’une attaque ad hominem !

La discussion a été nourrie au sein de la commission des lois, où il a été décidé de s’en tenir à la décision du Conseil constitutionnel du mois de janvier 2014. Je me suis rallié à cette position. C’est pourquoi je retire également l’amendement n° 4 visant à introduire un article additionnel après l’article unique. Je tenais simplement à ce que le débat ait lieu, car il a tout son sens, me semble-t-il.

À cet instant, la ratification de l’ordonnance ne fait plus de doute, madame la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je l’espère !

M. François-Noël Buffet. Elle permet de réduire le nombre d’élus, ce qui constitue un signe fort et attendu à l’adresse de nos concitoyens, mais aussi de construire une répartition de la représentation territoriale appuyée à la fois sur un critère démographique et sur un critère territorial, notamment dans les secteurs où les communes sont importantes et où la population l’est un peu moins.

Telles sont donc les circonstances dans lesquelles ce texte nous est soumis. Je suis satisfait d’avoir été entendu ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous votons aujourd’hui la ratification d’une ordonnance instituant une élection au suffrage universel direct des conseillers de la métropole de Lyon.

Les écologistes considèrent – ils ont été bien seuls à tenir cette position – que la réalité des bassins de vie se situe aujourd’hui à l’échelle de l’intercommunalité. La plupart des politiques publiques stratégiques doivent désormais être pilotées à ce niveau, et nous considérons que le renforcement des compétences intercommunales contribue à rendre ces politiques plus efficaces.

Nous sommes donc toujours favorables à ce que les métropoles et les intercommunalités prennent les compétences des départements, en lien avec les régions, ce qui est le cas de la métropole lyonnaise, qui fait figure d’exemple de ce point de vue ; j’ai déjà eu l’occasion de le souligner.

Sur la base de ces considérations, il nous apparaît également pertinent que les agglomérations deviennent, à terme, des collectivités locales de plein exercice, donc que leurs représentants soient élus au suffrage universel.

Je suis convaincu que cette évolution va dans le sens de l’histoire, mais elle ne doit pas être entendue comme s’inscrivant en opposition aux communes ! Les maires des petites communes craignent toujours de disparaître dans la grande intercommunalité. C’est une inquiétude récurrente dans cet hémicycle.

Or nous pensons précisément le contraire ! Actuellement, les petites communes d’une agglomération peinent à se faire entendre, et le débat politique semble accaparé par la ville-centre, alimentant ainsi le sentiment de relégation des habitants des petites communes périphériques. Nous le vivons dans nos agglomérations.

L’élection directe intercommunale constitue donc bien un outil pour lutter contre la fracture territoriale, dans la mesure où elle institue, de fait, une égalité plus forte, tant en matière de représentation du territoire et de ses habitants qu’en termes de priorités politiques, qui émergent ainsi du débat et du vote d’agglomération.

Toujours est-il que nous sommes bien seuls à défendre ces positions. L’amendement visant l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct apparu dans la loi NOTRe n’aura pas survécu longtemps au retour du texte au Sénat : il a déjà été supprimé en commission ! Nous y reviendrons.

Nous devrions donc être satisfaits face à ce projet de loi, qui inscrit clairement dans la loi le suffrage direct. Pourtant, il nous reste tout de même quelques critiques à formuler.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il y en a toujours ! (Sourires.)

M. Ronan Dantec. L’enjeu d’une élection au niveau intercommunal correspond à la nécessité de donner naissance à un véritable débat à l’échelle de l’agglomération. Nous considérons donc qu’il aurait fallu aller au bout de la démarche et prévoir un scrutin proportionnel avec liste unique sur l’ensemble de l’agglomération. Cela aurait eu le mérite de renforcer la logique d’intégration métropolitaine.

Le découpage en quatorze circonscriptions crée en effet un morcellement important des territoires, qui n’est pas complémentaire avec cette ambition d’intégration.

Enfin, et surtout, il me revient de relayer ici les propos de nos amis politiques du Grand Lyon. Nous regrettons quelque peu l’absence de concertation qui a présidé à l’élaboration de ces nouvelles dispositions électorales.

Pourtant, des propositions ont été formulées par différentes forces politiques locales, Gérard Collomb peut en témoigner. Au vu du caractère extrêmement symbolique de ce premier scrutin métropolitain, la création d’un consensus local issu d’un débat approfondi aurait été plus que souhaitable !

Malgré toutes ces réserves, le groupe écologiste étant favorable à l’élection directe des conseillers métropolitains, il ne peut pas voter contre cette avancée et s’abstiendra sur le vote final. Nous aurions dû aller au bout de cette démarche ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi ratifiant l’ordonnance n°2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de lyon

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l'élection des conseillers métropolitains de Lyon
Article additionnel après l'article unique (début)

Article unique

I. – L’ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon est ratifiée.

II (nouveau). – L’ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 précitée est ainsi modifiée :

1° L’article 1er est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du quatorzième alinéa et la dernière phrase du seizième alinéa sont complétées par les mots : « sous réserve de l’application du premier alinéa de l’article L. 224-6 » ;

b) Le dix-neuvième alinéa est complété par les mots : « sur chaque liste » ;

c) Aux quatre-vingt-quatrième et quatre-vingt-dix-septième alinéas, le mot : « mandature » est remplacé par le mot « mandat ».

2° Les articles 3 et 4 sont abrogés ;

3° À la onzième ligne de la deuxième colonne de l’annexe, le mot : « Moins » est remplacé par le mot : « Mions ».

III (nouveau). – Au premier alinéa de l’article L. 46-1 du code électoral, après les mots : « conseiller de Paris, », sont insérés les mots : « conseiller métropolitain de Lyon, ».

IV (nouveau). – Au premier alinéa du I de l’article 6-3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi n° 2014-126 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen, après les mots : « conseiller de Paris, » , sont insérés les mots : « conseiller métropolitain de Lyon, ».

(nouveau). – Les III et IV du présent article entrent en vigueur à l’occasion du prochain renouvellement général des conseillers municipaux.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par M. Buffet, Mmes di Folco et Lamure, MM. B. Fournier, Carle, Trillard et Mouiller, Mme Imbert et M. Milon, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au neuvième alinéa, les mots : « cent soixante-six » sont remplacés par les mots : « cent cinquante » ;

II. – Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° L’annexe est ainsi rédigée :

Dénomination des circonscriptions électorales

Délimitation des circonscriptions métropolitaines

Nombre de sièges à pourvoir

Lones et Coteaux

Charly, Givors, Grigny, Irigny, La Mulatière, Oullins, Pierre-Bénite, Saint-Genis-Laval, Vernaison

13

Lyon 1

1er arrondissement de Lyon

3

Lyon 2

2e arrondissement de Lyon

4

Lyon 3

3e arrondissement de Lyon

10

Lyon 4

4e arrondissement de Lyon

4

Lyon 5

5e arrondissement de Lyon

5

Lyon 6

6e arrondissement de Lyon

6

Lyon 7

7e arrondissement de Lyon

8

Lyon 8

8e arrondissement de Lyon

9

Lyon 9

9e arrondissement de Lyon

5

Ouest

Charbonnières-les-Bains, Craponne, Francheville, Marcy-l'Étoile, Saint-Genis-les-Ollières, Sainte-Foy-lès-Lyon, Tassin-la-Demi-Lune

9

Plateau Nord

Caluire-et-Cuire, Rillieux-la-Pape, Sathonay-Camp

9

Porte des Alpes

Bron, Chassieu, Mions, Saint-Priest

12

Portes du Sud

Corbas, Feyzin, Saint-Fons, Solaize, Vénissieux

11

Rhône Amont

Décines-Charpieu, Jonage, Meyzieu, Vaulx-en-Velin

12

Val de Saône

Albigny-sur-Saône, Cailloux-sur-Fontaines, Champagne-au-Mont-d'Or, Collonges-au-Mont-d'Or, Couzon-au-Mont-d'Or, Curis-au-Mont-d'Or, Dardilly, Ecully, Fleurieu-sur-Saône, Fontaines-Saint-Martin, Fontaines-sur-Saône, Genay, Limonest, Lissieu, Montanay, Neuville-sur-Saône, Poleymieux-au-Mont-d'Or, Quincieux, Rochetaillée-sur-Saône, Saint-Cyr-au-Mont-d'Or, Saint-Didier-au-Mont-d'Or, Saint-Germain-au-Mont-d'Or, Saint-Romain-au-Mont-d'Or, Sathonay-Village, La Tour-de-Salvagny

14

Villeurbanne

Villeurbanne

16

TOTAL

150

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par M. Buffet, Mmes di Folco et Lamure, MM. B. Fournier, Carle, Trillard et Mouiller, Mmes Imbert et Deromedi et M. Milon, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au neuvième alinéa, les mots : « cent soixante-six » sont remplacés par les mots : « cent cinquante » ;

II. – Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° La troisième colonne de l’annexe est ainsi rédigée :

"

Nombre de sièges à pourvoir

13

10

8

11

7

9

9

9

9

12

11

12

14

16

150

"

La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Cet amendement est assorti de deux sous-amendements identiques.

Le sous-amendement n° 5 est présenté par M. Collomb.

Le sous-amendement n° 6 est présenté par M. Courtois, au nom de la commission.

Tous deux sont ainsi libellés :

Amendement n° 3 rectifié bis, dernier alinéa, colonne

Rédiger ainsi cette colonne :

Nombre de sièges à pourvoir

12

11

8

11

7

9

9

9

8

12

11

12

14

17

150

Le sous-amendement n° 5 a été retiré.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 6.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je livrerai tout d’abord, au sujet de l’amendement n° 3 rectifié bis, une explication juridique, qui sera utile un jour en cas de recours judiciaire. Cet amendement vise non pas à modifier les limites des circonscriptions, mais seulement à répercuter la baisse du nombre global d’élus, sauf en ce qui concerne la circonscription du Val de Saône, qui, à l’inverse, se voit attribuer un élu supplémentaire.

Cette modification améliore la représentation des habitants de ces communes. À circonscriptions constantes, donc, la commission a souhaité abaisser à 150 le nombre de conseillers métropolitains, ce qui correspond à la limite inférieure de la fourchette ouverte au Gouvernement dans l’habilitation.

En outre, elle a souhaité réserver un sort particulier à la circonscription du Val de Saône, qui présente une particularité notable : elle couvre le plus grand nombre de communes, soit vingt-cinq, ce qui représente plus de 40 % des communes du territoire de la métropole. Elle s’étend sur une région – le massif des Monts d’Or – moins urbanisée que le reste de la métropole, avec des populations communales plus faibles. Il existe donc un motif d’intérêt général à améliorer la représentation de sa population, sachant que ces modifications ne conduisent pas à franchir le seuil constitutionnel de 20 % d’écart à la moyenne métropolitaine.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 3 rectifié bis.

Toutefois, sans modifier ces éléments sur lesquels nous sommes d’accord, mes chers collègues, je vous propose un sous-amendement qui vise à répartir les autres conseillers métropolitains à la plus forte moyenne, en fonction de la population, ce qui permet également une répartition à la proportionnelle équitable pour tous.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mmes Lamure et di Folco, n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 3 rectifié bis ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission a émis un avis favorable, sous réserve bien sûr de l’adoption du sous-amendement n° 6.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement a soutenu une configuration du conseil de la métropole à 166 membres, qui a fait l’objet d’un large consensus au niveau local. Il n’est toutefois pas opposé, sur le principe, à une solution permettant de réduire à 150 le nombre de conseillers.

Encore faut-il, cependant, que cette solution respecte les règles applicables en matière d’égalité devant le suffrage, notamment d’écarts à la moyenne en termes de représentativité démographique et qu’elle réponde à l’intérêt du territoire.

Monsieur le rapporteur, au terme d’une discussion riche et transpartisane, vous nous proposez quelques corrections dans la distribution des sièges entre les circonscriptions. Je m’en remets sur ce point entièrement à la sagesse de la Haute Assemblée, qui fait un excellent travail !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 6.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié bis, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Article unique
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Article additionnel après l'article unique (fin)

Article additionnel après l'article unique

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Buffet, Mmes di Folco et Lamure, MM. Forissier, B. Fournier, Carle, Trillard et Mouiller, Mmes Imbert et Deromedi et M. Milon, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le mot : « régional », la fin du premier alinéa de l’article L. 3631-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « , celle de président d'un conseil départemental et celle de maire. »

Cet amendement a été retiré.

Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l’article unique, modifié, constituant l’ensemble du projet de loi.

Je rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon.

(Le projet de loi est adopté.)

Article additionnel après l'article unique (début)
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7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 26 mai 2015 :

À neuf heures trente : dix-neuf questions orales.

À quatorze heures trente :

Explications de vote des groupes sur le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile ;

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 425, 2014 2015) ;

Texte de la commission (n° 426, 2014 2015) ;

Avis de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances (n° 394, 2014 2015).

De quinze heures quinze à quinze heures quarante-cinq : vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile.

À quinze heures quarante-cinq : proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile.

À seize heures et le soir :

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation territoriale de la République (n° 336, 2014 2015) ;

Rapport de MM. Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 450 tomes I et II, 2014 2015) ;

Texte de la commission (n° 451, 2014 2015) ;

Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 438, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART