M. René Vandierendonck, corapporteur. Le problème que nous pose l’amendement de M. Dantec n’est pas d’ordre intellectuel. Cet amendement est simplement irrecevable, mais, par élégance, la commission a préféré émettre un avis défavorable, pour que notre collègue puisse s’exprimer.

Pour ce qui concerne l’amendement du Gouvernement, on peut s’interroger sur l’opportunité de rétablir l’article 8 bis A, quelques mois seulement après l’adoption de la loi portant réforme ferroviaire, laquelle contient des dispositions sur l’évolution des lignes capillaires. À cet égard, l’adoption de l’amendement risquerait de porter atteinte à l’unicité du réseau ferré national.

Par ailleurs, il n’est pas certain que le transfert de propriété des lignes capillaires résoudra la question de la pérennité de ces lignes.

Je suis prêt à approfondir la discussion, mais je pense que le sujet mériterait d’être retravaillé avec les associations d’élus. En effet, les témoignages de nos collègues élus locaux montrent que, dans les conditions actuelles, les mises à disposition ou les rétrocessions venant de Voies navigables de France ou de Réseau ferré de France sont plutôt sportives. (Sourires.) C'est la raison pour laquelle la commission a, sur mon initiative, émis un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Dantec, l'amendement n° 632 est-il maintenu ?

M. Ronan Dantec. Je remercie le rapporteur de sa délicate attention… Au demeurant, je n’avais pas le sentiment que ma parole était totalement bridée.

Pour être élu de la communauté urbaine de Nantes Métropole, je sais qu’il y a, dans l’agglomération nantaise, quelques lignes qui peuvent être intéressantes soit en termes de transport de voyageurs ou de fret, soit au regard des enjeux de demain – je pense notamment à la logistique urbaine. Je crois donc qu’il faut préserver – pour ne pas dire « ouvrir » – l’avenir.

L’amendement du Gouvernement me semble donc aller tout à fait dans le bon sens. Il s’inscrit dans le même esprit que le mien, tout en étendant la possibilité de transfert aux EPCI. C’est donc avec grand plaisir que je retire mon amendement à son profit.

Mes chers collègues, je souhaiterais vraiment que le Sénat l’adopte dès aujourd'hui. Nous aurons encore le temps d’en corriger la rédaction d’ici à la fin de l’examen du texte. Au reste, les arguments de ses détracteurs me semblent un peu faibles.

M. le président. L'amendement n° 632 est retiré.

La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’amendement n° 678.

M. Bruno Sido. Je me souviens avoir beaucoup discuté de ces questions avec M. Borloo lorsque j’étais rapporteur du Grenelle de l’environnement. Je ne parle pas des milliers de kilomètres de lignes de TGV qui ne se feront jamais. Non ! C’est sur le fait qu’il était extraordinairement difficile de créer une ligne ferroviaire et sur le coût nul d’une ligne abandonnée que j’avais appelé son attention. J’avais réussi à le convaincre de dire à la SNCF qu’elle devait absolument garder ses lignes, même si elle n’en faisait rien, même si elle laissait les arbres les envahir.

La SNCF doit absolument garder son emprise foncière. Il ne faut pas insulter l’avenir, et on ne sait jamais ce que demain nous réserve… Peut-être apprécierons-nous alors de pouvoir reconstruire les lignes ferroviaires aujourd'hui abandonnées.

Je pense donc que la loi ne doit pas obliger la SNCF à céder ses terrains, sauf, bien entendu, les voies de desserte entre une voie principale et une usine, même si ces voies peuvent, un jour, avoir une utilité. Par conséquent, je suis, comme M. le rapporteur, mais pour d’autres raisons, opposé à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la ministre, la décontraction avec laquelle vous présentez cet amendement me semble inouïe.

Les réfections de lignes nécessitent des millions d’euros, et certaines de ces lignes posent de vrais problèmes. En particulier, certains chargeurs, notamment les céréaliers, refusent de nouveaux marchés, parce que les voies ferroviaires qui permettent les livraisons n’ont pas été entretenues. Elles sont dans un état lamentable !

Vous voulez maintenant les confier aux collectivités locales. Mais, quand nous en aurons la responsabilité, c’est à nous que le chargeur demandera de rattraper dix ou vingt ans de manque d’entretien sur les lignes. Cela mérite une vraie réflexion. C’est aussi un problème d’aménagement du territoire : il faudra tenir compte de la spécificité de chaque territoire.

En tout état de cause, ces charges dont l’État veut se débarrasser engendreront des dépenses supplémentaires considérables pour les collectivités, qui ne manqueront pas d’être montrées du doigt. À cet égard, la position de la commission me paraît sage. Pourtant, il faudra bien trouver des solutions pour régler le problème, car, pour l’heure, les difficultés pour rouvrir les lignes sont énormes et découragent les meilleures volontés.

M. René Vandierendonck, corapporteur. Je suis d’accord !

M. René-Paul Savary. On voit bien, là encore, la limite du dispositif législatif dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. La commission aurait pu déclarer irrecevable cet amendement, qui porte sur une question qui n’a pas été discutée en première lecture. On sait qu’aborder un sujet nouveau en deuxième lecture ne permet pas de profiter de la navette pour dialoguer avec l’Assemblée nationale, ce qui est un peu dommage, et que cela déclenche de nombreuses réactions.

Mes chers collègues, je vous le dis, nous ne légiférons pas bien. La procédure parlementaire est faite de règles. À tout le moins, il convient de ne pas s’éloigner du sujet… Sur ce plan, le président de séance a un rôle à jouer. Mais, dans cet hémicycle, les règles sont parfois appliquées de manière très libérale.

Cela étant, on sait très bien que, quand on commence à parler du ferroviaire, on en vient à évoquer les gares et tout un tas d’autres choses. Hier, c’était les aérodromes... À quand les pistes cyclables ? Je ne désespère pas que nous en discutions d’ici à la fin du débat…

M. Antoine Lefèvre. On peut le faire !

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. En tout état de cause, je confirme que la commission est défavorable à cet amendement, parce que, comme l’a très bien dit René Vandierendonck, la question est beaucoup plus complexe qu’on ne le dit.

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous connaissez suffisamment le rôle du président et les prérogatives qui lui sont attachées pour ne pas me prendre à partie.

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Je ne vous ai pas pris à partie !

M. le président. Permettez-moi de vous rappeler que le président distribue la parole avec équité et veille à faire respecter les droits de chacun. Il appartient aux présidents de commission et aux rapporteurs de se prononcer sur la recevabilité des amendements…

Je vous le dis avec gentillesse, monsieur le rapporteur. Soyez du reste convaincu que j’apprécie beaucoup vos interventions.

La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. Comme mon collègue René-Paul Savary, je suis un peu surpris par cet amendement du Gouvernement. En effet, si nous sommes évidemment favorables au maintien du réseau ferroviaire, il n’est évidemment pas acceptable aujourd'hui de voir que ce réseau n’est plus entretenu par la SNCF et par RFF et qu’il va être transféré aux collectivités locales dans des conditions que l’on sait extrêmement difficiles. Cela se traduira évidemment par une charge nouvelle pour les collectivités, au moment même où leurs moyens sont réduits, avec des répercussions certainement fortes pour les contribuables.

C’est pourquoi nous sommes en désaccord avec cet amendement. Bien évidemment, nous souhaitons que la SNCF et RFF exercent pleinement leurs responsabilités et assurent l’entretien de ces lignes, dont nous avons encore réellement besoin dans nos territoires.

M. René Vandierendonck, corapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’ai bien entendu tous les arguments, en particulier celui de l’entonnoir. MM. les rapporteurs ont raison ! Le Gouvernement a eu tort de ne pas y avoir pensé plus tôt.

Il faut dire que c’est lors de la troisième conférence pour la relance du fret ferroviaire – conférence nationale qui se réunit de manière périodique –, qui ne s’est terminée que le 12 décembre 2014, qu’a été posée la question de la définition de l’avenir de chaque ligne, dans le cadre d’instances locales associant l’ensemble des acteurs concernés. Ce pas a été franchi à la demande de beaucoup d’élus locaux de France, d’intercommunalités, de régions et de départements, mais aussi d’autres acteurs, comme des entrepreneurs ou encore des coopératives, que l’un d’entre vous a évoquées tout à l'heure.

Cet amendement est le résultat de cette conférence. La gestion par les collectivités territoriales n’est pas une obligation : c’est une option, une possibilité, qui reste facultative.

Je reconnais volontiers que la conférence nous a éclairés un peu tard, mais la décentralisation de ce droit ne me semblait pas une aberration, compte tenu du compte rendu très intéressant de la conférence nationale, où siégeaient beaucoup d’élus et d’acteurs économiques.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je suis désolé d’ajouter à la douleur du rapporteur, mais je voudrais appeler l’attention sur l’argumentation du Gouvernement.

Voici ce qu’on peut lire dans l’objet de son amendement : « […] la gestion par SNCF Réseau, EPIC national, n’a pas souvent permis de trouver le modèle économique spécifique à ces lignes faiblement circulées […]. » – en clair, on perd des sous ! – « Un gestionnaire d’infrastructure de la taille de SNCF Réseau ne peut aisément appliquer des solutions optimisées au cas par cas, indispensables pour traquer chacune des économies potentielles, sans dégrader la sécurité ». Je croyais que plus c’était gros, mieux ça marchait !

En somme, on nous dit que la SNCF n’est pas capable de gérer ces lignes. Franchement, c’est se moquer du monde !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 678.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 8 bis A demeure supprimé.

Article 8 bis A (supprimé)
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Article 8 ter

Article 8 bis

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 677, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – La propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion des infrastructures de transports non urbains de personnes, ferrés ou guidés d’intérêt local exploitées par le département à des fins de transport, ainsi que l’ensemble des biens afférents, sont transférés à la région dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi. Pour les lignes non exploitées par le département à des fins de transport, l’ordonnance prévue au II du présent article précise les modalités du transfert.

Ces transferts ne donnent lieu ni au versement de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts, ni à perception d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit.

La région bénéficiaire du transfert est substituée au département dans l’ensemble des droits et obligations liés aux biens qui lui sont transférés, à l’exception de ceux afférents à des dommages constatés avant la date du transfert et à des impôts ou taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date.

II. – Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans les dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par ordonnance des mesures de nature législative rendues nécessaires pour l’application du I et ayant pour objet d’abroger les dispositions législatives existantes devenues sans objet du fait du même I.

Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance.

III. – Le chapitre II du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° La section 1 est abrogée ;

2° La section 1 bis devient une section 1 et son intitulé est ainsi rédigé : « Lignes d’intérêt local et régional » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 2112-1-1, après le mot : « intérêt », sont insérés les mots : « local et ».

IV. – Les 1° et 2° du III interviennent le premier jour du dix-huitième mois suivant la promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement vise à rétablir le transfert aux régions des infrastructures de transports non urbains de personnes, ferrés ou guidés d’intérêt local, exploitées par le département à des fins de transports.

M. le président. Le sous-amendement n° 794, présenté par M. Collomb et Mme Guillemot, est ainsi libellé :

Amendement n° 677, après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le présent I ne s’applique pas aux infrastructures de transports non urbains de personnes, ferrés ou guidés d’intérêt local, transférés par le département du Rhône à la métropole de Lyon au 1er janvier 2015.

La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Ce sous-amendement vise à éviter qu’une même ligne de tram soit gérée par deux autorités différentes : d’une part, la région et, d’autre part, le syndicat des transports de la métropole de Lyon, qui gère le transport à l’intérieur de la métropole sur la ligne desservant l’aéroport de Saint-Exupéry. La coexistence de deux autorités différentes pourrait poser problème.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 520 rectifié bis est présenté par MM. Anziani, Patriat et M. Bourquin.

L'amendement n° 648 est présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – La propriété, l'aménagement, l'entretien et la gestion des infrastructures de transports non urbains de personnes, ferrés ou guidés d'intérêt local exploitées par le département à des fins de transport, ainsi que l'ensemble des biens afférents sont transférés à la région dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi.

Ces transferts ne donnent lieu ni au versement de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts, ni à perception d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit.

La région bénéficiaire du transfert est substituée au département dans l’ensemble des droits et obligations liés aux biens qui lui sont transférés, à l’exception de ceux afférents à des dommages constatés avant la date du transfert et à des impôts ou taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date.

II. – Le chapitre II du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° La section 1 est abrogée ;

2° La section 1 bis devient une section 1 et son intitulé est ainsi rédigé : « Lignes d’intérêt local et régional » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 2112-1-1, après le mot : « intérêt », sont insérés les mots : « local et ».

III. – Les 1° et 2° du II interviennent le premier jour du dix-huitième mois suivant la promulgation de la présente loi.

L’amendement n° 520 rectifié bis n’est pas soutenu.

La parole est à M. Ronan Dantec, pour défendre l’amendement n° 648.

M. Ronan Dantec. En complément des propos de Gérard Collomb, je voudrais dire combien cette question de l’utilisation du rail est aujourd’hui extrêmement complexe. Il existe autant de situations que de territoires.

L’amendement n° 678 ne posait pas une obligation, mais offrait une possibilité aux régions afin de tenir compte de la diversité des situations. Encore une fois, je regrette qu’il n’ait pas été adopté. La même logique sous-tend cet amendement par lequel nous voulons donner à la région une capacité d’action effective.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. La commission, favorable au sous-amendement n° 794, peut donc également l’être à l’amendement n° 677 du Gouvernement. L’adoption de ce dernier rendrait l’amendement n° 648, dont le dispositif est très proche, sans objet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 794.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 794.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 677, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 8 bis est rétabli dans cette rédaction, et l'amendement n° 648 n'a plus d'objet.

Article 8 bis (supprimé)
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Article 8 ter (supprimé)

Article 8 ter

(Supprimé)