M. Philippe Kaltenbach. Il s’agissait d’un amendement de coordination avec l’amendement précédent. Toutefois, comme celui-ci n’a pas été adopté, il devient sans objet.

Par conséquent, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.

En conséquence, l’article 2 demeure supprimé.

Article 2 (supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Kaltenbach et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Il s’agissait, là encore, d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 1. Toutefois, celui-ci n’ayant pas été adopté, le présent amendement devient, lui aussi, sans objet ; par conséquent, je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales.

(La proposition de loi est adoptée.)

Intitulé de la proposition de loi (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales
 

13

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile
Discussion générale (suite)

Réforme de l'asile

Discussion en nouvelle lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la réforme du droit d’asile (projet n° 566, texte de la commission n° 571, rapport n° 570, avis n° 579).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à renouveler les excuses du ministre de l’intérieur, qui, de même que pour l’examen du texte précédent, ne peut être présent.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Toujours pas ? (Sourires.)

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Avant que nous n’examinions ce texte dans le cadre de la nouvelle lecture au Sénat, je veux vous rendre compte de l’action du Gouvernement face à la crise migratoire à laquelle l’Europe est confrontée.

Comme l’avait souligné le ministre de l’intérieur lors de l’examen du texte en première lecture, un afflux migratoire sans précédent a conduit déjà près de 150 000 personnes à entrer clandestinement dans l’espace Schengen depuis le début de l’année. Si ces migrants ne relèvent pas tous de l’asile, c’est à l’évidence le cas de plusieurs d’entre eux, tels de nombreux Syriens, des Érythréens et des Irakiens.

Face à ce défi, l’ensemble des États membres de l’Union européenne a un intérêt commun. La position de la France est sans ambiguïté : nous souhaitons mettre en place à nos frontières extérieures des dispositifs efficaces d’identification des migrants, de relocalisation de ceux qui ont manifestement besoin de protection et de retour de ceux qui relèvent, non de l’asile, mais de l’immigration irrégulière. Cette identification doit être faite dès le pays de première entrée dans l’espace Schengen, au sein de hotspots.

En contrepartie, une solidarité européenne renforcée est nécessaire, notamment grâce à une meilleure répartition des demandeurs d’asile en besoin manifeste de protection. En outre, pour agir sur les causes des mouvements migratoires et faire diminuer les flux irréguliers, il faut établir une coopération renforcée avec les pays d’origine et de transit des migrants.

Telle est la position, partagée avec notre partenaire allemand, que le ministre de l’intérieur a présentée devant le Parlement – au Sénat lors de la première lecture et à l’Assemblée nationale lors de la nouvelle lecture ; c’est aussi la position que la France a défendue à l’occasion du Conseil européen des 25 et 26 juin derniers.

Je le constate, si la situation n’est pas encore pleinement satisfaisante, certains États rechignant à l’effort de solidarité, ces principes ont été actés lors du dernier Conseil européen. Nous voulons que l’Europe apporte à la crise migratoire actuelle une réponse équilibrée, à la hauteur des enjeux, et nous y travaillons ; c’est une nécessité. Le ministre de l’intérieur participera ainsi au prochain Conseil européen informel Justice et affaires intérieures, qui se tiendra le 9 juillet à Luxembourg pour rechercher un accord approfondi sur ces sujets.

Néanmoins, il ne suffit pas de défendre des positions au niveau européen. Il faut aussi que la France dispose, pour être à la hauteur d’elle-même, de procédures d’asile qui soient efficaces, rationnelles, réactives et conformes aux standards européens. Tel est donc l’objet du projet de loi qui vous est soumis ; ce texte constitue ainsi l’une des réponses que nous devons apporter à la situation migratoire, dont l’actualité souligne la gravité.

Avant d’entrer dans le détail du texte, je veux rappeler l’esprit dans lequel celui-ci a été rédigé. Il est le fruit d’une large concertation et d’un diagnostic étayé. Si l’on veut traiter d’un droit aussi complexe et aussi fondamental que le droit d’asile, il faut en effet prendre le temps de l’écoute et de la concertation.

C’est ce que Manuel Valls a fait en veillant à associer à notre démarche des parlementaires tant de la majorité que de l’opposition, comme votre collègue Valérie Létard. La République, c’est aussi cela : prendre le temps de partager un diagnostic, en sortant des postures politiques, pour bâtir des réformes.

C’est sur ces fondements que les travaux du Parlement ont eu lieu. Si je regrette que la commission mixte paritaire n’ait pas abouti, je veux toutefois souligner les convergences très fortes existant entre députés et sénateurs, à la fois sur le constat et sur les objectifs de la réforme de l’asile.

Le constat, c’est l’embolie de notre système d’asile et l’existence de régions en tension accueillant la majorité des demandes d’asile.

Je développerai plus précisément les objectifs de la réforme.

Premier objectif, nous entendons réduire la durée totale de l’examen d’une demande d’asile à neuf mois en moyenne. À l’heure actuelle, celle-ci peut en effet facilement excéder deux ans, contre moins d’un an en moyenne chez nos voisins européens. Or des procédures trop longues non seulement freinent l’accès au statut de réfugié pour les demandeurs fondés à l’obtenir, mais encore rendent notre dispositif plus vulnérable aux tentatives de détournement à des fins d’immigration irrégulière. La priorité est donc de réduire les délais à toutes les étapes de la procédure !

Voilà pourquoi l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, juridiction spécialisée maintenue et même renforcée par ce texte, seront dotées en 2015 d’importants moyens humains supplémentaires : cinquante-cinq équivalents temps plein additionnels ont été octroyés à l’OFPRA et sont d’ores et déjà recrutés. C’est un effort exceptionnel qu’a consenti le Gouvernement et qui a été encore amplifié par le récent plan présenté par Bernard Cazeneuve et Sylvia Pinel, selon lequel de nouveaux recrutements auront lieu avant la fin de l’année 2015.

De tels renforts permettront à l’OFPRA d’accélérer dès 2016 ses procédures, pour limiter à trois mois la durée moyenne d’examen d’une demande d’asile. Quant à la CNDA, elle bénéficiera d’un renfort de magistrats et de rapporteurs, afin de pouvoir examiner en moins de cinq semaines les demandes en procédure accélérée et en moins de cinq mois les demandes en procédure normale.

Nous devons également simplifier nos procédures d’asile en amont. Les délais d’enregistrement des demandes par les préfectures sont beaucoup trop longs. Ils doivent être ramenés à trois jours grâce à la création de guichets uniques de l’accueil du demandeur d’asile, guichets qui regrouperont sur un même site les agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, et des préfectures. Ces guichets s’ouvriront de manière progressive sur l’ensemble du territoire au cours de l’année 2015 et leur création s’accompagnera de la mise en place d’un nouveau système d’information unifié.

Enfin, nous devons savoir distinguer entre les demandes d’asile qui méritent un examen approfondi et celles pour lesquelles la réponse semble évidente et qui peuvent donc être traitées plus rapidement.

C’est aussi de cette façon que nous réduirons les délais de procédure, car l’OFPRA sait traiter rapidement des demandes qui sont manifestement fondées, telles que celles des Syriens ou des chrétiens d’Irak. À l’inverse, d’autres demandes ne nécessitent pas un examen approfondi, dans la mesure où elles ne reposent sur aucun motif sérieux.

Pour cette raison, le présent texte réforme les placements en procédure prioritaire, cette dernière devenant la procédure accélérée.

Sur ce point, ce projet de loi réalise deux avancées essentielles. Tout d’abord, il confie à l’OFPRA, qui seule a accès au contenu de la demande, le soin de décider en dernière instance si un dossier doit ou non faire l’objet d’une procédure accélérée. Ensuite, il garantit au demandeur d’asile en procédure accélérée les mêmes droits qu’à un demandeur en procédure normale ; sa demande est examinée plus vite, mais ses droits sont intégralement respectés.

Notre deuxième objectif consiste à améliorer l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile. Actuellement, notre système est bien trop inégalitaire et n’honore pas la République. Certains demandeurs sont hébergés en Centre d’accueil pour demandeurs d’asile, ou CADA, et bénéficient donc d’un accompagnement administratif, social et juridique dont chacun loue la qualité ; ce n’est en revanche pas le cas des autres demandeurs – les deux tiers – qui soit sont pris en charge dans des structures d’hébergement d’urgence, soit sont tout simplement livrés à eux-mêmes et survivent tant bien que mal dans des campements de fortune. Cette différence de traitement n’est pas tolérable sur le territoire de la République.

D’ici à 2017, l’hébergement en CADA doit donc devenir la norme et l’hébergement d’urgence, l’exception. Pour ce faire, nous allons augmenter le nombre de places en CADA. Nous en avons déjà créé 4 000 de plus en deux ans et nous avons l’ambition d’en ouvrir encore 8 200 d’ici à l’année prochaine – 4 200 dans le cadre d’un appel à projets lancé par le ministère de l’intérieur il a un mois, auxquelles s’ajoutent 4 000 nouvelles places prévues par le plan, que je mentionnais précédemment, présenté par Bernard Cazeneuve et Sylvia Pinel.

L’effort de l’État n’a jamais été aussi fort pour garantir un accueil digne des demandeurs d’asile ; cela représente un accroissement du parc de 50 % par rapport à la situation qui prévalait en 2012 !

Nous devons ensuite en finir avec les allocations éclatées dont bénéficient les demandeurs d’asile. L’allocation temporaire d’attente et l’allocation mensuelle de subsistance seront fondues en une allocation unique, qui prendra en compte la situation familiale de chaque demandeur.

Enfin, nous allons mettre en place un véritable hébergement directif. Comme vous le savez, l’accueil des demandeurs d’asile dans nos territoires peut être difficile à administrer lorsqu’un trop grand nombre d’entre eux converge en même temps vers une même ville.

Aujourd’hui, deux territoires, la région parisienne et la région lyonnaise, chère au rapporteur François-Noël Buffet, concentrent plus de la moitié des demandes – sans parler des difficultés rencontrées dans d’autres régions, que je n’ignore pas. Or c’est la République qui offre l’asile à ceux qui en ont besoin, et non tel ou tel territoire.

Par conséquent, afin de mieux répartir l’effort, nous prévoyons de mettre en place une orientation directive des demandeurs. Concrètement, le versement d’une allocation dépendra de la sollicitation, puis de l’acceptation d’un hébergement. Si un demandeur ne souhaite pas bénéficier des conditions d’accueil prévues par la République, ou s’il ne souhaite pas aller là où une place est disponible pour le recevoir, il aura naturellement droit à un examen de sa demande d’asile. En revanche, il ne pourra bénéficier de l’hébergement ni des allocations prévues.

Enfin, le troisième objectif de cette réforme consiste à renforcer les droits des demandeurs d’asile, dans un souci d’égalité et de juste transposition des normes européennes.

Ainsi, le demandeur d’asile pourra bénéficier d’un conseil de son choix à l’OFPRA.

Les demandeurs d’asile en situation de vulnérabilité pourront également bénéficier d’un examen et d’une prise en charge adaptés à leur situation. Je fais bien sûr référence aux mineurs, mais aussi aux femmes victimes, en tant que femmes, des pires atrocités. Pensons notamment aux viols de guerre – aux viols comme arme de guerre –, qui, depuis le début de la guerre civile en Syrie, ont détruit la vie de nombreuses femmes, et ainsi brisé des communautés entières.

Enfin, la loi permettra à tous les demandeurs d’asile de bénéficier, pendant l’examen de leur demande, d’un droit au maintien sur le territoire leur garantissant l’accès à l’ensemble des droits qui, aujourd’hui, ne sont reconnus qu’aux demandeurs en procédure normale.

Je sais que ces objectifs sont très largement partagés sur les travées de cet hémicycle ; je crois pouvoir en effet affirmer qu’il y a eu entre les deux chambres un accord sur l’essentiel et des désaccords tactiques sur le reste, d’où l’échec de la commission mixte paritaire. Je sais donc que vous êtes, en grande majorité, attachés à cette réforme.

À cet égard, je veux rendre hommage à l’esprit tout à fait constructif qui a prévalu lors de ces débats ; je formule le vœu que celui d’aujourd’hui le soit aussi et témoigne de la même ambition pour notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’observe d’ailleurs que votre commission n’a pas rétabli l’ensemble du texte que vous aviez adopté en première lecture, même si elle a choisi de réintroduire les dispositions qui vous tiennent à cœur ; ainsi en va-t-il de la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, qui, dans une version différente de celle de l’Assemblée nationale, répond aux préoccupations du Gouvernement.

Vous avez par ailleurs remis en cause l’amendement du Gouvernement, adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale, relatif aux délais de demande de l’aide juridictionnelle. Si j’en crois l’exposé de votre amendement, vous craigniez en effet que cela réduise l’accès à cette aide. Je veux vous rassurer sur ce point : cela n’est en aucun cas l’objet de cette mesure, l’accès à cette aide demeure de droit. Il s’agissait simplement d’une mesure technique permettant d’éviter les délais supplémentaires que pouvaient susciter des demandes tardives d’aide juridictionnelle.

En outre, vous avez rétabli la mention symbolique d’un délai de trois mois pour la décision de l’OFPRA. Vous connaissez l’avis du Gouvernement sur cette mesure, qui n’a pas réellement d’effet juridique, mais qui semble souligner que tous les dossiers, toutes les demandes se valent.

Or telle n’est pas la vérité. En procédure normale, certains dossiers nécessitent une analyse approfondie, parce qu’ils sont complexes, voire très complexes. Laisser symboliquement à l’OFPRA la possibilité de prolonger au-delà de trois mois ses délais d’instruction, c’est tout simplement reconnaître qu’accorder ou refuser le droit d’asile est une question sérieuse, qui peut nécessiter un examen approfondi et du temps. Le Gouvernement préfère, pour sa part, en rester à la notion de « délai moyen de trois mois ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous présentera trois amendements, dont je souhaite vous indiquer succinctement le contenu.

Deux d’entre eux sont des amendements de précision. L’un vise la date d’entrée en vigueur des différentes mesures que contient le projet de loi. Comme vous le savez, certaines de ces mesures transposent une directive qui sera d’effet direct dans les jours qui viennent, tandis que d’autres nécessitent un délai technique pour permettre leur mise en œuvre pleine et entière et l’adoption des dispositions réglementaires indispensables. Notre objectif, c’est d’aller aussi vite que possible, c’est-à-dire faire en sorte que l’ensemble de la réforme soit effectif avant la fin de l’année, intégrer nos exigences européennes et avoir un système efficace.

Le troisième amendement vise l’affectation de magistrats administratifs professionnels à la CNDA. Le Gouvernement, après échange avec le Conseil d’État, a estimé que la modernisation de l’action de la CNDA, que le texte conforte dans ses compétences, supposait de permettre aux magistrats administratifs d’occuper les fonctions de président de section et de président de chambre, sans que cette affectation soit limitée à une durée de six ans, afin d’avoir des juges plus forts, une cour plus forte et un système d’asile plus fiable encore.

Tel est l’objet de l’amendement du Gouvernement. Si celui-ci n'était pas adopté, les onze juges professionnels actuellement affectés à la CNDA devraient être remplacés au 31 décembre 2015, ce qui rendrait plus difficile le travail de la Cour pour intégrer la réforme.

J’espère que ces amendements seront votés par le Sénat, de manière à figurer dans le texte qui fera l’objet de la lecture définitive à l’Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, alors que le Sénat entame l’examen de ce texte en nouvelle lecture, je veux souligner les contributions qui nous viennent de l’ensemble des groupes.

Je pense notamment au travail qu’ont effectué le rapporteur, M. François-Noël Buffet, sous l’autorité du président de la commission des lois, M. Philippe Bas, le rapporteur pour avis, M. Roger Karoutchi, ainsi que les sénateurs Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Sueur et Catherine Tasca, pour le groupe socialiste. Je pense également à la précision et à l’expertise de Mmes Valérie Létard, Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, et Esther Benbassa.

Vous avez tous un regard acéré sur la question de l’asile et je ne doute pas que nos préoccupations se rejoignent à l’occasion de cette nouvelle lecture. Je vous remercie de tout le travail que vous avez réalisé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée est de nouveau amenée à examiner le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile, cette fois en nouvelle lecture, après que la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 10 juin 2015, a constaté qu’elle ne pouvait élaborer un texte commun, en raison de plusieurs désaccords sur les moyens à mettre en œuvre pour préserver le droit d’asile de tout dévoiement et pour assurer l’éloignement des personnes déboutées de leur demande d’asile.

Permettez-moi, à cette occasion, de formuler quelques observations.

Je tiens tout d'abord à signaler que les rapporteurs de chacune des deux chambres, Mme Sandrine Mazetier, pour la commission des lois de l’Assemblée nationale, et moi-même, pour celle du Sénat, ont essayé de rapprocher leurs points de vue. D’ailleurs, Mme Mazetier s’est souvent inspirée de certaines propositions que nous avions émises lors des discussions préalables à la réunion de la commission mixte paritaire ; à de nombreux moments de l’examen du texte en nouvelle lecture, elle a appelé ses collègues députés à adopter, parfois de manière conforme, des dispositions introduites ou modifiées par le Sénat en première lecture.

Souhaitant poursuivre cette démarche, que nous voulions constructive, notre commission des lois a pris acte, lors de l’établissement de son texte, des points d’accord sur lesquels les deux rapporteurs avaient pu s’entendre. Elle a, par ailleurs, adopté des amendements susceptibles d’être repris par l’Assemblée nationale lors de sa lecture définitive, afin d’améliorer encore certains dispositifs.

Cependant, nous n’avons pas renoncé à certaines dispositions qui nous paraissent indispensables à la réussite de la réforme du droit d’asile : en effet, pour atteindre l’objectif d’un traitement plus rapide des demandes, le législateur ne peut faire l’économie de mesures à même de décourager les tentatives de détournement de la procédure d’asile à d’autres fins.

Je veux tout d'abord rappeler que des efforts conjugués ont permis des avancées.

Ainsi, cinq articles ont été adoptés de manière conforme avant la réunion de la commission mixte paritaire et six après celle-ci – il s’agit des articles 1er bis, 6 bis, 9 B, 14 ter – il est important –, 16 ter et 19 bis.

J’insiste sur l’article 14 ter, qui concerne l’obligation de quitter le territoire national. Je rappelle que le Sénat, en première lecture, avait souhaité que, lorsqu’une décision négative définitive de l’OFPRA ou de la CNDA était rendue, celle-ci valût obligation de quitter le territoire national. L’Assemblée nationale ne nous a pas suivis sur ce point.

Toutefois, au Sénat, le Gouvernement, en première lecture, a déposé un amendement, qui tend à inscrire dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, la faculté de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l’encontre d’une personne déboutée d’une demande ou ne bénéficiant pas du droit de se maintenir sur le territoire durant l’examen de son recours devant la CNDA.

Cet amendement a été voté par le Sénat et il a également été adopté conforme par l’Assemblée nationale à l’occasion de la nouvelle lecture. Il convient de le noter, car c’est à la faveur des débats que nous avons menés ici sur l’obligation de quitter le territoire national que le Gouvernement s’est finalement rapproché de la position de la majorité sénatoriale, permettant une avancée qui ne figurait pas dans le texte initial.

Cette avancée n’est sans doute pas suffisante : nous aurions aimé aller plus loin, notamment sur les délais dans lesquels cette décision peut être prise. À cet égard, il me semble que nous devrons saisir l’occasion du texte relatif au droit des étrangers en France, qui sera examiné par notre assemblée au mois de septembre prochain, pour compléter ce dispositif.

En tout état de cause, je veux insister sur le rôle incontestable qu’a joué la majorité sénatoriale dans cette avancée, conjointement avec le Gouvernement – je le dis bien volontiers.

En nouvelle lecture, d’autres parties du texte ont été adoptées par notre commission, dans leur rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Il s’agit des articles 4, 4 bis, 5, 7 bis, 18 et 19 ter, ainsi que des articles 12, 16, 19, 20 et 21, ces derniers comportant des modifications qui nous paraissaient intéressantes et méritant d’être conservées.

Restent et persistent des points de désaccord. Sur quatorze articles votés par le Sénat en première lecture, il n'est pas apparu possible de faire converger les points de vue avec nos collègues de l’Assemblée nationale. Je pense, en particulier, à la nature de la compétence de l’OFII et de l’OFPRA. Sans entrer dans le détail, je rappelle que nous avons débattu très longuement de ce sujet, notamment de la conséquence juridique des qualifications données aux faits par ces organismes, notamment par l’OFPRA. Ce sujet nous paraît extrêmement important.

En clair, si l’OFPRA a toute latitude pour apprécier la vérité des faits dans l’instruction des demandes d’asile, ce qui implique une appréciation de caractère subjectif, le Sénat estime qu’il doit avoir compétence liée dans les décisions qui tirent les conséquences des constats qu’il établit. Or le texte prévoit que l’OFPRA peut décider d’accorder ou de rejeter les demandes d’asile, quand nous estimons qu’il ne doit pouvoir que rejeter la demande si les conditions pour bénéficier de la protection ne sont pas remplies.

La participation de parlementaires à des organismes extérieurs au Parlement pose également problème. Le Gouvernement souhaite que davantage de parlementaires siègent dans ces organismes, donc à l’OFPRA ou à la CNDA. Contrairement au Gouvernement, nous considérons que les parlementaires sont d'ores et déjà très occupés et qu’il ne serait pas satisfaisant de les nommer dans des organismes où ils pourraient ne pas siéger effectivement.

Enfin, nous sommes en désaccord sur l’encadrement des procédures, en particulier sur l’inscription dans la loi du délai de trois mois imparti à l’OFPRA pour statuer sur une demande d’asile en procédure normale et sur la faculté, pour celui-ci, de clôturer l’examen d’une demande d’asile en cas d’abandon de son hébergement par un demandeur d’asile.

En outre, nous regrettons de n’avoir pas été suivis, en première lecture, sur la création de centres de retour, introduite dans le texte de la commission sur l’initiative de notre collègue Valérie Létard. La commission des lois a décidé de proposer à nouveau la création de ce dispositif à l’article 14 bis.

Un autre désaccord porte sur l’article 19 quater, qui retranscrit dans les textes la jurisprudence du Conseil d’État en matière d’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence pour les déboutés du droit d’asile.

Voilà dans quelles circonstances la Haute Assemblée est amenée à examiner de nouveau ce texte en nouvelle lecture.

Nous aurons à examiner trente-deux amendements. Une partie d’entre eux sont des amendements rédactionnels ou de coordination – il en va ainsi notamment des amendements du Gouvernement. D’autres visent à rétablir ce que le Sénat avait voté avant la réunion de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne vous le cache pas : je trouve que le texte que nous avons à examiner en nouvelle lecture est meilleur que celui qui nous avait été soumis en première lecture. Il est vrai que – contre toute attente, si je puis dire – l’Assemblée nationale n’a finalement pas remis en cause un certain nombre d’améliorations que la Haute Assemblée avait apportées au texte.

En ma qualité de rapporteur pour avis de la commission des finances, je pense notamment à un certain nombre de mesures financières, en particulier à la possibilité de solliciter une participation financière des demandeurs d’asile dans les lieux d’hébergement, à l’ajout d’un délai précis à partir de l’entrée sur le territoire français pour que le dépôt d’une demande d’asile ouvre droit à l’allocation, à la possibilité de suspendre l’allocation et l’hébergement en cas de comportement violent, à la création d’un véritable statut des centres provisoires d’hébergement, les CPH.

Il y a encore un peu de chemin à parcourir, madame la secrétaire d'État, sur la distinction entre les demandeurs et les déboutés du droit d’asile, ainsi que sur le maintien des seconds en centres d’accueil pour demandeurs d’asile, ou CADA. Il n'y a pas de raison que les déboutés puissent bloquer des places dans ces centres, quand il n’y en a pas suffisamment – c’est le moins que l’on puisse dire – pour les demandeurs d’asile dont la situation est en cours de traitement !

Par ailleurs – je le dis pour faire plaisir à M. le rapporteur –, j’aurai l’occasion de représenter tout à l'heure un amendement de la commission des finances sur l’entrée sur le marché du travail.

Toutefois, madame la secrétaire d'État, si le texte est meilleur, il n’est, globalement, toujours pas satisfaisant.

Certes, comme j’ai déjà eu l’occasion de le lui dire, je ne doute pas de la volonté du ministre de l’intérieur de faire en sorte que les choses se passent mieux, de manière plus régulière ou encore que les délais d’instruction des dossiers et, par conséquent, de versement de l’allocation soient plus courts.

Ainsi, depuis deux ou trois ans, le Gouvernement a augmenté les effectifs de l’OFPRA et, dans une moindre mesure, ceux de la CNDA. C’est un effort que je reconnais bien volontiers ! Sauf que, en réalité, la hausse du nombre d’agents de l’OFPRA et de la CNDA amenés à traiter les dossiers a été infiniment plus faible que celle du nombre de demandeurs d’asile, lequel a augmenté de 30 %, voire de 40 % en cinq ans ! Dans ces conditions, chaque agent a, par définition, plus de dossiers à traiter.

Par conséquent, prévoir qu’il devra être statué sur la demande d’asile dans un délai de neuf mois à compter de l’introduction de celle-ci est un vœu pieux, d'autant que cette obligation n’est pas assortie de sanction. Que vaut, en droit français, une mesure dont le non-respect n’entraîne pas de conséquences ?

Par conséquent, je crains que nous ne raccourcissions pas les délais, et cela d’autant plus, madame la secrétaire d’État, que la pression exercée par les événements en Méditerranée est forte. Bien que rien ne soit définitivement conclu, la France est entrée dans un système qui, elle en convient elle-même, n’est pas anormal, la Commission européenne lui demandant d’accepter des quotas supplémentaires. On parle de 7 000 à 10 000 demandeurs d’asile supplémentaires qui seraient pris en charge par la France dans les deux années qui viennent.

Cela signifie autant de demandeurs d’asile supplémentaires – en plus de ceux qui ont été traités cette année –, ainsi que, évidemment, des délais d’instruction encore plus longs. Or, quel que soit l’effort pour en construire de nouvelles, le nombre de places en CADA restera de 24 000 ou 25 000 pour 65 000 ou 70 000 demandeurs d’asile.

On est dans un système fou ! On crée des postes, mais, par définition, ils ne sont pas assez nombreux pour permettre une accélération des délais. On verse des allocations, mais on ne sait pas à quel niveau s’arrêter, faute de connaître le nombre de demandeurs d’asile qu’on aura à traiter.

Je comprends le ministre de l’intérieur, qui dit que les critères de la demande d’asile sont objectifs et qui, à partir de là, demande ce que l’on peut faire. Effectivement, c’est une bonne question ! Est-ce qu’on se laisse aller jusqu’à la situation allemande ? Dans ce pays, il y a 300 000 ou 400 000 demandes d’asile et il a fallu réquisitionner des casernes, des écoles… Allons-nous choisir de nous mettre dans cette situation ? Ou allons-nous, pour trouver des solutions, utiliser la liste des pays d’origine ou réfléchir sur les critères fixés ?

Il a été proposé – je comprends que cela fasse débat – de faire en sorte que les centres à partir desquels sont étudiées les demandes d’asile soient situés dans les pays de départ plutôt que sur le territoire du pays d’arrivée.

On le sait, madame la secrétaire d’État, l’élément essentiel, c’est que l’on va avoir, globalement, 15 000 acceptations. On le sait aussi, sur les quelque 50 000 déboutés du droit d’asile, on va, au mieux – les meilleures années ! – en raccompagner entre 5 000 et 10 000 aux frontières. On sait donc que nous fabriquons nous-mêmes systématiquement, tous les ans, quelque 40 000 sans-papiers.

Comment les traiter ? Comment faire ? Comment travailler sur le sujet ? La réalité, tous les Français en sont conscients, c’est qu’il y a aujourd’hui une rupture dans la société. Le problème n’est pas que celle-ci s’inquiète au-delà de la mesure – encore que –, c’est qu’elle ne dispose pas d’éléments concrets, cadrés, à partir desquels elle pourrait avoir des certitudes.

Ce qui manque à la société française en ce qui concerne les mouvements migratoires comme le droit d’asile, c’est une définition de ce qui est sûr. Elle a besoin de connaître les règles applicables et les conditions de traitement des dossiers.

Ce n’est pas en annonçant que vous allez évacuer un ou deux camps ici ou là, alors qu’il n’existe pas de structure supplémentaire et que l’on apprend, en parallèle, que l’Europe va accepter 9 000 à 10 000 demandeurs d’asile supplémentaires, que vous allez rassurer les Français !

Je le dis sincèrement, le ministre de l’intérieur a une bonne perception des choses. Il a une vision, laquelle consiste à vouloir réduire le délai de l’instruction, ce qui est, en réalité, la seule solution. Sauf que nous sommes démunis par rapport à l’augmentation du nombre des dossiers. On joue sur les mots : certains pays ayant été radiés de la liste, le nombre de demandes a certes baissé sur un an, mais de façon tout à fait conjoncturelle. En réalité, le nombre de demandes reprend à la hausse. De ce fait, comme les effectifs affectés au traitement des dossiers n’augmentent pas, les délais d’instruction continueront d’être très longs, d’autant que le texte a ajouté un certain nombre de capacités de recours.

Madame la secrétaire d’État, c’est simple : les Français vous jugeront sur pièces. Allez-vous consacrer les moyens suffisants pour permettre le raccompagnement des personnes aux frontières ?

Ce texte, qui devait, à l’origine, être relatif à l’immigration, est devenu – je le regrette infiniment – un texte sur « le droit des étrangers », ce qui ne veut strictement rien dire ! Faut-il comprendre que cet intitulé va permettre d’attribuer un certificat de travail à un ingénieur américain venu en France ? Ce n’est évidemment pas le sujet !

Il fallait lier le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile et le texte sur l’immigration, afin de définir des solutions globales et acceptables pour l’ensemble de la République et la représentation nationale. On n’a pas voulu le faire, ce qui va, à mon sens, nous conduire à des désagréments assez lourds, surtout compte tenu de la situation générale.

En tout cas, je constate que le texte lui-même comporte des avancées. Tout à l’heure, je présenterai à nouveau, au nom de la commission des finances, un amendement ô combien important sur l’entrée dans le marché du travail. Sauf erreur de ma part, sauf à avoir mal lu les chiffres, les statistiques du chômage continuent d’augmenter. Si on m’explique que le marché du travail est plus souple et plus ouvert pour les demandeurs d’asile dont la situation n’a pas encore été traitée, il faudra m’expliquer où ils trouvent des emplois ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)