Mme Evelyne Yonnet. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse très précise.

Je vous remercie également de porter un intérêt à ce lieu assez extraordinaire, d’apaiser les craintes des acteurs locaux et des habitants, à qui je transmettrai bien évidemment votre réponse, et d’avoir réfléchi à une concertation très large, comme les habitants et les élus locaux en formaient le vœu.

port de gilets de haute visibilité pour les élèves usagers de transports scolaires

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 1203, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Nicole Bonnefoy. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur l’importance de généraliser le port de gilets de haute visibilité aux élèves usagers de transports scolaires.

Le décret du 7 mai 2015 étend aux conducteurs de véhicules motorisés à deux ou trois roues l’obligation de détenir un gilet de haute visibilité. À partir du 1er janvier 2016, ces conducteurs auront la même obligation que les automobilistes depuis 2008, laquelle obligation a permis à ces derniers d’améliorer fortement leur visibilité dans les situations d’arrêt d’urgence.

Il conviendrait de compléter ces dispositifs réglementaires en systématisant le port de gilets de haute visibilité ou de bandes réfléchissantes pour les élèves empruntant les transports scolaires, afin d’accroître leur visibilité lors de leurs déplacements piétons, de leur domicile aux transports scolaires et des transports scolaires à leur établissement.

En effet, sans aucun équipement rétro-réfléchissant, un enfant n’est visible en moyenne par un automobiliste qu’à partir de 30 mètres, alors qu’il est visible en moyenne à plus de 150 mètres lorsqu’il en est équipé. Or il faut au minimum 25 mètres à un véhicule roulant à 50 kilomètres à l’heure pour s’arrêter, et près de 40 mètres sur une route humide. Ces distances s’élèvent à plus de 80 mètres, voire à 120 mètres sur une route humide, lorsque les véhicules circulent à 90 kilomètres à l’heure.

Cette mesure de sécurité serait particulièrement utile pour prévenir les accidents en rase campagne et en période hivernale, contextes dans lesquels le risque d’accident est bien évidemment fortement accru.

Plusieurs départements ont déjà pris des initiatives en ce sens. Alors que le dernier bilan de la sécurité routière fait état d’une hausse des blessures et de la mortalité sur nos routes, il conviendrait de généraliser une telle mesure. Celle-ci constituerait un signal fort adressé à la jeunesse sur l’ensemble du territoire national et serait pleinement cohérente avec le plan d’action volontariste présenté par le Gouvernement en janvier 2015 en vue de combattre l’accidentalité routière sous toutes ses formes.

Le Gouvernement a-t-il la volonté de généraliser ce dispositif ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Madame la sénatrice, pour commencer, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur.

Vous évoquez un sujet hautement important et qui nous concerne tous. En 2014, quelque 112 enfants de moins de 14 ans sont décédés sur les routes, soit 3 % des morts sur la route. Parmi ces décès, 20 sont survenus alors que les enfants circulaient à pied et 5 lors du trajet entre le domicile et école, notamment à proximité des points d’arrêt des bus.

Le transport scolaire reste cependant le moyen le plus sûr pour se rendre à l’école. Les accidents graves n’arrivent que très rarement en circulation. Ils surviennent plutôt au moment de la montée ou de la descente du véhicule au point d’arrêt. Les zones rurales, notamment, n’offrent pas toujours un trottoir ou une bande de cheminement clairement matérialisé.

Lors des déplacements pédestres de groupes d’élèves sous la responsabilité de leurs enseignants ou d’adultes référents sur le temps scolaire, de nombreuses écoles imposent le port d’un gilet, afin que les élèves soient repérables et identifiables facilement. Le gilet porte en plus des éléments d’identification personnelle des élèves.

Ces initiatives contribuent indéniablement à accroître la sécurité routière, plus particulièrement celle des enfants au bord des routes. Elles doivent donc être encouragées. C’est par la sensibilisation et l’éducation que nous réduirons encore le nombre d’enfants accidentés. C’est pourquoi il s’agit d’un axe fort du plan de lutte contre l’insécurité routière annoncé par le ministre de l’intérieur le 26 janvier dernier.

L’éducation à la sécurité routière, à l’école et au collège, est un moyen efficace pour informer les plus jeunes sur les bons comportements et les règles de sécurité élémentaires. À compter de cette rentrée scolaire, nous avons introduit aussi une demi-journée de sensibilisation dans les lycées. Le port d’éléments de visibilité rétro-réfléchissants ou fluorescents sur les vêtements, sur le cartable ou sur des brassards, fait partie de ces différentes sensibilisations.

L’examen de l’attestation scolaire de sécurité routière, que tous les élèves passent en classes de cinquième et de troisième, comporte des questions sur ce thème. La sensibilisation est assurée dans le cadre de la préparation à ces examens et, pour les plus jeunes, dans le cadre de la préparation à l’attestation de première éducation à la route réalisée à l’école primaire.

La mortalité routière frappant les enfants est en net recul : elle a diminué de 64,6 % entre 2000 et 2010 et de 14 % entre 2010 et 2014. Cette baisse a surtout concerné les enfants passagers, grâce au système de retenue utilisé sur les grands trajets. Il n’en reste pas moins que chaque décès constitue un drame pour les familles et que nous devons poursuivre collectivement nos efforts, en particulier pour éduquer les enfants aux bons comportements face aux dangers de la route.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

J’ai bien noté que le Gouvernement encourage les initiatives en matière de sensibilisation et d’éducation des enfants à ces questions. Toutefois, je regrette tout de même qu’il n’ait pas la volonté de compléter son plan d’action national en y inscrivant l’obligation que je propose et qu’il laisse, de ce fait, les collectivités locales et les enseignants prendre des initiatives.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

Présidence de M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Intitulé du projet de loi (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au droit des étrangers en France
Explications de vote sur l'ensemble

Droit des étrangers en France

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif au droit des étrangers en France
Ouverture du scrutin public

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote solennel par scrutin public sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France (projet n° 655 [2014–2015], texte de la commission n° 717 [2014–2015], rapport n° 716 [2014-2015], avis n° 2).

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Explications de vote sur l’ensemble

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à M. Michel Mercier, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Catherine Troendlé ainsi que MM. Jacques Legendre et Michel Forissier applaudissent également.)

M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, nous voici à la fin du débat, qui nous a d'ailleurs peu occupés, sur cette énième loi chargée de régler la question du droit des étrangers en France.

Lors de la discussion générale, nous nous étions interrogés sur la nécessité d’édicter une nouvelle loi, M. le ministre de l’intérieur nous ayant expliqué qu’il réussissait si bien avec la loi actuelle, nous comprenions mal pourquoi il en fallait une nouvelle. Je dois dire que la discussion ne nous a pas beaucoup éclairés et que nous nous demandons toujours pourquoi le Gouvernement veut à tout prix une nouvelle loi.

Peut-être pourrez-vous nous renseigner, monsieur le secrétaire d'État, puisque nous n’avons pas pu obtenir de réponse de la part du ministre de l’intérieur.

M. Philippe Dallier. Il serait temps ! (Sourires.)

M. Michel Mercier. Nous sommes prêts à vous écouter sur ce sujet, d’autant plus que l’INSEE a publié ce matin une étude extrêmement intéressante montrant une très grande stabilité du flux migratoire dans notre pays s’agissant de l’immigration régulière.

Je rappelle à tous que l’on ne traite bien entendu dans la loi que de l’immigration régulière. L’immigration irrégulière est hors la loi et l’on ne peut pas la traiter, sauf par des mesures spécifiques, mais tel n’est pas l’objet du présent projet de loi, puisqu’il a fallu que le Sénat en modifie l’intitulé pour lui trouver une vraie destination,…

M. Claude Bérit-Débat. C’est intempestif !

M. Michel Mercier. … c'est-à-dire mieux lutter contre l’immigration irrégulière.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Exactement !

M. Michel Mercier. S’agissant de l’immigration régulière, tout d’abord, nous connaissons une grande stabilité. Le solde migratoire est même en diminution entre 2006 et 2013. C’est en tout cas ce qui ressort de l’étude de l’INSEE. Ce n’est bien sûr pas ce que ressentent nos concitoyens.

Mme Éliane Assassi. L’extrême droite !

M. Michel Mercier. Je ne sais pas si cela doit vous rassurer, madame Assassi. Je pense au contraire que cela devrait vous inquiéter, comme cela peut nous inquiéter tous.

M. Éric Doligé. Exactement !

M. Michel Mercier. En effet, si nos concitoyens ont un autre ressenti que celui qu’ils devraient avoir de l’immigration régulière, c’est qu’il existe d’autres phénomènes, en quelque sorte endémiques, que le législateur ne traite pas, qui reviennent régulièrement et expliquent probablement que nous en soyons à la vingt-troisième loi sur le droit des étrangers à séjourner en France depuis trente-cinq ans.

Devant ce texte qui, comme l’a souligné le rapporteur lors de sa présentation initiale, ne bouleversait rien du droit actuel, quelle pouvait être l’attitude du Sénat, en tous les cas de sa majorité ? L’attitude la plus simple, la plus logique qui soit : puisque le ministre obtenait de bons résultats avec le droit actuel, il suffisait de ne pas le bouleverser et éventuellement de le renforcer lorsque cela était nécessaire. C’est ce à quoi s’est livré le Sénat lors de la discussion.

Sur un certain nombre de points – je ne reviendrai pas en détail sur le texte lui-même –, nous avons simplement maintenu le droit actuel, supprimé les automatismes qui avaient pour objet de rendre plus fluide ou plus facile le droit de rester en France. Par exemple, chaque fois qu’il y avait une mesure de plein droit, nous avons souhaité que l’autorité administrative, le préfet, puisse conserver son droit d’appréciation de la situation de telle façon qu’un vrai contrôle s’exerce sur l’immigration régulière dans notre pays.

Le groupe centriste a soutenu cette vision du texte présentée par le rapporteur et la commission des lois, et je crois que nous avons bien fait.

Nous avons accepté un certain nombre de mesures qui pouvaient paraître nouvelles, comme le titre de séjour pluriannuel pour les migrants détenant un travail fixé par un contrat à durée déterminée ou indéterminée, ou encore pour les étudiants en master. Sinon, il est normal, chaque année, de devoir prouver à l’administration de l’État que l’on est toujours en situation d’immigration régulière.

Un débat nous a retenus assez longuement pour savoir quels étaient les droits du Parlement face à l’immigration régulière. Nous sommes d’accord avec le principe adopté par le Sénat, même si nous en avons discuté les modalités : nous pensons que le Parlement est fondé à fixer des niveaux pour chaque type d’immigration lorsqu’il s’agit d’immigration économique. Le droit au regroupement familial, soit stricto sensu tel qu’il a été mis en place par le décret Durafour-Chirac sous le mandat de M. Giscard d’Estaing, soit en cas de mariage afin de pouvoir vivre avec son conjoint, doit être préservé. Sinon, s’agissant de l’immigration économique, très naturellement, le Parlement, analysant la situation économique du pays, peut fixer des niveaux d’immigration. C’est ce qui est prévu dans le texte que nous a présenté la commission, amendé par le Sénat, que nous approuverons dans quelques instants.

Monsieur le secrétaire d'État, pour conclure très brièvement, cette loi n’est probablement pas la dernière d’une longue série. Pour bien faire, un jour, il faudrait éviter que chaque nouvelle majorité ne présente une loi sur le droit des étrangers à résider en France. La recherche d’un large accord au sein du Parlement serait certainement de meilleur augure. En effet, si l’on cherche bien, la seule motivation qui vous a poussés à déposer ce texte, c’est, alors qu’il s’agit des mêmes droits, de mentionner un autre auteur que celui de la loi de 2011, et c’est un peu court comme justification pour modifier la législation ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe CRC.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, devenu projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration, le texte sur lequel nous allons nous prononcer, récrit par la droite sénatoriale, vient considérablement réduire les droits des étrangers.

Dans la continuité des réformes passées, le Gouvernement a, quant à lui, souhaité maintenir l’inversion de la logique d’intégration, affirmant que les personnes étrangères ont besoin de droits pour s’intégrer, et non de s’intégrer pour mériter des droits.

Ainsi, les pourfendeurs de la loi Besson de 2011 ont laissé place à son parachèvement. Si certains ont affirmé avec raison que « la droite sénatoriale court après l’extrême droite, en amalgamant réfugiés et immigrés (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) et en voulant faire des étrangers des boucs émissaires »,…

M. Alain Fouché. Comment osez-vous ?

Mme Éliane Assassi. … il ne faut pas manquer de relever que cette même droite sénatoriale se trouve elle aussi courtisée par la gauche gouvernementale, dans un dangereux glissement des sensibilités politiques qui pourrait, à en croire la presse de ce week-end, virer au cauchemar si celles et ceux qui se disent prêts à voter en faveur de l’extrême droite en 2017 n’en étaient pas dissuadés d’ici là. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Funeste prédiction qui devrait mettre en garde ceux qui, à gauche, continuent à jouer sur le terrain de la droite et, à droite, sur celui de l’extrême droite (Même mouvement.),…

M. François Grosdidier. Parlez-nous de la loi !

Mme Éliane Assassi. … car, comme chacun le sait, mes chers collègues, les gens préfèrent toujours l’original à la copie.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, à la veille des élections régionales, alors que le Front national distille son poison xénophobe dans les esprits troublés de nos concitoyens, il aurait peut-être été judicieux, à défaut de reporter l’examen d’un tel texte, d’être davantage attentif aux propositions qui s’élevaient sur votre gauche et qui auraient pu garantir un minimum de stabilité et de droits effectifs aux ressortissants étrangers dans notre pays, telles que le principe d’une durée de validité de quatre ans de la carte de séjour pluriannuelle, la suppression du dispositif de contrôle des préfets tout à fait disproportionné ou a minima son encadrement par la saisine obligatoire de la commission départementale du titre de séjour, le maintien du dispositif d’évaluation médicale aux médecins des agences régionales de santé, ou ARS, la mise en conformité du droit outre-mer avec notre droit commun, notamment pour mettre fin aux discriminations inacceptables en matière de droits aux recours, l’assignation à résidence comme réelle alternative à la rétention, ou encore l’interdiction formelle de rétention des mineurs isolés ou de familles comprenant un ou plusieurs enfants mineurs, sans que cette prohibition souffre d’aucune exception.

Hélas, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, aucune de ces propositions n’a été retenue !

En revanche, sur la base d’un texte peu humaniste, la droite sénatoriale a eu tout le loisir de durcir notre droit en matière d’immigration.

La délivrance du titre de séjour pluriannuel à géométrie variable du Gouvernement a laissé place à l’ajout par la droite de conditions de délivrance pour en faire l’exception, et maintenir le titre annuel comme principe.

Le contrat d’intégration républicaine a conduit la droite à instaurer une participation des étrangers au financement des formations civiques et linguistiques qu’on les oblige à suivre.

De plus, la délivrance d’un visa de long séjour a été subordonnée à la preuve préalable de la connaissance suffisante de la langue française, à l’adhésion aux valeurs essentielles de la société française et à la capacité à exercer une activité professionnelle ou à assurer son autonomie financière.

Par ailleurs, le transfert des compétences des médecins des ARS aux médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, a été complété par la substitution de l’aide médicale d’État, l’AME, à une aide médicale d’urgence limitée.

Les contrôles administratifs permis par les articles 8, 8 bis A et 25 ont également été renforcés pour « vérifier la réalité de la situation des personnes disposant d’un titre pluriannuel ».

En outre, tous les délais en matière d’éloignement et de recours ont été revus pour permettre des éloignements plus rapides et un droit de recours quasi impossible.

En résumé, le texte que nous sommes amenés à voter n’a plus rien à voir avec le texte initial…

Mme Françoise Férat. Heureusement !

Mme Éliane Assassi. … déjà bien critiquable ; ne demeure qu’un catalogue de mesures hostiles aux étrangers.

L’une de ces mesures hostiles est révélatrice de l’état d’esprit dans lequel s’inscrit ce texte. Il s’agit de la fixation par le Parlement de contingents annuels par catégories d’immigration, hors asile et regroupement familial, mis en place par l’article 1er A.

Bien entendu, le Parlement est le lieu adéquat pour débattre des politiques migratoires. Cependant, que signifie la détermination du nombre d’étrangers admis à s’installer en France ?

Voilà quelques jours, Anicet Le Pors expliquait que « la pratique de l’asile montre qu’il est erroné de distinguer radicalement les demandeurs d’asile et les migrants économiques. Tout comme les demandeurs ont aussi des raisons économiques de fuir leur pays, il existe aussi des exploitations économiques qui relèvent de la persécution ; l’esclavage existe toujours en Mauritanie, par exemple ».

Les auteurs des discours politiques et médiatiques qui s’acharnent à faire la distinction entre les différentes catégories de migrants projettent sur le monde leur propre vision.

Comme l’exprime le sociologue Christian de Montlibert, le choix ayant toujours pour corollaire l’élimination, on différencie aujourd’hui les bons réfugiés des migrants jugés plus dangereux, tout comme on séparait autrefois les « bons pauvres » des forains étrangers, bons pour les galères.

J’aimerais rappeler encore une fois, à ceux qui pensent que les motivations au départ sont « intéressées », que toutes les migrations de populations dépendent de l’ordre économique mondial établi et des rapports politiques entre les États. Cela n’est pas nouveau ! Dans son Projet de paix perpétuelle, Kant stigmatisait déjà la conduite « inhospitalière des États commerçants », qui « allument des guerres entre les différents États ». (Vacarme persistant sur les travées du groupe Les Républicains. – Chut ! sur les travées du groupe CRC.)

Je vous renvoie par ailleurs, mes chers collègues, à l’étude que vient de publier l’INSEE, qui bouscule effectivement des idées reçues sur l’immigration, quelle que soit la nature de celle-ci.

Vous l’aurez compris, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen voteront contre ce texte modifié par la droite sénatoriale. Toutefois, ils auraient également voté contre le projet de loi gouvernemental (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.),…

Un sénateur du groupe Les Républicains. Très bien !

Mme Éliane Assassi. … qui ne rompait pas avec les logiques du précédent gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les sénateurs socialistes avaient l’espoir que notre Haute Assemblée serait en mesure d’avoir un débat dépassionné et constructif sur le droit des étrangers en France.

M. Philippe Leroy. Ça a été le cas !

M. Philippe Kaltenbach. C’était notre état d’esprit avant d’aborder un projet porté par le Gouvernement, projet à la fois équilibré et pragmatique.

En effet, il permettait d’améliorer les conditions d’accueil de celles et ceux qui sont en situation régulière, de renforcer l’attractivité de la France, tout en luttant plus efficacement contre les filières et l’immigration clandestine.

Toutefois, dès l’examen du projet de loi en commission, nos espoirs ont été déçus, la droite ayant choisi le « détricotage » en règle et les postures politiciennes. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Avant même la discussion, les dés étaient jetés, avec MM. Retailleau et Buffet qui, dans une tribune, affirmaient selon une formule-choc que « François Hollande ouvre grand les vannes de l’immigration » !

M. Alain Fouché. C’est vrai !

M. Philippe Kaltenbach. Après M. Sarkozy et sa « fuite d’eau » pour évoquer l’arrivée de réfugiés en Europe, les élus « Les Républicains » démontrent une nouvelle fois leur goût immodéré pour les métaphores hydrauliques douteuses.

Sous pression, à la veille d’échéances électorales pour lesquelles les enquêtes d’opinion créditent encore l’extrême droite d’une progression, la droite a choisi de dénaturer le texte en commission pour revenir à la loi Besson.

En séance, la droite sénatoriale est allée encore plus loin dans sa course effrénée après le Front national, puisqu’elle a même choisi de durcir cette loi de 2011.

M. Roland Courteau. Effectivement !

M. Philippe Kaltenbach. Elle a réduit le titre pluriannuel de quatre ans, qui formait en réalité le cœur du dispositif voulu par le Gouvernement, à une simple exception. (Mme Sophie Primas s’exclame.)

Elle a même voté l’introduction de quotas,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous nous avez bien lus !

M. Philippe Kaltenbach. … même si cela ne se pratique dans aucun autre État européen, et que la commission réunie par M. Hortefeux en 2008 les avait considérés comme « irréalisables et sans intérêt ». (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Elle a restreint les conditions d’accès au regroupement familial, qui correspond pourtant à l’exercice d’un droit fondamental reconnu par le Conseil constitutionnel, celui de mener une vie familiale normale. Ce regroupement familial ne représente que 10 % des titres de séjour octroyés chaque année.

Elle a limité l’aide médicale d’État et l’a soumise à un forfait. Là encore, on se focalise sur le prétendu coût financier des étrangers et on refuse de débattre du véritable enjeu, la santé publique.

Elle a réduit le délai de départ volontaire à sept jours,…

Un sénateur du groupe Les Républicains. Très bien !

M. Philippe Kaltenbach. … alors que tout le monde sait qu’un tel délai est insuffisant pour garantir un retour effectif et durable… Peu importe si la mesure est en contradiction complète avec l’objectif fixé.

La droite a enfin multiplié les tracasseries et les lourdeurs administratives censées dissuader les étrangers de séjourner en France alors que, dans le même temps, elle prône l’intégration à tout crin…

M. Hubert Falco. N’y a-t-il que la droite dans cet hémicycle ?

M. Philippe Kaltenbach. Pour ma part, je doute que les personnes étrangères interprètent les files d’attente devant les préfectures et la bureaucratie comme un signe de bienvenue !

Mais qu’importe ! Les mesures avancées sont certes inefficaces et irréalistes. Toutefois, pour la droite sénatoriale, seul l’affichage politique compte.

Dans le même temps, les élus socialistes ne sont malheureusement pas parvenus à faire accepter leurs propositions, dont certaines avaient pourtant vocation à réunir les républicains de tous bords.

Vous avez par exemple rejeté notre proposition consistant à refuser d’exclure d’une carte pluriannuelle les victimes de la traite ou du proxénétisme qui ont déposé plainte.

Vous avez également refusé la délivrance de plein droit de l’autorisation provisoire de séjour aux parents d’enfants malades, tout comme le renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire au conjoint de Français victime de violences conjugales et la protection offerte en cas de mariage forcé.

Sur tous ces points, nous n’avons trouvé en face de nous que des postures et une opposition systématique.

À travers ce bilan que nous tirons des trois jours de débats, nous ne pouvons être satisfaits de la teneur des débats. Vous avez choisi de faire de ce texte un tract politique (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

Mme Catherine Troendlé. Absolument pas !

M. Philippe Kaltenbach. ... quand nous voulions traiter au fond les difficultés rencontrées par les étrangers pour s’intégrer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Pour l’ensemble de ces motifs, vous l’aurez compris, le groupe socialiste votera contre ce texte transformé et dénaturé.

M. Philippe Kaltenbach. Ce texte ne fera pas avancer le débat, alors que nous aurions pu et dû avoir, au Sénat, entre républicains, un vrai débat de fond sur le droit des étrangers en France.

Vous êtes même allés jusqu’à changer l’intitulé du projet de loi,…