M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Michelle Demessine. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour que nos services publics sociaux, si précieux en cette période, retrouvent leurs lettres de noblesse ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la sénatrice, vous évoquez un problème bien connu qui, notamment, mais pas exclusivement, a affecté votre région : la surcharge de dossiers en retard en matière de liquidation des retraites. La CARSAT du Nord-Pas-de-Calais a été particulièrement touchée.

Cette situation m’a conduite à engager un certain nombre de mesures, parmi lesquelles l’attribution d’aides d’urgence aux personnes concernées. J’ai annoncé la mise en place d’une garantie de paiement des retraites – c'est-à-dire un droit opposable à la retraite – qui sera effective à partir du 1er janvier prochain pour les dossiers qui ont été déposés depuis le mois de septembre.

C’est la Caisse nationale d’assurance vieillesse qui, en simplifiant les règles de calcul des pensions de retraite, permettra à toute personne partant à la retraite d’être certaine de toucher à la fin du premier mois une somme correspondant approximativement au montant de sa pension.

Vous avez souligné, madame la sénatrice, que cette mesure ne visait pas l’ensemble des régimes. Il est vrai qu’elle concerne d’abord la Caisse nationale d’assurance vieillesse, les premiers régimes de base, le régime social des indépendants puis la Mutualité sociale agricole. Elle a toutefois vocation – c’est en tout cas mon souhait – à être étendue à l’ensemble des régimes de base. J’ai eu l’occasion de l’indiquer, hier, le Gouvernement a pris la décision d’appliquer la règle du droit opposable à la retraite également aux pensions de réversion, même si les situations sont très différentes.

Vous le constatez, la décision annoncée dès hier par le Gouvernement permettra à ces femmes qui ont de très bas revenus, voire aucun, et qui comptent sur la pension de réversion de percevoir cette pension au plus tard dans les quelques semaines suivant l’ouverture de leurs droits.

Le Gouvernement se préoccupe donc, madame la sénatrice, de la situation des retraités et prend les mesures nécessaires pour faire vivre notre système social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

charte européenne des langues régionales

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour le groupe socialiste et républicain.

M. François Marc. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le vote intervenu ce mardi au Sénat sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires a créé une véritable onde de choc dans nos territoires. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

On sait que, depuis 1992, vingt-cinq pays européens ont ratifié cette charte, mais pas la France !

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Et alors ?

M. Hubert Falco. La Méditerranée ne s’est pas retirée !

M. François Marc. Dans ce contexte, par son vote d’obstruction, la droite sénatoriale a causé une énorme déception chez tous les promoteurs de nos cultures et langues régionales, au Pays basque, en Corse, en Occitanie, en Alsace, aux Antilles, en Bretagne et dans de nombreux autres territoires qui, dans leur riche diversité, ont tant apporté à la République une et indivisible.

Nombre de nos concitoyens ne comprennent pas d’où viennent les craintes à l’égard de ce que le Conseil constitutionnel reconnaît déjà comme faisant partie du patrimoine culturel de la nation.

M. François Grosdidier. Nous n’avons jamais dit le contraire !

M. François Marc. Ayons à l’esprit, mes chers collègues, que le Programme des Nations unies pour l’environnement a récemment émis une alerte sur le risque d’extinction de 90 % des langues parlées dans le monde au cours du XXIe siècle.

M. le président. Il vous reste trente secondes, mon cher collègue !

M. François Marc. Chacun doit en convenir, la disparition de notre riche patrimoine linguistique serait une catastrophe qu’il nous faut à tout prix éviter. Nous devons dès lors démontrer notre détermination à agir par des signaux forts, et la promotion des langues régionales dans leur diversité doit pouvoir être soutenue par une République forte, enrichie de toutes nos différences.

M. le président. Veuillez conclure !

M. François Marc. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire quelle analyse vous faites du vote intervenu au Sénat le 27 octobre dernier ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Quelles initiatives comptez-vous prendre pour faire de nos langues régionales un atout culturel qu’il faut encourager ? (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

Mme Nicole Bricq. En catalan ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, oui les langues sont une richesse pour le monde – nous avons tous en tête le rapport des Nations unies – et pour la France. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit avec ironie.)

Notre pays est riche de son histoire, riche de la diversité de ses territoires – que vous représentez, mesdames, messieurs les sénateurs –, riche de ses traditions en métropole, dans les outre-mer, sur tous les continents. Il est riche aussi de son unité ; il n’y a là aucun paradoxe. Vous l’avez dit très justement, monsieur Marc : la République est une et indivisible et elle est aussi diverse. C’est toute sa chance et toute sa force ; il ne faut pas en avoir peur.

Alors oui, je le répète – je l’ai déjà dit hier à l’Assemblée nationale –, je regrette profondément le choix de la majorité sénatoriale de rejeter le projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ou, plus exactement, de refuser même d’en débattre.

Au moment où notre pays a besoin d’écrire une histoire qui reconnaisse précisément toutes les histoires,…

M. Manuel Valls, Premier ministre. … de partager un destin commun,…

M. François Grosdidier. Et un ciment qui est la langue !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … un idéal ambitieux qui fasse place à tous nos concitoyens, je le dis à la majorité sénatoriale – tout en respectant évidemment le vote et les choix de chacun –, je déplore ce choix.

Je l’affirme très sincèrement : je crois que ce choix est une erreur. C’est une erreur politique, car, pour masquer vos propres divisions sur cette question-là – ce sont des choses qui arrivent – (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. François Grosdidier. Vous oubliez les radicaux de gauche !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … vous avez utilisé un artifice de procédure ; vous n’êtes pas les premiers, et vous ne serez pas les derniers à le faire. C’est aussi une erreur, parce que, ce faisant, vous, majorité sénatoriale, avez refusé – avec parfois quelque contradiction par rapport à ce que l’on peut entendre à quelques semaines du rendez-vous des élections régionales – d’entendre les territoires que vous représentez.

Pourtant, cette erreur est un contresens, car la Charte n’introduit pas – comme cela a été prétendu, d’ailleurs – le communautarisme dans notre République ; elle ne vise qu’à protéger, à promouvoir les langues régionales ou minoritaires comme partie intégrante – vous l’avez très bien dit, monsieur Marc – de notre patrimoine culturel et historique.

M. François Grosdidier. C’est déjà dans la Constitution !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette Charte ne remet pas en cause notre langue nationale, le français ; vous savez combien je suis attaché, comme chacun d’entre vous, à cette langue, qui a permis à la France de porter haut dans le monde ses principes et ses valeurs universelles, et vous savez combien nous devons défendre le français dans le monde.

Toutefois, porter les valeurs de la France, défendre la République et son unité, ce n’est pas rejeter les langues régionales.

M. François Grosdidier. Nous ne les rejetons pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce n’est pas non plus adresser le message de défiance que vous avez choisi d’envoyer à tous ceux qui parlent occitan, catalan, breton, basque ou créole.

Monsieur le sénateur, une République forte, c’est une République qui a confiance en elle-même ! Une République forte, c’est une République une et indivisible, non une République enfermée dans la conception étroite et rabougrie de son unité, non une République au cœur sec qui chasse de son patrimoine national tous les imaginaires sans lesquels la langue française, notre culture, ne serait pas aussi belle !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mona Ozouf, que vous connaissez bien, dit que l’on peut être à la fois Breton, Français et républicain ; c’est cela la plus belle définition de ce que nous sommes : nous portons une conception ouverte, non pas fermée ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, et sur quelques travées du groupe CRC.)

politique fiscale du gouvernement

M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, pour le groupe de l’UDI-UC.

M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le Premier ministre, j’apprécie la vérité de certains de vos constats et de certains de vos propos. Voilà quelques jours, vous avez honnêtement parlé d’une « fiscalité trop élevée, ayant fait des dégâts considérables » et créant « une forme de rupture entre les Français et l’impôt ». Je vous en sais gré, d’autant plus qu’une partie de vos amis – sont-ils d’ailleurs vraiment vos amis ? – ne partagent pas cette analyse.

Néanmoins, le projet de budget pour 2016 prévoit 22 milliards d’euros de recettes supplémentaires, et jamais le poids de l’impôt sur l’économie n’aura été aussi important.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Et voilà !

M. Jean-Léonce Dupont. Les foyers fiscaux assujettis à l’impôt sur le revenu verront encore une fois leurs cotisations fiscales augmenter significativement ; le produit de cet impôt, qui s’établissait à 59,5 milliards d’euros en 2012, devrait atteindre plus de 72 milliards en 2016. Pour bien comprendre, il faut signaler que, certes, le nombre d’assujettis va être réduit, mais que le produit fiscal va continuer à augmenter pour les 46 % des ménages qui demeurent assujettis ; et je ne m’étends pas sur l’augmentation de la fiscalité du gazole et de l’essence d’ici à 2020…

Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est extrêmement simple : pourquoi n’arrivez-vous pas à transcrire dans les actes les conséquences qu’il faudrait tirer de votre propre constat ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous réponds bien volontiers.

Oui, l’impôt sur le revenu a beaucoup augmenté ces dernières années, depuis 2010 ! En la matière – je l’ai d’ailleurs dit à l’occasion de ma déclaration de politique générale de 2014 –, la responsabilité est partagée : près de 12 milliards d’euros d’augmentation sous la droite et autant après le changement de majorité.

Effectivement, nous avions décidé des hausses pour les ménages les plus aisés, afin de redresser nos finances publiques, mais les augmentations successives ont également conduit à rendre imposables des ménages qui n’avaient pas vocation à l’être et à accroître excessivement l’impôt dû par les classes moyennes.

Pour ma part, je crois au discours de vérité sur le niveau des déficits publics, sur le niveau du chômage auquel nous nous sommes habitués depuis des années, mais aussi sur la question de la fiscalité nationale ou locale. Puisque j’assume ces responsabilités, je souhaite aussi que chacun assume les siennes, plutôt que d’alimenter une polémique stérile. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Cette augmentation de l’impôt sur le revenu, notamment par un mécanisme dont on parle beaucoup auprès des élus, à savoir la suppression décidée en 2008 – oui, en 2008, monsieur Bas ! – de la demi-part supplémentaire dont bénéficiaient certaines personnes seules, a en outre eu des conséquences sur la fiscalité locale. Nous avons donc considéré qu’il était important d’engager une baisse de la fiscalité, pour plus de 4 millions de ménages modestes en 2014. Cet effort a été amplifié cette année au bénéfice de 9 millions de ménages des classes moyennes et il sera poursuivi en 2016, pour la troisième année consécutive. L’impôt sur le revenu, vous le savez, sera ainsi allégé de plus de 2 milliards d’euros, et 8 millions de ménages bénéficieront d’une baisse supplémentaire.

Finalement, c’est bien que vous posiez cette question, monsieur Dupont, car, de cette manière, nous avons ce débat à quelques jours de l’examen par le Sénat du projet de loi de finances ; ainsi, au total, l’impôt sur le revenu des ménages modestes et des classes moyennes aura été allégé de 5 milliards d’euros depuis 2014. C’est exactement ce sur quoi je m’étais engagé dans ma déclaration de politique générale en avril 2014.

En matière de fiscalité locale, l’État a également réalisé des efforts importants : les seuils de revenus permettant aux contribuables modestes, notamment les retraités, de bénéficier d’un allégement de la taxe d’habitation et de la taxe foncière avaient été gelés par la précédente majorité. Ils ont déjà été fortement relevés, et, comme Christian Eckert l’a annoncé, nous irons au-delà dans la loi de finances pour 2016 grâce à un amendement adopté par l’Assemblée nationale sur l’initiative de Mme Christine Pires Beaune. Vous aurez donc l’occasion d’en débattre.

Monsieur le sénateur, la responsabilité consiste aussi à reconnaître que la situation de nos comptes publics était dégradée en 2012 : un déficit de près de 5 % du PIB et une dépense publique non maîtrisée. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Nous faisons des économies,…

M. Guy-Dominique Kennel. Vous augmentez les impôts !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … même si l’on peut toujours considérer qu’il faut en faire plus ; d’ailleurs, Les Républicains proposent de diminuer les dépenses de 100 à 150 milliards d’euros ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est la vérité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faudra dire – j’ai déjà eu l’occasion de vous le demander – comment vous allez le faire !

M. Roger Karoutchi. Lorsque nous serons aux affaires !

M. Manuel Valls, Premier ministre. En augmentant les impôts ? En vous attaquant au ministère de l’intérieur ? À la défense ? À l’éducation nationale ? Aux politiques de santé ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Quand on veut débattre, il faut tout mettre sur la table ; il faut ce moment de vérité !

Alors oui, nous baissons les impôts, oui, nous baissons la dépense publique, oui, nous nous attaquons à l’endettement tout en préparant l’avenir ! C’est tout simplement cela la politique du Gouvernement que je défends ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du RDSE. – M. Patrick Abate applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, pour la réplique.

M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le Premier ministre, nulle volonté chez moi de ne pas voir les responsabilités des uns et des autres, mais vous et vos amis êtes aux responsabilités depuis maintenant trois ans et demi ; il faut que vous l’intégriez. Je suis désolé de vous le dire, je n’ai pas le sentiment que les impôts baissent, que les dépenses publiques baissent.

Je me permettrai simplement de formuler un vœu : je souhaite que certains de vos amis abandonnent leur vision pseudo-moralisatrice du rôle de l’impôt et trouvent l’équilibre nécessaire et subtil entre la recherche de justice et l’efficacité économique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

politique fiscale du gouvernement

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour le groupe Les Républicains.

M. Daniel Laurent. Monsieur le Premier ministre, ma question porte aussi sur la politique fiscale du Gouvernement qui a provoqué depuis le début du quinquennat une rupture entre nos compatriotes, l’impôt et l’État. Je pense aux classes moyennes, qui paient comme d’habitude le plus lourd tribut ; elles ont vite compris qu’elles avaient été dupées avant d’être tondues. (M. Alain Bertrand proteste.) Je pense aussi aux personnes âgées nouvellement assujetties à l’impôt, malgré leurs petites retraites ; elles nous font part de leur incompréhension et de leur désarroi !

Quelle est votre parade ? À cause de la seule perspective de 2017, aucune réforme de fond, sinon le relèvement des seuils des impôts financés par la hausse de la taxation du diesel ! Sans arrêt, vous offrez l’illusion de donner d’une main alors que vous reprenez de l’autre, en ajoutant des taxes supplémentaires au passage !

Monsieur le Premier ministre, vous faisiez la semaine dernière un mea culpa – cela a déjà été dit – sur la hausse sans précédent des impôts pour les ménages et les entreprises. En effet, ce sont 10 milliards d’euros d’impôts supplémentaires que les ménages ont payés en 2014, 5 milliards d’euros en 2015 et ils en paieront 4 milliards de plus en 2016 ! Aujourd’hui, presque tous les pays en Europe font leur révolution fiscale ; ils baissent les impôts pour relancer l’économie, ils réduisent leur déficit et leur chômage, lui, diminue !

Je ne peux m’empêcher d’évoquer les conséquences dramatiques, sur l’économie locale et sur l’emploi, de la baisse des dotations aux collectivités, avec toutes les charges supplémentaires que vous nous avez rajoutées depuis 2012, alors que la pression fiscale pesant sur les ménages et les entreprises atteint des records.

Votre gouvernement compte sur les contribuables pour financer localement les économies qu’il entend réaliser au plan national ; c’est un nouveau jeu de dupes !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Laurent. Les Français sont très inquiets pour leur avenir et pour celui de leurs enfants ; le pouvoir d’achat ne cesse de baisser, nos entreprises sont asphyxiées : les charges et les normes les contraignent. La reprise tant annoncée n’est pas au rendez-vous. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC pour indiquer à l’orateur que son temps de parole est épuisé.)

M. le président. Il faut conclure, s’il vous plaît !

M. Daniel Laurent. Demandez donc à nos compatriotes si notre pays se redresse, et vous verrez que vous n’êtes pas dans le même monde !

M. le président. Concluez ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, qui couvrent la voix de l’orateur.)

M. Daniel Laurent. Quand aurez-vous, monsieur le Premier ministre, le courage de ne plus mentir et de dire la vérité aux Français ? Quelles vraies réformes comptez-vous prendre rapidement ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous étiez visiblement emporté par la polémique et – je le regrette – par l’outrance. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Je le regrette d’autant plus que, étant donné la période difficile que nous vivons au plan tant économique et social que politique – nos compatriotes le savent –, je pensais que ce contexte vous ferait réfléchir à la responsabilité qui doit être la nôtre dans les propos que nous tenons, les uns et les autres.

J’estime en effet que ces questions n’ont pas à être traitées de cette façon. D’ailleurs, étant chargé des relations avec le Parlement, j’espère trouver dans la Haute Assemblée une approche de ce type de problème qui soit différente des emportements polémiques que l’on peut connaître.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Revenons-en aux faits. Puisque vous souhaitez parler de la vérité, monsieur le sénateur, vous auriez pu constater les baisses de charges qui ont eu lieu cette année et celles qui sont programmées dans le projet de loi de finances que vous allez, sinon adopter, du moins examiner prochainement (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) ; oui, je m’avance toujours plein d’optimisme ! En effet, et cela va dans le sens de ce que devraient être vos préoccupations, plus de 9 millions de Français verront baisser leurs impôts sur le revenu !

M. Roger Karoutchi. Et les autres ?

M. François Grosdidier. Vous transférez la charge sur la fiscalité locale !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Et ces 9 millions de Français constituent effectivement le cœur des classes moyennes ! À moins que vous ne vous intéressiez qu’au décile supérieur de celles-ci…

S'agissant de la justice fiscale, nous mettons en œuvre nos engagements tout en ayant le souci des comptes publics, qui, vous le savez, monsieur le sénateur, ont été très largement dégradés sous le quinquennat précédent : la dette aura augmenté de plus de 600 milliards d’euros ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Bertrand. C’est la vérité !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Vous le contestez, mesdames, messieurs les sénateurs, mais ces 600 milliards de dettes sont votre fardeau ! Il faudra que vous l’assumiez et que vous nous expliquiez comment vous allez assumer les promesses démagogiques que vous faites par ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

situation des migrants

M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour le groupe du RDSE.

Mme Hermeline Malherbe. Monsieur le Premier ministre, le 16 octobre dernier, vous nous avez honorés de votre présence lors de l’inauguration du Mémorial du camp de Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales.

Le camp de Rivesaltes, mes chers collègues, est un lieu où des milliers d’enfants, des milliers de femmes et d’hommes, des Républicains espagnols, des juifs, des Tsiganes, des militaires guinéens, des harkis et tant d’autres ont été internés, parqués, déportés et sont morts, parce que jugés « indésirables ».

Lieu de souffrance hier, ce camp est aujourd’hui devenu un lieu de mémoire, un lieu d’échanges et de transmission pour les générations futures.

La création du Mémorial a été rendue possible grâce à la volonté de l’ensemble des personnes qui perpétuent cette mémoire et qu’un homme, Christian Bourquin, a réussi à fédérer. C’est cet homme qui est intervenu dès son accession à la présidence du conseil général des Pyrénées-Orientales, en 1998, afin que les baraquements ne soient pas détruits. Au bout d’un long processus, dix-sept ans plus tard, le Mémorial a été érigé.

« Si nous sommes rassemblés, c’est pour que la mémoire de ce mépris d’hier nous rappelle nos devoirs d’aujourd’hui et empêche la répétition de l’horreur, demain » : tels sont les mots, d’une grande justesse, que vous avez prononcés le jour de l’inauguration, monsieur le Premier ministre.

L’horreur, justement, c’est ce que nous inspirent les images de ces milliers d’enfants, de ces milliers de femmes et d’hommes, de ces réfugiés qui prennent des risques inconsidérés pour fuir la guerre, la barbarie et le fanatisme.

Notre devoir, aujourd’hui, est d’accueillir ces réfugiés avec humanité, avec solidarité, dans le respect du cadre républicain auquel nous sommes attachés.

Concernant cette politique d’accueil, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous faire un point d’étape sur les actions mises en place par le Gouvernement et les collectivités territoriales, en lien avec les associations ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, comme vous l’avez rappelé, je me suis rendu dans votre beau département des Pyrénées-Orientales, pour inaugurer ce lieu de mémoire qu’est le Mémorial du camp de Rivesaltes.

Ce camp, vous l’avez très bien dit, est le témoignage des malheurs que nous avons connus au cours du XXe siècle : dictatures, racisme, antisémitisme, conflits armés… Il ne faut pas oublier, il ne faut jamais oublier ni ces Républicains espagnols, ni ces juifs, français ou étrangers, ni ces Tsiganes, ni ces harkis, victimes, chacun à leur manière, de ces horreurs.

M. Ladislas Poniatowski. Répondez à la question !

Mme Éliane Assassi. Un peu de respect !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ainsi que je l’ai affirmé devant vous le 16 octobre dernier, Rivesaltes, qui doit tant, en effet, à Christian Bourquin, est un commandement pour nous, face aux défis considérables auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui.

Mais, contrairement à ce qui prévalait il y a soixante-quinze ans, la France, aujourd'hui, n’est pas seule et nous avançons, même si c’est difficile, avec l’ensemble des partenaires européens, l’Allemagne bien sûr, mais aussi tous les autres États de l’Union européenne, pour trouver des solutions à la hauteur de la crise que nous traversons et qui sera durable.

À l’instar des précédents, le Conseil européen qui s’est tenu le 15 octobre 2015 a été principalement consacré à ces questions.

La mise en place des centres d’accueil, sans lequel le dispositif européen ne peut pas fonctionner, est effective. Un premier centre, créé à Lampedusa, en Italie, est désormais opérationnel et, d’ici à quelques semaines, le premier centre de Grèce devrait voir le jour, sur l’île de Lesbos.

Parallèlement, les premières décisions de relocalisation ont été prises – sous la forme de transferts de l’Italie vers la Suède, par exemple – voilà deux semaines.

D’autres dossiers essentiels avancent : la question des retours, la protection des frontières extérieures de l’Union européenne – bien sûr –, pour laquelle les gardes-frontières sont indispensables, et la coopération avec la Turquie, mais aussi avec la Jordanie ou le Liban. Je ne les détaille pas.

L’important, c’est que l’Europe avance, cohérente, unie, face à un problème qui la concerne dans sa globalité.

En France, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité, de la fermeté, de la solidarité – vous l’avez rappelé.

Nous avons aujourd'hui deux priorités.

Premièrement, nous voulons lutter contre les points de fixation et les concentrations de personnes. C’est ce qui est fait à Paris, avec le démantèlement des campements, et à Calais, malgré le contexte particulièrement difficile que connaît bien votre collègue Natacha Bouchart.

Deuxièmement, nous voulons faire la distinction entre ceux qui ont besoin d’une protection et qui sont éligibles à l’asile et ceux qui ne le sont pas. Rien ne serait pire que de traiter tout le monde de manière indifférenciée. Ce serait traiter mal tout le monde et ne pas être fidèle au message et aux valeurs de la France. Ces efforts sont indispensables si nous voulons mettre en œuvre une politique migratoire soutenable et, bien sûr, si nous voulons préserver le droit d’asile.

Cette priorité se traduit très concrètement : pour les demandeurs d’asile, les efforts déployés en vue de créer des places en centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, se poursuivent – 18 500 places auront ainsi été créées en cinq ans – et, pour ceux qui ont obtenu le statut de réfugié, un travail approfondi mené actuellement par les ministères de l’intérieur et du logement permet d’identifier les solutions d’accès à un hébergement.

Je le répète, pour ceux qui ne relèvent pas de ces statuts, une politique active de retour est engagée. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, ni la France ni l’Europe ne pourront accueillir tous les réfugiés syriens, raison pour laquelle il faut trouver, dans la région, des solutions tant humanitaires et militaires – c’est le sens de l’engagement de la France – que diplomatiques. D’ailleurs, je veux répéter en cet instant avec la plus grande fermeté que, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là, la France n’est pas isolée : notre pays joue pleinement son rôle pour trouver une solution politique à la crise syrienne, ce qui est indispensable, car, sinon, la crise des réfugiés se poursuivra. Les seuls bombardements russes ont provoqué un afflux supplémentaire de 100 000 réfugiés !

Voilà, madame la sénatrice, l’ensemble de la politique globale, cohérente et précise qui est la nôtre dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

lutte contre le harcèlement