M. Michel Bouvard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Si j’ai bien compris les hésitations de M. le secrétaire d’État, celui-ci est d’accord sur le fond, mais moins sur la forme. C’est pourquoi il n’a pas voulu lever le gage.

Toutefois, l'amendement de Daniel Gremillet défendu par Jacky Deromedi, dont je suis cosignataire, l’amendement de Marie-Noëlle Lienemann, l’explication de vote de Didier Guillaume le prouvent : sur l’ensemble des travées, nous sommes unanimes à penser qu’il faut aider les coopératives par des mesures de déduction visant l’investissement productif industriel. Je rappelle que, dans certaines filières, notamment les filières laitières qui ont connu de gros soucis pendant l’été, les coopératives représentent parfois 50 % de la production agricole.

Nous anticipons en quelque sorte l’examen de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire que le Sénat examinera le 9 décembre prochain. Je me réjouis que, de la droite à la gauche, nous ayons une unanimité de pensée.

Certes, il faut travailler le dispositif, mais je remercie le rapporteur général d’avoir émis un avis favorable sur cet amendement qui, je n’en doute pas, prospérera positivement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est très important qu’il y ait une égalité de traitement entre les coopératives et le secteur privé classique. Je suis sensible à l’argument de Didier Guillaume : il est vrai que certaines grandes coopératives ont les reins solides et on peut espérer qu’elles innovent sans avoir besoin d’aides publiques. Toutefois, cet argument est aussi valable pour les grandes entreprises privées, qui pourraient ne pas avoir besoin d’aides.

Or je constate que notre tissu productif français, dans le privé comme dans le coopératif, accumule des retards qu’il faut combler.

Je refuse que l’on considère que seules les petites coopératives doivent être aidées. S’il faut cibler les aides publiques, alors il faut le faire pour tout le monde !

Pour l’heure, au regard du retard que nous avons à rattraper, il ne me semble pas inutile que, pendant un certain nombre d’années, on « dope » la modernisation à la fois dans le coopératif et dans le privé. Le système coopératif doit être concerné à égalité.

Nous pourrions nous rassembler autour de cette approche.

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. En présentant cet amendement, j’ai bien insisté sur l’importance de la mutualisation. C’est une approche partagée aujourd’hui dans tout le pays. Par exemple, on n’arrête pas d’en parler dans les collectivités. Il est nécessaire de l’étendre au secteur économique.

Les CUMA illustrent parfaitement cet état d’esprit, avec la mutualisation du matériel agricole. Dans mon argumentation, j’ai mis l’accent sur les coopératives d’artisans, qui, elles aussi, sur le même principe, ont besoin de mutualiser pour être plus performantes et mettre à la disposition de leurs membres du matériel qu’ils ne pourraient se procurer seuls. Je pense aussi aux coopératives maritimes – dans certains territoires, c’est important – où il faut prendre en considération la notion de terrain.

Je ne disconviens pas, comme l’a souligné Didier Guillaume, qu’il faille y regarder de plus près, notamment en ce qui concerne la taille des coopératives. En tout cas, en matière de mutualisation, il faut étendre le dispositif à un certain nombre de secteurs et ne pas le cantonner aux CUMA.

Si cet amendement est voté, ce sera l’occasion d’aller plus avant dans cette voie.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.

M. Alain Joyandet. Les coopératives appartiennent au secteur privé ; par conséquent, on ne peut pas les opposer comme cela a été fait. La distinction tient à la géographie du capital, laquelle permet la qualification de la structure économique, rien d’autre.

Les coopératives évoluent dans un système juridique et social propre, mais ce sont aussi des entreprises qui ont souvent les mêmes clients et les mêmes fournisseurs que les entreprises dites « classiques ».

Si l’on cherche à tendre vers l’équité fiscale entre les entreprises dites « classiques » et les coopératives, alors il faut tout remettre à plat et ne pas regarder par le petit bout de la lorgnette.

Historiquement, ce sont plutôt les coopératives qui ont été avantagées fiscalement. (M. Didier Guillaume et Mme Marie-Noëlle Lienemann le contestent.)

Bien sûr que si ! Je pense notamment aux secteurs agroalimentaire et agricole. Je me rappelle les débats sur la taxe professionnelle lorsque celle-ci existait encore : les coopératives ne la payaient pas, contrairement aux entreprises classiques, alors qu’elles exerçaient le même métier.

Si l’on veut une égalité de traitement fiscal entre les deux systèmes d’entreprise, il faut tout regarder, pas seulement la « défiscalité », mais l’ensemble de la fiscalité.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Comme vous vous en doutez, le maire du Bourget et le sénateur de la Seine-Saint-Denis que je suis est un grand spécialiste des CUMA ! (Sourires.)

Plus sérieusement, en tant qu’ancien président de la commission spéciale chargée de l’examen de la loi Macron, je concède bien volontiers que la question de l’éligibilité des CUMA n’a pas été étudiée d’aussi près qu’elle aurait dû l’être alors.

Cela étant, et c’est là l’essentiel, le groupe UDI-UC votera ces amendements. Un certain nombre de mes collègues absents aujourd'hui seraient mieux armés que moi pour les soutenir, mais je le fais en leur nom.

MM. Jean Bizet et Michel Bouvard. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-180 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos I-221 rectifié bis et I-315 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 7 bis, modifié.

(L'article 7 bis est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 7 bis (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Discussion générale

3

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande de compléter l’ordre du jour du mardi 24 novembre par l’inscription :

– des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes ;

– des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques.

L’examen de ces deux textes était initialement prévu le lundi 14 décembre.

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les deux discussions générales serait fixé au mardi 24 novembre, à douze heures.

Par ailleurs, la commission des finances propose, en accord avec le Gouvernement, de modifier comme suit le calendrier d’examen du projet de loi de finances pour 2016 :

– la mission « Justice » serait examinée le jeudi 26 novembre, à vingt et une heures trente, au lieu du vendredi 27 novembre après-midi ;

– la mission « Recherche et enseignement supérieur » serait examinée le vendredi 27 novembre à dix heures trente ;

– la mission « Défense » serait examinée le vendredi 27 novembre, après la mission « Recherche et enseignement supérieur », au lieu du jeudi 26 novembre, à vingt et une heures trente ;

– enfin, la mission « Culture » serait examinée le samedi 28 novembre après-midi, après la mission « Économie » et le compte spécial « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », au lieu du vendredi 27 novembre, à neuf heures trente.

Les règles retenues pour l’organisation de la discussion budgétaire, relatives aux délais limites pour le dépôt des amendements, l’ajout d’un cosignataire à un amendement et les inscriptions de parole, s’appliqueraient.

Toutefois, dans le souci de faciliter la tâche des auteurs d’amendements, les délais limites pour le dépôt des amendements et l’ajout d’un cosignataire à un amendement à la mission « Justice » resteraient fixés, respectivement, au mercredi 25 novembre à onze heures, et au jeudi 26 novembre à onze heures.

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que tous les parlementaires, députés et sénateurs, sont invités à l’hommage national qui sera rendu vendredi matin aux Invalides aux victimes des attentats en présence du Président de la République et des membres du Gouvernement, le Sénat siégera ce matin-là pour examiner les crédits de deux missions. C’est tout de même curieux, à l’heure où l’on réclame l’unité nationale. Ces deux missions sont suffisamment importantes pour qu’on ne puisse pas laisser quelques parlementaires siéger seuls. Certes, le temps nous manque pour examiner les différents textes qui nous sont soumis, et peut-être ne peut-on faire autrement, mais, je le répète, c’est tout de même très curieux de faire siéger le Sénat le matin de cette cérémonie !

Mme la présidente. Mon cher collègue, acte vous est donné de votre déclaration.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Ces propositions d’ajustements consécutives à un certain nombre d’événements prennent en compte une information qui nous a été communiquée, à savoir que seul le bureau du Sénat est invité aux cérémonies d’hommage.

Je rappelle également que le président du Sénat, lors de la reprise de nos activités lundi dernier, a souligné que tenir notre ordre du jour participait d’un devoir de respect et de solidarité.

Compte tenu de ces deux éléments et du fait que le secrétaire d'État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche nous a fait savoir qu’il serait disponible, nous avons cru utile de vous proposer cette organisation, et nous espérons pouvoir la respecter.

Par ailleurs, l’inversion de l’examen des missions « Justice » et « Défense » – c’était l’objet de la question posée par Philippe Dallier ce matin – est le fait du ministre de la défense, qui doit accompagner le Président de la République à Moscou, déplacement important s’il en est.

Madame la présidente, vous avez annoncé que seraient examinées demain les conclusions de deux commissions mixtes paritaires. Nous savons également que le vote des articles de la première partie du projet de loi de finances doit impérativement intervenir demain soir. Nos travaux se déroulent, jusque-là, à un rythme tout à fait convenable. Je ferai néanmoins remarquer que, si voulons respecter l’horaire prévu pour demain après-midi, sachant que, demain matin, auront lieu les réunions de groupe, il sera nécessaire de siéger jusque vers deux heures du matin. J’avais d'ailleurs demandé l’ouverture de la séance la nuit afin de répondre à cette problématique. Il faudrait que nous arrivions le plus près possible de l’article 14 à cette heure-là.

Cela est possible, mais implique que chacun respecte les temps de parole impartis.

Je sais, madame la présidente, que nous pouvons compter sur la rigueur et la sagesse dont vous faites preuve dans la conduite de nos débats pour nous y aider.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Je suis quelque peu rassuré, madame la présidente, par les propos de la présidente de la commission des finances.

Toutefois, pour l’examen de cette première partie, nous n’avons eu, la semaine dernière, que vendredi soir, samedi matin, samedi après-midi jusqu’à dix-huit heures, ce qui est quand même très peu. Nous allons donc travailler très tard cette nuit, ce qui n’est pas un problème. J’espère seulement que nous n’aurons pas à siéger trop tard dans la nuit de demain. Le temps prévu pour ce débat est très court. Demain, nos collègues seront encore plus nombreux en séance, et je crains, bien que les prises de parole soient désormais réduites à deux minutes trente, que nous ne soyons obligés de siéger très tardivement.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

L’ordre du jour de la séance du mardi 24 novembre 2015 est ainsi complété.

4

Article 7 bis (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Articles additionnels après l'article 7 bis

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale.

Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de la première partie du projet de loi de finances, à l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 7 bis.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 8

Articles additionnels après l'article 7 bis

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-397 rectifié, présenté par MM. Capo-Canellas, Gabouty, Delahaye, Marseille, Canevet, Laurey, Delcros, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au premier alinéa de l’article 39 decies du code général des impôts, la date : « 14 avril 2016 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2016 ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Nous avons tout à l’heure examiné l’article 6, qui prévoit la prorogation du dispositif de suramortissement accéléré applicable au matériel de robotique industrielle. Le Gouvernement a fait là la preuve que certains dispositifs fiscaux avaient une utilité en termes de production industrielle, de soutien à la croissance et à l’emploi.

Je vous propose de faire, en quelque sorte, pour le dispositif de suramortissement dit « Macron » la même chose que ce que le Gouvernement a proposé pour les robots, c'est-à-dire de proroger la mesure.

Cela a été rappelé tout à l’heure, le dispositif de suramortissement Macron, instauré par la loi du même nom, vaut pour la période du 14 avril 2015 au 14 avril 2016. Certes, une instruction fiscale est intervenue assez rapidement, mais il a fallu attendre que le texte soit voté par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale. Et les entreprises aiment bien quand même savoir ce qui se passe entre-temps.

Donc, il nous semble logique de faire, pour le dispositif Macron, la même chose que pour les robots, si vous me permettez cette expression.

Les entreprises ont finalement eu connaissance de ce dispositif de suramortissement, qui est très utile pour la relance de la croissance et de l’activité, aux environs de l’été. Le fait qu’il prenne fin le 14 avril 2016 est souvent pointé du doigt par les chefs d’entreprise, qui soulignent que les investissements se décident en fonction non pas uniquement d’une opportunité ou d’une aubaine fiscale, mais de la stratégie industrielle de l’entreprise, de la réactivité du marché, des prospections de clientèles et d’un certain nombre d’autres paramètres.

Il nous semble donc qu’il serait utile de donner un peu plus de visibilité aux entreprises en prorogeant le dispositif, non pas d’un an, comme le Gouvernement l’a fait pour la robotique, mais de huit mois. Ainsi, au lieu de prendre fin le 14 avril 2016, le dispositif serait prolongé jusqu’au 31 décembre 2016, ce qui serait beaucoup plus simple, nous semble-t-il, notamment d’un point de vue purement comptable.

Ce dispositif est utile. Vous m’objecterez que le coût de la mesure est de plusieurs centaines de millions d’euros. Pour autant, il peut y avoir des dépenses fiscales intéressantes, et je trouve que ce projet de loi de finances en manque. Hors CICE, qui est une promesse tenue et que j’ai saluée lors de la discussion générale, il pourrait y avoir d’autres dispositifs. En voilà un, qui est utile.

Mme la présidente. L'amendement n° I-308 rectifié, présenté par Mme Lienemann et MM. Courteau, Cabanel et Durain, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au premier alinéa de l’article 39 decies du code général des impôts, l’année : « 2016 » est remplacée par l’année : « 2017 ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement procède du même esprit que le précédent, mais prévoit de prolonger d’un an le dispositif. Je développerai deux arguments.

Premièrement, environ dix-huit mois sont nécessaires entre le moment où l’on envisage un investissement et celui où, toutes les études ayant été réalisées, on peut passer à la commande et à la mise en œuvre. Donc, il me semble que l’effet booster recherché sur une année est trop faible au regard de l’énorme rattrapage nécessaire. Je rappelle en effet que si l’on prend le nombre de robots pour 10 000 salariés, notre pays est très loin des autres. Nous avons un retard important de ce point de vue qu’il faut combler très vite.

Deuxièmement, je souligne que l’Italie vient de voter un dispositif de suramortissement pour trois ans. Or ce pays est l’un de ceux dont le taux de robotisation des entreprises est bien supérieur à celui de la France.

Des pays qui ont, en matière d’investissement industriel, une vraie culture de modernisation et qui en tirent un grand profit en matière de compétitivité ont eu le souci de donner à ce type de dispositif un délai limité, mais raisonnable.

Je pense qu’a minima il faudrait prolonger d’un an le dispositif de suramortissement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le Sénat est très majoritairement favorable aux dispositifs d’encouragement de l’investissement. L’un des moyens d’encourager l’investissement, c’est évidemment d’amortir plus. C'est la raison pour laquelle nous avions voté, l’année dernière, un dispositif d’amortissement accéléré. À l’époque, on nous avait expliqué qu’en raison de son coût élevé, il n’était pas possible de le mettre en œuvre. Or celui qu’a introduit la loi Macron non seulement va plus loin, mais il est même plus coûteux puisqu’il consiste finalement à subventionner fiscalement l’investissement par un suramortissement de 40 % – ce n’est pas simplement une dépense de trésorerie. Ce dispositif, il est vrai limité dans le temps, devrait normalement doper très fortement l’investissement.

J’ai bien entendu les arguments des auteurs de ces deux amendements, en particulier ceux de Vincent Capo-Canellas, qui était président de la commission spéciale sur la loi Macron et qui connaît bien ce dispositif. Mais avant, le cas échéant, d’en prévoir l’extension, il me paraît nécessaire de réaliser une étude d’impact de ce dispositif, d’autant qu’on a beaucoup parlé de stabilité fiscale. Aura-t-il l’effet escompté ?

Surtout, la prolongation de ce dispositif aurait un coût évidemment très élevé, plusieurs centaines de millions d’euros, voire plus si l’on devait retenir la proposition de Mme Lienemann de le proroger pour une durée plus longue.

Nous portons évidemment un regard bienveillant sur la volonté que traduisent ces amendements de donner plus de visibilité aux entreprises, on en a beaucoup parlé. Mais il faut veiller à ne pas accroître la note, qui se chiffrerait, je le répète, en centaines de millions d’euros.

Repousser jusqu’au 31 décembre 2016 l’extinction de ce dispositif entraînerait une perte de recettes qui peut être estimée à environ 380 millions d’euros en 2016.

C'est la raison pour laquelle la commission est réservée sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la comparaison avec les robots industriels ne vaut pas, monsieur le sénateur. L’amortissement accéléré qui leur applicable n’est, finalement, qu’un avantage de trésorerie. C’est peut-être très utile pour les entreprises, notamment pour les plus fragiles d’entre elles. Le coût de l’argent étant faible, ce dont tout le monde se félicite, la charge pour l’État n’est pas si élevée.

En revanche, le suramortissement permet aux entreprises d’amortir les biens à hauteur de 140 % ; autrement dit, 40 % supplémentaires sont déduits de l’impôt sur les sociétés, soit un subventionnement de 13 %. Cela représente donc un coût générationnel, soit 2,5 milliards d'euros, puisque la mesure est étalée sur cinq ans. Le coût pour 2016 est donc bien de 500 millions d'euros. Il était d’environ 350 millions d'euros pour 2015, qui n’était pas une année pleine.

En outre, l’argument que j’ai entendu sur la nécessité de donner plus du temps aux entreprises pour préparer l’investissement n’est pas complètement pertinent. Le fait générateur du suramortissement, c’est l’accord sur le prix et la chose, c'est-à-dire le bon de commande. Ce n’est pas la livraison et le paiement du matériel. Les bons de commande, à condition qu’ils soient suffisamment précis – les textes sont clairs à cet égard –, seront éligibles jusqu’à la mi-avril. Ils doivent donner une description du matériel en voie d’acquisition et son prix. Compte tenu du fait que la mesure est connue depuis maintenant le mois d’avril dernier, elle a un effet incitatif d’accélération des investissements.

Encore une fois, si on prolonge la mesure, non seulement cela coûtera plus cher, mais on perdra cet effet d’accélération. On a déjà évoqué cette question tout à l’heure, à l’occasion d’autres amendements du même type.

Je rappelle que les 500 millions d'euros – vous semblez aujourd'hui l’oublier – ont été pris pour l’année 2016 sur le pacte de responsabilité puisque cela faisait partie des motifs de décalage d’un trimestre de la baisse des cotisations sociales. Ce ne sera d'ailleurs pas le cas en 2017, toutes choses égales par ailleurs ; auquel cas, ce sera pris entièrement sur le budget de l’État.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lalande, pour explication de vote sur l'amendement n° I-397 rectifié.

M. Bernard Lalande. Nous étions majoritairement favorables à un suramortissement l’année dernière, lors de l’examen de la loi de finances pour 2015.

Nous avons été entendus – en tout cas, nous le pensons – par le Gouvernement avec ce suramortissement qui, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, correspond à une diminution de la base taxable à l’impôt sur les sociétés, ce qui nous ramène au débat que nous avons eu tout à l’heure sur les coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA, et les coopératives.

En tout cas, lorsque se présente une opportunité fiscale comme le suramortissement, les dirigeants des PME et des PMI se mobilisent très rapidement pour prendre des décisions d’investissement. Bien évidemment, ils n’ont pas attendu le suramortissement exceptionnel pour établir leur plan d’investissement pluriannuel.

Dans ces conditions, il n’existe que très rarement des investissements « coup-de-poing » par opportunité fiscale. Le suramortissement ayant été mis en œuvre pour assurer le déclenchement plus rapide d’investissements déjà prévus dans des plans pluriannuels, il ne peut donc pas avoir cet effet « coup-de-poing » sur l’emploi.

Aussi, avant toute décision tendant à proroger ce dispositif exceptionnel de soutien à l’investissement des entreprises, il nous semble nécessaire d’en mesurer l’impact. C’est pourquoi le groupe socialiste souhaite le retrait de ces deux amendements déposés par nos collègues Vincent Capo-Canellas et Marie-Noëlle Lienemann.

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Les membres du groupe écologiste, depuis plusieurs années, sont favorables à ces logiques de suramortissement dans le temps.

Suramortir à hauteur de 40 % sur une année, cela peut, bien sûr, contribuer à accélérer un plan, mais c’est aussi une aubaine pour ceux qui avaient déjà prévu d’investir.

J’ai l’impression qu’il faudrait, dans cette maison – et ailleurs aussi, du reste –, relancer les stages en entreprise pour mieux appréhender les processus de décision, dans une PME-PMI comme dans un grand groupe. Prévoir un suramortissement de 15 % sur trois ans, pour un coût à peu près équivalent, aurait été préférable, avec de surcroît une meilleure prévisibilité. On ne peut pas nous dire, d’un côté, qu’il faut absolument sanctuariser le CIR ou le CICE, parce que ces dispositifs entraînent l’investissement à long terme, et stopper brutalement une mesure aussi importante.

Je redoute finalement qu'il ne s'agisse surtout que d’une mesure d’opportunité : on a perçu un frémissement dans la croissance et on a décidé de donner un petit coup de pouce pour inverser la courbe du chômage ou, au moins, avoir des chiffres en amélioration.

Honnêtement, c’est de la politique de stop and go. Nous constatons d’ailleurs la même chose s’agissant des aides exceptionnelles à la presse : régulièrement, un plan spécial est lancé, aussitôt stoppé dès que la situation s’améliore, puis relancé quand elle se dégrade de nouveau…

Il me semblerait plus opportun d’agir dans la durée, quitte à le faire dans de moindres proportions.

Je soutiendrai donc ces deux amendements, même si je n’en partage pas complètement la philosophie, les niveaux d’amortissement me semblant trop élevés et trop limités dans le temps.

Quoi qu’il en soit, je le répète, il va falloir parler davantage avec des responsables d’entreprise, pour mieux comprendre comment sont prises les décisions en la matière.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je partage la philosophie exposée à l’instant par notre collègue André Gattolin.

Je rappelle que les services de l’État et les ministres ont systématiquement refusé les propositions que nous avions formulées et qui visaient, en raccourcissant les durées d’amortissement, à offrir un vrai outil de soutien à la modernisation de nos entreprises.

Toutefois, comme nous ne faisions qu’accumuler du retard dans la modernisation et la robotisation, la pression est devenue telle que l’on a finalement décidé de prendre une mesure ponctuelle. Je vous fiche mon billet que, dans six mois, le bilan que l’on tirera de cette mesure est celui de son inefficacité !

Je sais bien, cher collègue Bernard Lalande, que certains sont toujours à l’affût de tout ce qui bouge, mais beaucoup d’entreprises hésitent aussi à investir. C’est pourquoi je ne suis pas une fanatique des politiques ciblant exclusivement l’offre ou la demande.

Quand la demande est hésitante, eh bien les entreprises hésitent ! Dans ce contexte, nous devons accélérer, en prévoyant un avantage fiscal permettant d’anticiper sur une demande qui reprend. Dans cette optique, il vaudrait mieux en effet un niveau moindre de suramortissement, mais plus durable.

La mesure que nous avons votée devrait au moins être un peu prolongée pour que l’on puisse en évaluer l’efficacité.

Sinon, on ne fait que gagner six mois sur un investissement qui était déjà prévu, car la stratégie courte que nous avons privilégiée ne permet pas de déclencher des investissements que les entreprises hésiteraient à faire.

Par exemple, monsieur le secrétaire d’État, pour choisir le bon robot, il faut du temps. En effet, il n’existe pas de robots clefs en main, il faut établir un diagnostic, mener des études longues et complexes, développer des progiciels, etc. D’ailleurs, en matière de rapidité d’intervention, l’État ne peut pas vraiment donner des leçons !

Je pense donc qu’il convient de prolonger la procédure de suramortissement, en votant soit l’amendement de M. Capo-Canellas, soit le mien.