M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Le projet de convention type dont nous parlons, et que Mme la rapporteur vient de nouveau d’évoquer, prévoit que les dons doivent être de qualité. Ainsi, un magasin ne pourra pas donner des denrées dont la date de péremption est inférieure ou égale à quarante-huit heures, sauf si l’association le demande, car elle a la possibilité de faire le don dans un délai inférieur. Il reviendra au distributeur et à l’association de s’entendre dans la convention sur les dons pertinents et ceux qui ne le sont pas.

En conséquence, le cas où les dons ne seront pas distribués constituera l’exception. Dans cette hypothèse, l’idée de faire reprendre les denrées par le magasin à l’origine du don entraînerait une logistique lourde et coûteuse non seulement en termes économiques pour le distributeur, mais aussi en termes environnementaux.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous invite à retirer vos amendements, mesdames les sénatrices. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?

Mme Évelyne Didier. Nous avons tous décidé en commission de voter conforme la proposition de loi, afin que le texte puisse être appliqué le plus rapidement possible. Si nous avons déposé ces amendements, Mme Billon et moi-même, c’est pour que le débat qui vient d’avoir lieu en séance publique figure au Journal officiel.

À vrai dire, je ne m’inquiète pas pour les distributeurs. Je m’inquiète pour les collectivités, qui, de fait, risquent d’avoir un trop-plein à gérer et de devoir se charger de la gestion des déchets finaux. Je sais que les associations ne s’en laisseront pas compter, surtout si elles savent que le Parlement les soutient, et signaleront les dysfonctionnements.

Les distributeurs bénéficient déjà d’une défiscalisation. Ils ne peuvent pas gagner sur tous les tableaux. Ce serait malhonnête et éthiquement insupportable.

M. Alain Fouché. Ce serait immoral !

Mme Évelyne Didier. Nous devons rester vigilants !

Cela étant, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n 1 est retiré.

Madame Billon, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?

Mme Annick Billon. Tout comme Évelyne Didier, dont je partage l’analyse, je vais retirer mon amendement.

J’ajoute simplement que les fruits et légumes ne disposent pas, le plus souvent, d’une date de péremption. Or ces produits représentent des volumes considérables. Il faudrait donc que nous ayons aussi des garanties sur ce type de produits.

Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 2, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 15

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les denrées alimentaires résiduelles données par les commerces de détail alimentaires et non distribuées par les associations sont traitées conformément au code de l’environnement en respectant la hiérarchie des modes de traitement et conformément à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales.

« Dans le cas où la gestion des denrées alimentaires résiduelles données par les commerces de détail alimentaires et non distribuées par les associations induit l’intervention d’une collectivité territoriale, celle-ci est associée à la convention mentionnée au III de l’article L. 541-15-5 du présent code. »

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que notre amendement précédent. Il s’agit d’encadrer le don alimentaire non distribué et la gestion des déchets qui en résultent.

Par cet amendement, nous proposons de compléter l’article 1er, afin que les denrées alimentaires résiduelles qui sont données par les commerces de détail alimentaires et non distribuées par les associations soient traitées conformément au code de l’environnement, en respectant la hiérarchie des modes de traitement et l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales. Selon cette disposition, la collectivité assure la collecte et le traitement des déchets, autres que les déchets ménagers définis par décret, qu’elle peut collecter et traiter sans sujétions techniques particulières.

De plus, nous vous proposons d’inscrire dans la loi le principe selon lequel, dans le cas où la gestion des denrées alimentaires résiduelles données par le secteur du commerce de détail alimentaire et non distribuées par les associations induit l’intervention d’une collectivité territoriale, celle-ci est associée à la convention mentionnée. En effet, il nous semble important d’associer les collectivités territoriales, pour les « mettre dans le coup », si vous me permettez cette expression. Elles subiront les effets des dispositions que nous allons voter, en particulier sur leur budget. En outre, les associer constituera un moyen de travailler avec l’ensemble des associations sur des questions qui peuvent être communes, par exemple en matière de logistique.

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Billon et MM. Kern, Détraigne et Longeot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 15

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les denrées alimentaires résiduelles données par les commerces de détail alimentaires et non distribuées par les associations sont traitées conformément au code de l’environnement en respectant la hiérarchie des modes de traitement et conformément à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales.

« Dans le cas où la gestion des denrées alimentaires résiduelles données par les commerces de détail alimentaires et non distribuées par les associations induit l’intervention d’une collectivité territoriale, celle-ci est associée à la convention de partenariat mentionnée au III de l’article L. 541-15-5 du présent code.

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Cet amendement est très proche de celui qu’a très bien défendu Mme Didier à l’instant. Il s’agit en effet de ne pas faire supporter à la collectivité un coût qui serait ensuite répercuté sur les contribuables.

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme Billon et MM. Longeot, Kern et Détraigne, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La convention détermine, en relation avec les acteurs concernés, les modalités selon lesquelles les dons alimentaires non distribués par l'association bénéficiaire seront valorisés ou éliminés en conformité avec la réglementation en vigueur en matière de gestion des déchets.

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Chantal Jouanno, rapporteur. La proposition de loi n’indique pas explicitement que les collectivités doivent être associées aux conventions, mais elle ne l’interdit pas. Au cas par cas, les collectivités pourront donc en être parties.

Cette question soulève de nouveau celle des indicateurs de suivi. Dans la mesure où la lutte contre le gaspillage alimentaire entre dans le périmètre des missions de l’ADEME, celle-ci pourrait être chargée d’une mission de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre de cette proposition de loi. Ainsi, dans un an ou deux, l’Agence pourrait nous dire si le volume de déchets gérés par les collectivités a augmenté ou non.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Je retiens l’idée de Mme la rapporteur au sujet de l’ADEME, qui pourrait être chargée d’une mission de suivi. Je ne peux naturellement m’engager à la place de Mme la ministre de l’écologie, mais je lui ferai part de cette intéressante suggestion.

En ce qui concerne les amendements, le futur article L. 541-15-4, qui est inséré dans le code de l’environnement par l’article 1er de la proposition de loi, prévoit que la hiérarchie des actions de lutte contre le gaspillage s’applique à tous les stades, de la fabrication jusqu’au consommateur, en passant par la distribution et les associations. Rappeler cet élément déjà présent dans le texte serait donc redondant.

Par ailleurs, à partir du moment où une association passe par le service public de gestion des déchets pour se défaire des dons non distribués, elle devra s’assurer que la collectivité assure bien la valorisation des biodéchets. Il faut noter que la convention passée entre l’association et le distributeur visera précisément à réduire, à une très faible quantité, les produits invendus qui ne pourront finalement pas être distribués par l’association. En conséquence, l’effet devrait être négligeable pour les collectivités. Il ne semble donc pas nécessaire que les collectivités soient systématiquement associées à la convention, ce qui pourrait constituer une lourdeur pour celles qui ne le souhaitent pas. Toutefois, comme l’a indiqué Mme la rapporteur, cela reste possible.

Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, on m’apporte à l’instant la convention type, que le cabinet de Mme Royal vient de nous faire parvenir par mail – le progrès a parfois du bon (Sourires.). Je vais vous la faire passer.

M. le président. Madame Didier, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?

Mme Évelyne Didier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.

Madame Billon, les amendements nos 5 et 6 sont-ils maintenus ?

Mme Annick Billon. Non, je les retire également, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 5 et 6 sont retirés.

Je mets aux voix l’article 1er.

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
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Article 3 (Texte non modifié par la commission)

Article 2

(Non modifié)

Après le 2° de l’article 1386-6 du code civil, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Qui fait don d’un produit vendu sous marque de distributeur en tant que fabricant lié à une entreprise ou à un groupe d’entreprises, au sens de l’article L. 112-6 du code de la consommation. » – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

(Non modifié)

À l’article L. 312-17-3 du code de l’éducation, après la première occurrence du mot : « alimentation », sont insérés les mots : « et à la lutte contre le gaspillage alimentaire ».

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l’article.

M. Joël Guerriau. Le gaspillage alimentaire me touche d’autant plus que je suis maire d’une commune qui compte sept groupes scolaires. Lors de mes visites, j’ai eu l’occasion de mesurer la difficulté pour les agents de faire face au gaspillage. Nous venons d’ailleurs d’établir un diagnostic : 51 % des denrées cuisinées sont gaspillées – un chiffre alarmant ! Nous nous sommes fixé un plan pluriannuel, qui prévoit de réduire ce chiffre à 20 % d’ici à la fin de 2018.

L’article 3 consacre l’idée qu’il faut mettre en place un plan de lutte contre le gaspillage alimentaire dans les restaurants scolaires. Bien sûr, il convient de dialoguer avec les enfants, lors de la prise des repas, pour les inciter à manger, d’organiser des temps de sensibilisation et de prendre en compte leur avis et celui des accompagnants pour faire évoluer les recettes.

Cependant, toutes ses bonnes intentions se heurtent à des contraintes tout aussi louables. L’enfant a notamment l’obligation d’avoir toutes les composantes du repas sur son plateau, quels que soient ses goûts.

Des recommandations nutritionnelles s’imposent ainsi à la restauration collective. Dictées par le groupe d’étude des marchés « Restauration collective et nutrition », elles ont pour objectif d’améliorer la qualité nutritionnelle des repas, compte tenu des données nouvelles concernant la santé publique. Il s’agit en particulier de lutter contre l’obésité infantile.

Les objectifs nutritionnels visent à diminuer les apports de glucides ajoutés, à rééquilibrer la consommation des lipides, à apporter davantage de fibres, à augmenter les apports en fer et la consommation de fruits et légumes, etc. Pour y parvenir, une réglementation d’application obligatoire datant de 2011 s’impose à la restauration scolaire. Les grammages des portions servies et la fréquence de services de plats sont contrôlés.

Toutes ces recommandations et obligations favorisent un équilibre nutritionnel, mais entraînent davantage de gaspillage alimentaire. L’éducation au goût prend du temps, et cela engendre du gaspillage et des pertes financières.

Depuis le 1er janvier 2016, une recommandation, qui s’inscrit dans le cadre de la mise en application de la dernière étape de la loi Grenelle 2 en ce qui concerne les biodéchets, favorise la mise en place, dans les restaurants, du doggy bag ou « box anti-gaspi ». Cette recommandation permet aux restaurateurs de réduire notamment le nombre de leurs biodéchets.

Si les doggy bags sont très répandus dans les pays anglo-saxons, les Français ne sont pas habitués à emporter leurs restes. À tel point que, en Rhône-Alpes, la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt a mis en place une nouvelle appellation et un slogan pour démocratiser cette pratique. Le doggy bag s’appelle désormais le « gourmet bag », et le message est le suivant : « C’est si bon, je finis à la maison ! » Une telle mesure appliquée dans les restaurants scolaires permettrait une sensibilisation des nouvelles générations et une image plus positive du concept.

Je souhaitais apporter cette illustration pour vous indiquer, mes chers collègues, que l’article 3 ne suffira pas. Éduquer et informer pour agir contre le gaspillage alimentaire est une nécessité dans la restauration scolaire, mais il reste beaucoup à faire et une réflexion plus large s’impose. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Je souscris aux objectifs de cet article, qui a le mérite d’introduire des dispositions dans le code de l’éducation. Il s’agit là d’un point qui me semble important. D’ailleurs, plusieurs collègues ont abordé, lors de la discussion générale, les notions de prévention et de sensibilisation.

Il faut souligner l’importance de l’action des personnels et des enseignants, mais aussi celle des parents, des associations, des élus et des bénévoles. Leur implication permet une sensibilisation à tous les niveaux, en particulier dans les écoles, qu’elles soient situées en zone rurale ou en ville, et ce dès l’école maternelle. On remarque d’ailleurs que les enfants relayent ensuite ces préoccupations auprès de leurs parents, dans le cadre d’un partage tout à fait intéressant entre les générations.

En matière de lutte contre le gaspillage, tout le monde est concerné. Les auteurs de la proposition de loi ont eu le mérite de mettre cela en avant, et c’est fondamental.

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(L’article 3 est adopté.)

Article 3 (Texte non modifié par la commission)
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

(Non modifié)

À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, après le mot : « circulaire », sont insérés les mots : « , de la lutte contre le gaspillage alimentaire ». – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme la rapporteur.

Mme Chantal Jouanno, rapporteur. Nous sommes parvenus – rapidement – au terme de l’examen de cette proposition de loi, qui a l’avantage de recueillir une belle unanimité.

Ce texte ne comporte que quelques dispositions et ne traite qu’une partie de la lutte contre le gaspillage. Il va toutefois permettre à tous ceux qui se sont très fortement mobilisés sur le sujet – je pense notamment à Guillaume Garot, à François Zocchetto, à Arash Derambarsh ou à Frédéric Lefebvre – de continuer à porter leur message, à savoir être conscient du gaspillage et réfléchir à notre propre consommation, même si celle-ci reste un acte de plaisir.

Même s’il s’agit d’un petit texte, sa portée en termes de communication et de réflexion est extrêmement importante.

Mme Isabelle Debré. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Au nom du plus petit groupe de cette assemblée, je souhaite exprimer toute ma satisfaction devant ce consensus. Le vote conforme qui s’annonce permettra d’aller vite et d’avancer. Nos concitoyens ont besoin de signaux montrant que nous sommes capables de travailler, ensemble, dans le même sens.

Le gaspillage alimentaire, il faut le dire clairement, est la conséquence d’un système de grande production et de grande distribution.

Mme Isabelle Debré. Et d’un manque d’éducation !

M. Joël Labbé. Lorsque nous pourrons travailler plus avant sur une alimentation qui soit proche des territoires, sur les circuits courts, sur la distribution par de petits magasins de proximité, sur les magasins de producteurs et sur les marchés locaux, alors le gaspillage alimentaire sera beaucoup moins important.

Le groupe écologiste votera ce texte, qui en annonce d’autres et qui redonne confiance en la politique.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Je suis, moi aussi, heureux du consensus qui s’exprime sur cette proposition de loi, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat ou au Parlement européen, qui a déjà adopté un certain nombre de dispositions en la matière.

Je félicite tous ceux qui se sont mobilisés sur le sujet. Je pense par exemple à Guillaume Garot ou à Arash Derambarsh, qui a réalisé un travail important, en particulier au travers d’une pétition qui a recueilli plus de 700 000 signatures.

Obliger la grande distribution, qui n’est guère malheureuse en règle générale,…

Mme Évelyne Didier. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Alain Fouché. … à participer à l’effort de solidarité à l’égard des plus démunis – 10 millions de personnes, je le rappelle ! – me paraît important. Dans nos permanences, nous voyons bien les difficultés que rencontrent les gens aujourd’hui. Par exemple, ils sont souvent contraints d’aller à la Banque alimentaire.

Il faudra aussi continuer à réfléchir à ce qui se passe dans les écoles, les hôpitaux ou à l’occasion des réceptions. Nous devons en effet aller beaucoup plus loin.

Ce texte, très réussi, est un premier pas important que, de surcroît, peu de pays ont déjà franchi. Je crois même que nous sommes les premiers. J’adresse donc un grand bravo à tous ceux qui se sont engagés dans ce mouvement. Cet effort de solidarité envers les plus démunis est essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Je retiendrai trois points de ce texte quelque peu exceptionnel dans la mesure où il a été approuvé sur toutes les travées de notre hémicycle après avoir été adopté sans modification par l’ensemble des groupes lorsqu’il a été examiné par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Le premier point est qu’il s’inscrit dans la même démarche que celle qui avait été la nôtre pour les lois Grenelle et pour la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, lois qui visent une économie sobre. Nous ne pouvons plus continuer comme nous le faisons aujourd'hui : voilà le message primordial ! L’introduction dans la loi d’une hiérarchie des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire qui doivent être menées s’inscrit totalement dans la hiérarchie que nous avions fixée pour la transition énergétique.

Le deuxième point est que ce texte arrive à un moment où la pauvreté augmente en France. Alors que vingt kilos de déchets alimentaires sont jetés par personne et par an, on voit bien la contradiction de notre société et la nécessité qu’il y a à agir sur les comportements. Les dispositions sur l’éducation à la lutte contre le gaspillage alimentaire montrent que, là encore, nous sommes dans le temps, encore que la première directive européenne remonte à 1975…

Le troisième point, c’est une unanimité rare, qui est à l’honneur du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Le groupe CRC votera évidemment pour la proposition de loi telle qu’elle est issue de nos travaux. Toutefois, je tiens à souligner que nous sommes là dans un système de dons alimentaires. Ce système est certes vertueux et va aider les associations caritatives qui, tous les jours, font un travail extraordinaire auprès des populations les plus démunies de notre pays, mais ce ne sont pas tant les distributeurs que ces associations qui, au quotidien, vont aider ceux qui en ont besoin. Ce sont elles qu’il faut applaudir, mes chers collègues. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. Alain Fouché. Très bien !

M. Roger Karoutchi. Applaudissons les policiers et les gendarmes aussi !

Mme Évelyne Didier. Je rappelle tout de même que notre société ne pourrait pas tenir s’il n’y avait pas cette aide !

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier. Il faut en avoir conscience, ne pas se payer de mots et, surtout, ne pas se donner bonne conscience à moindre coût, si vous me permettez cette expression.

Nous sommes face une absurdité, soulignée par plusieurs d’entre nous, celle du gaspillage face à la famine. On voit là les limites de notre société de consommation, ce qui doit évidemment nous interroger. Il fallait le faire, nous l’avons fait, c’est très bien, mais ne considérons pas que nous avons accompli un acte héroïque ! Pardonnez-moi de casser un peu l’ambiance, mais je crois qu’il faut remettre les choses à leur juste place. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Joël Labbé applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Je veux moi aussi dire, au nom du groupe socialiste, combien je suis heureuse et fière de l’adoption imminente de cette proposition de loi, texte de bon sens très attendu qui va pouvoir entrer en application rapidement.

On l’a dit, ce texte a fait l’objet d’un consensus politique tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Comme quoi tout est possible ! Je m’en félicite en espérant qu’il en ira de même pour d’autres textes aussi importants.

Enfin, je veux partager ce plaisir avec Guillaume Garot, qui attend en tribune le résultat de notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Joël Labbé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Ce n’est peut-être pas un acte héroïque et pourtant nous sommes en guerre : nous sommes en guerre contre la misère des plus démunis, qui sont tout de même 80 millions en Europe. Je considère que, s’il ne s’agit pas d’un acte héroïque, il s’agit au moins d’un acte historique. On ne peut en effet rester à ne rien faire alors que toute cette nourriture dont ces personnes auraient tant besoin est abandonnée, gaspillée.

M. Joël Guerriau. C’est parce que cet acte doit dépasser nos propres frontières qu’il est historique.

M. Joël Guerriau. Il est important que l’Europe nous entende et que des mesures de ce type soient mises en œuvre dans d’autres nations, car il y a là un enjeu non seulement national, mais aussi européen, voire mondial.

Je ne reviens pas sur ce qui a été dit au cours du débat par mes collègues, qui ont fait preuve d’une unité que j’ai trouvée très belle, comme lors de nos débats sur les gaz à effet de serre, chaque orateur reprenant presque exactement les mêmes arguments. Nous devons être fiers de cette belle unité, car c’est elle qui nous permettra d’avancer sur un chemin qui demeure encore largement à parcourir. Beaucoup de choses restent en effet à faire, notamment dans le cadre de la restauration scolaire, où beaucoup de nourriture est encore gaspillée. Ce n’est donc là que le début d’un combat.

Mme Chantal Jouanno, rapporteur. Absolument !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Bien entendu, je voterai ce texte, dont l'adoption à l’unanimité fera honneur au Sénat.

Le diable se cache cependant parfois dans les détails. Il faut dire que l’excès de réglementation est « producteur » de gaspillage. Comment peut-on accepter que des melons – je prends cet exemple, mais ce pourrait être un autre – qui n’ont pas la bonne dimension pour être consommés soient jetés à la décharge publique ?

De la même façon, un certain nombre de chaînes d’alimentation, que je ne fréquente pas parce que l’on y mange très mal, sont en conformité avec cette réglementation excessive, mais n’en produisent pas moins une nourriture qui est – pardonnez-moi l’expression, mais c’est la plus adaptée – « parfaitement dégueulasse » pour ne pas dire immangeable, autre source de gaspillage alimentaire parce que les produits de ce genre n’intéressent personne !

Il faut peut-être aussi un peu plus de souplesse en ce qui concerne les dates de péremption. Elles doivent bien sûr exister – c’est une question de santé publique –, mais, dans notre économie domestique, nous sommes souvent beaucoup moins précautionneux et n’observons pas les dates avec une rigueur extrême. Pour autant, il y a très peu de gens qui s’empoisonnent en mangeant des steaks de vache charolaise ou de blonde d’Aquitaine (Sourires.), dont on me permettra de préciser que c’est une vache dont la viande est particulièrement goûteuse…

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je veux remercier la Haute Assemblée de cette belle unanimité.

Il est assez rare que nous adoptions un texte à l’unanimité, qui plus est un texte conforme,…

Mme Isabelle Debré. Tout à fait !

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. … c'est-à-dire sans modification par rapport à la version adoptée à l’Assemblée nationale.

Je salue d’ailleurs tous ceux d’entre vous qui souhaitaient encore améliorer la proposition de loi par voie d’amendements et qui ont eu la sagesse de les retirer, que ce soit en commission ou dans l’hémicycle, car l’urgence imposait que nous adoptions le texte le plus rapidement possible. C’est ce que nous avons fait aujourd'hui, et je m’en réjouis.

Nous avons les uns et les autres souligné à quel point ce texte était nécessaire : il n’est pas supportable que plus de vingt kilos d’aliments soient jetés par personne et par an quand il y a tant de situations de misère et de détresse.

Cette loi ne réglera naturellement pas tout. Elle n’est qu’un premier pas, ou plutôt un signal, un symbole fort adressé à l’ensemble des acteurs concernés, à commencer par la grande distribution. Il faut maintenant que les uns et les autres se mobilisent, que ce soient les collectivités locales – mais pas seulement elles bien sûr –, l’ensemble de la chaîne de production et de distribution, mais aussi chacun d’entre nous. Un effort très important reste en effet à faire en matière d’information, de sensibilisation et d’éducation, notamment celle de nos enfants – ou petits-enfants, selon notre génération –, pour qu’ils comprennent que l’époque de la société de consommation et du gaspillage doit définitivement s’achever.

Je me réjouis donc de l’adoption de cette loi qui va permettre, je l’espère, d’enclencher ce mouvement.

J’en profite pour signaler que le Gouvernement nous a remis tout à l’heure la convention type, dont nous ne disposions pas encore ; nous la distribuerons bien sûr aux membres de la commission, et toutes celles et tous ceux qui sont intéressés par le sujet pourront la demander à la commission. (Applaudissements.)