M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Il est proposé, sur le modèle de ce qui est prévu à l’article 12 bis pour l’électricité et le gaz, d’ouvrir les données des distributeurs de fioul domestique afin d’encourager le développement d’offres d’efficacité énergétique, y compris sur le fioul, qui est l’énergie de chauffage la plus carbonée hormis le charbon, voire de proposer à ces consommateurs des offres alternatives moins ou très peu carbonées comme le gaz et l’électricité.

Si l’objectif visé est louable, le dispositif proposé, en assimilant des énergies aux caractéristiques bien différentes, paraît cependant inadapté.

En effet, contrairement à l’électricité et au gaz, le fioul domestique est distribué, non par des acteurs centralisés, mais de façon diffuse – l’électricité correspond à un opérateur, RTE, le gaz à deux opérateurs ; en l’occurrence, sont impliqués plus de 1 800 opérateurs. Il s’agit d’une énergie hors réseaux, sans dispositif de compteurs communicants, et dont la consommation ne peut être calculée à partir des quantités livrées, le fioul – souvent acheté à l’avance lorsque les prix sont les plus bas – étant stocké et ensuite consommé progressivement, éventuellement sur plusieurs années.

Concrètement, on peut également se demander comment les clients pourraient établir des comparaisons de consommation à partir de données agrégées,…

M. Philippe Dallier. Et anonymes !

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. …et dans quelle mesure ils pourraient facilement substituer leur consommation de fioul par une consommation de gaz ou d’électricité pour se chauffer. Il est vrai que certains appartements ou immeubles ont plusieurs sources de chauffage.

Enfin, la référence à l’exemple du chèque énergie pour justifier de la capacité des opérateurs à mettre en œuvre cette ouverture s’avère inopérante dès lors que le chèque est basé sur le revenu fiscal des ménages et qu’il ne constitue qu’un moyen de paiement, sans aucun lien avec une connaissance de la consommation.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements, en l’état. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Si ceux-ci devaient malgré tout être adoptés – sait-on jamais ! –,…

M. Jean Bizet. Il y a un petit espoir !

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. … il serait sans doute préférable d’inverser la rédaction actuelle et de rectifier le quatrième alinéa de la façon suivante : « Dans le cadre des objectifs mentionnés à l’article L. 100-2, les opérateurs mettant à la disposition du public la consommation du fioul domestique sont chargés, à partir des données issues de leur système de comptage de l’énergie… »

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

En outre, la mesure proposée serait certainement coûteuse pour les très nombreuses PME qui livrent du fioul sur tout le territoire national, car ces entreprises commerciales devraient ainsi livrer des données privées sur une plateforme open data.

Si l’objectif visé me paraît louable, il est partiellement satisfait par une disposition de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit le suivi global de la vente de ce produit. Certes, ce suivi n’est pas mis en open data, mais cela tient à la limite de l’exercice. En réalité, les circuits de commercialisation et de livraison présentent sans doute à ce jour un intérêt plus grand pour les acteurs industriels que pour le grand public.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Les explications de M. le rapporteur pour avis et de Mme la secrétaire d’État m’ayant convaincu, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 308 est retiré.

Qu’en est-il de votre amendement, monsieur Bizet ?

M. Jean Bizet. Ayant reçu une proposition séduisante de M. le rapporteur pour avis, j’accepte d’emblée de rectifier mon amendement en ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur pour avis.

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Je reconnais bien là M. Bizet ! (Sourires.), mais il s’agissait d’une rectification sur la forme et non sur le fond.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur le sénateur ?

M. Jean Bizet. Je suis donc un peu coincé ! (Sourires.) Par conséquent, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 173 rectifié est retiré.

Maintenez-vous votre amendement, madame Deroche ?

Mme Catherine Deroche. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 550 rectifié bis est retiré.

Articles additionnels après l'article 12 bis
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 13 (Texte non modifié par la commission)

Article 12 ter (nouveau)

I. – L’article L. 135 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« L’administration fiscale autorise la transmission à titre gratuit, à leur demande, aux propriétaires faisant l’objet d’une procédure d’expropriation, aux professionnels de l’immobilier, aux chercheurs, aux personnes dont l’activité économique consiste à développer des services contribuant à l’information des vendeurs et des acquéreurs et à la transparence du marché immobilier, aux services de l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre, aux établissements publics administratifs et aux établissements publics visés aux articles L. 143-16, L. 321-1, L. 321-14, L. 321-29, L. 321-36-1, L. 321-37, L. 324-1 et L. 326-1 du code de l’urbanisme, aux agences d’urbanisme mentionnées au code de l’urbanisme, à l’établissement public visé au titre IX de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013, aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural mentionnées à l’article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime, aux concessionnaires des opérations d’aménagement mentionnés à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme, aux associations foncières urbaines mentionnées à l’article L. 322-1 du même code et aux observatoires des loyers mentionnés à l’article 16 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 les éléments d’information qu’elle détient au sujet des valeurs foncières déclarées à l’occasion des mutations intervenues dans les cinq dernières années et qui sont nécessaires à l’exercice de leurs compétences en matière de politiques foncière, d’urbanisme et d’aménagement et de transparence des marchés fonciers et immobiliers. Cette administration ne peut, dans ce cas, se prévaloir de la règle du secret. » ;

2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« L’administration fiscale statue sur les demandes qui lui sont présentées par les personnes visées au précédent alinéa dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.

« Un décret en Conseil d’État organise les modalités de transmission des éléments d’information mentionnés au premier alinéa. »

II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur le premier jour du septième mois suivant la publication de la présente loi.

Mme la présidente. L'amendement n° 228, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« L’administration fiscale transmet, sous forme dématérialisée dans le cadre d’une procédure en ligne, à titre gratuit, à leur demande, aux professionnels de l’immobilier, …

II. – Alinéas 5 et 6

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de concilier la transparence de l’information sur le marché immobilier qu’organise le précédent alinéa et le respect de la vie privée, les données transmises par l’administration fiscale excluent toute identification nominative du propriétaire d’un bien et les bénéficiaires de la transmission ne doivent à aucun moment reconstituer des listes de biens appartenant à des propriétaires désignés. La transmission de ces informations par l’administration fiscale est soumise, dans le cadre de la procédure en ligne, à une déclaration de motifs préalable, aux fins de laquelle l’organisme demandeur doit justifier de sa qualité et accepter les conditions générales d’accès au service. »

III. – Après l’alinéa 6

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 107 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « procédure de contrôle portant sur la valeur d’un bien immobilier », sont insérés les mots : «, faisant état de la nécessité d’évaluer la valeur vénale d’un bien immobilier en tant que vendeur ou acquéreur potentiel de ce bien » ;

2° Au troisième alinéa, les mots : « la rue et la commune » sont remplacés par les mots : « les références cadastrales et l’adresse ».

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. L’article 12 ter a été introduit dans le projet de loi à la suite d’un amendement que nous avions proposé et qui a été adopté par la commission des lois. Il vise principalement à élargir le périmètre des personnes pouvant demander la transmission des données foncières de l’administration fiscale. La transparence des marchés fonciers et immobiliers est un besoin croissant dont l’absence constitue aujourd’hui un obstacle à leur fluidité et à leur bon fonctionnement.

Nous pensons que ce dispositif pourrait être encore amélioré afin d’éviter tout risque de blocage. Plutôt que de créer des processus d’autorisation administrative avec plusieurs acteurs possibles, sources de frein et de lenteur dans l’accès à l’information, des processus dématérialisés en ligne paraissent plus à même d’assurer la rapidité de l’accès qui est souhaité.

Par ailleurs, et même si tout un chacun peut depuis longtemps demander au cas par cas communication des actes de propriété et des noms des propriétaires d’un bien immobilier dans le cadre de la publicité foncière, il semble en revanche souhaitable de souligner le fait que l’accès à cette information n’autorise pas, dans le même temps, un cadre légal pour des fichiers « désanonymisés » de propriétaires.

Enfin, et dans le même esprit de transparence, la base PATRIM, qui constitue aujourd’hui un portail officiel d’accès à une information sur les valeurs immobilières, doit faire l’objet de deux ouvertures complémentaires.

D’une part, il paraît logique d’ouvrir à d’autres motifs que ceux qui sont strictement fiscaux ou liés à des procédures d’expropriation la consultation de cette base. C’est une réalité qui, malgré les motifs invoqués pour la consultation, ne fait guère de doute aujourd’hui et qui paraît légitime.

D’autre part, les précautions prises quant à la faible précision de la base à l’époque de sa création ne paraissent plus de mise à l’heure où se multiplient les sites immobiliers en ligne avec photos permettant de localiser très précisément un bien.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement tend à préciser un article adopté par la commission sur l’initiative de Jean-Pierre Sueur et concernant la transmission de données foncières par l’administration fiscale.

Cet amendement ajoute des garanties pour le respect de la vie privée et précise les motifs pouvant donner lieu à cette transmission. Une meilleure articulation est également prévue avec les expropriations pour cause d’utilité publique.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il est question ici, non pas exactement d’open data, mais bien de la transmission des données détenues par l’administration fiscale qui sont relatives aux mutations, qu’il s’agisse des mutations à titre onéreux comme les ventes immobilières ou des mutations à titre gratuit comme les donations.

Cet amendement prévoit de modifier l’article 12 ter en indiquant directement dans l’article 135 B du livre des procédures fiscales que le transfert s’effectuera sous forme dématérialisée dans le cadre d’une procédure en ligne, mais aussi en interdisant le transfert de données qui permettent une identification nominative du propriétaire d’un bien et les bénéficiaires de la transmission, et en supprimant l’obligation, pour l’administration, de répondre dans un délai de deux mois.

La rédaction prévue par l’amendement aurait pour effet de restreindre la portée de la dérogation telle qu’elle est prévue à l’article 135 B précité, puisque cette partie supprime les données nominatives pour l’ensemble des personnes visées à cet article, et donc aussi pour celles qui en bénéficient depuis 2006, notamment les collectivités locales, ce qui est contraire à l’objectif visé par le Gouvernement. Cet effet de l’articulation des dispositions législatives n’avait peut-être pas été initialement perçu.

Par ailleurs, l’article 12 ter renvoie à un décret en Conseil d’État le soin d’organiser les modalités de transmission de ces éléments d’information. Or il n’apparaît pas totalement pertinent que le texte de loi porte directement sur ces modalités. Celles-ci seront détaillées par un décret, plus adapté en l’espèce.

En outre, la transmission de ces données devrait être assurée par un tiers et non par l’administration fiscale elle-même. Celle-ci n’est pas en mesure de l’assurer, compte tenu de l’élargissement du champ des bénéficiaires de l’article précité.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Monsieur Rome, nous souhaitons disposer d’un plus grand laps de temps pour examiner, avec vous et avec ceux de vos collègues qui souhaitent se pencher sur ce sujet, une piste législative dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.

Naturellement, le Gouvernement souscrit au but visé, à savoir une plus grande transparence du marché immobilier dans son ensemble, permettant d’éviter des transactions déconnectées des réalités financières du terrain. Cependant, il faut continuer à travailler la formalisation juridique de ces dispositions.

Mme la présidente. Monsieur Rome, l’amendement n° 228 est-il maintenu ?

M. Yves Rome. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 228.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 625, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

agences d’urbanisme mentionnées au code de l’urbanisme, à l’établissement public visé au titre IX

par les mots :

agences d’urbanisme mentionnées à l’article L. 132-6 du même code, à l’établissement public mentionné à l’article 44

II. – Après l’alinéa 6

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Au troisième alinéa de l’article L. 135 J du même livre, les mots : « du onzième » sont remplacés par les mots : « de l’avant-dernier ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle et de coordination, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 625.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12 ter, modifié.

(L'article 12 ter est adopté.)

Section 3

Gouvernance

Article 12 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 14 (Texte non modifié par la commission)

Article 13

(Non modifié)

Le I de l’article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « dix-sept » est remplacé par le mot : « dix-huit » ;

1° bis Aux 6° et 7°, les mots : « de l’informatique » sont remplacés par les mots : « du numérique » ;

2° Après le 7°, il est inséré un 8° ainsi rédigé :

« 8° Le président de la Commission d’accès aux documents administratifs, ou son représentant. »

Mme la présidente. L'amendement n° 102, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, si vous me le permettez, je défendrai par la même occasion les amendements nos 103, 104, 105 et 65, l’ensemble de ces dispositions étant liées les unes aux autres.

Les deux lois de 1978, celle de janvier, portant création de la CNIL, et celle de juillet, créant la CADA, ont, pendant près de quarante ans, et avec succès, fourni un cadre à la protection des Français contre les risques informatiques et assuré la transparence des relations de l’administration avec les citoyens.

Depuis qu’a débuté l’examen de ce projet de loi, on peut dresser le constat suivant. Toutes les inquiétudes que suscite aujourd’hui le numérique, au titre des capacités d’accroissement de la transparence, du nombre de données ouvertes et facilement consultables, convergent vers cette question : comment, au total, protéger les citoyens face à un champ de plus en plus large d’open data ?

En la matière, tout l’enjeu se situe à la convergence des métiers de la CNIL et de la CADA. Je note au demeurant que cette observation fait l’objet d’un consensus.

Tous les articles que je propose de supprimer lient ces deux autorités administratives, en rendant, de manière structurelle, le président de l’un des collèges membre de l’autre collège.

Gardons à l’esprit la commission d’enquête que le Sénat a consacrée aux autorités administratives indépendantes. Souvenons-nous, de surcroît, de la proposition de loi de Jacques Mézard qui a suivi les travaux de cette instance.

À ce titre, nous avons exprimé une double préoccupation. D’une part, on observe un manque de contrôle démocratique exercé sur les autorités administratives indépendantes. De l’autre, dans un certain nombre de domaines, se manifeste un besoin d’autorités administratives indépendantes.

En l’occurrence, les métiers de la CNIL et de la CADA présentent des intersections de plus en plus évidentes, formant le cœur de nos interrogations et de nos inquiétudes. Et pourtant, on nous propose de conserver deux instances distinctes.

Or nous ne pouvons pas nous satisfaire de la création de deux autorités administratives interdépendantes : un tel choix serait contraire à toutes les réflexions menées sur ce sujet depuis des années.

Plutôt que d’aller dans cette direction, nous proposons, dans le but de prolonger le débat, la suppression des articles 13, 14, 15 et 16. Parallèlement, je demande au Gouvernement de rédiger un rapport…

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Il y avait longtemps…

M. Jean-Yves Leconte. … pour préparer la fusion de ces deux autorités au sein d’une instance administrative unique.

Bien entendu, il s’agit d’un sujet difficile, et, compte tenu des enjeux, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Aussi, je n’ai pas la prétention de proposer une solution définitive par le simple biais d’un amendement personnel : un tel procédé serait trop risqué.

Nous avons également l’expérience du Défenseur des droits.

Mme Éliane Assassi. Il faudrait conclure…

M. Jean-Yves Leconte. Cet exemple le prouve : la réunion de plusieurs autorités administratives indépendantes ne saurait se résumer à l’addition de différents collèges existants.

Le rapport dont je sollicite la rédaction permettrait de poser le problème dans son ensemble, en gardant à l’esprit l’existence d’une dynamique de fusion de ces deux autorités administratives indépendantes.

Mes chers collègues, je vous prie de m’excuser si j’ai parlé un peu longuement. Je précise que ces développements m’ont permis de défendre, outre le présent amendement, les quatre amendements qui suivent !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Merci !

M. Yves Rome. Bravo !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Puisque M. Leconte a défendu ses cinq amendements en une seule fois, je donnerai, si vous m’y autorisez, l’avis de la commission sur l’ensemble de ces dispositions.

Tous ces amendements tendent à assurer une meilleure articulation entre la CADA et la CNIL.

Le présent projet de loi s’engage d’ores et déjà dans cette voie, sans aller jusqu’à prévoir leur fusion. On peut s’en étonner. C’est un choix du Gouvernement, et la commission des lois a travaillé à partir de ce postulat. Dans ce cadre, elle s’est efforcée d’améliorer le texte qui lui était soumis.

Ces deux autorités administratives conservent des rôles essentiellement différents. La CADA exerce une mission précontentieuse au titre de la communication et de la diffusion des documents administratifs. La CNIL a, quant à elle, un rôle de régulateur et de garante de données à caractère personnel. Là est toute la différence entre ces deux instances.

Cela étant, une meilleure articulation entre ces deux autorités administratives indépendantes est nécessaire, car leurs champs d’intervention se recoupent parfois. Ainsi, la CADA peut être appelée à se prononcer sur la communication de fichiers comportant des données à caractère personnel.

En conséquence, en vertu du présent texte, le président de la CNIL siège au sein du collège de la CADA, et réciproquement.

De surcroît, ce projet de loi ouvre, pour ces deux autorités administratives indépendantes, la possibilité de se réunir ponctuellement au sein d’un collège unique pour fixer des orientations communes.

Ces dispositions doivent être préservées.

Au reste, notre collègue Jacques Mézard, précédemment cité, n’exclut pas la possibilité qu’un membre de la CADA siège au sein du collège de la CNIL, et vice versa. Dans le rapport qu’il a consacré à la proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes, il écrit : « Une telle faculté résulte de la possibilité de la loi de donner par une disposition spéciale à une disposition générale et, plus fondamentalement, du fait que cette présence de droit ne s’assimile pas à un nouveau mandat pour lequel le membre aurait fait l’objet d’une seconde nomination. »

Pour ces raisons, je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur Leconte, vous estimez que les articles organisant une gouvernance mieux coordonnée entre la CNIL et la CADA méritent d’être supprimés.

Je tiens à rappeler pourquoi le Gouvernement a jugé, à l’inverse, pertinent de rapprocher ces deux institutions. J’insiste par ailleurs sur l’attitude de prudence que nous avons choisi d’adopter : il s’agit d’un simple rapprochement et non d’une fusion. Cette seconde solution a pu être envisagée initialement. En définitive, nous avons conclu qu’il fallait avancer par étapes.

Dans de nombreux pays européens, les équivalents de la CNIL et de la CADA sont réunis au sein d’une seule et même institution. Il en est ainsi au Royaume-Uni, avec le célèbre Information Commissioner’s Office. La plupart des États d’Europe centrale ont, plus récemment, lors de leur entrée dans l’Union européenne, créé une institution unique chargée de contrôler le traitement dont les données font l’objet. Ce sont donc, en quelque sorte, des agences de la data.

À l’heure actuelle, si la France devait créer de toutes pièces une institution de ce type, il semblerait naturel qu’elle opte pour ce système.

Cela étant, nous devons composer avec une longue tradition, à la fois dans le champ de la protection des données personnelles et dans le domaine du droit à l’information. Il s’agit là d’un double secteur.

À un même moment de notre histoire, en 1978, deux lois distinctes ont été adoptées. L’une, la loi CNIL, vise à protéger les données personnelles. À l’époque, ce texte a été conçu en réaction à l’usage de fichiers créés par l’État et jugés liberticides. L’autre, la loi CADA, a été votée dans le contexte de la guerre froide, en un temps où l’Union soviétique employait des méthodes de contrôle de ses citoyens. Ce second texte visait ainsi à libéraliser la société et à accroître les droits individuels.

La France peut être fière de compter parmi les premiers États à s’être organisée en la matière. La CNIL française a d’ailleurs inspiré, par la suite, de nombreux pays.

Cette ancienneté revêt un autre intérêt : grâce à elle, nous disposons d’une doctrine très stable et très éprouvée pour chacune des missions assignées à ces institutions. En conséquence, les entreprises et les administrations peuvent, aujourd’hui, identifier clairement le périmètre de leurs obligations.

On le sent bien, les enjeux se croisent davantage qu’auparavant. L’examen des articles de ce projet de loi relatifs à l’open data l’a bien montré. Les enjeux de respect de la vie privée, le traitement dont peuvent faire l’objet les données personnelles, leur anonymisation, les risques de ré-identification sont très présents dans les questions que se pose aujourd’hui la CADA. En résulte la nécessité de faire collaborer plus étroitement encore ces deux commissions dans les textes, puisque les pratiques sont déjà bien ancrées.

Nous avons fait le choix d’une participation croisée, tout en ouvrant, pour la CNIL et la CADA, la faculté de se réunir au sein d’un collège commun. Il s’agit là, je le répète, d’une démarche progressive.

J’ai demandé à M. Jean Massot, président de section honoraire au Conseil d’État, d’analyser la nécessité d’aller plus loin pour prendre en compte les nouvelles missions prévues dans le cadre du présent texte. M. Massot remettra ses conclusions au Gouvernement. Je pourrai, si vous le souhaitez, vous les transmettre, voire les placer en open data. (Sourires.) Ainsi pourrons-nous poursuivre cette réflexion.

De manière tout à fait pragmatique, le rapprochement de la CNIL et de la CADA se fera tout simplement par un déménagement immobilier : ces deux organisations seront très bientôt logées dans un même immeuble de l’avenue de Ségur. Leurs deux cultures doivent conserver leurs spécificités tout en se rapprochant, pour assurer une stratégie nationale cohérente en matière de données. Peut-être ce rapprochement physique permettra-t-il, au premier chef, une collaboration plus étroite.