compte rendu intégral

Présidence de Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Valérie Létard,

M. Philippe Nachbar.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.)

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Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées

Adoption définitive en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission, après procédure d’examen en commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées (projet n° 405, texte de la commission n° 530, rapport n° 529).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure d’examen en commission prévue par l’article 47 ter du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

La commission des lois, saisie au fond, s’est réunie le mercredi 6 avril 2016 pour l’examen des articles et l’établissement du texte. Le rapport a été publié le même jour.

Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 ter, alinéa 11, de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission et, enfin, aux orateurs des groupes.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’excuser le garde des sceaux, qui est retenu. Son absence me donne l’occasion et le plaisir de retrouver les sénatrices et sénateurs de toutes les sensibilités politiques présents ce matin dans cette belle maison, que j’apprécie tant, pour présenter à nouveau le projet de loi ratifiant l’ordonnance portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, qui avait été adopté à l’unanimité par votre assemblée le 28 janvier dernier.

Ce texte vous est présenté en deuxième lecture, compte tenu de modifications apportées par l’Assemblée nationale. Je rappelle que, en première lecture, le Sénat avait complété le dispositif proposé par le Gouvernement sur plusieurs points. À cet égard, je remercie l’excellent rapporteur, André Reichardt, pour le travail qu’il a réalisé, très méticuleux comme à l’accoutumée.

Pour mémoire, l’ordonnance du 10 septembre 2015 a été prise en application de l’article 23 de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises. Cette mesure est issue des travaux du Conseil de la simplification pour les entreprises. Elle a pour objet de diminuer le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, pour le faire passer de sept à deux, et, ainsi, d’aligner ce régime sur la règle de droit commun, prévue à l’article 1832 du code civil. En effet, jusqu’à présent, les sociétés anonymes devaient, en application de l’article L. 225-1 du code de commerce, réunir au minimum sept actionnaires.

Historiquement, cette exigence de sept actionnaires a été introduite en droit français par la loi du 23 mai 1863, sous l’influence du droit anglais. Toujours est-il qu’elle est depuis longtemps contestée, le chiffre de sept ne reposant sur aucune justification économique ou juridique. En outre, elle est en décalage avec la pratique des sociétés familiales et des petites et moyennes entreprises, dans lesquelles les parts sont souvent réunies entre les mêmes mains. Elle n’est pas davantage adaptée à la pratique des groupes de sociétés, au sein desquels les filiales sont parfois détenues à 100 % par la société mère.

Ainsi, cette obligation, qui ne trouve aucune justification, ni juridique ni économique, conduit de nombreuses sociétés anonymes à avoir recours à des actionnaires de complaisance et réduit l’intérêt de cette forme sociale. Aussi, la présente ordonnance a pour finalité de renforcer l’attractivité de la société anonyme. En effet, en raison de la stabilité et de la prévisibilité de ses règles de fonctionnement, celle-ci assure une meilleure protection des associés, particulièrement des associés minoritaires. Elle est, en cela, préférable à la société par actions simplifiée.

Le texte a également pour objectif de renforcer la compétitivité de la France au niveau européen, dans la mesure où notre pays est le seul en Europe à avoir établi et maintenu la règle des sept actionnaires. Il suffit de deux actionnaires pour créer une société anonyme au Royaume-Uni, en Belgique et en Italie, et d’un seul en Allemagne.

Le Gouvernement a prévu de fixer le nombre minimal d’actionnaires au plus bas, à savoir deux actionnaires, suivant en cela les recommandations des praticiens et des théoriciens du droit. Ainsi, il est apparu que la réduction à deux du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes, en ce qu’elle aligne le régime de ces sociétés sur le droit commun organisé par l’article 1832 du code civil, constitue une simplification attendue.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la procédure ne me permettant pas de m’exprimer après vos interventions, je tiens à remercier par avance le rapporteur, les intervenants des groupes, ainsi que les services du Sénat pour la qualité de leurs travaux. Je veux aussi féliciter les membres de la commission des lois, notamment son président, pour leur travail approfondi sur les ratifications d’ordonnances. Je salue également les trois orateurs des groupes qui interviendront en explication de vote, M. Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman et M. Jean-Claude Requier, pour leur participation au travail de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce.

Au nom du Gouvernement, je tiens à vous assurer de mon engagement total sur le chantier de la simplification. Bien sûr, celle-ci ne saurait s’arrêter à la seule réduction du nombre d’actionnaires des sociétés anonymes. Le projet de loi Sapin II prolonge la logique qui inspire cette mesure : il inclura une série d’articles simplifiant le droit des sociétés. Les démarches seront allégées lorsque l’on passe d’une structure sociétaire à une autre, par exemple d’une entreprise individuelle à une entreprise individuelle à responsabilité limitée. Ce texte permettra également de simplifier de manière très significative la procédure de création d’entreprise, en rendant plus simple, plus rapide et plus accessible l’installation des artisans.

Par ailleurs, comme le Premier ministre l’a rappelé lors de ses annonces du 3 février dernier, les procédures de convocation des assemblées générales des sociétés anonymes ont déjà fait l’objet d’une modernisation significative, puisqu’elles seront dématérialisées et simplifiées.

Enfin, dans le cadre de la prochaine vague de simplification, je continue à travailler, en lien avec Bercy, à de nouvelles simplifications du droit des sociétés et à de potentiels allégements des normes comptables et fiscales. Je suis d'ailleurs à la totale disposition des parlementaires qui s’intéressent à ces sujets, de manière à améliorer les choses tous ensemble. C’est notamment ce que j’ai pu faire, hier, avec les membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat et la mission de simplification, autour de Jean-Marie Bockel et de Rémy Pointereau.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous dire l’attachement que je porte au Sénat et à la qualité de ses travaux et je tiens vraiment à vous remercier pour l’attention que vous portez à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai très bref.

Nous examinons, en deuxième lecture, le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.

Je ne reviendrai pas sur le fond de ce texte, dont nous avons déjà discuté dans cette enceinte. Sur la proposition de la commission, le Sénat y a apporté des modifications et des compléments, que le Gouvernement a acceptés, respectant ainsi le travail réalisé par la commission.

Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est parce que l’Assemblée nationale a dû corriger deux erreurs de rédaction qui résultaient de l’amendement présenté au dernier moment devant le Sénat par le Gouvernement en première lecture, pour assurer une application rétroactive de la disposition particulière, introduite par la commission, concernant les sociétés anonymes dont l’État est l’actionnaire unique.

Monsieur le secrétaire d'État, je me suis demandé si j’allais revenir sur ces erreurs de rédaction et sur les raisons qui nous ont conduits à être saisis une deuxième fois de ce texte. Après avis de la commission, j’ai décidé, par égard pour votre personne, de ne pas le faire.

M. Philippe Dallier. Bravo ! (Sourires.)

M. André Reichardt, rapporteur. Je n’en dirai pas davantage. J’invite simplement le Sénat à adopter ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Explications de vote

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, qu’ajouter à ce que vient de dire notre rapporteur, si ce n’est que cette deuxième lecture du projet de loi aurait pu être évitée ? Encore qu’elle nous donne l’occasion de revoir notre ancien collègue, devenu secrétaire d'État… Rien que pour cela, elle en valait peut-être la peine ! (Sourires.)

M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État. Merci !

M. Thani Mohamed Soilihi. Mes chers collègues, je vous invite à mon tour à adopter ce projet de loi, qui va dans le bon sens – il avait d'ailleurs été adopté à l’unanimité dans cet hémicycle en première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Quel remarquable esprit de synthèse ! (Sourires.)

M. Philippe Dallier. Ce sera difficile de faire mieux !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, dont je salue la première intervention, en cette qualité, dans l’hémicycle du Sénat, mes chers collègues, du fait de la procédure retenue, en application de l’article 47 ter de notre règlement, nous nous prononçons aujourd’hui directement sur l’ensemble du projet de loi de ratification de l’ordonnance du 10 septembre 2015 relative aux sociétés anonymes non cotées.

Le texte adopté en commission des lois ne comporte pas de modifications par rapport à celui adopté par l’Assemblée nationale. La délibération sera donc relativement rapide, d’autant que ce n’est tout de même pas le texte majeur de la session parlementaire… (Sourires.)

La réduction de sept à deux du nombre minimal d’actionnaires pour constituer une société par actions non cotée est présentée comme favorisant l’attractivité du régime des sociétés anonymes pour les PME, notamment familiales, et la compétitivité du droit français des affaires.

Les membres du groupe du RDSE, soucieux de défendre les intérêts des petits entrepreneurs, souscrivent au principe de cette mesure. C’est pourquoi nous voterons l’adoption conforme du projet de loi, de même que nous avons voté en sa faveur en première lecture.

Toutefois, comme l’a rappelé le rapporteur, le texte est loin d’épuiser la question de la simplification du droit des affaires. Le Gouvernement affirme que c’est une réforme attendue par les acteurs économiques ; je l’espère sincèrement. Cependant, les modifications ponctuelles, par couches successives et par voie d’ordonnance, ne sont pas forcément le meilleur moyen de simplifier réellement et, surtout, d’améliorer la qualité et la lisibilité du droit.

Compte tenu de son caractère ponctuel, cette réforme risque de désorienter les acteurs ou de passer inaperçue.

En vérité, depuis la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, aucune réforme de grande ampleur du droit des affaires n’a été engagée. C’est pourtant un enjeu majeur de modernisation réelle, de simplification et de dynamisme économique.

Par ailleurs, au-delà de la simplification du droit se pose la question de la simplification de l’accès à ce droit, en particulier pour les petits entrepreneurs, qui critiquent de manière récurrente l’illisibilité des règles applicables en matière de réglementation commerciale ; elles sont donc difficiles à comprendre.

Compte tenu de ces différentes remarques, si nous apportons un accord de principe au présent projet de loi, nous appelons de nos vœux une réforme plus globale du droit des affaires.

Madame la présidente, vous remarquerez que, prenant modèle sur le projet de loi, qui réduit de sept à deux le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, je n’ai utilisé que deux des sept minutes qui m’étaient allouées ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe CRC.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les hasards – ou peut-être les coïncidences – de l’actualité et de l’activité parlementaire font que nous débattons, ce matin, de l’adoption conforme d’un texte modifiant le droit des sociétés, singulièrement le seuil de création des sociétés anonymes, au moment même où des milliers de salariés, d’étudiants, de privés d’emploi, de retraités s’apprêtent à manifester dans les rues des villes de France pour défendre la modernité du code du travail et rejeter le « projet de loi El Khomri », qui consacrerait moult retours en arrière.

Je ne peux que constater que, alors même que le présent texte de loi permet de faciliter la création d’entreprises, tout en préservant, autant que faire se peut, l’intégrité du patrimoine privé des entrepreneurs, nous risquons d’atteindre sous peu un degré supplémentaire en matière de précarité au travail.

Mais revenons rapidement sur les données du texte.

L’article restant en discussion n’appelle pas d’observations critiques particulières, d’autant qu’il ne fait que confirmer une donnée assez évidente, à savoir que les dispositions du projet de loi, qui ratifie lui-même une ordonnance, ne trouvent pas à s’appliquer aux entreprises dont l’État s’avère l’unique actionnaire.

Pour en revenir au fond du débat, nous constatons que nous devrions observer, dès la promulgation du présent texte, un mouvement de « sociétisation » des entreprises et un recul correspondant des exploitations en nom propre, artisanales, industrielles ou commerciales, associé à une certaine rationalisation de l’activité des auto-entrepreneurs. Cela ne manquera pas d’avoir quelque influence, au moins dans deux domaines.

Le premier effet que nous observerons, c’est que le patrimoine des entrepreneurs sera quelque peu préservé en cas de procédure collective, toute liquidation ou cessation anticipée d’activité ne portant en effet que sur le patrimoine destiné à l’exercice de l’activité commerciale.

Le second processus est plus important. La « sociétisation » fera glisser une bonne part des contribuables physiques soumis à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux dans le régime de l’impôt sur les sociétés.

Au moment même où l’on entend modifier le droit en matière de recouvrement de l’impôt, via la retenue à la source sur les salaires, traitements, pensions et retraites, l’opération est finalement assez astucieuse, puisque le passage de l’impôt sur le revenu à l’impôt sur les sociétés emporte le versement d’acomptes provisionnels, qui pourraient alimenter plus sûrement les caisses de l’État que ne le font des versements tardifs de régularisation de l’impôt…

Nous sommes donc face à un texte « gagnant-gagnant » entre les intérêts de l’État et ceux des entrepreneurs, avec, pour ceux-ci, une plus grande sécurité juridique, qui, dit-on, pourrait raffermir l’esprit d’entreprise.

Mais tout cela, évidemment, nous nous en rendrons compte sur la durée, même si le mouvement naturel de l’économie poussait déjà les entrepreneurs à adopter la forme de la société de capitaux plus que celle de la société de personnes.

Cependant, au-delà de cette sollicitude pour les créateurs d’entreprise, qui pourrait presque donner à quelque cadre expérimenté l’envie de créer une société, avec un risque « calculé », voilà que l’air du temps est à la remise en cause des droits acquis et/ou à développer des salariés.

Par commodité, certains opposent les salariés les uns aux autres, en confrontant, par exemple, fonctionnaires et salariés de droit privé, salariés dits « inclus », travaillant sous contrat à durée indéterminée, et salariés dits « exclus », victimes de la précarité et des contrats à durée déterminée, dans une dualité de plus en plus conflictuelle et soigneusement entretenue par un appareil législatif qui traduit souplesse et flexibilité en précarisation, non-reconnaissance des qualifications et sous-rémunération du travail.

Le présent texte protège l’entrepreneur des conséquences que pourraient entraîner les difficultés de son entreprise sur l’intégrité de sa personne et sur son patrimoine non affecté à l’activité, quand le « projet de loi El Khomri » fait porter le risque industriel sur les salariés, dont le licenciement sera rendu bien plus facile s’il était adopté en l’état.

Il nous semble au contraire qu’il serait bienvenu, en revenant sur la philosophie générale de la réforme du code du travail, telle que définie aujourd’hui, de veiller à donner aux salariés de notre pays la même sécurité que celle que le projet de loi dont nous débattons entend donner aux entrepreneurs.

La compétitivité de l’économie française, si chère à certains, ne peut, à notre avis, se construire sur les ruines de la formation et des qualifications de la main-d’œuvre, aujourd’hui précarisée. Des entrepreneurs audacieux et sereins, des salariés pourvus de droits effectifs, voilà ce qui fera avancer notre économie.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, dans ce contexte, nous ne pourrons, hélas ! que confirmer notre abstention vigilante de première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées
 

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Article 18 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 18 bis

République numérique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (projet n° 325, texte de la commission n° 535, rapport n° 534, tomes I et II, avis nos 524, 525, 526 et 528).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.

TITRE IER (SUITE)

LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR

Chapitre II (suite)

Économie du savoir

Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous poursuivons, au sein du chapitre II du titre Ier, l’examen des amendements déposés à l’article 18 bis, dont je rappelle les termes :

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Articles additionnels après l'article 18 bis

Article 18 bis (suite)

Dans les contrats conclus par un éditeur avec un organisme de recherche ou une bibliothèque ayant pour objet les conditions d’utilisation de publications scientifiques, toute clause interdisant la fouille électronique de ces documents pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité directement ou indirectement commerciale, est réputée non écrite. L’autorisation de fouille ne donne lieu à aucune limitation technique ni rémunération complémentaire pour l’éditeur.

La conservation et la communication des copies techniques issues des traitements, aux termes des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, sont assurées par des organismes dont la liste est fixée par décret.

Le présent article est applicable aux contrats en cours.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 457, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa du 9° de l’article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … Les copies ou reproductions numériques réalisées à partir d’une source licite, en vue de l’exploration de textes et de données pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité commerciale. Un décret fixe les conditions dans lesquelles l’exploration des textes et des données est mise en œuvre, ainsi que les modalités de conservation et de communication des fichiers produits au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites. » ;

2° Après le 4° de l’article L. 342-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … Les copies ou reproductions numériques de la base réalisées par une personne qui y a licitement accès, en vue de fouilles de textes et de données dans un cadre de recherche, à l’exclusion de toute finalité commerciale. La conservation et la communication des copies techniques issues des traitements, au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, sont assurées par des organismes désignés par décret. Les autres copies ou reproductions sont détruites. »

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Qu’est-ce que la fouille automatique de données et de textes, le Text and Data Mining, ou TDM ? C’est une pratique qui vise à rechercher dans une masse de publications des éléments de corrélation pouvant permettre aux scientifiques de mieux comprendre les liens entre des phénomènes en apparence distincts. Elle a pour intérêt de mettre en évidence des corrélations qui ne sont pas visibles de prime abord, puisque, justement, on ne peut les faire apparaître qu’en élargissant massivement le panel des publications étudiées.

Tout le problème réside dans le respect, dans ces conditions, du droit d’auteur, mais aussi des conditions imposées par les éditeurs. Nous retrouvons là encore les mêmes géants en position de quasi-monopole, comme Elsevier. Ce sont ces éditeurs qui imposent des limitations aux outils relevant du TDM et qui, par conséquent, empêchent la recherche de s’exercer. Nous revenons ici à la question, qui sous-tend le projet de loi, du bien commun qu’est la donnée et de l’utilisation que nous pouvons en faire.

En l’occurrence, la recherche scientifique et les données qui en sont issues sont clairement assimilables à du bien commun. La philosophie même de la recherche scientifique n’est-elle pas le partage de la connaissance ?

Dans ces conditions, le droit d’auteur, qui ne profite pas aux auteurs, paraît trop restrictif en France, dans la mesure où il n’autorise absolument pas des consultations de type TDM, même informatisées à grande échelle. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale avait retenu cette rédaction, de manière à créer une exception au droit d’auteur pour toute recherche dépourvue de finalité commerciale. L’encadrement de cette exception était suffisamment large pour empêcher tout abus. Ce compromis avait obtenu l’aval des chercheurs, fortement mobilisés sur cette question.

Le TDM est désormais largement reconnu par le monde académique international comme un outil de recherche et d’exploration efficace. Il s’agit là d’une vraie question d’indépendance et de capacité de notre recherche.

La rédaction actuelle de l’article, privilégiant la contractualisation, est à la fois bancale, trop large et coûteuse pour les chercheurs. Ces derniers continueront certainement d’utiliser librement ces outils à l’étranger.

Mme la présidente. L'amendement n° 544 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa du 9° de l’article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … Les copies ou reproductions numériques réalisées à partir d’une source licite, en vue de l’exploration de textes et de données pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité commerciale. Un décret fixe les conditions dans lesquelles l’exploration des textes et des données est mise en œuvre, ainsi que les modalités de conservation et de communication des fichiers produits au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites ; ces fichiers constituent des données de la recherche. » ;

2° Après le 4° de l’article L. 342-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … Les copies ou reproductions numériques de la base réalisées par une personne qui y a licitement accès, en vue de fouilles de textes et de données dans un cadre de recherche, à l’exclusion de toute finalité commerciale. La conservation et la communication des copies techniques issues des traitements, au terme des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, sont assurées par des organismes désignés par décret. Les autres copies ou reproductions sont détruites. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La rédaction de l’article 18 bis issue des travaux de la commission des lois du Sénat n’autorise pas la fouille de textes et de données à des fins de recherche scientifique, mais l’organise dans le cadre de relations contractuelles – entre organismes de recherche ou bibliothèques et éditeurs – dont les rapports de force sont déséquilibrés.

Notre amendement tend à prévoir une exception au droit d’auteur en autorisant, en vue de la fouille de textes et de données pour les besoins de la recherche, les copies et reproductions numériques effectuées à partir de sources licites. Il s’agit donc de permettre la libre fouille de textes et de données à des fins scientifiques afin de soutenir une recherche publique française libre, ouverte et présente au meilleur niveau mondial.