M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, assister au baptême d’une nouvelle institution en matière de développement est tout de même assez original : c’est une grande chance que nous avons là ! Je tiens à vous dire à ce propos, monsieur le secrétaire d’État, que l’ensemble de mon groupe soutient la ratification de cet accord.

Aide-toi, le ciel t’aidera ! Dans la culture chinoise, on évoquerait plutôt Sun Wukong se délivrant de la montagne qui l’emprisonne. La Chine, n’étant pas parvenue à faire du FMI ce qu’elle voulait, a choisi de créer une institution qui a été présentée comme une véritable concurrente du Fonds, mais qu’il faudra bien, à un moment ou à un autre, rendre compatible avec lui.

M. le rapporteur a très bien expliqué les raisons politiques, économiques et stratégiques de cette initiative. Par ailleurs, on sait à quel point le développement représente aujourd’hui une absolue nécessité pour permettre d’endiguer à la fois les disparités régionales et la montée des extrémismes. On ne peut donc qu’être extrêmement content et ambitieux pour ce nouvel établissement.

Cela étant, la composition de ses cinquante-sept membres fondateurs est révélatrice : on y trouve aussi bien l’Arabie Saoudite et l’Iran qu’Israël, ce qui prouve que la Chine a pu rassembler autour de ce projet des pays dont les politiques sont en apparence diamétralement opposées. À la lumière de cette liste, on voit bien que l’AIIB est ambitieuse.

Cette nouvelle banque devra néanmoins répondre à un certain nombre de questions sur des marchés financiers disparates.

On peut d’abord s’interroger quant à sa coopération avec les institutions qui lui sont similaires. L’Agence française de développement a déjà été évoquée ; on peut aussi mentionner la Banque islamique de développement. De fait, un vaste ensemble de coopérations va devoir se mettre en place.

Parmi les membres de cette banque, on trouve le premier pays musulman du monde, l’Indonésie. Des produits financiers islamiques, qui sont recherchés et font la gloire de la City, seront-ils proposés ? Même s’ils n’existent pas encore, il s’agit de produits d’appel extrêmement importants, qu’il faudra rendre compatibles avec d’autres produits financiers.

Quelle politique stratégique sera conduite par cette banque ? Il va falloir attendre pour le savoir. Comme dans tout établissement, c’est l’aspect stratégique qui sera le plus important ; la gouvernance ne le sera pas moins, comme l’a souligné Jean-Pierre Raffarin.

Dans cette banque, la France jouera un rôle extrêmement important, avec 3,44 % de suffrages. C’est modeste, mais concret.

La pratique de la chaise tournante pour les pays européens est bonne. C’est une pratique qu’il faudra probablement améliorer et réitérer dans un certain nombre d’institutions. Monsieur le secrétaire d’État, vous savez que je milite pour un siège d’observateur de l’Union européenne au sein de l’Organisation de la coopération islamique. Il pourrait prendre cette forme. S’agissant d’ailleurs de nombreuses organisations régionales, qui sont extrêmement importantes, ce serait aussi une bonne solution.

Ces interrogations demeurent, mais, aujourd’hui, le principe vaut plus que les modalités. C’est pourquoi l’ensemble du groupe UDI-UC soutient ce projet de loi de ratification, même s’il émet une attente importante, notamment en matière d’investissement et de stratégie.

Nos préoccupations ont en effet trait aux investissements chinois urbi et orbi, en particulier en matière de terres agricoles. Il faudra donc que ces 3,44 % soient mis au service non seulement du contrôle, mais aussi de l’influence sur la stratégie générale qui sera développée à travers ces investissements et par cet établissement auquel nous souhaitons bon vent. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Mme Bariza Khiari applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la genèse de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures est historiquement récente. Elle est néanmoins complexe et intéressante d’un point de vue diplomatique.

D’une manière significative, la création de cet établissement a été annoncée au mois d’octobre 2013 par le président chinois devant le Parlement de la République d’Indonésie. On peut estimer que le projet initial était essentiellement destiné à promouvoir et à développer les seuls intérêts chinois et à permettre la poursuite du développement économique de la Chine par la conquête de nouveaux marchés.

Pour la Chine, en effet, il s’agissait de faciliter la circulation de ses exportations et de ses importations en améliorant la qualité des ports et des routes du sud de l’Asie, voire en créant de nouvelles voies, éventuellement ferroviaires, afin de se raccorder à l’Europe. En d’autres termes, il fallait améliorer les infrastructures, ce qui devait logiquement attirer plus d’investissements dans la région.

La création de cette banque avait sans doute aussi pour objectif de renforcer la présence de la Chine au sein des institutions financières internationales, où elle se sent insuffisamment représentée, compte tenu de sa place dans l’économie mondiale. Elle s’inscrit aussi dans le contexte des luttes d’influence géopolitiques entre conceptions différentes dans un monde multipolaire, ce qui explique que ce projet ait beaucoup évolué au cours des années.

Les États-Unis et le Japon redoutaient que l’AIIB ne soit une institution financière concurrente et rivale des banques qui existaient déjà et un outil au service de l’expansion économique chinoise.

De leur côté, les pays européens y voyaient un moyen de placer les investissements régionaux chinois dans un cadre plus coopératif et d’inciter la Chine à s’insérer réellement dans le groupe des principaux acteurs de l’aide au développement.

Les statuts de la Banque ont ainsi fait l’objet d’un processus de négociation entre les membres fondateurs potentiels. La France et ses partenaires européens se sont heureusement entendus pour présenter une position unifiée sur ce sujet. On peut donc considérer que c’est grâce à leur position commune qu’ils ont obtenu, dans les statuts, des garanties et des mesures de sauvegarde de nature environnementale et sociale, mais aussi des garanties sur la transparence des marchés publics, que ce soit du point de vue du respect des procédures d’appel d’offres, de la transparence des candidatures ou du pilotage des études d’impact.

La Chine a également fait des efforts notables en matière de gouvernance, puisqu’elle a réduit sa part du capital de 50 % à environ 30 %. De plus, elle a accepté que la part de capital de la Banque allouée aux États non régionaux puisse être élargie à 30 %, et ce notamment dans la perspective d’une adhésion des États-Unis et du Canada.

Enfin, les statuts de la Banque étant largement inspirés de ceux de la Banque mondiale et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, dont la France est membre, il faut en conséquence reconnaître le pragmatisme et la bonne volonté des autorités chinoises.

Certes, l’influence et le pouvoir décisionnel de notre pays ne pourront être que très modestes en raison des 3,7 % de capital qu’il détient. Malgré ces conditions, que nous n’avons pas le pouvoir de transformer, et malgré l’absence d’une vision de l’aide au développement identique à la nôtre, d’un strict point de vue de défense et de promotion de nos intérêts économiques, le groupe CRC considère que la France a eu raison de signer l’accord que nous sommes amenés à ratifier aujourd’hui.

Nous devons maintenant prendre toute notre place au sein de cette nouvelle institution. Dans ce cadre, si nos entreprises savent être présentes, les retombées bénéfiques peuvent être importantes pour elles et pour les populations. Je pense en particulier aux secteurs de l’assainissement, de l’eau et des villes propres.

Autre atout, nous pouvons appuyer avec lucidité et vigilance le développement international de la Chine dans cette partie du monde. Ce sera certainement apprécié de pays comme le Laos, le Cambodge ou le Vietnam, qui ne souhaitent pas être seuls face à ce grand pays et qui connaissent notre culture et notre histoire, pour l’avoir parfois douloureusement partagée.

Enfin, en termes d’équilibre mondial et de régulation, dans cette région tout particulièrement, il est bon que se mettent en place des institutions financières internationales moins dépendantes des États-Unis, qui dominent et contrôlent des institutions comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, ou encore la Banque asiatique de développement.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen votera ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Giraud.

Mme Éliane Giraud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi autorisant la participation de la France à la création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures est un moment important. La démarche adoptée par la France depuis 2015 est exemplaire, puisqu’elle a impliqué ses partenaires européens.

L’initiative de la Chine participe d’une stratégie globale appelée « route de la soie », qui vise à asseoir l’influence de cette dernière tant en Asie du Sud-Est et en Asie centrale, que face à des institutions financières dominées par les Occidentaux et le Japon. Elle s’appuie sur une démarche répondant à une nécessité bien réelle.

En effet, le besoin en matière d’infrastructures a été évalué à 8 000 milliards de dollars pour la seule période allant de 2010 à 2020, ce qui représente donc un besoin annuel de l’ordre de 800 milliards de dollars. Or ce besoin n’est couvert que partiellement par les institutions existantes, telles que Banque mondiale ou la Banque asiatique de développement. Ainsi, ces dernières n’investissent actuellement qu’environ 42 milliards de dollars par an. Cette carence représente évidemment une entrave au développement et à la croissance des pays d’Asie du Sud-Est, d’Asie centrale et d’Asie du Sud.

L’AIIB repose aussi sur cette idée plus ancienne, qui prend sa source dans la crise asiatique de 1997, selon laquelle les acteurs régionaux doivent devenir moins dépendants des institutions financières dominées par les États-Unis.

Cette institution à venir participe de la lutte d’influence que se livrent la Chine et le couple nippo-américain. Elle s’inscrit dans un contexte où les États-Unis ont entamé un pivotement vers l’Asie avec la signature de l’accord de partenariat transpacifique, dont nous observerons l’évolution avec la campagne présidentielle américaine.

Face à cette approche frontale, la France a œuvré activement avec les pays européens en préférant une approche coopérative. C’est au mois de mars 2015 que, avec l’Allemagne et l’Italie, elle a décidé de rejoindre le groupe des membres fondateurs de l’AIIB. Ce statut lui confère le droit de participer aux négociations relatives à l’élaboration des statuts de la Banque.

La participation de la France au capital serait ainsi de 3,37 %, soit 3,375 millions de dollars. Elle est proportionnelle à son PIB et lui permet de détenir 3,19 % des droits de vote totaux et 11,9 % des droits de vote des membres non régionaux.

L’intention des Européens est de considérer ce projet comme une opportunité d’inciter les investissements chinois à évoluer dans un cadre plus coopératif, doté, comme on va le voir, d’une certaine densité normative. Il s’agit aussi d’encourager la Chine à intégrer plus étroitement le groupe des États disposant d’une importante aide au développement.

Ainsi, les dix-sept pays européens devenus membres fondateurs de l’AIIB se coordonnent afin d’influencer les statuts de la Banque. Ils ont pu obtenir une réduction du capital de la Chine – il est passé de 50 % à 30 % –, l’absence de droit de veto, une part de capital allouée aux États non régionaux de 25 % qui pourrait augmenter à hauteur de 30 % dans l’éventualité d’une adhésion des États-Unis et du Canada, des standards en matière de règles de passation de marchés qui lui permettront de mettre en place des cofinancements, des modifications en matière d’environnement – avec une mention explicite au concept de développement durable et la mise en œuvre des engagements de la COP21 –, de droit social – avec l’exclusion du travail des enfants ou du travail forcé –, de politiques financières et de relations avec les autres institutions.

L’idée directrice est bien de transformer une institution qui était vouée à devenir un levier d’influence exclusivement chinois en une institution multilatérale. C’est dans cet esprit que la participation de la France à ce projet prend tout son sens. Cette idée permet à la Chine de mieux s’insérer dans le concert des institutions internationales, à la mesure de son poids économique et politique.

La France, avec ses partenaires européens, a choisi de participer activement à ce processus dans lequel elle a vu une double opportunité. Il s’agit non seulement de contribuer activement au développement du continent asiatique, ce qui est le cas de nombreuses entreprises françaises et l’un de nos objectifs, mais aussi de contribuer à une meilleure insertion de la Chine au sein des politiques de développement et d’entrer ainsi dans une logique de coopération plutôt que de concurrence dans ce domaine.

Monsieur le secrétaire d’État, en adoptant ce projet de loi de ratification, on peut dire, à la suite de Jean-Pierre Raffarin, que l’Europe a peut-être fait sienne la stratégie du général chinois, qui doit gagner la guerre sans avoir à la livrer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, siéger ensemble, financer ensemble, construire ensemble ne peut que faire baisser les tensions et éloigner les conflits. De cela, nous nous réjouissons.

La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, créée sur l’initiative de la Chine, entend combler les besoins en financement des infrastructures de la région Asie-Pacifique, évalués à près de 8 000 milliards de dollars sur dix ans. La région pâtit, en effet, d’un retard considérable dans ce domaine.

Cette création s’inscrit évidemment pleinement dans la politique étrangère de la Chine et dans sa volonté de renforcer son influence, mais l’appel à candidatures pour participer à l’élaboration des statuts de cet établissement a permis à plusieurs pays européens d’œuvrer en faveur d’une dimension réellement multilatérale.

Le statut de membres fondateurs potentiels de la France et des partenaires européens a permis un droit de veto pour les pays non régionaux, la prise en compte de la soutenabilité de la dette publique des pays récipiendaires, l’inscription du développement durable dans le mandat de la Banque, la mention explicite des droits de l’homme dans les statuts, ou encore l’ajout dans la liste d’exclusion du travail forcé et du travail des enfants. Il s’agit là de belles avancées et nous serons vigilants pour qu’elles soient effectives et que des critères soient prévus pour les futurs prêts accordés par la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures.

Bruno Bézard, directeur général du Trésor, décrivait dans son audition la Chine comme un « franc-tireur », « ce qui nous gêne parfois, ajoutait-il, comme en Afrique, où elle prête dans des conditions parfois opaques à des pays ».

Les standards des uns ne sont pas toujours les standards des autres. C’est pourquoi la France, avec ses partenaires européens, doit se montrer intransigeante en matière de respect des droits de l’homme, ou encore de prise en compte de l’impératif environnemental. La grande diversité des membres fondateurs est donc un signal positif pour concilier rigueur, efficacité et bons échanges.

Reconnaissant l’utilité d’une telle structure multilatérale, appelant, comme le Gouvernement et la commission, à la bienveillance, à la vigilance et à la cohérence sur les valeurs qui sont les nôtres, le groupe écologiste votera ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Henri de Raincourt. Je remercie tout d’abord Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères et rapporteur de ce texte, du travail excellent qu’il a accompli dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, mais aussi de son engagement permanent et de sa passion communicative pour le développement constant des relations les plus harmonieuses entre la France et la Chine. Il s’agit en effet d’un engagement extrêmement positif. À cet égard, les propos qu’il a tenus doivent nous encourager – avec bienveillance et vigilance, comme vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État – dans cette opération de participation à la création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Henri de Raincourt. Cette innovation traduit les évolutions profondes qui se font jour dans cette partie du monde, et la France ne doit pas rester à l’écart de ces changements. En effet, si nous demeurons en retrait, c’est l’ensemble de notre pays qui perdra en influence, notamment du point de vue économique.

Nous devons donc porter un regard pragmatique, mais aussi volontaire sur le rôle de la Chine dans cette région et dans le monde. Sur ce point, je n’aurai pas l’audace de répéter ce qu’a parfaitement démontré Jean-Pierre Raffarin.

C’était l’un des objectifs de notre commission, à travers le groupe de travail sur la Chine, créé sur l’initiative de Jean-Pierre Raffarin, dont le rapport d’information s’intitule La Chine : saisir les opportunités de la croissance. La nature de cette croissance change et son taux varie. Il est par conséquent très important de comprendre ce que représente la création de cette nouvelle banque au regard de ces mutations.

Bien sûr, c’est le résultat d’une diplomatie financière extrêmement active, commencée depuis longtemps déjà, au service de l’évolution de la croissance intérieure chinoise. Nos partenaires chinois sont en effet très réactifs.

Certes, pour gagner une guerre, il vaut sans doute mieux ne pas la livrer, mais Deng Xiaoping considérait quant à lui que, « pour s’enrichir, il faut d’abord construire des routes ». (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) Force est de constater que la création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures est au fond la construction d’une « route fiduciaire », prolongement de la route de la soie,…

M. Charles Revet. C’est bien dit ! (Sourires.)

M. Henri de Raincourt. … permettant la construction de « routes matérielles », dont la Chine sera le maître d’œuvre. Ce projet a été lancé en même temps que la stratégie de la nouvelle route de la soie, souhaitée, voulue et mise en œuvre par le Président Xi Jinping.

Les objectifs sont clairs : améliorer la connectivité sur le continent asiatique et renforcer les liens non seulement avec les pays de la région, mais aussi – c’est très important – au-delà.

Les moyens sont tout aussi clairs : regrouper une route terrestre et une route maritime renforçant les connections entre la Chine et les pays d’Asie du Sud, l’Afrique – ne l’oublions pas – et l’Europe.

Cette diplomatie financière s’est concrétisée par le renforcement de l’influence chinoise au sein des institutions financières mondiales et par la création de fonds fiduciaires qui cofinancent les projets soutenus par des banques dont la Chine est devenue actionnaire dans le monde.

Néanmoins, cette nouvelle structure est une réponse concrète, à la fois au manque de structures financières et aux limites capacitaires de celles qui existent.

Les besoins en matière de développement d’infrastructures de base sont estimés à 8 000 milliards de dollars d’ici à 2020. C’est considérable. À titre de comparaison, les capacités de prêts de la Banque asiatique de développement sont évaluées à 30 milliards de dollars par an, alors que celles de la Banque mondiale s’élèvent à 12 milliards de dollars. C’est dire les échelles dans lesquelles nous nous situons.

Par ailleurs, les structures classiques bancaires répondent à des procédures strictes, limitant leurs expositions aux risques financiers et de corruption, mais allongeant les délais de mise en œuvre.

Aussi la création de cette banque avec cinquante-sept membres fondateurs, dont quatorze sont issus de l’Union européenne, est-elle une évolution positive, qu’il faut regarder comme telle. Certes, elle traduit la volonté chinoise de peser davantage dans le domaine du financement multilatéral, à défaut d’obtenir une plus grande représentation dans les institutions financières internationales actuelles.

Deux autres questions sont sous-jacentes, mais restent très importantes à nos yeux. Quelle place pour la France dans ce nouveau multilatéralisme au regard de sa politique de développement ? Comment rester offensif sur ces nouveaux marchés face à un « mastodonte » des marchés de capitaux ?

Pour nous, la France doit prendre toute sa part et être pragmatique dans la mise en œuvre de ces changements sans pour autant renoncer à ses valeurs. En témoignent d’ailleurs les efforts d’intégration à l’accord des normes sociales et environnementales ; vous y avez fait référence, monsieur le secrétaire d’État.

C’est aussi cela la singularité de notre pays. Même si la France ne détient que 3,4 % du capital, elle sera cependant, toutes choses égales par ailleurs, le deuxième actionnaire non régional.

Monsieur le secrétaire d’État, l’entrée au capital de cette banque ne peut être déconnectée des annonces d’augmentation de 4 milliards d’euros de l’aide publique au développement d’ici à 2020.

Il va de soi que le groupe Les Républicains votera en faveur de ce projet de loi. Je souhaite néanmoins que, au fur et à mesure que se créent ces nouveaux organismes de financement pour le développement, l’on parvienne à définir de grandes orientations en matière de politique de développement sur le plan international.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Charles Revet. C’est indispensable ! C’est comme cela que l’on avance !

M. Henri de Raincourt. On ne peut pas continuer à s’engager dans de grandes opérations multilatérales et, dans le même temps, affirmer que l’on préfère les relations bilatérales. Il faut comprendre que le développement est la clef de la paix et de la sécurité dans le monde. Cela mérite que l’on se penche sur ce sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Charles Revet. Excellent !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi autorisant la ratification de l'accord portant création de la banque asiatique d'investissement dans les infrastructures

Discussion générale (suite)
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord portant création de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (ensemble deux annexes), signé à Pékin le 29 juin 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Vote sur l'ensemble

Article unique
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.

M. Pascal Allizard. À mon tour, j’adresse mes félicitations à Jean-Pierre Raffarin pour son travail sur ce texte.

En tant que président du groupe France-Pakistan, je tiens à rappeler que le Pakistan est l’un des membres fondateurs de cette banque. Pour avoir effectué un voyage dans ce pays voilà quelques semaines, je veux appeler l’attention du secrétaire d’État sur le caractère quelque peu paradoxal de la situation.

En effet, grâce à cette nouvelle banque et à ces routes de la soie qui sont concrètes, 42 milliards de dollars de travaux sont engagés, notamment pour le développement du port de Gwadar au Pakistan ; un certain nombre d’entreprises françaises se positionnent. Paradoxalement, certaines d’entre elles ne parviennent pas à se financer auprès de banques françaises qui – cela mérite d’être signalé – ont peur des mesures de rétorsion de la part des États-Unis.

M. Pascal Allizard. Certains projets sont donc financés par des banques allemandes ou néerlandaises, dont je m’étonne qu’elles ne soient pas exposées aux mêmes sanctions.

Par ailleurs, il faut revoir la politique de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, vis-à-vis de l’accompagnement de ces entreprises. Pour ces pays, le risque souverain étant jugé extrêmement élevé, aucune assurance n’existe.

La création de cette banque est une très bonne initiative. Il faut bien évidemment adopter ce projet de loi de ratification, mais des progrès restent à accomplir, monsieur le secrétaire d’État.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

M. le président. Je constate que ce projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents. (Bravo ! et applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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